droit international compétence extraterritoriale

La compétence extraterritoriale de l’État

L’étirement des compétences traditionnelles de l’État : l’extraterritorialité

l’État étant lui-même traditionnellement défini en droit international public comme la convergence d’un peuple, d’un territoire et d’une souveraineté. L’extraterritorialité est donc une exception à l’exercice de la souveraineté par un État sur son territoire. L’extraterritorialité pourrait donc consister pour un État à ce qu’il accepte et reconnaisse par exception qu’un État tiers puisse mettre en œuvre sa propre souveraineté pour l’État qui n’est pas le sien.

La notion d’extraterritorialité vient du droit international public.

  • Du point de vue de l’État qui la subit, cela consiste à laisser s’exercer l’autorité d’un État étranger sur une partie de son propre territoire.
  • Du point de vue de l’État qui l’exerce, l’extraterritorialité est le fait d’exercer certaines de ses compétences (exécutives, juridictionnelles et normatives) dans des situations pour lesquelles il n’existe pas de lien de compétence reconnu en droit international (territoire et nationalité notamment) ; par exemple, une loi américaine s’appliquant à des personnes non américaines pour des activités ne se déroulant pas sur le territoire américain.

  1. 1. La question de l’extra territorialité du droit étatique

La question de l’extra territorialité du droit étatique, le droit va s’appliquer au delà du territoire national. Dans certains cas elle est admise et dans d’autres interdites.

a) L’extra territorialité autorisée

L’extra territorialité est admise quand l’État fait jouer la compétence personnelle à l’égard de ses nationaux. Y compris pour les ambassades.

Il y a un cas qui prête plus à discussion en ce qui concerne le droit de la concurrence. Art 81 et 82 du traité de Rome interdisent les abus de position dominante et les ententes entre les entreprises. L’idée est que la libre concurrence permet de développer l’économie et de satisfaire au mieux les besoins des consommateurs. Il faut d’une part interdire les abus de positions dominantes et les ententes.

Abus de position dominante : En concevant son logiciel, Microsoft avait fait en sorte que ne puisse être installé sur Windows que des logiciels Microsoft. L’abus de position dominante est interdit. En l’occurrence lorsque Microsoft veut interdire techniquement l’installation d’un logiciel concurrent il étouffe la concurrence. La Commission européenne a été saisie d’une plainte. Elle a considéré que Microsoft abusait de sa position dominante. Elle a imposé une amande très forte à Microsoft et interdit la vente du programme empêchant l’utilisation de programme concurrent.

L’entente : deux entreprises se mettent d’accord pour fixer les SMS au même prix. Cela empêche le mécanisme de l’offre et de la demande de fonctionner.

Est-ce que lorsque la commission européenne impose certaines règles à Microsoft, on a une forme d’extra territorialité ? La question s’est posée dans une autre affaire de 1988, connue par la CJCE, « entreprise de pate de bois », la question de l’extra territorialité a été posée. L’entreprise s’était vu imposer une amande pour une entente. Elle a fait un recours devant la CJCE en invoquant le fait que le droit communautaire s’exerçait de manière extra communautaire. Pour la Cour dès lors qu’une atteinte à la cooccurrence produit des effets sur le territoire communautaire, le droit communautaire s’applique et ce, grâce au principe de territorialité. On parle de territorialité des effets.

Si on transpose à l’affaire à Microsoft, dès lors que Microsoft veut vendre ses logiciels sur le droit communautaire, le droit communautaire s’applique.

Parfois une décision communautaire peut avoir des effets extra territoriaux. Par exemple, on peut imaginer que Microsoft a modifié son programme après la condamnation de la CJCE et qu’il l’a ensuite fait au niveau mondial.

Autre exemple : arrêt Bosman portant sur la libre circulation des footballeurs. Bosman jouait dans un club belge et voulait être transféré dans un club français. A l’époque la FIFA imposait aux clubs de verser une somme d’argent au club qui allait le recruter. Il y avait aussi une clause de nationalité. La CJCE a considéré que la clause de nationalité et le versement de la somme d’argent portait atteinte là la libre circulation des personnes. Hors ces règles constituent pour la Cour des entraves.

