Partie 2 du cours de contentieux administratif
Le cours complet de contentieux administratif étant très long, il a été divisé en deux. vous consultez ici la deuxième partie.
- La première partie consacrée à l’introduction au contentieux administratif et la partie est disponible sur ce lien:
- La deuxième parti commence ici :
PARTIE II : LE PROCES
Le juge est là pour conduire le procès (administratif).
4 chapitres :
- Cours de contentieux administratif
- Définition et objet du Contentieux administratif
- L’arbitrage en droit administratif
- Histoire du Contentieux administratif
- Conseil d’État : Composition, compétence, fonctionnement
- Tribunal administratif et CAA : fonctionnement, compétence
- Les juridictions administratives spécialisées
— Théorie générale sur le recours contentieux
— Chronologie du procès (l’instance)
— La décision (chose jugée, exécution)
— Les voies de rétractation
CHAPITRE I : THEORIE GENERALE DES RECOURS CONTENTIEUX
Section 1ère : Les caractères généraux du recours contentieux
- 1er: Recours contentieux et recours administratif
C’est une des grandes particularités du contentieux administratif : les liens entre les deux forts. Le recours contentieux est contentieux parce qu’il est porté devant le juge administratif
Le recours administratif est administratif parce qu’il est porté devant l’administration active.
Mais pendant longtemps, ces deux recours étaient contentieux : le recours devant le ministre juge, longtemps juge administratif du droit commun, était-il un recours contentieux ou un recours administratif ? Pendant longtemps, le recours contentieux est né du recours administratif.
On l’a vu aussi : les délais sont parfois alignés (exemple : l’alignement du retrait sur le recours contentieux. Pendant longtemps, le retrait était possible tant que le recours contentieux était possible. Le détachement récent est peut être regrettable).
De ceci, on a gardé aujourd’hui l’alternative, toujours possible, entre le recours administratif et le recours contentieux.
- A) L’alternative recours administratif et recours contentieux
Le principe du droit français est qu’un requérant, quelque soit la nature de sa réclamation, a toujours le choix entre un recours administratif et un recours contentieux.
Cette solution n’est ni évidente, ni générale. En Allemagne, le principe est inverse (il faut faire un recours administratif avant de saisir le juge).
Recours administratif obligatoire
En France, il n’y a par exception au principe des hypothèses ou la loi impose un recours administratif avant le recours contentieux. (Article 13 de la loi de 1987). Ce recours obligatoire a plusieurs visées comme celle de désengorger le juge. Il y eut au moment de cette loi de 1987 un débat doctrinal sur la généralisation de ce recours obligatoire. Ce n’est pas la solution qui fut retenue, mais les exceptions ont été de plus en plus nombreuses.
Distinction entre l’alternative et la règle de la décision administrative préalable
— La règle de la décision administrative préalable tient au fait que le juge administratif n’est jamais directement saisi sur des faits : le juge administratif ne peut être saisi que d’une décision.
— Ou bien la décision existe : la règle est satisfaite d’elle-même (elle n’a pas de portée utile).
— Ou bien cette décision n’existe pas (responsabilité délictuelle). Il faudra donc, pour pouvoir saisir le juge, susciter de l’administration une décision ; et donc s’adresser d’abord à l’administration et lui demander réparation. Sur la base de cette décision, on pourra saisir le juge.
Effets de cette règle à valeur législative
Le recours administratif proroge le recours contentieux (il conserve le délai du recours contentieux)
Ce recours administratif prend deux formes : recours gracieux (devant l’auteur de l’acte) ou recours hiérarchique (devant son supérieur).
Conditions :
-> Vrai recours (pas demande d’explication), indiquant clairement l’acte contesté et quelle partie fait l’objet d’un REP.
-> Une seule prorogation de délais possible (si 2 RA pas de prolongation / Ex : recours gracieux, puis hiérarchique : le second, pas prorogation de délai.)
-> Le délai de recours contentieux, n’est conservé que pour l’auteur du recours (un tiers ne peut s’en prévaloir)
-> Ce délai n’est conservé que pour la réclamation : c’est-à-dire que pour la partie de l’acte contesté (mais les moyens peuvent être changés).
B)Principe de l’effet non suspensif du recours – règle fondamentale du droit public (CE, 2 juillet 1982, Huglo et autres)
Principe : Le recours devant jur° adm n’est pas suspensif. La décision administrative dont il est demandé l’annulation continue à s’appliquer après le dépôt de la requête et jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours.( (Cela s’explique par la volonté de prévenir un risque de trop large paralysie de l’action publique qui se traduirait par des recours exercés contre des décisions régulières dont la seule fin serait d’empêcher leur exécution)
Exception : Toutefois il peut-être ordonné, à titre exceptionnel, et à la requête expresse du demandeur, le sursis à exécution de la décision administrative contestée. Cette mesure a le caractère provisoire. Une fois prononcé le sursis à exécution d’une décision, l’administration a l’obligation de ne pas exécuter cette décision et ce, jusqu’à ce que la demande soit jugée au fond.
Conditions de la suspension (très limitatives) : suspicion d’illégalité de l’acte, l’exécution de l’acte doit entrainer un préjudice irréparable (interprété restrictivement)
Effets : le sursis est très rarement décidé ; il conduit généralement à statuer plus vite sur le fond.
Nouveaux textes : suspension modifiée : le sursis n’est plus prescrit à titre exceptionnel, accordé plus facilement que l’ancien sursis (en effet maintenant action est recevable contre les règlements)
Ces décisions concernent exclusivement des actes administratifs individuels.
- 2 : caractères généraux de la procédure administrative contentieuse:
La procédure administrative contentieuse, du domaine réglementaire, à la différence de la procédure civile, est organisée différemment. Dans cette organisation, il y a les traces de l’histoire : les traces d’une procédure administrative.
- A) Procédure essentiellement écrite
Elle était beaucoup moins chère que la procédure du parlement (représentation des parties, avocats…) Ces derniers ont vu la procédure écrite d’un mauvais œil.
Mais c’est « essentiellement ». Ca ne l’est donc pas totalement.
Il y a des éléments d’oralité dans la procédure administrative :
— Les témoins peuvent être interrogés.
— Les parties peuvent intervenir, et les avocats peuvent intervenir oralement
— Les conclusions du commissaire au Gouvernement sont lues (même si elles sont écrites)
Éléments d’oralité
– témoins
– parties pouvant être interrogées.
– leurs avocats peuvent intervenir oralement
– les conclusions du commissaire au gouvernement sont lues.
Conséquences de cette procédure essentiellement écrite
– L’instruction doit contenir l’expression écrite des parties, leurs conclusions et leurs moyens.
– Les conclusions présentées oralement par les parties ou leurs avocats, doivent être confirmées par un écrit sinon la juridiction administrative considère qu’elle n’en est pas saisit.
– Les parties ne sont entendues que si la juridiction l’y autorise.
– pas des plaidoiries mais de brèves observations.
– les observations orales ne sont pas visées par le jugement.
– le CE : pas tenu de convoquer les parties à l’audience .
Nuance : dans les procédures d’urgence la place de l’oralité est plus importante.
- B) Le caractère inquisitoire de la procédure administrative contentieuse
Le juge administratif dirige l’instruction. Il la dirige seul (CAA Paris, Société BOUYGUES et autres, n° 99PA01016).
Ce pouvoir se manifeste dans trois types d’actions :
- Il fixe des délais impartis aux parties pour qu’elles produisent leurs mémoires en défense ou en réplique ainsi qu’il vient d’être dit.
- Il invite les parties à fournir des documents ou des pièces qui lui paraissent nécessaires pour qu’il se détermine et qu’elles n’auraient pas spontanément joints à leurs mémoires.
- Il fixe la date d’audience lorsque la décision juridictionnelle doit être prise après qu’une audience publique ait été tenue.
Évolutions
- au civil : Le juge prend largement en main la procédure.
- administration contentieuse : Introduction progressive d’éléments accusatoires en 1979, CJA, R411-7 en matière de droit de l’urbanisme où parfois le bénéficiaire de l’action contestée n’est pas le défenseur. (ex : Permis de construire, un voisin attaque l’État).
Le requérant (individu lambda, préfet…), à peine d’irrecevabilité de sa requête, doit notifier son recours au bénéficiaire. Même chose pour le recours adm, il faut appliquer R114-7 sous peine d’irrecevabilité (du fait du rapprochement entre le recours administratif et contentieux.)
=> pas encore de généralisation de cette notification, uniquement pour le contentieux de l’urbanisme.
- Une procédure contradictoire
Le principe du contradictoire est affirmé par l’article L.5 cja
Le juge administratif l’a érigé au rang de principe général du droit. Voir par exemple, pour citer un arrêt récent :
– C.E. 18 février 2004, Ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, n°250707
L’instruction d’une affaire est, d’abord, l’organisation d’un dialogue entre les parties. La requête introductive d’instance est, par les soins du greffe, communiquée à l’administration chargée de la défense. Il lui est imparti un délai, en général deux mois; pour produire un mémoire en défense. Celui-ci, une fois reçu par le greffe, est communiqué au requérant qui va pouvoir produire un mémoire en réplique. Si ce mémoire contient des éléments nouveaux il sera transmis à la partie défenderesse qui pourra répliquer; ainsi de suite tant que le juge estime que le débat n’est pas épuisé. Dés que le juge estime que le débat est épuisé, il interrompt la circulation des mémoires : l’affaire est dite en état d’être jugée.
Le juge ne se prononcera pas sur un moyen, sur un argument, sur un document sans que chaque partie ait pris connaissance de cet élément; que chaque partie ait connaissance de sa présence dans le dossier du tribunal; que chaque partie ait eu le temps de disputer sur cet élément. Lorsque le juge se propose de s’emparer d’office d’un moyen d’ordre public il en prévient lui même les parties et les invite à réagir sur ce moyen d’ordre public.
Section 2 : La prohibition de l’injonction (ordre du juge adressé à une partie au procès, faire ou de s’abstenir de faire quelque chose)
- 1 : Critique de cette prohibition
Repose sur le principe de séparation juridictionnelle et administrative (= il n’appartient pas au juge d’adresser des injonctions à l’administration, ni de faire acte d’administration active)
=> interdiction fondée sur aucun texte, car fondée sur doctrine (= le JA n’exerce pas l’imperium)
- Sur le plan organique
On a permis au juge d’imposer une injonction et une astreinte, par une construction jurisprudentielle dont le fondement était fortement teinté de politique. (=> La ferrière : cette prohibition n’était pas, par nature, étrangère au juge administratif, cette construction était nécessaire.)
- Le CE a permis l’utilisation de l’imperium: CE ; 10/05/1974 : la faculté du juge d’imposer une injonction et une astreinte pour l’exécution des mesures d’instruction, s’applique uniquement pour les décisions de fond, faculté reconnue au juge en vertu d’un principe général du droit.
- introduction de nombreuses AAI dotées du pouvoir d’injonction envers l’administration. C’est donc contradictoire de reconnaitre à l’administration ce pouvoir, et non au juge.
- Le juge judiciaire ne s’est jamais gêné pour en adresser à l’administration.
Ex : voie de fait, le juge judiciaire, compétent même pour réparer (injonction à l’administration).
=> Peu de cohérence : c’est une construction historico-politique.
- Sur le plan pratique (isolement du système français)
- La France isolée dans cette autolimitation du JA : juge anglais a toujours eu un pouvoir d’injonction contre l’administration, sauf contre la couronne ; juge allemand admet l’injonction générale à l’administration.
- Isolée aussi avec au moment de la CESDH dans les 80’s
- évolution du droit communautaire en 1990 : le juge national exerce des pouvoirs d’injonction, auprès de l’administration, chaque fois du moins qu’on applique le droit communautaire.
- On comprend de moins en moins cette interdiction, surtout avec l’influence du droit communautaire : peu cohérent de limiter le juge administratif. D’où évolution.
- 2 : La pratique de l’injonction
La pratique de l’injonction est un acte d’administration active.
- A) Vocabulaire
L’histoire de l’injonction s’est développée de façon un peu curieuse. En réalité, plusieurs situations sont envisageables :
— 1/ L’injonction proprement dite : c’est un ordre fait à l’administration de faire quelque chose (accomplir un acte, produire un document, avoir un comportement…)
— 2/ Il y a ensuite l’astreinte. C’est la sanction d’une injonction. L’astreinte n’est pas en soit un ordre, mais une sentence qui s’exécute si l’ordre n’est pas exécuté. (Peine procédurale).
— 3/ l’acte d’administration active : le juge reprend la plume à l’administration et le reprend à sa place.
— 4/ L’acte en déclaration de droit qui consiste non pas à prendre l’acte lui-même mais de terminer la déclaration de compétence liée pour autorité administrative.
- B) Les injonctions
L’injonction, sous ses différentes formes, a été et est pratiquée depuis longtemps.
— 1/ Les injonctions de procédure
Ce sont des ordres formulés par le juge en cours de procédure (de litige) en direction de l’administration pour demander la communication de pièces, la comparution d’une personne… Il s’agit d’injonction d’ordre à l’administration. Ces injonctions ont toujours existé.
Ces injonctions sont sanctionnées. Non pas par une astreinte, mais sur le terrain de la preuve : si l’administration ne défère pas à l’injonction, la sanction est réputée acquise. La sanction est donc un renversement de la charge de la preuve. Ces injonctions de procédure ont pris une importance particulière dès lors que s’est développée l’injonction de référée.
En matière de référé : il faut aller vite. Dans le cadre de cette procédure accélérée, le juge demandera souvent à l’administration de présenter des documents.
— 2/ Le sursis à exécution (suspension depuis loi de juillet 2000).
Cela correspond au renversement non suspensif du recours. CE sursis correspond à un ordre à l’administration de ne plus appliquer l’acte en question : suspendre son exécution. C’est donc un ordre ; une injonction de procédure.
Pour autant, l’acte n’est pas plus illégal qu’il ne l’était antérieurement. Ces procédure de sursis devenues suspension sont devenues nombreuses.
— 3/ Injonction pour assurer les mesures d’exécution. (Loi du 16 juillet 1980).
Il fut créé une procédure d’exécution qui, à l’époque, était remise exclusivement au Conseil d’Etat. Par la suite (clairement depuis le Code de justice administrative), les tribunaux administratifs et Cour Administrative d’Appel ont les mêmes compétences pour l’exécution de leurs décisions.
Il peut s’agir de demande d’information sur une exécution d’une décision. Mais il peut ensuite être ordonné l’exécution d’un jugement. Le pouvoir d’astreinte a aussi été rendu. Le juge a récupéré ce pouvoir. Mais ce n’est que si l’administration n’exécute pas que le jugement est complété par la procédure d’injonction à exécution.
- C) L’acte d’administration active
Ce sont les hypothèses où le juge surmonte son interdiction de faire des actes d’administration active, sur la base de textes particuliers. L’interdiction s’est déduite de ces autorisations ! Cette interdiction est même en contradiction avec l’essence du juge (puisque l’imperium est normalement la base même de son pouvoir).
Ces textes sont nombreux, ils ont été en se multipliant.
— 1/ Loi de 1917, sur les établissements dangereux, incommodes ou insalubres. Loi modifiée par la loi de 1976 sur les établissements classés pour la protection de l’environnement.
