La construction sur le terrain d’autrui

La construction sur le terrain d’autrui

Il faut dans un premier temps faire la distinction entre l’empiétement et la construction sur le terrain d’autrui. Parce qu’étant relevable de règles différentes, il faut mesurer les enjeux propres de la construction sur le terrain d’autrui qui ne sont pas celles de l’empiètement.

  1. Nécessaire distinction

Matériellement les situations sont très distinctes.

Dans la situation de la construction sur le terrain d’autrui, il n’y a qu’un seul fonds concerné alors que dans la situation d’empiètement, il y en a deux.

Il en découle nécessairement que l’enjeu que le droit prévoit pour la construction sur le terrain d’autrui n’est pas le même que celui de l’empiètement.

L’enjeu de l’empiètement est d’exproprier une partie du fonds empiété. Il en résulté nécessairement que les règles qui trouvent à s’appliquer en cas d’empiètement sur le fonds d’autrui sont hors sujet dans la situation de la construction sur le terrain d’autrui.

Ce qui amène à définir juridiquement la construction sur le terrain d’autrui étant une situation dans laquelle sur un fonds approprié par une personne, une autre érige soit un bâtiment nouveau, soit des plantations nouvelles (ou les 2). Ce qui souligne dans la définition même, que cette situation là, ne met pas en péril la propriété foncière de celui sur le fonds duquel le nouveau bâtiment ou les nouvelles plantations ont été réalisées. Alors quel est l’enjeu?

  1. Divers exemples de situations pouvant correspondre à une construction sur le terrain d’autrui

1ere situation : celle d’un locataire d’un appartement ou d’une maison établissant de nouvelle construction ou plantation sur le terrain de son propriétaire.

2e situation : un emprunteur sur le terrain duquel il établit un nouveau bâtiment ou de nouvelles situations

3e cas générique (plus fréquent): un terrain appartient à l’un des membres d’un couple et que l’autre finance une construction nouvelle ou des plantations nouvelles sur ce fonds.

Ex 1 : couple marié sous le régime légal. Monsieur a un terrain qui était à lui avant le mariage, au cours du mariage il décide d’établir une nouvelle construction sur ce terrain, sa femme finance alors elle construira sur le terrain d’autrui

Ex 2 : un couple marié en séparation de biens, madame obtient un terrain lors du mariage, son mari y effectuant une construction, construit sur le terrain d’autrui.

4e cas générique : un fonds appartenant à un couple et qui y vit dans un bâtiment avec enfants. L’un des enfants décide de construire un nouveau bâtiment sur ce fonds. Cas de construction sur terrain d’autrui. Le problème naîtra le jour où les rapports se détériorent.

5e cas : celui de l’acquéreur d’un fonds ou l’héritier, toutes personnes s’étant vu transférer un fonds et qui découvre bien après la date du transfert de la propriété de ce fonds que l’acte à l’origine de ce transfert est nul, pour une raison propre au droit des contrats. Il n’a jamais été propriétaire.

Il y a une condition négative pour conclure à la construction sur le terrain d’autrui, cela fait défaut dans chacun des cas, qu’il n’y ait pas de contrats organisant cette construction entre le propriétaire du fonds d’une part et le constructeur d’autre part.

Si un tel accord de volonté avec cet objet existait, il ne pourrait pas être question de construction sur le terrain d’autrui.

Lorsqu’en dehors de tous accords une personne établit un bâtiment nouveau sur un fonds qui ne lui appartient pas, l’enjeu n’étant pas l’expropriation (la perte partielle du terrain d’assiette), quel est l’enjeu?

Le risque qui se présente alors et auquel le droit est sensible, se trouve du côté du constructeur ou planteur exposé à avoir dépensé au profit d’autrui. En effet, en droit français, en vertu des articles 550 et suivants du Code civil et par ce qu’on appelle la règle de l’accession (accessoires suivent le principal), le propriétaire d’un fonds est présumé propriétaire de tout ce qui se rapporte à ce fonds et notamment les bâtiments et plantations qui y poussent. Par l’application de cette règle, on perçoit mieux le risque d’appauvrissement, celui qui dépense au profit d’un autre et sans l’avoir voulu est menacé d’être appauvrit à moins qu’il y ait un remboursement.

