Qu’est-ce que le Conseil d’État? membres, attributions…

Les juridictions administratives : le Conseil d’Etat.

Il a été très imbriqué dans la création du droit administratif. Il a d’ailleurs, pendant longtemps, été la seule juridiction administrative. Créé par la Constitution de l’an VIII, il a, dès l’origine, mis en évidence sa double fonction.

Le Conseil d’Etat est une institution de la république, il n’a pas la personnalité juridique. Il est considéré comme étant dans la sphère de l’exécutif. le Conseil d’Etat actuel est placé dans le budget du ministère de la Justice, avec une place particulière puisqu’il bénéficie d’une très large autonomie de gestion. Il est présidé par un vice-président sauf lors des cérémonies officielles qui le sont par le Prime Minister. Cette institution n’a pas connu de gros bouleversements depuis l’ordonnance de 1945. L’arrivée du code de la justice administrative a permis de rassembler des dispositions qui concernent l’organisation et le fonctionnement d’une part et des dispositions statutaires concernant les membres du Conseil d’Etat d’autre part. on trouve dans ce code des dispositions règlementaire et des dispositions législatives, la plupart ayant un caractère règlementaire.

La création du Conseil d’Etat ayant un caractère règlementaire vous avez, vous qui me lisez, immédiatement constaté l’incompatibilité de cette situation avec un certain article de CEDH (art 6) qui prévoit que l’on ne peut être jugé que par un tribunal légalement institué.

Le vice-président est le fonctionnaire qui a le rang le plus élevé, sa fonction ne peut plus être exercée dès 65 ans

a) Les membres du Conseil d’Etat : statut et carrière.

Ils ont plusieurs caractères : -auditeurs, nommés à la sortie de l’ENA, ils le restent quatre ans minimum.

-maîtres des requêtes, ils sont soit recrutés par ancienneté (auditorat) soit nommés au tour extérieur, c’est à dire nommés par le président de la république.

-conseillers d’Etat en service ordinaire.

-hiérarchie du Conseil d’Etat : président de Section ou vice-président.

En outre, siègent au CE les conseillers en service extraordinaire. Ce sont les personnes nommées durant 5ans au sein du CE. Ils constituent en quelque sorte un apport de sang neuf, amènent des idées nouvelles et apportent un horizon et une vision plus large au CE.

Leur statut est de nature règlementaire, il est identique pour l’essentiel à celui des autres fonctionnaires de l’Etat. Bien que les membres du Conseil d’Etat ne bénéficie pas du principe de l’inamovibilité on peut difficilement les déplacer ou les exclure.

Le total de ces membres est d’environ 310 personnes. L’avancement est cylindrique. Il n’est pas fondé sur le mérite mais sur l’ancienneté. Les membres du Conseil d’Etat peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires (blâme, fessées déculottées…).

Certain membres du Conseil d’Etat reçoivent des primes en plus de leur salaire. Ils peuvent aussi exercer des activités publiques complémentaires, certains sont enseignants. La limite d’age est de 65 ans avec report possible pendant trois ans en tant que conseiller de base quel qu’ait été le poste précédemment occupé (psdt de section).

  1. b) le Conseil d’Etat comme conseiller du gouvernement.

Le CE se divise en deux grandes parties : la section administrative et celle du contentieux. Les membres sont affectés aux deux sections. Lorsque le Conseil d’Etat agit comme conseiller du gouvernement, il donne un avis sur les projets de loi, textes règlementaires ordinaires et les projets de loi constitutionnelle.

Les sections administratives siègent de manière séparée : section sociale, section des finances, section des travaux publics, section intérieure. Pour certains textes importants l’assemblée plénière peut donner son avis qui n’est pas rendu public, il peut l’être par décision du premier ministre. Dans sa formation administrative, le Conseil d’Etat peut être consulté par le premier ministre sur tout problème de droit concernant l’administration.

Par exemple, le 3août 2003 une réforme constitutionnelle a fait l’objet d’un avis très réservé du CE. Lorsqu’un texte a été préparé par un ministre il fait l’objet d’une discussion contradictoire. La personne qui représente le ministre en question à pour titre le commissaire du gouvernement (je crois que ce n’est pas le même que celui que l’on connaît).

