Contentieux en droit du travail

 CONFLITS, CONTENTIEUX ET LITIGES EN DROIT DU TRAVAIL

 

Le « litige » est un différend qui repose sur un point de droit, qui fait intervenir la règle juridique. C’est à ce titre qu‘on parle de litige pour désigner les causes qui sont soumises au juge. Ces derniers ont pour mission d’appliquer le droit, c’est en droit qu’ils prennent leur décision. 

Le terme de « conflit » est plus difficile à définir. D’abord, il peut désigner une réalité plus large que le litige car le conflit ne fait pas nécessairement intervenir une règle de droit ou une question juridique.

Cette vision se retrouve particulièrement en droit du travail. Par exemple, les conflits collectifs se distinguent certainement de la grève, qui se rapporte au lien contractuel entre le salarié et l’employeur. La grève n’est que l’une des expressions possible d’un conflit collectif. Le conflit n’entraine pas nécessairement d’arrêt de travail ou de grève (un conflit latent). Le conflit peut générer d’autres formes d’action : boycott, manifestations, exercice du droit d’expression…  

 

Le terme de « différend » semble regrouper plus largement encore toutes ces formes de désaccord. En effet, il est possible que des parties aient un différend, expriment leur désaccord sans toutefois entrer en conflit, ne manifestant aucun signe extérieur ni que se révèle entre elles un litige au sens juridique.  

Certaines règles de droit s’appuient sur cette distinction. Le droit du travail distingue d’abord entre grève et conflit. Le droit civil également lorsqu’il prévoit par exemple que les parties peuvent éteindre un litige par une transaction qui leur évite de recourir à une décision judiciaire. C’est ainsi par exemple qu’en droit du travail, la transaction conclue entre un salarié et son employeur n’est valable que s’il existait préalablement un véritable litige entre les parties. Cela permet par exemple à la Cour de cassation de distinguer entre l’acte de transaction et l’acte de résiliation amiable du contrat de travail.  

 

    

Le cours complet de Conflit et contentieux en droit du travail est divisé en plusieurs chapitres : 

Peut être faut-il aussi voir des différences entre les litiges et les conflits qui se développent en droit du travail selon que les relations en cause sont individuelles ou sont collectives. Le traitement des différends n’est pas le même en matière de conflit collectif et en matière de conflits individuels . 

En matière de conflit collectif, le droit du travail tient compte des aspects factuels, de la situation de l’entreprise et donne une large place aux différents acteurs du conflit. L’employeur est davantage vu comme un chef d’entreprise que comme une partie à un contrat de travail. Les représentants du personnel, en particulier les comités d’entreprise et organisations syndicales, peuvent jouer un rôle important.  

En matière de conflit individuel, la part du droit est prépondérante : c’est ici le domaine du Conseil des prud’hommes qui statue en droit. Ici, le rapport individuel de travail est regardé sous l’angle du rapport d’infériorité juridique entre le salarié et son employeur. Le droit du travail tout entier vise à fixer des obligations à la charge de l’employeur, il est donc logique que lorsque survient un différend entre un salarié et un employeur, la règle juridique trouve toute sa place.   

Il existe néanmoins quelques similitudes : d’abord, il ne faut pas perdre de vue qu’un litige individuel peut reposer sur l’application d’une règle qui touche tous les salariés d’une entreprise. Rien n’interdit, par exemple, lorsque l’application d’une Convention collective est en cause, que les salariés se mettent en grève (conflit collectif) et, en même temps, saisissent le Conseil des prud’hommes (litige individuel). Les deux domaines ne sont donc pas étanches. 

D’autres similitudes peuvent être constatées, notamment la recherche par les pouvoirs publics ou par les partenaires sociaux eux même de modes de règlement amiable, aussi bien des conflits collectifs que des litiges individuels. Le constat qui préside à cette démarche est que les conflits collectifs causent de grands préjudices, aussi bien aux entreprises qu’aux salariés. De même, les litiges individuels se sont beaucoup multipliés ces trente dernières années pour constituer une véritable masse de contentieux. Ce contentieux, l’Etat doit en assumer le coût, la procédure peut prendre du temps avant d’aboutir à une décision définitive : la situation n’est pas tellement satisfaisante ni du côté des conflits collectifs ni du côté des litiges individuels      . 

Emergent alors des modes de règlements négociés des différends sociaux. Leurs enjeux diffèrent néanmoins selon que le différend est collectif ou individuel. L’enjeu du règlement amiable des conflits collectifs, c’est de diminuer la durée des grèves, sous l’impulsion des pratiques syndicales. Pour les litiges individuels, il reste cette infériorité numérique entre le salarié et l’employeur. Le problème c’est qu’on se demande si le salarié n’accepte pas trop rapidement un règlement à l’amiable et accepter une négociation à la baisse de leurs droits. Dans les conflits collectifs, les enjeux dépassent souvent l’entreprise. Dans les litiges individuels, il faut préserver le consentement du salarié et garantir ses droits      . 

TITRE 1 – LES CONFLITS COLLECTIFS

CHAPITRE 1 – LA GRÈVE

La grève est destinée à contraindre une personne à accorder des avantages ou à entrer en négociation. Son usage est constaté traditionnellement dans les rapports de travail, notamment entre salariés et employeurs de droit privé, mais pas seulement dans les rapports régis par le droit du travail. Des fonctionnaires peuvent se mettre en grève par exemple, de même que certaines professions libérales se mettent en grève, voire même des commerçants.      

La grève comporte beaucoup d’orientations et de modalités possibles. Elle porte certainement une protestation, mais elle exprime aussi parfois une solidarité avec d’autres personnes, même si les protestataires ne sont pas exactement dans la même situation que ceux qu’ils veulent défendre. Il s’agit aussi parfois d’exprimer la crainte d’une décision future, ou encore d’exercer une certaine pression politique. Certains fonctionnaires, comme les magistrats et les militaires, ne disposent pas du droit de grève : cette interdiction n’est pas toujours suivie. 

On peut se demander, s’agissant des étudiants, collégiens, lycéens, ou des professions libérales si le terme de « grève » est adapté. 

Section 1 – Le cadre juridique de la grève

Ce cadre juridique est très peu constitué de dispositions législatives et règlementaires ; l’essentiel provient de la jurisprudence. Ce cadre juridique est constitué de décisions judiciaires qui se développent sur différents aspects de la grève depuis un peu plus d’une cinquantaine d’années. Or, les conceptions, et même la terminologie juridique ont évolué au cours des décennies. Les formulations utilisées par la Cour de cassation dans ses arrêts ont parfois changé, même sur des termes précis, d’où parfois la difficulté à synthétiser un cadre juridique sur la base de milliers d’arrêts de la Cour de cassation : les termes peuvent se contredire ou différer.   

§1 – La notion de grève

Le code du travail ne définit pas la grève, il se contente de donner parfois quelques indices, en parlant par exemple de cessation concertée du travail. 

La doctrine est rapidement venue définir le terme, reprise par la Cour de cassation dans ses arrêts : il s’agit d’une cessation collective et concertée destinée à exercer une pression sur l’employeur en vue de faire aboutir des revendications professionnelles   .

La grève, initialement, était interdite par la loi Le Chapelier de 1791. Elle n’a été dépénalisée qu’en 1864. Elle n’a été reconnue comme droit qu’en 1946 dans le Préambule de la Constitution de la IVe République. Le Préambule de 1946 consacre le droit de grève dans les termes suivants : « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui les réglementent ». Ainsi, la grève n’est pas seulement un moyen de lutte, de pression ou de défense légitime vu comme un contrepoids du pouvoir de l’employeur. Le droit français va plus loin puisqu’il reconnaît l’existence d’un véritable droit fondamental ; à cet égard, le droit français se distingue d’autres systèmes juridiques, mêmes occidentaux. D’une manière générale d’ailleurs, le droit français se caractérise par la place qui est laissée aux rapports de force et par le caractère individuel du droit de grève qui appartient aux seuls salariés même s’ils ont besoin, pour entrer en grève, de le faire avec d’autres salariés.   

D’autres systèmes juridiques donnent une plus large place à la négociation ou limitent l’exercice de la grève en le conditionnant à la nécessité d’exercer une pression sur l’employeur pendant une négociation collective en cours. Certains systèmes juridiques réservent un rôle plus important aux organisations syndicales chargées de mener la grève et de porter les revendications. En France au contraire, dans les entreprises privées non chargées d’un service public, le syndicat ne joue aucun rôle juridique dans la grève : il n’est pas nécessaire qu’un syndicat appelle à la grève ou porte les revendications et négocie avec l’employeur.   

§2 – Réglementation de la grève

Le législateur n’a pas suivi l’invitation du constituant de 1946. Il n’a pas véritablement réglementé la grève, il s’est contenté, dans le code du travail, de préciser les effets de la grève dans les rapports entre le salarié et son employeur. Le législateur a aussi fixé des règles particulières concernant le service public, où la continuité du service public justifie de nombreuses restrictions au droit de grève.     

Il a également institué des dispositions relatives au règlement amiable des conflits collectifs. Depuis la loi du 13 novembre 1982, ces modes de règlement ne sont plus obligatoires. Ils sont donc, dans la pratique, délaissés. Par conséquent, il n’existe pas de texte qui règlemente le droit de grève dans les entreprises privées, c’est la jurisprudence qui a dû fixer les règles . 

Section 2 – Les modalités d’exercice du droit de grève

Le principe de continuité du service public a entrainé de nombreuses restrictions du droit de grève. Tout se passe en France comme si, compte tenu du caractère fondamental du droit de grève, les altérations de ce droit doivent nécessairement être justifiées par un principe de même valeur. La conception française semble en effet s’orienter à partir de l’idée selon laquelle restreindre le droit de grève revient au fond à la supprimer totalement. L’idée c’est que l’altération, même momentanée, du droit de grève est vécu pendant la période déterminée comme une suppression totale du droit de grève (préavis). Ainsi, d’une manière générale, les restrictions au droit de grève sont perçues comme néfastes, et on considère qu’elles doivent être les plus rares possible afin de ne pas faire perdre aux travailleurs l’exercice de ce droit fondamental   . 

§1 – La réglementation de la grève dans les services publics

1°) Le préavis de grève

  1.                         a) Le préavis dans les entreprises chargées d’un service public (publiques et privées)  

L’essentiel de la réglementation vient la loi du 31 juillet 1963, qui concerne les fonctionnaires, les agents de droit public, des établissements publics, des entreprises et organismes chargés d’une entreprise de service public (même de droit privé) et les personnels des entreprises publiques industrielles et commerciales.  L’idée ici est de protéger un intérêt supérieur.   

Le code du travail dispose que la grève doit être précédée d’un préavis de cinq jours en France. Ce préavis doit être déposé par un syndicat, seul compétent pour déposer un préavis, adressé à la direction et précise le jour et l’heure du début de la grève envisagée, ainsi que sa durée déterminée ou indéterminée. Les travailleurs concernés ne peuvent participer à la grève qu’une fois le préavis expiré, ils ne sont pour autant pas tenus de se mettre en grève.   

Pendant le préavis, les parties doivent négocier. Parfois, cette négociation aboutit à la levée du préavis. Seuls les syndicats représentatifs peuvent déposer un préavis. Il se peut d’ailleurs que plusieurs syndicats, à l’occasion d’un même conflit, déposent séparément leur propre préavis. Le travailleur qui se mettrait en grève sans qu’un préavis ait été déposé et ait expiré commettrait une faute susceptible de sanction (abandon de poste).       

Le juge des référés du TA a la possibilité, en cas de trouble manifestement illicite, de suspendre le préavis de grève. En dehors de ce régime général, les fonctionnaires de police, les militaires et les magistrats sont privés du droit de grève. Dans d’autres secteurs, la grève est plus fortement règlementée, imposant par exemple un service minimum, institué depuis 1979 en matière de radio et télédiffusion par exemple, ou dans le domaine du contrôle aérien en 1984. C’est une loi du 21 aout 2007  qui a imposé un service garanti dans les transports terrestres de voyageurs. 

  1. b) Le préavis dans les entreprises de droit privé non chargées d’un service public (privé privé)

Le non respect d’un prévis de grève institué (non pas par la loi) par une convention collective, constitue-t-il une faute pour le salarié gréviste, pouvant justifier un licenciement ? Cette question s’est posée à plusieurs reprises notamment dans des entreprises de transports. De tels accords ont été conclus dans des entreprises pour instituer un prévis de grève conventionnel.  

La Cour de cassation écarte ces dispositions conventionnelles ; elle considère « qu’une convention collective ne peut pas avoir pour effet de limiter ou de règlementer, pour les salariés, l’exercice du droit de grève, constitutionnellement reconnu ». Seule la loi peint créer un délai de préavis s’imposant aux salariés.

Le Préambule de 1946 ne vise que la loi pour règlementer la grève, pas la norme négociée. Seul le législateur peut intervenir ; il est vrai qu’il n’est pas intervenu pour les entreprises privées non chargées d’un service public.  

Dans cet arrêt Soc., 7 juin 1995, elle considère que la norme négociée ne peut pas limiter ni règlementer ; deux observations :

  • Le régime juridique est le même qu’il s’agisse de limiter ou de règlementer le droit de grève, car limiter le droit de grève, c’est déjà le règlementer. Si on institue un préavis, on limite de droit de grève en le supprimant pendant une certaine durée.
  • Le régime juridique est le même qu’il s’agisse d’instituer un préavis conventionnel ou qu’il s’agisse, plus largement, d’instituer d’autres formes de limitation (obligation de justifier le recours à la grève, pointer à l’usaient avants de faire grève, interdiction de faire grève pour tel ou tel motif…). La formule utilisée par la charmer sociale laisse penser que la sanction sera la même.

Lorsque les syndicats signent la convention, ils ne signent pas en tant que salariés mais en tant que représentants d’un syndicat ; on peut donc considérer que la Cour de cassation réserve la possibilité pro l’employeur d’engager la responsabilité d’un syndicat qui aurait signé l’accord collectif prévoyant un préavis et aurait ensuite néanmoins appelé les salariés à déclencher une grève sans respecter le préavis. Les salariés ne pourront pas être sanctionnés certes, en revanche, le syndicat pourra éventuellement voir sa responsabilité recherchée par l’employeur sur le terrain de 1134. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation déclare le préavis conventionnel « inopposable aux grévistes » et pas nul car si nullité, pas d’action en responsabilité contractuelle envers les syndicats.  

Le salarié sanctionné ou licencié pour ne pas avoir respecté le préavis conventionnel pourra faire invalider la sanction ou le licenciement.  

En réalité, il est très rare que les employeurs cherchent à engager la responsabilité des syndicats pour ne pas avoir respecté un préavis conventionnel .

        2°) La qualification juridique de la grève

La qualification de grève comporte un enjeu juridique important, à cet égard, la jurisprudence a évolué au fil des années. Le gréviste est protégé contre les mesures de rétorsion que l’employeur pourrait être tenté de prendre à son égard (refus d’une augmentation par ex). Seulement, pour bénéficier de cette protection, encore faut-il que le salarié concerné puisse être considéré comme un gréviste (on peut imaginer une absence injustifiée, en dehors de la grève).   

On peut imaginer que le salarié, croyant exercer son droit de grève, cesse le travail dans des contions qui ne permettent pas de considérer que c’est le droit de grève qu’il a exercé, dans ce cas, il ne bénéficie pas de la protection attachée à la qualification de grève. D’où l’enjeu de cette notion de grève sur le plan juridique.   

La Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence car, dans un premier temps, elle qualifiait de grève, des grèves abusives, c’est à dire des arrêts de travail qui ne correspondait pas exactement à la qualification juridique de la grève et pouvait donc être considéré comme abusifs, fautifs = grève abusive. Les grévistes restaient alors couverts par la protection inhérente à la grève. Puis, la jurisprudence a évolué, et la Cour de cassation distingue aujourd’hui, la grève des mouvements illicites. Le salarié qui participe à un mouvement illicite ne peut pas être considéré comme gréviste et ne bénéficie donc pas de la protection.   

La grève se caractérise d’abord par un arrêt de travail qui doit être total. Il ne s’agit pas de simplement ralentir la cadence ou d’effectuer le travail de manière défectueuse (grève perlée, ralentissement de la cadence). On exige un arrêt total pour que l’employeur puisse procéder au non paiement de ses heures, le but est de ne pas subir de perte de salaire. Donc soit on travaille normalement, soit on ne travaille pas du tout. C’est la philosophie de la Cour de cassation.   

Ce qui signifie que quitter le travail ne veut pas dire rentrer à son domicile. Si l’employeur ne l’interdit pas, le salarié peut rester dans l’enceinte de l’entreprise : dès-lors qu’il ne gène pas le travail des non grévistes . 

La grève est une action collective, en principe il faut être plusieurs pour se mettre en grève. La Cour de cassation néanmoins admis que le salarié unique de l’entreprise puisse se mettre en grève seul     . 

Précisons qu’il n’est pas nécessaire que la majorité des salariés de l’entreprise se mettent en grève, ni la totalité. La grève peut être le fait d’une minorité de salariés. Il se peut même qu’un salarié s’associe à un mouvement de grève lancé au niveau national par les syndicats, même s’il est le seul à le faire dans son entreprise. On retrouve les grèves qui se déclenchent contre la politique du gouvernement à l’appel des syndicats. En quelque sorte, ce type de grève est admis car ceux qui y participent s’associent à un mouvement collectif simplement, ce mouvement dépasse le cadre de l’entreprise.   

La grève est aussi une action concertée. Cela signifie que les grévistes expriment une décision commune d’entamer un mouvement revendicatif (chaque salarié doit se mettre en grève pour une même raison, une même revendication, pas une revendication différente). Toutefois, la Cour de cassation n’exige pas que la grève soit longuement préparée à l’avance   .

En ce qui concerne les revendications ; elles doivent être professionnelles. La Cour de cassation estime à ce sujet qu’elles doivent être connues de l’employeur, mais il n’est pas nécessaire qu’ils les aient rejeté avant que le salarié se mette en grève (peu importe la décision de l’employeur). Ce qui compte, c’est que les revendications soient exprimées. Cela prend le plus souvent la forme d’un tract syndical adressé à l’employeur et distribué aux salariés de l’entreprise (utilisation du fax).   

Ces revendications doivent donc être professionnelles (augmentation de salaire, de meilleures conditions de travail…). La Cour de cassation admet néanmoins la licéité de la grève générale ; et admet de ce fait que la réalisation des revendications ne dépend pas nécessairement de l’employeur.  

        3°) Les revendications

La question s’est posée de savoir si les revendications professionnelles devaient avoir un caractère raisonnable (augmentation de salaire de 10 000 € par mois). La question est : est-ce qu’on met une limite dans la revendication ? 

Ex : dans les années 1980, changement des flottes dans les grandes compagnies aériennes françaises. Auparavant, les anciens appareils étaient pilotés à trois (caravelle), sauf qu’en temps, sont arrivés des Airbus plus modernes, conçus pour être pilotés à deux pilotes. Réduction imminente du personnel par Air France : préavis de 5 jours (SP) puis grève.  

Dire que des revendications sont déraisonnables, c’est poser la question de la licéité de la grève lorsque l’employeur n’est pas en mesure de satisfaire les revendications présentées. Ce problème s’est posé à la suite de l’autorisation du ministre des transports de faire voler certains appareils conçus pour être pilotés par deux pilotes au lieu de trois. Les compagnies aériennes avaient saisi le juge des référés pour suspendre les préavis (nous sommes ici dans un SP).   

La Cour de cassation, dans un arrêt d’Assemblée Plénière de 1986, a jugé que le juge des référés (président du TGI) peut suspendre les préavis sur la base d’un trouble manifestement excessif. Le problème de cette jurisprudence de l’Assemblée Plénière est que, dès-lors que les revendications étaient jugés déraisonnables, il était possible d’interdire la grève de manière préventive. La grève n’a pas encore commencé qu’on l’interdit déjà (quid de la compatibilité avec l’exercice du droit de grève qui est un droit fondamental). On aboutissait ainsi à donner un grand pouvoir au juge des référés d’autoriser ou d’interdire des grèves. Distorsions entre les règles de procédure civile et le caractère fondamental e la question posée au juge. La cour d’appel de Paris dans le même conflit, mais dans un nouveau préavis de grève a adopté une solution contraire à celle de l’Assemblée Plénière. Elle a estimé en 1988 que le juge des référés de ne peut pas substituer son appréciation à celui des salariés grévistes sur la légitimité des revendications. Cela serait porter atteinte à un droit constitutionnel, cette solution a très rapidement été admise tant par la doctrine que par la jurisprudence.   

Pendant des années, on a eu une situation où la jurisprudence s’inspirait d’un arrêt de cour d’appel et non pas d’un arrêt de l’Assemblée Plénière (rare, mais solution la plus adaptée). Puis la chambre sociale, dans un arrêt du 2 juin 1992 a définitivement consacré la solution de la CA Paris : on considère désormais que la grève est licite, qu’elle sera qualifiée de véritable grève alors même que les revendications pourraient paraitre déraisonnables    .

Encore faut-il que les revendications aient un caractère professionnel (donc 10 000 € de salaire de plus, c’est théoriquement possible…).  

        4°) La grève de solidarité

Les grèves de solidarité ne sont pas très fréquentes mais ont toujours existé, elles sont en général menées à l’appel de syndicats. Par exemple, plan de restructuration dans l’entreprise, certains salariés vont se mettre en grève par solidarité pour leurs camarades. Ou bien solidarité envers des salariés sanctionnés dont on estime que la sanction est trop grave ou illégitime.   

Ceux qui se mettent en grève ne revendiquent rien pour eux : quid de la condition de revendications professionnelles ?  

La grève de solidarité vise à protester contre des mesures prises à l’encontre de certains salariés. Le problème juridique qui se pose est celui de l’absence de revendication si les grévistes ne réclament rien pour eux-mêmes. Or les revendications professionnelles conditionnent la licéité de la grève.   

La Cour distingue les grèves de solidarité externe (celles qui visent à soutenir les salariés d’une autre entreprise dans un bassin d’emploi). C’est le cas de Goodyear (entreprise visée par un PSE, l’autre entreprise pas visée par le plan va faire grève en solidarité). La jurisprudence admet la licéité des grèves de solidarité externe car elles reposent sur des revendications (liées à l’emploi). Si ces revendications sont très générales, elles existent néanmoins et concernent les salariés qui se mettent en grève.  

Les grèves de solidarité interne, visent à faire revenir l’employeur sur sa décision (d’avoir sanctionné ou licencié des salariés par exemple). En principe, la jurisprudence n’admet pas la licéité de ce type de grève car il ne s’agit que de protester et non pas de revendiquer. Par exemple si le licenciement repose sur une faute personnelle du salarié et ne concerne que le salarié sanctionné et pas les autres.  Seulement, cette grève de solidarité interne peut être licite dans deux situations :

  • Lorsque l’employeur a commis un manquement grave et délibéré à ses obligations (non respect de la procédure de licenciement par exemple), possibilité de grève de solidarité des camarades du salarié licencié.
  • La grève de solidarité interne peut aussi être licite si à travers l’expression d’une solidarité, il existe en réalité des revendications professionnelles intéressant les grévistes ou l’ensemble du personnel. Ex : suite au licenciement pour insuffisance professionnelle d’un salarié ; mais pour protester contre les cadences de travail et en solidarité avec le salarié licencié.

        5°) Les actions ne pouvant pas être qualifiées de grève

La Cour de cassation rappelle régulièrement que certains mouvement se placent sous le couvert du droit de grève mais ne constituent pas des grèves. La jurisprudence disqualifie ainsi certains mouvements (travail au ralenti, travail volontairement défectueux). Ce que juge la Cour de cassation est que le droit de grève permet au salarié de cesser temporairement son travail mais ne lui permet pas d’exécuter son travail dans des conditions différentes de celles qui sont prévues par le contrat ou par le règlement intérieur.   

En particulier les mouvements d’auto-satisfaction ne sont pas des grèves. Dans ce type d’action, les salariés modifient eux-mêmes, dans le sens qu’ils revendiquent, leurs conditions de travail, leurs horaires. La Cour de cassation considère que les salariés travaillent dans des conditions différentes de celles imposées par l’employeur, il en résulte qu’il n’y a pas de grève dans le type d’hypothèse. Le salarié n’a pas le droit de modifier les conditions de travail imposées par l’employeur. Elles sont en principe déterminées par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction sous réserve du respect de la loi, car la loi détermine souvent les conditions de travail      .

Autre exemple, si des salariés veulent faire le pont d’un jour férié (pas travailler le vendredi 15 juillet par exemple). Peuvent-ils se prévaloir des revendications professionnelles pour faire grève ce jour la ? La Cour de cassation refuse de qualifier de grève, l’arrêt de travail qui coïncide avec la revendication ; en revanche, si cette coïncidence n’existe pas, l’arrêt de travail pourra être qualifié de grève. Si les salariés réclament de faire un pont, mais ils sont en grève dès le 13 juillet, ce sera admis comme étant une grève.  

