Conditions du commerçant (incapacité, étrangers, interdiction…)

Les conditions requises pour faire le commerce

En principe, depuis la Révolution française, toute personne a le droit d’exercer le commerce. Le législateur est venu poser certaines conditions et sont devenues de plus en plus stricte au fil du temps. Il ne s’agit pas de conditions de compétences ou d’expérience. Cependant le législateur a posé des conditions pour exercer le commerce et ces conditions ont deux objectifs : certaines sont destinées à protéger le sujet de droit des dangers des activités commerciales, ce sont les incapacités. D’autres conditions sont destinées à protéger les tiers qui sont en relation avec le commerçant et on parle alors d’incompatibilité et d’interdiction.

1) Les incapacités

Il faut abandonner la distinction entre les incapacités de jouissance et d’exercice. Ici ce qui est en cause c’est l’incapacité d’exercer une profession et on ne peut pas exercer une profession par l’intermédiaire d’un représentant. Il s’agit d’une incapacité originale propre au droit commerciale.

  • Le mineur non émancipé

La règle figure dans une lecture a contrario de l’article L121-2 du code de commerce. Cet article permet à certaines conditions aux mineurs émancipés de devenir commerçant. A contrario le mineur non émancipé ne peut jamais devenir commerçant et en principe aucune autorisation ne peut venir lever cette incapacité. Cette règle peut présenter des inconvénients dans l’hypothèse où un commerçant décédé en laissant des enfants mineurs, la gérance du fonds de commerce est alors facilité. Mais surtout la loi du 15 juin 2010 a modifié l’article 389-8 du code civil, pour permettre aux mineurs non émancipés d’avoir une activité commerciale même si ils ne deviennent pas commerçants. Le mineur peut être autorisé à accomplir seul les actes d’administration nécessaires pour la création et la gestion d’une entreprise à condition que celle-ci soit constituée sous forme d’entreprise individuelle à responsabilité limités ou de sociétés unipersonnelles. En principe cette autorisation est donnée par les deux parents : autorité parentale conjointe ou à défaut par le juge des tutelles. Les actes de dispositions ne peuvent être effectués que par les deux parents ou à défaut par une autorisation des juges des tutelles. L’autorisation peut être donnée soit par un acte sous seing privé soit par un acte notarié et elle doit comporter la liste des actes d’administration que le mineur peut accomplir seul.

  • Le mineur émancipé

L’émancipation est possible à partir de l’âge de 16 ans et le mineur acquière une pleine capacité pour accomplir tous les actes de la vie civile. Mais en principe, même émancipé, il ne peut pas acquérir la qualité de commerçant. Cependant il y a une exception posée par la loi du 15 juin 2000 modifiant l’article L121-2 du code du commerce. En effet, le mineur émancipé va pouvoir devenir commerçant dans deux cas : d’une part avec l’autorisation du juge des tutelles et après avoir été émancipé, l’intéressé peut lui-même demander à devenir commerçant et il lui faut alors une décision du président du TGI.

  • Les majeurs sous tutelle et majeurs placés sous sauvegarde de justice

Il n’y a pas de textes qui visent formellement leur situation à l’égard de la qualité de commerçant. Cependant, la doctrine considère que le majeur sous tutelle doit être assimilé au mineur non émancipé et par conséquent il ne peut pas devenir commerçant. D’ailleurs si cette tutelle frappe un commerçant qui est déjà établi, le jugement d’ouverture de la tutelle doit être publié au registre du commerce des sociétés et la mise en location de gérance du fonds de commerce est facilitée. Le majeur sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits et peut théoriquement être commerçant, simplement les actes qu’il accomplie peuvent être plus facilement remis en cause.

  • Le majeur sous curatelle

Il n’y a pas de texte spécifique quant à la qualité ou pas de commerçant, la doctrine considère que lui non plus ne peut pas devenir ou rester commerçant. L’assistance du curateur est incompatible avec les besoins de rapidité de la vie des affaires. La location-gérance est facilitée.

  • Les sanctions des incapacités

Ces sanctions sont originales par rapport au droit civil, dans la mesure où l’on étudie l’incapacité d’exercer une profession. L’incapable lui-même peut invoquer son incapacité puisqu’elle est estimée à le protéger et par exemple pour décliner la compétence du tribunal de commerce. Toutefois, les tiers peuvent également invoquer l’incapacité pour dénier à l’incapable la qualité de commerçant et par exemple le bailleur d’un local commercial peut invoquer l’incapacité du locataire pour lui refuser le bénéfice de la propriété commerciale. En revanche quand c’est la validité d’un acte juridique qui est en cause, seul l’incapable peut se prévaloir de son incapacité. L’incapacité dans ce cas n’est pas ouverte au tiers.

