Quelles sont les compétences de la juridiction administrative?

La compétence matérielle et géographique de la juridiction administrative.

De l’an VIII d la république jusqu’en 1889 (début de la justice déléguée par l’arrêt CADOT), le Conseil d’Etat était quasiment la seule juridiction administrative et il exerçait ce que l’on appelait la justice retenue. A partir de 1953, les Tribunaux Administratifs deviennent les juridictions administratives de droit commun. Il y a une réelle difficulté aujourd’hui avec la ligne de partage entre les juridictions administratives et les autres, mais également entre les juridictions administratives elles-mêmes.

A) Les caractères généraux de la compétence de la juridiction administrative.

Pour le juge judiciaire il est rare que les questions de compétence présente un caractère d’ordre public. Pour les juridictions administratives, la compétence matérielle et territoriale a toujours un caractère d’ordre public.

  1. a) la compétence est d’ordre public.
  • Moyen d’ordre public.

Le juge est tenu de soulever d’office à la fois la compétence matérielle de la juridiction administrative et la compétence territoriale de sa propre juridiction. Il y a ici deux solutions :

-si la juridiction administrative n’est pas compétente et que la réponse à la question est évidente, le juge peut statuer par voie d’ordonnance et se déclarer incompétent, cette compétence peut être corrigée en cours d’instance.

-si la juridiction est territorialement incompétente, cela ne pote pas préjudice au justiciable car il y a un mécanisme interne de règlement des compétences.

  • Absence de dérogation conventionnelle.

Il peut y avoir dans les contrats, des clauses attributives de compétences. En droit administratif, il n’en est rien, aucune clause ne peut déroger à la compétence d’une juridiction administrative : conséquence du caractère d’ordre public. En revanche, comme pour le Code de Procédure Civile, certaine situation peuvent conduire à la compétence de plusieurs juridictions administratives.

  • La règle des questions de compétence territoriale.

Article 75 du Code de Procédure Civile : une juridiction administrative ne peut se déclarer incompétente que si elle procède simultanément à la désignation de celle qui est compétente.

Lorsque la juridiction administrative est saisie à tort, le président de la juridiction saisie a deux solutions :

  • il renvoie au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat pour que celui-ci règle par ordonnance cette difficulté de compétence territoriale.
  • il adresse par voie d’ordonnance le dossier au tribunal compétent.

Dans certain cas particulier, pour des raisons de bonne administration de la justice, le litige ne peut pas être jugé localement, il doit donc être dépaysé (oui oui dépaysé !). Par exemple, le permis de construire pour le nouveau tribunal de Saint-Denis a fait l’objet d’un recours particulier et le Tribunal Administratif ne pouvait jugé un permis qui le concernait directement. Il y a eu saisine du président de la section du contentieux du Conseil d’Etat et c’est le tribunal de Papeete qui a été saisie (ce qui n’était pas le plus commode). De manière plus générale, lorsqu’un magistrat fait un recours, le litige est dépaysé.