Cette jurisprudence consiste à qualifier et à disqualifier certains mouvements. Tout arrêt de travail n’est pas une grève. Si l’arrêt de travail n’est pas une grève, et qu’il n’est pas justifié par ailleurs (arrêt maladie, autorisation d’absence, congés payés), dans ce cas, c’est un refus par le salarié d’exécuter ses obligations. Bien entendu le salarié ne percevra pas de salaire pour cette période non travaillée, mais le salarié pourra aussi être sanctionné par l’employeur pour faute (acte d’indiscipline qui consiste à ne pas venir, sans justification)      . 

Cela revient, en jurisprudence à distinguer la grève, qui est licite par nature (exercice d’un droit), avec les mouvements illicites (arrêts de travail illicites). Si ce n’est pas une grève, les dispositions du code du travail applicables en cas de grève ne sont pas applicables, les salariés ne sont pas protégés par les dispositions qui exigent, pour qu’un gréviste puisse être sanctionné, une faute lourde de sa part    .

§3 – Les conséquences de l’exercice du droit de grève

1°) La suspension du contrat de travail par la grève

Article L.2511-1 al.1 du code du travail qui dispose que « l’exercice du droit de grève en peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié ». Ainsi, la grève ne rompt pas le contrat de travail, le gréviste conserve donc son emploi. À la fin de la grève, le contrat reprend, il est donc suspendu pour la durée de la grève. Cette durée dépend de l’exercice par le salarié concerné de son droit de grève dont il est seul titulaire. Ainsi, son contrat n’est suspendu que pour le temps ou il a participé à la grève. Il va falloir faire un décompte individuel, pour chaque salarié.  

On distingue la grève au sens collectif (mouvement revendicatif), de la cessation par un salarié pris individuellement, pour participer à un mouvement de grève. Cette suspension du contrat de travail, conformément à la théorie de la générale de la suspension, entraine la suspension des obligations principales du contrat de travail. Les obligations accessoires ne sont pas suspendues (l’obligation de loyauté persiste et interdit au salarié, pendant la suspension du contrat, de concurrencer son employeur, cette interdiction vaut également pour les autres suspensions dont l’arrêt maladie ou les congés payés). Seules les obligations principales sont suspendues : obligation du salarié de travailler et l’obligation pour l’employeur de verser le salaire.   

La réalité est plus complexe car on peut distinguer deux types d’obligations principales pour chacune des parties :

  • Du côté du salarié, obligation de fournir une prestation de travail, mais aussi obligation de se tenir à la disposition de l’employeur pour accomplir un travail.
  • Du côté de l’employeur, il y a l’obligation de verser le salaire mais également de fournir un travail à accomplir.

On peut considérer que dans ce contrat synallagmatique qu’est le contrat de travail, la cause des deux obligations de l’un, se trouve dans les obligations de l’autre. Si l’employeur ne fournit pas de travail au salarié, mais que le salarié se tient à la disposition de l’employeur, alors l’employeur reste tenu de son obligation de verser le salaire, même si le salarié ne fait rien   .

L’employeur, pour la durée de la grève, n’est pas tenu de payer le salaire. Cette retenue de salaire n’est pas une sanction que l’employeur infligerait au salarié, c’est un effet de la suspension du contrat. Il en découle, selon la jurisprudence, que   la perte de salaire doit être proportionnelle à l’interruption du travail :

  • Si l’employeur retient le salaire en excédant la durée de la grève, il commet un acte illicite. En effet, la fraction de la retenue qui excède la durée de la grève ne peut s’analyser qu’en une sanction pour le salarié. Or, cette sanction est illicite (car pas de procédure disciplinaire, sanction est pécuniaire, fait obstacle au droit de grève, discriminatoire). Ainsi, l’employeur doit rémunérer le gréviste dès qu’il se remet à sa disposition. L’employeur ne peut pas invoquer un temps de remise en route des machines ou délai de réorganisation.
  • Rien n’interdit à l’employeur de verser les rémunérations correspondant à la grève. C’est d’ailleurs souvent l’objet des accords de fin de grève qui peuvent prévoir aussi bien la rémunération de tout ou partie de la durée de la grève. Ces accords de fin de grève posent parfois un problème du point de vue de leur nature juridique (accord collectif ou engagement unilatéral de l’employeur ?).
  • La retenue sur salaire ne concerne que les grévistes ; les non grévistes conservent leur salaire même si ils sont été empêchés de travailler pendant la grève. L’employeur conserve la possibilité d’affecter les non grévistes à d’autres tâches que leurs tâches habituelles, à condition que ces nouvelles tâches entrent dans leur qualification professionnelle. Il se peut aussi que les grévistes perturbent encore davantage le fonctionnement de l’entreprise (les grévistes bloquent l’entrée de l’entreprise, empêchent les camions de marchandise de sortir). Les grévistes, occupent leur machine, pour éviter d’être remplacé par d’autres, coupures d’électricité, matériel dégradé… Pour la Cour de cassation, l’employeur peut être dispensé de verser le salaire aux non grévistes qui sont empêché de travailler si le fonctionnement de l’entreprise est devenu difficile voire impossible. Cette situation est assez rare en jurisprudence car les juges estiment qu’on n’est pas loin de la notion de force

Si la grève a été provoquée par un manquement grave et délibéré de l’employeur à ses obligations, dans ce cas, la grève devra donner lieu au versement des salaires (si l’employeur a violé un droit fondamental ou s’il ne payait plus le salaire à ses salariés). Ainsi, la grève est la conséquence de la faute commise par l’employeur et les salaires correspondants à la durée de la grève sont dus aux grévistes.  

        2°) La protection des grévistes contre les sanctions et le licenciement 

Ici, on retrouve l’article L.2511-1 aux alinéa 2 et 3 qui prévoient que l’exercice du droit de grève ne peut pas donner lieu à une mesure discriminatoire notamment en matière de rémunération et d’avantages sociaux. Le licenciement prononcé en l’absence d’une faute lourde du salarié est nul de plein droit.  

L’article L.1132-2 du code du travail interdit les mesures discriminatoires en raison de l’exercice normal du droit de grève et renvoie à l’article L.1132-1 qui interdit, de manière générale, les mesures discriminatoires.   

La Cour de cassation juge, sur le base de ces articles, qu’un gréviste ne peut pas être licencié ni sanctionné en raison d’un fait commis à l’occasion de la grève à laquelle il a participé. SAUF si ce fait est constitutif d’une faute lourde     . 

Échelle des fautes d’origine prétorienne distingue faute légère (sanction possible mais pas licenciement), faute sérieuse (peut justifier un licenciement), faute grave (justifie un licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement) et la faute lourde qui justifie le licenciement dans préavis, sans indemnités, sans congés payés et peut entraîner la responsabilité civile du salarié. Pour la Cour de cassation, la faute lourde se caractérise par l’intention du salarié de nuire à l’employeur. Il en résulte que bien souvent, la faute lourde est aussi constitutive d’une infraction pénale, elle réunit donc trois ordres de responsabilité : disciplinaire, civile et pénale.  

Si l’arrêt de travail peut être qualifié de grève, alors le salarié se trouve protégé par l’exercice de son droit de grève contre les sanctions ou le licenciement, tant qu’il n’a pas commis de faute lourde. Comme le licenciement est nul de plein droit, le salarié peut exiger une remise en état immédiate. Le juge des référés pourra ordonner la réintégration du salarié dans l’entreprise. Le juge des référés peut aussi allouer des dommages et intérêts, et il faut remarquer que ces sanctions peuvent être prononcées aussi bien lorsque le motif du licenciement est la grève que lorsque le licenciement est fondé sur un fait commis à l’occasion d’une grève mais que ce fait ne peut pas être qualifié de faute lourde.  

        3°) Les conséquences de l’exercice anormal du droit de grève

Différentes pratiques peuvent constituer un exercice anormal du droit de grève, et en l’absence de législation spécifique, la jurisprudence tente de trouver des solutions adaptées tout en utilisant des règles juridiques qui n’appartiennent pas, à proprement parler à la grève ou même au droit du travail. Certains arrêts de travail ne sont pas considérés comme des grèves. La Cour de cassation utilise différentes formules (mouvement illicite, arrêt de travail illicite).

En second lieu, le droit de grève est parfois considéré par la jurisprudence comme susceptible d’abus : les grèves tournantes (désorganisation de l’entreprise, en revanche la perte de salaire est limitée pour le salarié). Ce type de grève est interdit dans les SP ; dans les sociétés privées, elles sont autorisées sous réserve qu’elles n’aient pas pour but de désorganiser le fonctionnement de l’entreprise. Si le but est de désorganiser l’entreprise, la Cour considère que la grève est abusive et même dans ses arrêts les plus anciens qu’il s’agit « d’actions exorbitantes du droit de grève ». Grève abusive = en principe c’est une grève sauf qu’elle dégénère en abus. Action exorbitantes = ce n’est pas une grève dès le départ. Pour définir un même phénomène, la grève tournante, la Cour de cassation utilise un vocabulaire qui repose sur des fondements juridiques parfois très différents.  

Des actes illicites peuvent aussi être commis au cours d’une grève (déversement d’ordures, violences, destruction de matériel, séquestration, vols). Ces actes peuvent être sanctionnés sur le plan disciplinaire, civil voire pénal. En revanche, pour la Cour de cassation, ces actes ne font pas dégénérer la grève en grève abusive, il ne la disqualifie pas. En quelque sorte ce sont des actes illicites certes mais détachables de la grève. Cela est en harmonie avec le principe de la responsabilité : on n’est responsable que de ses fautes personnelles.  

Il se peut aussi que les grévistes cherchent à empêcher les non grévistes de travailler (en occupant les locaux). Le but est d’éviter que des non grévistes accomplissent le travail des grévistes à leur place. Le piquet de grève qui consiste à se poster devant l’entreprise à titre informatif en principe peut dégénérer en piquer de grève bloquant (il existe le piquet filtrant qui consiste à informer et à laisser entrer les volontaires).   

Ces pratiques sont interdites. Dans une telle situation, l’employeur peut considérer qu’il se trouve dans l’impossibilité de faire fonctionner l’entreprise. Le fonctionnement de l’entreprise étant devenu difficile et coûteux, l’employeur se trouve dans une situation proche de la force majeure qui le dispense alors de verser les salaires aux non grévistes qui pourtant se tiennent à sa disposition.  

L’employeur a la possibilité de licencier ou de sanctionner les grévistes qui ont commis une faute lourde. La preuve de la faute lourde est parfois difficile à apporter au juge, pour l’employeur. Si un acte illicite est commis mais que l’on ne sait pas qui l’a commis, on ne peut pas condamner. La faute lourde est forcément une faute personnelle, qui doit être rattachée à une personne.  

  1. La recherche par l’employeur de la continuité de l’activité

Malgré la grève, l’employeur va rechercher à ce que l’entreprise continue de tourner.  

  1. a) La question des primes d’assiduité

Les primes d’assiduité visent à assurer un complément de rémunération au salarié qui n’est pas ou peu absent, quelle que soit la cause de l’absence. Le but de ces primes est d’inciter les salariés à venir travailler. Ces primes d’assiduité ont parfois été utilisées pour dissuader les salariés de faire grève. Parfois les syndicats parlent de « primes antigrève », notamment lorsqu’il est prévu par l’acte qui institue la prime (accord collectif d’entreprise, ou acte unilatéral), qu’elle ne sera pas versée si le salarié est absent pour grève  (en général il est prévu que la prime sera réduite). 

La Cour de cassation, dans un premier temps, a admis la validité de ce type de disposition. Puis elle a évolué, avec un arrêt de la chambre sociale, du 21 octobre 1982 ; la réduction ou la suppression de la prime n’est possible que si toute absence, quelle qu’en soit la cause entraine les mêmes conséquences. Ainsi, la grève n’est pas spécialement visée et il n’y a pas de discrimination. Désormais, l’employeur ne peut plus utiliser un tel montage juridique pour dissuader les salariés de faire grève.   b) Les piquets de grève et l’occupation des locaux  

Les piquets de grève ou l’occupation des locaux peuvent empêcher les non grévistes de travailler. Le but est de ne pas occuper les postes de travail, mais souvent les grévistes pénètrent dans l’entreprise pour imiter les non grévistes ; tout est une question d’intensité. Un piquet de grève peut être licite s’il n’y a aucun débordement, si personne n’est empêché de travailler.  

Dans le cas contraire, l’employeur peut faire un référé devant le TGI pour expulser les grévistes qui occupent les locaux de l’entreprise et empêchent les non grévistes de travailler. L’employeur obtient rarement une ordonnance d’expulsion ; car il a rarement les preuves de l’occupation des locaux ou du piquet de grève, les pratiques syndicales sont telles que la preuve est difficile à apporter   . 

Si l’employeur obtient l’ordonnance d’expulsion, il faut qu’il réclame le concours de la force publique pour faire exécuter l’ordonnance. Le Préfet peut accorder ou refuser le concours de la force publique, le plus souvent, il refuse. En effet, il sait très bien qu’il y a un risque de dégradation du conflit, de violences, de trouble à l’OP      . 

Néanmoins, l’employeur dispose alors du droit de suspendre le versement des salaires des non grévistes, car le refus du président du TGI ou du préfet, place l’employeur dans une situation contraignante, proche de la force majeure, le fonctionnement de l’entreprise étant devenue « très difficile et coûteux », selon la formule utilisée par la Cour de cassation. Si l’employeur n’a pas sollicité l’expulsion des grévistes, il n’est pas délivré de son obligation de verser les salaires aux non grévistes, même si ceux-ci sont empêchés de travailler par une occupation des locaux ou un piquet de grève.   

Donc il n’y a pas d’expulsion, ou très rarement… C’est alors que le plus souvent, on constate que les grévistes cessent d’occuper les locaux à l’appel du syndicat qui ne souhaite pas que le mouvement de grève devienne impopulaire     . c) Le recours au travail des non grévistes  

Les non grévistes continuent de travailler normalement, à leur poste habituel, mais l’employeur peut aussi leur demander d’accomplir d’autres tâches, dès-lors qu’elles correspondent à leur niveau de qualification. Le fait, pour des grévistes de s’opposer à des non grévistes, constitue, pour la Cour de cassation, une faute lourde ; de son côté, l’employeur ne peut recourir qu’au personnel permanent de l’entreprise ; il lui est interdit de recruter du personnel temporaire pour remplacer les grévistes. Cette interdiction vise aussi bien le contrat de travail à durée déterminée, que le travail intérimaire.   

En revanche, si le personnel temporaire a été embauché avant le déclenchement de la grève l’employeur a le droit de continuer à les employer jusqu’à la fin de leur contrat. La condition est que ces travailleurs accomplissent bien la mission indiquée dans leur contrat. Enfin, l’employeur peut aussi remplacer les grévistes en recrutant par CDI, de nouveaux salariés après le déclenchement de la grève, les CDI ne sont pas concernés par l’interaction du code du travail. Mais il convient de rappeler que la fin de la grève ne pourra pas constituer une CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE de licenciement de ces salariés recrutés sous CDI     .

Dans la réalité, ces interdictions sont assez bien respectées, les syndicats et les inspecteurs du travail y sont attentifs. Cela n’empêche pas toutefois la pratique des remplacements en cascade, dont il est difficile de connaitre la fréquence.  

  1. d) L’interdiction de la récupération des heures 

Récupérer des heures signifie demander un travail supplémentaire à des salariés en remplacement d’heures qu’ils n’ont pas travaillé. La récupération est en principe interdite, sauf pour des travaux urgents, en cas d’intempéries ou d’inventaire. Il est donc impossible pour l’employeur, de récupérer des heures perdues du fait de la grève en imposant au salarié de compenser le temps perdu sans majoration de salaire. Cette règle est d’ordre public et s’applique même si le salarié est volontaire et si un accord de fin de grève le prévoit. 

 

En revanche, l’employeur peut rattraper le retard pris dans la production en demandant au salarié de travailler davantage. Mais alors, il ne s’agira pas d’une récupération, mais de l’accomplissement par les salariés d’heures supplémentaires (majoration et donnent généralement droit à un repos compensateur).  

 

  1. Le lock-out

Le lock-out est une riposte patronale à la grève qui consiste à fermer tout ou partie de l’entreprise en réponse ou en prévention à un mouvement de grève. En principe, le lock-out est interdit ; en fermant l’entreprise, l’employeur prive les salariés de leur droit de grève. Cette solution a été admise par la jurisprudence par un arrêt de la chambre sociale du 27 juin 1989. L’employeur a l’obligation de fournir du travail aux salariés et il ne peut pas préjuger de l’exercice ou non dans l’avenir par un salarié, de son droit de grève. Ainsi, le lock-out peut être considéré comme une faute contractuelle de l’employeur.  

Il existe des exceptions à ce principe de l’interdiction du lock-out ; l’employeur peut fermer l’entreprise en raison de la nécessité de préserver l’ordre et la sécurité de l’entreprise. Il faut que le risque soit réel. La décision de fermer doit être proportionnelle à ce risque, on peut lui reprocher d’avoir fermé toute l’entreprise alors que le risque n’en concernait qu’en partie (atelier)    . 

L’employeur peut aussi fermer l’entreprise en raison de circonstances contraignantes qui le délie de son obligation de fournir du travail aux non grévistes. Lorsqu’il y a une occupation des locaux par exemple et que l’employeur est dans l’impossibilité de maintenir l’activité.   

L’employeur supporte la charge de la preuve de cette impossibilité et la Cour de cassation oblige l’employeur, d’abord à faire tout ce qui était en son pouvoir pour éviter la grève ; y mettre fin ou mettre fin à l’occupation des locaux. Il doit avoir au moins sollicité une ordonnance d’expulsion devant le président du TGI. Il est rare que la jurisprudence admette le lock-out. Ici encore, la réaction de l’employeur doit être proportionnée, l’employeur aurait pu ne fermer qu’une partie de l’entreprise, affecter les non grévistes à des travaux de remplacement. Il aurait pu se contenter de réduire les horaires de travail.  

III. Les actions en responsabilité

Sur le plan disciplinaire, le gréviste ne peut être sanctionné qu’en cas de faute lourde de sa part. La Cour de cassation impose à l’employeur qui invoque une faute grave ou une faute lourde, d’en apporter la preuve. Pour la cause réelle et sérieuse du licenciement, la preuve n’incombe à aucune des deux parties, les juge recueille les indices en présence ; pour la faute lourde, l’employeur devra la prouver pour licencier.  

 

a)La responsabilité civile

L’employeur peut envisager une action en responsabilité pour les dommages qu’il subit à l’occasion d’une grève. Le préjudice commercial, le dommage de fonctionnement que l’employeur subit du fait de la grève, le peut pas faire l’objet d’une action en responsabilité puisque la grève est un droit ; le préjudice que la grève crée à l’employeur, est licite. Or, un préjudice licite ne donne pas lieu à indemnisation.  

En revanche, si des actes illicites sont commis, ils peuvent engager la responsabilité de leurs auteurs sur le fondement de l’article 1382 du code civil. En 1982, le gouvernement a voulu satisfaire les revendications des syndicats concernant l’amnistie des grévistes qui ont commis des actes illicites pendant l’exercice du droit de grève. Dans une décision du 22 octobre 1982, le Conseil constitutionnel a censuré une loi qui définissait des conditions plus strictes pour engager la responsabilité civile délictuelle des grévistes. Selon ce texte invalidé, la responsabilité pouvait être engagée que si les actes commis constituaient aussi des infractions pénales ou étaient manifestement insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du droit de grève. Le Conseil constitutionnel a invalidé cette disposition comme contraire au principe d’égalité. Cette disposition créait une immunité au bénéfice des grévistes, qui n’existait pas ailleurs.  

Les syndicats eux-aussi, sont parfois poursuivis par les employeurs. Ici, la solution est claire : le droit de grève n’appartient pas aux syndicats mais aux salariés. Le syndicat étant une personne morale, ne peut pas commettre d’acte illicite, matériel, concret. Par conséquent, la Responsabilité Civile d’un syndicat ne peut pas être engagée en principe. La Cour de cassation a admis néanmoins la Responsabilité Civile d’un syndicat qui avait appelé à une grève irrégulière (sans respect du préavis légal applicable dans les SP).   

On peut imaginer aussi la responsabilité du syndicat qui n’aurait pas respecté un préavis de grève conventionnel (ça n’a pas été jugé encore). Même si elle n’est pas opposable aux grévistes, ce type de clause pourrait peut être l’être aux syndicats.  

On peut aussi imaginer que des non grévistes agissent contre des grévistes, pour obtenir le paiement des salaires perdus à la suite d’occupation illicite des locaux par exemple  (Conseil des Prud’hommes compétent). Ce type d’action est assez rare.   

D’une manière générale, la responsabilité civile délictuelle exige la preuve d’une faute personnelle, ce type d’action se heurte souvent à l’insuffisance des preuves.  

  1. b) La responsabilité pénale

Certains actes illicites commis à l’occasion de la grève peuvent constituer des infractions pénales. Le code pénal réprime les coups et blessures volontaires et involontaires, la détérioration de marchandises, de matériel, d’instrument du travail. Il arrive parfois que des personnes soient poursuivies, il peut s’agir de salariés qui ont cassé du matériel, mais l’employeur, par sa qualité n’est pas exempté, il peut arriver que l’employeur commette une infraction pénale. Ex : DRH renverse un délégué syndical qui, avec les autres salariés grévistes qui s’étaient massés devant le supermarché, ont ralenti sa voiture, action en responsabilité par le DS pour coups et blessures involontaires avec arme.  

Par ailleurs le code pénal réprime aussi la séquestration, qui est un crime. C’est une infraction commise parfois dans les conflits qui s’enlisent ; la sanction pénale est très sévère. En principe c’est la victime de la séquestration qui déposera une plainte pénale avec constitution de partie civile. Sauf qu’en réalité ces plaintes ne sont pas systématiques et sont même plutôt rares. Dans un souci de paix sociale, l’employeur ne portera pas plainte, car son intérêt est de trouver un accord de fin de grève plus favorable. Lorsque ces plaintes sont déposées, elles sont souvent retirées une fois que l’on a trouvé un accord. Parfois même, l’infraction de séquestration n’est pas visée dans la plainte (termes très vagues), le parquet ne donnera sans doute pas de suite (3 mois pour saisir le juge d’instruction à partir de ce délai). S’il a quitté l’entreprise, il sera tenté de poursuivre les démarches. Le juge d’instruction doit statuer, il rendra une ordonnance de consignation qui demandera à la victime de déposer une somme pour éviter les plaintes abusives.

Or, la plainte ne peut être examinée que si la consignation a été déposée par la victime (montant calculé en fonction des ressources du plaignant). Si le montant n’est pas versé, la peine devient caduque, il ne se passe plus rien. Si les auteurs de l’infraction sont reconnus coupables, les sanctions pénales seront lourdes, le climat social de l’entreprise sera altéré… pour des années.  

L’entrave à la liberté du travail prévue par l’article 431-1 du code pénal. Cette infraction permet de réprimer spécialement les atteintes par des grévistes à la liberté du travail des non grévistes. Tout particulièrement s’agissant de piquets de grève bloquants ou d’occupation des locaux. Ce texte est critiqué par les syndicats, c’est délicat de critiquer un texte qui protège la liberté du travail. Ce que les syndicats font remarquer, c’est que l’entrave à la liberté du travail est pénalement sanctionnée lorsqu’elle est commise par des salariés, alors que lorsque c’est l’employeur qui empêche les non grévistes de travailler en faisant un lock-out, il ne peut pas être pénalement sanctionné (que sur le terrain civil). Il n’est pas impossible que le tribunal soient sensibles à cet argument et mesurent les ancrions qu’ils prononcent. Les poursuites pénales ne sont pas fréquentes, c’est un débat qui demeure théorique.  

Lorsque l’employeur a subi un préjudice résultant de l’une de ces trois catégories d’infections pénales, il peut se constituer partie civile sauf lorsqu’il s’agit d’une entrave à la liberté du travail car il n’est pas titulaire de cette liberté dont seuls les non grévistes peuvent se prévaloir. Certes l’employeur subit un préjudice lorsqu’il doit rémunérer les non grévistes à la suite d’une occupation des locaux. L’employeur a la possibilité de poursuivre les auteurs de l’infraction mais seulement devant le juge civil car son préjudice ne résulte pas directement de l’infraction commise. Dans les faits, au vu de cette jurisprudence, il est rare que cette infraction soie poursuivie par les non grévistes car ils ne subissent aucun préjudice, ils sont payés. On peut imaginer qu’un procureur se saisies du dossier, car il en a la compétence, sauf qu’en réalité il ne le fera pas

 

 

CHAPITRE 2 – LE RÈGLEMENT DES CONFLITS COLLECTIFS

Le législateur est intervenu pour permettre aux partenaires sociaux d’utiliser des instruments juridiques de sortie de grève. On peut citer la loi du 31 décembre 1936 et la loi du 4 mars 1938 qui instituent une procédure de conciliation et une procédure d’arbitrage qui devaient intervenir obligatoirement avant le déclenchement de la grève. Les conventions collectives devaient comporter des clauses de règlement, organisant la conciliation préalable et si la conciliation n’aboutissait pas, chaque partie devait désigner un arbitre. La sentence arbitrale était contrôlée dans sa légalité par la cour supérieure d’arbitrage. 

