La constitution : instrument encadrant l’exercice du pouvoir politique
La Constitution constitue l’ensemble des principes fondamentaux ou des précédents juridiques qui établissent la base légale d’un État ou d’une organisation et définissent son mode de gouvernance. Elle organise les institutions, répartit les pouvoirs, et garantit les droits fondamentaux des citoyens. Il existe deux types de constitution :
- Constitution écrite : lorsqu’un État consigne ses principes fondamentaux dans un ou plusieurs documents formels, on parle de Constitution écrite. Cela favorise une plus grande lisibilité et un meilleur accès aux règles régissant l’État.
- Constitution codifiée : si ces principes sont regroupés dans un document unique, la Constitution est dite codifiée. Par exemple, la Constitution française de 1958 est codifiée, contrairement à celle du Royaume-Uni, qui repose sur des documents juridiques épars (comme le Habeas Corpus ou le Bill of Rights de 1689), des précédents judiciaires et des conventions.
L’adoption de la Constitution française de 1958 : un moment de refondation : La Cinquième République a vu le jour dans un contexte de crise profonde. En 1958, la Quatrième République était paralysée par l’instabilité institutionnelle et la guerre d’Algérie. Ce contexte a poussé l’Assemblée nationale à transférer des pouvoirs étendus à Charles de Gaulle, nommé président du Conseil, avec pour mission principale de rédiger une nouvelle Constitution.
- Un processus rapide et structuré :
- Un comité ministériel a été chargé de rédiger un projet de Constitution en un temps record de deux mois.
- Une fois finalisé, ce projet a été soumis à un référendum populaire le 28 septembre 1958, où il a été approuvé par 79,2 % des suffrages exprimés.
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Une Constitution moderne et concise :
- La Constitution de 1958 est un document écrit et codifié, comprenant 92 articles répartis en 15 titres.
- Elle instaure un régime politique qui équilibre le pouvoir entre un président doté de prérogatives étendues et un Parlement dont les compétences sont encadrées.
§1. La notion de Constitution
La Constitution est un instrument fondamental qui organise et encadre l’exercice du pouvoir politique, en définissant les institutions d’un État, leurs compétences, et les droits et libertés des citoyens. Elle peut être abordée selon différentes définitions et classifications.
- Fiches de droit constitutionnel
- Le régime parlementaire de la IIIème République
- De la deuxième République au Second Empire (1848-1870)
- Du consulat à l’Empire, de l’Empire aux monarchies parlementaires
- Les causes et conséquences de la Révolution
- Le contrôle de constitutionnalité
- Hiérarchie des normes, fondement de l’état de droit
I. Les différentes définitions de la Constitution
A. La Constitution au sens matériel : une définition par le contenu
Cette approche définit la Constitution en fonction des types de dispositions qu’elle contient. Deux grandes catégories de règles s’y retrouvent généralement :
- Les dispositions relatives à l’organisation de l’État
- Ces dispositions encadrent les trois principales fonctions de l’État : législative, exécutive, et juridictionnelle. Elles précisent le rôle des institutions, leur interaction, et leurs limites.
- Une Constitution ne peut toutefois tout détailler. Par exemple, la Constitution des États-Unis, avec seulement sept articles, illustre le principe de concision. Nombre de règles concernant le fonctionnement des institutions sont fixées dans d’autres textes juridiques, comme les lois ordinaires.
- Les dispositions relatives aux droits et libertés des citoyens
- Ces règles garantissent les droits fondamentaux des citoyens. Par exemple, la Constitution allemande commence par une partie dédiée à ces droits.
- En France, le préambule de la Constitution de 1958 renvoie à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, au Préambule de la Constitution de 1946, et à la Charte de l’environnement de 2004, donnant à ces textes la même valeur juridique que le reste de la Constitution.
- Les limites de cette définition
- Cette définition peut manquer de précision, car toutes les règles essentielles à l’État ou aux droits des citoyens ne figurent pas dans la Constitution. Par ailleurs, certaines dispositions constitutionnelles peuvent être éloignées de ces thématiques principales.
B. La Constitution au sens formel : une définition procédurale
Cette définition repose sur la manière dont les règles constitutionnelles sont adoptées et révisées. Elle englobe l’ensemble des normes élaborées selon une procédure spécifique et modifiables uniquement via cette même procédure. Par exemple, en France, la révision constitutionnelle suit des règles fixées par l’article 89 de la Constitution.
II. La composition de la Constitution
A. Constitution écrite et constitution coutumière
- Les constitutions coutumières
- Historiquement, les constitutions étaient non écrites, composées de règles fondées sur des usages répétés, devenus contraignants par consensus.
- Ces coutumes présentent des limites en raison de leur manque de clarté et de stabilité. Elles posent aussi des questions sur leur naissance ou disparition.
- Les constitutions écrites
- Depuis la fin du XIXᵉ siècle, la majorité des États ont opté pour des constitutions écrites, offrant une plus grande visibilité et une meilleure stabilité.
- Cependant, certains pays comme le Royaume-Uni ou la Nouvelle-Zélande continuent de s’appuyer majoritairement sur des traditions coutumières, bien que des textes écrits importants, tels que le Habeas Corpus, y existent également.
B. Constitution écrite et coutume constitutionnelle
Même dans les États dotés d’une constitution écrite, des coutumes peuvent émerger pour compléter ou, dans des cas exceptionnels, contredire la Constitution. Ces coutumes jouent deux rôles principaux :
- Compléter la Constitution : par exemple, certaines pratiques gouvernementales non écrites deviennent des usages établis.
