Les conditions de recevabilité du recours en excès de pouvoir

Le contrôle par voie d’action : les conditions de recevabilité

On appelle « conditions de recevabilité » les conditions devant être réunies pour que le juge puisse être saisi, se prononcer sur le fond et rendre une décision. Le juge saisi est tenu d’apprécier la recevabilité des recours à la date de leur introduction.

Introduction  :

Le requérant ici demande au juge d’annuler la décision qui est attaquée. Le recours par voie d’action est un recours en annulation. Et ce recours en annulation ne peut être exercé que devant le juge administratif. En principe, il s’agit du tribunal administratif dans le ressort duquel la décision a été prise. Toutefois le conseil d’état est compétent en premier et dernier ressort dans un certain nombre de cas.

La voie de droit par excellence pour obtenir l’annulation d’un acte administratif est le recours pour excès de pouvoir. C’est un recours en contentieux qui tend à faire annuler par le juge une décision administrative illégale.

C’est un recours de droit commun, on peut en principe le former contre tous les actes administratifs. Il est destiné a assurer le respect de la légalité. C’est un recours objectif en ce sens. Il a profondément évolué. Le conseil d’état en a fait l’instrument par excellence du contrôle de la légalité et en a de plus en plus ouvert l’accès et perfectionné l’efficacité. Ce recours s’est rapproché des recours de plein contentieux en ce sens qu’il apparait fréquemment comme un moyen de protection de situations juridiques subjectives.

Ce recours pour excès de pouvoir représente 70% des recours ce qui explique son succès. Se pose aussi la question de l’accès au prétoire. Logiquement tout individu qui constate une illégalité devrait pouvoir saisir le juge administratif. il y a alors un risque que les prétoires soient submergés par les demandes.

Le conseil d’état pose donc un certain nombre de conditions de recevabilité et considère que le requérant ne peut invoquer que certains moyens.

Les conditions de recevabilité :

Ce sont des conditions dont l’existence est nécessaire pou que le juge examine le recours au fond. Si l’une de ces conditions fait défaut le recours sera rejeté comme étant irrecevable sans que le fond de l’affaire soit examiné, sans que le juge recherche si la décision contestée est effectivement illégale.

Il y a 4 conditions de recevabilité.

A.    Les conditions relatives à l’acte attaqué 

Il est recevable que contre les actes administratifs unilatéraux faisant griefs.

  • Un acte administratif unilatéral

Il faut un acte administratif unilatéral : cette exigence exclus le recours pour excès de pouvoir contre les actes législatifs, juridictionnels, contre les contrats.

On a un certain nombre d’exceptions, posé par l’arrêt du 4 aout 1905, arrêt Martin on peut demander l’annulation de ce qu’on appelle les actes détachables des contrats (décision du conseil municipal qui autorise le maire à contracter par exemple), les dispositions à caractère règlementaires des contrats de délégation à un service public. Au profit du préfet dans le cadre du contrôle de légalité à l’égard des contrats des collectivités locales.

La recevabilité s’applique aux mesures réglementaires, décrets, ordonnances ; arrêtés et mesures individuelles. Cependant par dérogation à ce principe sont exclus le recours contre les actes du gouvernement et les mesures relatives à la gestion du domaine privé des personnes publiques. Les personnes publiques ont toutes un domaine privé avec des biens immobiliers qu’elles sont censées gérer comme des particuliers, cela relève du droit privé.

  • Acte faisant grief

Il faut un acte administratif faisant grief : pour que le recours soit recevable, faut-il encore que l’acte passe grief. C’est-à-dire que l’acte doit être susceptible de produire des effets juridiques. Cela exclue le recours pour excès de pouvoir contre les avis, contre les propositions, contre les mesures préparatoires.

On signale qu’une note est une mesure préparatoire. Par exemple si on veut contester l’examen, on ne peut pas contester une note car elle est considérée comme une mesure préparatoire.

Le recours pour excès de pouvoir contre les circulaires interprétatives est irrecevable.

B.    Les conditions relatives à la qualité du requérant :

Pour que le recours soit recevable, le requérant doit avoir une certaine qualité pour agir et intérêt à agir.

Le Juge Administratif est très libéral car il admet qu’une association qui n’est pas encore déclarée par exemple ou qui est dissoute a capacité pour agir.

Deuxièmement, il y a l’intérêt à agir. Le requérant doit avoir un intérêt suffisamment caractérisé pour que sa requête soit recevable. Logiquement le recours pour excès de pouvoir qui tend à faire constater une illégalité devrait être ouvert à tout le monde. Il serait logique d’en faire une action populaire.

Ceci se heurte à des raisons pratiques. Si c’était ouvert à tout le monde, les juridictions seraient submergées.

Pour autant le juge n’exige pas la violation d’un droit subjectif. Il n’exige que l’atteinte à un intérêt froissé. Cet intérêt peut être matériel, ou moral, individuel, collectif, public.

La jurisprudence est difficile a systématisé.