Il a fallu attendre la loi du 11 février 1950 qui repose sur plusieurs axes importants : 

Tout d’abord, le législateur veut privilégier les solutions pacifiques, ensuite il est conscient de la difficulté à faire intervenir un arbitre dans les conflits collectifs du travail. L’arbitre tranche en prenant lui-même la décision, c’est pourquoi avec cette loi du 11 février 1950, la conciliation reste obligatoire, alors que l’arbitrage devient facultatif. 

Autre idée du législateur : il entend concrétiser le lien entre le règlement des conflits collectifs et la négociation collective dans les entreprises. Celui-ci doit favoriser l’aboutissement à des conventions collectives et permettre leur application effective. Il se peut très bien qu’il ait une convention de branche mais qui ne soit pas respectée par l’employeur.  

On a ensuite constaté que la conciliation était une procédure qui n’était pas d’une grande efficacité. La question portait sur le rétablissement de l’arbitrage obligatoire. C’est une solution intermédiaire qui a été choisie dans le décret du 5 mai 1955 qui institue la médiation. Il s’agissait d’importer en droit français un système déjà très pratiqué en Amérique du Nord. 

Il s’agit de l’intervention d’un tiers (comme pour l’arbitrage), qui ne tranche pas (différence avec l’arbitre), mais tente de rapprocher les parties pour aboutir à un accord.

Le résultat des ces rois modes de règlement des conflits (médiation, arbitrage, conciliation) s’est avéré décevant. Bien qu’obligatoire que la conciliation, a été délaissée. C’est avec la loi du 13 novembre 1982 que le caractère obligatoire de ces dispositions a été abrogé. Aujourd’hui encore, ces procédures sont assez peu pratiquées.  

§1 – Les modes de règlements prévus par la loi

a) La conciliation

La conciliation vise à obtenir un accord qui comportera des engagements, c’est donc une négociation de type contractuelle. On ne cherche pas à juger les positions de chacune des parties, on ne cherche pas non plus à imposer aux parties des solutions. Ce sont les parties qui forgent elles-mêmes leurs propres solutions par la négociation. Cette négociation peut être accompagnée par un conciliateur, un tiers qui ne fait que discuter avec les parties et facilite leur expression, leurs points d’accord et de désaccord. Le rôle de ce conciliateur et ces modalités d’intervention ne sont pas définies par la loi, ce qui pose un certain nombre de problèmes.  

Si un accord est trouvé, la loi prévoit qu’un PV de conciliation enregistre l’accord (écrit). En cas d’échec de la négociation, on dresse un PV de non-conciliation. Cette procédure est facultative. La loi permet aux conventions collectives de définir les modalités de la conciliation mais si la convention collective ne prévoir rien sur ce point, on applique à titre subsidiaire, la procédure réglementaire (qui elle aussi est facultative, les parties doivent vouloir l’engager). Cette procédure règlementaire est subsidiaire et facultative, et prévoit que le préfet peut, réunir les parties et tenter de les concilier. Puis, une commission tripartite sera réunie pour tenter la conciliation (DRH – DS – inspecteur du travail). Si la conciliation réussit et le PV de conciliation est signé dans ce cadre, l’accord a le même effet qu’une convention collective. Dans la pratique, cette procédure est rarement utilisée (il faut que les parties veulent entrer en négociation).  

           b) La médiation

Le médiateur est soit choisi par les parties, soit choisi par le ministre sur des listes de personnalités (impartiales et compétentes). Rien n’interdit aux parties de choisir le médiateur en dehors de ces listes ou en s’inspirant de ces listes. Le médiateur joue d’abord un rôle d’enquêteur-expert en réunissant des informations sur le conflit, d’autant que le médiateur est un tiers qui n’a a priori aucune connaissance de l’entreprise. Dans cette première phase, le médiateur dispose de pouvoirs d’investigation, il va recueillir des renseignements, il peut auditionner des témoins, aller voir toute personne qui peut lui fournir des infos. 

Puis la médiateur réunit les parties et recherche avec elles une solution négociée. À cet effet, le médiateur émet une recommandation écrite qui suggère une ou des solutions. Il soumet sa recommandation aux parties qui peuvent donner leur accord ou non, si elles ne le font pas, le médiateur remet son rapport et sa recommandation au ministre qui peut décider de rendre public ce rapport. Cette technique de la médiation a parfois été utilisée, mais elle reste rare : les parties ne souhaitent pas toujours qu’il y ait un médiateur qui vienne dans l’entreprise et qui les guide. Les raisons à cette réticence sont stratégiques et juridiques : le rapport du médiateur peut être instrumentalisé, l’employeur est réticent, certaines pratiques illégales peuvent se retourner contre lui ; les syndicats peuvent ne pas avoir confiance en la personnalité du médiateur. Cette procédure est rare.  

            c) L’arbitrage

L’arbitre est amené à trancher un différend, sa sentence s’impose aux parties. C’est la raison pour laquelle le code prévoit que les parties doivent décider d’un commun accord le recours à un arbitre. Elles rédigent alors un compromis d’arbitrage pour définir la mission de l’arbitre.   

Une fois la sentence rendue, elle est obligatoire, mais au départ, l’arbitrage est facultatif. L’arbitre statue en droit, il remplace le juge, mais en matière de conflits collectifs de travail, le différend repose souvent sur des éléments non juridiques. C’est la raison pour laquelle la loi prévoit que la loi prévoit que l’arbitre statue en droit s’agissant des litiges juridiques et en équité s’agissent des aspects économiques du conflit. L’arbitre doit motiver sa sentence dont les effets sont ceux d’une convention collective, c’est aussi une différence avec le droit commun (en principe, la sentence n’a force exécutoire que lorsque le juge la valide : exequatur ; ici, la sentence n’a pas a proprement parler force exécutoire mais plutôt force obligatoire comme une convention collective   ). L’arbitrage est très rarement utilisé.

§2 – Les modes de règlements pratiqués par les parties (informels)

a) Les raisons de la négociation directe

La plupart des conflits de travail sont de nature économique. Il s’agit de présenter des revendications, il ne s’agit pas de litiges juridiques reposant sur l’application correcte des droits reconnus aux salariés. S’agissant de conflits économiques, les procédures de règlement prévues par la loi sont peu adaptées. Souvent, la fin de conflit se fera sur la base de concessions réciproques. Or, il est inconcevable de faire une concession sur l’application du droit surtout en droit du travail ou pratiquement toutes les règles sont d’ordre public .

Il s’agit de processus qui ne sont pas règlementés en eux-mêmes mais qui existent réellement. À ce titre, on parle de négociation informelle. Il est parfois nécessaire de recourir à des textes ou des mécanismes juridiques qui n’ont pourtant pas été créés spécialement pout le règlement des conflits collectifs ; d’où un sentiment de bricolage juridique. Les pratiques sont assez diverses ; il faut bien reconnaitre que les grévistes eux-mêmes s’autolimitent dans la revendication et dans la cessation de leur travail à l’occasion d’une grève. Dans certaines entreprises (SP mais pas toujours), certains travailleurs se déclarent en grève tout en travaillant.   

Légiférer sur ces questions est difficile. De plus, une solution imposée est rarement acceptée, adéquate, appropriée. Il est préférable que les partenaires sociaux recherchent eux-mêmes le règlement qui mettra fin au conflit. Politiquement c’est difficile et même concrètement.  

Les habitudes des partenaires sociaux consistent en France à privilégier le rapport de force qu’à négocier pendant le conflit. D’ailleurs, lorsque le législateur en 1982 a institué l’obligation annuelle de négocier dans les entreprises sur les salaires et les conditions de travail, il a déconnecté cette négociation, de la notion de conflit. Or, cette obligation de négocier n’existe pas dans les conflits, sauf dans les services publics pendant le préavis de cinq jours. De plus, l’obligation de négocier ne constitue pas l’obligation de conclure un accord.  

On peut considérer que la négociation directe entre les parties est le mode privilégié de résolution des conflits (ça se passe dans l’entreprise, dans l’établissement, dans le bureau du DRH). Tout au plus, le juge peut jouer un rôle ponctuel (encore faut-il qu’il soit saisi), ça arrive que le juge soit saisi : par exemple lors de conflits portant sur un plan de licenciement. Ou par exemple le Comité d’Entreprise ou un syndicat demande au TGI d’annuler la procédure de licenciement collectif. Ou de demander à l’employeur de respecter ces obligations procédurales.  

L’employeur présente son plan de licenciement collectif au Comité d’Entreprise et aux syndicats. Ces derniers peuvent agir devant le juge et demander l’annulation du PSE. C’est le TGI qui est compétent, car on est dans le domaine des rapports collectifs de travail. Comme on est un peu dans l’urgence, c’est le juge des référés qui sera saisi. S’il est saisi, le président du TGI peut faire application de l’article 145 du code de procédure civile. Si au contraire, le TGI est saisi au fond, il peut faire application de l’article 131-1 du code de procédure civile. Ces dispositions permettent éventuellement au juge de désigner un tiers qui entendra les parties et s’efforcera de rapprocher les points de vue. Ce qui pourra éventuellement aboutir à un accord.  

Si les parties trouvent un accord, elles se désistent de meurs demandent pendantes devant le tribunal et le juge n’a plus qu’à constater le désistement et ne prend aucune décision. Ainsi, le juge se trouve instrumentalisé dans une négociation qui reste une négociation directe dont les parties conservent le contrôle. Si les parties ne trouve pas d’accord, le juge tranchera, mais souvent sur un point mineur du conflit. Recourir au juge ne dessaisit pas les parties du conflit qui est le leur. Parfois, le juge se contente de débouter le demandeur au fond et même sur la base d’une irrecevabilité de sa demande qui n’a été formulée que pour permettre au juge de désigner un tiers facilitateur.  

        b) La nature juridique de l’accord de fin de conflit

L’accord de fin de conflit est largement ignoré par le code du travail et lorsque la Cour de cassation s’est prononcée, ce fut toujours sur des points mineurs. L’accord de fin de conflit est rarement signé (les accords de Grenelle ont été négociés mais pas signés) ; lorsqu’ils sont signés, on peut les considérer comme des accords collectifs d’entreprise ou d’établissement. Encore faut-il que les conditions de validité soient remplis (représentativité des syndicats). Si ces conditions sont remplies, on doit pouvoir considérer que l’ensemble du droit collectif s’y applique.  

Si l’accord n’est pas signé (le plus souvent), on peut éventuellement le considérer comme un engagement unilatéral de l’employeur, encore faut-il une déclaration claire de sa part. Ce n’est pas évident car dans la pratique, à la fin d’un conflit, l’employeur va manifester de la réticence, les syndicats vont essayer de valoriser la victoire des grévistes. On voit parfois le syndicat se mettre d’accord avec l’employeur mais ne pas parvenir pour autant à faire cesser la grève (les salariés se sentent trahis par le syndicat).  

À défaut d’engagement clair de l’employeur, on va banaliser son comportement et on appliquera le régime juridique correspondant. Il a accepté de verser une prime de semestre fin juin et il la verse ; l’année suivante, il va verse encore (usage d’entreprise, l’employeur ne peut pas revenir en arrière sauf dénonciation en respectant la procédure).  

Autre exemple, l’employeur s’est engagé à augmenter les salaires ; on constate cette augmentation sur le bulletin suivant (modification du contrat de travail, l’employeur ne peut pas revenir en arrière).  

Une question consiste à se demander si l’accord de fin de conflit purge vraiment le conflit. Il s’agit souvent de conflits qui reposent sur l’application d’une règle de droit (les salariés revendiquent l’application d’une convention collective). Si la revendication porte sur le versement d’une prime que l’employeur a omis de verser ; l’accord prévoit, que l’employeur paye uniquement la prime de l’année, pas celle des années précédentes et mêmes celles des années pas prescrites. Cet accord est-il valable ? Est-ce que l’accord de fin de conflit peut avoir une nature transactionnelle qui rend irrecevable les réclamations ultérieures ? La Cour de cassation n’a pas beaucoup eu l’occasion de répondre à cette question : elle a admis dans certains arrêts qui sont restés des arrêts d’espèce (arrêt de 1978 plaquette TD3). Dans la plupart des ouvrages, on considère que l’accord de fin de conflit a une nature transactionnelle sauf que c’est discutable. On peut discuter dans la mesure où le syndicat qui signe l’accord de fin de grève n’a pas mandat reçu par chaque salarié individuellement qui lui permettrait d’intervenir dans la relation individuelle de travail.

        c) Les questions posées par la médiation informelle

Lorsque le juge désigne un médiateur (tiers facilitateur), c’est bien souvent un juriste du travail. C’est parfois un professeur d’université, parfois un avocat, parfois un inspecteur du travail. L’inspecteur du travail est celui qui intervient le plus souvent ; d’ailleurs l’administration du travail elle-même cherche à développer depuis plusieurs années, dans le cadre de ce que l’on appelle le dialogue social des pratiques expérimentales. On a des inspecteurs du travail qui interviennent pour aider à la négociation. Ex : au ministère du travail, on a des commissions mixtes paritaires.   

L’inspecteur du travail est avant tout agent de contrôle : sa mission première est de faire respecter le droit du travail. Or, l’article 3 de la convention 81 de l’OIT dispose que si d’autres fonctions sont confiées aux inspecteurs du travail, elles ne doivent pas faire obstacle à l’exercice des fonctions principales. Des solutions sont essentiellement pratiques : par exemple, on peut constater que les inspecteurs qui acceptent d’être médiateurs le font en dehors de leurs sections ou de leur direction régionale, c’est à dire dans des entreprises qu’ils n’ont pas de mission de contrôler. On constate que les inspecteurs refusent systématiquement d’être rémunérés (souci d’indépendance).  

D’autres problèmes sont difficiles à résoudre : la question de la compétence technique du médiateur ; il s’agit d’être charismatique, d’avoir de l’autorité, de comprendre habilement et rapidement les problèmes qui se posent. Or, rien n’existe pour contrôler la compétence de ces personnes. Parfois les juges vont chercher sur des listes de médiateurs qui, selon les ministres du travail. En pratique, aucun contrôle réel n’est fait sur les compétences des médiateurs ou conciliateurs. Sauf que s’ils sont mauvais ils peuvent mener à mal le conflit.  

Rien n’est prévu sur l’indépendance ou la rémunération du médiateur. On peut admettre que l’employeur paye le médiateur mais qu’il reste indépendant de l’employeur (exemple de l’expert-comptable). Rien n’est dit sur la responsabilité civile de l’employeur ou du conciliateur. Quid de l’erreur du mériter dans son conseil ? Le régime d’assurance obligatoire des avocats couvrira les éventuels dommages… mais pour les autres il vaut mieux s’assurer… (Professeurs d’Université).    

TITRE 2 – LE CONTENTIEUX INDIVIDUEL DU TRAVAIL

Presque toujours, ce sont des salariés qui saisissent le juge du travail. Il est rare en effet, qu’un employeur fasse convoquer le salarié devant le conseil de prud’hommes. Lorsque c’est l’employeur qui agit, il s’agit le plus souvent de résiliation judiciaire du contrat de travail et il s’agit de contrat d’apprentissage (l’employeur ne peut pas rompre de sa propre initiative le contrat d’apprentissage). Il s’agit également de faire respecter une clause de non concurrence, de reprendre possession d’un bien appartenant à l’employeur ou d’obtenir le remboursement d’un trop perçu sur le salaire (action en répétition de l’indu).  

L’essentiel du contentieux vise des mesures de licenciement, des sanctions disciplinaires, des rappels de rémunération (heures supplémentaires et primes). Le contentieux du harcèlement, surtout moral s’es développé depuis une quinzaine d’années ainsi que le contentieux des discriminations mais dans une moindre mesure.   

On entend dire que « aux prud’hommes, ce sont toujours les salariés qui gagent », sauf que si ce sont les salarié sui agissent, c’est parce que l’employeur bénéficie d’une situation qui lui est favorable au départ. L’employeur peut, de sa propre initiative rompre le contrat de travail, refuser de verser un salaire, il n’a pas à s’adresser préalablement à une juge pour faire cela (sauf contrat d’apprentissage). En effet, le déséquilibre des forces en présence peut dissuader le salarié d’intenter une action. Il est donc nécessaire et important de faciliter la saisine du juge et la conduite du procès en faveur du salarié. La procédure prud’homale s’en trouve largement facilitée, allégée, assouplie. Parfois même le code prévoit qu’un syndicat puisse se substituer à un salarié en agissant en son nom et pour son compte. Le salarié hésite souvent tant qu’il est membre du personnel de l’entreprise, à engager une action contre l’employeur. On le constate d’ailleurs dans le contentieux où la très grande majorité des actions provient de salariés licenciés ou démissionnés.   

À partir de là, plusieurs conceptions de la justice du travail sont possibles. La première consiste à confier aux syndicats la conduite du litige par une assistance juridique aux salariés et la présentation des réclamations au chat d’entreprise pour résoudre le litige par une conciliation ou si cela n’est pas possible, par un arbitre. Ce système est largement pratiqué en Amérique du Nord. Une autre conception consiste à confier la justice du travail au juge de droit commun (Italie) ou à un juge spécialisé ( Allemagne, Espagne). En Allemagne, les juges du travail sont des juges à part.

En France, au conseil de prud’hommes, il ne siège aucun magistrat professionnel. En revanche, au second degré, c’est la chambre sociale de la cour d’appel qui tranche les litiges et n’y siègent que des magistrats professionnels. On peut considérer d’une certaine manière que le système français est partagé entre professionnalisation au premier degré et judiciarisation au second degré. Mais il ne faudrait pas en déduire que le système français se soit inspiré des différents modèles étrangers (Amérique du Nord, puis tribunaux spéciaux comme en Allemagne).  

En réalité les conseils de prud’hommes sont très anciens ; le modèle français est un modèle unique au Monde. De plus, la justice du travail en France est fortement judiciarisée. La procédure prud’homale est soumise au code de procédure civile, même si certaines dispositions du code du travail s’y appliquent également.  

En France, le conseil de prud’homme est une juridiction paritaire et élective. Son fonctionnement fait parfois l’objet de critiques et certains réclament des réformes. Le niveau de compétences juridiques de ces juges est souvent regretté. Certains pensent qu’il faudrait placer un magistrat professionnel parmi les conseillers prud’homaux. C’est la solution de l’échevinage (c’est le modèle des TASS). Il est difficile de savoir si une réforme verra le jour, d’abord parce que l’Etat est soucieux d’économies budgétaires, mettre des magistrats professionnels dans les Conseil des Prud’hommes serait très coûteux. Il faudrait former les magistrats au droit du travail et en recruter des nouveaux. 

Les organisations patronales et syndicales sont elles-mêmes attachées au mode d’organisation actuel ; la CGT a développé une vraie politique pour les élections prud’homales avec des formations juridiques. L’idée est pour les syndicats d’être présent au Conseil des Prud’hommes, c’est un lieu de pouvoir. Le patronat l’a compris plus tard, dans les années 1990, le MEDEF a fait son apparition. Vu cette vision, les syndicats sont très attachés aux Conseil des Prud’hommes actuels, ils verraient l’échevinage comme l’intrusion d’un magistrat professionnel.  

Une dernière question consiste à se demander si des modes alternatifs de règlement ne mériteraient pas d’être développés. Certains en sont partisans en raison des critiques adressées à la justice du travail, notamment en admettant en droit du travail, la technique de la transaction (propre au droit civil), ou en permettant à un médiateur d’intervenir dans les litiges individuels (pas seulement dans les conflits collectifs).  

CHAPITRE 1 – L’ORGANISATION DES CONSEILS DE PRUD’HOMMES

Depuis 1978, les conseils de prud’hommes existent dans le ressort de chaque TGI, sauf exception suite à la réforme de la carte judiciaire entreprise à partir de 2007-2008 (réforme Dati). Chaque Conseil des Prud’hommes est divisé en 5 sections :   industrie, commerce, agriculture, activités diverses et encadrement.

§1 – La juridiction prud’homale

C’est une juridiction élue ; comme le tribunal de commerce, il n’y a pas d’échevinage. Il faut avoir au moins 16 ans pour être électeur et être travailleur, salarié ou apprenti ou chômeur. Il n’est pas nécessaire de détenir la nationalité française. Pour être éligible, il faut avoir 21 ans, être électeur ou retraité depuis moins de 10 ans ; par contre, il faut avoir la nationalité française car on juge au nom du peuple français. Les syndicats de salariés et organisations patronales présentent des candidats, le scrutin a lieu par listes, par section, pendant le temps de travail, sans perte de salaire. L’élection se fait à la proportionnelle. En principe tous les cinq ans, mais parfois le calendrier électoral conduit à reporter les élections prud’homales. Les dernières élections ont eu lieu en 2008, les prochaines sont prévues pour décembre 2015.

C’est une juridiction paritaire ; les Conseil des Prud’hommes sont composés en nombre égal de salariés et d’employeurs. Ce paritarisme joue dans la composition des formations, les bureaux de conciliation et les bureaux de référé sont composés de deux juges (un conseiller salarié et un conseiller employeur) ; les bureaux de jugements de quatre juges. La présidence des audiences est alternative. On a donc deux salariés, deux employeurs, le président et le greffier. De même, la présidence des sections et du Conseil de prud’hommes lui-même est assurée chaque année de manière alternative. De même pour la vice-présidence. Ce paritarisme génère parfois des blocages car pour prendre une décision il faut qu’une majorité se dégage entre les juges au cours du délibéré. Les quatre juges délibèrent, il faut qu’il y ait trois juges qui acceptent de juger dans le même sens. En cas de partage, il faut faire appel à un juge départiteur (magistrat d’instance)      .

C’est une juridiction conciliatrice ; les Conseil des Prud’hommes ne tranchent les litiges qu’après avoir vérifié qu’il était impossible pour les parties de ce concilier, la phase de conciliation n’est pas un simple préalable, c’est une étape obligatoire. Le défaut de conciliation invalide la procédure. Néanmoins, les conciliations sont rares dans la pratique, moins de 10% des affaires donnent lieu à une conciliation. Ce qui suscite des critiques car cette première phase de conciliation allonge la durée des procédures. On vérifie à l’audience, si une conciliation est possible, si ce n’est pas le cas, on renvoie l’audience à une date ultérieure. Ce chiffre de moins de 10% est assez ancien, il est difficile de connaitre les statistiques car le ministère de la Justice communique très peu. En réalité, les conciliations ont été préparées à l’avance par les avocats, ils le font simplement consacrer par le juge. Même sans saisine du Conseil des Prud’hommes, elles aboutiraient, le Conseil des Prud’hommes est simplement instrumentalisé par les parties.  

§2 – Les conseillers prud’hommes

Ils exercent leurs fonctions à titre bénévole, ils perçoivent des indemnités que l’on appelle « vacations ». Les salariés, lorsqu’ils exercent leurs activités prud’homales pendant leur temps de travail, doivent voir leur rémunération maintenue par l’employeur qui perçoit l’indemnité de la part de l’Etat. Pendant leur mandat, ils bénéficient de six semaines de congés-formation, sans perte de salaire, les frais de formation étant à la charge de l’Etat. Chaque Conseil des Prud’hommes comporte huit conseillers par section au minimum, donc 40 conseillers au minimum. Les conseillers salariés bénéficient du statut de « salarié-protégé » (autorisation de l’inspecteur du travail en cas de licenciement). Les problèmes actuels sont liés au montant des vacations que les conseillers prud’hommes jugent insuffisants.  

Les problèmes actuels sont plutôt centrés autour du budget alloué par le ministère pour le fonctionnement des Conseil des Prud’hommes. Très souvent, les Conseil des Prud’hommes sont à l’extérieur des Palais de Justice, l’idée est que c’est une justice à part (conception particulière de la justice par les syndicats). D’autres débats, plus juridiques, relèvent de l’exigence d’impartialité qui est assignée à ces juges. Un conseiller prud’hommes peut-il siéger pour une affaire qui concerne une entreprise dans laquelle il est employé ou à laquelle il est ou a été intéressé en tant que dirigeant ? Un défenseur syndical peut-il soutenir une cause devant le Conseil des Prud’hommes dont il est aussi membre en tant que conseiller prud’hommes ? (probème fréquent). En effet, un salarié peut être défendu par un représentant syndical devant le Conseil des Prud’hommes.

CHAPITRE 2 – LA COMPÉTENCE PRUD’HOMALE

§1 – Une compétence d’attribution

Dans le code du travail, il s’agit des articles L.1411-1 et suivants qui étendent la compétence prud’homale aux différends individuels nés du contrat de travail.  

1°) Les différends individuels

Cela exclut naturellement les conflits collectifs qui du coup ne relèvent d’aucune juridiction en particulier et donc relèvent du juge de droit commun (TGI). La Cour de cassation interprète largement la notion de « différend individuel ». Le différend individuel peut résulter de l’application d’une convention collective, par exemple, le salarié réclame une prime qui est prévue par la convention collective pour l’ensemble des salariés. Certes cette disposition de la convention collective vise une collectivité de travailleurs, c’est bien une application individuelle que le salarié réclame de la convention collective. De même le salarié peu une mesure que l’employeur a prise à l’occasion d’une grève (conflit collectif).  

