La constitution, instrument juridique premier du pouvoir :
Si le pouvoir politique s’exerce à l’échelle de l’ État, c’est toujours dans le cadre juridique tracé par la constitution. La constitution procède d’un concept ou d’une notion très riche, qui autorise de nombreuses approches possibles, et qui explique des définitions parfois très différentes, très variées. Pour autant, ces différentes conceptions ne sauraient faire oublier que la constitution est une source très importante du droit, qui occupe une place centrale dans la pyramide, ou la hiérarchie des règles de droit.
D’un point de vue terminologique (= étymologique), le terme de constitution revêt plusieurs significations, dont notamment le fait d’instituer, d’établir, ou de former (Ex : la constitution d’un gouvernement). Le concept de constitution repose sur des éléments d’ordre divers, qu’ils soient historiques, sociologiques, politiques ou juridiques. Dès lors, la constitution peut être considérée de manière multiple, c’est à dire qu’elle peut désigner un texte, un document historique, un symbole, ou encore un ensemble de normes juridiques. D’un point de vue politique, la constitution peut être entendue comme la transcription progressive en terme de droit de revendication d’ordre politique, ou encore « l’ État d’une société donnée, à un moment donné » (Charles de Gaulle). En terme de droit, la constitution se présente comme un acte doté d’une dimension juridique importante, et élaborée sur la base de prérogatives particulières.
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&1 : la constitution, un acte d’une dimension juridique importante :
Sur un plan juridique, la constitution se définie comme un ensemble de normes ou de règles, c’est à dire un système de droit. Le concept juridique de constitution a connu de nombreuses évolutions au fil du temps, et il peut être appréhendé au travers de définitions et de significations multiples.
- [PDF] Cours gratuit de Droit constitutionnel
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- La période révolutionnaire (1789-1814) :
- Le régime présidentiel, la séparation stricte des pouvoirs
A] L’évolution du concept juridique de constitution :
- a) De la confusion à la distinction, entre la constitution et la loi :
A l’origine, sous la Rome antique, le mot constitution était utilisé pour désigner les mesures législatives édictées par les empereurs. Sous l’ancien régime, on entendait par constitution, l’ensemble des mesures de nature législative, adoptées par les rois de France. On était dans une confusion entre la constitution et la loi. A partir du XIVe siècle, cette analogie entre la constitution et la loi, a conduit à regrouper sous ses deux appellations, l’ensemble des principes destinés à doter la monarchie française d’un statut, et à assurer la stabilité du royaume de France. Le XVIe siècle vit l’apparition d’une nouvelle notion, celle de loi fondamentale. L’expression se répandit peu à peu pour désigner les normes et principes fixant le statut de la monarchie française. Il y avait trois lois fondamentales (la loi salique, interdisant l’accession des femmes au trône ; le principe d’indisponibilité de la couronne ; et le principe d’inaliénabilité de la couronne). En 1758, un célèbre juriste suisse, Vattel, écrit que le concours des lois fondamentales forme la constitution de l’ État. Il définit donc la constitution comme la règle fondamentale qui détermine la manière dont l’autorité publique doit être exercée. Ici, la constitution devient alors la norme juridique suprême qui régit l’exercice du pouvoir politique. Elle a pour objet de déterminer par qui le peuple doit être gouverné, et quels sont les droits et les devoirs de ceux qui gouvernent. Toutes les lois n’ont pas vocation à être des lois fondamentales : il y a donc une distinction entre la constitution et les lois ordinaires.
- b) L’établissement d’un lien entre la constitution et la liberté :
Ce lien a été notamment établit par Montesquieu dans son ouvrage De l’esprit des lois. Dans cet ouvrage, l’auteur opère une distinction entre trois sortes de pouvoirs qui correspondent à trois fonctions distinctes de l’ État :
- Le pouvoir législatif, qui consiste à faire des lois, à les modifier, ou à les abroger.
- Le pouvoir exécutif, qui a pour objet d’assurer l’exécution et la mise en œuvre matérielle des lois, ainsi que la conduite des relations internationales.
- Le pouvoir judiciaire, qui consiste à assurer le jugement des délinquants, et à résoudre les litiges opposant les citoyens entre eux.
Montesquieu estime que pour éviter le despotisme et garantir la liberté, la constitution doit s’efforcer de faire en sorte que ces trois pouvoirs soient exercés par trois autorités différentes. La concentration des pouvoirs étant source d’oppression potentielle. La constitution doit mettre en place une séparation des pouvoirs, aussi bien dans leur existence que dans leur exercice. Les révolutionnaires de 1789 ont pour ainsi dire, consacrés la théorie de Montesquieu, avec la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. L’Art. 16 dispose que toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution : par cette disposition, la constitution était définie à travers ses buts, à savoir la séparation des pouvoirs, et la garantie des droits et des libertés. Dès lors, un acte peut être qualifié de constitution, à partir du moment où dans un État, il vise à assurer la séparation des pouvoirs en vue de garantir l’exercice des droits et des libertés citoyens.