On doit distinguer l’intérêt à agir des individus et celui des groupements et associations.

  • 1) L’intérêt à agir des individus 

La jurisprudence est fixée depuis un arrêt de principe du 29 mars 1901, l’arrêt Casanova.

On doit distinguer les recours formés contre les mesures individuelles :

Pour les personnes qui sont visées directement par l’acte, il n’y a aucun problème. Elles ont intérêt à agir.

En ce qui concerne les tiers, le problème est plus délicat. On peut dire que c’est une jurisprudence au cas par cas.

C’est-à-dire que dans tel cas, est ce que les tiers ont intérêt à agir ou non ?

En matière de permis de construire, un permis délivré : Le Conseil d’État considère que seuls les voisins du terrain ont intérêt à agir. Le cercle des voisins sera plus ou moins large selon l’importance de la construction.

Autre exemple : on conteste le résultat d’un concours. Toutes les personnes qui ont vocation à être nommées ont intérêt à agir.

 

Les mesures règlementaires, les mesures à portée générale :

Pour avoir intérêt à agir il faut appartenir « à un cercle d’intérêts suffisamment caractérisés ».

Cela veut dire qu’on ne peut pas agir en tant que simple citoyen ardent mais en tant que membre d’une collectivité restreinte. Il faut qu’on agisse en tant que contribuable, sportif, parent d’élève, chasseur…

Il faut qu’on s’adresse à un cercle plus restrictif que la communauté.

 

  • 2) Intérêt à agir des groupements et associations

L’arrêt de principe est celui du Conseil d’État du 28 décembre 1906, syndicat des patrons coiffeur de Limoges. Cette jurisprudence a été signalée.

Les groupements et associations ont vocation uniquement à défendre les intérêts collectifs de leurs membres.

En ce qui concerne les mesures réglementaires, il n’y a pas de problèmes.

En ce qui concerne les actes individuels, le juge n’admet l’intérêt à agir que contre les actes positifs mais pas contre les actes négatifs.

Les groupements et fédérations de groupement ne peuvent attaquer des mesures qui n’intéressent qu’une catégorie professionnelles ou régionales de leurs membres quand elle est représentée par une organisation spéciale.

Exemple de l’éducation nationale : on a tout un tas de syndicats.

Le juge fait preuve d’un certain libéralisme car aujourd’hui l’essentiel des recours est exercé par des associations et de groupements.

 

C.   Les conditions de forme et de délai 
  • Les conditions de forme

La procédure administrative contentieuse est très peu contraignante. Il suffit de déposer au greffe une requête écrite en français et développant les moyens et conclusions des requérants.

Et le requérant doit joindre l’arrêt attaqué.

Les tribunaux font preuve d’un grand libéralisme.

Le ministère d’avocats n’est pas obligatoire et c’était le cas jusqu’en 2003 pour les appels des jugements des TA (donc devant la CAA), et les pourvois en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel (donc devant le CE).

On peut aller directement devant le juge. Mais cette dispense a été progressivement réduite.

Elle demeure uniquement devant les tribunaux administratifs.

Très concrètement, les gens remettent un mémoire introductif d’instance (2 ou 3 pages).

Le juge nous fixe un délai pour le faire, et ceci se fait à travers un mémoire ampliatif.

 

  • Les conditions de délai 

Le recours dit être formé dans un délai de 2 mois à compter de la publicité de l’acte.

Donc le point de départ du délai est la publicité de l’acte qui est selon les cas la date de publication de l’acte, la date d’affichage, ou de notification.

 

Pour les acte règlementaires il s’agit de la publication (exemple le JO) on de l’affichage (par exemple à la porte de la mairie).

Les actes individuels doivent faire l’objet d’une notification.

 

En ce qui concerne les actes individuels, les délais ne sont opposables que s’ils ne sont mentionnés dans l’acte de notification.

Il s’agit d’un délai franc, et ne sont pas pris en compte le jour ou commence à courir le délai et celui où il expire.

Ce délai contentieux peut être prorogé une fois par l’exercice de recours administratif dans le délai du recours contentieux.

D.    L’absence de recours parallèle

C’est la dernière condition de recevabilité.

Le recours pour excès de pouvoir est exclu quand le requérant dispose d’autres voies de droit lui permettant non pas d’obtenir le même résultat, mais du moins d’obtenir des résultats équivalents.

On dit alors qu’il existe un recours parallèle.

L’objet de cette irrecevabilité est de contraindre le requérant à préférer aux recours pour excès de pouvoir une autre voie de droit qui était spécialement aménagée.

Il faut dire que cette exception du recours parallèle n’a aujourd’hui qu’une portée très limitée.

 

Par exemple elle joue en matière fiscale : le fisc prend une décision à l’encontre d’un administré.

Ou encore on conteste l’élection du maire. On va demander l’annulation de l’élection. Il y a une voie de droit spécialement aménagée qui est la voie de droit électorale.

Cette théorie a évolué et cette exception n’a qu’une porté limitée.

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