  1. b) La plénitude des compétences.
  • Il existe un adage selon lequel le juge du principal est juge de l’incident. Le juge est saisie de conclusions : ces conclusions sont des conclusions principales ou subsidiaires, mais elles peuvent être également des conclusions reconventionnelles ou des conclusions incidentes lorsque de telles conclusions sont recevables. Dans le contentieux de l’excès de pouvoir, il n’y a pas de conclusions conventionnelles ou incidentes mais dans le plein contentieux elles sont possibles. Le juge peut procéder à des jonctions de dossier pour juger par un seul jugement plusieurs affaires.
  • Il existe un adage selon lequel le juge de l’action est juge de l’exception. En matière administrative, cela comporte un certain nombre de spécificité. Lorsque le juge est saisi d’un litige, surtout dans le contentieux de l’excès de pouvoir, il doit vérifier la conformité d’un acte avec une norme de référence. A cet égard le juge vérifie que l’acte est conforme à l’ensemble des normes qui composent le bloc de normativité et il peut donc selon les cas, vérifier que l’acte est conforme à la constitution. Il pourra vérifier que la norme de référence a été correctement appliquée si cette norme est la loi, la comparer avec une norme internationale. Ce pouvoir appartient à toutes les juridictions administratives (ou pas administratives d’ailleurs). Ce principe de plénitude des compétences doit être rapproché du fait que le juge de la constitutionnalité de la loi c’est le Conseil Constitutionnel. Le juge de la légalité d’un décret, règlement… c’est le CE, et donc, par exception, toute juridiction administrative est compétente pour interpréter voire apprécier la légalité d’un acte au titre des normes de référence.
  • Pas de jugement de compétences. La juridiction peut se déclarer matériellement incompétente, ce qui suppose que soit la compétence relève d’une juridiction spécialisée soit elle relève de l’ordre judiciaire. Toutefois, si le Juge Administratif intervient après que le juge judiciaire se soit déclaré incompétent, il ne peut lui-même se déclarer incompétent. Il existe un mécanisme de prévention de conflits négatifs qui oblige le Juge Administratif saisi à saisir le TC, lequel aura un délai de 6 mois pour se prononcer. De plus, si un litige semble poser un problème de compétence entre les deux ordres de juridiction, le Juge Administratif peut, à tout moment de la procédure, saisir le TC sur une difficulté particulière de compétence. Ces règles sont contenues dans le décret de 1848 sur l’organisation du TC. En principe il ne peut y avoir de déni de justice puisqu’il existe des mécanismes préventifs, encore faut-il que le Juge Administratif sache que le juge judiciaire s’est déclaré incompétent auparavant.

B) La compétence matérielle de la juridiction administrative.

  1. a) Le CE, juge suprême
  1. juge de cassation.

L’article R311-1-1 : le Conseil d’Etat est juge de cassation sur les arrêts rendus par les CAA. En sa qualité de juge de cassation, a été institué un mécanisme d’admission des pourvois qui lui permet de réguler le flux des entrées. Si le pourvoi n’est pas admis le Conseil d’Etat n’est pas obligé de motiver sa décision.

Dans la pratique, environ un tiers des pourvois sont admis. le Conseil d’Etat est également juge de cassation des décisions rendues en dernier ressort par les juridictions spécialisées. Dans ce dernier cas tous les pourvois seront examinés au fond.

C’est une fonction relativement ancienne du Conseil d’Etat (1945,1946). Il n’a pas du tout la même approche que la Cour de cassation car il contrôle la qualification juridique des faits, ce que ne fait pas la Cour de cassation.

  • Recours dans l’intérêt de la loi.

Il s’agit simplement d’empêcher que ne s’installe une jurisprudence que le ministre redoute et le Conseil d’Etat statue à nouveau sans que sa nouvelle décision n’ait aucun effet sur les parties au procès.

  • L’avis de l’article 12 (loi du 31 décembre 1987).

Article L113-1-1 : disposition très étrange. « Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le Tribunal Administratif ou la CAA peut transmettre le dossier de l’affaire au CE qui examine dans un délai de 3 mois la question soulevée. Cet avis ne lie pas la juridiction qui conserve la plénitude de sa compétence ».

L’idée c’est que le Conseil d’Etat est non seulement chargé de régler des litiges mais qu’il a également une fonction pédagogique, il doit aider l’administration à fixer une ligne de conduite rapide. le Conseil d’Etat lorsqu’il est saisi de cette question répond en formation de jugement habituelle soit en une formation plus solennelle pour donner un maximum de poids à l’avis. Il le fait d’ailleurs souvent en assemblée du contentieux. Il arrive au Conseil d’Etat de refuser de rendre un avis quand le dossier est incomplet.

  • le Conseil d’Etat comme juge d’appel.

Il l’est dans le domaine électoral, en ce qui concerne les élections cantonales et municipales. Si il casse une décision, il renvoi souvent la décision à une CAA mais il peut aussi « évoquer ». Quand il est juge d’appel, il est juge de la régularité du jugement de première instance mais il est également, après, juge du fond.