B] Les significations et les définitions de la constitution :
Celles-ci sont relativement nombreuses et diverses, et on peut tenter de les appréhender autour de trois distinctions principales.
- a) La distinction entre la constitution matérielle et la constitution formelle :
La constitution matérielle se définie en fonction de son objet et de son contenu ; elle est traditionnellement entendue comme un ensemble de dispositions organisant les pouvoirs publics, le fonctionnement des institutions politiques, et les libertés des citoyens. A ce titre, elle recouvre donc l’ensemble des règles juridiques relatives à la dévolution, à l’organisation, et à l’exercice du pouvoir. La définition matérielle de la constitution est généralement critiquée, en raison de ses caractères imprécis, subjectifs, et extensifs, qui ne permettent pas toujours d’identifier avec précision l’ensemble des éléments qui pourraient être rattachés à la constitution. Au sens formel (ou organique), la constitution s’entend des règles qui, soit ont reçues une forme distincte, soit ont été édictées ou modifiées par un organisme spécifique, selon une procédure spéciale (différente de la procédure d’adoption des lois ordinaires). Le sens matériel et le sens formel ne se recouvrent pas avec exactitude, même s’ils ont en commun les règles relatives à la dévolution et à l’exercice du pouvoir. Une constitution dite formelle, peut exclure de son cadre des règles qui pourtant concernent de près ou de loin l’exercice du pouvoir (Ex : le droit électoral, le droit parlementaire, et la statut des partis politiques). Une constitution dite matérielle pourra intégrer des dispositions dont les rapports avec l’exercice du pouvoir sont beaucoup plus incertains ou douteux.
- b) La distinction entre la constitution écrite et la constitution coutumière :
La constitution écrite est une constitution dans laquelle les pouvoirs de l’ État et les droits et les garanties accordés aux citoyens sont inscris dans un texte qui se qualifie lui-même de fondamental. La constitution coutumière désigne à l’opposé, la constitution dans laquelle les règles relatives à l’organisation de l’ État et au droit des citoyens se sont progressivement développées, sans avoir été inscrites dans un texte dénommé constitution. Les règles coutumières n’ont pas de support écrit, elles reposent sur la répétition continue et prolongée de pratiques recueillant un très large consensus. En raison de leur caractère non écrit, les règles coutumières se caractérisent par une certaine imprécision. Aujourd’hui, il n’existe plus aucun État doté d’une constitution exclusivement coutumière, les règles écrites occupant une place plus ou moins large (Ex : la Grande-Bretagne possède une constitution encore en partie coutumière). Toutefois, il reste aujourd’hui posé, la place de la coutume dans les constitutions écrites, qui ne peuvent tout prévoir et régir à l’avance. La coutume ne peut jamais déroger ou modifier une règle constitutionnelle écrite, en revanche, elle a vocation dans certaines conditions, à rajouter à la règle écrite, en cas de silence de cette dernière ou d’imprécision de sa part. La coutume peut être amenée à jouer un rôle supplétif ou interprétatif sous la double condition que la règle coutumière soit attestée et que cette règle dépasse le cadre de la simple pratique politique.
- c) La distinction entre la constitution souple et la constitution rigide :
La constitution souple désigne le système dans lequel les lois ordinaires ont la même valeur juridique que la constitution, c’est à dire qu’il n’y a aucun rapport de hiérarchie entre les deux catégories de normes. Cela implique que la constitution pourra être modifiée dans les mêmes conditions et selon la même procédure que la loi ordinaire (Ex : constitution anglaise). La constitution rigide, présente des caractéristiques inverses puisqu’elle ne peut être élaborée et révisée que par un organe spécifiquement désigné à cette fin, et selon une procédure spéciale différente de la procédure législative ordinaire (Ex : en France, seule une loi constitutionnelle peut modifier la constitution). En principe, une constitution rigide est le plus souvent une constitution écrite et formelle, alors qu’une constitution souple est plutôt fondée sur les approches matérielles et coutumières de la constitution.
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&2 : la constitution, un acte élaboré sur la base de prérogatives particulières :
A] L’établissement de la constitution :
L’établissement ou l’élaboration d’une constitution est opérée sur la base d’un pouvoir, d’une prérogative particulière, appelée le pouvoir constituant originaire.