Pour le contentieux de ces établissements classés, la loi de 1917 met en place un système original : les uns sont soumis à autorisation administrative préalable (les plus dangereux) ; les autres sont soumis à un régime de déclaration. L’autorisation appartient au préfet. L’autorisation peut comporter des prescriptions spéciales sur les conditions d’exploitation. C’est une réalité assez complexe qui encadre l’administration.
Les recours : la loi de 1917 et celle de 1976 ont classé ce recours dans le registre du plein contentieux : le juge a le pouvoir d’annulation et il a aussi le pouvoir de réformer l’acte, de le corriger, de le compléter. Le juge fait acte d’administration.
— 2/ La loi de 1980 pour les immeubles menacés de ruine
Le maire peut ordonner d’office des travaux aux propriétaires si l’immeuble constitue un danger pour le public. Le maire agit par voie d’arrêté. Le juge administratif, en cas de recours, peut également refaire l’arrêté, le corriger, le compléter ou l’annuler en tout ou partie.
— 3/ Le contentieux électoral (élections locales, ordinales…)
Le juge a des pouvoirs considérables. Il est une sorte d’instance ayant la capacité de se substituer au bureau de vote pour proclamer les résultats. Ses pouvoirs sont étendus : il peut réformer les décisions de l’organe de recensement (qui a recensé la participation au vote), il a un plein pouvoir sur le mécanisme électoral qui l’amène à se substituer à l’autorité administrative (le bureau de vote) pour proclamer les résultats.
— C’est ici un contentieux réaliste. Les irrégularités commises dans le scrutin, la campagne, la propagande et les opérations électorales, sont prises en compte que si elles sont susceptibles d’avoir eu une influence sur le résultat du scrutin. (Attention : on peut sanctionner autrement, pénalement ou civilement… Mais sur le terrain du droit électoral, le juge administratif est réaliste : peu importe l’illégalité, dès lors que le résultat est tel que cela n’aurait pas changé l’issu du scrutin, on doit conserver le résultat).
— 4/ Le contentieux fiscal
Le juge administratif peut modifier les évaluations faites par l’administration fiscale : il peut diminuer ou augmenter l’imposition ; il peut prononcer la décharge des droits auquel le contribuable était assujetti par l’administration.
— Dans toutes ces hypothèse, il y a pratique d’acte administratif. Il y a des textes.
— Mais dans le contentieux fiscal, le juge s’est donné de lui-même ce pouvoir.
— Dans le contentieux électoral, le juge a élargi le porté des textes.
- D) Systématisation dans le CJA (Code de justice administrative)
Loi du 8 février 1995 : trois articles rangés sous le titre « exécution des décisions » (du juge administratif). Cette loi consacre et généralise les actes d’injonction et les actes d’administration active.
— 1/ L’article L911-1 : lorsqu’une décision de justice implique nécessairement que des mesures d’exécution soient prises par l’administration, et si le juge est saisi de conclusions en ce sens par le requérant, il peut prescrire à l’administration de prendre la mesure dans un délai fixé l’injonction.
— Désormais, l’injonction peut se prendre dès la décision.
— 2/ L’article L911-2. Concerne ici l’hypothèse dans laquelle la décision annulée est une décision de refus. L’annulation d’un refus crée une situation dans laquelle l’acte de refus annulé ne donne aucune décision positive. Le juge, saisi de conclusions en ce sens, pourra prescrire à l’administration de prendre une autorisation positive dans un délai déterminé.
— Injonction sur un acte prescrit (initialement refusé).
— 3/ L’article L911-3. Cet article complète les deux premiers en indiquant que le juge peut assortir l’injonction de 911-1 et de 911-2 d’une astreinte dont elle fixe l’effet. Ce n’est pas automatique (comme les antibiotiques).
Nous sommes ici dans un dispositif complet du droit commun : il touche tous les contentieux. Il ne remet toutefois pas en cause l’utilité des règles particulières vues ci-dessus qui vont plus loin.
— Le juge a retrouvé son imperium (pouvoir de commandement). Ceci en fait de plus en plus un vrai juge, au regard de la CEDH, mais aussi au regard de la CJCE.
- 3 : Limites et survie de l’injonction
Elle doit être demandée et même si c’est le cas le juge prendra ces mesures si les textes nécessitent qu’ils les prennent. Il n’y a pas une suite logique de toute annulation suivie de l’injonction.
(Arrêt Migot, 14 mars 2003. M. Migot attaque l’abandon du mécanisme de le TIPP flottante. Migot est député. Il n’attaque pas en tant que député mais en tant qu’utilisateur de voiture. Il demande l’annulation de cette « non décision » de faire flotter la TIPP et il demande l’injonction de rétablir rétroactivement cette TIPP et en tirer les conséquences financière. Double conclusion : annulation et injonction sur la base de 911-1. Le Conseil d’Etat accueille les prétentions de MIGOT : injonction est faite à l’Etat, dans un délai de deux mois, de prendre les arrêtés rétroactifs, pour la période intermédiaire, et sur la base de ces arrêtés, de rembourser aux contribuables le trop perçu du fait du non flottement de la TIPP).
Sur le plan théorique, faut-il apprécier de la même façon l’intérêt à agir pour demander l’injonction et l’injonction elle-même ? En tout état de cause, l’intérêt à agir était en l’espèce demandé par M. Migot, député. Son préjudice n’est ni direct, ni important.
Autre piste dans le pouvoir d’injonction : distinguer le contentieux des actes individuels du contentieux des actes réglementaires :
— Dans le contentieux des actes individuels, l’acte concerne une personne seule qui se bat contre l’administration.
— Dans l’acte réglementaire, l’intérêt à agir est facile à obtenir. Mais l’intérêt d’obtenir une mesure d’annulation qui concernerait tout le monde semble large. Cette piste était fermée car le Conseil d’Etat, antérieurement à l’arrêt MIGOT avait admis le contentieux de l’injonction sur la base d’acte réglementaire.
— La division ne peut pas passer par là.
Toutefois, la jurisprudence Migot doit être rejetée. Il doit y avoir une appréciation différente, distinguée de la pure théorie de l’intérêt à agir.
Section 3 : Unité ou diversité des contentieux
(Typologie des contentieux).
- 1 : Présentation classique
Les actions contentieuses sont apparues historiquement à des moments différents. Elles relèvent de régimes différents. Ces actions, au départ, étaient des autorisations données par le prêteur de porter l’affaire devant le juge selon une action donnée au requérant.
La comparaison a ses limites, mais c’est vrai que les actions, le recours, sont apparus à des époques historiquement différentes. Il n’y a pas encore d’unité et il est aussi vrai que ces différents recours relèvent de régimes procéduraux différents.
Laférieire, dans un traité de 1896, classe les recours administratifs en fonction des pouvoirs reconnus au juge. Il distingue quatre hypothèses :
— 1/ Les pouvoirs du juge sont des pouvoirs de pleine juridiction : pouvoir d’exercer un arbitrage sur tous les éléments du litige, et de fait et de droit. Un juge de cassation n’est jamais un juge de pleine juridiction.
— 2/ Le juge a des pouvoirs d’annulation. Laférieire précise : « limité au droit d’annuler les actes entaché d’illégalité ». Les pouvoir sont exclusivement un pouvoir de légalité (de droit) et ils ne débouchent que sur l’annulation ou le retrait (le juge ne peut pas allouer une indemnité).
— 3/ Le juge a des pouvoirs d’interprétation : cela consiste à déterminer le sens et la portée d’un acte administratif, ou à apprécier sa légalité, sans faire l’application de l’acte aux parties intéressées. Ces pouvoirs sont exercés sur renvoi du juge judiciaire.
— 4/ Le juge a des pouvoirs de répression. Le juge administratif est, sur une petite échelle, un juge pénal : il réprime des infractions commises aux lois et règlement qui régissent le domaine public (contraventions de grande voirie).
Duguit, en 1928, présenta une seconde qualification. Il utilise non plus les pouvoirs du juge, mais la question posée aux juges. Duguit est plus fidèle à la démarche du droit romain. Cela conduit Duguit à opposer la juridiction subjective et la juridiction objective.
— 1/ La juridiction subjective : elle apparaît toute les fois que le juge est appelé à résoudre une question de droit subjectif. Cela va se rencontrer essentiellement dans deux domaines :
— Les contrats ; les droits et obligations de chaque partie confrontés à ceux des autres
— Le droit délictuel et quasi-délictuel, en réparation d’un dommage causé sur une personne.
— 2/ Le droit objectif : on ne se bat pas ici contre l’administration, ni contre une autre personne. On se bat ici contre un acte de l’administration. Il fut soutenu pendant longtemps que dans le Recours en Excès de Pouvoir il n’y avait pas de partie. Le bénéficiaire d’un acte individuel n’est pas parti au litige. Mais Duguit ne limite pas ce droit objectif au REP. Il y inclut le contentieux de l’annulation (demande d’annuler un acte, de le faire disparaître rétroactivement… Mais il inclut aussi les modifications de l’objet (le contentieux de réformation). Il y inclut même des éléments de réparation, dès lors que c’est bien un acte administratif et qu’il s’agit de réparer les effets qu’il a pu produire.
Il n’y a pas incohérence dans cette démarche. Duguit laissa de côté le contentieux de répression.
Observations :
— 1/ Spécificité du débat : il est franco-français, administrativo-franco-français.
— 2/ Ce débat apparaît du jour ou le Recours en Excès de Pouvoir affirme son autonomie. Il affirme son autonomie alors que, au départ, il est mal distingué du recours en cassation et de l’appel administratif proprement dit. Le Recours en Excès de Pouvoir est paradoxal : c’est un instrument de libéralisme juridique. Cela apparaît sous le 2nd empire. Or, le recours pour l’excès de pouvoir, est toutefois peu agressif (pas de procédé d’urgence, pas d’indemnités…). Peu agressif mais dont les conséquences morales sont fortes. Ce recours est d’utilité envers l’administration pour l’avenir, plus que contre le justiciable. Le Recours en Excès de Pouvoir est largement ouvert et il acquiert une autonomie avec l’idée qu’il est très largement ouvert et peu formaliste (absence du ministère d’avocats).
— 3/ Dès le second empire, cette classification se brouille car le législateur en rien lié aménage sous la troisième république une classification qui loge le contentieux objectif dans le plein contentieux. Il recherche une organisation particulière du contentieux. Les frontières éclatent car il s’agit d’un contentieux de l’annulation et on trouve un contentieux hétérogène : il n’y a plus d’unité comme avec Laférieire
— 4/ Le droit communautaire peut ne pas s’accommoder du contentieux de l’annulation pur et dur, au nom de l’exigence d’effectivité des droits contentieux.
- 2 : La jurisprudence Lafarge
— Il s’agissait d’un recours tel que le Conseil d’Etat les aime bien. Cela ressemble à une requête administrative, sans qu’on sache vraiment ce que veut le requérant. Ce dernier avait été privé d’un certain nombre d’avantage qu’il estimait lui être du en raison de sa qualité d’officier ; et qu’il en avait été privé par « les règlements en vigueurs ». Il débarque tout gringalet et dit « je ne suis pas content ». Le Conseil d’Etat est très content : il peut faire ce qu’il veut de cette déclaration. Le Conseil d’Etat considère qu’il y a Recours en Excès de Pouvoir et que le justiciable demande annulation des règlements illégaux.
Le Conseil d’Etat se trouvait en présence d’une autre jurisprudence : celle selon laquelle les réclamations pécuniaires relèvent non pas du Recours en Excès de Pouvoir mais du plein contentieux. Sur le fond, le justiciable réclamait une compensation pécuniaire. La conclusion du commissaire au Gouvernement (PICHAT) est grande et met en valeur toute la question qui se pose sur la nature de la procédure (plein contentieux ou REP).
Le Conseil d’Etat retient que c’est un REP, alors même qu’il s’agit d’un recours en réclamation pécuniaire. Le Recours en Excès de Pouvoir présent l’avantage d’être moins formaliste et plus rapide. Mais le justiciable aurait aussi pu agir par la voie du plein contentieux.
— Par la suite, le Conseil d’Etat verrouillera la situation en fermant cette option : il faut agir par la voie du Recours en Excès de Pouvoir puis, en exécution de l’annulation, demander l’allocation d’une indemnité. Mais cette jurisprudence eut une prospérité dans le domaine de la fonction publique, mais aussi en dehors dans le domaine du contentieux des Etats exécutoires.
La jurisprudence Lafarge a perdu de son intérêt aujourd’hui.
- 3 : La revanche du plein contentieux
- A) Le contentieux noble est le contentieux de l’excès de pouvoir
Découvert et ciselé par le Conseil d’Etat, comportant une filiation assez proche par rapport au recours administratif. Il a été l’outil de fabrication du droit administratif.
La noblesse du Recours en Excès de Pouvoir explique son importance particulière :
— C’est le contentieux du Conseil d’Etat.
— Ce n’est qu’en 1953, quand les conseils de préfecture deviennent Tribunal Administratif qu’ils vont avoir un contentieux de pouvoir : mais cela laisse subsister le contentieux d’excès de pouvoir important entre les mains du Conseil d’Etat.
— Lors de la réforme de 1987 et de la création des Cours Administratives d’Appel, il leur fut confié le plein contentieux, mais celui de l’excès de pouvoir se fit avec précaution.
— Le conseil constitutionnel, dans sa décision de 1987, a désigne la contentieux de la légalité comme réservé par la constitution au juge administratif (par un PFRLR). Le Recours en Excès de Pouvoir a un statut constitutionnel spécifique.
- B) Evolution du plein contentieux : enrichissement progressif.
— 1/ Supériorité quantitative du REP.
Le plein contentieux s’est enrichi des actes de certaines AAI. On a voulu que ces autorités administratives indépendantes, dans l’exercice de leurs pouvoirs (de sanction ou autres), parce qu’elles étaient indépendantes, fassent l’objet d’un contentieux plus poussé que le contentieux d’excès de pouvoir. On a compris cela comme une exigence dans certaines décisions de la CEDH.
— 2/ Supériorité technique du REP
Ce plein contentieux manifeste aussi une supériorité technique par rapport au REP. Le rejet ne signifie pas nécessairement que l’acte est légal.
17/11/2006
Inversement, l’annulation, dans le cadre du REP, ne signifie pas que l’administration pourra reprendre l’acte légalement. Enfin, l’appréciation de la légalité de l’acte se fait au moment ou l’acte est pris, et non pas au moment où le juge statut.
Autrement dit, le Recours en Excès de Pouvoir est un diagnostic approximatif de la légalité de l’acte. Il laisse passer des actes illégaux parce que mal critiqués et annule des actes possiblement légaux, mais qui simplement résultent d’une procédure irrégulière. Cela donne au Recours en Excès de Pouvoir un caractère approximatif comme outil juridictionnel. Le requérant peut être insatisfait de cette procédure. L’information donnée par le Recours en Excès de Pouvoir est une information incomplète. Cela explique pourquoi les problèmes liés à l’exécution du juge administratif sont liés à cette approximation.
Le plein contentieux, sur le plan technique
Son évolution fait désormais apparaître une supériorité :
— Le juge se prononce directement sur la demande des parties
— Il peut réformer et compléter l’acte, ou même substituer un acte nouveau à l’acte qu’il estime illégal. (Exemple en matière fiscal : il substitue sa propre évaluation sans annuler l’acte).
— Les délais sont moins sévères. Le délai général est celui de la prescription quadriennale (donc quinquennale). Les délais sont tous plus long que le REP.
