Les conditions de la cession du fonds de commerce

la vente du fonds de commerce : conditions de validité et conditions de forme

La vente du fonds de commerce est le premier contrat organisé par le législateur qui s’était largement inspiré des procédés que la pratique avait déjà imaginé. Le fonds de commerce est la principale richesse du commerçant et constitue donc l’élément le plus important pour le gage des créanciers. Une vente clandestine ou trop rapide risquerait de priver les créanciers, de la vente de leur gage. C’est pour cela que l’on avait pris l’habitude de publier la vente dans un journal d’annonce légale. La vente devenait publique et par conséquent l’action paulienne. Une loi du 17 mars de 1909 a organisé la publicité de la vente et la protection du créancier du vendeur. La loi du 29 juin 1935 s’est efforcée quant à elle de protéger l’acquéreur du fonds de commerce parce que celui-ci pouvait facilement se tromper ou être trompé sur la valeur du fonds. Ces deux textes ont été réformés mais ils sont parvenus jusqu’à nous.

La vente du fonds de commerce est toujours un acte de commerce quel que soit la qualité des parties. Le contentieux relève donc du tribunal de commerce. Comme n’importe quel contrat, la vente du fonds de commerce est posée par l’article 1108 du Code civil.

  • a) La capacité

En principe le fonds de commerce est un bien meuble mais aujourd’hui on ne lui applique plus les règles habituelles de capacité relatives à la vente des meubles. Deux raisons à cela, c’est que l’acquéreur va devenir commerçant et la deuxième est liée ç la valeur du fonds de commerce. S’agissant de l’acheteur il doit avoir la capacité commerciale car il va devenir commerçant. S’agissant du vendeur, le législateur a étendu à la vente du fonds de commerce, des règles de capacité imaginées à l’origine pour la vente d’immeuble. Ex : si le fonds de commerce est un bien commun, sa vente est soumise au principe de cogestion et requière donc le principe de l’accord des deux époux.

Si le fonds de commerce appartient à un mineur, si les deux parents du mineur exercent l’autorité parentale, là encore, les deux volontés sont nécessaires pour pouvoir vendre le fonds. Si un seul des parents exercent l’autorité parentale, la vente doit en principe être autorisée par le conseil de famille ou à défaut par le juge des tutelles.

Si le fonds de commerce appartient à un majeur sous tutelle, la vente ne peut intervenir qu’avec l’autorisation du juge des tutelles.

  • b) Le consentement

La vente du fonds de commerce est soumise aux 4 conditions de validité de l’article 1108 du code civil.

Comme pour n’importe quel contrat, les parties doivent émettre un consentement libre et éclairé. Mais, la jurisprudence admet plus largement qu’en droit civil la nullité de la vente du fonds de commerce pour vice du consentement parce que la vente porte sur une propriété incorporelle (fonds de commerce) et pour ces propriétés incorporelles, il est facile de se tromper ou d’être trompé sur l’importance de la clientèle et donc sur la valeur du fonds. Ainsi, la jurisprudence considère que l’erreur sur l’importance de la clientèle constitue une erreur sur les qualités substantielles alors qu’en droit civil, l’erreur sur la valeur n’est pas une cause de nullité. Cependant, en présence de ce type d’erreur, le juge ne va pas prononcer l’annulation de la vente mais il réduit le prix.

La même observation peut être faite en matière de dol notamment parce que la jurisprudence admet la réticence dolosive dès lors que le vendeur n’a pas correctement informé l’acheteur sur l’importance de sa clientèle et là aussi, le juge ne prononce pas la nullité de la vente mais procède à une réduction du prix.

En revanche aucune différence avec le code civil, la preuve du vice du consentement doit être apportée par celui qui s’en prévaut, l’acheteur, et cette preuve est libre.

  • c) L’objet du contrat

La vente est un contrat synallagmatique par lequel le vendeur transfère la propriété d’un bien moyennant le paiement d’un prix donc, évidemment, l’objet se dédouble comme dans tous ces contrats.

  • Le fonds vendu

Bien sûr, la vente a pour objet un fonds de commerce mais aucun texte ne détermine les éléments du fonds devant obligatoirement être compris dans la vente. Par conséquent, les parties sont libres de fixer, comme elles l’entendent, l’objet de la vente avec une limite c’est que la vente doit inclure l’élément principal permettant de retenir la clientèle. En cas de difficultés, le juge va examiner au cas par cas les éléments de l’espèce.

Bien sûr, la vente du fonds de commerce, si le fonds est exploité dans un local loué, inclut nécessairement le droit au bail. Toute clause du bail qui interdirait sa cession à l’occasion du fonds de commerce est réputée non écrite. Le droit au bail est inclus dans la vente du fonds de commerce mais la vente du fonds ne peut jamais inclure des biens immobiliers.

Les livres de comptabilité restent la propriété du vendeur mais ceux des trois précédents exercices doivent être laissés à la disposition de l’acheteur pendant 3 ans.

  • Le prix

Il est librement fixé par les parties et la pratique a imaginé de très nombreuses modalités en matière de prix.

