Composition et compétence du Conseil de l’Europe

Composition et compétence du conseil de l’Europe

Le Conseil de l’Europe est une organisation intergouvernementale instituée le 5 mai 1949 par le traité de Londres  Successivement, de nombreux Etats sont venus grossir les rangs du conseil de l’Europe, afin de promouvoir un idéal démocratique et l’État de droit. Mais la contradiction initiale qui caractérise le statut se traduit par un flou volontaire concernant les objectifs et les compétences de l’organisation. En fait, il est doté d’objectifs très vastes mais ces moyens sont relativement faibles.

  1. L’évolution du conseil de l’Europe dans sa composition

Le conseil de l’Europe regroupe un nombre croissant d’Etats européens.

  1.      Les modalités d’admission

Ces modalités sont prévues aux articles trois et quatre du statut du conseil de l’Europe.

 Article 3 : « Tout membre du conseil de l’Europe reconnaît le principe de la prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il s’engage à collaborer sincèrement et activement à la poursuite du but défini au chapitre premier ».

 Article 4 : « Tout Etat européen considéré capable de se conformer aux dispositions de l’article 3, et comme en ayant la volonté, peut être invité par le comité des ministres à devenir membre du conseil de l’Europe ».

 Pour être membre, il faut répondre à deux conditions :

 1) Etre européen 

Au début, le critère géographique a été adopté avec une certaine souplesse : la Turquie, tout comme Chypre, est membre du conseil de l’Europe.

Pourquoi ? Parce que le conseil de l’Europe avait peur que ces Etats se retrouvent marginalisés. Mais cette problématique de l’adhésion a été bouleversée à la fin de la guerre froide, et elle a été renouvelée car il y avait trop de candidature des PECO.

Seuls les Etats « dont la culture est étroitement liée à la culture européenne » devrait pouvoir adhérer à l’organisation.

 Dans ce rapport, elle se prononce contre l’éligibilité des anciennes républiques asiatiques, membre de l’OSCE, mais elle se prononce en faveur de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan, et de la Géorgie (république caucasienne).

L’assemblée parlementaire leur reconnaît une vocation à demandé leur adhésion, en raison des liens culturels, mais aussi à condition qu’elles indiquent clairement leur volonté d’être considéré comme faisant « partie de l’Europe ».

 2) Se conformer aux valeurs démocratiques 

L’adhésion au conseil de l’Europe implique une mise en conformité du droit constitutionnel national avec les exigences de la Convention européenne des droits de l’homme.

Elle appelle également des adaptations législatives ou réglementaires et la mise en place d’un système adéquat pour la mise en oeuvre de la jurisprudence de la cour européenne.

 En application de l’article 4 du statut, c’est au comité des ministres qu’il revient d’inviter à devenir membre du conseil de l’Europe l’État ayant la capacité et la volonté de respecter les principes de base énumérés.

Devenir membre du conseil de l’Europe signifie « avoir un brevet de démocratie ».

Ce fut le cas de la Grèce. Elle a quitté le conseil de l’Europe et est revenue dès que la démocratie elle-même s’est réinstallée dans le pays.

 Avec la chute du mur de Berlin, des critères plus précis ont été élaborés. Tout État qui voulait adhérer devait ratifier la CEDH et respecter les droits des minorités.

 L’assemblée parlementaire avait aussi posé comme condition préalable à tout examen d’une demande d’adhésion la tenue d’élections législatives libres et démocratiques. Par exemple, la Russie devait respecter les conditions précédentes et prononcer un moratoire sur l’application de la peine de mort. De même, la Croatie devait respecter les accords de Dayton et l’Ukraine devait mettre en place une nouvelle constitution.

 Lorsque le conseil lance une invitation, il consulte l’assemblée parlementaire qui va lancer une enquête pour vérifier que le candidat répond aux conditions d’adhésion.

Le statut prévoit une possibilité de retrait. Par exemple, le 12 décembre 1969, la Grèce s’est retirée pour ne pas avoir à subir les sanctions que le conseil de l’Europe s’apprêtait à prendre.