— Supériorité encore parce que le juge statut dans l’actualité : il tient compte des éléments de faits et de droits au jour de sa décision (exemple : arrêt BRUTUS, 1993. Le Conseil d’Etat décide que si des circonstances nouvelles sont révélées entre l’audience et le jour du jugement, il doit en tenir compte.
— Par contre, le plein contentieux est en principe soumis au ministère d’avocat (plus formaliste et plus couteux. Mais l’amplification du plein contentieux a réduit le champ du ministère d’avocat obligatoire.
Conclusion :
— Aujourd’hui, la classification du contentieux apparaît comme un peu dépassé (cf. : article de Michel Bernard). Il ne faut pas croire que le Recours en Excès de Pouvoir soit frappé à mort. Mais il apparaît qu’on peut, sans inconvénient et avec même quelques avantages loger dans le plein contentieux des contentieux de même nature que le Recours en Excès de Pouvoir (procès faits à un acte).
Le Recours en Excès de Pouvoir va rester sans doute et pour longtemps disponible pour la défense des libertés : pour l’administration classique. Mais on peut penser que dans le domaine de l’administration économique ou technique, sur le modèle de ce qui s’est passé avec la loi de 2006, on ira de plus en plus vers un plein contentieux objectif : vers les pouvoirs de pleine juridiction du juge administratif.
Ceci d’autant plus que : quand on regarde l’autre branche de la juridiction : le juge de l’excès de pouvoir n’est plus seulement juge de l’excès de pouvoir. Il a reçu des pouvoirs d’injonction. Quand il enjoint à la suite de l’annulation, il passe sur le plein contentieux.
CHAPITRE II : L’INSTANCE
L’instance commence par un recours : c’est l’introduction de l’instance (Section 1ère). Vient ensuite l’instruction (section 2).
Section 1ère : l’introduction de l’instance
— Le recours. C’est le premier acte de procédure qui porte un litige en premier ressort devant un juge pour obtenir une décision dont les termes sont exposés dans ce recours. Chaque mot a son importance. Un acte de procédure est un acte juridique, soumis à un régime juridique.
Cet acte est un acte qui s’adresse à un juge. Deux observations : on s’adresse à un juge et non pas à un administrateur : on demande au juge de déclencher ses pouvoirs d’inquisition et de juridiction pour demander satisfaction.
Cet acte vise à obtenir une décision, qui aura autorité de choses jugée, présentant certaines caractéristiques distinctes du procès judiciaire.
La décision est une décision dont les termes sont précisés dans le recours : le juge n’est saisi que de ce dont on le saisi. C’est l’interdiction pour le juge de statuer ultrapétita : l’office du juge est borné à la demande des parties.
Cette définition montre bien ce qu’est le recours initial, qui se distingue des voies de recours : l’appel, la cassation…
Recevabilité du recours
Pour que le juge ouvre le dossier, l’acte est soumis à un régime juridique : celui de sa recevabilité. La recevabilité est le régime qui permettra d’ouvrir le recours proprement dit.
4 conditions :
— Conditions d’objet
— Conditions de qualité du requérant
— Conditions tenant à l’acte attaqué
— Conditions tenant à la présentation du recours et de délai.
- 1er : Le caractère d’ordre public des règles de recevabilité
- A) Le principe
Principe : les règles de recevabilités sont d’ordre public.
— Elles constituent donc un moyen d’office pour le juge.
— Les parties peuvent l’invoquer et le juge le relever à tout moment de l’instance.
— Le juge a l’obligation d’office d’examiner la recevabilité du recours
— Lorsque l’irrecevabilité est observée, le juge parlera de « fin de non recevoir ».
Il y a une jurisprudence constante, abondante.
On se souviendra que le juge matériellement incompétent, peut relever l’irrecevabilité manifeste.
Dans un certain nombre d’hypothèse, le requérant, qui s’expose à une fin de non recevoir, va se voir accorder un délai pour régulariser son recours, pour compléter la formalité, et, dont son recours sera recevable. Ca ne veut pas dire qu’on écarte le caractère d’ordre public. On opposera l’irrecevabilité. C’est un moyen d’ordre public. Pour certaines irrecevabilités, le juge va aider le requérant.
- B) Les aménagements
Il y a toutefois des irrégularités dont la nature même s’oppose à toute régularisation (exemple du délai. Aucune régularisation possible. Hypothèses aussi dans lesquelles la saisine du juge est conditionnée à un recours administratif obligatoire. Si ce recours n’a pas eu lieu, on ne peut pas le ressusciter). Les régularisations ne couvrent pas toutes les irrégularités.
Certaines régularisations sont limitées dans le temps, au délai de recours. Ce qui veut dire par exemple que si un requérant a saisi d’un recours non motivé (non recevable) mais qu’il apporte sa motivation dans le délai du recours contentieux, sa demande sera recevable. S’il l’apporte après le délai, ça sera trop tard. Cette possibilité de régularisation est utile car souvent le recours premier n’est pas motivé et ne parvient qu’ensuite.
C’est la même chose pour des recours qui ne satisfont pas au critère de la langue. Les recours introduit en breton deviendront recevable si une traduction est apportée dans le délai du recours.
Il se peut aussi que le requérant oublie de signer son recours : il régularisera en signant les réclamations obligatoires. De même que la constitution de l’avocat en cours de procédure rend le recours recevable. De même que le mandat produit en cours d’instance rendra le recours recevable. On va plus loin encore : il a été jugé que le recours formé par quelqu’un n’ayant pas la capacité d’ester en justice : son recours est irrecevable. Le temps de l’instruction dure et il devient majeur : le recours devient recevable) à Les conditions de recevabilité ne s’analysent pas toujours au moment où est formé le recours.
La jurisprudence a été plus loin : le juge a été impliqué dans la régularisation :
— 1/ Elle a dit que le juge, au nom de la procédure inquisitoire, avait toujours la faculté de signaler les difficultés au requérant pour lui permettre de régulariser.
— 2/ Elle a jugé que pour certaines régularisations, le juge avait l’obligation d’aider le requérant à régulariser. Et si le juge ne le fait pas, dans les cas où il est tenu de le faire, il ne peut plus soulever cette recevabilité.
— Au début, cela ne concernait que des hypothèses ou des textes spéciaux.
— A partir de 1959, le Conseil d’Etat a créé une extension de ces textes qui couvrent un assez grand nombre d’hypothèses : des hypothèses où le juge est obligé d’informer de l’irrecevabilité du recours (absence de signature du recours, requête non rédigée en langue française, requête qui ne comprend pas l’exposé des faits et des moyens, requête qui ne comprend pas les actes attaqués)…
- 2 : Conditions tenant à l’objet de la demande
(Ou l’impossibilité pour l’administration de demander au juge des mesures qu’elle peut prendre elle-même).
Nous sommes ici en présence d’une irrecevabilité qui concerne des hypothèses où l’administration est demandeur. (Lorsqu’elle agit par voie reconventionnelle). Ce n’est pas l’hypothèse la plus fréquente. Dans cette hypothèse, l’administration est irrecevable à demander au juge de prendre des mesures qu’elle pourrait prendre elle-même (privilège du préalable) : elle peut – sinon se faire justice elle-même – arriver au même résultat sans passer par le juge (Arrêt Préfet de l’Eure, 30 mai 1913, qui considère en terme de recevabilité que l’administration ne peut jamais aller trouver le juge pour prendre des mesures qu’elle peut prendre elle-même.
Conséquence :
Le recours en annulation d’une administration par une autre administration ne peut avoir lieu, si l’administration qui demande l’annulation a dans ses pouvoirs propres la capacité d’annuler (exemple du pouvoir hiérarchique).
De la même façon : irrecevabilité des demandes pécuniaires si l’administration peut se rendre créancière. Si elle peut émettre un titre exécutoire (titre comportant un montant, une créance, dont elle rend quelqu’un désigner dans l’acte débiteur) : elle ne peut pas aller devant le juge pour faire condamner la personne à payer cette somme.
La jurisprudence préfet de l’Eure est générale, couvre l’ensemble des contentieux, est une conséquence de la séparation et du juge, apparaît comme une économie de moyen mais est un peu gênante dans certaines hypothèses où on aurait besoin de la garantie du juge…
RATTRAPER LE COURS
- A) Le principe
— 1/ Recours en annulation
— 2/ Recours pour une condamnation pécuniaire
— 3/ Recours pour condamner à faire
- B) Aménagement
— 1/ Pour les établissements publics
— Pouvant agir par voie d’état exécutoire
— Ne pouvant pas agir par voie d’état exécutoire
— 2/ Dans le contentieux contractuel
— 3/ Dans les cas où l’administration dispose de l’exécution forcée
- 3 : Conditions tenant à la personne du requérant
- A) La capacité
Le recours contentieux devant le juge administratif ne peut être introduit que par une personne ayant une capacité d’ester en justice ce qui exclu donc les mineurs et les incapables majeurs qui doivent se faire représenter
- B) L’intérêt à agir
— Un intérêt direct : c’est-à-dire que le lien entre la personne et le litige doit être suffisamment direct. Cet intérêt direct est facile à vérifier dans le contentieux du droit subjectif. Ce lien direct s’établit car c’est un droit subjectif qui est affecté. En revanche, en matière d’excès de pouvoir l’acte n’affecte pas directement les droits subjectifs. L’intérêt direct sera analysé de manière plus souple : le juge met en place une stratégie jurisprudentielle en admettant de manière plus ou moins direct l’intérêt à agir.
— L’intérêt doit être lésé de manière plus ou moins certaine. Ainsi, une personne qui a 40 ans d’âge et 15 ans d’ancienneté dans la fonction publique, ne sera pas recevable simplement parce qu’elle remplit les conditions de contester la nomination d’autres personnes à la cour des comptes. (16 janvier 1944). En revanche, la jurisprudence admet que les agents appartenant à un corps de la fonction publique soit recevables à attaquer des nominations, même à des postes dont ils ne peuvent prétendre à l’accès. Le seul fait de l’appartenance au même corps suffit.
— Il y a tout un arsenal autour de la notion d’intérêt à agir qui met en évidence un certain arbitraire du juge. Cet arbitraire est corrigé par ce qu’on appelle les « blocs d’intérêt à agir ».
- Les blocs d’intérêt à agir
Il existe une jurisprudence de principe qui tire du rapport entre la situation du requérant et l’acte attaqué la conséquence objective de l’intérêt à agir. La jurisprudence a donc multipliée ces blocs (éléments de sécurité juridique).
Exemples :
— 1/ lorsqu’on demande à l’administration de prendre un acte, ou d’abroger un acte… Plus simplement, lorsqu’on demande une autorisation administrative, la qualité de demandeur à l’administration donne automatiquement qualité pour contester le refus. Le demandeur n’a rien d’autre à établir que cette qualité de demandeur (Conseil d’Etat, 27 juin 1986, association SOS Défense).
— 2/ Les contribuables. On a admis l’action du contribuable communal : celui là est recevable de plein droit à contester toutes les mesures financières émanant de la commune. La qualité de contribuable communal donne bloc d’intérêt à agir. La solution fut étendue au contribuable départemental (27 janvier 1911, arrêt Richmond). Un peu plus tard, la solution est étendue au contribuable coloniale (24 juin 1932), elle a été étendue plus largement.
— 3/ Les groupements ou usagers du service public : ils ont qualité pour contester n’importe quelle mesure d’organisation du service public. (Arrêt du 21 décembre 1906 : l’usager d’un service public de transport a automatiquement un intérêt à contester les mesures d’organisation et de fonctionnement du service).
— 4/ Les électeurs : tout électeur, qu’il ait voté ou non, peut contester les opérations électorales dans sa circonscription. Solution qui a été retenue d’abord par la jurisprudence, reprise ensuite par le droit écrit qui figure de façon explicite dans le code électoral.
- C) La représentation du requérant
— 1/ Le ministère d’avocat : le recours n’est recevable que formé par le ministère d’avocat. L’avocat n’a pas à justifier d’un mandat spécifique (car il est titulaire d’un mandat spécial, de par la loi). Cette disposition, vieux principe du droit français, a été critiquée devant la CEDH. On y a vu une entrave au droit au recours. La cour a répondu avec sagesse en décidant que « le droit de se défendre soit même n’existe qu’en matière pénale ».
Application du principe en matière administrative ?
— Devant le Conseil d’Etat : mise en place d’un ordre particulier d’avocats : les avocats au conseil, corps ancien (son origine remonte à St. Louis). Il a le monopole de la juridiction devant les cours suprême du pays. Ce corps est organisé différemment que devant les avocats à la cour. L’ordre est unique, et il est constitué par des personnalités titulaires de leur charge. Ils ont donc un statut d’officier ministériel. Le nombre des charges est de 60. Ce nombre fut fixé sous la restauration. Toutefois, ces avocats n’ont pas le monopole devant la CEDH. Ces avocats au conseil peuvent représenter les parties devant les juridictions ordinaires, en vertu de leur mandat légal.
— Devant les juridictions ordinaires : les avocats bénéficient du mandat légal.
Ce principe bénéficie de nombreux recours :
— Le REP. Le législateur, en 1964, dispense les requérants du ministère d’avocat. L’idée est donc bien une action disponible, ouverte… Une action de contrôle de la légalité, mais non onéreuse du fait de l’absence du ministère d’avocat.
— Les recours fait au nom de l’Etat. L’Etat peut être requérant. Il n’a pas besoin du ministère d’avocat.
— La dispense du ministère d’avocat est ensuite étendue pour toute une série de cas devant le TA.
— La dispense du ministère d’avocat, devant les cours d’appel, ne concerne que le contentieux fiscal, électoral, des pensions et des aides sociales.
— Devant le Conseil d’Etat, les dérogations ne concernent plus que le contentieux des pensions, des élections, le contentieux de certains domaines tout à fait particulier, mais pour l’essentiel, en dehors de la matière de l’excès de pouvoir, le monopole des avocats au conseil s’exerce.
En dehors de ces hypothèses, le requérant peut choisir de se faire représenter par un mandataire.
— 2/ La représentation par un mandataire
— Devant les tribunaux administratifs et Cour Administrative d’Appel. Mandat ad litem. Ne peut être confié qu’à un avocat ou à un avoué. En matière fiscale, ou électoral, il peut être donné à une autre personne.
— Devant le Conseil d’Etat : le principe est celui du libre choix. Les parties ont toujours qualité (sauf lorsque la représentation par un avocat au conseil est obligatoire). C’est-à-dire que les parties sont libres de désigner qui elles veulent.
— 3/ La représentation des personnes morales
— Personnes privées. La représentation est assurée conformément aux dispositions légales ou statutaires qui régissent ces personnes morales de droit privé. La loi donne à l’exécutif de cette personne de droit privé qualité pour agir en justice sur la base d’une autorisation (d’une habilitation) de l’organe délibérant. Le juge administratif vérifiera que ces dispositions ont bien été respectées.
Théorie du mandat apparent. Idée selon laquelle on prend acte de la situation du requérant dans l’organigramme de la personne morale qui agit. Cette construction est admise pour la représentation des personnes privée, dans le contentieux judiciaire.
