Les conditions de la responsabilité contractuelle
A. Le manquement contractuel
La distinction entre les obligations de moyens et de résultat
a. Exposé de la distinction
Demogue a distingué d’un coté obligation de moyens et de l’autre de résultat.
Les obligations de moyens : c’est l’engagement de faire de son mieux. Exemple typique : obligation du médecin, qui s’engage à donner à son patient un traitement conforme aux données actuelles de la médecine. Mais il ne s’engage pas à vous guérir. Exemple 2 : l’avocat s’engage à faire toute les diligences possibles pour que vous gagniez votre procès. Pour ces obligations de moyens, il ne suffit pas que le résultat espéré ne soit pas obtenu pour qu’il y ait manquement contractuel. Il va falloir prouver que tout n’a pas été mise en œuvre pour éviter ce manquement.
L’obligation de résultat : le débiteur s’engage à fournir un résultat précis au créancier. Pour ces obligations de résultat, la responsabilité du débiteur sera engagée du seul fait que le résultat n’est pas atteint. Peu importe, les diligences mises en œuvre par le débiteur. La situation est beaucoup plus favorable pour le créancier.
Le projet Catala avait proposé de consacrer cette distinction entre les obligations de moyen et de résultat. L’ordonnance n’a pas repris la distinction, puisqu’elle n’a pas encore touché les textes. Cela ne veut absolument pas dire que c’est une condamnation de la distinction et subsiste donc aujourd’hui.
Beaucoup d’auteurs présentent cette distinction comme une distinction relative à la charge de la preuve. Mais cette distinction va bien au-delà, c’est une différence de fond, d’objet de la preuve, de définition du manquement contractuel. La charge de la preuve est variable dans l’obligation de moyen.
– Dans l’obligation de moyen « normale », c’est au créancier qui agit en responsabilité contractuelle de prouver la faute de son débiteur.
– Mais dans l’obligation de moyen « renforcée », hypothèse dans laquelle la faute du débiteur est présumée dès lors que le résultat n’est pas atteint, le débiteur pourra quand même s’exonéré en prouvant qu’il a été normalement diligent.
Dans l’obligation de résultat, on se moque de la faute ou l’absence de faute du débiteur.
b. Critères de distinction
On est face à une obligation, comment la qualifier ? C’est assez délicat, car il n’y a pas un critère unique, mais différents critères qui vont se combiner :
– La volonté des parties. Tout dépend de ce à quoi le débiteur c’est engagé. Est-ce qu’il s’est engager à faire de son mieux ou à un résultat précis ? Mais très souvent, le contrat reste silencieux sur ce point. Et au-delà de ce qu’on voulu les parties, il y a des considérations de fonds.
– Le critère de l’aléa. Est-ce que le résultat est fortement tributaire d’élément extérieurs ? A ce moment là, ça sera plutôt une obligation de moyen. L’exemple du médecin illustre bien l’importance de ce critère.
– Le rôle joué par le créancier dans l’exécution de l’obligation. o Si le créancier a un rôle passif : obligation de résultat o Si le créancier a un rôle actif : obligation de moyen
Exemple avec l’obligation de sécurité : cette obligation est rajouté par le juge et peut être de moyen ou de résultat. L’obligation qui pèse sur le télésiège, la jurisprudence distingue selon les périodes.
c. Mise en œuvre de la distinction
Les obligations pécuniaires et les obligations de ne pas faire sont toujours des obligations de résultat. Exemple : quelqu’un sui s’engage à ne pas faire concurrence.
Là où la distinction prend toute sa portée c’est pour les obligations de faire. La mise en œuvre de la distinction n’est pas toujours évidente. Le juge a une marge d’appréciation lorsqu’il doit qualifier l’obligation du débiteur. La matière est donc très casuistique. (1er réflexe à avoir : regarder si la Cour de cassation a déjà dit quelque chose sur le contrat en cause).
Exemples :
L’obligation de sécurité dépendra des cas. Exemple du télésiège.