  1. c) le Conseil d’Etat statuant au contentieux.
  • attributions :

La moitides membres du Conseil d’Etat en font partie. Même si le Conseil d’Etat est surtout juge de cassation, il a conservé un certain nombre de contentieux directs : contentieux portant sur certains actes règlementaires, tels que les décrets et les ordonnances.

Le Conseil d’Etat est juge de cassation des arrêts rendus par les CAA ; il peut être également juge d’appel des Tribunaux Administratifs en ce qui concerne le contentieux des élections municipales et cantonales.

Il est aussi appelé à donner des avis sur saisine des Tribunaux Administratifs. Il faut rappeler que le Juge Administratif n’est pas juge de la loi. Toutefois dans une décision de section du 26 juin 1959 syndicats des ingénieurs-conseils, le Conseil d’Etat a fait prévaloir le critère organique sur le critère matériel et ainsi il a accepté de contrôler l’utilisation, par le Président du conseil, d’actes réglementaires, pris dans les colonies, et dans un domaine appartenant normalement à la loi (les colonies étaient régies par le pouvoir règlementaire même dans les domaines confiés en France métropolitaine au pouvoir législatif). Il accepte donc de contrôler un acte règlementaire par sa forme (pris par le Président du conseil) mais législatif du point de vue matériel (domaine réservé à la loi). Le contrôle de cet acte se fait par rapport à la Constitution et aux PGD.

  • composantes de la section du contentieux :

Pour réaliser sa mission de juger, la section du contentieux s’est divisée en 10 sous-sections qui constituent l’unité de base d’instruction et de jugement des affaires. Sur 10 000 affaires, plus de la moitié seront jugées en sous-section. Beaucoup d’affaires pourront être jugées en sous-sections réunies.

A un niveau plus solennel se trouve la section du contentieux qui rend les fameux arrêts de section. Elle comporte 17 membres et statue sur 30 à 50 affaires par an.

Enfin, l’assemblée du contentieux comporte 12 membres, elle est présidée par le vice-président et le président de la section du contentieux.

Le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat dispose de nombreux pouvoirs. Il est compétent chaque fois qu’un litige est susceptible d’être jugé par un juge unique. Il dispose de pouvoirs spécifiques sur des contentieux spéciaux se rattachant à la catégorie du référé.

  • l’instruction des affaires :

On constate une très grande qualité du travail du Conseil d’Etat quand il examine un litige, sa méthode est la même qu’il juge en appel ou en en premier ressort. D’abord, toutes les affaires sont attribuées à un membre du Conseil d’Etat qui est chargé de l’instruction (vérifier que toutes les parties ont produit des mémoires ou des pièces…). Dans le cadre de cette instruction qui vise à mettre le dossier en l’état ; celui qui est chargé de l’instruction a tout pouvoir pour obtenir des parties des précisions ou des pièces supplémentaires, c’est une instruction de type inquisitoriale.

Quand l’affaire est en état d’être jugée, le conseiller chargé du dossier rédige deux documents, internes et non communicables. Il rédige d’abord une note, il analyse les moyens et y répond. Ensuite il fait un projet de décision que le Conseil d’Etat pourra ou non valider.

Quand le rapporteur a terminé son travail, il passe le dossier au conseiller réviseur. Celui-ci doit critiquer et la note et le projet de décision.

La troisième phase consiste à faire passer le dossier au commissaire du gouvernement pour que celui-ci prépare ses conclusions sur l’audience. Enfin, le commissaire à pour fonction d’inscrire l’affaire à un rôle d’audience.

Mais qui décide du renvoi éventuel à la section du contentieux ou à l’assemblée ? Lorsque le litige semble poser une question de fond ou lorsque le litige pourrait amener à un revirement de jurisprudence, c’est, en général, la section ou l’assemblée qui le jugent. Mais il n’y a pas de critère précis, c’est un peu au feeling. Il arrive que les affaires soit appelées à l’audience devant les sous-sections réunies qui décident que le cas est trop important et renvoient l’affaire devant une formation plus solennelle. On dit que c’est le président de l’assemblée, celui de la section du contentieux et le vice-président qui décident…

  • le jugement des affaires :

L’affaire sera donc soit traitée en sous-sections, sous-sections réunies, section ou en assemblée. La plupart des affaires nécessite le ministère d’avocats, les parties n’étant même pas convoquées ! On pourrait penser que cette disposition n’est pas conforme à la CEDH.