— Personnes publiques : c’est l’administration (elle n’est faite que de personnes morales).
o Collectivité locales et établissements public. Ici, l’autorité exécutive représente la personne morale, en demande ou en défense, sur la base d’une autorisation/délibération de l’organisme collégial. On admet cependant que dans le cas d’urgence, l’autorité exécutive puisse agir sans cette délibération. Dans l’application de ces règles, le juge fait preuve d’un relatif libéralisme. Il a admis que le maire ne requiert pas une autorisation spécifique lorsqu’il présente une demande reconventionnelle (en défense).
o L’Etat. Les choses sont un peu plus compliquées. Il est en principe représenté par les ministres. C’est le ministre intéressé qui a qualité pour représenter l’Etat. La solution vaut pour toutes les tribunaux administratifs. Cependant, les ministres disposent d’une large délégation de signature (pas de pouvoir). Cette délégation intervient au cas par cas. La représentation du CSA est assurée par le prédisent du CSA, alors qu’il n’y a pas de personnalité juridique distincte de l’Etat. Et puis, on a déconcentré toute une partie de la représentation de l’Etat entre les mains du préfet. Ceci vaut pour tous les litiges concernant la police des étrangers. Il en est de même pour tous les litiges liés à l’action des services déconcentrés de l’Etat dans le département. La représentation de l’Etat est confiée à un service qui s’appelait « l’agent judiciaire du trésor ». Cet agent judiciaire, service du ministère des finances, aujourd’hui fondu dans sa direction juridique, a le monopole de la représentation de l’Etat devant les juridictions judiciaire.
— L’exercice de l’action du contribuable communal. Article L2132-5 du code communal. Il s’agit du droit pour le contribuable communal d’exercer, notamment devant les juridictions administratives les actions qu’il croit devoir être exercé par la commune et que la commune néglige ou refuse d’exercer. C’est donc une action supplétive qui intervient en cas de carence de la commune, mais c’est une action de la commune : c’est la commune qui va plaider. C’est donc le mandataire qui supporte le cout de l’exercice du mandat et ceci signifie qu’il supportera les frais de la procédure (et éventuellement une peine d’amende si elle est imposée par le juge). Deux conditions :
o Une condition de fond : carence de la commune. Cela peut être du fait que le maire n’a pas eu l’autorisation d’agir, que le maire néglige de le faire en dépit d’une condamnation, ou bien qu’elle refuse explicitement d’agir, soit en demande soit en défense.
o Condition de forme : il faut une autorisation de plaider. Elle sera donnée par le tribunal administratif. Elle sera donnée sur la base d’un mémoire développé et qui débouchera sur une autorisation ou un refus d’autorisation. Ces autorisations n’ont pas de caractère juridictionnel. Le contribuable peut former un pourvoi de la décision. Mais ce n’est pas un recours juridictionnel (car les décisions d’autorisation ne sont pas des décisions de justice). Au sein du Conseil d’Etat, l’instruction du recours contre le refus d’autorisation n’est pas menée par la section du contentieux mais par une section administrative. La décision du Conseil d’Etat prend la forme d’un décret. Ce décret, est lui-même susceptible d’un REP. Cette solution permet donc au contribuable communal de s’emparer de l’intérêt communal.
— Pendant longtemps, la formule fut très peut utilisée. Elle fut ensuite utilisée pour la première fois afin de faire apparaître les défauts et la mauvaise gestion de l’équipe en place. Cette procédure fut utilisée à des fins électorales. (Cf. : arrêt du 29 juillet 1994, arrêt GHIS).
— 4/ L’aide juridictionnelle
L’aide juridictionnelle conduit à certains aménagements dans la représentation des parties. Les justiciables peuvent demander le bénéfice de cette aide, lorsque les ressources sont inférieures à certains plafonds (l’aide n’est généralement accordée qu’à des personnes physiques). Une loi de 1991 souleva, sous l’intitulé d’aide juridique, deux éléments :
— L’aide à l’accès au droit
— L’aide juridictionnelle proprement dite.
L’aide juridictionnelle est accordée sous conditions de ressources. Ces plafonds sont réévalués régulièrement
— 800 / mois pour une aide complète
— 1 200 / mois pour une aide partielle
Les personnes physiques peuvent bénéficier de l’aide juridictionnelle, sans condition de nationalité, mais à condition qu’ils résident habituellement en France. Les associations et les personnes morales ne peuvent obtenir le bénéfice de l’aide juridictionnelle qu’exceptionnellement et encore, si elles sont des personnes morales à but non lucratif. Cela veut dire qu’elles n’ont pas de droit à l’aide juridictionnelle (on retrouve ici un arrêt SOS Défense du 24 novembre 1982).
Les demandes se font auprès de bureaux rattachés au TGI. Il y a des sections administratives qui traitent les demandes devant les juridictions administratives. Il existe un bureau auprès du Conseil d’Etat pour l’aide pour les conflits devant le Conseil d’Etat.
La demande d’aide juridictionnelle est interruptive du délai du recours contentieux.
- 4 : Conditions de recevabilité tenant à l’acte attaqué : la règle de la décision préalable
Il s’agit d’examiner ici la règle de la décision administrative préalable. Cette règle de décision préalable doit être distinguée.
- A) La règle de la décision préalable : formulation et origine
La règle de la décision préalable est formulée par l’article R421-1 du code de la justice administrative : « la juridiction administrative ne peut être saisie que par la voie d’un recours formée contre une décision. On ne peut pas arriver devant elle sans mettre sur le bureau du juge une décision prise par l’administration et une décision exécutoire ». La sanction est l’irrecevabilité de la demande n’ayant pas rempli cette condition de recevabilité.
Lorsqu’on se bat contre un acte de l’administration, la règle est remplie d’elle-même. On ne peut pas dire que la règle n’existe pas. Ce que l’on peut dire c’est que la condition est satisfaire d’elle-même.
Lorsqu’on défend des droits subjectifs, lorsqu’on est victime d’un fait de l’administration qui cause un dommage, et bien on ne peut pas aller devant le juge sans une décision de l’administration. Dans le contentieux du droit subjectif, ou le droit froissé ne s’exprime pas par une décision administrative, là, il va falloir faire naître la décision administrative préalable, la provoquer en faisant une première demande à l’administration, une demande chiffrée. C’est sur la base d’un refus de l’administration qu’on pourra ensuite saisir le juge.
Historique de la règle
Cette règle n’a pas de logique. Elle ne se comprend que par l’histoire.
Le Conseil d’Etat qui a reçu la justice déléguée en 1872 n’est jamais saisie que de recours contre des décisions :
— Ou bien il statut en appel sur une décision du ministre (le ministre juge)
— Ou bien il statut en appel du conseil de préfecture.
Après l’arrêt Cadot, le Conseil d’Etat confirme l’exigence de la décision administrative préalable. Le Conseil d’Etat le fait sans raison, mais il le fait. Ce n’est qu’après que la jurisprudence ait posé cette condition que le législateur, par la loi du 19 juillet 1900 consacre indirectement cette règle. Il ne dit pas expressément que c’est une condition de recevabilité.
On arrive à la réforme de 1953 : généralisation aux TA. Cela prive la règle de son explication historique. En effet, la réforme de 1953 créé ces Tribunaux administratifs. Permet que la requête soit claire. Cela permet aussi à l’administration de consentir à la demande et cela offre à l’administration la possibilité d’éviter naissance d’un litige.
Généralisation à toutes les juridictions administratives : en 1987, on avait prévu d’étendre cette règle à des contentieux dérogatoires à cette règle.
Lorsque cette décision n’est pas nécessaire, elle peut cependant intervenir.
- B) La règle de la décision préalable : domaine et exceptions.
— Domaine. La règle vaut pour tous : aussi biens pour les personnes publiques que privées. Dans l’hypothèse où il s’agit d’un recours d’une personne publique contre une personne privée, la dite personne publique ne peut agir que sur la base d’un recours préalable. (Cf. : arrêt du 1er juin 1984. La commune fut jugée irrecevable pour n’avoir pas fait naître une décision préalable de l’Etat). Cela vaut même pour des recours de personnes publiques dirigées contre des personnes privées investies de prérogatives de personnes publiques. Un tel recours n’est recevable que si cette personne privée a rendu une décision préalable. Il y a là-dessus un contentieux abondant.
Exceptions :
— 1/ La décision préalable se conçoit mal dans un recours de l’administration contre une personne privée ne disposant par de prérogatives de personnes publiques.
— 2/ Dans le cas des référés, du fait de la nature de l’urgence.
— 3/ En matière de travaux publics. Cela se comprend pour des raisons historiques. C’est la coïncidence de ce contentieux avec les conseils de préfecture qui explique que la règle ne s’applique pas : ils avaient un contentieux direct, et la règle fut reprise. Cette exception a bien failli disparaître en 1987. Finalement, rien ne fut fait. Ce pourrait être fait par voie réglementaire, ce n’est plus aujourd’hui à l’ordre du jour. Mais cette exception est considérable. Elle est attractive : en effet, on eut tendance à rattacher à cette matière toute une série de contentieux qui n’ont qu’un lien ténu, indirect, avec la matière des travaux publics. (La clé de la compréhension se situe dans l’histoire).
- C) La règle de la décision préalable : mécanisme
— 1/ Décision écrite ou verbale
La décision préalable peut être une décision écrite (le plus souvent), implicite (silence de l’administration) ou verbale (plus rare)
Arrêt Sande, 25 juillet 1981 : recevabilité de la requête d’un conseiller municipal auquel le refus d’enregistrement fut signifié verbalement
Certaines décisions ne peuvent être que verbales : élections dans les académies pour l’institut de France : proposition au président de la république, et nomination suite aux visites d’académiciens.
— 2/ Décision « formalisée » ou non : Circulaires, avis, échanges de lettres… peu importe. C’est le contenu qui est décisoire.
— 3/ Décision explicite ou implicite
Quelque soit la nature de la décision, la décision administrative peut être constituée par le silence (pendant 4 mois). Depuis loi du 12 avril 2000, ce délai de silence a été porté à 2 mois.
Question : quand commence à courir ce délai ?
— 1/ Une demande. Il est parfois difficile de distinguer entre la véritable demande et les simples doléances faites à l’administration. Or, seule une demande véritable fera courir le délai. La jurisprudence a interprété cette condition de manière assez libérale :
La demande est réputée exister dès lors qu’on en trouve la substance : l’administration doit comprendre facilement si quelque chose lui est demandé, et ce qu’on doit lui demander.
— 2/ … adressée à l’administration. Cette demande doit être faite à l’autorité compétente. Or, il est parfois difficile de savoir quelle est l’autorité compétente. Il y a un risque que si la demande n’est pas faite à la bonne autorité compétente : le délai ne court pas. L’intéressé ne peut pas ensuite saisir le juge.
La jurisprudence a eu conscience de cette difficulté, et a été libérale : ainsi, il fut jugé que l’autorité non compétente a l’obligation de transmettre une demande à l’autorité compétente. Cette obligation de transmission existe à l’intérieur d’une personne publique (le maire doit transmettre au conseil municipal). Mais cette obligation va au-delà de la même personne publique, dans la seule limite que cette obligation ne vaut que lorsqu’il y a des liens de collaboration entre les deux autorités. (Ex : le maire devra communiquer aux établissements publics de coopération intercommunaux).
Le décret de 1983, article 7, fait peser une obligation de transmission de caractère général, sur les autorités de l’Etat seulement. Si une autorité de l’Etat est saisie (le préfet par exemple), il a une obligation générale de transmission, que ce soit à l’intérieur de l’appareil de l’Etat ou en direction d’autres personnes publiques.
Cas particulier : lorsque l’intéressé a négligé la règle de la décision préalable, et a saisi directement le juge. En principe, cette requête est irrecevable. Mais si le juge ne relève pas d’office cette irrégularité et que la procédure se poursuit, quid ?
o Si l’administration se défend en disant que la requête est irrecevable : le juge devra alors valider l’irrecevabilité
o Si l’administration défend au fond : cette défense au fond dans la procédure est considérée comme une décision, qui couvre l’irrecevabilité.
— 3/ Et expiration du délai de deux mois. La date qui constitue le point de départ du délai de 2 mois est celle de la saisine de l’autorité administrative, même incompétente. Le délai commence à courir, pendant que l’autorité incompétente réoriente le dossier. Ce délai de 2 mois ne peut être ni prolongé, ni prorogé, ni interrompu. Donc si l’administration envoie une lettre disant qu’elle a bien reçu la demande, qu’elle va l’étudier (etc.). Tout cela ne suspend pas le délai. Les comportements internes de l’administration ne sont pas opposables à l’administré pour retarder l’exercice de ses droits contentieux.
- 5 : Conditions tenant à la présentation du recours
- A) Règles de forme
— 1/ Le timbre. Le timbre fiscal qui doit être apposé par le requérant sur sa requête. En lui-même, ce timbre pose la question de la gratuité de la justice. Il a été exigé de façon générale pour l’ensemble des procédures. Mais loi du 30 décembre 1977 et le décret du 20 janvier 1978 a posé le principe de la gratuité des actes de justice. Le droit de timbre a donc disparu.
Puis la loi de finance pour 1994 (loi du 30 décembre 1993) a réintroduit un droit de timbre de 100 francs par requête enregistrée devant les juridictions administratives. Il y eut un débat sur l’opportunité de cette réintroduction, car les gains financiers sont très faibles (un timbre par requête, alors qu’avant 1977, un timbre par document). La loi fut soumise au Conseil constitutionnel qui valida la réintroduction du droit de timbre (décision du 29 décembre 1993).
Exceptions à cette obligation de timbre
— Instruction de l’administration des dépôts : ce droit de timbre n’est pas exigé devant les juridictions administratives spécialisées
— Ca ne vaut pas pour le contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière
— Ca ne vaut pas pour les procédures d’urgence (art L522-2 CJA)
— La jurisprudence a donné une interprétation peu contraignante de cette obligation. Ainsi, si la loi prévoit que le timbre est une condition de recevabilité de la requête, alors l’absence de timbre doit conduire à l’irrecevabilité. Mais le Conseil d’Etat, dans une série d’avis contentieux, a considéré que cette exigence était de celles qui peuvent faire l’objet d’une régularisation. Et la demande de régularisation est obligatoire pour le juge. C’est seulement si cette indication n’est pas suivie d’effet que la requête devient irrecevable.
— 2/ Langue française : Ordonnance de Villers-Cotterêts et loi du 25 juin 1992 qui a inscrit à l’article 2 de la Constitution : la langue française est la langue de la république.
— 3/ Identité de l’auteur du recours : Il faut connaître son nom, son adresse, le recours doit être signé. Si PM, il faut déposer les statuts.
— 4/ Conclusions et moyens :
— Conclusions : c’est la demande faite au juge. Elles se retrouvent dans le dispositif du juge. Elles déterminent la nature du contentieux, la compétence du tribunal, fixent le cadre de la discussion. Ce cadre s’impose au juge, il ne peut pas statuer ultra petita. Le but des conclusions n’est autre que la clarté du procès.
— Moyens : ce sont les arguments invoqués par le requérant à l’appui de ses conclusions. Dans la décision de justice, les moyens se retrouvent dans la motivation du juge. Autant les conclusions lient le débat judiciaire, autant les moyens peuvent consister en un « exposé sommaire ». Ils peuvent être complétés par un mémoire complémentaire par la suite : ce mémoire ne peut pas sortir des conclusions, mais peut développer l’argumentation.
— 5/ Documents annexes
Ils varient selon les contentieux.
On exige normalement la décision attaquée (de l’administration) : s’il s’agit d’une décision implicite, on doit alors produire la demande qui a fait courir le délai.