L’obligation du médecin. Fondamentalement, c’est une obligation de moyens, mais cela n’exclut pas sur certains points l’existence d’une obligation de résultat. Exemple : un médecin pose une prothèse à son patient, la jurisprudence nous dit que le médecin est tenu d’une obligation de résultat quant à l’absence de défaut de la prothèse et quant à l’adéquation de la prothèse au patient.
Les obligations des entrepreneurs dépendront des cas. La jurisprudence distingue en fonction de la prestation promise par l’entrepreneur.
- o Si l’entrepreneur s’engage à une prestation intellectuelle, la jurisprudence a tendance à y voir une obligation de moyen. Exemple : Entreprise sollicite une agence de publicité pour une campagne de pub. Si jamais le client n’est pas content de la prestation de l’agence de communication, il faudra prouver que l’agence a commis une faute, des erreurs, car c’est une obligation de moyens. Il ne suffira donc pas de prouver une baisse dans la vente.
- o Si l’entrepreneur s’engage à une prestation matérielle, l’aléa est beaucoup moins important, ainsi la jurisprudence a tendance à y voir une obligation de résultat.
La gravité du manquement
S’agissant de la gravité du manquement, l’Ancien Droit distinguait entre 3 catégorie de faute :
- La faute lourde
- La faute légère
- La faute très légère
Les conséquences n’étaient pas les mêmes selon la gravité de la faute commise. Le Code civil a balayé tout ça, aujourd’hui tout manquement contractuel engage la responsabilité de l’auteur. C’est le principe d’unité des fautes contractuelles. Mais depuis, on voit apparaitre une certaine hiérarchie des fautes.
a. La hiérarchie des fautes qualifiées
Le législateur et la jurisprudence ont progressivement réintroduit une hiérarchie des fautes. PB : ils ont fait ca de manière peu cohérente, assez hiérarchique. Cela pose un double problème :
Les textes font référence selon les cas à telle ou telle faute qualifiée. Mais pourquoi le législateur exige dans tel cas une faute lourde, et dans un autre une faute inexcusable ?
Un même terme, tel que la « faute inexcusable », va être utilisée dans différente branches du droit, et va pouvoir un sens différent.
Si on s’en tient à la matière contractuelle, il y a pour l’essentiel, 3 types de fautes qualifiées :
La faute dolosive (la plus grave): quand le débiteur refuse volontairement d’exécuter son obligation. Il n’y a a pas forcément d’intention de nuire, mais il fait exprès de ne pas s’exécuter. Attention : il ne faut pas confondre le dol dans la formation (=vice de consentement) et dans l’exécution (=faute délibérée) du contrat !
La faute inexcusable : n’est pas intentionnelle, mais c’est une faute d’une exceptionnelle gravité qui entraine un risque particulièrement grave de dommages, dont l’auteur aurait du avoir conscience.
La faute lourde : c’est une faute qui n’est pas intentionnelle, c’est une négligence mais une négligence énorme. La jurisprudence la définit comme « la négligence d’une extrême gravité confinant le dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de sa mission contractuelle». Cette faute a une dimension subjective, il faut apprécier le comportement du cocontractant. Pendant toute une période, la C.cass retenait une conception objective de la faute lourde, ie qu’il y avait faute lourde dès lors que le débiteur avait violé une obligation essentielle du contrat. Cela conduisait à une extension énorme de la faute lourde. La jurisprudence a fait marche arrière avec un arrêt de ch. mixte du 22 avril 2005, et rétablit la conception subjective de la faute lourde.
b. Les rôles des fautes qualifiés
→ La faute qualifiée peut être une condition de la responsabilité.
Dans certains cas, il y a une disposition légale qui prévoit que le débiteur n’engage sa responsabilité que s’il a commis une faute qualifiée. C’est une limitation de responsabilité favorable au débiteur.
Exemple : En droit du travail, une jurisprudence constante, depuis 1958, décide que le salarié n’engage sa responsabilité envers son employeur que s’il a commis une faute lourde ou dolosive.