Le propriétaire du fonds d’assiette n’étant rien menacé de perdre partiellement sa propriété, car il est dans une situation, où il pourrait être enrichit.

Le seul enjeu se situe dans ce déséquilibre entre deux patrimoines

  • L’intérêt du propriétaire du fonds d’assiette : le principe faisant de lui l’unique propriétaire de ce fonds d’assiette ne pourra être remis en cause. La solution au problème isolé ne pourra passer par la perte de cette propriété.
  • L’intérêt du constructeur, étant appauvrit sans cause, le droit réagit à cela.

Ce sont les deux intérêts en présence.

Les différentes solutions aux différents problèmes : la seule condition pour qu’il y est construction sur le terrain d’autrui est une construction nouvelle en dehors de tout accord de sens ait été édifiée. Lorsque cette situation se présente, les deux intérêts antagonistes entre clairement en conflit, et le droit pour offrir une solution, impose plusieurs distinctions possibles. La deuxième condition à vérifier tient à la bonne ou la mauvaise foi du constructeur, purement juridique et ne tient pas de la morale.

Au sens de l’article 550 du code civil, est de bonne foi le constructeur qui, ignorait légitimement ne pas être propriétaire du fonds d’assiette. En d’autres termes et plus généralement, on en tire qu’est de bonne foi, la personne qui pouvait ignorer la réalité juridique de sa situation. A contrario, sera regardé comme de mauvaise foi, le constructeur qui savait on ne pouvait légitimement ignorer que le terrain d’assiette ne lui appartenait pas.

Pour les 2 premiers cas

Du seul fait : quand formant le bail ou le prêt, cette personne a nécessairement admis la propriété d’autrui. Elle sera de mauvaise foi en appliquant la définition ci-dessus, si elle venait à construire sur le terrain qu’elle sait ne pas lui appartenir.

3eme cas

A nouveau, sauf situation très particulière, la mauvaise foi du constructeur est peu douteuse, dès lors qu’à l’intérieur du couple il n’a jamais été douteux que le fonds appartenait qu’à un seul conjoint.

Seul peut amener régulièrement l’affirmation de la bonne foi du constructeur, le cas dans lequel, ce dernier pensait avoir valablement acquis le fonds et découvre ultérieurement, par effet d’une nullité ou d’une résolution, qu’il n’en a jamais été propriétaire juridiquement. L’ignorance et la connaissance du passé est la bonne définition de la bonne ou mauvaise fois en droit des biens.

Selon la qualification du constructeur, les règles qui en découlent sont différentes.

  1. Deux qualifications du constructeur : bonne ou mauvaise foi

Le constructeur de mauvaise foi :

1ere conséquence : le propriétaire du fonds ne peut pas être contraint par le constructeur à conserver le bâtiment nouveau, autrement dit, ce que le droit prévoit ici, est que si ce bâtiment nouveau qui n’a aucunement voulu ne convient pas à ce propriétaire, ce dernier pourra contraindre le constructeur à le détruire à ses frais.

Remarque 1 : si le propriétaire du fonds comme le droit le lui permet (art 555), demande la destruction du bâtiment nouveau, cette destruction aura lieu ce qui règle le conflit ou l’enjeu de départ, l’antagonisme d’intérêts en présence, car une fois la construction nouvelle disparut, le propriétaire du fonds ne sera jamais enrichit. Autrement dit la décision que peut prendre le propriétaire du fonds en présence du constructeur de mauvaise foi mais un terme au risque d’enrichissement de ce dernier au détriment du constructeur.