 Il existe deux types de sanctions :

-l’article 9 du statut du conseil de l’Europe envisage la suspension du droit de représentation tout à la fois au comité des ministres et à l’assemblée d’un État qui n’exécute pas ses obligations financières.

– l’article 8 prévoit une gamme de mesures à l’encontre d’un État qui violerait certains principes de base du conseil de l’Europe. C’est une véritable procédure de sanction graduelle qui s’étend de la simple suspension au retrait forcé.

Dans la résolution 794 (1983), l’assemblée parlementaire a décidé de prendre sérieusement en considération la possibilité d’adresser au comité des ministres une recommandation visant à l’application de la procédure prévue par l’article 8 du statut du conseil de l’Europe à la Turquie.

 Cependant, c’est une simple proposition.

En pratique, cette menace est restée en suspens. Elle n’a pas été plus loin car dans ce même texte, l’assemblée se disait « consciente du fait que l’influence du conseil de l’Europe se fera mieux sentir tant que seront maintenus les liens de la Turquie avec cette organisation ».

 En 1980, on était encore en pleine guerre froide et la Turquie avait une position stratégique au sein de l’OTAN.

  1. L’élargissement du conseil de l’Europe

 À l’origine, il y avait 10 membres :

  • – les 5 du pacte de Bruxelles : Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, France, Grande-Bretagne.
  • – le Danemark
  • – l’Irlande
  • – l’Italie
  • – la Norvège
  • – la Suède
  • + la Grèce en 1949
  • + le Portugal en 1976
  • + l’Autriche …

+ la Finlande en 1989. Lorsqu’elle est devenue un État membre du conseil de l’Europe, cette adhésion fut saluée par le secrétaire général du conseil comme « un événement marquant l’achèvement de l’Europe démocratique ». On pensait que le conseil avait atteint ses limites géographiques et politiques.

Après l’effondrement du bloc communiste, le conseil de l’Europe va s’ouvrir véritablement pour construire une Europe libre et unie. Le conseil de l’Europe veut être une organisation paneuropéenne.

 Dans les années 90, tous les pays issus du bloc de l’Est vont progressivement rejoindre le conseil de l’Europe qui fut très sélectif : il n’a accueilli que la Hongrie, la Pologne, et la Tchécoslovaquie.

Dans un deuxième temps, le conseil va s’ouvrir pour accueillir un maximum d’État pour mieux encadrer la démocratisation inachevée des candidats.

 Le conseil de l’Europe comporte aujourd’hui 46 membres. Le dernier entré est Monaco, en octobre 2004. Seule la Biélorussie n’est toujours pas membre, même si elle est candidate depuis 1993. Elle est marginalisée étant donné qu’elle est actuellement sous une dictature.

 Ce changement quantitatif a sans conteste alourdi les mécanismes de concertation politique, mais surtout, cela a entraîné un changement de nature car le conseil de l’Europe était vu comme le club des vieilles démocraties.

 

Les États-Unis, le Canada et le Japon ont actuellement le statut d’observateur.

  • Les objectifs du conseil de l’Europe sont définis à l’article 1 alinéa a du statut du conseil de l’Europe :

Premier objectif : « le but du conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leurs progrès économiques et sociaux ».

L’expression « union plus étroite entre ses membres » est source d’ambiguïté :

            – Pour les Français, l’idée était d’aller vers des États-Unis d’Europe.

            – Pour les Britanniques, c’était juste une coopération entre Etats.

C’est une formule rituellement citée dans les considérants des recommandations élaborées par les organes de l’organisation, l’idée étant de dépasser les particularismes nationaux, sans pour autant rompre avec la collaboration et l’intégration.

Le conseil de l’Europe à 2 grands buts si : « sauvegarder et promouvoir des idéaux ». Ces objectifs ont été définis seulement quatre ans après la fin de la seconde guerre mondiale, donc l’idée était de rappeler les bases de la démocratie véritable. Le patrimoine commun auquel il est fait allusion concerne la primauté d’État de droit, le pluralisme politique des démocraties représentatives, et la protection des libertés individuelles et des droits de l’homme.