Pour la Cour de cassation, ce qui compte est que le salarié ne cherche pas à faire trancher le litige sur le plan des intérêts collectifs. La véritable raison de cette jurisprudence est probablement d’ordre pratique. En effet, les syndicats et le patronat se sont désintéressés des procédures de règlement des conflits collectifs prévues par le code du travail. La Cour de cassation a voulu étendre le plus possible la compétence des Conseil des Prud’hommes pour permettre au litige d’être résolu sur le plan judiciaire, pour qu’il y ait un juge compétent. Il est inconcevable que des plans entiers de la pratique juridique ne trouvent pas de juge compétent.  

Il convient toutefois de faire une distinction qui relève de l’objet de la demande principale, qui permet ensuite d’orienter le procès vers le Conseil des Prud’hommes ou le TGI. Le plus souvent, la demande principale, par exemple, l’interprétation d’une convention collective est formée par des salariés intéressés à titre individuel par la solution du litige, peu importe que plusieurs salariés forment la même demande ; il ne s’agit que de litiges individuels, même nombreux : le Conseil des Prud’hommes reste compétent. En revanche, le conflit collectif qui relève du domaine de la revendication, qui ne repose pas sur un litige juridique, ne relève pas de la compétence du Conseil des Prud’hommes.   

2°) Les différends nés du contrat de travail

Il faut qu’existe un contrat de travail, à cet égard, la qualification juridique de la relation professionnelle conditionne la recevabilité de la demande. Le juge prud’homal, comme tout juge, a le pouvoir de requalifier une relation juridique, sans être tenu par les qualifications des parties. Il s’agit d’appliquer des règles d’ordre public, le juge n’est pas tenu par les stipulations conventionnelles. Il se peut d’ailleurs que les litiges portent spécialement sur l’embauche ; par exemple, le candidat à un emploi s’estime victime d’une discrimination à l’embauche, la Cour de cassation admet la compétence prud’homale car le litige s’élève « à l’occasion d’un contrat de travail », certes pas conclu mais négocié.   

Bien entendu, le Conseil des Prud’hommes est compétent pour des litiges liés à l’exécution du contrat de travail. Cela englobe, les litiges concernant le salaire et tous les avantages. Non seulement, en exécution du contrat mais aussi en application d’une convention collective, d’un usage d’entreprise, d’un PSE…   

Cela englobe également des engagements ou des obligations qui s’exécutent après la rupture du contrat de travail (clause de non concurrence, priorité de réembauche pendant 1 an après un licenciement économique).  

En revanche, les litiges entre employeurs ne relèvent pas de la juridiction prud’homale. Notamment s’agissant de l’application d’une clause de non concurrence ; l’ex-employeur va attaquer le nouvel employeur du salarié qui est tenu par la clause de non concurrence qu’il n’a pas respecté. Il est intéressant d’attaquer le salarié et son nouvel employeur. Bien souvent c’est le TGI qui est saisi, puisqu’il est juge de droit commun et qu’il s’agit de mettre en œuvre la prorogation de compétence qui découle de la connexité entre les litiges. (TC et Conseil des Prud’hommes ont une compétence d’attribution et ne pourront juger qu’une partie du litige chacun ; il faut donc saisir le TGI).  

Le conseil de prud’hommes peut juger de litiges qui intéressent des organismes qui se substituent à l’employeur pour l’accomplissement de certaines obligations. Dans certains secteurs, les congés payés sont à la charge d’une caisse (secteur du bâtiment), chaque employeur du bâtiment verse les congés payés à une caisse, qui cumulant les droits acquis par le salarié les lui verse. Les employeurs doivent également assurer les salariés contre les risques contre le chômage : Pôle Emploi qui va verser les allocations chômage aux salariés ainsi que percevoir les cotisations des employeurs. En cas de faillite, c’est l’AGS qui va verser les salaires. Le Conseil des Prud’hommes peut trancher des litiges qui intéressent une caisse et le salarié.  

Le Conseil des Prud’hommes est également compétent pour les litiges entre salariés nés à l’occasion du travail. En pratique, il s’agit souvent d recours de non grévistes contre des grévistes. Certaines personnes relèvent également de la juridiction prud’homale, il s’agit des gérants de succursales (alors même qu’ils n’ont pas de contrat de travail), il s’agit d’un statut particulier, hybride entre droit commercial et droit du travail. En dehors de ces hypothèses, le conseil des prud’hommes n’est pas compétent : la convention de stage d’un étudiant par exemple, ne relève pas du Conseil des Prud’hommes car elle n’est pas un contrat de travail. Toutefois, le Conseil des Prud’hommes est compétent pour statuer sur une demande de requalification de la relation juridique, un étudiant qui a conclu une convention de stage qui cherche à faire requalifier cette convention en contrat de travail.  

Le Conseil des Prud’hommes est naturellement compétent pour statuer sur la recevabilité de la demande, de même s’agissant de personnes dont la situation professionnelle a été qualifiée par l’entreprise non pas de contrat de travail, mais de contrat commercial, par exemple pour les agents commerciaux. Le mandataire social (les sociétés peuvent donner mandat pour demander à des personnes d’accomplir une mission) peut également demander la requalification du mandat en contrat de travail. On peut citer également l’exemple des détenus qui travaillent (certaines entreprises ont installé des ateliers dans des maisons d’arrêts ou des centrales), le code du travail n’est pas applicable au travail des détenus, le Conseil des Prud’hommes est donc incompétent dans ce domaine. Le Conseil Constitutionnel a déclaré cette particularité, conforme à la Constitution  dans une récente QPC.   

Dans certains cas, le Conseil des Prud’hommes peut être compétent lorsque la relation juridique présente un lien direct et nécessaire avec le contrat de travail. C’est l’exemple du prêt, du dépôt, le logement ; en principe, c’est le code civil qui s’applique. En ce qui concentre les stock-options, le Conseil des Prud’hommes peut être compétent s’il y a un lien direct avec le contrat de travail. On parle de CONVENTIONS ACCESSOIRES AU CONTRAT DE TRAVAIL. Par exemple : l’employeur prête des voitures de fonction, ce peut être un prêt d’argent fait à ses salariés (ça se fait moins), dans tous ces cas le CHP est compétent. Pour le logement c’est pareil, dans le cas ou l’exploitant agricole loge son personnel dans son personnel ; tout dépend de si le logement est un avantage en nature figurant dans le contrat de travail.  

Parfois, c’est une autre juridiction qui est compétente, en application de la loi. Dans le domaine de la sécurité sociale, ce sont les TASS. En revanche, le litige né de la non affiliation du travailleur salarié par son employeur relève du Conseil des Prud’hommes, car l’affiliation est une obligation qui pèse sur l’employeur en application du contrat de travail. Les conséquences des ‘ACCIDENT DU TRAVAIL – MALADIES PROFESSIONNELLES» (licenciement), relèvent de la compétence du Conseil des Prud’hommes.  

Dans les services publics, les agents des SPA relèvent de la juridiction administrative, il faut pour cela que l’agent participe à l’exécution du service public. Pour le tribunal des conflits, ces agents relèvent de la juridiction administrative sans que l’on ne se pose la question du degré de leur participation au service public. Dans les SPIC, la juridiction compétente peut être le Conseil des Prud’hommes, les personnels des caisses de sécurité sociale relèvent du Conseil des Prud’hommes sauf les fonctionnaires qui y sont détachés (juridiction administrative). Il faut préciser aussi qu’il existe également dans les services publics, même administratifs, des salariés de droit privé qui relèvent du code du travail et de la juridiction prud’homale en application d’un texte spécial. Il s’agit le plus souvent de contrats-aidés (contrats de travail pour lesquels l’employeur bénéficie d’aides de l’Etat, le plus souvent sous forme d’exonération de cotisations de sécurité sociale et qui visent des catégories particulières, comme les chômeurs de longue durée, les jeunes peu ou pas qualifiés…). Ces contrats sont utilisés presque exclusivement par le secteur non marchand (associations et services publics).  

§2 – La compétence territoriale et internationale

En principe, le Conseil des Prud’hommes compétent est celui dans le ressort duquel est situé l’établissement ou le salarié est employé. S’il n’y a pas de lieu de travail fixe, le conseil compétent est celui du domicile du salarié, au moment ou de la saisine. Toutefois, le salarié dispose toujours de la possibilité de saisir le conseil de prud’hommes du lieu ou l’employeur est établi, voire du lieu où l’engagement a été contracté. Un salarié qui a été embauché à Bordeaux, mais l’employeur a changé, l’entreprise a été rachetée, le salarié a la possibilité de saisir le Conseil des Prud’hommes du lieu de l’engagement. Cette option dépend de la seule volonté du salarié.   

§3 – La compétence d’ordre public des Conseils de prud’hommes

En principe, les clauses d’un contrat de travail ou toute autre convention, qui seraient contraire à ces règles sont frappées de nullité absolue. Le salarié lui-même ne peut pas s’en prévaloir en faisant valoir que c’est de son intérêt par exemple. À partir de là, plusieurs problèmes se posent ; certaines conventions collectives prévoient la mise en œuvre d’une commission paritaire, comme préalable à la saisine du juge. Pour la Cour de cassation, cela ne doit pas empêcher le salarié de saisir directement le Conseil des Prud’hommes. Cette solution est certainement applicable à la clause d’un contrat de travail qui prévoirait une conciliation ou une médiation préalable. Cette solution est également applicable à la clause compromissoire qui prévoirait que le salarié devrait d’abord recourir à un arbitre sans pouvoir saisir immédiatement le Conseil des Prud’hommes. Cette clause compromissoire est certainement nulle, en revanche, on peut imaginer qu’un compromis d’arbitrage qui serait conclu après l’expiration du contrat de travail soit valide et que par conséquent le Conseil des Prud’hommes soit dessaisi au profit de l’arbitre (situation assez peu fréquente, elle peut intéresser certains cadres de niveau élevé voire très élevé).  

Il se peut que plusieurs juridictions soient saisies de litiges distincts relevant de la même relation juridique. En principe, le Conseil des Prud’hommes reste compétent, même si le litige concernant le contrat de travail présente un lien de connexité avec un autre litige. Exemple, en matière de procédures collectives, la juridiction compétente est le tribunal des commerciales ou le TGI. Le relevé des créances des salariés est soumis au juge commissaire du TC ou du TGI. Si l’un des salariés employé par une entreprise en redressement ou liquidation, veut faire trancher un litige concernant sa situation personnelle, il ne pet s’adresser qu’au Conseil des Prud’hommes, devant qui l’employeur sera représenté par le mandataire judiciaire qui a été nommé par le TC ou le TGI. Il se peut aussi que le litige présente un caractère d’indivisibilité, dans ce cas c’est la juridiction de droit commun qui est compétente (TGI).  

CHAPITRE 3 – LA PROCÉDURE DEVANT LE CONSEIL DE PRUD’HOMMES

Les règles de procédure civile s’appliquent devant le Conseil des Prud’hommes, comme par exemple l’article 6 de la CEDH qui exige que le juge statue dans un « délai raisonnable ». Néanmoins, il existe dans le code du travail, des règles particulières.   

§1 – L’action devant le Conseil de prud’hommes

1°) Le titulaire du droit d’agir

C’est ici le salarié ou l’employeur, mais il arrive rarement que l’employeur agisse directement contre le salarié. Cette action est soumise au principe classique de l’intérêt à agir. Il se peut néanmoins que plusieurs salariés agissent en même temps contre le même employeur. Le Conseil des Prud’hommes pourra ordonner que ces affaires soient jugées en même temps, dans un souci de bonne administration de la justice.  Néanmoins, chaque demande sera traitée séparément.   

Il se peut aussi qu’un syndicat agisse devant le Conseil des Prud’hommes ; il peut le faire à deux titres : en se substituant aux salariés = ACTION DE SUBSTITUTION, qui est prévue dans certains cas par la loi. S’agissant des travailleurs à domicile, de l’égalité hommes/femmes, de l’interdiction des discriminations, du harcèlement moral, s’agissant également des travailleurs étrangers, de ceux qui sont employés par des groupements d’employeurs et encore en matière de licenciements économiques. Dans ce type d’action, le syndicat exerce une action individuelle au profit du salarié. Le syndicat peut de faire à condition d’avoir prévenu le salarié et que celui-ci ne s’y soit pas opposé passé un délai de quinze jours.  

Le syndicat peut aussi agir pour défendre l’intérêt collectif de la profession. L’article L.2132-3 du code du travail prévoir ce droit d’agir (règle assez ancienne). Le syndicat n’intervient pas au nom d’un salarié en particulier.   

Le code du travail protège parfois spécialement le droit d’agir du salarié. Par exemple, le salarié (la salariée) qui agit pour faire respecter l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, bénéficie d’un régime de protection qui fait que si un licenciement est prononcé en raison de cette action, il sera frappé de nullité. La même solution existe pour un salarié qui a agit pour faire cesser une discrimination. La particularité est que le licenciement est nul (pas seulement dépourvu de CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE). Le législateur ne réclame pas que le salarié ait obtenu gain de cause. Le problème est que si un salarié a été licencié pour avoir agi contre son employeur, s’il parvient à apporter le lien de causalité entre son licenciement et l’instance qui l’a engagé précédemment, le licenciement en question devrait naturellement être déclaré sans cause réelle et sérieuse. Il ne faut pas oublier qu’agir en justice est un droit fonda. Or, la protection d’un droit fonda réclame souvent une protection particulière. S’agissant du licenciement, cette protection particulière prend généralement la forme de la nullité sous forme de sanction, ça pose un problème parce que si on considère que le droit fondamental d’agir en justice devrait entrainer la nullité du licenciement, quelle est l’utilité des textes qui prévoient la nullité du licenciement en matière de discrimination. La seule explication est que la protection du droit d’agir en justice ne devrait donner lieu qu’à un licenciement sans CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE, même si c’est un droit fondamental et que seul un texte spécial puisse prévoir la sanction de la nullité.  

Le salarié ou l’employeur peuvent saisir le Conseil des Prud’hommes par une simple demande écrite ou verbale, au greffe qui convoque le défendeur par lettre recommandée. Il n’y a donc pas d’assignation, il y a une simple convocation par le greffe, qui vaut citation en justice.  

        2°) La représentation et l’assistance des parties

Le principe veut que les parties comparaissent personnellement à l’audience. Les parties peuvent néanmoins en cas de motifs légitimes, se faire représenter. En pratique, les salariés sont très souvent présents aux audiences et les employeurs sont souvent absents. Les parties peuvent se raire assister par un avocat. L’assistance par un avocat n’est pas obligatoire mais est très fréquente dans la pratique (99% des avocats sont plaidées par des avocats). Le salarié, comme l’employeur peuvent se faire assister par des représentants syndicaux. Côté employeur c’est extrêmement rare, côté salarié c’est plus fréquent. Du côté des salariés on parle de « défenseurs syndicaux ». Ce sont des syndicalistes qui assurent l’assistance des salariés devant les Conseil des Prud’hommes. En effet, certains syndicats ont développés des permanences d’information juridique au profit des travailleurs. Certains permanents syndicaux acceptent d’aller jusqu’à soutenir la cause de leurs adhérents devant les Conseil des Prud’hommes.   

Cette pratique a posé quelques difficultés au regard du droit de toute personne à être entendue par un juge indépendant et impartial (article 6 CEDH). Un conseiller prud’homme qui est également défenseur syndical, ne soit pas, selon la Cour de cassation, exercer cette deuxième mission devant le conseil de prud’hommes dont il est membre. Les parties peuvent aussi se faire assister par un salarié ou un employeur de la même branche, mais pas nécessairement de la même entreprise. Le but est de reconnaître une certaine valeur à la solidarité au sein d’une même profession. S’agissant des employeurs ils peuvent se faire assister par un membre de leur entreprise. Enfin, les parties peuvent se faire assister par leur conjoint.  

§2 – L’instance devant le Conseil de prud’hommes

1°) La phase préliminaire de conciliation

Devant le Conseil des Prud’hommes, la conciliation est obligatoire et préalable, elle se déroule devant le bureau de conciliation composé de deux juges. Le bilan de ces conciliation est assez faible (6%), elles sont souvent préparées à l’avance, ce qui fait que le rôle du juge est assez limité. Le bureau de conciliation doit s’efforcer de respecter la procédure sous peine de nullité. Si les parties se concilient, un procès-verbal de conciliation est établi, signé par les parties, le président du bureau de conciliation et le greffier. Le bureau de conciliation doit rechercher l’accord des parties en préservant les droits de chacune d’elles. L’accord peut avoir une valeur transactionnelle qui rend irrecevable les demandes ultérieures, mais une transaction revêtue de la force exécutoire (on peut directement demander à un huissier de procéder à la saisie). Le bureau de conciliation peut également prendre des mesures provisoires, par exemple, pour obliger l’employeur à délivrer certains documents ou à verser certaines sommes. Ici, le bureau de conciliation dispose des mêmes pouvoirs que le juge des référés, il peut rendre des ordonnances, qui sont immédiatement exécutoires et ne sont pas susceptibles de recours.  

Dans certains cas, il n’y a pas de conciliation. Lorsque le salarié demande la requalification du CDD en CDI, ou lorsque l’entreprise est en redressement ou liquidation judiciaire. Dans ce cas, l’affaire est portée directement devant le bureau du jugement.  

        2°) La preuve en matière prud’homale

La charge de la preuve pèse en principe sur le demandeur, le salarié. Le problème est que, c’est dans l’entreprise que se situe la plupart des éléments de preuve (les documents).  

  • Le juge peut ordonner la production d’une preuve ; Ce faisant, il ne fait qu’appliquer les principes de droit commun. Par exemple, un litige portant sur une rémunération complémentaire dont le montant dépendrait du chiffre d’affaires. Le salarié peut également s’adresser au TGI par la voie d’une requête pour que le président du tribunal ordonne la production de cette preuve, c’est ce que l’on appelle une ordonnance sur requête : cette procédure n’est pas contradictoire, elle présente donc un avantage pour le salarié. Là encore, il s’agit de procédures qui ne sont pas propres au droit du travail.
  • Le salarié peut aussi produire lui-même les documents qui appartiennent à l’employeur mais dont le salarié a eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Il y a eu une évolution jurisprudentielle et une divergence entre chambres sociale et criminelle. Pendant longtemps la chambre criminelle a jugé que le salarié pouvait être condamné pour vol de documents. Évidemment, ça limitait les possibilités de défense du salarié. La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 2 décembre 1998 a admis la possibilité pour le salarié, de produire des documents appartenant à l’entreprise. Elle admettait la recevabilité de ces éléments de preuve. La chambre criminelle, dans un arrêt du 11 mai 2004, s’est rapprochée de la chambre sociale en écartant désormais la qualification de vol. Cette position plus harmonieuse de la Cour de cassation rétablit l’équilibre, puisqu’auparavant les salariés qui connaissaient l’existence des éléments mais ne pouvaient pas les produire devant le juge ; il ne pouvait que demander au juge qu’il ordonne à l’employeur de les produire, au risque que ce dernier invoque la disparition ou la perte de ces éléments. Il ne s’agit que des éléments dont le salarié a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Tout dépend de ce critère.
  • Le bureau de conciliation peut faciliter la recherche des preuves en ordonnant des expertises ou la production de pièces. Il peut décider que cette production sera assortie d’une astreinte (on ordonne à l’employeur de produire le registre du personnel : en cas de licenciement économique suivi d’un recrutement).
  • Une enquête ou une audition de témoins peut également être prescrite, de même pour une mesure d’expertise, qui est plus rare. L’enquête se fait généralement par l’intermédiaire d’un conseiller rapporteur désigné par le bureau de conciliation ou le bureau de jugement. Généralement, on nomme deux conseillers rapporteurs (employeur-salarié), mais il est possible d’un nommer qu’un seul mais c’est plus rare. Les conseillers rapporteurs peuvent procéder à des investigations, entendre les parties et d’autres personnes, avant de présenter leur rapport au Conseil des Prud’hommes. L’audition de témoins se fait devant le bureau de jugement (procédure fastidieuse, et assez rare).
  • Le code du travail aménage souvent la charge de la preuve ; l’article L.1222-4 interdit les modes de preuves qui portent atteinte aux libertés individuelles. Ensuite, certains procédés de preuve supposent le respect d’une procédure préalable, d’information et de consultation des représentants du personnel. Le conseil de prud’hommes joue aussi un rôle actif dans la recherche de la vérité ; en ne faisant peser la charge de la preuve sur aucune des parties (en matière de licenciement), le doute profite au salarié. En obligeant l’employeur qui invoque le motif disciplinaire à prouver la faute, ou encore en faisant naître de présomptions en faveur du salarié, comme en matière de discrimination, de harcèlement ou de droit à des heures supplémentaires.

S’agissant de la protection des libertés individuelles, la Cour de cassation interdit à l’employeur de mettre en place des dispositifs de surveillance clandestins et déloyaux, par exemple l’enregistrement de conversations à l’insu de l’interlocuteur. L’employeur ne peut pas enregistrer le salarié qui avouerait sa date, afin de légitimer son licenciement devant le juge : ce n’est pas possible. En revanche, la production d’un SMS est licite car le message n’est pas clandestin. Cela relève de la correspondance privée ; or, les lettres échangées entre salarié et employeur peuvent librement être produites devant le juge. De même évidement pour les mails adressés échangés entre salarié et employeur.

Concernant les atteintes à la vie personnelle du salarié (fouille d’un casier individuel d’un salarié de l’entreprise) ; pour la Cour de cassation, le respect de la vie personnelle n’empêche pas le juge d’ordonner des mesures destinées à produire des éléments de preuve. Ainsi, l’employeur peut lui-même, par une ordonnance sur requête, accéder aux dossiers personnels figurant sur l’ordinateur du salarié si des motifs légitimes le justifient (risque de concurrence)      .

S’agissant des preuves qui nécessitent le respect d’une procédure d’information et de consultation des représentants du personnel ; pour la Cour de cassation, il est impossible de produire des enregistrements obtenus à l’insu du personnel, mais au moins l’employeur peut faire valoir qu’il existe des motifs légitimes à mettre en place ce type de surveillance. Par exemple, les caméras qui surveillent les caisses des supermarchés. Si l’enregistrement a été obtenu à l’insu des salariés, il ne peut pas être utilisé à titre de preuve ; en revanche, si ce mode de surveillance a été institué après consultation des Institutions Représentatives du Personnel + CNIL (CE ou à défaut DP), il peut être jugé licite, et les enregistrements pourront être produits comme preuve devant le juge. L’essentiel de la jurisprudence concerne les enregistrements vidéo. Mais des questions similaires se posent à propos de la surveillance des mails ou des connexions internet (il existe des logiciels qui permettent de surveiller toute l’activité de l’entreprise). 

De même à propos de la géolocalisation des véhicules voire des équipements électroniques (ordinateurs, téléphones) ; de même à propos de filatures par un enquêteur privé, si cette activité est autorisée, en revanche, produire le résultat de cette activité devant le juge, contre un salarié, n’est pas admis par la Cour de cassation.      

        3°) Le principe de l’unicité de l’instance

Le salarié qui a engagé une procédure contre son employeur, une fois le procès terminé, le pourra pas en engager un nouveau contre le même employeur. Il faut donc une instance unique. L’article R.1452-6 du code du travail dispose que « toutes les demandes dérivant du même contrat de travail, doivent faire l’objet d’une seule instance à peine d’irrecevabilité ». Il y a des exceptions : tout d’abord, cette règle n’est pas applicable si le fondement des prétentions est né ou s’est révélé après la saisine du conseil de prud’hommes. Par exemple, le salarié est licencie, il conteste la légitimité de son licenciement et réclame des Dommages et Intérêts. Le procès se termine, le salarié ne peut plus réclamer une indemnité de licenciement par exemple (il a oublié de demander cela au juge). S’il présentait à nouveau cette demande, le juge constaterait que le fondement de la demande est le licenciement, et n’est pas postérieur à la saisine initiale. 

En revanche, le salarié apprend ultérieurement que l’employeur a embauché en violation e sa priorité de réembauche. On peut admettre que le fondement de cette nouvelle demande soit bien postérieur à la saisine initiale du Conseil des Prud’hommes.  

Cette règle de l’unicité de l’instance est une spécificité de la procédure prud’homale ; certains contestent cette règle qui justifie un déni de justice (droit à un procès équitable, art 6). La Cour de cassation a cherché à limiter la portée de ce principe, notamment, elle décide que les demandes nouvelles restent recevables lorsque la première instance s’est terminée par un jugement de désistement, par un jugement constatant la nullité de la procédure. Si le salarié se désiste, le Conseil des Prud’hommes doit prendre un jugement qui constate le désistement. Il va saisir à nouveau le Conseil des Prud’hommes (après changement d’avocat) ; l’employeur invoquait l’unicité de l’instance sur la base du jugement. La Cour a estimé que ça n’empêche pas le salarié de saisir à nouveau le Conseil des Prud’hommes.  

Pour la Cour de cassation, il faut que le procès se soit achevé définitivement. Tant que l’instance est en cours, le salarié ou l’employeur peuvent présenter des demandes nouvelles. Par exemple, le salarié a saisi le Conseil des Prud’hommes pour licenciement sans CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE, puis en cours de procédure, il rajoute les congés payés… LES

DEMANDES NOUVELLES SONT RECEVABLES MÊME LORSQUE LA PHASE DE

CONCILIATION A DÉJÀ EU LIEU (pour la première fois devant le bureau de jugement ; même pour la première fois devant le juge départiteur ; également en appel ; y compris sur renvoi après cassation devant une nouvelle cour d’appel : lorsque la Cour de cassation reproche aux juges du fond de ne pas avoir statué sur un élément par exemple, le salarié va le faire valoir)     .