2) Les incompatibilités et les interdictions

Ici ces incompatibilités et interdictions ont été posées pour protéger les tiers ou pour protéger certaines professions qui ne peuvent pas être cumulée avec une activité commerciale. Ce n’est plus la protection de la personne elle-même qui est en cause.

  • Les incompatibilités

En principe un même sujet de droit peut parfaitement exercer plusieurs activités professionnelles dont l’une est commerciale. Ce principe est toutefois écarté en présence d’une incompatibilité. Tous les fonctionnaires ne peuvent pas devenir commerçant, ensuite les avocats, les officiers ministériels, les architectes, expert-comptable, les pharmaciens d’officine (il est commerçant mais ne peut pas exercer une activité commerciale parallèlement). L’intéressé s’expose à des sanctions disciplinaires et sera considéré comme un commerçant de fait si il viole l’incompatibilité. Le commerçant de fait est un individu qui exerce le commerce dans des conditions irrégulières, il est soumis à toutes les obligations qui pèsent sur un commerçant mais ne peut en revanche pas revendiquer tous les droits attachés à cette qualité de commerçant.

  • Les interdictions

Ce régime a été assez mouvementé ces dernières années car il a fait l’objet de nombreuses réformes successives, la dernière en date est la loi de modernisation de l’économie du 4 aout 2008. L’une des innovations de cette loi c’est que le régime des interdictions a quitté le code de commerce pour intégrer le code pénal et aujourd’hui l’interdiction d’exercer une activité commerciale est une peine complémentaire pour le juge. Elle est prévue par l’article 131-27 du code pénal. Cet article prévoit que le juge peut prononcer l’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque directement ou indirectement pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Le texte ajoute que le juge peut prononcer cette interdiction de manière définitive ou pour une durée de 10 ans ou plus. En outre, cette peine complémentaire ne peut être utilisée par le juge que pour certains crimes ou délits limitativement prévus par la loi. Certaines infractions se trouvent dans le code pénal et l’on trouve l’escroquerie, le vol … cette peine peut être utilisée pour des infractions extérieures au code pénal que l’on peut regrouper en quatre catégories : il s’agit de tous les délits du droit des sociétés comme l’abus de biens sociaux. Deuxième catégorie : infraction du code la consommation : abus de faiblesse… ensuite il y a toutes mes infractions relatives au jeu et au casino et enfin d’autres fraudes comme les fraudes fiscales … A chaque fois que l’infraction est un délit punit par une peine d’emprisonnement le juge peut prononcer l’interdiction d’exercer le commerce comme peine alternative à la prison.

3) Les commerçants étrangers

Le droit a évolué dans un sens plus libéral de façon à ce que les personnes d’origine étrangères puissent exercer une activité commerciale.

  • a) le droit commun

Il concerne toutes les personnes de nationalité étrangères qui ne sont pas des ressortissants de droit communautaire. Le droit commun a été simplifié par une loi du 24 juillet 2006 qui a simplifié l’exercice d’une activité commerciale par les ressortissants dans un pays étranger. Ce texte a également supprimé l’ancienne carte du commerçant étranger. Désormais l’article L122-1 distingue deux situations :

  • le ressortissant étranger souhaite exercer une activité commerciale en France mais il n’y réside pas. Il doit effectuer une déclaration auprès du préfet de département dans lequel il envisage exercer son activité.
  • Le ressortissant étranger réside en France de manière régulière, il est dispensé de cette déclaration préalable à condition qu’il dispose d’une carte de séjour qui l’autorise à exercer une profession commerciale ou artisanale. Le commerçant étranger est soumis aux mêmes droits et obligations que n’importe quel autre commerçant avec quand même quelque tempérament.
  • Les ressortissants de l’UE

Leur situation est plus favorable dans la mesure où ils bénéficient de la liberté d’établissement et progressivement au cours des années 60 et 70, tous les obstacles qui pouvaient s’opposer à l’exercice du commerce ont été supprimés. Les ressortissants communautaires peuvent exercer en France une activité commerciale quelconque avec les mêmes droits et obligations que n’importe quel commerçant.