Suite à cet arrêt la FIFA qui est une instance mondiale a modifié ses règles. Les règles qui s’appliquaient sur le territoire communautaire ont été modifiées si bien que tous les clubs du monde entier se voient appliquer des règles de la libre circulation. Les règles mondiales de la FIFA sont déterminées en fonction du droit communautaire. Il y a des effets extra territoriaux au droit communautaire.

b) L’extra territorialité interdite

Tout d’abord pour les compétences d’exécution. Les actes de puissance sont interdits sur le territoire des autres Etats. Exemple : arrestation d’une personne, la détention, l’enquête, les amandes. Tous ces actes de puissance publique ne peuvent intervenir de la par d’un État que sur son territoire. Si la police britannique poursuit un criminel et qu’il parvient à passer la manche, la police britannique ne peut plus l’arrêter.

Le problème a été soulevé à la suite des lois Helms-Burton (Cuba) et d’Amato-Kennedy (Iran, Lybie). Ces lois ont été votées par le Congrée américain. Ces lois de sanction visaient également les partenaires sociaux de ces Etats. La question qui s’est posée : l’idée était de sanctionner les sociétés qui s’implantaient en Lybie. Il y avait un boycott primaire mais également secondaire avec des sanctions pour les entreprises non américaines voulant commercer avec Cuba.

Ces lois ont été contestées par la communauté européenne et le reproche a été celui de l’extra territorialité. Les USA voulaient imposer leurs lois au monde. L’analyse de ces lois s’est faite. Il y a-t-il vraiment extra territorialité ? Il y a une intention d’extra territorialité mais les effets de ces lois demeurent territoriaux. Toutes les sanctions ne peuvent intervenir que sur le territoire américain. Elles ne produisent d’effet qu’aux USA et on ne peut parler que de simple territorialité. Ces lois sont toute fois contraires aux règles de l’OMC qui veut favoriser les circulations des K et des échanges. Ces lois constituent une atteinte au principe de non ingérences dans les affaires cubaines et iraniennes car le motif de ce boycott est le régime politique de ces Etats.

2. La question de la compétence universelle

a) La notion

Elle se définit comme la compétence exercée par un État qui poursuit les auteurs de certains crimes, quel que soit le lieu où le crime a été commis et sans égard à la nationalité des auteurs ou des victimes.

Traditionnellement, l’État exerce sa compétence pénale en fonction de critères personnels (nationalité de l’auteur ou de la victime), territoriaux.

La notion de compétence universelle permet d’aller plus loin que ces deux critères. Elle prévoit d’autres fondements à la compétence de l’Etat. C’est la raison pour laquelle, cette compétence pénale n’intervient que pour des crimes nommément désignés. Elle vient réprimer des agissements particulièrement préjudiciables.

Cette notion s’est développée dès le 19ème s, elle permettait de prendre en charge des risques communs à tous les États mais difficilement rattachables aux Etats. Les premiers cas où elle a été mise en œuvre ont concernés les crimes de piraterie car il y avait des pirates attaquant les marchandises. La nationalité des pirates n’était pas vraiment connue et les navires ne battaient pas un pavillon étatique. Ainsi, des conventions internationales ont été conclues, prévoyant que tous les États pouvaient juger les pirates indépendamment des critères traditionnels.

Cette notion s’est développée après la 2e GM où il s’agit de protéger les intérêts de la communauté internationale, de l’humanité. Cette notion a été développée pour les crimes les plus graves (crimes de guerre, de torture).

b) Les modalités

Elles sont parfois relativement restrictives. Il faut toujours un lien de rattachement. On distingue selon que la compétence universelle par des traités ou selon qu’elle est prévue par des législations nationales.

compétence prévue par certains traités

Seulement certains traités prévoient un mécanisme de compétence universelle.

La Convention de Montego Bay a repris le principe de compétence universelle en matière de piraterie maritime. L’art. 105 de cette convention organise le mécanisme de compétence universelle. Tout État peut saisir un navire ou un aéronef pirate et saisir les personnes et les biens. Les tribunaux qui ont opéré la saisie peuvent se prononcer sur les peines à infliger.