Certains estiment que cette possibilité offerte aux deux parties, mais qui va bénéficier au salarié qui est souvent demandeur, fait perdre à l’employeur le double degré de juridiction. L’employeur fait appel pour des indemnités ; il se retrouve avec un harcèlement moral invoqué contre lui…

La règle de doit commun selon laquelle le demandeur devrait présenter ses demandes en une seule fois est mise à l’écart par la procédure prud’homale.  

        4°) L’oralité des débats

La procédure est dominée par l’oralité des débats, principe qui s’applique devant le Conseil des Prud’hommes comme devant la chambre sociale de la cour d’appel. Le but est de faciliter la procédure, de la rendre plus simple et plus rapide. Cet objectif n’est pas tout à fait atteint en raison du fait que certaines juridictions sont engorgées.  

Ce principe de l’oralité des débats entre en conflit avec un autre principe du contradictoire qui signifie que chacune des parties doit pouvoir connaitre les arguments et les éléments de preuve apportées par son adversaire, pouvoir les examiner, les critiquer, y répondre éventuellement par la production d’éléments contradictoires. Cela suppose que chacune des parties doit disposer du temps suffisant à l’élaboration des son argumentation et de la communication de ses éléments de preuve : il faut qu’il puisse répondre . 

§3 – Le jugement

            1°) La décision

Le juge du travail statue en droit et en équité, bien que ce soit une juridiction proche du milieu professionnelle ; il applique donc les règles de droit du travail, les conventions collectives. En principe, c’est le bureau de jugement qui rend la décision, le jugement. Il statue à la majorité des voix après avoir délibéré à huit clos. Si aucune majorité ne se dégage, les conseillers sont en partage et l’affaire sera portée devant le juge départiteur qui est un juge du tribunal d’instance. Une nouvelle audience devant le bureau de départage. Le jugement une fois rédigé est signé par le président du Conseil des Prud’hommes et par le greffier et notifié par LR aux parties. C’est cette notification qui fait courir les délais pour les voies de recours.  

   2°) Les voies de recours

Le conseil de prud’hommes relève de la chambre sociale de la cour d’appel qui est composée de magistrats professionnels. L’appel est formé dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement, 15 jours si c’est une ordonnance de référé. Le ministère d’avocat n’est pas obligatoire. L’appel n’est possible que si le total des demandes atteint le taux du ressort (chiffre fixé par décret qui est actuellement de 4 000 €), défaut, la décision est rendue en dernier ressort et n’est susceptible que d’un pourvoi en cassation. C’est le montant global des demandes qui est pris en compte alors que jusqu’en 2005, le taux s’appréciait demande par demande.   

Il faut noter que les jugements sont toujours susceptibles d’appel lorsqu’ils statuent sur des demandes de valeur indéterminée (le salarié demande sa réintégration, la demande ne correspond pas à une somme d’argent). L’appel n’est pas possible lorsque le taux de ressort n’est atteint que par une demande reconventionnelle (le salarié demande 3 999 € ; l’employeur demande 4000 € pour procédure abusive pour pouvoir faire appel, cette manœuvre n’est pas possible).  

C’est la chambre sociale de la Cour de cassation qui examine le pourvoi ; depuis le décret du 20 août 2004, les parties ne sont plus dispensées d’avocat. Il s’agit d’un avocat à la Cour de cassation.

        3°) L’exécution des décisions

Il faut rappeler que pour la Convention européenne des droits de l’Homme, obtenir l’exécution d’une décision de justice dans un délai raisonnable est un droit fondamental. Il existe peu de chiffres sur l’exécution des décisions des conseils de prud’homme et des cours d’appels, en pratiquent c’est bien exécuté. On peut imaginer des cas ou le salarié condamné et pas solvable n’exécute pas la décision… Il peut arriver que l’employeur se trouve insolvable, sauf que l’employé est assuré contre ce risque, c’est l’AGS qui règlera les créances des salariés (et prendra le relai en cas d’insolvabilité de l’employeur).  

Les juges peuvent, assortir leur condamnation d’astreinte. Ce n’est pas extrêmement répandu mais ça arrive parfois. L’astreinte consiste pour le juge à fixer une somme qui sera due par la personne condamnée, si elle n’exécute pas la condamnation dans un certain délai (le juge va fixer un montant par jour de retard), le juge va limiter la durée de l’astreinte par exemple à un mois.   

Le paiement de l’astreinte n’est pas une obligation qui résulte du jugement lui-même, un huissier ne peut pas saisir cette somme. Il faut donc que l’astreinte soit liquidée par un juge ; en principe, il s’agit du juge de l’exécution du TGI. À cette occasion, le juge de l’exécution peut réduire ou modérer le montant de l’astreinte. Sauf que cela suppose d’aller voir un autre juge… (Problème d’effectivité). Le conseil de prud’hommes qui a pris le jugement de condamnation contenant une astreinte peut néanmoins, par une mention expresse dans le jugement réserver sa compétence pour liquider l’astreinte (mais il faut que ce soir expressément mentionné dans le jugement). Cela facilité la liquidation de l’astreinte, car le salarié sait à qui s’adresser, il n’a pas à aller voir le juge de l’exécution.  

L’exécution provisoire peut être ordonnée par le conseil de prud’hommes et dans certains domaines, elle est de plein droit. Exemple : l’employeur est condamné à 30 000 €, il fait appel pour retarder le paiement à un an. L’exécution provisoire permet à la partie qui a gagné son procès, d’obtenir l’exécution du jugement sans attendre, ni que la cour d’appel ait statué en cas d’appel, ni même l’expiration du délai d’appel. En matière prud’homale, sont de plein droit exécutoires, un certain nombre de jugements, ceux qui ordonnent le paiement des salaires et de certaines indemnités dans la limite d’un plafond égal à neuf mois de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois. Le jugement doit mentionner la moyenne des salaires pour faciliter le calcul. Le problème est que beaucoup de jugements n’indiquent pas cette moyenne. Lorsque le jugement ne contient pas cette mention, cette omission n’affecte pas l’exécution provisoire.

Sont également exécutoires par provision, les jugements qui ordonnent la remise de documents que l’employeur est tenu de délivrer en application de la loi (bulletins de paie, certificat de travail, l’attestation Pôle Emploi qui est une attestation remise au salarié qui quitte l’entreprise à la suite de la rupture de son contrats e travail et qui lui permettra de faire valoir des droits à allocation chômage). Précisions également que les ordonnances de référés, celles du bureau de conciliation, sont exécutoires par provision (immédiatement exécutoires). Cela n’interdit pas à l’employeur d’interjeter appel, mais ça en atténue l’intérêt pour certains… D’ailleurs, si la décision de première instance est réformée par la cour d’appel, les sommes versées en exécution provisoire devront être remboursées.   

L’exécution provisoire est aussi une faculté pour le juge soit d’office, soit à la demande de l’une des parties. Cela arrive parfois (pas souvent), par exemple pour des dommages-intérêts pour licenciement sans CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE.   

        4°) Le référé prud’homal

Depuis un décret de 1974 et une loi de 1979, chaque Conseil des Prud’hommes comporte une formation paritaire de référé (deux juges), pour que cette formation soit compétente, il faut que ce litige soit de la compétence du Conseil des Prud’hommes.  

Le bureau des référés peuvent perdre des mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifient l’existence d’un différend, ou visant à prévenir un dommage imminent. Par exemple, le bureau des référés pourra ordonner la production de pièces. Le bureau des référés est également compétent même en récence d’une contestation sérieuse pour prendre des mesures conservatoires ou de remise en état pour faire cesser un trouble manifestement illicite. 

Par exemple : un salarié protégé a été licencié sans autorisation de l’inspecteur du travail.  Ce sont souvent des cas de nullité du licenciement, à ce titre, le juge des référés est juge de l’évidence.   

Le juge des référés peut accorder une provision au créancier si l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Par exemple, le salarié a été licencié, l’employeur n’a jamais invoqué de faute grave, et le salarié disposait de plus d’un an d’ancienneté ; il est évident que le salarié a droit à une indemnité de licenciement. Le bureau des référés peut ordonner le paiement de cette indemnité. Les ordonnances de référé ont un caractère provisoire, elles doivent donc être exécutées même si un appel a été interjeté. Elles sont néanmoins dépourvues de l’autorité de la chose jugée au principal, ce qui permet au bureau de jugement de prendre une décision contraire.   

Le désistement du salarié devant le bureau des référés ne l’empêche pas de former une demande devant le bureau de jugement. Il est possible de former parallèlement le Conseil des Prud’hommes et le juge des référés, pour la même demande. La procédure de droit commun ne rend pas irrecevable le référé. Cela présente un intérêt particulier car le bureau de conciliation peut prendre des mesures provisoires et ses pouvoirs sont sensiblement les mêmes que ceux du bureau des référés. De plus, le salarié présente des demandes en référés en excluant des demandes qui relèvent du fond : indemnité de licenciement en référé ; mais pas de dommages-intérêts pour licenciement sans CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE, car il faudra examiner au fond (procédure classique devant le bureau de conciliation).  

En 2013, au Conseil de prud’hommes de Bordeaux, il y a 184 conseillers au total :

  • 72 jugements pour la section agriculture
  • 1164 jugements pour la section commerce
  • 923 affaires en référé

CHAPITRE 4 – LA RECEVABILIT É DES DEMANDES

§1 – Les délais de prescription

Pendant longtemps c’était 5 ans de prescription pour les rémunérations et pour le reste on appliquait les délais de droit commun (10 et 30 ans). La loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l’emploi a modifié les différents délais de prescription en les réduisant :

  • Pour les actions en paiement ou en répétition des salaires, le délai est passé de 5 à 3 ans.
  • Pour les actions portant sur l’exécution ou la rupture des contrats de travail, le délai est de 2 ans. Délai de 10 ans applicables aux actions en réparation du dommage corporel subi lors de l’exécution du contrat de travail (délai de droit commun de la Responsabilité Civile Délictuelle). Délai de 5 ans applicable en matière de discrimination et de harcèlement.

 

  • Délai de 12 mois pour contester un licenciement économique à compter du licenciement, à condition que ce délai soit mentionné dans la lettre de licenciement. Pour la Cour de cassation, ce délai de prescription ne s’applique qu’en cas de contestation sur la régularité ou la validité du licenciement économique. Pour la Cour de cassation, il en découle que ce délai de 12 mois n’est pas applicable aux contestations affectant la légitimité du licenciement donc la CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE du licenciement.
  • Délai de 12 mois applicable à la contestation de la rupture conventionnelle homologuée.

 

§2 – Le reçu pour solde de tout compte

C’est un document signé par le salarié qui quitte son emploi à la suite d’une rupture de son contrat de travail, dans lequel il reconnait que l’employeur lui a payé certaines sommes à l’occasion de la rupture du contrat de travail. Le reçu a donc une fonction probatoire.

Pendant longtemps, en signant le reçu qui lui était proposé par l’employeur, le salarié était considéré comme ayant reconnu avoir été rempli de ses droits. Le salarié ne pouvait pas poursuivre l’employeur ultérieurement, alors qu’au moment de la signature, il s’était mépris sur la portée de ce document et son utilisation.  

Pour lutter contre cette pratique, le législateur avait prévu que le reçu devait être établi selon certaines formes et ne libérait l’employeur que si le salarié n’avait pas dénoncé le reçu dans les deux mois suivant cette signature. Ainsi, au delà de la fonction probatoire du reçu, le législateur lui donnait un effet libératoire (au bénéfice de l’employeur). Cette règlementation a donné lieu à un important contentieux sur le délai de deux mois et sur les formes admises pour lé dénonciation.   

Loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a supprimé l’effet libératoire du reçu pour solde de tout compte et en modifiant le formalisme du reçu pour solde de tout compte. La loi du 25 juin 2008 a rétabli le caractère libératoire du reçu dès-lors qu’il n’est pas dénoncé dans les six mois suivant sa signature.  

§3 – La transaction

La transaction est un contrat défini par l’article 2044 du code civil, par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. La transaction a l’autorité de la chose jugée en cerner ressort selon l’article 2052. Par conséquent, la transaction peut affecter al recevabilité des demandes du salarié, si le salarié a transigé avec son employeur, il ne peut plus saisir le Conseil des Prud’hommes.  

La question se pose de savoir comment peut-on admettre en droit du travail, cette technique contractuelle propre au droit civil et assez ancienne ? D’un côté, le contrat de travail est soumis au droit des obligations, or la transaction est un contrat et il n’y a apriori pas lieu de l’écarter du domaine des relations de travail. D’un autre côté, le législateur a spécialement règlementé le reçu pour solde de tout compte, qui n’est pas une transaction mais dont les effets sont assez proches puisque passé le délai de dénonciation, le reçu rend irrecevables les demandes du salarié devant le conseil de prud’hommes. Or, c’est exactement le but d’une transaction : purger la situation et éviter un procès ultérieur. L’employeur recherche une sécurité juridique. 

Seulement, certains auteurs estiment que si le législateur a voulu règlementer spécialement le reçu pour solde de tout compte (délai de dénonciation de six mois), on pourrait en déduire que la transaction, qui a le même effet, ne devrait pas être admise dans les relations individuelles de travail. Avec la transaction, le délai de dénonciation n’existe pas. La Cour de cassation aurait pu déduire de la volonté du législateur la nullité des transactions signées entre un salarié et son employeur. Pourtant, la Cour de cassation a admis cette validité en fixant un certain nombre de conditions.  

1°) Les conditions de validité de la transaction en droit du travail

  • En principe, la transaction est valable selon la Cour de cassation dans un arrêt du 18 mai 1953 (jurisprudence jamais remise en cause depuis).

 

  • La Cour de cassation, n’admet la validité de la transaction qu’en fonction de sa date de conclusion, en effet, elle juge que pour mettre fin à un litige, encore fait-il que ce litige soit né. Il s’agit ici, pour la chambre sociale, de mettre à l’écart la disposition de l’article 2044 du code civil selon laquelle la transaction peut aussi avoir pour effet de prévenir une contestation à naître. En droit du travail, contrairement au droit civil, on exclut les contestations à naître. Cette exigence de la Cour de cassation, puisqu’elle ne résulte pas de l’article 2044 du code civil, s’appuie sur l’article L.1231-4 du code du travail qui interdit aux parties de renoncer par avance aux règles légales applicables au licenciement. Bien souvent, on transige après un licenciement. Pour éviter que le salarié accepte une renonciation à ses droits alors qu’il est encore en état de subordination, la jurisprudence exige que le licenciement soit prononcé avant que la transaction soit signée. Pour la Cour, il importe que le salarié ait la connaissance du motif du licenciement avant de renoncer à contester ce motif. Or, la notification du motif de licenciement dans la lettre de licenciement est une règle obligatoire prévue par le code du travail à laquelle le salarié ne peut pas renoncer par avance. À défaut, la transaction n’est pas valable, elle est nulle.
  • Les concessions réciproques des parties ; condition de validité de la transaction selon la chambre sociale, alors que cela n’était pas exigé par le code civil. L’acte est nul s’il n’y a pas de concessions réciproques. D’abord, la Cour de cassation admet qu’il n’est pas nécessaire que les concessions soient de même importance pour chacune des parties, il se peut que les concessions soient de valeur inégale. Ainsi, les juges n’ont pas à opérer de savants calculs pour vérifier l’égalité des concessions. En revanche, il faut de réelles concessions. Les juges peuvent néanmoins annuler une transaction lorsque les concessions faites par l’une des parties sont trop faibles ou ne sont pas appréciables, cela pose un problème de procédure concernant la recevabilité de la demande. En effet, l’examen de la recevabilité de la demande doit être fait par le juge avant l’examen au fond de la demande. Or, ici d’une certains manière, s’agissant de la contestation de la CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE du licenciement, les juges doivent bien examiner quelque peu le fond pour savoir si la demande est recevable. La Cour de cassation admet ce raisonnement, notamment à propos de transactions consécutives à un licenciement dont le motif par exemple n’avait pas été exprimé dans la lettre de notification. Si l’indemnité transactionnelle est inférieure à celle prévue par le code du travail, l’employeur n’a pas fait de réelles concessions. La transaction est nulle et la demande est donc recevable. La Cour exige néanmoins que les juges ne se livrent pas à un véritable examen approfondi du litige car il s’agit tout de même de statuer sur la recevabilité des demandes présentées par le salarié.
  • Si la transaction est déclarée nulle, les demandes sont recevables et pourront donc être examinées par les juges. Le problème est que dans la transaction, l’employeur s’est engagé à verser une somme en contrepartie de la renonciation du salarié à saisir le juge. L’engagement a été exécuté par l’employeur (qui a signé et remis le chèque au salarié), le salarié n’a pas respecté son engagement. Le juge devra donc obliger le salarié à restituer cette somme versée en exécution d’un acte désormais nul. Si la transaction est nulle, le salarié doit rembourser. Donc si l’employeur transige, il faut qu’il donne au salarié plus que ce qui est prévu par le code, sinon la transaction n’a aucun intérêt pour le salarié. La Cour juge en ce sens en refusant les arguments tirés de la fraude de l’employeur (le salarié a participé à cette fraude aussi en acceptant un contrat antidaté), et condamne le salarié à restituer les sommes versées.
  • D’autres conditions de validité sont mises en œuvre par la jurisprudence : il faut que la transaction ait un objet certain, comme tout contrat. Cela interdit la transaction signée par un salarié protégé avant que le licenciement soit prononcé. Ainsi, la transaction ne peut pas porter atteinte à des droits qui ont un caractère d’ordre public lorsqu’ils ne sont pas encore nés. L’absence de vice du consentement est une condition de validité ; il faut préciser que la transaction, selon l’article 2053 du code civil, ne peut pas être attaquée pour erreur de droit ni pour lésion. Cela signifie que la méconnaissance par le salarié d’un revirement de jurisprudence peut justifier l’annulation de la transaction car il ne s’agit pas pour la chambre sociale d’une erreur de droit. La Cour de cassation a ici une conception étroite de l’erreur de droit : exemple, le salarié est licencié pour inaptitude, il signe une transaction lui donnant droit à une indemnité légale de licenciement, alors que la Cour de cassation vient d’opérer un revirement de jurisprudence donnant droit à l’indemnité conventionnelle de licenciement au salarié inapte. Il ne s’agit pas d’une erreur de droit, la transaction peut donc être annulée car il y a en réalité méprise sur l’objet du litige. Pour la Cour de cassation, l’absence de consentement est une cause d’annulation de la transaction. On peut l’imaginer dans le cas de la violence, ou le salarié aurait été forcé de signer. On peut aussi l’imaginer pour un salarié ne parlant pas le français et qui n’a pas compris le sens et la portée de l’acte qu’il a signé. La Cour de cassation l’a aussi admis pour un salarié qui avait signé la transaction en y apposant la mention « sous réserve de mes droits », dans ce cas, la transaction est nulle. On peut citer la jurisprudence selon laquelle la transaction par laquelle le salarié bénéficie des droits prévus par la convention collective n’est pas valable, car il n’y a aucune concession de la part de l’employeur qui est déjà obligé de respecter la convention collective. Parfois, la Cour de cassation s’attache plutôt aux conditions d’application de la convention collective, la mise en œuvre d’un accord collectif ne dépend pas de la signature par un ou des salariés d’un contrat de transaction, de telles transactions sont jugées « sans effet ».

2°) Les effets de la transaction 

Selon l’article 2052 du code civil, la transaction a, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elle a donc un caractère définitif et rend irrecevable les demandes en justice. La question qui se pose est de savoir si la jurisprudence impose de fixer dans la transaction tous les chefs de contestation possibles pour rendre irrecevable toute demande ultérieure ou au contraire peut-on considérer que dès-lors qu’une transaction prévoit que le salarié renonce à toute réclamation, dans une clause à portée générale, la transaction rend toutes les demandes irrecevables, même si elles n’ont pas spécialement fait l’objet d’une négociation et d’un accord. Ce qui est certain est que, en principe, l’irrecevabilité des demandes est liée à l’objet de la transaction et c’est la raison pour laquelle la chambre sociale a jugé que seules les questions se reportant au litige (objet de la transaction), ne peuvent pas ultérieurement, faire l’objet d’une demande en justice (Soc., 22 janvier 1992). Mais l’assemblée plénière a jugé en sens contraire le 4 juillet 1997 en considérant que toute demande en justice est irrecevable alors même que la transaction règle un point particulier (en l’espèce une clause de non concurrence), dès-lors que dans la transaction, le salarié a renoncé à toutes réclamations de quelque nature qu’elles soient concernant l’exécution et la rupture du contrat de travail. Malgré cet arrêt de l’assemblée plénière, la chambre sociale continue à limiter la portée des transactions en jugeant que la renonciation du salarié ne vise que le différend qui a donné lieu à la transaction (Soc., 2 décembre 2009 ; la transaction vise le préjudice résultant de la rupture du contrat, le salarié saisit le Conseil des Prud’hommes ensuite pour réclamer un complément d’indemnité conventionnelle de licenciement, la demande est donc recevable).  

La transaction peut, comme tout contrat être résolu par le juge en cas d’inexécution. Par exemple, si l’employeur n’a pas versé l’indemnité conventionnelle.  

La transaction pose un problème à l’égard des tiers. Elle est opposable aux tiers comme tout contrat, mais en revanche, elle n’a l’autorité de la chose jugée qu’entre les parties. Les tiers concernés sont ici les organismes sociaux et l’administration fiscale. L’URSSAF et le Fisc ne sont pas tenus par les stipulations conventionnelles de la transaction, la volonté de spartes ne peut pas faire échec aux règles d’ordre public qui s’appliquent en matière de sécurité sociale et d’Impôt sur le Revenu. Par conséquent, les tiers peuvent demander au juge de requalifier certaines sommes. Par exemple, lorsque l’indemnité transactionnelle qui n’est normalement pas soumises à cotisations sociales ni à l’Impôt sur le Revenu, elle englobe en réalité des droits à rémunération soumis à cotisation et à impôt. Par exemple, s’agissant du droit à préavis de licenciement ou d’un droit à rémunération d’heures supplémentaires. Si le salarié n’a pas renoncé à ses droits dans la transaction, le juge pourra considérer qu’une partie de l’indemnité transactionnelle correspond à ses droits et est donc soumise à cotisations (juge social) et à Impôt sur le Revenu (juge fiscal).  

La transaction peut aussi comporter d’autres engagements, par exemple l’employeur s’engage à délivrer un certificat de travail élogieux, pour faciliter le reclassement. Ou une nouvelle lettre de licenciement (en cas de licenciement pour vol par ex), on peut prévoir un Clause de Non Concurrence par transaction. Ces engagements sont parfaitement licites.  

TITRE 3 – LE CONTENTIEUX DU POUVOIR DE DIRECTION DE L’EMPLOYEUR

Dans la théorie du droit du travail, l’employeur est investi de pouvoirs qui lui permettent de diriger l’entreprise. On considère généralement que ces pouvoirs découlent, du droit de propriété des moyens de production ; soit de la nécessité de permettre le chef d’entreprise de conduite d’un destin collectif. Chacune de ces théories comporte une part de vérité même si elles s’opposent et permettent chacune de limiter les pouvoirs de l’employeur. La théorie classique, par le contrat de travail permet de dire ce que l’employeur peut faire ou ne pas faire ; la théorie institutionnelle, limitant elle les pouvoirs de l’employeur à ce qui est strictement nécessaire à la conduite de l’entreprise et à la défense de ses intérêts. Le pouvoir de direction de décompose en un pouvoir règlementaire et un pouvoir disciplinaire. Le pouvoir règlementaire (normatif) permet au chef d’entreprise de fixer des règles que l’ensemble des travailleurs, doit respecter. Il s’agit bien d’un pouvoir règlementaire puisqu’il s’adresse à une collectivité et non à un salarié en particulier.   

Ce pouvoir normatif s’exprime dans le règlement intérieur qui est élaboré par le chef d’entreprise. Le pouvoir disciplinaire permet au chef d’entreprise sanctionner des fautes commises par le salarié dans l’exercice de leurs fonctions ; ainsi l’employeur dispose du droit de punir les salariés dans le rapport professionnel. Comme le pouvoir règlementaire, le pouvoir disciplinaire comporte le risque d’entrer en conflit avec les libertés individuelles et collectives, il est donc nécessaire de le règlementer également. Ici aussi, le contentieux est abondant.  

CHAPITRE 1 – LE CONTENTIEUX DU POUVOIR NORMATIF DU CHEF D’ENTREPRISE

Depuis longtemps, les employeurs ont élaboré des règlements s’appliquant à l’entreprise et contenant un certain nombre de dispositions générales, comme certaines interdictions. On parlait au XIXe siècle de « règlements d’ateliers ». La loi du 4 aout 1982 sur la liberté des travailleurs dans l’entreprise, a règlementé le règlement intérieur, c’est à dire que le législateur n’a pas voulu empêcher l’employeur de créer des règles applicables dans son entreprise ; elle a même reconnu ces pouvoirs en les confortant et en racornissant le caractère d’acte unilatéral du règlement intérieur. C’est l’employeur seul, qui élabore le règlement intérieur     .