Parfois, par exemple, le prix consiste dans une participation au bénéfice accordé au vendeur pendant un certain nombre d’années. Cet usage est suivi notamment dans l’industrie textile, des maisons de couture les plus luxueuses aux maisons les plus modestes.

Parfois, le vendeur accepte une vente à tempérament, échelonnée dans le temps et le prix est payable par annuité successive. Chaque fois que le prix n’est pas payé au comptant, les parties doivent fixer trois prix différents pour permettre au vendeur de conserver son privilège. Le privilège est un droit de préférence que la loi accorde à certains créanciers (le super privilège des salaires). Le vendeur du fonds de commerce s’est vu reconnaitre un privilège et pour pouvoir conserver ce privilège, les parties doivent fixer trois prix :

-les marchandises.

-le prix du matériel

-les éléments incorporels

En pratique cette décomposition est devenue systématique même en cas de paiement comptant.

Bien évidemment, s’agissant du prix des marchandises, ce prix est nécessairement fluctuant puisque il varie en même temps que le stock. Le plus souvent, les parties conviennent qu’un inventaire des marchandises sera dressé lorsque l’acheteur entrera en possession du fonds de commerce et c’est à cette date d’entrée en position de l’acheteur que le prix des marchandises sera fixé.

L’état dispose d’un droit de préemption sur le fonds de commerce si le prix de vente ne correspond pas à la valeur réelle du fonds. Il offre alors un prix majoré d’1/10ème. C’est une méthode peu utilisée mais un certain nombre de communes utilisent ce droit de préemption.

  • 2) Les formes de la vente

En principe, la vente est un contrat consensuel et la vente est parfaite dès que les parties conviennent de la chose et du prix. En outre, la vente du fonds de commerce est un acte de commerce et cet acte devrait bénéficier du principe de la liberté de la preuve. Cependant, des incertitudes sont nées de l’article L141-1 du code de commerce. En effet, cet article énumère les différentes mentions que le vendeur doit dénoncer dans l’acte qui constate une cession amiable du fonds de commerce.

On s’est demandé s’il fallait déduire de cette disposition que la rédaction d’un écrit était devenue indispensable pour que la vente soit valable. Cependant, ce n’est pas l’analyse qui a été retenue. En effet, la violation d’une règle de forme est en principe sanctionnée par la nullité absolue sauf en droit de la consommation. Mais l’article L141-1 précise que l’omission de l’une des mentions obligatoires peut entrainer la nullité de l’acte de vente à la demande de l’acheteur. Le texte ajoute que la nullité qu’elle est soumise à une prescription très courte (1 an) et cette nullité est toujours facultative pour le tribunal. On veut donc maintenir l’application du droit commun et décider que le contrat se forme par le seul consentement des parties. La vente verbale du fonds de commerce serait valable et pourrait être prouvée par tout moyen. Cette hypothèse de la vente verbale est plus théorique que réelle. Un écrit est systématiquement rédigé car cet écrit est indispensable pour plusieurs raisons. En effet, l’écrit est nécessaire pour procéder aux publicités de la vente du fonds de commerce. Ensuite, il est indispensable pour que le vendeur inscrive son privilège. Enfin, l’écrit est nécessaire pour l’acquéreur pour son immatriculation au RCS. En outre, un écrit est toujours nécessaire.

Cet écrit, qui constate la vente du fonds de commerce, peut être un acte authentique ou un acte sous seing privé. S’il s’agit d’un acte sous seing privé, il n’est pas soumis à la formalité du double exemplaire (1325 du code civil) puisqu’il bénéficie de la liberté des preuves en matière commerciale. L’acte sous seing privé doit être enregistré dans un délai de 1 mois pour acquérir une date certaine (c’est-à-dire une date opposable aux tiers).

L’article L141-1 énumère les cinq mentions que le vendeur doit mentionner, faire figurer dans l’acte de vente :

-nom du précédent vendeur, date et nature de son acte d’acquisition et prix de cette précédente acquisition.

-l’état et privilège de nantissement qui règlent le fonds : il s’agit de droits reconnus aux créanciers pouvant menacer les droits du propriétaire du fonds.

-le chiffre d’affaire que le vendeur a réalisé au cours des trois exercices comptables précédant celui de la vente. L’objectif de cette mention est de permettre à l’acheteur d’essayer d’apprécier l’importance de la clientèle et donc la valeur du fonds.

-les bénéfices commerciaux réalisés pendant cette même période des trois exercices. L’objectif est le même.

-l’existence du bail commercial, sa date, sa durée et l’identité du bailleur.

L’acquéreur peut demander la nullité de l’acte de vente dans l’année du jour où la vente a été passée. On est en présence d’une nullité relative entièrement destinée à protéger l’acheteur. La jurisprudence a estimé que le délai de 1 ans est un délai préfixe c’est-à-dire un délai qui n’est susceptible ni d’interruption ni de suspension. En outre, la nullité est toujours facultative pour le tribunal. Le juge recherche aux cas par cas si l’omission de l’une des mentions obligatoires a été de nature à tromper l’acquéreur et celui-ci devra prouver que l’omission ne lui a pas permis d’émettre un consentement éclairé.