Ex : la France capture un navire de pirates somaliens, elle a un titre de compétence pour juger les pirates, même si les critères traditionnels ne sont pas remplis (aucune victime ni pirate français + zone hors France). La Somalie est actuellement un État en faillite et elle n’est pas en état de faire respecter son droit sur le territoire et en mer territoriale, donc les États peuvent intervenir (permission du Conseil de Sécurité dans le cas de la Somalie).

La Convention de Genève, 1949 porte sur les crimes de guerre. Elle prévoit un mécanisme de compétence universelle lorsque des crimes de guerre sont commis.

Ex : prise en otage + exécution d’une population civile par des militaires.

NB : La compétence universelle est un moyen de lutter contre l’impunité. En matière de crime de guerre, on a un autre moyen de lutter contre l’impunité, c’est la justice pénale internationale (cf. CPI, T. pénal pour l’ex-Yougoslavie).

S’agissant du génocide ou du crime contre l’humanité, ils ne sont pas régis par une convention prévoyant la compétence universelle. Pour le crime de génocide, il y a une Convention de 1948 qui ne prévoit pas un système de compétence universelle mais renvoie à la compétence territoriale avec seulement une obligation d’extrader le criminel s’ils le détiennent.

Ex : L’Allemagne détient un génocidaire rwandais. Elle n’est pas compétente pour le juger mais elle a l’obligation de l’extrader vers le Rwanda.

Concernant le crime contre l’humanité, il n’y a pas de traité, donc de compétence universelle.

Il y a tout de même des législations nationales…

La Convention de New York, 1961 prévoit une compétence universelle en matière de stupéfiants.

La Convention européenne pour la répression du terrorisme, Strasbourg, 1977 (art. 6 §1) consacre une compétence universelle en matière de terrorisme. Est prévue ne obligation pour tout État partie à la Convention, soit d’extrader, soit de juger. C’est l’alternative que prévoit cet article. L’État n’est pas obligé de juger, il peut extrader (aut dedere, aut judicare), cette compétence n’est donc pas « totalement » universelle.

La Convention de Vienne, 1979 (art. 8) prévoit une compétence universelle en matière de protection des matières nucléaires.

La Convention de New York, 1984 prévoit une compétence universelle en matière de torture.

cf. affaire où la CEDH a validé le principe de compétence universelle. Cela concernait un arrêt Ely Ould Dah, mauritanien, qui a été jugé et condamné par la France pour des actes de tortures. La France a mis en œuvre la Convention de New York. A l’art. 689-1 du Code de procédure pénale, sa compétence est établie, avec une condition : la présence en France de la personne suspectée. Si cette condition est réalisée, les tribunaux sont compétents et ce, mm si le crime n’a pas eu lieu sur le territoire français et que ni la victime ni le coupable ne soient français. Mr Ely Ould Dah a été jugé par les tribunaux français. Mais la Mauritanie avait voté une loi d’amnistie. Cependant, il a été jugé ; il saisi la CEDH en invocation une violation de la CESDH. La Cour a donc été amenée à examiner le mécanisme de la compétence universelle : respecte-t-elle les DH ? Oui, selon la Cour : « écarter cette législation au profit de lois de circonstances du lieu de l’infraction […], conduirait à paralyser toute exercice de la compétence universelle ».

Ainsi, ces conventions prévoient rarement une compétence universelle absolue car il faut souvent un autre critère, lien de rattachement avec l’État (notamment le critère de rattachement de la personne, sur le territoire).

Ces conventions, aussi, n’envisagent pas la compétence universelle à titre exclusif. C’est une alternative.

Cette compétence universelle n’est donc ni absolue ni exclusive dans sa mise en œuvre.

cf. affaire actuelle entre la Belgique (demandeur) et le Sénégal. L’Ancien PR du Tchad (Habré) est accusé de crimes de tortures par les autorités belges. Ces dernières ont lancé une demande d’extradition au Sénégal, lieu de résidence de Mr. Habré. Le Sénégal doit, soit juger lui-même Mr. Habré, soit il doit l’extrader vers la Belgique. Il ne s’est rien passé, le Sénégal s’est-il abstenu de juger Mr. Habré ? Il joue sur les délais…

compétence prévue par les législations

Certains États sont allés plus loin que ce que les conventions prévoyaient et ont mis en place en principe de compétence universelle plus poussé.