- Contredire la Constitution : cela reste rare dans des régimes rigoureux comme celui de la Cinquième République française, où les coutumes contradictoires ont peu de place.
C. Les conventions de la Constitution
Les conventions constitutionnelles sont des règles non écrites qui encadrent le fonctionnement des institutions. Elles sont particulièrement significatives dans les États à tradition coutumière, comme le Royaume-Uni. Cependant, elles soulèvent plusieurs questions :
- Règles juridiques ou simples pratiques politiques ?
- Certains juristes considèrent qu’il s’agit de pratiques politiques qui ne relèvent pas du droit et ne peuvent être sanctionnées juridiquement.
- D’autres estiment qu’elles complètent effectivement la Constitution, même sans être codifiées.
En résumé : La Constitution peut être définie de manière matérielle, par son contenu, ou formelle, par la procédure de son élaboration et révision. Qu’elle soit écrite ou coutumière, elle reste l’outil central de l’organisation des pouvoirs publics et de la protection des droits fondamentaux.
§2. L’élaboration de la Constitution
La Constitution constitue la norme fondamentale de tout État, car elle définit les principes régissant son organisation politique, ses institutions, et les droits fondamentaux de ses citoyens. L’élaboration et la révision d’une constitution impliquent des enjeux cruciaux, notamment parce que l’organe habilité à la modifier dispose d’un pouvoir immense.
A. La notion de pouvoir constituant originaire et dérivé
Le pouvoir constituant désigne la capacité d’élaborer ou de modifier une constitution. Il se divise en deux catégories principales :
- Le pouvoir constituant originaire, qui intervient lors de la création d’un nouvel État ou après un événement disruptif majeur, comme un coup d’État. Ce pouvoir, souvent qualifié d’ »originel », opère sans contraintes juridiques préexistantes. Il part d’une feuille blanche pour élaborer une nouvelle Constitution.
- Le pouvoir constituant dérivé, au contraire, est celui qui procède à la révision d’une Constitution déjà en place. Il est juridiquement encadré par la procédure prévue dans la Constitution elle-même. Cela garantit une certaine stabilité en limitant les modifications arbitraires.
Exemple : en 2008, la révision de la Constitution française a été effectuée dans le cadre strict des dispositions prévues par l’article 89 de la Constitution de 1958. Cette réforme a introduit notamment le droit de recours individuel au Conseil constitutionnel.
B. L’exercice du pouvoir constituant originaire : les modalités d’élaboration de la Constitution
1. L’élaboration non démocratique (ou autoritaire)
Dans les régimes autoritaires, la Constitution est imposée par le pouvoir en place sans participation des citoyens. On distingue plusieurs niveaux d’autoritarisme dans ce processus :
- Les constitutions octroyées, unilatéralement décidées par le détenteur du pouvoir, étaient courantes sous les monarchies absolutistes. Par exemple, la Charte constitutionnelle de 1814 en France fut imposée par Louis XVIII, sans consultation populaire.
- Les constitutions négociées, résultant d’un accord entre le pouvoir en place et une partie de la société. Ce procédé reste rare et reflète une transition partielle vers une plus grande inclusion.
Ces systèmes sont aujourd’hui considérés comme obsolètes dans les démocraties modernes mais subsistent dans certains régimes autoritaires contemporains, comme au Turkménistan où les réformes constitutionnelles de 2016 ont été décidées unilatéralement.
2. L’élaboration démocratique
Une constitution démocratique repose sur la participation, directe ou indirecte, des citoyens au processus. Bien que le peuple ne puisse généralement pas rédiger lui-même une Constitution, plusieurs mécanismes démocratiques sont employés :
- L’assemblée constituante : c’est une assemblée spécialement élue par les citoyens pour rédiger la Constitution. Ce procédé a été utilisé par la Tunisie en 2014 pour l’adoption d’une nouvelle Constitution après la révolution.
- L’approbation par référendum, où les citoyens votent pour ou contre un texte constitutionnel rédigé par des représentants. Ce mode a été employé en 2016 en Italie, même si le projet de réforme constitutionnelle fut rejeté par une majorité de citoyens.
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La consultation populaire, un procédé plus rare, vise à recueillir les avis des citoyens avant la rédaction finale. Cette méthode était courante dans les régimes marxistes comme l’Union soviétique, où la Constitution de 1977 avait fait l’objet de discussions publiques organisées dans divers milieux sociaux.
La pérennité et l’adaptabilité des constitutions
Une fois adoptée, une Constitution est censée perdurer dans le temps. Cependant, sa longévité dépend de deux facteurs essentiels :
- Sa capacité d’adaptation : une Constitution doit pouvoir évoluer pour répondre aux transformations sociétales, politiques ou technologiques. Par exemple, l’inclusion de dispositions sur la protection des données personnelles ou le climat dans certaines Constitutions récentes illustre cette adaptabilité.
- Son interprétation : une lecture dynamique par les institutions compétentes, comme le Conseil constitutionnel en France, permet de concilier le respect du texte initial et l’évolution des besoins sociétaux.
En résumé, l’élaboration et la révision des constitutions reposent sur des principes fondamentaux d’équilibre entre stabilité et évolution, avec des modalités variées allant du modèle autoritaire à la participation démocratique.