La Constitution protège les Droits de l’Homme ?

  Les sources internes de protection des Droits de l’Homme

En France, on constate un processus de constitutionnalisation des droits et libertés fondamentaux. Ce processus n’a rien de nouveau car dès 1789, le lien est fait entre Droits de l’Homme et constitution. Le fameux article 16 de la DDHC dispose que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, n’a point de constitution ». idées que les Droits de l’Homme doivent figurer dans les Constitutions. Nombre de déclarations des Droits de l’Homme se trouvent en préambule des Constitutions.

Rupture sous la Vème république : il y un juge constitutionnel qui va œuvrer en faveur de ce processus de constitutionnalisation. Le Conseil Constitutionnel mis en place en 1958 s’est largement émancipé de sa fonction première à savoir à veiller au respect de nouveaux domaines de la loi, à ce que l’article 34 soit respecté, le Gouvernement ne doit pas empiéter sur le domaine de la loi. Il sort de ce rôle initial et vérifie que les lois respectent les droits et libertés contenus dans la constitution. Le juge constitutionnel donne toute sa portée juridique au préambule de Constitution particulièrement au préambule de la Constitution riche en matière de Droits et libertés fondamentaux.

Cependant la loi joue encore un rôle important dans la protection offerte aux droits et libertés fondamentaux.

1.    Notion de bloc de constitutionnalité

  1. Présentation

La constitutionnalisation des droits fondamentaux est l’œuvre à la fois du constituant, du pouvoir constituant originaire et du juge constitutionnel (CC). C’est en effet d’abord le pouvoir constituant originaire et même dérivé qui inscrit dans le texte constitutionnel les droits et libertés mais c’est ensuite le Juge constitutionnel qui a donné à ses textes toute leur portée.

Les sources constitutionnels des droits et libertés sont hétérogènes à la fois par leur origine. Ils ne sont pas consacrés au même moment, et hétérogènes par leur contenu (droits et libertés de nature différente) pourtant elles ont toutes la même valeur juridique. L’expression « bloc de constitutionnalité » vient de la doctrine et plus précisément du doyen FAVOREU, professeur à l’université d’Aix-Marseille. C’est lui qui au lendemain de la décision de 1975 emploie cette formule.

Qu’est-ce que ça couvre ? Elle désigne un ensemble de normes de valeur constitutionnel dont certaines portent sur les droits et libertés. On trouve dans ce bloc de constitutionnalité, la Constitution au sens strict (le corps même de la Constitution du 4 octobre 1958, les différents articles). Dans la Constitution au sens strict, peu de droits ou libertés consacrés on peut citer toutefois, le principe d’égalité (article 1), le droit de vote et d’éligibilité (article 3), droit à la sûreté (article 66).

Le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958. Petit texte qui est extrêmement fécond en matière de droits et libertés. Dans ce préambule, référence à 3 textes adoptés à des moments différents et qui portent sur les Droits de l’Homme :

  •       la DDHC de 1789 : le peuple proclame solennellement son attachement aux principes définis par cette déclaration. Décision du Conseil Constitutionnel du 27 décembre 1973 Taxation d’office : c’est dans cette décision que le Conseil Constitutionnel va viser une disposition contenue dans la DDHC qui est légalité devant l’impôt (article 13 sur l’égalité devant l’impôt et article 6 sur l’égalité devant la loi). Décision qui explicitement reconnait que la DDHC fait partie de ce bloc de constitutionnalité. Cette DDHC est complétée par ….
  •       Le préambule de la Constitution de 1946 : ce préambule est plus dense en type de droits consacrés. Article 1. Ce Préambule comporte lui-même 3 types de droits :
  •       attachement à des droits qui préexistent qu’on trouve dans la DDHC et
  •       dans les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République : Conseil Constitutionnel 16 juillet 1971 Liberté d’association : c’est dans cette décision que le Conseil Constitutionnel contrôle au regard du bloc de conditionnalité et devient le véritable protecteur des droits fondamentaux. Le Conseil Constitutionnel a estimé que la loi soumise portait atteinte à la liberté d’association, reconnu par une loi de 1901 mais cette loi a valeur constitutionnel car c’est un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Ces principes vont devoir être révélés par le JC, ils existent mais ils ne sont nulle part listés et rôle du juge constitutionnel de les découvrir. Il doit s’agir de principes contenus dans des lois républicaine adoptés avant 1946et qui qu’inscrivent dans une tradition constante et enfin, ils doivent être fondamentaux. Ils sont au nombre d’une dizaine notamment les droits de la défense découverts en 1976, la liberté d’enseignement découverte par le Juge Constitutionnel en 1977
  •       dans les principes particulièrement nécessaires à notre temps : en 1946, l’article 2 proclame les principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps. Tout le préambule consiste en la liste de cesprincipes. le droit de grève (article 7), le droit à la protection de la santé (article 11), droit à l’instruction (article 13), droit d’asile (article 4).
  •       Charte de l’environnement de 2004 : c’est le pouvoir constituant dérivé qui a procédé en 2004 à une révision constitutionnelle pour reconnaitre des droits et devoirs en matière environnemental (cf. article 1) : Conseil Constitutionnel 24 mars 2005 HAUCHEMAILLE & MAILLET qui va affirmer la valeur constitutionnel de cette charte.

