La conciliation

La conciliation

La conciliation en droit des entreprises en difficulté est un processus qui vise à aider les entreprises en difficulté financière à rétablir leur situation économique sans recourir à une procédure de faillite. Il s’agit d’un processus volontaire et confidentiel qui permet aux entreprises de négocier avec leurs créanciers pour trouver une solution amiable pour rembourser leurs dettes. La conciliation est généralement menée par un conciliateur qui est un tiers neutre et indépendant.

La loi de 2005 a substitué à l’appellation de règlement amiable de 1984, celle de conciliation. Pour insister sur le caractère éminemment contractuel de la procédure, mais au-delà du changement de terminologie le législateur a surtout voulu corriger les faiblesses du règlement amiable trop peu utilisé en pratique. Le champ d’application de la conciliation est élargit tant au regard des personnes qui peuvent solliciter sa mise en œuvre qu’au regard des difficultés auxquelles le débiteur sera confronté.

Et surtout la loi de 2005 va accentuer les garanties offertes aux créanciers qui accepteront de participer à l’accord amiable avec le débiteur. En pratique cette conciliation se révèle efficace parce qu’elle ne constitue pas une procédure judiciaire avec la lourdeur des procédures. Elle conserve souvent un caractère confidentiel. La philosophie générale de la conciliation est de se dire que le débiteur est en difficulté, l’accord permet un rééchelonnement du passif, les créanciers sur le papier n’ont rien à gagner du coup parce que des fois on a même des remises de dettes, mais le créancier a tout intérêt à y participer parce que soit on aide le débiteur soit on ne l’aide pas et alors sa situation se dégrade.

L’ordonnance de 2008 a apporté des aménagements au régime de la conciliation, ces aménagements portent sur les voies de recours, sur la question des délais de paiement des dettes non incluses dans l’accord, ceci se trouve dans les articles L611-4 à 15 et R611-22 à 46 du CODE DE COMMERCE.

I- L’ouverture de la procédure de conciliation

A- L’initiative de la procédure

On a deux conditions qui peuvent être relevées à ce stade, l’initiative de la procédure repose sur le débiteur d’abord qui peut être ou non en cessation des paiements.

1- La qualité du demandeur

Conformément à L611-4 et 5 du CODE DE COMMERCE, la procédure de conciliation est ouverte à toute personne physique exerçant une activité commerciale ou artisanale, elle est applicable aux sociétés commerciales, aux personnes morales de droit privé ou encore aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante (avocats, médecins, architectes…).

Ce faisant la procédure de conciliation se démarque en 2005 de l’ancien règlement amiable, dont la mise en œuvre était refusée aux particuliers exerçants une activité libérale. L’autre précision est que les agriculteurs restent en dehors du champ d’application de la loi qui ont une procédure particulière des articles L351-1 et s du code rural.

Ce champ d’application est large, on a une condition impérative à savoir que l’auteur de la demande doit être le débiteur. Qu’il s’agisse du débiteur personne physique ou du représentant légal de la personne morale. Le droit de mettre en œuvre la procédure de liquidation est refusée au créancier. sa mise en œuvre est refusée aux salariés, aux créanciers, et au ministère public, le président du tribunal ne peut pas non plus se saisir d’office parce que L611-6 du CODE DE COMMERCE énonce que le président du tribunal de commerce est saisi donc il ne se saisit pas, il est saisi par une requête écrite du débiteur exposant sa situation économique, sociale et financière exposant ses besoins de financement ainsi que les moyens d’y faire face. Conformément à R611-22 cette requête doit être accompagnée de certaines pièces destinées à renseigner le président sur la situation financière du débiteur. On va trouver la liste des principaux créanciers, l’état des dettes et créances assorties d’un échéancier ou encore la situation de l’actif réalisable et du passif exigible des trois derniers exercices. Le débiteur doit également fournir au président une attestation sur l’honneur certifiant l’absence de procédure de conciliation dans les trois mois précédents la date de la demande. La requête est adressée au président du Tribunal de Commerce si la requête est commerciale ou artisanale, et au président du TGI si la requête est dans d’autres cas. Dès réception de la demande le président fait convoquer le débiteur pour recueillir ses explications article R611-23. Il en informe automatiquement le ministère public.