Il faut produire des copies du recours. Ces documents varient selon les contentieux
- B) Délais
- Principes
- a) Le délai
— Délai ordinaire. Est en principe de 2 mois : délai de droit commun. (Article R421-1 CJA).
— Délais spéciaux :
— Il y a des délais majorés : pour le contentieux des établissements classés pour la protection de l’environnement, le délai est de 4 ans pour les recours des tiers. Le délai est également majoré d’un mois pour les DOM-TOM (1+2), et de 2 mois (2+2) lorsque le gouvernement est à l’étranger.
— Il y a des délais minorés, notamment concernant le contentieux électoral (5 jours pour les élections municipales et cantonales, 10 jours pour les élections régionales, 6 jours pour les élections universitaires) et concernant le contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière (24 heures après la notification de l’arrêté)
- b) Conditions pour que le délai court
Ces conditions ont été modifiées très sensiblement par le décret du 28 novembre 1983, complété par loi du 12 avril 2000.
Principe : les délais de recours contentieux ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. La sanction est que le délai ne court pas.
Mais cette disposition ne peut pas avoir une portée générale : elle ne concerne que les décisions administratives individuelles (puisqu’il faut notifier). Cela ne concerne ni les décisions réglementaires (dans le décret il y a écrit comment contester), ni celles mixtes, ni les décisions implicites.
- Les recours soustraits à la condition de délai
- a) Recours en matière de travaux publics
Ce contentieux est soustrait à la règle de la décision préalable, le délai n’existe pas donc le recours est soustrait à la condition de délai. C’est une exception importante car la matière de travaux publics est interprétée largement par le juge. Est ainsi inclus tous le contentieux des travaux publics, dont celui de la responsabilité des contrats, mais aussi celui de l’excès de pouvoir. (Arrêt du 15 février 1989 : le recours dans contentieux des travaux publics est soustraire à condition de délai).
- b) Certains recours contre les décisions implicites de rejet
Lorsqu’il y a une décision implicite, cela suppose une initiative de l’administré pour obtenir une décision. Si l’administration ne répond pas, il peut saisir le juge ou préférer ne pas le saisir tout de suite.
— En matière de plein contentieux : la décision implicite de refus ne fait pas courir le délai mais donne à l’administré tous ses droits contentieux, il peut aller devant le juge, pour cela il n’a pas de délai.
— Décision implicite d’une autorité collégiale ou tenue de consulter un organisme collégial. L’article R421-3 du CJA a étendu cette solution dans l’hypothèse d’une décision implicite de refus prise par une autorité collégiale ou encore prise après avis obligatoire d’une autorité collégiale. Le temps doit s’inscrire dans l’instruction de la demande préalable et souvent cette instruction ne peut pas se faire dans le délai dans lequel se formera la décision implicite de rejet. On considère donc qu’elle est acquise mais ne fait pas courir le délai de recours. La vraisemblance et que l’on peut encore obtenir satisfaction quant la délibération aura eu lieue.
- c) Les recours contre des décisions inexistantes
Il s’agit de décisions juridiquement inexistantes, c’est-à-dire atteinte d’un vice tellement grave qu’elles sont envoyées en dehors de l’existence juridique. Ca se rapproche de la voie de fait.
Le droit administratif sanctionne surtout l’incompétence, ex une autorité prend une décision à la place d’une autre. Cette illégalité est tellement grande que l’on ne veut pas enserrer le recours dans des conditions de délai donc ces actes obtenus par fraude, juridiquement inexistant peuvent être attaqués sans condition de délai.
- Computation du délai
- a) Un délai franc
Le premier jour du délai est le lendemain du jour du fait générateur et il expire le lendemain de la fin du délai. Le délai doit tenir entièrement entre ces deux extrémités. Si le dernier jour du délai n’est pas un jour ouvrable, le délai sera prolongé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
- b) Point de départ
— La Solution générale repose sur l’idée que c’est la connaissance de l’acte qui déclenche le délai. Cette connaissance s’est évidemment trouvée renouvelée par l’apparition de nouveaux moyens d’information. Cette question n’est toujours pas réglée de façon générale.
Il y a des solutions particulières :
— Pour les décrets réglementaires : la connaissance est réputée acquise du jour de la publication au Journal Officiel.
— Le permis de construire, autorisation administrative est réputé être connu quand il a fait l’objet de l’affichage sur le chantier et l’affichage en mairie.
— En l’absence de texte général, la jurisprudence exige une publicité suffisante et précise en disant que la publicité qui va faire courir le délai (rien à voir avec la légalité) doit être appropriée à son objet, à l’objet de l’acte. C’est à dire que l’on considère l’objet de l’acte et l’administration doit trouver un mode de publicité qui correspond à l’objet de l’acte. L’administration a bien évidemment intérêt à chercher la publicité la plus large.
— Quand un texte existe et prévoit une modalité de publicité, le Conseil d’Etat considère que l’on peut procéder autrement que ce qui est prévu si cela assure une publicité équivalente. Quand un texte existe mais que le Conseil d’Etat ne le trouve pas suffisant, il peut imposer une publicité supplémentaire.
— Pour les actes réglementaires ou les non réglementaires le principe est celui d’une publication anonyme ou un affichage anonyme qui porte dans l’information générale l’existence de l’AA avec ses principales caractéristiques.
— Pour les décisions individuelles, le principe est celui de la notification, démarche personnalisée consistant à adresser en des formes adaptées la mesure concernant la personne comme les délais de recours ou le tribunal compétent pour en connaître. Cette notification n’est pas toujours exclusive de formalité de publicité pour faire courir le délai à l’égard des tiers. Cela signifie donc que le point de départ du délai de recours n’est pas le même pour tout intéressé.
— Pour les mesures non réglementaires, la publication complétée par des notifications en direction de ceux pour lesquels les mesures non réglementaires comportent des effets individuels.
— Le déféré préfectoral dans la durée de 2 mois a pour point de départ la transmission de l’acte à la préfecture. Le tampon de la préfecture rend l’acte exécutoire mais cette transmission ne correspond pas toujours avec la date d’adoption de l’acte. Avant leur transmission il n’existe pas en tant qu’acte susceptible d’exécution. Cette solution est que les décisions sont souvent incomplètes, or le tampon ne peut à priori pas être refusé mais pourtant il faut contrôler.
Le Conseil d’Etat a jugé qu’une transmission complète marquait le point de départ du délai.
Quand il s’agit d’actes simples pas de problème mais pour le contentieux des contrats, c’est plus compliqué.
— Théorie de la connaissance acquise : si l’intéressé de son propre mouvement montre qu’il avait connaissance de l’acte, c’est à partir de ce moment que court le délai, quand bien même cette connaissance soit acquise avant qu’ait eu lieu les modalités générales de publicité.
La jurisprudence a assez largement admis cette connaissance acquise, par exemple quand un membre d’une assemblée délibérante, par sa participation à l’assemblée, peut être légitiment considéré comme ayant connaissance de l’acte. Idem quand un requérant fait un recours administratif contre un acte même si les modalités de publicité sont accomplies ultérieurement.
Le décret du 28 novembre 1983, article 7 de la loi de 2000, dit que le délai du recours court à partir du moment de la connaissance de l’acte, mais, pour les décisions individuelles, il ne court qu’à partir de la notification, à condition que celle-ci comporte le délai de recours et le tribunal compétent. Dans ces hypothèses la théorie de la connaissance acquise n’est pas appliquée :
— La jurisprudence l’a d’abord refusée tant qu’il s’agissait de dispositions réglementaires.
— Puis, par arrêt du 13 mai 1998 elle a changé d’avis Mme Mauline présenté comme la mort de la théorie de la connaissance acquise mais c’est excessif. En effet, cet arrêt n’écarte la théorie que dans le champ du décret de 1982.
- c) Prorogation
Attention, ce n’est pas la prolongation. La prorogation est l’interruption conservatrice de la totalité du délai, le délai recommence à courir en entier. La règle est qu’il y a plus de prorogation que de prolongation.
Quels sont les faits de prorogation du délai ?
— L‘exercice d’un recours administratif (hiérarchique ou gracieux) exercé dans le délai du recours contentieux. Attention ce ne proroge qu’une seule fois. « Recours administratif sur recours administratif ne vaut ».
— La demande de déférer : la prorogation peut aussi, s’agissant du déféré préfectoral, être un recours administratif à l’envers, le préfet peut lorsqu’il envisage de déféré demander gracieusement à l’auteur de l’acte de réexaminé sa mesure.
— La saisine d’une juridiction incompétente peut aussi proroger le délai si une juridiction judiciaire est saisie au lieu d’une administrative.
— Cas particulier : l’arrêt BRASSEUR de 1991. Le Conseil d’Etat, par voie jurisprudentielle admis qu’un intéressé puisse faire une demande de déféré au préfet. Pour le demandeur du référé, son propre délai de recours contentieux est prorogé jusqu’à la réponse du préfet. Cette jurisprudence est saine, un peu retourné comme un piège car incite beaucoup d’administré à demander au préfet de déférer. Si le préfet donne suite, déféré commence mais si il se désisté, le demandeur n’a plus son droit contentieux… Il vaut mieux donc demander au préfet de déférer et effectuer en même temps son propre recours.
- d) Expiration du délai
Question : quelles conséquences comportent l’expiration du délai ?
— L’irrecevabilité du recours : on dira de façon approximative que la mesure est définitive. Cela ne veut pas dire que l’acte devient légal. Cet effet absolu de l’expiration du délai, seul le législateur peut en relever le requérant, c’est un relevé de forclusion et il est arrivé que le législateur le fasse (exemple de la loi du 31 juillet 1968. Elle relève de forclusion un certain nombre de requérant car les modalités n’avaient pas pu être faites efficacement. En 1974, grave grève de PTT donc loi de décembre 1974 relève aussi des forclusions).
— L’irrecevabilité du recours contre les décisions confirmatives
En cas de décision confirmative d’une première décision, elle est d’emblée définitive si les recours contre la première sont expirés. Il n’y a pas de résurrection possible.
Il faut que se soient des décisions ayant le même objet mais surtout intervenant dans un contexte de fait et de droit identique à celui de la première décision. Droit pouvant être exercé à tous moment (Exemple : à propos des demandes d’information à l’administration).
L’expiration du délai marque la cristallisation du débat contentieux c’est à dire qu’il est fixé en ses éléments. Hypothèses où on respecte bien le délai de recours mais lors même qu’il est respecté, l’expiration du délai de recours à des effets sur le requérant, et conduit à la fermeture du débat juridictionnel.
— L’irrecevabilité des conclusions et moyens nouveaux : une fois le délai expiré, on ne peut pas changer la nature du recours.
— On ne peut pas présenter des conclusions nouvelles : on peut retrancher des parties de ses conclusions en revanche. Dans le plein contentieux, ce pose un problème sur les recours indemnitaires. En effet, en ces cas, en général, la décision administrative préalable invoquée par une demande chiffrée à l’administration. Dès lors, est-ce que ce chiffre lie ensuite au contentieux une fois les délais du recours contentieux expirés ? En principe oui, ce qui conduit à présenter dans la demande administrative des demandes ouvertes (sous réserve d’une expertise, d’une consolidation du préjudice…)
— On ne peut pas présenter des moyens nouveaux : les termes de l’argumentation sont aussi cristallisés. Tout ceci émane de la jurisprudence.
En matière d’excès de pouvoir, arrêt du 20 février 1983 « Société intercopie ». Les moyens sont rangés en moyens de légalité externe (incompétence et vice de forme) et la légalité interne c’est à dire le détournement de pouvoir, la violation de la loi. Chacune de ces deux catégories de moyen constitue une cause de légalité distincte. Ce veut donc dire qu’un recours qui serait présenté en invoquant par ex que des griefs de légalité interne, les externes invoqués après la fin du recours, sont toujours recevables.
Arrêt du 16 mai 1924 « Jourda de Vaux » : pose des principes valables pour l’ensemble du plein contentieux. On peut en déduire que le passage de la responsabilité contractuelle à délictuelle constitue un moyen fondé sur une cause juridique différente (on ne peut donc pas changer une fois le délai exclu). La responsabilité délictuelle pour faute et sans faute sont aussi fondées sur des causes juridiques distinctes. La responsabilité pour faute est un moyen d’office pour le juge. Inversement, si on se place exclusivement sur le terrain de la responsabilité sans faute, le juge, ne le réintroduira pas dans le recours.
Le passage dans la discussion de la responsabilité contractuelle d’une demande d’indemnité plus résolution du contrat, cause nouvelle, on ne peut pas le faire si le délai est expiré.
— L’irrecevabilité de l’exception d’illégalité des décisions non réglementaires
L’expiration du délai du recours contentieux a pour conséquence l’irrecevabilité de l’exception d’illégalité contre les actes non réglementaires.
— Le recours en annulation est enfermé dans des délais.
— L’exception d’illégalité est en principe permanente. En effet, l’exception d’illégalité n’aboutit pas à la disparition de l’acte mais à sa non application. Ce principe peut être considéré comme un élément rattaché à la garantie des droits de 1789. (En 1994, petite loi sur l’urbanisme, considérant le nombre de contentieux en cette matière et les formes requises, le législateur a considéré que les griefs de légalité externe contre les POS étaient limités dans le temps. Le conseil constitutionnel n’a pas censuré la loi dans sa décision du 21 janvier 1994 : il estime que, compte tenu du caractère bien délimité de l’exception, il n’y a pas atteinte à un droit substantiel.
— Pour les actes individuels : le principe est que pour les actes individuels, le délai pour soulever l’exception d’illégalité est le même que celui qui existe en matière d’excès de pouvoir. L’expiration du délai de recours marque aussi l’impossibilité d’invoquer l’exception d’illégalité. De ce point de vue, l’expiration du délai est aussi irrecevabilité que l’exception d’illégalité invoquée dans un autre contentieux. (Il existe deux exceptions à ce principe :
o L’exception d’illégalité pourra être invoqué à l’appuie d’une demande indemnitaire sans condition de délai si elle vise à réparer le préjudice que la décision a causé).
o Concernant les opérations complexes (opération qui font se succéder des actes individuels). Le lien qui s’inscrit entre eux font que l’expiration du délai pour contester l’un n’interdit pas de contester l’autre. (Exemple en matière d’expropriation : la déclaration d’Utilité Publique est un acte non réglementaire ; l’acte de cessibilité un acte individuel. On peut invoquer par voie d’exception l’illégalité de la déclaration d’Utilité Publique même si c’est plus dans le délai à l’appuie de la contestation l’acte de cessibilité.
— Quand l’exception d’illégalité est sur renvoie du juge judiciaire, il y aura donc renvoie au juge administratif qui va être amené à se prononcer sur une exception d’illégalité portant sur un acte individuel alors que le délai pour contestation par voie d’action sera expiré. 27 septembre 1985 « Société USINORD ».
Section 2 : Les procédures d’urgence
- Préliminaire : Historique (regroupé avec le §1er)
— Les données du problème
— Normalement le demandeur est l’administré.
— Le temps est une espèce d’allié objectif de l’administration.
— D’un autre côté l’administration ce sont des personnes morales traversées par des liens hiérarchiques de contrôles donc dans l’organisation de sa défense, elle a besoin de temps. De plus, la procédure administrative est inquisitoire, le juge dirige le procès, il lui appartient donc d’assigner des délais et de tirer les conséquences du non respect de celles-ci.