Les principes à valeur constitutionnel : des droits et des principes reconnus par le Juge Constitutionnel et qui n’ont pas un fondement textuel explicite. Ex : Conseil Constitutionnel 27 juillet 1994 loi Bioéthique Le Conseil Constitutionnel va découvrir un principe à valeur constitutionnel qui est le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Pas de fondement textuel explicite mais le juge cherche quand même dans les textes s’il y a des éléments. Il s‘appuie sur le préambule de la Constitution 1946 (article 1): l’asservissement et la dégradation de la personne humaine qui est le fondement du sauvegarde de cette dignité humaine. Ce principe est un droit constitutionnel qui a la même valeur que les autres.

Les objectifs à valeur constitutionnel : découverte du Juge Constitutionnel qui n’ont pas non plus de fondements explicites mais qui se distinguent des principes à valeur constitutionnel en ce qu’ils permettent au législateur d’intervenir en restreignant éventuellement des droits et libertés pour qu’ils soient réalisés. A priori, il limite les droits et libertés, il va pouvoir limiter des droit et libertés mais il peut aussi réaliser par ces objectifs des droits et libertés.

Conseil Constitutionnel 19 janvier 1995 Diversité Habitat : dans cette décision, le Juge Constitutionnel doit se prononcer sur une loi relative à l’habitant qui limite le Droit Patrionial. Cette loi qui imposait certaines obligations nouvelles au proprio ne violait pas le Droit Patrimonial. Le Conseil Constitutionnel dit que cette loi met en œuvre un OVC ; c’est la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent. Il en déduit que le législateur peut pour réaliser cet OVC limiter un certain nombre de droits et libertés et dans le cas, le droit de propriété.

  1. Portée du bloc de constitutionnalité

Le Conseil Constitutionnel en premier lieu mais également les juges ordinaires en second lieu effectuent le contrôle de constitutionnalité des textes qui leur sont soumis. Il peut s’agir des traités (qui en vertu de l’article 55 de la Constitution peuvent être soumis au contrôle du Conseil Constitutionnel) ou des lois (en vertu de l’article 61 et 61-1 de la Constitution par la procédure de la QPC), les actes administratifs aussi mais contrôle devant le Juge Administratif.

La question qui s’est posé au juge a été de déterminer si les dispositions du préambule étaient d’effet direct ?

Il ressort que la valeur constitutionnelle de l’ensemble de ses normes est bien reconnue et il n’y a pas de différence établie en fonction des droits consacrés par ses sources. Là on n’a pas de distinction entre la nature des droits, selon que c‘est un droit liberté ou un droit social, ou droit créance. En revanche, on constate que le Conseil Constitutionnel semble réticent à déduire l’inconstitutionnalité d’une loi de la méconnaissance par cette loi, d’un droit social. La doctrine majoritaire, même si c’est de plus en plus discuté, explique une telle position jurisprudentielle par le fait que les dispositions de valeur constitutionnelle consacrant les droits sociaux sont rédigées en termes généraux et nécessiteraient donc l’intervention du législateur pour en préciser le sens, la portée et les contours.

La position du Juge Administratif vis-à-vis de la loi écran : le Juge Administratif a abandonné la théorie de la loi écran à propos des traités internationaux (arrêt Nicolo) mais il a maintenu cette jurisprudence relative à la loi écran à propos de la Constitution (du bloc de constitutionnalité).