Aucune information des représentants du personnel n’est prévu par les textes c’est étonnant parce qu’ils ont un droit d’alerte. Le premier élément non négociable est l’initiative du débiteur.

2- Les difficultés rencontrées par le débiteur

Le règlement amiable était réservé aux personnes éprouvant certaines difficultés mais qui n’étaient pas encore en cessation des paiements. La loi de 2005 a modifié cette condition, elle a précisé les difficultés de nature à permettre le recours à la procédure de conciliation. Mais le changement le plus notable par rapport au règlement amiable est d’avoir étendu le champ d’application de la conciliation au débiteur se trouvant en cessation des paiements.

a- Le recours à la conciliation en cas de difficultés juridique, économiques ou financière avérées ou prévisibles

La loi de 2005 a modifié L611-3 du code de commerce, précédemment le débiteur qui souhaitait demander l’ouverture d’un règlement amiable devait éprouver une difficulté économique, juridique ou financière ou encore des besoins ne pouvant être couverts par un financement adapté aux possibilités de l’entreprise. La loi de 2005 a supprimé la référence au besoin pour rendre l’applicabilité du texte plus attractive.

Désormais il faut juste faire état de difficultés juridiques comme un conflit entre associés ou d’une difficulté économique liée à un secteur d’activité moins rentable ou la perte d’un marché… ou encore le débiteur pourra faire état d’une difficulté financière qui sera généralement un retard de paiement. L’avantage du texte est de préciser que ces difficultés peuvent être avérés mais aussi prévisibles pour l’avoir plus en amont.

b- Le recours à la conciliation en cas de cessation de paiement

L’une des innovations des plus importantes de la loi du 26 juillet 2005 a consisté à ouvrir la procédure de conciliation au débiteur qui se trouve en cessation des paiements. Sans que cette dernière ne remonte à plus de 45 jours.

Cette notion de cessation des paiements c’est l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible. L631-1 du CODE DE COMMERCE. Sous cet angle, la procédure de conciliation n’est plus préventive mais d’éviter à ce stade le recours à une procédure judiciaire beaucoup plus lourde cela ne peut être que le redressement. Durant les 45 jours qui vont suivre l’état de cessation des paiements le débiteur aura le choix entre recourir à une procédure de conciliation ou à une procédure de redressement judiciaire. L’ouverture d’une procédure de conciliation fait obstacle à l’ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire. En pratique le choix entre l’un ou l’autre tourne en faveur de la conciliation la procédure est souple et plus rapide mais aussi plus confidentielle. Le CODE DE COMMERCE rappelle que toute personne appelée à la procédure de conciliation ou qui par ses fonctions en a connaissance est tenu à la confidentialité.

B- L’issue de la demande

Afin de vérifier le sérieux de la requête qui lui est adressée le président bénéficie d’un large pouvoir d’investigation L611-6 du CODE DE COMMERCE. Le président du tribunal a le droit d’obtenir des établissements bancaires ou financiers tous renseignements de nature à donner une exacte information sur la situation financière et économique du débiteur si les établissements ne veulent pas répondre le président ne bénéficie d’aucun pouvoir de coercition pour les y contraindre en pratique il obtient les réponses. A partir de ces informations le président dispose d’une option, il peut rejeter la demande de désignation du conciliateur, sa décision peut être frappé d’appel par le débiteur et ce dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la décision de rejet.

Le président peut faire droit à la demande et désigner un conciliateur pour une durée n’excédant par 4 mois. Il peut aussi par décision motivée proroger d’un mois au plus la désignation de ce dernier.

L’ordonnance de 2008 a fait des rectifications à la procédure, désormais si une demande d’homologation de l’accord a été formé avant l’expiration de cette période, la mission du conciliateur ainsi que la procédure sont prolongés jusqu’à la décision du tribunal. L’idée est de permettre que la durée légale de 4 mois soit exclusivement consacrée à la négociation et à la conclusion de l’accord.