→ La faute qualifiée va accroitre les conséquences de la responsabilité
N’importe quelle faute même légère va entrainer la responsabilité du débiteur, mais la charge de la responsabilité sera alourdie si jamais il a commis une faute qualifiée.
Exemple 1 : L’article 1231-3 du Code qui reprend l’article 1150 ancien, limite la réparation due par le débiteur en cas d’inexécution au préjudice prévisible. Mais cette limitation saute si jamais le débiteur commet une faute qualifiée. Il devra alors réparer tous les préjudices, même les préjudices imprévisibles.
Exemple 2 : Les clauses de responsabilité, la clause est efficace, mais saute si le débiteur commet une faute qualifiée. Le débiteur devra réparer la totalité du dommage causé au créancier.
La responsabilité contractuelle du fait d’autrui
Est-ce qu’un contractant peut-être responsable alors que le dommage n’a pas été causé directement par lui, mais par une personne qui l’avait chargé d’exécuter le contrat ? Le contractant doit-il répondre de l’inexécution commise par une personne qu’il avait chargée d’exécuter le contrat ? C’est une question très importante en pratique. En effet, la plupart des contrats sont exécutés par des tiers. Exemple : Une entreprise passe par ses salariés. Le cocontractant répond nécessairement des personnes qu’il emploi pour effectuer l’exécution. Le manquement commis par le tiers auquel le cocontractant a confié la mission d’exécuter le contrat, devient le manquement de cocontractant lui-même.
Si le débiteur est tenu d’une obligation de résultat, le fait que le résultat ne soit pas atteint suite à l’intervention d’un tiers, engagera le débiteur.
Si c’est une obligation de moyen, qu’il faut prouver une faute, la faute commise par le tiers sera la faute du débiteur lui-même.
B. Le dommage
L’existence du dommage
On admet de manière générale que la responsabilité contractuelle suppose un dommage : pas de dommage, pas de réparation. Cette exigence est logique, si on raisonne en termes de responsabilité. Elle est d’autant plus logique, qui si on avait une responsabilité sans préjudice, on se heurte à une difficulté insoluble : comment évaluer les Dommages & Intérêts ? Les Dommages & Intérêts seraient fixés de manière arbitraire par le juge.
Cette exigence est contestée.
30 janvier 2002, 3ème ch. Civ : le locataire rend les locaux au bailleur dans un état déplorable. Le bailleur agit en responsabilité contractuel. Sauf que, le bailleur juste après vend les locaux à un promoteur qui avait les avaient démolis. Il n’y a donc aucun préjudice subi par le créancier. Pourtant, la Cour de cassation condamne le locataire a verser des Dommages & Intérêts au bailleur.
Cet arrêt a été critiqué. Certains l’ont approuvé en disant que la responsabilité contractuelle a aussi une fonction de paiement.
3 décembre 2003, 3ème ch. Civ : revirement de JP. Le bailleur n’a pas subi de préjudice, donc le débiteur n’engage pas sa responsabilité contractuelle.
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30 janvier 2002, 3ème ch. Civ |
3 décembre 2003, 3ème ch. Civ |
Doctrine |
• Présenté comme une consécration des thèses de ceux qui critiquent le concept de responsabilité contractuelle. Dans ces thèses, l’existence d’un préjudice n’est pas une condition nécessaire de l’attribution du droit à des dommages et intérêts.
• Ne concernait uniquement « l’indemnisation du bailleur en raison de l’inexécution par le preneur des réparations locatives ». |
• La troisième chambre civile renoue avec une analyse strictement indemnitaire des dommages et intérêts : l’inexécution de l’obligation contractuelle fait naître une obligation nouvelle de réparation qui se mesure au préjudice subi.