La distance qui sépare le litige de la solution, le temps, donne beaucoup de liberté au juge. Le juge administratif a certainement une fonction juridictionnelle éminente. La fonction de juger du juge est soumise à des impératifs conventionnels. Ce droit exige un vrai comportement juridictionnel c’est à dire l’existence de mesures donnant l’effectivité au recours.
Pendant longtemps les procédures d’urgence n’étaient pas très efficace et en plus lourdes à mettre en route. D’où la loi du 30 juin 2000 d’ouverture dont l’auteur est l’ancien président du Conseil d’Etat Marceau Long et dont l’auteur actuel est Chapus sous la présidence de Labetoulle avec Pacteau.
Pendant longtemps les procédures d’urgence étaient organisées par la loi du 22 juillet 1889 : procédure du constat d’urgence, exclusivement dans le cadre d’une instruction qui permettait de faire constater par un expert désigné des faits quand il y avait un risque de dépérissement des faits. Une ordonnance du 31 juillet 1945 sur le Conseil d’Etat place à la procédure de sursis à exécution mesure d’urgence qui doit être demandée au juge qui suppose l’introduction d’une requête en annulation et par une requête satellite, demande de sursis à exécution pendant l’instruction. A condition qu’il y ait urgence, qu’il y ait une illégalité manifeste de l’acte et condition enfin que l’exécution immédiate de l’acte risque de causer un préjudice irréparable. Dans des conditions très strictes (préjudice pécuniaire n’est jamais irréparable).
Enfin, il existait des tentatives pour des procédures de référés, procédures indifférenciées justifiées par l’urgence qui permettent souvent l’économie d’une procédure au fond. Il faut attendre la loi du 26 novembre 1955 pour la création d’une forme de référé administratif. Ce référé est amélioré par un décret de 1988 y ajoutant le référé-provision (possibilité dans le contentieux indemnitaire d’obtenir dans l’urgence une provision sur l’indemnité à venir). Dans les années 70-80, il y eut un développement de procédures particulières (sursis particulier pour le préfet, sursis de 48h, création du référé audiovisuel pour le contentieux du CSA, contentieux spécial en matière de publicité).
Le Conseil d’Etat gardait une jurisprudence restrictive et considère que lors même que les conditions du sursis à exécution sont réunies, il n’était pas tout de même tenu de prononcer le sursis (Huglot 1982) et à propos du référé-provision, il juge la même chose.
- 1er: Les procédures d’urgence avant la loi du 30 juin 2000
Avant la loi du 30 juin 2000, les procédures d’urgence prévues devant le juge administratif étaient peu nombreuses et concernaient des domaines restreints :
- depuis la décentralisation de 1982, le préfet peut faire juger par le tribunal administratif, dans un délai de 48 heures, un acte d’une collectivité locale lui semblant compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle ;
- la loi a par ailleurs prévu en 1988 l’instauration d’un « référé provision » permettant au juge d’accorder une provision au demandeur d’une indemnité dont la créance n’est pas sérieusement contestable, et en 1990 la création d’un « référé précontractuel » autorisant le juge à suspendre la passation d’un contrat en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
Cependant, ces procédures n’étaient en rien comparables à celles permettant au juge judiciaire de gérer les situations d’urgence. La loi du 30 juin 2000 a pallié ce manque, dotant le juge des référés administratifs d’un statut et créant deux nouvelles procédures
- 2 : Les procédures d’urgence dans la loi du 30 juin 2000
Aujourd’hui, plus de la moitié des décisions rendues le sont dans le cadre des procédures d’urgence ne nécessitant pas la présence d’un commissaire du gouvernement.
- A) Un juge de l’urgence
C’est le juge de l’urgence administrative, formation juridictionnelle particulière, qui sera compétent pour les référés de droit commun. La réforme laisse en effet certaines procédures particulières relevant de juridictions spécifiques.
- Un juge unique
Ce juge est normalement un juge unique. Il y a là une rupture nette avec la tradition de la juridiction administrative, traditionnellement très hostile à cela. En effet de la collégialité tire une force vis-à-vis de l’administration.
Toutefois, rien n’interdit au juge des référés, quand il le souhaite, de faire intervenir une formation collégiale notamment si la question est difficile. Ce juge unique peut aussi statuer sans commissaire du gouvernement.
Qui est ce juge unique ?
— Le président de la juridiction ou selon le texte, le magistrat qui délègue c’est à dire un magistrat de la cours qui délègue sa compétence de juge unique. Le principe est que ces mesures d’urgence ne sont pas susceptibles de voies de recours, sauf la cassation.
- Un juge qui « suit » la mesure d’urgence
Enfin, le juge unique, juge des référés est un juge qui suit la mesure d’urgence c’est à dire qu’elle n’est pas définitive, il en suit l’application, peut la compléter, ajouter des dispositions. Il peut mettre fin à la suspension, gestion de l’urgence et de la mesure d’urgence dans la limite de ses pouvoirs de juge.
Entre les mains de ce juge des référés, sont confiées des procédures.
- B) Les pouvoirs du juge de l’urgence
Le pouvoir du juge de l’urgence est de mettre en œuvre, à la demande des parties, des mesures que justifie l’urgence.
La réforme met de l’ordre en créant ou reprenant trois types de référés. Ce sont là des créations législatives, alors même que normalement la procédure administrative contentieuse est du domaine du règlement.
La loi a donc réorganisé les référés préexistants. Mais concernant la procédure, elle est du domaine du règlement. La procédure est réglée par le décret du 22 novembre 2000 mais laisse subsister des procédures de référés hors du CJA (des procédures spéciales).
- Les référés de droit commun
Ils sont tous dans le Code de justice administrative.
- a) Les référés de la loi du 30 juin 2000
— Le référé suspension (ancienne procédure de sursis à exécution améliorée).
Il s’agit ici de demander au juge, pour une certaine durée, de suspendre l’application de l’acte, le recours en lui-même ne l’étant jamais. C’est une contestation de l’acte dans le contentieux de l’excès de pouvoir. Le juge est saisi d’une requête en annulation ou réformation de l’acte.
C’est à l’article L 521-1 du CJA. C’est amélioré car une jurisprudence estimait qu’on ne pouvait demander la suspension d’une mesure négative. Suspendre un refus reviendrait à obliger l’administration… Cette analyse est pourtant inexacte car il ne s’agit pas de suspendre la mesure mais ses effets. La jurisprudence essayait de faire la distinction. La loi de 2000 tranche : « même de rejet, le référé-suspension est possible ».
Les conditions de l’ancien sursis étaient très sévères et avaient pour conséquence que le sursis était rare. Ces conditions ont été réécrites sur un mode mineur, l’idée étant que ce soit plus facile.
Conditions du référé suspension
— L’urgence. Un moyen propre à créer en l’état de l’instruction un doute sérieux quant à la légalité de cette décision (suspicion d’illégalité),
— Disparition de la condition du préjudice irréparable. Toutefois, le juge peut en tenir compte. La jurisprudence Huglot n’oblige jamais à prononcer le sursis quand bien même les conditions seraient réalisées.
— La suspension peut être partielle et ne porter que sur certains effets de l’acte comme la rétroactivité par exemple, ou encore limiter dans le temps les effets de cette suspension.
— Enfin quand la suspension est prononcée, la procédure au fond doit être réglée dans les meilleurs délais.
Ce référé fonctionne bien. Depuis la loi, son développement est important et le juge n’hésite pas à les combiner avec des procédures d’injonction.
— Le référé liberté ou référé injonction (article L521-2, il correspond à la reprise d’une institution qui était autrefois réservée au préfet).
Dans le contrôle de légalité, le référé peut mettre en œuvre la procédure des 48h c’est à dire qu’en matière de privation de liberté, de contrôle de légalité renforcé et depuis 1982, le préfet peut les déférer au Tribunal Administratif qui statut dans les 48 heures.
Le juge des référés va pouvoir ordonner toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale si cette atteinte
— est le fait d’une personne publique
— est grave
— est manifestement illégale.
En ce cas, le juge des référés, s’il est saisi de conclusions en ce sens, peut ordonner toutes les mesures nécessaires. Il le fait dans un délai de 48 heures. Le sursis 48h quitte le contrôle de légalité et le référé-liberté. Il a désormais une portée générale. Attention le juge n’est pas dessaisi s’il est plus long que 48h.
Largement admis par le juge administratif qui estime que la notion de liberté fondamentale est une conception large. De plus, ce référé-liberté avait une finalité précise, celle de récupérer le contentieux de la voie de fait car normalement quand l’administration porte une atteinte grave à une liberté fondamentale l’acte n’est plus du droit mais du fait et le juge judiciaire devient alors compétent pour adresser une injonction à fin de réparer. Le but de la loi est ainsi de permettre au juge administratif de rapatrier cette voie dans le contentieux administratif.
Le Conseil d’Etat a eu connaissance effectivement d’affaires qui sinon auraient été devant le juge judiciaire mais le Tribunal des Conflits rappelle que la voie de fait dans son principe n’a pas disparue : arrêt du 12 mai 1997 : « Préfet de police ». Ici, laissant entendre que si le juge administratif devenait compétent au titre du référé liberté pour des atteintes manifestement illégales à une liberté fondamentales, quand il s’agit du droit de propriété ce reste de la compétence du juge judiciaire.
— Le référé mesure conservatoire (article L521-3. Permet d’ordonner en référé toutes les mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative, d’où la distinction du référé-suspension et liberté).
Ici, l’exigence de la décision administrative préalable est abandonnée. Ce référé sert dans deux domaines :
— Pour assurer la communication de documents nécessaires à l’instruction du litige
— En matière d’expulsion d’occupants sans titre du domaine public.
- b) Les référés du décret du 22 novembre 2000
— Le référé constatation est possibilité en référé de commettre un expert pour constater des faits périssables dans l’urgence.
— Le référé instruction, proche du précédent, signifie que toutes les décisions d’instruction d’un dosser peuvent être décidées par le juge des référés.
— Le référé provision, article R541-1 du CJA, permet sous certaines conditions, avant de statuer au fond, d’accorder un avaloir sur la créance dont elle réclame le bénéfice. Apparut en 1988 où on exigeait qu’il y ait auparavant une décision au fond.
- Maintient des procédures spécifiques de référé
— Exemple du déféré préfectoral
Le déféré préfectoral peut passer par des procédures de référés spécifiques et le sursis 48h n’a pas disparut. Le référé audio visuel persiste également, procédure spéciale permettant au président de la section du contentieux d’en disposer.
— L’aménagement du référé pré contractuel
Enfin le référé précontractuel, d’origine communautaire, repris au titre de la transposition de directive sur les marchés publics et à ce titre, voie de droit spéciale devant le juge des référés qui lui permet, avant la conclusion du contrat d’ordonner un certains nombres de mesures pour faire respecter les règles de concurrence dans la passation du contrat. Il est à R 521-2 en consacre le principe, améliore le dispositif en permettant au magistrat d’empêcher la conclusion du contrat
- C) Les procédures
La procédure du référé se déroule devant juge unique.
Calendrier inamovible selon date des décisions. La procédure sera orale ou écrite. Le magistrat juge des référés convoque dans son bureau les parties pour une discussion. La requête est dispensée de timbre, de décision administrative préalable et le juge garde la mesure de l’urgence tant que pas décision au fond.
Problème des voies de recours, logique aurait été que cassation mais pour le référé-liberté, il y a un appel possible mais devant le CE.
- Un tri de l’urgence
En premier lieu, on met en place un tri de l’urgence à l’arrivée des requêtes. Le principe est que, à l’arrivée de la requête, il faut trier entre l’urgent, le très urgent et l’extrêmement urgent. A ce stade que le magistrat peut rejeter la requête pour « irrecevabilité d’urgence ». Le calendrier est inamovible selon la date des décisions.
- Procédure orale ou écrite : La procédure sera orale ou écrite. Le magistrat juge des référés convoque dans son bureau les parties pour une discussion.
- Dispense du timbre : La requête est dispensée de timbre,
- Les voies de recours : La requête est dispensée d’une décision administrative préalable.
- La « surveillance » des mesures d’urgence : Le juge garde la mesure de l’urgence tant que pas décision au fond. Problème des voies de recours : la logique aurait été la cassation. Mais pour le référé-liberté, il y a un appel possible mais devant le Conseil d’Etat.
Section 3 : L’instruction de l’instance
L’instruction se déroule devant le juge. C’est un débat judiciaire.
Le conseil constitutionnel, lorsqu’il est saisi d’une réclamation parlementaire, cette réclamation porte sur un certain nombre de dispositions de la loi votée mais non promulguée que les Sénateurs critique. Le Conseil Constitutionnel considère qu’il est saisi de l’ensemble de la loi, ce qui le conduit à répondre à des questions qui ne lui sont pas posés et à pouvoir déclarer des articles de la loi que personne n’a critiqué. Lorsqu’il fait cela, le Conseil Constitutionnel dit qu’il soulève un moyen d’office. Cette terminologie est inexacte : le moyen d’office consiste à amener un argument dans le débat, sans sortir du débat. Mais ce que fait en réalité le conseil constitutionnel est un recours objectif sur l’ensemble du texte.
Hors, le juge du conseil d’Etat ne peut pas sortir de ce qu’on lui demande. Aucun juge n’a le pouvoir de statuer ultra petita.
Le débat judiciaire appartient aux parties. Il appartient aussi au juge. Il peut dans le cadre de ce qui lui est demandé apporter des argumentations nouvelles (les moyens d’ordre public). Ce qui nous conduit à distinguer entre les conclusions et les moyens
— Les conclusions : c’est la décision qu’on demande au juge. C’est la conclusion formelle des mémoires présentés.
— Les moyens sont les arguments, de fait et de droit, que les parties vont invoquer à l’appui de leurs prétentions (de leurs conclusions). Sur ces moyens, le juge a des pouvoirs qu’il n’a pas sur les conclusions. Il a le pouvoir d’en écarter certains (sans déni de justice).
Dans le débat judiciaire, le juge a plus de pouvoir que le juge judiciaire, car il est le chef d’orchestre de ce débat judiciaire. C’est le chef d’orchestre. C’est lui qui mène l’affaire. Dans l’illustration, la démonstration des preuves, le juge a des pouvoirs que n’a pas le juge judiciaire. (Cf. : théorie de la preuve devant le juge judiciaire). Hors, devant le juge administratif, la preuve est libre. C’est le juge qui décide de ce caractère.
Finalement, le débat judiciaire est un jeu à quatre :
— Le demandeur
— Le défendeur (avec la possibilité d’une demande reconventionnelle)
— Les intervenants
— Le juge
Mais dans ce « théâtre » qui se joue à quatre, seuls ont des pouvoirs sur les conclusions : le demandeur et le défendeur dans le cadre de la demande reconventionnelle.
L’office du juge : c’est son travail dans le cadre du débat judiciaire pour l’instruction de l’instance. L’office du juge n’inclut donc pas le prononcé du jugement
- 1er : les parties (participants) à l’instance
- A) Les parties dans le déclenchement de l’instance
Le principe, c’est que le demandeur détermine les éléments de l’instance à titre principal. Cela veut dire qu’il détermine :
— L’identité du défendeur (même s’il n’y a pas assignation, la demande doit permettre au juge d’identifier le défendeur).