Les juges ordinaires nécessitent pas à se fonder sur des sources constitutionnelles consacrant des droits et des libertés. Le Juge Administratif dans le cadre d’un Recours en excès de pouvoir va regarder si décret ne méconnait pas la Constitution.

Chambre sociale de la Cour de Cassation 28 juin 1951 : arrêt dans lequel la Cour de Cassation se prononce par rapport au préambule de la Constitution de 46. Dans cet arrêt, la Cour affirme que le droit de grève inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946 ne rompt pas le contrat de travail.

CE, arrêt du 7 juillet 1950 Dehaene : le Conseil d’Etat est saisi d’un Recours en Excès de Pouvoir contre une sanction subi par le sieur Dehaene, fonctionnaire au motif que celui-ci a fait grève, PPNT. Le Juge Administratif va examiner (contrôle de légalité) l’éventuelle contrariété par rapport au préambule de la Constitution de 1946 (alinéa 7).

CE 11 juillet 1956 Amicale des Annamites de Paris : LE Juge Administratif accepte dans le cadre du Recours en excès de pouvoir d’effectuer u contrôle de conformité d’un décret au regard de la liberté d’association, analysé par le Juge Administratif comme étant un PFRLR.

CE 12 février 1960 Société EKU : le Juge Administratif contrôle différentes dispositions à la DDHC plus précisément à l’article 8.

A la suite de ses arrêts, la valeur constitutionnelle de l’ensemble des normes constitutives du bloc de constitutionnalité ont reconnus par les juges ordinaires, aussi bien par la Cour de Cassation que par le Conseil d’Etat. L’ensemble de ses normes sont utilisées, que ce soient les PPNT, les PFRLR, ou la DDHC.

Limite : les juges ordinaires refusent de connaître le moyen tiré de la violation d’une disposition constitutionnelle dans l’hypothèse où cela conduirait plus ou moins directement à contrôler la constitutionnalité de la loi parce que ce contrôle relève de la seule compétence du Conseil Constitutionnel.  Cela peut se produire par exemple dans le cadre d’un décret adopté en vertu d’une loi et qui fait l’objet d’un Recours en excès de pouvoir. Dans ce cas, le juge refuse de vérifier si le décret est conforme ou non au bloc de constitutionnalité.

Ceci étant gênant mais atténué dans une jurisprudence de la loi écran transparent, l’inconvénient de cette jurisprudence a aujourd’hui disparu avec la révision de 2008 introduisant la QPC en place depuis le 1er mars 2010. Désormais dans le Juge Administratif ou le Juge Judiciaire un moyen tiré de l’inconstitutionnalité de la loi sur le fondement de laquelle le décret est adopté, le Juge Administratif ou le Juge Judiciaire peuvent transmettre à la juridiction suprême  de l’ordre juridictionnel concerné, juridiction suprême qui ca décider si il y a lieu de saisir le Conseil Constitutionnel.

Cette protection des droits et libertés en droit interne ne se réduit pas à ces sources constitutionnelles (C et bloc de constitutionnalité)

2.    Les sources infra-constitutionnelles

Si quelques tentatives d’adaptation des textes constitutionnelles ont été initiées, c’est par le biais de la loi que l’enrichissement des droits et libertés protégés en droit positif français a été réalisés. Il faudrait aussi évoquer une autre source des droits et libertés, un peu daté aujourd’hui, que sont les PGD.

La Constitution de 1958 a fait l’objet de nombreuses révisions mais aucune n’a porté sur les droits et libertés, ce n’est pas faute de proposition.