A l’issu de cette période la mission du conciliateur prend fin de plein droit. Si il est fait droit à la demande faite le choix du président peut être orienté car le débiteur peut lui-même proposer le nom d’un conciliateur depuis 2005, le débiteur peut récuser aussi le conciliateur choisi par le président. L’article R611-27 du code de commerce prévoit 5 cas de récusations parmi lesquels l’existence d’un lien direct ou indirect entre le conciliateur et un créancier. Le débiteur a 15 jours à compter de la notification de la désignation pour récuser le conciliateur. Le conciliateur désigné sera la plupart du temps un administrateur judiciaire mais pas que, on a aussi des experts comptables voire des avocats. Comme pour le mandataire ad’ hoc le code de commerce prévoit des incompatibilités destinées à assurer l’indépendance du professionnel désigné. Suite à la désignation du conciliateur, la décision ouvrant la procédure est communiquée au ministère public. Si le débiteur exerce une profession libérale, elle est également communiquée à l’ordre professionnel dont il relève car ce dernier sera associé à la procédure. La décision d’ouverture de la procédure est désormais susceptible d’appel de la part du ministère public lorsque le débiteur sera considéré comme étant en état de cessation des paiements depuis 45 jours.

II- L’élaboration de l’accord amiable

Nous avons deux points à voir ici.

A- Le rôle des organes judiciaires

Nous devons distinguer le rôle du conciliateur et celui du tribunal.

1- Le rôle du conciliateur

D’emblée il nous faut indiquer que le conciliateur n’est pas partie à la procédure et il ne représente pas davantage le débiteur dans la procédure. L’article L611-7 du code de commerce précise que la mission du conciliateur consiste à favoriser la conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que ses contractants habituels d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise.

Dans le cadre de la mission qui lui est impartie le conciliateur ne doit pas s’immiscer dans la gestion de l’entreprise. En effet l’ouverture de la procédure ne modifie ni les pouvoirs du chef d’entreprise ni ses obligations.

Elle ouvre seulement droit à une négociation dans laquelle le conciliateur va assister le débiteur. Pour mener à bien sa mission il peut obtenir du débiteur tous renseignements utiles étant précisé que le président du tribunal lui aura communiqué tous les renseignements dont il dispose.

2- Le rôle du président du tribunal

Dans le dispositif légal précédent, le débiteur qui sollicitait l’ouverture de la procédure pouvait obtenir auprès du président du tribunal la suspension des poursuites des créanciers. La loi du 26 juillet 2005 a modifié la situation en ce que la procédure de conciliation n’est pas une procédure collective de paiement. Donc l’arrêt des poursuites individuelles n’existe pas.

Toutefois conformément à L611-7 du code du commerce, le président peut arrêter les poursuites d’un créancier en application du droit commun, ce droit commun repose sur 1244-1 à 1244-3 du code civil il s’agit d’un chapitre relatif à l’extinction des obligations. Le premier article cité prévoit que compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier le juge peut dans la limite de deux années reporter ou échelonner le paiement des sommes dues l’article 1244-2 quant à lui prévoit que la décision du juge prise en application de l’article précédent suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier.

Ce renvoi au droit commun appelle quelques observations :

  • Le recours à ces textes suppose que le débiteur soit poursuivi par un créancier au cours de la procédure. Ce texte est-il applicable lorsque ces poursuites sont en cours au jour de l’ouverture de la conciliation ? la jurisprudence l’admet, exemple arrêt cour d’appel de Versailles 19 octobre 2006, arrêt dans lequel la cour admet que le fait que des poursuites aient été introduites avant l’ouverture de la procédure ne fait pas obstacle à l’application du dispositif reposant sur les articles 1244 et suivants du code civil ; sur la forme le débiteur devra saisir le président qui a ouvert la procédure de conciliation pour que ce dernier statut sur l’obtention d’un délai, notons que depuis l’ordonnance de 2008 le débiteur bénéficiera de la même possibilité si il est simplement mis en demeure par un créancier.
  • Cette possibilité d’accorder des délais de grâce et de paralyser les poursuites d’un créancier empêchera que celui-ci neutralise l’accord de conciliation. La situation sera traitée au cas par cas parce que le président ne peut plus faire une suspension générale des poursuites.

B- La participation des créanciers à la négociation

La procédure de conciliation a un caractère contractuel puisqu’elle repose sur un engagement réciproque des parties. La loi du 26 juillet 2005 a élargit la qualité des intervenants à la procédure et par ailleurs afin de favoriser le développement de cette procédure la loi de 2005 a également consacré des mesures incitant le créancier à participer à l’accord.