• « Les dommages-intérêts ne peuvent être alloués que si le juge (…) constate qu’il est résulté un préjudice de la faute contractuelle ». Plus question ici ni de bailleur, ni d’inexécution des réparations locatives : la formule peut s’appliquer à tous les contractants, pour toutes les obligations. |
Il y a une autre exception, une jurisprudence constante, pour les obligations de ne pas faire :
Depuis un arrêt du 10 mai 2005, arrêt répété, la violation de l’obligation de ne pas faire concurrence oblige nécessairement le débiteur à réparation alors même que le créancier n’aurait pas subi de préjudice. La Cour s’appui sur l’article 1145 ancien. Ce texte dispose d’une condition de mise en demeure, et en 2005, la Cour de cassation change l’interprétation de cet article. C’est une relecture critiquable de
ce texte : comment savoir à combien condamner le débiteur qui a violé l’obligation de concurrence si jamais il n’y a pas de préjudice ?
L’ordonnance n’a pas repris l’article 1145 : cette abrogation va-elle entrainer un revirement de jurisprudence ?
La nature du dommage
Tous les types de dommages sont susceptibles d’être réparés : dommage matériel, moral, corporel. Simplement, sur le dommage matériel, l’article 1231-2 précise que les Dommages & Intérêts dus au créancier sont en général de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.
→ « La perte qu’il a faite » : Le danum emergens en latin
→ « Le gain dont il a été privé » : Le lucrum cessans en latin. Se sont les dommages induis par l’exécution. C’est un argument fort en faveur de l’existence de la responsabilité contractuelle.
Exemple : Un restaurateur fait appel à un artisan pour refaire la cuisine de son restaurant. L’artisan fait n’importe quoi et tout tombe en panne. Le restaurateur pourra obtenir réparation de la perte subi (frais de remise en état de la cuisine) ainsi que les gains manqués (le restaurateur a été privé de bénéfice, de CA).
Les caractères du dommage
→ Dommage doit être certain. ≠ éventuelle, ou hypothétique.
→ Dommage doit être direct (article 1231-4) : cela veut dire qu’il doit y avoir un lien de causalité entre manquement et le dommage.
C. Le lien de causalité
Il doit y avoir une relation de cause à effet entre le manquement contractuel et le préjudice. Un événement peut avoir des conséquences infinies.
Exemple : A cause de l’inexécution du contrat de l’entreprise un restaurant a fermé. Le critique du guide Michelin devait venir. Le cuisinier n’a pas eu sa deuxième étoile. Il est tombé en dépression. Le restaurant a fermé et a perdu sa clientèle. A quel moment mettre une limite, en disant que tel chose est trop lointaine pour être réparé ?
D. La mise en demeure
La forme de la mise en demeure
Dans le système de 1804, la mise ne demeure se faisait par acte huissier. C’est un acte couteux. Cette exigence de l’huissier n’était plus adaptée à l’économie actuelle. La forme de la mise en demeure s’est assouplie. Aujourd’hui c’est l’article 1344 qui pose la règle. La mise en demeure peut aujourd’hui résulter d’une simple lettre ou par acte huissier. En théorie, il peut s’agir d’une lettre simple. PB : la preuve. En pratique, il faut donc recourir à la lettre recommandée.
Le domaine de la mise en demeure
Il faut distinguer entre les Dommages & Intérêts moratoires et les Dommages & Intérêts compensatoires.
→ Dommages & Intérêts moratoires : Dommages & Intérêts qui résultent du retard du débiteur (article 1231-6). Il faut forcément une mise en demeure, sans cela juridiquement le débiteur n’est pas en retard. Cette nécessité de mise en demeure est écartée dans deux cas :
o Disposition légale spéciale, les intérêts pour certains contrats courent de plein droit. Exemple : Mandat (article 2001 du Code).
o Le contrat, peut contenir une clause qui dispose le créancier de mettre en demeure. L’arrivée du terme suffit à faire courir les intérêts de plein droit.
→ Dommages & Intérêts compensatoires : viennent réparer les autres préjudices, liés à l’inexécution (article
1231). Il faut en principe une mise en demeure, ce n’est pas parce que le débiteur n’a pas encore exécuter qu’il ne va jamais exécuter.
(Vérifier qu’il ne manque pas de cours)