3 temps dans lesquels l’ajout de droits et libertés a été envisagé :

  •       les propositions faites par le comité Vedel mis en place en 1992 par F. Mitterrand et remet un rapport l’année suivante dans lequel il propose l’introduction de nouveaux droits dans le texte suprême, en particulier le droit à la vie privée et le droit à la dignité humaine et proposait d’introduire ses droits à l’article 66 de la Constitution. Il proposait de modifier le corps même de la Constitution et d’ajouter des droits.
  •       le comité Balladur ; comité de réflexions et de propositions aussi, comité qui concernait la modernisation des institutions. Rapport rendu en 2007. S’agissant des droits et libertés, il avait refusé de toucher au corpus des droits et libertés. Dans sa lettre de cadrage, il s’intéresse aux droits et libertés puisqu’il propose la mise ne place de la QPC mais exclut de proposer des modifications du corpus des Droits et Libertés.
  •       Comité Veil mis en place pour réfléchir à la révision des droits et libertés sous la présidence de S. Veil, chargé d’étudier si les Droits Fondamentaux contenus dans le préambule de la Constitution de 1958 devaient ou non être complétés par des principes nouveaux. Rapport rendu en 2008 et conclut au statu quo. Selon le comité, le jurisprudence a de manière heureuse complété les textes constitutionnels rendant leur révision sur ce point inutile.

 

  •       La loi et les droits fondamentaux

La loi, pendant longtemps, a constitué le fondement essentiel de garantie des droits et libertés dont disposaient les juges. La doctrine et les juges eux-mêmes ne s’accordaient pas sur la valeur des déclarations et des préambules dans lesquels se trouvaient consacré les lois et libertés, et ils doutaient de l’invoquabilité de ses normes écrites en termes très généraux.

La loi a 2 fonctions essentiellement, s’agissant des droits et libertés. La première est d’être l’instrument précisant le régime juridique des droits et libertés ou principes reconnus par les textes constitutionnels. Ainsi dans la Constitution de 1958 la loi se voit attribuer la fonction «  de fixer les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordés aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques » (article 34 de la Constitution).

En outre, les formules employées dans le préambule de la Constitution sont, en particulier dans le préambule de la Constitution de 1958, sont autant d’invitations à agir faites au législateur.

La limite tient au fait qu’il n’existe pas en droit interne de voies de recours en cas d’inaction ou d’omission de la part du législateur.

La deuxième est d’être d’un instrument privilégié d’enrichissement du catalogue des droits fondamentaux. Récemment, c’est dans des lois, que de nombreux droits ont été consacrés. Exemple du droit au logement qui a d’abord figuré dans une loi du 6 juillet 1989 avant de devenir un droit au logement opposable avec la loi du 5 mars 2007.

Autre exemple : la loi a consacré un certain nombre de droits du patient (droit des malades), loi Kouchner du 4 mars 2002 en particulier un droit important qui est le droit de consentir aux soins. Pour montrer l’importance de ce droit, procédure du référé-liberté qui exige entre autres conditions, l’existence d’une liberté fondamentale. Et, dans le cadre de ce référé, le Juge Administratif s’est fondé sur cette loi  de 2002 et a considéré que le consentement aux soins était une liberté fondamentale dans deux décisions : 16 août 2002 Feuillatey et 8 septembre 2005 Bunel. Même quand le fondement n’est que législatif, le droit est mobilisé, protégé par le juge en particulier dans le cadre du référé liberté.

  •       Les principes généraux du droit

C’est une référence datée mais, pendant longtemps, ils ont été une source importance de reconnaissance par le juge des droits et libertés. Ils ont été découverts par le Juge Administratif à une période essentiellement où ce juge ne reconnaissait pas l’entière valeur des textes consacrant les droits et libertés fondamentaux. Certains PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT ont eu un écho contentieux très important en particulier par exemple le droit à une vie familiale normale, droit consacré en tant que PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT dans un arrêt du 8 décembre 1978 GISTI. Aussi, le droit au recours qui depuis l’arrêt du 17 février 1950 Dame Lamotte est aussi un PGD.

Pourquoi un déclin des PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT en particulier s’agissant des Droits et Libertés ? Le Juge Administratif a abandonné la théorie de la loi écran à l’égard des normes internationales et donc accepte désormais d’effectuer un contrôle de conventionalité (arrêt Nicolo). Ce qui signifie que désormais, il dispose des textes internationaux et en particulier des textes européens, pour contrôler les actes administratifs au regard des droits et libertés fondamentaux. Ex droit de mener une vie familiale normale : le Juge Administratif n’examine plus au regard du PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT mais examine la conformité de la mesure (d’expulser un étranger) nationale à l’article 8 de la CEDH qui consacre le droit au respect à la vie privée et familiale. 

Il a reconnu la valeur de tous les textes constituant le bloc de constitutionnalité.

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