Toutefois la loi fixe un contenu limité au règlement intérieur, ainsi le règlement n’intervient que dans fois domaines : la discipline, l’hygiène et la sécurité. Les autres domaines sont renvoyés à la négociation collective ou au contrat de travail. La loi fixe même certaines obligations à la charge de l’employeur et assortit ces obligations de sanctions      .

§1 – L’élaboration du règlement intérieur

L’article L.1321-1 du code du travail indique que le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur fixe exclusivement :

  • les mesures d’application en matière d’hygiène et de sécurité, notamment de certaines dispositions du code du travail qui sont nombreuses dans ce domaine et lorsque les risques le justifient : comment utiliser les équipements de travail, les équipements de protection… ces mesures doivent être adaptées à la nature des tâches
  • les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à la demande de l’employeur, à participer au rétablissement de la sécurité et de la santé des salariés lorsqu’elles sont compromises (dans des cas d’urgence, le Règlement Intérieur va prévoir selon quelles modalités l’employeur va appeler les salariés)
  • les règles relatives à la discipline et notamment la nature et l’échelle des sanctions que l’employeur peut prendre, si des fautes ont été commises par le salarié. D’autres dispositions du code du travail ajoutent que le règlement intérieur doit également énoncer les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés contenus dans le code du travail ou dans la convention collective applicable (on rappelle les droits de la défense lorsque le salarié a commis une faute et l’employeur encrage une sanction).

Il faut également que le règlement intérieur rappelle les dispositions du code du travail relatives au harcèlement moral et aux harcèlements sexuels.  

        a) L’obligation d’élaborer un règlement intérieur

Obligation de l’employeur à partir de 20 salariés ; si l’entreprise comporte plusieurs établissements il y a plusieurs cas de figure :

  • Si aucun établissement n’atteint 20 salariés, l’employeur établit un règlement intérieur unique pour toute l’entreprise ; l’employeur doit s’assurer qu’aucun établissement ne comporte des particularités nécessitant des dispositions propres.
  • Si un ou plusieurs établissements atteignent 20 salariés, alors une procédure spécifique à chaque établissement doit être mise en œuvre. Cela n’interdit pas d’élaborer des règlements intérieurs identiques si leurs caractéristiques sont les mêmes. Il se peut aussi que plusieurs entreprises n’atteignent pas le seuil de 20 salariés mais constituent entre elles une UES ; dans ce cas, un règlement intérieur doit être mis en place au niveau de l’UES.

Un délai s’applique ici puisque le code du travail prévoit que lorsque l’entreprise est créée, un Règlement Intérieur doit être élaboré dans les trois mois. Pour l’administration du travail, cela signifie que si le seuil de 20 salariés a été franchi, continuellement pendant trois mois, l’employeur est obligé d’élaborer le règlement intérieur. L’administration considère néanmoins que l’obligation est remplie par l’employeur dès qu’il engage la procédure d’élaboration du règlement intérieur (au moment de la consultation des représentants du personnel). En effet, l’employeur devra solliciter l’avis du CHSCT et des délégués du personnel sur le projet de règlement intérieur. En revanche, la loi ne fixe pas de délai pour les entreprises anciennes et pour l’administration du travail, c’est alors un délai de six mois qui s’applique à compter du franchissement du seuil.  

Le respect des ces obligations est placé sous le contrôle des inspecteurs du travail qui peuvent relever l’infraction consistant à ne pas avoir élaboré le règlement intérieur. L’inspecteur appartient à une administration et c’est la direction du travail et de l’emploi, qui est une composante du ministère du travail qui élabore des circulaires à destination des inspecteurs du travail. Ces circulaires ne constituent pas à proprement parler une source du droit, mais elles n’en sont pas mois une indication très importante sur les pratiques de l’administration.   

Il se peut aussi qu’une entreprise ou un établissement ne comporte pas 20 salariés, mais envisage néanmoins d’élaborer un règlement intérieur (c’est assez rare en pratique). Ou l’entreprise comportant 20 salariés mais en comporte désormais moins, si l’employeur souhaite le modifier, il doit respecter toutes les règles légales concernant le règlement intérieur, s’agissant de son élaboration, comme de son contenu.  

La procédure d’élaboration est fixée par le code du travail, consultation des représentants du personnel sur le projet de règlement intérieur (première étape), une fois que les Institutions Représentatives du Personnel ont rendu leur avis, rédaction définitive par l’employeur du texte qui doit être affiché, communiqué à l’inspecteur du travail et aux

IRP.  

        b) Les adjonctions au règlement intérieur

Certains employeurs ont imaginé élaborer des règles applicables à l’ensemble du personnel par des notes de service ou des circulaires afin d’éviter la procédure d’élaboration du Règlement Intérieur (risque d’atteinte aux libertés).  

1 °) Les notes de services ou circulaires assimilables au règlement intérieur

Article L.1321-5 dispose que ces notes de service et circulaires sont considéra comme des adjonctions au règlement intérieur, elles sont donc soumises à la même procédure (avis, communication et affichage).  

Cassation., crim., 27 juin 1990 ; à propos d’une note intitulés « consigne » imposait aux caissières de nettoyer leur caisse. La Cour a jugé que ces consignes interviennent dans le domaine de l’hygiène qui est réservé au règlement intérieur. 

Autre exemple, CE, 29 décembre 1995 ; à propos d’une société de traitement de produits dangereux qui fixe, par une note des mesures de sécurité en prévoyant des astreintes dans un certain nombre d’hypothèses et notamment des absences de salariés, notamment incluant la grève. Le Conseil d’Etat a jugé que cette note est assimilable au règlement intérieur, il fallait donc que l’employeur passe par la procédure d’élaboration du règlement intérieur.

Cassation. soc., 1er juin 1994 ; à propos d’un hôtel qui, par une note de service, interdit à son personnel d’utiliser les places de parking situés à proximité de l’établissement. Un salarié est sanctionné et la chambre sociale annule la sanction (avertissement) puisque la noter intervenait dans le domaine du règlement intérieur et contenait une restriction à une liberté fondamentale.   

Il y a un cas particulier : celui des consignes d’incendie (CE, 3 juin 1988) ; il y a une règlementation particulière qui oblige l’employeur à prendre ces consignes et à les communiquer à l’inspecteur du travail. Le Conseil d’Etat a estimé que bien que cela concerne la sécurité, cela ne relève pas du domaine du règlement intérieur car les consignes d’incendie sont un document à part régi par une autre procédure.     

2 °) Les notes de services ou circulaires non assimilables au règlement intérieur

Certaines notes n’ont qu’un caractère temporaire ou ne visent qu’une catégorie de salariés, elle de relève pas de la procédure du règlement intérieur. La note qui porte sur les dates de congés payés ou de fermeture annuelle de l’entreprise. La note remise au moment de l’embauche, de même la note qui se borne à préciser la tenue vestimentaire qui sera exigée.

CE, 12 novembre 1990 ; à propos d’une note dans laquelle l’employeur indique que les appels personnels venant de l’extérieur ne seront plus, sauf urgence passés à leur destinataires. Pour le Conseil d’E, cette note n’est pas une adjonction au règlement intérieur (pas soumis à la procédure du Règlement Intérieur).

L’employeur est tenu de respecter les libertés publiques ; il est interdit de demander un extrait de casier judiciaire si la nature de l’emploi ne le nécessite pas.   

3 °) Les codes de déontologie et les chartes du personnel

Il est tentant pour l’employeur d’utiliser la voie d’une charte ou d’un code de déontologie pour établir des règles qui vont s’appliquer à l’ensemble du personnel. Il est vrai que, bien souvent, l’objectif principal de l’employeur est de mobiliser les salariés autour d’un problème déontologique par ex. De recueillir leur adhésion, concrétisée dans un document à part, qui apparaît ainsi comme discuté, négocié avec le personnel. C’est même souvent un moyen pour l’employeur de modifier certains comportements et même de faire progresser la pratique professionnelle des salariés.  

Ces documents risquent de porter atteinte à certaines libertés (secret des correspondances). Plusieurs auteurs ont critiqué ces pratiques en faisant valoir que c’était un moyen habile pour l’employeur de contourner les règles applicables au règlement intérieur. C’est pourquoi la jurisprudence et le code du travail ont assimilé à des Règlements Intérieurs ces codes et chartes dès lorsqu’ils comportent des dispositions générales dans les matières qui ressortent du règlement intérieur (notamment la discipline).   

L’essentiel du contentieux concerne en premier lieu des salariés sanctionnés sur la base de ces chartes et qui contestent leur sanction. Il arrive parfois qu’un inspecteur du travail exige le retrait de ces dispositions. La Cour de cassation a apporté une précision importante ; il se peut qu’un code de déontologie ou une charte ne fasse que rappeler des obligations préexistantes en précisant leurs modalités d’application par exemple. Dans ce cas, il n’y a pas de modification du règlement intérieur.  

                  c) Les sanctions 

1 °) Les sanctions spécifiques à la réglementation du règlement intérieur

Article R.1323-1 du code du travail prévoit les sanctions pénales (contraventionnelles). Ces sanctions sont envisageables si :

  • il n’y a pas de règlement intérieur pour une entreprise de plus de 20 salariés, une fois passé les délais
  • le règlement intérieur a été adopté mais sans respecter la procédure d’élaboration (consultation des Institutions Représentatives du Personnel)
  • le règlement intérieur a été adopté de manière régulière mais il comporte une clause illégale selon l’inspecteur du travail (si c’est un Conseil des Prud’hommes qui a estimé que la clause était illégale, par exemple en annulant une sanction disciplinaire, dans ce cas l’inspecteur du travail ne peut pas relever l’infraction tant qu’il n’a pas constaté lui même l’illégalité)
  • le règlement intérieur n’a pas été affiche
  • il n’est pas rédigé en français

 

2 °) Le délit d’entrave

Il s’agit de sanctionner le non respect par l’employeur de son obligation de consulter les représentants du personnel au cours de la procédure d’élaboration du Règlement Intérieur. L’article L.2228-1 réprime l’entrave à la constitution des Institutions Représentatives du Personnel, à leur fonctionnement régulier ; un an d’emprisonnement et 3750 euros. SI c’est une personne morale qui a commis l’infraction, l’amende est multipliée par 5 et par 10 en cas de récidive. 

Les parties lésées sont en droit d’obtenir des Dommages et Intérêts, les tribunaux se montrent peu généreux dans ce domaine et les constitutions de parties civiles ne sont pas fréquentes de la part de salariés de l’entreprise. Ceci dit, il ne faut pas oublier que le syndicat peut agir pour défendre l’intérêt collectif de la profession qu’il représente. L’entrave aux fonctions de représentants du personnel est lui-même générateur du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession, le syndicat peut donc agir ou se constituer partie civile.   

3 °) L’inopposabilité au salarié

En principe, le Règlement Intérieur s’applique à tous les salariés de l’entreprise. Mais il y a des cas particuliers, et notamment les salariés employés par des entreprises extérieures. Par exemple, les travailleurs intérimaires dont l’employeur de droit est l’entreprise de travail temporaire. Les intérimaires sont soumis au Règlement Intérieur concernant l’hygiène et la sécurité, mais pour la discipline, ils restent subordonnés à leur employeur de droit, et le règlement intérieur ne leur est pas applicable en ce qui concerne l’échelle des sanctions qui peuvent être prises.   

En revanche, s’il n’y a pas de règlement intérieur, l’employeur ne peut pas s’en prévaloir sauf qu’en réalité le contentieux concerne deux types de cas :

  • L’employeur a élaboré un règlement intérieur mais n’a pas respecté l’une de ses obligations dont l’exécution conditionne l’entrée en vigueur du règlement intérieur ; par exemple défaut d’affichage, dans ce cas, le salarié peut prétendre que le Règlement Intérieur ne lui est pas opposable mais la Cour de cassation admet néanmoins l’employeur à prouver que le salarié avait connaissance du règlement intérieur malgré le défaut d’affichage.
  • Le règlement intérieur comporte des dispositions qui ne devraient pas y figurer ; la Cour de cassation distingue parmi ces clauses d’une part, les clauses qui imposent des obligations mais qui ne relèvent pas du domaine du Règlement Intérieur (cas classique : la clause de mobilité, clauses de non concurrence). D’autre, part, les clauses qui créent des droits aux salariés (indemnité de licenciement, prime…), ce n’est pas du domaine du Règlement Intérieur : la Cour de cassation admet que les salariés peuvent s’en prévaloir, elle analyse cela comme un engagement unilatéral de l’employeur. Seulement, ces engagements unilatéraux, pour la jurisprudence, sont traités comme des usages d’entreprise, ainsi, l’employeur dispose de la faculté d’y mettre fin de manière unilatérale, comme pour tout usage d’entreprise. En respectant un prévis et en informant les salariés concernés. Ainsi, le retrait de ces dispositions, n’est pas considéré comme une modification du Règlement Intérieur qui exigerait le respect de la procédure propre à la modification du Règlement Intérieur (consultation obligatoire des Institutions Représentatives du Personnel).

§2 – Le contrôle du contenu du règlement intérieur

Il découle de l’article L.1321-1 que le règlement ne peut contenir aucune autre matière que celle énoncée (hygiène, sécurité, discipline).  

a)Les clauses interdites dans le règlement intérieur

Le règlement intérieur a un niveau inférieur à la loi, aux règlements et aux accords collectifs. Or, par loi et règlement, on entend les règles de droit du travail, mais aussi celles de l’ensemble des branches du droit (civil, pénal…).  

L’article L.1321-3 du code du travail prévoit que le règlement intérieur ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives, des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché. Le but est de protéger les libertés en limitant les restrictions aux cas où elles sont réellement indispensables (porter un casque est une atteinte à la liberté mais ce peut être justifié par la nature de la tâche à accomplir).   

En application de ce principe, ont été jugées attentatoires aux libertés et donc non justifiées, les clauses suivantes : 

  • CE, 25 janvier 1989 vise l’interdiction absolue de discussions politiques, religieuses et étrangères au service ; le CE juge que cette interdiction est trop générale pour être justifiée. Cela aurait pu être justifié s’il avait été démontré que le silence était indispensable aux besoins du service.
  • Les clauses interdisant de porter des badges, des insignes, d’adopter un style de coiffure ; les clauses restreignant le mariage, obligeant d’indiquer la profession du conjoint, les clauses interdisant de siffler et de chanter, d’introduire un journal et les clauses prévoyant l’ouverture, par l’employeur du courrier postal adressé aux salariés de l’entreprise.

S’agissant des boucles d’oreilles et tatouages, les clauses les interdisant ont été jugées illicites dans certaines décisions, mais pas assez pour en dégager une règle générale. 

  1. L’application de ce principe dans le domaine de la liberté de conscience 

Une entreprise de tendance (dans laquelle une morale, une religion, une idéologie est expressément mise en avant), peut-elle exiger l’adhésion de son personnel salarié ? À propos d’un établissement d’enseignement catholique, il est admis que le règlement intérieur ne peut pas imposer à un candidat à un emploi, un engagement personnel, par la manifestation, dans ses attitudes, d’une volonté de soutenir et de défendre l’enseignement catholique (TA Nantes, 22 octobre 1982). Dans ce même jugement, il est admis en revanche, que le règlement intérieur puisse exiger des salariés le respect d’un devoir de réserve sans imposer son adhésion à l’opinion religieuse    .

CE, 20 juillet 1990 ; le CE admet que le règlement intérieur impose au personnel de respecter le caractère propre de l’établissement. Il s’agissait également d’un établissement d’enseignement catholique ; dans ce cas, le Règlement Intérieur doit préciser que ce respect ne porte pas atteinte à la liberté de conscience des salariés concernés, également, les obligations qui en résultent s’apprécient au regard des fonctions exercées par le salarié     .

  1. L’application de ce principe dans le domaine de la liberté religieuse 

Hypothèse d’une entreprise qui voudrait préserver sa neutralité, sa laïcité et des salariés souhaitent manifester leurs convictions religieuses. L’employeur va sanctionner le salarié, et ce dernier va saisir le Conseil des Prud’hommes. L’affaire qui nous occupe actuellement est l’affaire Baby Loup ; à propos d’une salariée d’une crèche privée qui entend porter le voile islamique pendant son travail, le règlement intérieur impose le respect du principe de laïcité et de neutralité au sein de l’entreprise.   

La Cour de cassation (Soc., 19 mars 2013) a considéré que le règlement intérieur de la crèche est trop général et imprécis ; il en découle que le licenciement n’est pas justifié et qu’il est même discriminatoire. La Cour a invalidé le licenciement.   

Sauf que dans un arrêt rendu le même jour, il s’agissait d’une salariée d’une CPAM licencié pour port du voile islamique ; le règlement intérieur de la CPAM interdisait le port de vêtements ou d’accessoires positionnant l’agent comme représentant un groupe, une ethnie, une religion, une obédience politique ou quelque croyance que ce soit. La Cour de cassation  a considéré que les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics y compris lorsqu’ils sont gênés par des personnes privées. Ces agents sont soumis à des contraintes particulières parce qu’ils participent à une mission de SP.  

La Cour de cassation distingue entre les entreprises de droit privé qui gèrent un SP et celles qui ne gèrent pas un SP (une crèche privée).  

La cour d’appel de renvoi (Paris, 27 novembre 2013) résiste à la chambre sociale en considérant qu’une crèche privée peut, dans son règlement intérieur, interdire le port du voile islamique. Elle considère que la crèche assure une mission d’intérêt général (ce n’est pas une mission de SP), cela lui permet, dans certaines circonstances, de constituer une « entreprise de conviction » (notion empruntée à la jurisprudence de la CEDH). Cette entreprise de conviction pouvant imposer la neutralité de son personnel, dans l’exercice de certaines tâches. Par exemple, il serait par exemple interdit de porter le voile pour une partie des tâches (l’éveil, accompagnement des enfants) et cela serait autorisé pour d’autres tâches sans contact avec les enfants (l’insertion sociale et professionnelle, les rapports avec les femmes du quartier). Pour la Cour de Paris, le règlement intérieur de la crèche était suffisamment précis, les restrictions qu’ils prévoient sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Il n’y a donc pas de discrimination, le licenciement est bien justifié par une faute grave.     

Peut être que l’assemblée plénière, saisie par la salarié, apportera des précisions…. on peut se demander si l’entreprise de conviction s’apparente à l’entreprise de tendance. C’est compliqué car une entreprise de tendance (notion doctrinale) est particulièrement marquée par une idéologie ; on est dans une crèche qui n’a aucune condition particulière… est-ce facile d’admettre qu’une crèche serait une entreprise de conviction.    

  1. d) L’application de ce principe (le Règlement Intérieur ne peur pas porter atteinte aux libertés du salariés) dans le domaine du droit au mariage 

En droit du travail, les choses sont claires : les clauses du règlement intérieur qui restreignent le droit au mariage sont illicites. Il s’agit le plus souvent de clauses qui interdisent ou limitent le mariage d’un salarié avec un autre salarié d’une même entreprise.   

La Cour de cassation juge en effet, que le règlement intérieur qui comporterait une telle disposition porte une atteinte non justifiée à la liberté et le ministre du travail a estimé que les clauses de célibat sont nécessairement « abusives », comme contraires aux droits fondamentaux.    e) … à propos des tests d’alcoolémie  

   1°) La position de l’administration et du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat a censuré, dans un arrêt du 1er février 1980, un règlement intérieur imposant au salarié d’apporter en cas de doute, la preuve qu’il n’est pas en état d’ébriété. Le Conseil d’Etat a jugé qu’une telle disposition ne justifiée que pour les salariés occupés à certains travaux ou à la conduite de certaines machines. Une circulaire du ministre du travail du 15 mars 1983 a exprimé la position de l’administration qui est que le recours à l’Alcootest est justifié concernant des salariés qui manipulent des produits dangereux, conduisent des véhicules, transportent des personnes.   

Le Conseil d’Etat a validé cette position dans un arrêt du 9 octobre 1987. Il s’agissait d’un règlement intérieur qui prévoyait l’épreuve de l’Alcootest effectué par un agent habilité, désigné par la direction pour les salariés manipulant des produits ou machines selon les termes prévus par la circulaire.   L’inspecteur du travail avait exigé deux choses : 

  • D’abord, que le règlement intérieur désigne les agents habilités à procéder aux contrôles, ou préciser que les contrôles s’effectuent en présence d’un tiers.
  • Ensuite, l’inspecteur du travail exigeait que le règlement intérieur précise que les salariés avaient la faculté de demander une contre-expertise, on comprend un peu le but de l’inspecteur du travail qui est de protéger le salarié contre une sanction disciplinaire.

La décision de l’inspecteur est contestée et on arrive devant le Conseil d’Etat (9 oct. 1987) qui rejette les exigences de l’inspecteur du travail. Il estime que la deuxième exigence (faculté d’une contre-expertise), le Conseil d’Etat la rejette en considérant que le test d’alcoolémie ne peut avoir pour objet que de faire cesser ou de prévenir une situation dangereuse, c’est le seul objet du test d’alcoolémie, ce n’est pas de faire constater une faute éventuelle du salarié. Il est donc inutile de demander à l’employeur d’accorder au salarié la faculté de demander une contre-expertise.   

Ce que l’on peut déduire est que selon le Conseil d’Etat, l’employeur ne semble pas pouvoir faire constater une faute disciplinaire par un test d’alcoolémie (que faire cesser une situation dangereuse).  

   2°) La position de la Cour de cassation

La Cour de cassation a adopté une situation différente. L’employeur peut, par un test d’alcoolémie, faire constater une faute. On peut noter un arrêt du 22 mai 2002 de la chambre sociale, à propos d’un salarié transportant un collègue dans un véhicule et est contrôlé positif. Le règlement intérieur prévoyait cette faculté de recours à l’Alcootest, il interdisait l’état d’ivresse sur le lieu de travail et au passage il prévoyait même la faculté pour le salarié de solliciter une contre-expertise ou la présence d’un tiers. La Cour de cassation juge le règlement intérieur licite, sur la base de l’article L.4122-1 du code du travail. Cet article impose à tout salarié de veiller à sa sécurité et à sa santé ainsi qu’à celle des autres personnes concernées du fait de ces actes ou de ces omissions dans l’exécution de son contrat de travail. Pour la Cour de cassation, ce qui importe est que les modalités du test d’alcoolémie en permettent la contestation par le salarié concerné, ce qui était le cas car le salarié pouvait exiger la présence d’un tiers ou une contre expertise. 

D’autre part, la Cour estime que l’état d’ébriété constitue une faute grave eu égard à la nature des tâches du salarié dès-lors qu’il expose les personnes ou les biens à un danger. Ici, la Cour de cassation reconnait que le test puisse constituer la preuve d’une faute du salarié justifiant un licenciement.   

Cette jurisprudence a été confirmée par un arrêt du 24 février 2004 ; en l’espèce, licenciement pour faute suite à un test positif. La cour d’appel estime que le licenciement est sans CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE parce que l’Alcootest, légitime avant l’utilisation d’une machine ou la conduite d’un véhicule, ne pouvait permettre à l’employeur de constater une faute à la fin de la journée de travail (après la conduite du véhicule). La Cour de cassation valide le licenciement pour faute grave en reprenant les mêmes motifs que dans son arrêt du 22 mai 2002      .

  1. f) … en matière de fouilles pratiquées par l’employeur

Peut-on accorder à une personne privée un pouvoir dont l’exercice est restreint lorsqu’il s’agit d’une autorité publique ? Le CC, 12 janvier 1977 avait invalidé une loi prévoyant que les APJ peuvent fouiller les véhicules en toute circonstance. Naturellement, l’employeur invoquera de son côté, le droit de propriété, qui est un droit fondamental, la liberté d’entreprendre comme fondement de son pouvoir de direction et de contrôle et donc de fouille.  

Cette problématique se renforce s’agissant de la fouille des personnes. On distingue plusieurs types de fouilles :  

  • La fouille pour raison de sécurité collective ; (circulaire du 15 mars 1983 admet ce type de fouille à condition qu’elle soit décente et de préférence à l’aide d’appareils de détection adaptés et s’agissant d’entreprises particulières, comme un laboratoire ; de même s’agissant de produits dangereux manipulés dans une entreprise). On vise la sécurité collective liée à l’activité de l’entreprise.
  • La fouillé liée à la recherche d’objets volés ; la recherche d’objets volés est une « perquisition » selon la jurisprudence qui ne peut être effectuée que par un Officier de Police Judiciaire dans les conditions prévues par le Code de Procédure Pénale. soc., 8 mars 2005admet néanmoins des fouilles en cas de disparition renouvelée et rapprochée d’objets appartenant à l’entreprise à condition que les salariés aient été informés préalablement de leur droit de s’opposer à la fouille. En cas de refus, l’employeur ne peut que s’adresser à la police. En toute hypothèse, l’intimité des salariés doit être préservée. Il faut préciser que le règlement intérieur doit être précisément respecté par l’employeur. 