  1. b) Le CE, juge de premier ressort (et de dernier).
  • A raison de l’objet du litige.
  • Les ordonnances du Président de la République et les décrets qui émanent du Premier Ministre. L’absence d’un double degré de juridiction est-il contraire à un PGD ou à un texte ? non !
  • Les actes règlementaires des ministres, mais pas toutes les décisions, seulement celles qui nécessitent avant leur édiction l’avis du Conseil d’Etat.
  • Les décisions individuelles concernant les fonctionnaires nommés par le Président de la République en vertu de l’article 13 de la Constitution ou de l’ordonnance du 28 novembre 1958 sur les emplois civils ou militaires.
  • Les décisions administratives émanant des organismes collégiaux à compétence nationale.
  • Les litiges nés hors du territoire soumis à un Tribunal Administratif : les litiges nés à l’étranger, CE Hénault (épouse de l’ambassadeur de France en Norvège qui a eu un accident là-bas). Cela concernait également les Iles Eparses et les TAF qui sont rattachés désormais à la juridiction du TA de Saint-Denis.

  • Contentieux spécifiques.

Il y a le recours en interprétation et appréciation de la légalité concernant les actes règlementaires (décrets) ; mais aussi la connexité, situation dans laquelle la solution d’un litige est commandée par la solution d’un autre litige. Si cet autre litige relève d’une autre juridiction administrative un mécanisme interne de la juridiction administrative permet de faire jugée par la même juridiction les deux litiges.

C) La compétence territoriale de la juridiction administrative.

  1. a) la compétence territoriale des Tribunaux Administratifs.
  • Le critère de principe : les Tribunaux Administatifs étant les juridictions de droit commun, elles connaissent le contentieux émanant des autorités administratives. Le critère de principe fixé dans le code de justice administrative est la règle selon laquelle le Tribunal Administratif compétent est celui dans le ressort duquel l’autorité administrative a pris la décision contestée. On peut d’ailleurs rapprocher ce critère à celui, civiliste, du domicile du défendeur. S’agissant des collectivités territoriales, elles ont leur siège dans un département et le découpage de la carte de compétence des Tribunaux Administratifs est un découpage départemental. En ce qui concerne les autorités déconcentrées (recteur, préfet…), ce sera le Tribunal Administratif dans le ressort duquel elles ont leur siège. S’agissant de l’Etat, c’est un peu plus compliqué. En effet, si on applique le critère de principe, le Tribunal Administratif de Paris serait compétent pour toutes les administrations centrales ayant leur siège à Paris. L’application du critère principal aurait pour effet d’encombrer le Tribunal Administratif de Paris. Tout ce qui a été mis en place par la suite vise à déroger à la compétence de principe du Tribunal Administratif de Paris.
  • Les exceptions et dérogations : pour chaque type de litige, il est nécessaire de se référer aux exceptions du C Juge Administratif. Dans le cas du contentieux des fonctionnaires, le texte dit que le Tribunal Administratif compétent est celui où l’agent à son affectation. Pour les pensions, c’est le Tribunal Administratif où le pensionné a son domicile. Cette répartition des Tribunaux Administratifs, en cas d’erreur de la part du requérant est réglée sans délai par un mécanisme interne sans besoin d’une intervention du requérant. Ce système est donc favorable au requérant. Pour les contrats, il existe un choix entre le lieu où a été signé le contrat et le lieu où il s’exécute.
  • Les cas particulier des litiges qui mettent en cause un membre de la juridiction administrative sont, bien évidemment, délocalisés vers une autre juridiction administrative. Il en va de même en cas de récusation ou dans le cas où un juge s’estimerait frappé de partialité.

  1. b) La compétence territoriale de CAA.

Il y en a 8 sur tout le territoire. Chaque cour est compétente pour un groupe de TA. Pour l’Outre-mer, c’est celle de Bordeaux qui est compétente pour les DOM, et celle de Paris pour les TOM.