La Belgique avait adopté une Loi sur la compétence universelle. Elle prévoyait la compétence des tribunaux belges pour les crimes de guerre, contre l’humanité, le génocide.

De plus, cette Loi belge ne faisait intervenir aucun critère limitatif. Les juridictions belges étaient compétentes contre toute personne, qu’elle se situe ou non sur le territoire belge.

Cette loi entraine la condamnation de 4 personnes ayant participé au génocide rwandais alors même qu’il n’y avait aucun lien avec la Belgique.

Le problème est qu’elle a posé plein de problèmes à la Belgique, au niveau diplomatique. De nombreuses plaintes ont été déposées contre des dirigeants en exercice (Saddam Hussein, Castro, Ariel Sharon…). Cette loi cause de douloureux problèmes diplomatiques au gouvernement belge : les USA ont menacé de déplacer le siège de l’OTAN (Bruxelles).

Cela a aussi débouché sur une affaire du mandat d’arrêt, 2002, CIJ.

Mr. Yerodia était le ministre des affaires étrangères du Congo, suspecté de crimes contre l’humanité. En application de la législation belge, un mandat d’arrêt a été lancé contre lui. Le Congo a saisi la Cour Internationale de Justice contre la Belgique. Le Congo soutenait que le mandat d’arrêt était contraire au principe d’immunité des dirigeants en exercice. La Belgique invoquait que les immunités ne jouaient pas en matière de crimes contre l’humanité.

La Cour Internationale de Justice a donné raison au Congo en faisant prévaloir le principe d’immunité sur la lutte contre l’impunité. Ce principe d’immunité est indispensable au bon fonctionnement des relations diplomatiques. Pour la CIJ, si un ministre des affaires étrangères ne bénéficie pas d’immunité, c’est toutes les relations internationales qui seraient entravées.

Ces problèmes ont conduit la Belgique à abroger cette Loi (modifiée par une Loi du 6 août 2003 qui restreint les modalités de la mise en œuvre de la compétence universelle, qui se contente des mécanismes prévus par les conventions internationales comme par exemple la présence en Belgique du criminel. Cette Loi n’est pas exclusive car elle prévoit le principe aut dedere aut judicare).

L’Espagne a organisé un principe de compétence universelle, dès 1985. La Loi espagnole prévoyait la compétence des juges espagnols pour les crimes graves parmi lesquels figuraient le génocide, le terrorisme, la piraterie, le faux-monnayage, la prostitution… Cette compétence était donc étendue et non conditionnée par la présence du suspect sur le territoire espagnol.

Sur le fondement de cette Loi, s’est déclenchée une affaire. Le juge Garzon a lancé un mandat d’arrêt contre le général Pinochet (ancien dictateur chilien), à la fin des 90’s. Ce dernier était à l’époque, sénateur à vie, avec une immunité votée par le Chili. Il s’est fait opérer au Royaume-Uni. A ce moment là, un mandat d’arrêt a été délivré aux autorités britanniques qui ont arrêté le général. Des recours ont été intentés pr éviter qu’il ne soit extradé vers l’Espagne. Les avocats de Pinochet invoquaient son immunité de chef d’État et de sénateur à vie.

L’affaire est montée jusqu’à la chambre des Lords qui a refusé le principe d’immunité. Au final, les autorités UK n’ont pas extradé Pinochet pour des raisons humanitaires et médicales : il était vieux, malade. Il devait être jugé au Chili mais est décédé avant.

Cette affaire a jeté un coup de projecteur sur la Loi espagnole. Toutes les organisations de défenses des DH ont déposé de nombreuses plaintes > problèmes diplomatiques.

Ex : plaintes contre les dirigeants chinois (pour le Tibet), israéliens…

Le Parlement espagnol est donc revenu en 2009 sur cette Loi. Elle se contente désormais de ses obligations conventionnelles. La compétence universelle a donc un rôle restreint. Elle n’a qu’un rôle subsidiaire. Cela étant, elle a un effet dissuasif qui conduit une autre justice à juger ou compétence de la CPI.