Il est impossible pour l’employeur de licencier sur la base du résultat d’une fouille pratiquée en dehors des cas prévus par le règlement intérieur. Par exemple, CA Versailles, 25 février 2003 ; licenciement sans CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE si l’objet du vol a été trouvé par des salariés dans le coffre de l’auteur (salarié), car ils n’étaient pas habilités pour fouiller et l’autour du vol n’a pas été informé de son droit de refuser la fouille.  

CE, 8 juillet 1988 a admis la possibilité de procéder à des vérifications à la sortie du personnel, soit sur les salariés soit dans les sacs, soit dans les véhicules. Il s’agissait d’un règlement intérieur de chimie des métaux précieux qui avait fait intervenir une entreprise de surveillance, le CE admet la licéité du règlement intérieur, sous réserve de la possibilité pour le salarié de refuser la fouille, d’exiger un témoin et sous réserve de la préservation de la dignité et de l’intimité de la personne.

Cet arrêt est isolé, il constitue une source d’inspiration mais reste flou sur les garanties qui doivent entourer la fouille.  

  • La fouille des vestiaires ; ce sont les mêmes garanties qui s’appliquent ici. Pour le Conseil d’état, qui a rendu un arrêt à ce sujet (9 oct. 1987), la fouille des vestiaires n’est pas possible à tout moment. Il faut que les salariés soient préalablement informés, et que la fouille soit justifiée par des nécessités d’hygiène ou de sécurité. De nombreux arrêts du Conseil d’Etat sont intervenus dans ce domaine et l’exigence d’une nécessité d’hygiène et de sécurité a toujours été réaffirmée alors même que les règlements intérieurs en cause apportaient de fortes garanties au salarié (comme la préservation de l’intimité ou la nécessité de la présence du salarié au moment de la fouille). La Cour de cassation s’est également prononcée le 11 décembre 2001 en jugeant que l’employeur ne peut ouvrir l’armoire individuelle d’un salarié que dans les cas prévus parle règlement intérieur et en présence du salarié ou au moins faut-il qu’il ait été prévenu. En l’espèce, l’employeur avait fouillé dans le casier et a trouvé de l’alcool, il a licencié son salarié pour faute grave. Or, l’interdiction de boire de l’alcool ne figurait que dans une note de service. En revanche, l’ouverture du casier ou du vestiaire du salarié est licite, selon un arrêt de la chambre sociale du 15 avril 2008, lorsque le salarié a été averti trois semaines à l’avance par affichage sur son propre casier, que l’ouverture a été faite en présence d’un représentant du personnel et d’un agent de sécurité, selon la procédure prévue par le Règlement Intérieur (à propos d’un salarié qui détenait des objets qui appartenaient à son employeur), la chambre sociale parle de détention et de dissimulation (elle ne qualifie pas les faits).
  • La fouille des courriers électroniques et des fichiers stockés sur un ordinateur ; arrêt du 18 octobre 2006 à propos d’un employeur qui avait mandaté un huissier pour procéder à l’inventaire des documents estimés confidentiels, que le salarié détenait sur le disque dur de l’ordinateur mis à disposition par l’employeur. Pour la Cour de cassation, les documents détenus par le salarié sont présumés avoir un caractère professionnel car il s’agit de l’ordinateur qui appartient à l’entreprise et dont le salarié n’utilise que pour son travail. Ainsi, l’employeur a la possibilité d’accéder à ces documents, toutefois, le salarié peut identifier certains documents comme « personnels ».

Le règlement intérieur qui prévoit la possibilité des fouilles d’investigations doit nécessairement préciser, pour être licite, qu’il ne sera procédé à des vérifications qu’en cas de nécessité. Par exemple, en cas de disparition de biens appartenant à l’entreprise ou s’il existe des risques particuliers. Le salarié doit pouvoir exiger la présence d’un témoin et s’agissant de certains types de fouilles, s’opposer à la fouille. Il en découle que l’employeur ne pourra pas se prévaloir d’une preuve d’un vol, obtenu à l’occasion d’une fouille si celle-ci a été réalisée en violation du règlement intérieur, ou lorsque le règlement intérieur est déficient sur ce point. 

Cassation. soc., 2 mars 2011 ; à propos d’un salarié d’un magasin qui franchit une caisse fermée, de l’autre côté de la caisse, il y a un agent de sécurité, l’alarme s’est déclenché, l’agent lui demande d’ouvrir le sac, le salarié détenait un objet volé. Le Règlement Intérieur prévoyait bien les exigences de la jurisprudence (nécessité, droit d’opposition, présence d’un témoin), il prévoyait également que la vérification devait être faite en présence d’un tiers appartenant à l’entreprise et d’un représentant du personnel et dans des conditions préservant la dignité et l’intimité du salarié : violation du Règlement intérieur, l’employeur ne peut donc pas se prévaloir de la preuve ainsi obtenue.  

  1. b) Le partage de compétences entre juge administratif et juges judiciaires 

1°) Le contrôle administratif

L’inspecteur du travail peut prendre des décisions, qui sont des actes administratifs susceptibles de recours. Le Règlement Intérieur, lorsqu’il est élaboré, est communiqué à l’inspecteur du travail), l’employeur doit communiquer à l’inspecteur du travail en cas de modification du règlement intérieur.   

L’article L.1322-1 du code du travail permet à l’inspecteur du travail d’exiger à tout moment, le retrait ou la modification des clauses du règlement intérieur qui sont contraires à la loi, soit parce qu’elles sont en dehors du domaine du règlement intérieur, soit parce qu’elles sont contraires aux lois et règlements, aux conventions collectives applicables, ou parce qu’elles apportent aux droits et aux libertés des restrictions injustifiées par la nature de la tâche à accomplir sans être proportionnée au but recherché    . 

L’administration du travail considère, dans le silence du code, que l’inspecteur du travail peut aussi exiger de l’employeur qu’il ajoute certaines dispositions au règlement intérieur. Il s’agit d’une interprétation de l’article L.1321-1 qui détermine le contenu du règlement intérieur. Ce pouvoir de l’inspecteur du travail serait précisé dans cet article. On peut admettre cela, c’est logique, mais il serait difficile d’admettre que l’inspecteur ait le pouvoir d’exiger l’ajout de certaines clauses qui, bien que destinées à protéger les libertés ne relèvent pas du domaine du règlement intérieur. Des pratiques des développent dans les entreprises (ouverture du courrier du salarié systématiquement par la direction), l’inspecteur du travail n’a pas ce pouvoir.  

L’inspecteur du travail doit, lorsqu’il prend une telle décision, il doit la motiver, la notifier à l’employeur et en adresser une copie aux représentants du personnel. Il s’agit donc d’un acte administratif, qui peut être pris à tout moment. Certes, l’inspecteur du travail dispose d’un délai d’un mois pour contrôler le règlement intérieur qui lui est adressé par l’employeur, mais ce délai d’un mois ne s’applique pas à lui, il s’applique à l’entrée en vigueur du règlement intérieur, qui ne devient applicable dans l’entreprise qu’un mois après sa communication à l’inspecteur du travail. L’inspecteur peut donc contrôler en permanence le règlement intérieur, sans avoir à s’en expliquer, il n’est pas tenu par ses interprétations antérieures, il n’est pas tenu par les interprétations de ses prédécesseurs.   

Le réexamen du règlement intérieur intervient parfois à la suite d’une décision de justice. Lorsque le Conseil des Prud’hommes écarte une clause d’un règlement intérieur comme illicite, il doit en adresser une copie à l’inspecteur du travail. Certes, la décision de justice, en vertu du principe de séparation des pouvoirs, n’a aucune conséquence juridique sur la décision de l’inspecteur du travail, mais bien souvent l’inspecteur réexamine à cette occasion le règlement intérieur et exige de l’employeur qu’il le modifie.  

La décision de l’inspecteur du travail est exécutoire immédiatement, le recours n’est pas suspensif. L’employeur qui ne respecte pas la décision encourt des sanctions pénales pour l’essentiel. Ces sanctions sont encourues alors même que l’employeur a exercé un recours, et si l’employeur exécute la décision de l’inspecteur du travail, puisqu’il modifie le règlement intérieur, il doit recommencer les procédures de consultation des représentants du personnel et de publicité. Toutefois, il faut reconnaitre que l’administration du travail est ici souple, puisque la pratique des inspecteurs est, dans ce cas de ne pas relever que l’employeur n’a pas respecté cette procédure comme il devrait normalement le faire. La circulaire ministérielle du 15 mai 1983 adressée aux inspecteurs du travail estime que l’avis des représentants du personnel n’est, dans ce cas, pas nécessaire.  

2°) Les recours contre la décision de l’inspecteur du travail

Il y a e recours hiérarchique et le recours contentieux. Le recours hiérarchique se fait devant le directeur régional du travail, il émane le plus souvent de l’employeur, mais il peut émaner des représentants du personnel. Ce recours doit être exercé dans les deux mois à compte de la notification de la décision de l’inspecteur du travail.  

La décision du directeur régional doit être motivée comme tout acte administratif et elle est notifiée à l’employeur et communiquée, pour information, aux représentants du personnel. La décision du directeur régional peut elle-même faire l’objet d’un recours hiérarchique devant le ministre du travail, les mêmes règles sont applicables.   

Le recours contentieux peut viser la décision de l’inspecteur du travail, celle du directeur régional ou celle du ministre. Ce recours contentieux doit être exercé dans les deux mois de la notification de la décision devant le TA. Il s’agit d’un REP, donc d’une requête en annulation de la décision administrative (qu’elle ait été prise par l’inspecteur, le directeur ou le ministre). Le juge administratif ne statue que sur la décision administrative au moment ou elle a été prise. Il ne peut pas statuer par exemple sur une nouvelle proposition de rédaction de règlement intérieur faite par l’employeur. La décision administrative peut être portée en derniers ressort devant le Conseil d’Etat, il est prévu de donner compétence à l’avenir, aux cours administratives d’appel dans ce domaine.   

Le juge administratif peut rejeter le REP et la décision administrative se trouve ainsi validée. Il peut aussi décider d’annuler la décision, elle est donc censée ne jamais avoir existé. Si certains salariés ont été lésés par une clause reconnue comme illégale, ils peuvent solliciter des dommages-intérêts en raison du préjudice subi, mais ils doivent le faire devant le juge prud’homal   .

C’est un contrôle éventuel qui dépend d’un litige dont peut être saisi le Conseil des Prud’hommes à l’initiative d’un salarié. Par exemple, le salarié a subi une sanction prononcée par l’employeur qui s’est appuyé sur le règlement intérieur pour prononcer cette sanction. Certes, il se peut que l’employeur reproche au salarié d’avoir violé les disposions du règlement intérieur, mais il se peut aussi que l’employeur cherche à prouver al faute par une preuve recueille selon les modalités prévues par le règlement intérieur. Le salarié se défend et essaie de faire annuler la sanction en invoquant que la preuve de sa faute est illicite car elle repose sur des modalités du Règlement Intérieur illicites.   

Les débats juridiques sont plus importants sous ce deuxième aspect, rappelons également que si le juge judiciaire écarte l’application d’une clause du règlement intérieur, il en adresse une copie à l’inspecteur du travail et aux représentants du personnel. Il reste la question du partage de compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif. Si l’inspecteur du travail n’a pris aucune décision à propos d’une clause d’un règlement intérieur, le juge judiciaire est compétent. L’administration a le pouvoir d’intervenir à tout moment, cela exclut évidemment la possibilité d’une décision implicite de l’inspecteur du travail d’approuver le règlement intérieur.

En l’absence de réaction formelle de l’inspecteur du travail, le juge judiciaire qui se prononce sur la validité ou la licéité d’une disposition d’un règlement intérieur ne viole pas la séparation des pouvoirs. Ainsi, le Conseil des Prud’hommes peut donc statuer sur la demande du salarié d’invalider une sanction ou de déclarer injustifié un licenciement qui seraient contraires à la loi même si cette sanction ou ce licenciement s’appuie sur une disposition d’un règlement intérieur. Le juge judiciaire conserve la possibilité d’apprécier la licéité du règlement intérieur à l’occasion de ce litige individuel, en revanche, il n’est pas compétent pour annuler la disposition du règlement intérieur en question, ce sera à l’autorité administrative de le faire, le cas échéant.  

CHAPITRE 2 – LE CONTENTIEUX DU POUVOIR DISCIPLINAIRE

Il s’agit d’un contrôle prud’homal, c’est le Conseil des Prud’hommes qui a la compétence de principe pour apprécier le caractère légitime ou licite des sanctions disciplinaires prononcées par l’employeur à l’encontre d’un salarié.  

§1 – L’objet du contrôle

Le contrôle judiciaire porte sur la réalité et la qualification du fait que l’employeur invoque à l’appui de la sanction disciplinaire. Il porte également sur la proportionnalité de la sanction au fait reproché au salarié. Il porte enfin sur la régularité de la procédure.  

a) Le contrôle de la justification de la sanction

L’article L.1333-1 du code du travail dispose que le Conseil des Prud’hommes apprécie si les faits reprochés sont de nature à justifier la sanction ou le licenciement. La Cour de cassation en déduit que le juge doit d’abord retenir le caractère fautif et ensuite seulement, apprécier le degré de gravité de la faute.   

1 °) La charge de la preuve

L’employeur fournir au Conseil des Prud’hommes les éléments qu’il a retenu pour prendre la sanction. Aux vues de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, le juge forge sa propre conviction, il peut ordonner des mesures d’instruction. Si un doute subsiste, il profite au salarié. La Cour de cassation ajoute que si l’employeur reproche une faute grave au salarié, il supporte la charge de la preuve de la faute grave.  

2 °) Le contrôle de l’existence des faits et de leur imputabilité 

Le juge doit vérifier que les faits reprochés existent bien. Il faut attendre que les faits se soient produits, si le salarié prévient qu’il ne veut pas venir travailler, l’employeur ne peut pas le sanctionner a priori, mais une fois qu’il aura commis la faute. Le juge doit, une fois qu’il a vérifié l’existence des faits, vérifier qu’ils soient bien fautifs, que le salarié a contrevenu à son contrat de travail, au règlement intérieur, aux ordres qui lui sont donnés licitement par l’employeur. C’est à dire que le salarié a contrevenu à ses obligations professionnelles. Le juge doit aussi vérifier que les faits reprochés, même s’ils sont fautifs, constituant la véritable cause de la sanction.  

Le juge doit également s’assurer que le salarié est bien l’auteur de la faute, que la faute n’est pas prescrite. À cet égard, il faut rappeler que les fautes se prescrivent par deux mois à compter du jour où l’employeur en a connaissance et que la faute n’est pas amnistiée.  

Si les faits n’existent pas ou ne sont pas fautifs, le juge peut invalider la sanction et l’employeur ne sera pas admis à prononcer une autre sanction.   

  1. b) Le contrôle de la sanction

Le juge va d’abord faire porter son contrôle sur le caractère licite de la sanction. Les sanctions pécuniaires sont interdites, de même, les sanctions portant sur des faits qui ont déjà fait l’objet d’une sanction. Il faut aussi que la sanction soit prévue par le règlement intérieur, autrement dit, le juge vérifie que la sanction n’est pas illicite.   

Mais le juge doit et c’est là qu’il exerce pleinement son rôle, il doit contrôler la proportionnalité de la sanction par rapport à la faute. À cet égard, il n’est pas lié par le règlement intérieur qui précise l’échelle des fautes et des sanctions. Il doit s’inspirer du contexte dans lequel la faute a été commise (ancienneté du salarié, conditions de travail, l’existence de fautes antérieures). Cela peut permettre au juge d’écarter une sanction disproportionnée, la jurisprudence est abondante à ce sujet (surtout dans les années 1980).

  1. c) Le contrôle de la régularité de la procédure 

Le juge va d’abord se demander s’il y avait lieu de respecter la procédure disciplinaire. L’employeur qui entend prononcer une sanction disciplinaire, doit respecter une procédure qui dépend de la nature de la sanction envisagée. Si c’est un simple avertissement, le salarié doit seulement recevoir la notification écrite des griefs retenus contre lui. Si c’est une sanction plus grave (mise à pied, mutation, rétrogradation, licenciement) ; l’employeur doit respecter la procédure disciplinaire qui l’oblige à convoquer le salarié à un entretien préalable avant de lui notifier la sanction.  

Parfois, le juge est conduit à se demander si la procédure disciplinaire est applicable au regard des faits reprochés au salarié. Par exemple, il existe des cas de mutation où aucune faute n’est reprochée au salarié. De même, l’insuffisance professionnelle, peut justifier certaines mesures décidées par l’employeur et même un licenciement, en dehors de toute faute du salarié. Pour la Cour de cassation, il existe deux types d’insuffisances professionnelles : fautive et non-fautive. Le juge doit alors qualifier les faits reprochés au salarié pour déterminer s’ils constituent ou non une faute. Le licenciement pour insuffisance professionnelle non-fautive dispense l’employeur de respecter la procédure disciplinaire. C’est le juge qui vérifiera s’il y avait lieu ou non d’appliquer la procédure disciplinaire. Alors le juge doit vérifier si l’employeur l’a correctement respecté. S’agissant par exemple des délais, qui s’appliquent à la décision de l’employeur, de la qualité de la personne à prononcer la sanction, la motivation de la sanction et s’agissant aussi du respect des dispositions du règlement intérieur ou de la convention collective applicable. À cet égard, certains Règlements Intérieurs et certaines conventions collectives (entreprise souvent, mais certains accords de branche le prévoient) instaurent une procédure spécifique en matière disciplinaire. Cette procédure qui constitue une garantie disciplinaire pour les salariés, doit nécessairement être respectée par l’employeur qui prononce la sanction. Le plus souvent ces procédures spécifiques renforcement les droits de la défense en faisant intervenir une commission paritaire ou un conseil de discipline, c’est à dire un organe que l’employeur doit convoquer et à qui il doit demander un avis avant de prendre sa décision.   

Pour la Cour de cassation, si cette procédure n’a pas été respectée, la sanction est illicite. En effet, elle constitue pour la jurisprudence, une garantie de fond. Ce n’est pas qu’une simple règle de procédure. Si c’est un licenciement qui a été décidé à titre de sanction, le licenciement n’est pas seulement irrégulier (garantie de procédure), il est injustifié (garantie de fond). La même solution est prévue qu’il s’agisse d’un accord collectif ou un règlement intérieur : le salarié a une garantie de fond, il n’a pas seulement doit à des Dommages et Intérêts pour irrégularité de procédure mais Dommages et Intérêts pour licenciement sans CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE.  

      §2 – Les effets du contrôle de la régularité de la sanction 

1 °) La faculté pour le juge d’annuler une sanction

Le juge prud’homal peut annuler une sanction injustifiée, disproportionnée ou irrégulière (article L. 1333-2   ).

Le juge a le pouvoir d’annuler la sanction, que l’irrégularité consiste dans la violation d’une règle légale, règlementaire, conventionnelle ou même statutaire (contenue dans un RI). Toutefois, le juge considère qu’il n’y a pas lieu d’annuler la sanction seulement irrégulière mais justifiée sur le fond. Dans ce cas, l’employeur peut être condamné à verser des Dommages et Intérêts au salarié. Le montant de ces Dommages et Intérêts dépend du préjudice subi par le salarié.   

S’agissant du licenciement, le non-respect, par l’employeur d’une procédure disciplinaire conventionnelle ou statutaire destinée à renforcer les droits de la défense du salarié (conseil de discipline), fait perdre au salarié une chance d’éviter son licenciement. Dès-lors, le licenciement est sans Cause réelle et sérieuse. Lorsque la sanction est disproportionnée, les juges peuvent l’annuler et l’employeur disposera de la faculté de prononcer une sanction en rapport avec la gravité de la faute.  

Dans le cas ou la sanction porte atteinte aux droits et libertés fondamentaux, le juge dispose de la faculté d’annuler la sanction même lorsqu’elle consiste en un licenciement. Par exemple, si le salarié a été licencié, sur la base d’un vol qu’il a commis, que ce vol est prouvé dans des conditions irrégulières, le juge peut annuler le licenciement.   

2 °) L’obligation pour le juge d’annuler la sanction

Dans certains cas, la loi déclare nulle la sanction parce qu’elle est discriminatoire ou pécuniaire. Dans ce cas le juge a l’obligation d’annuler la sanction. Il existe toutefois deux exceptions :

  • Concernant le licenciement ; l’article 1333-3 l’exclut
  • Concernant la rupture anticipée d’un CDD

 

3 °) La compétence du juge des référés

L’annulation d’une sanction disproportionnée ou injustifiée relève du fond, le juges des référés ne peut pas la prononcer, puisqu’il est incompétent dès lors qu’il existe une contestation sérieuse. S’agissant de la sanction irrégulière, dans un premier temps, quelques juridictions avaient admis qu’elle puisse être annulée par le juge des référés, mais pour la Cour de cassation, une irrégularité de procédure n’oblige pas le juge à annuler la sanction, le plus souvent il se contente d’allouer des Dommages et Intérêts en fonction du préjudice subi. La Cour de cassation juge désormais que le juge des référés ne peut pas trancher le litige sur la base d’une simple irrégularité.   Dans deux cas, le juge des référés reste compétent :

  • Le cas où la sanction est déclarée nulle par la loi (sanction discriminatoire ou pécuniaire)
  • Le cas où la sanction est déclarée nulle par la jurisprudence, lorsque la faute commise a déjà été sanctionnée, la deuxième sanction est nulle, ou si le délai de prescription est dépassé (2 mois).

4 °) Les effets de la décision du juge

Le juge ne peut pas modifier lui-même la sanction prononcée par l’employeur, ce serait se substituer au chef d’entreprise, qui ici est dans son pouvoir de direction. Le juge a la possibilité d’annuler une sanction. Tout au plus, la Cour de cassation a admis que les juges du fond puissent réduire une mise à pied à la durée fixée par le règlement intérieur. Mais la pratique est d’annuler la mise à pied, purement et simplement.  

L’annulation fait disparaitre la sanction. L’avertissement doit être considéré comme retiré du dossier et l’employeur ne pourra pas l’invoquer par la suite, la mise à pied oblige l’employeur à verser au salarié les salaires dont il a été privé pendant sa mise à pied. S’il s’agit d’une mutation ou d’une rétrogradation, le salarié devra être réintégré dans ses fonctions anciennes ou dans des fonctions équivalentes.   

En cas d’annulation de la sanction, l’employeur peut-il en prononcer une nouvelle ?  

Si la sanction a été annulée parce qu’elle était disproportionnée, l’employeur peut prendre une nouvelle sanction, dans le mois qui suit la décision des juges. En effet, la décision des juges replace les parties dans la même situation qu’à l’issue de l’entretien préalable à compter duquel s’applique le délai d’un mois imparti à l’employeur pour prononcer une sanction.  

Si la sanction a été annulée parce qu’elle était irrégulière (il sert rare en pratique que les juges annulent la sanction dans ce cas, généralement ils se contentent d’allouer des Dommages et Intérêts pour préjudice subi). Si le juge annule la sanction disproportionnée, cela n’empêche pas, pour la Cour de cassation, l’application des délais de prescriptions (notamment le délai de deux mois pour engager des poursuites disciplinaires). En principe, ce délai est expiré au moment ou de la décision des juges.   

Si la sanction a été annulée parce qu’elle était injustifiée, l’employeur ne peut pas prononcer une nouvelle sanction car la faute est inexistante.  

Dans tous les cas, le salarié peut obtenir des dommages et intérêts, leur montant est évalué souverainement par les juges du fond. Cela suppose que le salarié établisse un préjudice qui ne sera pas entièrement réparé par l’annulation (dans le cas de l’annulation d’une mise à pied, le salaria a droit au salaire correspondant qui lui a été retenu, mais il peut aussi obtenir des Dommages et Intérêts pour préjudice complémentaire subi ; dans la pratique, les juges du fond ne sont pas très généreux).    

CHAPITRE 3 – LE CONTENTIEUX DES RESPONSABILITÉS PATRONALES EN MATIÈRE DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ

 

§1 – L’évolution législative

La protection de la santé des travailleurs et l’amélioration de la sécurité sur le lieu de travail constituent une préoccupation forte du législateur français et des institutions européennes. La préoccupation n’est pas altruiste, elle est économique : il faut protéger la main d’œuvre.  

a)Les premiers textes

Loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail ; le législateur a du aussi se préoccuper de la prévention, les interventions législatives ont concerné les enfants, les femmes, puis l’ensemble des travailleurs sous l’influence du droit de l’OIT, qui se préoccupe beaucoup de sécurité au travail. Ainsi, l’Etat et les employeurs privés ont du se préoccuper des dangers qu’encourent les travailleurs dans leur activité au contact de machines, de substances. Les employeurs devant s’informer des mesures les plus appropriées pour réduire ces dangers et mettre en œuvre ces mesures.   

  1. b) Les lois plus récentes

La loi du 6 décembre 1976 a imposé aux employeurs de former leurs salariés dans le domaine de la sécurité. On peut citer également la loi Auroux du 23 décembre 1982 qui a créé le CHSCT et qui a également reconnu le droit de retrait accordé à tout salarié qui a un motif légitime de penser qu’il se trouve dans unie situation de danger grave et imminent. 

La loi du 31 décembre 1991 qui transpose les règles européennes dans le code du travail et qui organise l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs.   

  1. c) Les problèmes actuels

Ils sont liés à l’intensification de la charge de travail en raison des nouvelles maladies du travail. La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a pris en compte la nécessité de protéger la santé mentale des travailleurs avec la répression du harcèlement moral. 