A l’audience le rapporteur résume l’affaire : il énumère les moyens développés à l’encontre de l’acte et du jugement. Ensuite la parole est donnée au demandeur et au défendeur et la mention que le demandeur a le dernier mot doit figurer dans la décision.

Puis intervient le commissaire du gouvernement, il lit les conclusions et l’affaire est mise en délibéré. On ne réplique pas à ses conclusions et hors la présence des parties la formation de jugement se retire pour délibérer.

Plusieurs cas de figure se présentent alors : soit tout le monde est d’accord ce qui est fréquent, soit tous ne sont pas d’accord et on vote. Alors on peut voter globalement sur la solution dans son ensemble mais on peut également voter phrase par phrase ou encore mot par mot (lettre par lettre ?). La délibération est secrète, on ne sait pas qui vote quoi.

Après un délai de réflexion le jugement est rendu public.

Problème quant à la présence du commissaire du gouvernement pendant le délibéré. La cour européenne des droits de l’homme considère qu’il est une partie à l’instance et que par conséquent sa présence pendant le délibéré est de nature à vicier la décision. Même si il est muet, il peut influencer, non par télépathie, mais par sa seule présence. Un texte l’oblige à rester muet, texte adopté pour satisfaire la CEDH, ce qui n’a, semble-t-il, pas suffit.

Enfin les arrêts rendus par le Conseil d’Etat sont classés en trois catégories :

-A, intégralement publié au recueil LEBON.

-B, publié sous forme de résumé.

-N, pas pub

  • l’exécution de la décision :

Depuis le 1er janvier 2000, le Conseil d’Etat et les autres juridictions administratives disposent du pouvoir d’exécuter ou de faire exécuter leurs propres décisions. Le Juge Administratif se transforme en juge de l’exécution. Il dispose d’un certain nombre de pouvoirs.

Jusqu’en l’an 2000, on ne s’intéressait pas à ces questions d’exécution. La notion d’efficacité est venue rappeler au juge qu’il faut qu’il assure les décisions qu’il rend. Toute la procédure administrative que nous venons d’étudier emploie un grand luxe de moyen même si l’affaire est simple.

Le CE juge environ 10000 affaires par an (soit si on fait le compte 275 affaires par jours !) mais ce chiffre est encore plus élevé si l’on compte des questions identiques qui sont traitées en série. Ce chiffre tient compte des jugements rendus par le président de la section du contentieux en matière de référé. Il y a environ 8000 véritables arrêts.

  1. d) Les attributions de gestion.

Le CE est une institution particulière car elle se gère elle-même. Elle est rattachée au Ministère de la Justice mais en réalité le Conseil d’Etat est autogéré. Chaque année il désigne un secrétaire général qui est chargé de faire tourner la boutique, c’est donc un organe interne de gestion du Conseil d’Etat. Quand des réformes sont nécessaires, le Conseil d’Etat va même jusqu’à proposer lui-même au pouvoir règlementaire ou législatif des réformes à son sujet.

Le CE a également deux missions complémentaires concernant les Tribunaux Administratifs et les CAA. En effet c’est le secrétaire général adjoint qui gère le personnel, les locaux et les crédits de ces juridictions. Il est assisté dans son travail par un secrétaire général adjoint. le Conseil d’Etat a également une mission particulière qui est l’inspection des juridictions administratives. Trois membres du Conseil d’Etat sont chargés de contrôler, de vérifier le bon fonctionnement des juridictions administratives.

De plus les membres du Conseil d’Etat ont la possibilité soit de manière permanente, soit occasionnellement, de travailler dans l’administration active ou bien d’exercer une fonction élective. Si ils sont élus, ils sont placés en détachement, c’est en contradiction avec le principe de séparation des pouvoirs car ils sont élus mais continuent à avancer dans la hiérarchie du Conseil d’Etat.