— L’objet de sa demande
— Les arguments : les moyens de droit et de fait, qu’il porte dans le débat, dans son mémoire, dans sa requête (et éventuellement dans des mémoires complémentaires).
Joue alors le principe d’immutabilité de l’instance : le demandeur ne peut pas corriger sa copie. Il ne peut le faire que dans le cadre d’une régularisation (ou dans le délai du recours). Les éléments de l’instance ne peuvent plus être changé.
C’est le demandeur qui fixe l’instance. Il faut distinguer les parties principales des intervenants.
- Les parties principales
Les parties principales fixent l’instance.
— C’est le demandeur
— C’est le défendeur lorsqu’il se fait demandeur reconventionnel : il ajoute au litige à l’instance. Le défendeur ajoute aux moyens. Il ajoute à la discussion. Il apporte des éléments de contradiction. Mais le défendeur peut aussi ajouter aux conclusions dans le cadre d’une demande reconventionnelle. (Il peut élargir le débat judiciaire).
- Les intervenants
Le cas des intervenants est un peu plus complexe. Les intervenants ne sont pas des parties à l’instance pour parler rigoureusement mais des participants. Ce sont des personnes qui trouvent un intérêt à faire irruption dans le débat judiciaire, parce que l’issu du débat judiciaire leur importe d’une façon ou d’une autre. Ce sont des personnes qui veulent prendre part à la discussion. Il s’agit d’alimenter le débat en l’élargissant. D’alimenter de nouveaux moyens.
Pour autant, les intervenants sont liés au débat judiciaire : ils ne peuvent pas prendre de nouvelles conclusions.
Mais d’autre part, il est des intervenants qui sont plus ou moins forcés dans le procès. Des personnes que l’on va chercher. C’est le juge, de son pouvoir impérial, qui met ces parties dans le procès.
- a) Intervention volontaire
Il s’agit d’un tiers au procès, qui n’est pas partie, qui n’est pas représenté. Qui a connaissance du litige entre les parties principales. Ce tiers estime qu’il a un intérêt personnel (propre) à participer au débat et à y faire valoir ses arguments. Cet intérêt est donc un intérêt de l’intervenant : il y a un intérêt à agir de l’intervenant. Il y a une appréciation de l’intérêt à agir de l’intervenant.
— La première question que se pose le juge est de savoir si c’est un simple agitateur ou s’il peut établir un intérêt à agir.
Mais cet intérêt peut être lié à l’intérêt du demandeur principal. On est dans la même sphère d’intérêt mais il y a une exigence d’un intérêt propre. La jurisprudence a précisé qu’il n’y avait pas de condition de délai dans l’intervention, sauf à ne pas retarder le jugement de l’affaire : il ne faut pas que l’intervention soit un procédé utilisé par celui qui craint de perdre pour relancer le débat judiciaire et faire durer. Sinon, il est possible que cette intervention soit possible à tout moment, car il ne s’agit pas d’élargir le débat judiciaire.
Il est alors habituel de distinguer entre l’intervention accessoire et l’intervention principale.
— L’intervention accessoire : c’est la situation la plus fréquente. L’intervenant vient soutenir l’argumentation du demandeur ou de défendeur. Il s’associe aux conclusions de l’une ou de l’autre partie et entend appuyer des argumentations supplémentaires.
Cette intervention accessoire est présentée par une requête distincte, sans condition de délai, elle peut intervenir en appel (nouvelle argumentation dans le procès).
De la même façon, cette argumentation accessoire est dans le dépendance des conclusion principales : si le requérant se désiste, l’intervention tombe d’elle-même…
Le juge a même été plus loin dans ce caractère accessoire. La jurisprudence a exigé que l’intervenant ne puisse pas introduire dans le débat judiciaire, par son intervention, des moyens reposant sur une cause juridique différente de celles sur laquelle repose les conclusions principales. Cette crise d’argumentation lie l’intervenant.
Dans le plein contentieux, il faut que le droit froissé dont se prévaut l’intervenant soit distinct de celui invoqué par la partie principale.
— Intervention principale : le terme jure de lui-même. L’essence même d’une intervention est d’être accessoire. Il y a les parties et il y a ceux qui ne sont que participants. Pourtant, la jurisprudence a admis dans un certain cas l’intervention principale.
Ici, l’intervenant soumet au juge une prétention qui lui est propre, et qui se rapproche donc de conclusions supplémentaires : c’est une demande qui s’ajoutent à celles qui ont cristallisées le débat judiciaire.
— L’intervention principale n’est pas possible en appel. (On déplace les termes du litige).
— L’intervention principale n’est admise que si elle a un caractère « non innovatoire ». C’est-à-dire qu’il y a bien une intervention propre, mais que cette intervention propre se situe dans le cadre et les limites des questions posées au juge.
Exemple : Conseil d’Etat, 6 novembre 1959, Mme POMMAR. Cet arrêt admet la recevabilité d’une innovation qualifiée de principale « non innovatoire ». Les circonstances de l’espèce sont simples : explosion d’une conduite de gaz, cause des dommages à un fond de commerce. Le propriétaire agit et demande des DI pour réparer son préjudice. Mme POMMAR ne prétend pas que la société de Gaz ne doit rien payer. Elle fait irruption dans le procès : elle apporte sa qualité de propriété réelle du fond de commerce. Le propriétaire apparent demande de l’argent et subsidiairement, du jour où Mme Bonnard apparaît que lui soit dénier sa qualité de propriétaire. La société de Gaz demande de renvoyer devant le juge judiciaire sur la question de propriété. Mme POMMAR demande de renvoyer au juge judiciaire pour trancher la question de propriété.
— Mme POMMAR fait une intervention principale, parce que cette intervention ne s’inscrit pas au côté d’une des parties principales. Elle est une intervention propre, introduite à titre principale mais n’apporte pas d’éclatement du débat judiciaire (elle n’élargit pas le débat).
Dans ce cas de figure, l’intervention de Mme POMMAR fut jugée recevable. Cette configuration n’est pas fréquente.
- b) Intervention forcée
Certains intervenants ne souhaitent pas l’être, mais sont inscrits dans le débat judiciaire pour que la solution soit complète. Ici, le juge ordonne la mise en cause de tiers pour les rendre parties au procès, pour que la décision leur soit opposable. Il s’agira pratiquement toujours de parties défenderesses.
Conditions restrictives :
— Cette intervention forcée est exclue en matière d’excès de pouvoir.
— Là où elle est possible, elle ne peut être ordonnée que si elle est demandée par l’une des parties (le juge ne peut pas le soulever d’office).
— Si le juge peut mettre en cause à tout moment de l’instruction, il ne peut pas le faire pour la première fois en appel.
Lorsqu’elle est possible, cette intervention forcée, qui émane du demandeur, consiste à mettre dans la cause un tiers, parce qu’il apparaît que le débiteur n’est pas seulement le demandeur. (Cas de figure de l’appel en garantie), par exemple en matière de travaux publics : l’appel en garantie de l’assureur). C’est la forme la plus fréquente de l’intervention forcée : les débiteurs organisent la couverture des créances que l’on a contre eux.
L’appel en déclaration de jugement commun est ouvert à l’égard de toute personne au droit de laquelle le jugement pourrait préjudicier. C’est exactement la formule qui rend recevable la tierce opposition. Il s’agit de prévenir la tierce opposition en faisant venir ce tiers et lui demandant de s’expliquer afin que la décision lui soit opposable.
- B) Les parties dans la cessation de l’instance
La question qui se pose ici est de savoir si les parties conservent la maîtrise de la procédure dont elles ont eu l’initiative.
- Le désistement
C’est ici les questions de désistement et de non lieu que nous devons analyser. Le désistement correspond à l’hypothèse dans laquelle l’auteur du recours renonce à sa prétention. Le désistement doit être admis. Il comporte une disparition de l’instance (ruine de l’instruction déjà faite et pourvue de toute conséquence juridique).
Les choses, en réalité sont un peu plus compliquées quant à la formation du désistement et quant à ses effets.
- a) Catégories
— Désistement volontaire. C’est la volonté du requérant, qui choisit de mettre fin à l’instance. Ce désistement est libre, il est ouvert à tout moment de l’instance et peut être justifié par toute considération de fait ou de droit, ce qui veut dire en particulier que des éléments de fait conduisent à considérer que même si le recours était fondé en droit il serait maintenu. Ce n’est pas nécessaire que cette illégalité ait disparu pour qu’il se désiste.
Grande ouverture du désistement. La jurisprudence exige que les conditions du désistement soient explicites. Les termes du désistement doivent figurer et ne peuvent pas être suppléés par des manifestations de volonté équivoque.
— Désistement d’office. Ici, le requérant ne veut pas abandonner son affaire mais il est négligeant. Ici, le requérant ne suit pas la procédure. Peut être alors prononcé un désistement d’office, qui va contre la volonté du requérant, mais sanctionne une négligence du requérant qui n’a pas participé à l’alimentation du débat judiciaire.
Ce désistement d’office ne peut frapper que le requérant. Il est prévu dans certains cas :
Exemple : le requérant dépose un recours sommaire. Il doit alors produire un mémoire complémentaire dans un certain délai. S’il ne respecte pas ce délai, il est réputé s’être désisté. Le juge peut mettre fin à l’instance contre la volonté du requérant. Ce système est manié avec une certaine rigueur par le Conseil d’Etat, il l’est de façon moins brutale par les tribunaux administratifs qui procèdent généralement préalablement par une mise en demeure.
- b) Effets
— Désistement d’instance et désistement d’action
— Désistement d’instance : le requérant abandonne l’instance en question, se retire de la procédure engagée mais ne renonce pas nécessairement à une autre action.
— Désistement d’action : le requérant renonce à l’action : il renonce à faire valoir en justice le droit qu’il a essayé de faire valoir.
Le Conseil d’Etat présume que le désistement est un désistement d’action. Il appartient donc au requérant de préciser quand il s’agit d’un désistement d’instance.
— L’acceptation et le prononcé du désistement
Le désistement ne met pas toujours fin à l’instance :
— Dans l’hypothèse où il y a des requêtes collectives (plusieurs requérants), le désistement de l’un des requérants ne met pas fin à l’instance.
— Dans l’hypothèse où il y a des demandes reconventionnelles, le désistement du demandeur principal ne met pas fin à l’instance, sauf s’il était accepté par le demandeur reconventionnel.
Le juge vérifie si les conditions du désistement sont satisfaites et donne acte.
- Le non-lieu à statuer
C’est un évènement physique de circonstances (élément de fait) qui conduit le juge à rendre une décision de non-lieu à statuer et qui met fin à l’instance. Ce non-lieu à statuer signifie que le juge met fin à l’instruction, quelque soit la volonté des parties sur ce point, parce que l’objet du litige n’existe plus : il n’y a plus de matière au débat judiciaire.
- a) Non-lieu définitif
Quand un non-lieu est-il prononcé ?
— Quand il n’y a plus d’objet. (Exemple : l’acte a été retiré ; hypothèse où le préjudice a été réparé par équivalent)… Le non-lieu peut être législatif : imaginons que la disposition contestée a fait l’objet d’une loi : le juge n’est pas juge de la loi. Il ne peut plus agir.
Dans tous ces cas, le non-lieu est définitif.
- b) Non-lieu en l’état
C’est un non lieu qui n’exclut pas une reprise de l’instance. (Il est une hypothèse où on a perdu le dossier. Il faut s’arrêter avant de reconstituer les éléments du dossier).
Sans doute les parties à l’instance ont un rôle, mais le litige peut également prendre fin en dehors de leur volonté.
- 2 : Les conclusions
- A) Définition
Les conclusions sont l’expression par les parties de la chose demandée au juge. Le procès, c’est la transformation de la chose demandée en chose jugée : ce que le requérant demande c’est que la chose qu’il demande soit jugée au nom du peuple français, et donc qu’il y ait une force exécutoire.
La conclusion, c’est ce qui conclut l’argumentation.
Le déni de justice n’est pas caractérisé lorsqu’on ne répond pas à tous les moyens, mais quand on ne répond pas à toutes les conclusions. On a un droit à porter une demande devant un juge et à porter une réponse.
Ces conclusions sont de la responsabilité des parties. Elles doivent être clairement formulées. Des conclusions non clairement formulées conduisent à l’irrecevabilité de la requête, sous réserve que le juge invite à régulariser.
- B) Classification
Conclusions principales
Conclusions additionnelles
- C) Le cas des conclusions reconventionnelles
« Il est possible en défense de chercher à amoindrir les effets du litige en formant des conclusions reconventionnelles. Devant le juge administratif, la technique est utile essentiellement en matière de réparations indemnitaires, que la cause juridique de la demande soit le contrat, la faute ou autres. Elle l’est également lorsqu’un régime a été spécifiquement organisé, comme, par exemple dans certains contentieux fiscaux (cf. art. R. 200-15 LPF :
– C.E. 31 juillet 1992, Mme S…, n° 68974 (voir également jurisprudence ci-dessous)
L’irrecevabilité des conclusions reconventionnelles à raison de la nature du contentieux
Dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir les conclusions reconventionnelles sont par principe irrecevables :
– C.E. 24 novembre 1967, M. N…, n°66271
– C.E. 7 décembre 1979, Ministre de l’Economie et des Finances, n°05577
– C.E. 27 juin 2001, Caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Garonne, n°224115
– C.E. 10 mars 2003, Communauté de communes de Haute-Provence, n° 226662
Elles sont également irrecevables dans le contentieux de l’élection, alors même qu’il s’afit d’un contentieux de pleine juridiction :
- qu’elles tendent à l’obtention dommages et intérêts :
– C.E. 21 décembre 1977, Elections municipales de Crolles (Isère), n°08374 - qu’elles tendent à la proclamation de l’élection d’un candidat non élu :
– C.E. 9 décembre 1977, Elections municipales de Congis-sur-Thérouanne, n°08575 - qu’elles tendent à l’invalidation d’un candidat proclamé élu :
– C.E. 23 septembre 1985, Elections municipales de Saint-André-de-la-Réunion, n°59882
– C.E. 31 juillet 2009, Elections municipales de Saint-Rose (La Réunion), n°318365, 319654
Dans ce cas le juge de l’élection regarde la demande reconventionnelle comme une protestation nouvelle et apprécie si elle est encore présentée dans les délais de contestation. - qu’initiées par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques elles tendent à la déclaration d’inéligibilité d’un candidat :
– C.E. 23 août 2006, Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, n°270561
L’irrecevabilité des conclusions reconventionnelles à raison de la technique procédurale
Sont irrecevables des conclusions reconventionnelles qui soulèvent un litige distinct de celui dont le tribunal administratif est saisi :
– C.E. 30 octobre 1987, Mme I…, n° 67967
Mais une société est recevable à présenter ses demandes reconventionnelles sur le terrain de l’enrichissement sans cause, alors qu’elle les avait à l’origine fondées sur le contrat, dès lors que ce contrat était entaché de nullité :
– C.E. 29 décembre 2008, commune de Montpellier, n°286130
Sont irrecevables des conclusions reconventionnelles présentées en défense à des conclusions de plein contentieux dès lors que l’administration dispose du pouvoir d’agir par elle-même :
– C.E. 6 mai 1983, Société Distrelec et autre, n°28850 ; 30971
Il en est ainsi, par exemple, lorsqu’elle peut émettre un titre de perception :
– C.E. 9 juillet 1975, Ministre de l’Economie et des Finances, n°93967
De même le service fiscal n’est pas recevable à présenter des conclusions en décharge d’une imposition, dès lors qu’il il lui appartient de la prononcer d’office :
– C.E. 9 novembre 1988, M. G…, n°68965
Sous réserve de régime organisé par un texte tel l’art.R.200-15 LPF :
– C.E. 28 mai 2001, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie,n°208142
Sont irrecevables des conclusions reconventionnelles se greffant sur des conclusions principales elles mêmes irrecevables :
– C.E. 8 novembre 1968, Entreprise Poroli et Dame M…, n° 62778, 64028, 64424
Le préfet n’est pas recevable, dans le cadre d’un recours exercé par un demandeur de logement ou d’hébergement en vertu de l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation, ni demander l’annulation, par la voie d’une demande reconventionnelle, ni exciper de l’illégalité de la décision de la commission départementale de médiation, laquelle est susceptible de recours :
– C.E., Avis, 21 juillet 2009, Mme I…, n°324809″
- 3 : Les moyens
Ce sont des arguments de fait et des arguments de droit. Le juge doit les examiner. Mais il a à l’égard de ces moyens beaucoup plus de liberté qu’à l’égard des conclusions. Le juge n’a pas besoin d’examiner tous les éléments apportés. Enfin, le juge peut également apporter ses propres moyens.