Second objectif : il établit un lien entre la démocratie politique et la démocratie sociale. Mais en pratique, c’est un objectif très théorique face à ce qui deviendra l’OCDE.

En 1955 est créée la conférence européenne des ministres du transport, qui informe chaque année l’Assemblée Parlementaire de son activité.

  • Article 1 alinéa b : « ce but sera poursuivi au moyen des organes du conseil par l’examen des questions d’intérêt commun, par la conclusion d’accords, et par l’adoption d’une action commune dans les domaines économique, social, culturel, scientifique, juridique et administratif, ainsi que par la sauvegarde et le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

Le conseil de l’Europe ne dispose pas d’autres instruments que ceux du droit international classique, excepté dans le domaine des droits de l’homme. Le conseil de l’Europe n’institue qu’une simple coopération entre Etats. Le seul moyen d’agir passe par les traités.

  • Article 1 alinéa c et d : deux séries d’exception à la compétence du conseil de l’Europe.

=> article 1er alinéa d : « le conseil de l’Europe ne peut évoquer les questions relatives à la Défense nationale ». Cette absence de compétences explique d’une part par la création de l’alliance atlantique (puis de l’OTAN) mais aussi par la volonté de certains Etats de conserver leur neutralité, et par la volonté pour d’autres de garder leur souveraineté.

 

Le 1er mars 1949, Robert Schuman, Ministre des Affaires Etrangères, a dit devant le conseil de la république  « il est compréhensible que nous ne soyons pas encore mûrs pour que l’existence et la liberté des Etats puissent être soumises à une discussion par des représentants d’autres pays dans une assemblée qui n’en est qu’à ses débuts ».

En pratique néanmoins, le conseil de l’Europe essaye d’évoquer ce sujet. Par exemple, des débats ont été organisés en 1950 sur la sécurité de la société alors que la guerre de Corée venait juste de commencer. Aujourd’hui, il discute encore de ces questions mêmes si ce n’est pas vraiment son rôle pour

 => article 1er alinéa c : « la participation des membres aux travaux du conseil de l’Europe ne doit pas altérer leur contribution à l’oeuvre des Nations unies et des autres organisations ou unions internationales auxquelles ils sont partis ». Cet alinéa aborde la question de la compétence des autres organes de l’Europe.

 Fin des années 40/début des années 50, de nombreuses organisations ont vu le jour. Cela a posé des problèmes de double emploi : certains participaient  à plusieurs organisations européennes complémentaires ou concurrentes.

 Cet alinéa doit être lu avec l’article 23 alinéa b qui indique à propos de l’ordre du jour de l’assemblée parlementaire que celle-ci doit tenir compte « de l’activité des autres organisations intergouvernementales européennes auxquelles sont partis tous les membres du conseil ou quelques-uns d’entre eux ». A partir de là, deux interprétations sont envisageables de ces deux articles :

– Le conseil de l’Europe ne serait qu’une instance subsidiaire dont la compétence est résiduelle. Dans cette perspective, le conseil de l’Europe doit se contenter de ne pas entreprendre de travaux là où une organisation européenne s’est déjà prononcée.

– Le conseil de l’Europe serait une instance de coordination, une plaque tournante de la coopération européenne en vertu de sa compétence générale et de sa dimension politique.

 En pratique, ni une ni l’autre de ces interprétations ne se sont réglées de manière empirique.

 Le conseil de l’Europe collabore avec d’autres organisations nationales et régionales :

– Avec l’OCDE : coopération depuis 1962, qui passe notamment par l’organisation annuelle d’un « débat élargi sur les activités de l’OCDE » devant l’assemblée parlementaire du conseil de l’Europe.

– Avec l’ONU : – réunions d’experts et des échanges de points de vue (entre le comité ad hoc des Nations unies sur le terrorisme et le comité d’experts du terrorisme du conseil de l’Europe).