Remarque 2 : si le propriétaire qui décide de faire démolir, ne sera jamais enrichit de ce bâtiment, mais en revanche le constructeur lui va être doublement appauvrit (de la construction et de la démolition qu’il a du financer lui-même). Contre toute évidence, il revient plus cher de détruire que de construire (construction x 1,5). Quel enseignement le droit délivre? Le choix du droit s’adresse uniquement au constructeur de mauvaise foi.

2eme situation toujours relative au constructeur de mauvaise foi : mais qui correspond à la décision inverse du propriétaire, rien ne lui impose la destruction. Décidant de conserver le bâtiment nouveau, alors et alors seulement, il y a la réalité du risque d’enrichissement du propriétaire et d’appauvrissement du constructeur corrélatif. Alors interviennent des règles pour tenter d’équilibrer les patrimoines.

Lorsque le propriétaire décide de conserver le bâtiment et pour éviter l’appauvrissement du constructeur, le droit impose au propriétaire de rembourser ce dernier pour rétablir l’équilibre entre son patrimoine et celui du constructeur. Il n’a pas le choix.

Remarque :

– si le droit impose alors au propriétaire d’indemniser le constructeur moyennant une

somme d’argent, il laisse au propriétaire le choix entre 2 montants, ce choix est discrétionnaire. Le propriétaire peut choisir la plus faible de ces deux sommes suivantes, soit le montant des travaux (matériaux + main d’œuvre), soit la plus valu qu’il en résulte pour son fonds.

– Le but du droit est de trouver un équilibre mais certainement pas de replacer les deux

personnes à l’identique de la situation antérieure. On remarque qu’au terme de ce processus un certain appauvrissement du constructeur se justifiant par le fait que le propriétaire est tenu d’indemniser mais pas intégralement. Une manière de dissuader le constructeur.

– à quel moment le propriétaire qui opte pour la conservation du bâtiment nouveau, est-il en

droit considéré comme propriétaire de ce bâtiment? Deux possibilités :

  • Soit, quand il aura payé la somme choisie à sa charge (mauvaise solution), en fait, la solution de propriété du bâtiment nouveau au plus retardé n’est pas la bonne. En droit la construction nouvelle appartient au propriétaire du fonds au fur et à mesure de son édification, il en résulte que le paiement lié à la décision de conserver ce bâtiment est considéré comme une indemnisation car juridiquement il n’y a aucun transfert de propriété.
  • soit, dès la construction est bâti sur son terrain et au fur et à mesure

Constructeur de bonne foi :

Ignorant construire chez un autre que lui, il se pensait et pouvait se penser propriétaire du fonds.

Lorsque le constructeur est de bonne foi, le propriétaire ne peut pas lui imposer de détruire le bâtiment nouveau, cela ne signifie pas que le propriétaire ne puisse pas détruire ou modifier, mais que s’il veut détruire, se sera à ses frais. Manière de trouver un équilibre : aucun n’est enrichit au détriment de l’autre.

Le propriétaire qui, s’il voulait démolir, devrait le faire à ses frais, ne démolit pas, et décide de conserver le bâtiment. Il doit une somme et la plus faible : le cout de construction ou le plus valu du fonds.

Autrement dit, que le constructeur soit de bonne ou de mauvaise foi, il n’y a aucune différence de traitement lorsque le propriétaire décide de conserver le bâtiment nouveau, les règles sont exactement les mêmes, logique car bonne ou mauvaise foi du constructeur sont sans conséquence lorsque le propriétaire décide de conserver le bâtiment, l’enjeu est l’enrichissement sans cause du propriétaire.

CCL : résumons les causes, la bonne ou mauvaise foi n’a d’incidence que sur les frais de démolition du nouveau bâtiment et sur rien d’autre. Mauvaise fois : coût pour le constructeur, Bonne foi : coût pour le propriétaire. En revanche, bonne ou mauvaise fois, n’ont aucune incidence sur la conservation du bâtiment d’où le seul enjeu est l’enrichissement sans causes.