Autant le juge est lié par le débat (la conclusion). Autant le juge est un acteur du débat judiciaire lui-même. Il n’est pas lié à la discussion qui s’ouvre devant lui.
- A) Les moyens des parties
- Rappel : moyens de légalité externe et moyens de légalité interne
Classifications possible : le débat est ouvert en droit et en fait. Il y a des moyens de fait et de droit, les moyens du demandeurs et ceux du défendeurs, qui ne sont pas nécessairement les moyens du demandeur (par exemple : l’irrecevabilité vise à faire écarter la demande du demandeur). Il y a des moyens principaux et des moyens subsidiaires.
La classification est intéressante : elle détermine l’ordre des moyens par le juge :
— On examine toujours la légalité externe
— On examine ensuite la légalité interne.
Si un moyen de légalité interne prospère, l’acte ne peut pas être réparé. En revanche, si c’est un moyen de légalité externe, l’acte peut être réparé.
Les moyens ne sont pas toujours de même nature :
— Exemple d’un vice de procédure. Le vice de procédure affecte la légalité externe de l’acte (vice de forme). On considère que telle formalité n’est pas accomplie : c’est un grief de légalité externe. Mais s’il y a arrêté de cessibilité : il devient moyen de légalité interne. C’est le même grief, c’est le même défaut qui change de nature compte tenu de son invocation dans deux cadres successifs.
- Date d’appréciation
Les moyens sont appréciés à des dates différentes :
— Plein contentieux : à la date de décision du juge.
— Recours en Excès de Pouvoir : à la date de l’acte.
- B) Les moyens écartés par le juge
Il faut distinguer les moyens écartés par le juge des moyens non fondés. Ceux-ci sont écartés du débat judiciaire. Ces moyens, écartés par le juge, ne sont pas constitutifs d’un déni de justice. Ces moyens sont de façons classiques rangées en trois catégories.
- Moyens manquant en fait
— Ici, matériellement, le moyen n’existe pas. Celui qui apporte le moyen commet une erreur de fait (exemple irrecevabilité du recours pour ne pas avoir constitué avocat, et le requérant a signé le recours). Le moyen manque en fait, il doit être écarté. Il n’y a pas matière à appréciation et à discussion, c’est une pure analyse de fait. Il n’y a pas non plus à en discuter.
— Dans cette seconde série d’hypothèse pour laquelle le juge emploi aussi l’expression de moyen manquant en fait, il s’agit en réalité d’une situation différente : c’est l’hypothèse d’une inexacte interprétation de la décision contestée. C’est en réalité une erreur de droit qui a été commise et non pas une erreur de fait. On veut dire par là que, comme dans l’hypothèse précédente, le juge n’entre pas dans la discussion du requérant : il refuse la discussion. Peut importe la question, ce n’est pas l’objet de l’acte. Mais en réalité, nous ne sommes pas éloigné ici du moyen mal fondé.
- Moyens irrecevables
Il ne s’agit pas d’une requête irrecevable. Ici, la requête est recevable. Mais dans le débat, on met des arguments qui eux vont être jugés irrecevables dans la discussion.
— Sont jugés irrecevables les moyens assortis d’allégations de faits insuffisant. Le juge écarte ces moyens.
— Sont jugés irrecevables des moyens qui n’auraient pas été apportés dans un recours administratif obligatoire. Les moyens que l’on peut apporter devant le juge sont les seuls qui ont été apporté devant l’administration.
— Irrecevables aussi les moyens tirés de l’illégalité d’une décision administrative individuelle (sous la réserve du renvoi de juridiction à juridiction).
— Irrecevabilité tenant des limites et de la compétence du juge. Si on invoque l’inconstitutionnalité d’une loi, alors ce moyen est inopérant car le juge n’a pas la compétence. (De la même façon pour des moyens qui conduiraient le juge à s’immiscer dans le judiciaire).
— On ne peut pas invoquer non plus la méconnaissance de clauses d’un contrat.
- Moyens inopérants
Cette catégorie n’a pas toujours une autonomie nette. Cette qualification a de l’importance, car la jurisprudence leur faut un sort particulier : les moyens n’ont pas besoin d’ être nommés par le juge. C’est leur régime contentieux qui les distingue. Il peut écarter un tel moyen sans en faire état, et sa décision ne sera pas censurée. Jurisprudence CE 25 mars 1960 BOILEAU « le juge peut sans encourir de critique écarter un tel argument ».
C’est ce régime contentieux qui fait l’unité de ce type de moyen.
Sont déclaré inopérants :
-les moyens sans rapport avec le litige, de droit ou de fait. Pas besoin de s’y attarder donc. Ex : on invoque une loi sur les drogues, or le médicament n’a pas de telles substances. Ce qui est écarté au nom de l’indépendance des législations : droit de l’urbanisme contre législation de l’environnement ou la santé publique. Cette construction de la jurisprudence peut suspendre, au nom de la légalité administrative. Mais les légalités administratives sont cloisonnées. Il appartient à la jurisprudence de donner à chaque fois son périmètre précis à la légalité administrative.
-les moyens qui se heurtent à une disposition législative. C’est la théorie de la loi écran. L’acte méconnaît la Constitution, mais est conforme à un loi !
-les moyens invoqués à l’encontre d’une décision que l’administration pouvait prendre. Sont écartés car l’administration devait prendre la décision, car a une compétence liée. Si on supprime cette décision, elle sera reprise automatiquement. Ex ; fonctionnaire à la retraite. Dans tous les cas, il sera à la retraite. Ce moyen est donc inopérant, écarté par le juge. Cette catégorie joue même pour les détournements de pouvoir. Ça risque de donner lieu à des désordres. Cette jurisprudence a donc trouvé des limites Conseil d’Etat 9 avril 1986 FAUGEROUX: « l’incompétence n’est pas écartée par un moyen inopérant car l’illégalité commise a eu pour conséquence de supprimer une garantie dont il n’est pas possible de priver le destinataire ». Cette jurisprudence est une jurisprudence d’exception.
Il y a donc beaucoup de choses dans cette catégorie, très hétérogène.
- C) Les moyens apportés par le juge : les moyens d’ordre public
Ces éléments de discussion doivent être relevés par le juge, d’office, même si les parties ne l’on pat invoqué ou y ont renoncé. C’est l’ordre public contentieux. Mais le juge n’est tenu de le faire que s’il trouve des éléments dans le dossier. Mais il peu élargir le débat pour savoir Conseil d’Etat 13 février 1987 Morel . Sous cette réserve, les moyens d’ordre public peuvent être relevés à tout moment par le juge, c’est une obligation pour lui. C’est obligatoire, sauf si ça se heurte à l’autorité de chose jugée, car il y aurait contradiction entre deux éléments d’ordre public Conseil d’Etat 16 octobre 1992 Mme Martine Dupuis (interdiction de libéralités de la part d’une personne publique, c’est un moyen d’ordre public. Mais autorité de chose jugée).
Quels sont ces moyens ? Comment ça se passe ?
- Catégories
Ils sont nombreux.
- l’incompétence
Un tel moyen est toujours d’ordre public . ça se rattache à la théorie des compétences ; pas possible de l’étendre, de la restreindre… ça vaut aussi en matière de délégation de pouvoir, car il y a transfert de compétence au délégataire (a retranché à sa compétence). L’absence, même partielle, de consultation du Conseil d’Etat est aussi source d’incompétence, et non un vice de forme. Le Conseil d’Etat est donc co-auteur de la décision administrative. C’est une construction de la jurisprudence , très efficace. Le juge a la sanction du mécanisme de consultation du Conseil d’Etat .
Celui-ci est allé loin : il doit être consulté le dernier, sur la totalité du texte, et il propose une rédaction (suggestion alternative) à la place de la rédaction initiale. C’est un moyen d’ordre public inventé par la jurisprudence.
Idem pour la méconnaissance de la consultation du Conseil constitutionnel, et quand un décision ne peut être prise que sur avis conforme ou proposition. C’est considéré comme de l’ordre public.
- méconnaissance du champ d’application de la loi
L’acte administratif se méprend sur le champ d’application de la loi : temporalité, application territoriale… Elle n’existe pas en tant qu’applicable à cet acte. La rétroactivité d’un règlement, l’inexistence d’un acte administratif sont d’ordre public.
- Propre à certains contentieux
Dans le contentieux pécuniaire, une personne publique ne peut pas être condamnée à payer une somme qu’elle ne doit pas. Sous cette formulation, qui tend à être abandonnée, se cache l’interdiction de l’intention libérale. Ça pose problème en matière de transaction.
Autre moyen d’ordre public, l’irrégularité de la composition d’une juridiction (principe d’impartialité). Conseil d’Etat 30 juillet 2003, Mme Chatin-Tsai.
- Régime
Jusqu’en 1992, la jurisprudence retenait une décision très critiquée. Le juge n’était pas tenue d’informer les parties, de recueillir leur observation… Donc pas de contradiction. Cette jurisprudence était critiquable, car c’était l’inverse pour le juge judiciaire. Ceci est du aux textes, car il y a une différence de rédaction (juge administratif avait l’obligation, le juge judiciaire avait la faculté). Décret 22 janvier1992 abandonne cette jurisprudence , et rétablit les exigences de contradiction. Le juge doit informer les parties, et donne un délai pour leurs observations. Ça vaut à tout moment de la procédure, interprétation donc libérale. Mais aussi interprétation libérale, car il est arrivé que le Conseil d’Etat ne dise pas le moyen d’ordre public qu’il soulevait. Cette exigence est écartée en matière d’urgence.
- 4 : La procédure d’instruction
I- Les pouvoirs du juge
Devant le tribunal administratif ou la cour administrative d’appel, chaque requête est attribuée par le président à une section ou une sous section ou une chambre. Il désigne ensuite un rapporteur qui propose les mesures d’instructions. A tout moment de la procédure, une affaire peut être renvoyée à une formation de jugement supérieure. Le conseil d’état, les cours administratives d’appels, et les tribunaux administratifs ont la possibilité de mettre un terme à l’instance sans instructions préalables « lorsqu’il apparait au vue de la requête introductive d’instance que la solution de l’affaire est dores et déjà certaine », article R 611-8 du code de justice administrative. Cette procédure est rarement utilisée car elle permet au juge d’écarter des demandes manifestement irrecevable ou portée devant une juridiction incompétente. Grâce à son pouvoir inquisitoire, le juge fixe les délais dans lesquels les différents mémoires ou observations doivent être fournies. Ces délais ne sont pas prescris à peine de nullité sauf mise en demeure ou clôture de l’instruction. Ainsi, le dépôt d’un mémoire après expiration du délai n’a pas d’affluence sur la régularité de la procédure. Lorsqu’une partie ne répond pas à une demande du juge dans le délai imparti, la juridiction adresse une mise en demeure soit à la partie directement soit à son ministère d’avocats. Si la mise en demeure reste sans effet, ou si le dernier délai assigné n’est pas respecté, le juge statut. Si c’est le demandeur qui n’a pas observé le délai, le demandeur est réputé s’être désisté de son action. Si c’est par contre le défenseur qui n’a pas observé le délai ni la mise en demeure on dira qu’il est réputé d’avoir acquiescé aux faits exposés par le demandeur. Les juridictions se réservent le droit pour les cas où la mauvaise volonté des parties est évidente.
II- La clôture de l’instruction
L’affaire est en état d’être jugée, l’instruction est close avant le début des conclusions du rapporteur public, appelé commissaire du gouvernement avant 2009. Cette disposition permet de présenter à l’audience des observations orales à l’appui des conclusions écrites. Cette disposition prévoit également que si les parties présentent des moyens nouveaux ou des conclusions nouvelles le tribunal ne peut les adopter sans ordonner un supplément d’instruction.
Après la clôture de l’instruction, les parties n’ont plus la possibilité de produire des documents. Les pièces présentées après la clôture sont dépourvues de valeur sauf tolérance du juge. D’après l’article R 611-11-1 « lorsque l’affaire est en état d’être jugée, les parties peuvent être informées par ordonnance du juge de la date ou la période à laquelle il est envisagé de les appeler à l’audience… ». Cette procédure est facultative, ce n’est pas une obligation pour le juge.
A.Closse
Le juge peut ou ne peut pas accepter des pièces comme il dispose aussi la faculté de rouvrir l’instruction. Cette réouverture de l’instruction n’est pas susceptible de recours (article R 613-4 du code de justice administrative). Par contre cette décision de rouvrir l’instruction doit être notifiée par ordonnance aux parties. La plupart du temps la réouverture de l’instruction résulte soit d’un jugement d’une autre affaire liée ou résulte de mesures d’investigations et ordonnant un supplément d’instructions. Bien évidemment, les mémoires qui auraient été produit pendant cette période entre la clôture et la réouverture sont communiquées aux parties. La découverte de moyen d’ordre public après clôture de l’instruction entraîne la réouverture de plein droit de l’instruction.
III- Le principe du contradictoire (ou le droit des parties)
Ce caractère contradictoire est un principe général de la procédure contentieuse. Au moment de la naissance de l’instance les parties doivent être informées pendant l’instance. On estime qu’il faut que les parties aient une information suffisante dans l’instance pour que les parties puissent se défendre utilement. Pour cela, les parties doivent connaitre l’argumentation et les pièces que la partie inverse invoque ainsi que celles que le juge utilise. Toutefois, les parties doivent toujours demander la communication au juge des pièces. C’est une jurisprudence constante de 1925, arrêt Candat. Le juge ne peut statuer à l’aide de document qu’il s’est procuré sans les communiquer aux parties. Le droit a communication englobe le droit à communication entre les parties (mémoires, requêtes…), les conclusions du rapporteur public, ce droit à communication s’effectue par tous moyens.
IV- Le délai pour statuer
Le juge ne se voit pas astreint à un délai pour rendre son jugement. Il est simplement énoncé que les décisions juridictionnelles doivent intervenir dans un délai raisonnable. Le silence d’une juridiction ne fait pas naître une décision implicite de rejet (sinon déni de justice). Chaque juridiction est donc souveraine dans la conduite de l’instruction.