                          – participation réciproque à des réunions et conférences des 2 organisations. Par exemple, en 2000, a eu lieu une conférence européenne contre le racisme sous l’égide du Conseil de l’Europe, à laquelle l’ONU a participé, en vue de l’organisation de la conférence mondiale contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance, organisée à Durban en 2001.

– réunions tripartites de haut niveau entre l’ONU, le conseil de l’Europe et l’OSCE

– Avec l’UE : superposition des 27 Etats membres au conseil de l’Europe (tous les membres de l’UE sont membres du conseil de l’Europe). Les relations entre les deux organisations régionales ne sont pas seulement des relations de voisinage. Le traité de Rome avait envisagé cette superposition puisque l’article 303 du traité de Rome prévoit « la communauté établie avec le conseil de l’Europe, toute coopération utile ».

Il n’y eût pas de difficultés tant que l’union européenne avait la compétence économique. Après, sont apparus des problèmes de coordination entre l’union européenne et le conseil de l’Europe, et ce, depuis que l’union européenne a cessé d’être une organisation purement économique.

Aujourd’hui, il s’agit de savoir si l’union européenne pourrait adhérer à la CEDH.

– Le même problème survient avec l’OSCE : la coopération a été instaurée entre les trois Etats en cas de graves crises. Ils doivent coopérer sur le terrain.

– Le 14 décembre 1995, ont été signés les accords de Dayton, qui avaient confié le volet militaire à l’OTAN, mais qui avaient attribué le volet civil aux Européens, et plus précisément à l’union européenne, à l’OSCE et au conseil de l’Europe.

– le pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est, proposé par l’union européenne en 1994, mais adopté en 1999, est un cadre de coopération entre le conseil de l’Europe, l’OSCE et l’union européenne.

Il s’agit de mener conjointement des opérations sur le terrain (par exemple, l’intervention Serbie), et plus généralement, assurer la paix, le bon voisinage, la démocratie, le respect des droits de l’homme et des minorités, le retour des réfugiés et la prospérité économique dans la région.

 BILAN DU CONSEIL DE L’EUROPE

   C’est la seule organisation créée sans les États-Unis. Aussi, le lien transatlantique est beaucoup moins fort. C’est une organisation proprement européenne qui a pour vocation de réunir toutes les démocraties parlementaires du continent. Aujourd’hui, cet objectif a été atteint.

    Aujourd’hui, les objectifs n’ont pas changé depuis 1949. Le premier objectif est toujours de défendre efficacement les démocraties des droits de l’homme et la diversité sociale et culturelle, ainsi que de promouvoir une coopération juridique afin de répondre aux problèmes transnationaux qui peuvent se présenter.

    Le conseil de l’Europe est une organisation qui constitue un pôle d’attraction pour tous les pays européens, en tant qu’expression d’une éthique occidentale fondée sous le signe de l’État de droit et le respect des valeurs individuelles. Son action a contribué à stimuler et consolider le processus de démocratisation rapide qui s’est enclenché en Europe centrale et orientale après l’effondrement du bloc soviétique.

Mais le conseil de l’Europe a connu quelques difficultés :

– depuis 1996 (adhésion de la Russie au Conseil de l’Europe), l’Assemblée Parlementaire adopte régulièrement des textes dans lesquels elle demande aux autorités russes de mettre fin pacifiquement au conflit en Tchétchénie. Face à la poursuite de la guerre et aux exactions commises sur le territoire tchétchène parler forces russes, les pouvoirs de la délégation de la fédération de Russie ont été contestés. En 2000, au vu des rapports alarmants établis par les parlementaires, l’assemblée parlementaire a décidé de suspendre le droit de vote de la délégation russe (pendant seulement quelques mois).

 Le conseil de l’Europe a réussi sa mission, mais aujourd’hui, son statut semble obsolète. Il est concurrencé par l’union européenne qui ne cesse de s’élargir, et par l’OSCE qui s’adapte continuellement grâce à la souplesse de son statut.

 

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