La loi du 30 juillet 2003 vise à prévenir les risques technologiques et naturels, cette loi faisait suite à l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001. Ici, on dépasse le cadre du droit du travail. Les sanctions pénales se sont développées en cas de manquement de l’employeur à ses obligations et la jurisprudence a créé l’existence d’une OBLIGATION DE SÉCURITÉ DE RÉSULTAT à la charge de l’employeur. Ce dispositif n’a pas entrainé la disparition des ‘ACCIDENT DU TRAVAIL – MALADIES PROFESSIONNELLES». De nouveaux risques apparaissent : scandale de l’amiante, on commence à peine à se préoccuper des addictions, la pénibilité, on voit apparaitre des cancers liés à l’emploi de nouveaux produits. Certains fustigent la gestion du personnel par le stress. 

On voit apparaître de nouvelles Maladies Professionnelles comme les troubles musculo-squelettiques par exemple. Face à cette situation, plusieurs solutions ont été recherchées : recourir à la négociation collective ne s’est pas avéré suffisant concernant la pénibilité. Le législateur a du reprendre le dossier et il a légiféré qu’en matière de retraite concernant la pénibilité.  

L’augmentation des charges pesant sur l’employeur : augmenter les cotisations ne semble pas entrainer une baisse des « ACCIDENTS DU TRAVAIL – MALADIES PROFESSIONNELLES». S’agissant des obligations de l’employeur, elles restent assez techniques, elles dépendent souvent de la taille de l’entreprise alors qu’évidemment, le danger dépend des conditions dans lesquelles le travail est effectué.  

Certes il existe dans le code du travail des dispositions spécialement consacrées à la santé et la sécurité au travail. Il existe d’autres dispositions qui visent le même but et qui sont situées dans d’autres chapitres du code (dispositions relatives à la salariée enceinte, travail de nuit, déclaration d’aptitude ou d’inaptitude du salarié par le médecin du travail). Il existe également des dispositions qui relèvent d’autres codes comme le code de la sécurité sociale mais aussi le code de la santé publique. Le législateur procède par une règlementation contraignante, parfois très détaillée, d’ordre public et comportant des obligations et des interdictions. Il assorti ces règles de différents régimes de responsabilité civile et pénale. S’agissant de la responsabilité civile, elle existe tout autant même si elle est souvent marquée par la pieuse en charge de la victime par un régime de sécurité sociale ou un système d’assurance. Le législateur procède par la création d’organismes dédiés à la protection de la santé et de la sécurité (CHSCT, médecine du travail, ANACT : agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, les CPAM à qui le législateur a confié un rôle de prévention et l’inspecteur du travail qui est chargé de contrôler et de faire respecter les normes d’hygiènes et de sécurité). Du point de vue des droits des salariés, on peut se demander s’ils doivent se limiter à la réparation (le droit de retrait témoigne que non), doit-il s’agit principalement de droits individuels ou si des prérogatives de types collectifs peuvent également être reconnues.   

§2 – L’obligation de sécurité de l’employeur

Nous sommes dans le domaine des articles L.411-1 et suivants du code du travail où se situent l’essentiel des règles protectrices de la santé et de la sécurité des salariés. Ces règles sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu’à certains établissements publics. Mais pas tous parce que certaines entreprises publiques sont dotées d’un statut spécial (SNCF, RATP), il s’agit des travailleurs, c’est le terme utilisé par le code de préférence au terme de salarié. En effet, les travailleurs sont des salariés mais aussi, les stagiaires, les travailleurs temporaires et plus généralement, toute personne placée sous l’autorité de l’employeur. Le législateur a voulu une application large de ces règles de protection.   

1°) La reconnaissance jurisprudentielle d’une obligation de sécurité de résultat

C’est avec Cassation. crim., 11 juin 1987 ; que la jurisprudence a reconnu une obligation générale de sécurité à la charge du chef d’entreprise. Il s’agit d sanctionner le chef d’entreprise négligeant au service duquel un salarié s’est trouvé victime d’un accident (engagement de sa responsabilité pénale).  

La loi du 31 décembre 1991 (loi de transposition) a créé, dans le code du travail, de nouvelles obligations concernant la prévention des accidents, ces obligations étaient mises à la charge du chef d’établissement (personne physique souvent salarié). Le code du travail, dans ses obligations, prévoit des prescriptions assez détaillées : le chef d’établissement doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.   

La chambre sociale de la Cour de cassation, dans les arrêts amiante du 28 février 2002, la Cour a dit qu’en vertu du contrat de travail, l’employeur est tenu d’une OBLIGATION DE SÉCURITÉ DE RÉSULTAT. Cette jurisprudence facilitait pour les victimes (ayants droit) la reconnaissance d’une MP provoquée par l’amiante, mais surtout la preuve d’une faute inexcusable commise par l’employeur. La reconnaissance d’une faute inexcusable permet une amélioration de l’indemnisation de la victime. Cette jurisprudence a été maintenue pour les ‘ACCIDENT DU TRAVAIL – MALADIES PROFESSIONNELLES». La Cour de cassation a précisé les règles de preuve ainsi que la portée de la faute de l’employeur, par exemple, elle a jugé qu’il pouvait y avoir faute inexcusable malgré l’imprudence de la victime. Elle a jugé qu’il pouvait y avoir faute inexcusable alors que le comportement n’était pas d’une exceptionnelle gravité et qu’il suffisait par exemple que la victime prouve que l’employeur aurait du avoir conscience du danger et qu’il n’avait pas pris de mesure suffisante.  

La pertinence de cette jurisprudence se renforce si on observe que les juges écartent aussi souvent la faute inexcusable de l’employeur notamment lorsqu’il ne pouvait pas avoir conscience du danger. La chambre sociale, dans ces arrêts du 28 février 2002 a considéré que l’OBLIGATION DE SÉCURITÉ DE RÉSULTAT existait en vertu du contrat de travail.   

Dans un arrêt d’assemblée plénière du 25 juin 2005, cette formulation est reprise, d’où une interrogation puisque les obligations de sécurité mises à la charge de l’employeur découlent du code du travail, donc de la loi. On s’est alors demandé s’il existait deux obligations distinctes : l’obligation du chef d’établissement visant la prévention et l’obligation de sécurité de résultat à la charge de l’employeur visant plutôt la réparation.   

En réalité, la chambre sociale de la Cour de cassation a ensuite modifié le fondement juridique de ces décisions tout en continuant à parler d’une obligation à la charge de l’employeur, cette obligation découle du code du travail. Tout au plus, la deuxième chambre civile, maintient encore sa référence au contrat de travail ainsi qu’au code du travail. Ce changement initié en 2006 par la chambre sociale a amené le législateur à l’occasion de la rectification de 2008 à modifier le terme « chef d’établissement » en « employeur ». Les articles L.4121-1 et suivants prévoient que c’est l’employeur et non plus le chef d’entreprise qui est débiteur de ces obligations . 

On peut se satisfaire de cette situation : le rattachement au contrat de travail était difficile à concilier avec le fait que l’employeur devait assumer ses obligations non seulement à l’égard de ses propres salariés mais aussi à l’égard des autres travailleurs de l’entreprise (intérimaires, stagiaire). Il ne fait plus de doute aujourd’hui, que l’OBLIGATION DE SÉCURITÉ DE RÉSULTAT trouve sa source dans la loi et pas seulement dans le contrat de travail.   

S’agissant de son caractère d’obligation de résultat, en revanche, il semble que la Cour de cassation s’écarte des prescriptions du code du travail. Si on lit le code, l’employeur est seulement tenu de prendre des mesures même si elles sont détaillées. Cela ressemble beaucoup à une obligation de moyens. L’obligation de résultat, consisterait à obliger l’employeur à remettre le salarié en bon état (sain et sauf), à la fin de chaque prestation de travail.  

2°) Les applications de ces règles dans d’autres domaines

Cette jurisprudence de 2002 concernait l’exposition de travailleurs à l’amiante et concernait donc l’indemnisation des ‘ACCIDENT DU TRAVAIL – MALADIES PROFESSIONNELLES». Au delà de ces questions, la jurisprudence a été amenée à se prononcer sur le tabagisme dans l’entreprise, qui est interdit, la loi (code de la santé publique) obligeant l’employeur a faire respecter cette interdiction.  

Si des salariés fument sur le lieu de travail et que leurs collègues se plaignent du tabagisme passif. L’employeur peut alors être sanctionné par le juge alors même qu’il a formellement interdit de fumer dans les locaux. Par exemple, est justifiée, la prise d’acte par un salarié, de la rupture de son contrat de travail en raison du tabagisme de ses collègues.  

Le respect par l’employeur de son obligation de procéder à des visites médicales pour vérifier l’aptitude des salariés à leurs emplois et de tenir compte des préconisations du médecin du travail. S’il apparait que l’état de santé du salarié a été dégradé par les carences de l’employeur, ce dernier sera condamné à réparer le préjudice causé au salarié. Ex : l’employeur licencie un salarié au motif de la désorganisation de l’entreprise causée par son absence prolongée pour maladie. Il en est de même lorsque le salarié est licencié en raison de son inaptitude au poste de travail. Il est censé reprendre le travail et le médecin le déclare inapte . 

Si la cause de l’inaptitude est le manquement, par l’employeur à son OBLIGATION DE SÉCURITÉ DE RÉSULTAT, l’employeur ne pourra pas invoquer ses faits à l’appui du licenciement. En pratique, il sera condamné pour licenciement injustifié voire pour licenciement nul, s’il a retenu ces motifs dans la lettre de licenciement  

La Cour de cassation interdit à l’employeur de prendre, dans l’exercice de son pouvoir de direction, des mesures qui compromettent la sécurité et la santé de ses salariés. Ainsi, la Cour de cassation permet aux juges du fond de suspendre certaines mesures décidées par l’employeur, qui sont de nature à compromettre la santé des travailleurs.   

§3 – Le harcèlement

 

  • La notion de harcèlement

 

  1. Le harcèlement moral

Les dispositions qui répriment le harcèlement moral sont contenues aux articles L.1151-1 et suivants du code du travail.  

On a une définition du harcèlement moral à l’article L.1152-1 qui dispose qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet pou pour effet une dégradation de ses conditions de travail, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. On retrouve la même disposition dans le code pénal.  

Le harcèlement moral a été introduit par la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale. Ce texte est applicable aux employeurs de droit privé et aux personnes publiques qui emploient des agents dans les conditions du droit privé. Des dispositions similaires figurent dans les statuts de la fonction publique et pour les agents contractuels de droit public.  

L’article L.1152-1 du code du travail définit le harcèlement moral au regard de ses conséquences. Cette définition ne s’applique pas sur les actes à l’origine du harcèlement. La jurisprudence a fourni quelques précisions, d’abord, un seul fait ne caractérise pas le harcèlement moral, il faut des actes répétés. Même s’il n’est pas nécessaire que ces actes se déroulent sur une période, une période brève suffit ; ensuite, il s’agit généralement d’injures, d’insultes, de mise à l’écart, de dépossession des fonctions, de sanctions disciplinaires injustifiées, de mesures discriminatoire (on dévalorise la personne).

La jurisprudence admet même que des méthodes de gestion puissent caractériser un harcèlement, dès-lors qu’elles dégradent les conditions de travail, altèrent la santé du travailleur. Souvent, ce sont plusieurs salariés qui sont concernés à la fois. D’où l’idée de « harcèlement collectif » ou de harcèlement managérial. L’employeur est tenu d’une OBLIGATION DE SÉCURITÉ DE RÉSULTAT y compris au niveau de la santé mentale des salariés.   

La Cour de cassation précise également que le harcèlement moral se caractérise indépendamment de la volonté de son auteur, ce qui compte, c’est la situation dans laquelle le salarié est placé et dont l’employeur est responsable   . 

Ainsi, peu importe les intentions de l’employeur (qui peuvent être que les salarié bénéficient d’une rémunération supérieure) et peu importe que le harcèlement ait été pratiqué par un des salariés (ce qui est presque toujours le cas, directeur, chef de service, collègue). Ce qu’on peut noter est que le harcèlement est souvent complémenté par un pouvoir hiérarchique. Toutefois, il peut exister en dehors de tout pouvoir hiérarchique, l’employeur est néanmoins responsable des actes de ses préposés

  1. b) Le harcèlement sexuel

Le harcèlement sexuel est défini par l’article L.1153-1 du code du travail et par le code pénal, à l’article 222-33. C’est le fait d’imposer à une personne de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradants ou humiliants soient créent à son encontre, une situation intimidante, hostile ou offensante.   

Un seul acte ne suffit pas, néanmoins, la loi assimile au harcèlement sexuel, le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que cet acte soit recherché au profit de l’auteur des faits ou d’un tiers. Certains parlent à ce propos de « chantage sexuel » notamment les pénalistes, ce qui laisse entendre que ces actes seraient bien distincts du harcèlement sexuel.   

2°) Le régime juridique 

a)La preuve

C’est l’article L.1154-1 du code du travail qui prévoit que le salarié doit établir des faits qui permanent de présumer l’existence d’un harcèlement. Il incombe ensuite au défendeur de prouver que ces faits ne constituent pas un harcèlement et qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs

  1. b) La responsabilité de l’employeur

Le code du travail impose à l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires pour prévenir le harcèlement. Cette précision n’était pas forcément nécessaire parce qu’il existe une OBLIGATION DE SÉCURITÉ DE RÉSULTAT à la charge de l’employeur qui doit répondre lui-même du harcèlement exercé par toute personne, même extérieure à l’entreprise sur les salariés de son entreprise.  

Les victimes ne peuvent pas être sanctionnées ou faire l’objet d’une discrimination pour avoir subi ou refusé de subir un harcèlement, pour avoir témoigné en faveur d’une victime d’un harcèlement, ou même pour avoir relaté des faits de harcèlement. Si le harcèlement est réalisé par un salarié de l’entreprise sur un autre, il constitue une faute grave. Toutefois, l’employeur n’est pas exonéré de ses responsabilités parce qu’il aurait procédé au licenciement du harceleur .

Le harcèlement peut même être caractérisé en dehors du lieu et du temps de travail. L’employeur doit indemniser intégralement la victime et la Cour de cassation reconnait l’existence d’un préjudice distinct résultant du harcèlement qui peut donner lieu à des Dommages et Intérêts s’ajoutant par exemple aux Dommages et Intérêts pour licenciement injustifié.  

Pénalement, l’employeur et le harceleur, s’il est distinct, peuvent être condamnés à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

§4 – Les responsabilités

Le code pénal de 1992 a permis d’engager la responsabilité pénale d’une personne morale alors qu’auparavant, seules les personnes physiques (chef d’entreprise ou d’établissement) pouvaient être pénalement sanctionnées. Avant 1992, il fallait que pour qu’une personne morale soit sanctionnée, que ce soit expressément prévu par le texte.   

Depuis 2005, ce n’est plus le cas et on peut donc engager la responsabilité d’une personne physique comme morale. S’agissant de la responsabilité civile, son rôle est plus réduit concernant les salariés, en raison de l’application des règles de la sécurité sociale.  

a)La responsabilité pénale 

1 °) L’infraction aux règles de santé et de sécurité

Avant 2008, le code du travail visait les chefs d’établissements, désormais, l’article L.4741-1 du code du travail vise « l’employeur ou son délégataire ». Le même article réprime le fait de méconnaitre par sa faute personnelle, les dispositions relatives à la santé et à la sécurité. Le code fait ici une assez longue liste de dispositions dont le non respect est pénalement sanctionné. Il en découle que la violation des principes généraux de prévention et notamment l’obligation de sécurité de l’employeur ne sont pas sanctionnées pénalement car pas compris dans la liste exhaustive de l’article.  

La peine est une amende de 3 750 €, elle est encourue pour autant de salariés concernés par l’infraction commise, exposés aux risques. La récidive fait encourir une peine d’un an de prison et de 9000 € d’amende. Le juge peut ordonner la publication du jugement, et en cas de récidive, il peut interdire à l’auteur de l’infraction d’exercer. L’auteur de l’infraction est l’employeur (personne morale ou personne physique) ou le délégataire à condition que la délégation soit régulière.  

Sur le plan civil, c’est l’employeur qui est responsable des condamnations prononcées contre ses délégataires. Il y a des exceptions : dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, lorsque l’inspecteur du travail a pris certaines mesures concernant un chantier pour non respect des normes de sécurité, si ces mesures n’ont pas été respectées, seul l’employeur est responsable pénalement (délictuel)

 

Il se peut aussi que l’employeur ne soit pas responsable, lorsqu’une faute a été commise par le non respect de règles prescrivant des équipements de protection ou certaines mesures prévenant certains risques liés à la manipulation de produits. Dans ce cas, c’est le fabriquant, l’importateur ou le vendeur qui est pénalement responsable. En quelque sorte, la responsabilité de l’employeur n’exclut pas celle d’une autre personne qui a commis une faute personnelle.  

2 °) La responsabilité pénale pour délit contre les personnes

Il s’agit d’homicide involontaire, de blessures involontaires ou manquement à une obligation légale de prudence ou de sécurité. On peut songer également à l’attente à la dignité humaine. De même, l’exposition à un risque immédiat de mort ou de blessures. Ces délits contre les personnes réprimés par le code pénal, peuvent conduire à engager la responsabilité de l’employeur à l’occasion le plus souvent d’un Accident du Travail ou d’une affection imputable aux conditions de travail (pas nécessaire que ce soit une MP reconnue comme tel).  

La faute de la victime n’exonère pas le prévenu de sa responsabilité pénale. D’autant que les incriminations réservent le cas le la simple imprudence ou négligence. Pour la chambre criminelle, dans ce domaine, la délégation de pouvoirs n’exonère pas l’employeur de sa responsabilité pénale. Il pourra être condamné en même temps que le délégataire.   

3 °) Le paradoxe de l’article L.4741-11 du code du travail

Il s’agit du cas ou un Accident du Travail s’est réalisé mais ou le juge pénal relaxe les personnes physiques qui étaient poursuivies. Cet article permet au juge pénal d’obliger l’entreprise à prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir des conditions normales de santé et de sécurité au travail. En application de ce texte, l’employeur reçoit du juge répressif une injonction de présenter un plan de réalisation de ces mesures, après avis du comité d’entreprise et du CHSCT et à défaut des DP.  

Ce texte est étonnant puisqu’il suppose que des manquements aient été commis aux règles de santé et de sécurité alors que les personnes responsables du respect de ces normes ont été relaxées. Le code du travail prévoit que le non respect de l’injonction adressée à l’entreprise peut aboutir à une condamnation pénale et même à une fermeture de l’entreprise  

4 °) La question de la faute personnelle

Le code du travail conditionne la responsabilité pénale à la commission d’une faute personnelle.   

Néanmoins, la chambre criminelle de la Cour de cassation, juge depuis 1978, que le chef d’entreprise commet une faute personnelle en ne veillant pas lui-même au respect des règles de santé et de sécurité. Il est responsable même lorsque la faute a été commise par l’un de ses préposés.   

La loi du 10 juillet 2000 n’empêche pas aujourd’hui la Cour de cassation de maintenir sa jurisprudence en considérant que la faute de l’employeur peut résulter du seul fait de ne pas avoir veillé personnellement à une application stricte et constante des règles de santé et de sécurité (Cassation. crim., 12 septembre 2000   ).

  1. b) La responsabilité civile 

Le plus souvent, la victime invoque un Accident du Travail ou une MP, ce qui met à l’écart le droit commun de la Responsabilité Civile. La législation de sécurité sociale s’applique en donnant droit à une réparation forfaitaire, l’article L.451-1 code de la sécurité sociale interdit à la victime ou à ses ayants droits de rechercher la responsabilité civile de l’auteur du dommage. Toutefois, en cas de faute inexcusable de l’employeur, la victime pourra obtenir une réparation plus importante, toujours servie par la sécurité sociale, mais récupérée par la caisse sur l’employeur. Or, le manquement à l’OBLIGATION DE SÉCURITÉ DE RÉSULTAT constitue une faute inexcusable.

 

 Voici le plan du cours de conflit et contentieux du travail sur www.cours-de-droit.net

  • TITRE 1 – LES CONFLITS COLLECTIFS
  • CHAPITRE 1 – LA GREVE
  • Section 1 – Le cadre juridique de la grève
  • §1 – La notion de grève 
  • §2 – Réglementation de la grève 
  • Section 2 – Les modalités d’exercice du droit de      grève 
  • §1 – La réglementation de la grève dans les services publics   
  • 1°) Le préavis de grève
  • 2°) La qualification juridique de la grève
  • 3°) Les revendications
  • 4°) La grève de solidarité
  • 5°) Les actions ne pouvant pas être qualifiées de grève
  • §3 – Les conséquences de l’exercice du droit de grève     
  • 1°) La suspension du contrat de travail par la grève
  • 2°) La protection des grévistes contre les sanctions et le licenciement 
  • 3°) Les conséquences de l’exercice anormal du droit de grève
  • I. La recherche par l’employeur de la continuité de l’activité  
  • a) La question des primes d’assiduité  
  • d) L’interdiction de la récupération des heures  
  • II. Le lock-out  
  • III. Les actions en responsabilité  
  • a)  La responsabilité civile
  • b) La responsabilité pénale  
  • CHAPITRE 2 – LE RÈGLEMENT DES CONFLITS COLLECTIFS
  • §1 – Les modes de règlements prévus par la loi   
  • a) La conciliation
  • b) La médiation
  • c) L’arbitrage
  • §2 – Les modes de règlements pratiqués par les parties (informels)   
  • a) Les raisons de la négociation directe 
  • b) La nature juridique de l’accord de fin de conflit
  • c) Les questions posées par la médiation informelle
  • TITRE 2 – LE CONTENTIEUX INDIVIDUEL DU TRAVAIL
  • CHAPITRE 1 – L’ORGANISATION DES CONSEILS DE PRUD’HOMMES
  • §1 – La juridiction prud’homale
  • §2 – Les conseillers prud’hommes
  • CHAPITRE 2 – LA COMPÉTENCE PRUD’HOMALE
  • §1 – Une compétence d’attribution
  • 1 °) Les différends individuels
  • 2 °) Les différends nés du contrat de travail
  • §2 – La compétence territoriale et internationale
  • §3 – La compétence d’ordre public des Conseils de prud’hommes
  • CHAPITRE 3 – LA PROCÉDURE DEVANT LE CONSEIL DE
  • §1 – L’action devant le Conseil de prud’hommes   
  • 1°) Le titulaire du droit d’agir
  • 2°) La représentation et l’assistance des parties
  • §2 – L’instance devant le Conseil de prud’hommes   
  • 1°) La phase préliminaire de conciliation
  • 2°) La preuve en matière prud’homale
  • 3°) Le principe de l’unicité de l’instance
  • 4°) L’oralité des débats
  •      §3 – Le jugement   
  • 1°) La décision
  • 2°) Les voies de recours
  • 3°) L’exécution des décisions
  • 4°) Le référé prud’homal
  • CHAPITRE 4 – LA RECEVABILITÉ DES DEMANDES
  • §1 – Les délais de prescription
  • §2 – Le reçu pour solde de tout compte
  • §3 – La transaction
  • 1 °) Les conditions de validité de la transaction en droit du travail
  • 2 °) Les effets de la transaction 
  • TITRE 3 – LE CONTENTIEUX DU POUVOIR DE DIRECTION DE L’EMPLOYEUR
  • CHAPITRE 1 – LE CONTENTIEUX DU POUVOIR NORMATIF DU CHEF D’ENTREPRISE
  • §1 – L’élaboration du règlement intérieur
  • a) L’obligation d’élaborer un règlement intérieur
  • b) Les adjonctions au règlement intérieur
  • c) Les sanctions
  • §2 – Le contrôle du contenu du règlement intérieur
  • a)  Les clauses interdites dans le règlement intérieur
  • b)  L’application de ce principe dans le domaine de la liberté de conscience  
  • c)   L’application de ce principe dans le domaine de la liberté religieuse  
  • d) L’application de ce principe (le Règlement Intérieur ne peur pas porter atteinte aux libertés du salariés) dans le domaine du droit au mariage  
  • b) Le contrôle de la sanction  
  • c) Le contrôle de la régularité de la procédure  
  • §2 – Les effets du contrôle de la régularité de la sanction
  • CHAPITRE 3 – LE CONTENTIEUX DES RESPONSABILITÉS PATRONALES EN MATIÈRE DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ
  • §1 – L’évolution législative 
  • a)  Les premiers textes
  • b) Les lois plus récentes  
  • c) Les problèmes actuels 
  • §2 – L’obligation de sécurité de l’employeur
  • 1 °) La reconnaissance jurisprudentielle d’une obligation de sécurité de résultat
  • 2 °) Les applications de ces règles dans d’autres domaines
  •      §3 – Le harcèlement
  • 1 °) La notion de harcèlement
  • a) Le harcèlement moral  
  • .   b) Le harcèlement sexuel  
  • 2 °) Le régime juridique
  • a)  La preuve
  • .   b) La responsabilité de l’employeur  
  • §4 – Les responsabilités
  • a)  La responsabilité pénale
  • b) La responsabilité civile  

 

Laisser un commentaire