- a) La notion de pouvoir constituant originaire :
Il s’agit du pouvoir d’établir les règles relatives à la dévolution et à l’exercice du pouvoir politique. Ce pouvoir va permettre à celui qui l’exerce d’élaborer le texte constitutionnel qui va former le nouvel ordre juridique constitutionnel. Le pouvoir constituant originaire désigne donc la capacité à établir une constitution, là où il n’y en avait pas auparavant, ou bien, à établir une constitution en totale rupture avec la précédente. Par hypothèse, ce pouvoir ne peut être un phénomène juridique, car si l’on établi une constitution en rupture avec la précédente, on n’exerce pas ici un droit, mais on institue un système et un ordre politique nouveau. De même, le pouvoir d’établir quelque chose qui n’existait pas auparavant, ne saurait être considéré comme lié par des normes juridiques. Plus exactement, on dira que l’établissement d’une nouvelle constitution ne relève pas du droit, dans la mesure où il fonde le droit, il le crée. Et donc, le pouvoir constituant originaire procède essentiellement de la théorie politique, tout étant ici question de légitimité démocratique. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on estime que le pouvoir constituant ne peut appartenir qu’au peuple, même si le problème consiste à déterminer qui sera habilité à l’exercer. Sur ce point, c’est au gouvernement qu’il appartient de déterminer quels seront les organes appelés à mettre en œuvre le pouvoir constituant originaire. Dans la réalité, il existe deux modes d’exercice du pouvoir, démocratique ou non démocratique. Les modes démocratiques d’établissement de la constitution consistent à confier le soin d’élaborer une constitution à une assemblée élue par l’ensemble des citoyens (Ex : IIe et IIIe républiques en France). Plus démocratique encore est le fait de soumettre la ratification du projet de constitution à l’approbation du peuple par la voie du référendum. Les modes non démocratiques sont ceux qui excluent toute intervention du peuple dans l’établissement de la constitution, à quelque niveau que ce soit. Ici, on peut aussi y ranger les procédés faisant appel au peuple d’une manière hypocrite pour autoriser ou ratifier une constitution élaborée par une assemblée non pas élue par le peuple, mais désignée par l’autorité exerçant exclusivement le pouvoir.
- b) La matérialisation juridique du pouvoir constituant originaire : l’ordre constitutionnel positif :
L’ordre constitutionnel positif se définit à partir de deux notions distinctes : celle de légalité, et celle de légitimité. La légalité, désigne l’effet contraignant qui s’attache à l’ordre constitutionnel positif. La légitimité, c’est la qualité qui s’attache à un pouvoir dont l’idéologie, les sources d’inspiration, et les critères de référence, font l’objet d’un consentement, ou d’une adhésion de la part des gouvernés. La différence entre ces deux notions, c’est une différence de nature, la première étant juridique (effet contraignant = règle de droit), et la seconde présentant des caractéristiques plus subjectives. Sur le plan de la démocratie, il est nécessaire que l’ordre constitutionnel soit légitime, c’est à dire qu’il fasse l’objet d’un consensus populaire. L’Histoire montre cependant qu’il n’en a pas toujours été de la sorte, ainsi qu’en témoigne le régime de Vichy de 1940. En effet, si ce régime était légal, dans la mesure où une loi du 10 juillet 1940 avait régulièrement investi le Maréchal Pétain des pleins pouvoirs, il n’était cependant pas légitime aux yeux de la majorité du peuple français qui rejetait la politique de collaboration envers le régime allemand.
B] La révision de la constitution :
Toute constitution est effectuée sur le fondement du pouvoir constituant dérivé, selon des modalités relativement diverses.
- a) Le pouvoir constituant dérivé :
C’est la capacité de modifier ou de réviser une constitution déjà établie. Comme tout acte juridique, la constitution n’est pas immuable car il est nécessaire de l’adapter à l’évolution du contexte, politique et juridique. Ici, deux sortes de révisions sont susceptibles d’apparaître nécessaire. D’une part, il y a la révision dont l’objet est de corriger les lacunes ou les imperfections techniques que peut révéler le fonctionnement des institutions. C’est par exemple le cas des nombreuses révisions opérées tout au long de la Ve république. D’autre part, il y a des révisions qui sont effectuées pour donner une orientation politique nouvelle au régime qui était en place jusqu’alors (Ex : ce fut le cas, sous la IIIe république, lors de la révision du 14 août 1884, qui avait pour but « de rendre la république républicaine »).
- b) Les modalités de mise en œuvre des révisions constitutionnelles :
Les révisions constitutionnelles peuvent être opérées de plusieurs façons. Tout d’abord, le pouvoir constituant dérivé peut être confié à des représentants élus dans le cadre d’une convention, ou bien, il pourra appartenir aux chambres parlementaires en place. Ensuite, la procédure de révision, qui se décompose en deux voire trois phases, peut aussi obéir à des modalités de mise en œuvre différentes. En premier lieu, l’initiative du projet ou de la proposition de révision, appartient le plus souvent aux organes exécutifs et aux parlementaires, mais elle peut aussi être reconnue à une fraction du peuple, et c’est ce que l’on appelle l’initiative populaire (Ex : révision de la Constitution par référendum. Cela n’existe pas en France). En second lieu, la discussion et le vote du projet de révision qui sont effectués, soit par une convention de représentants spécialement élue, soit par les assemblées parlementaires elles-mêmes. Enfin, il peut exister une dernière étape, avec la ratification du projet de révision : celle-ci pourra être effectuée par le peuple dans le cadre du référendum. La Constitution elle-même pourra dans ses dispositions interdire ou limiter les révisions constitutionnelles (Ex : en France, la Constitution de 1958 interdit toute révision pendant l’intérim présidentiel).