1- L’élargissement des intervenants à la procédure

L’article L611-7 du code de commerce prévoit que la conciliation consiste à favoriser un accord entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que le cas échéant ses contractants habituels.

D’abord notons que le texte ne vise pas la totalité des créanciers mais les principaux d’entre eux donc le débiteur et le conciliateur doivent faire un choix parmi les différents créanciers afin de sélectionner ceux dont la participation à la négociation leur parait ultime. Ces derniers peuvent librement accorder des délais de paiement ou des remises de dette. Ils peuvent également décider de ne participer à l’accord que pour une partie seulement de leur créance.

D’autre part les négociations ne peuvent inclure que les contractants habituels, qui ne sont pas forcément créanciers du débiteur au moment de l’ouverture de la procédure mais qui ont vocation à le devenir.

Enfin remarquons que les cautions du débiteur ne sont quant à elles pas visées par l’article. On justifie leur éviction par le fait qu’elles bénéficient des délais et des remises accordées par le débiteur lorsque celui-ci sera notamment homologué.

D’une manière générale la participation des créanciers à l’accord amiable reste toujours facultative. De plus cette participation peut ne pas être égalitaire. Les créanciers ne consentiront pas tous les mêmes sacrifices.

2- Les mesures incitant les créanciers à participer à l’accord

Les créanciers ont tout intérêt malgré les sacrifices demandés à ce que la procédure de conciliation aboutisse, parce que le risque d’ouverture d’une procédure de sauvegarde entrainera l’interdiction de paiement des créanciers et l’arrêt des poursuites individuelles. Si les créanciers ont compris où étaient leurs intérêts la loi du 26 juillet 2005 a cependant consacré des mesures incitatives :

  • La loi de 2005 permet l’octroi des remises de dettes de la part des organismes sociaux et fiscaux, L611-7 al 3 prévoit que les administrations financières, les organismes de sécurité sociale ou encore les institutions régissant les assurances chômages peuvent accorder des remises de dettes,
  • La seconde mesure repose sur la consécration d’un privilège de conciliation qui sera accordé au créancier si l’accord fait l’objet d’une homologation,

III- L’issue de la conciliation

La conciliation est une procédure visant à un accord des parties opposées par un litige avant l’intervention d’une décision potentiellement contraignante.

L’accord de conciliation

IV- Le règlement amiable applicable aux exploitations agricoles

Il y a une procédure particulière pour les agriculteurs, cela a été consacré par la loi du 30 décembre 1988 elle est actuellement dans les articles L351-1 à 7 du code rural. La procédure est destinée à prévenir et à régler les difficultés financières des exploitations agricoles dès lors qu’elles sont prévisibles ou dès leur apparition par la conclusion d’un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers, le souci est que l’on est au cas par cas parce que la difficulté n’est pas définie par la loi.

La demande de désignation du conciliateur est adressée au président du tribunal de grande instance, l’initiative appartenant à l’exploitant agricole ou à ses créanciers. Le passage par cette conciliation est pratiquement obligé parce que le redressement judiciaire postérieur ne peut être ouvert sur demande du créancier à l’encontre d’un exploitant agricole que si le président du TGI a été saisi d’une demande de désignation d’un conciliateur. L351-5 prévoit que le président du TGI peut prononcer la suspension provisoire des poursuites pour un délai n’excédant pas deux mois. En contrepartie, l’exploitant ne peut payer les sommes dont l’origine est antérieure à l’ordonnance.

Toutefois la conclusion de l’accord se démarque de l’accord de conciliation de droit commun. L’écrit constatant l’accord est signé par les parties elles mêmes et par le conciliateur. D’autre part à la différence de ce que nous avons vu aucune homologation n’est prévue le document contenant l’accord doit être déposé au greffe du tribunal et sera communiqué au procureur.

Quant à ses effets, les effets sont identiques au droit commun. L’article L351-6 du code rural se contente de spécifier que l’accord fait obstacle pendant la durée de son exécution à ce que des suretés soient prises pour garantir le paiement des créances contenues dans l’accord.