Le contentieux de la cassation administrative en Belgique

CHAPITRE VII : LE CONTENTIEUX DE LA CASSATION ADMINISTRATIVE

I) Cassation et annulation

Depuis 1999, on distingue clairement l’annulation et la cassation administrative :

– l’annulation fait disparaître les actes administratifs non juridictionnels

– la cassation administrative fait disparaître les décisions contentieuses des juridictions administratives, rendues en dernier ressort (art. 14, § 2 LCCE)

II) Plus de ressemblances que de différences

  1. Similitudes

Les contentieux de l’annulation et de la cassation administrative ont été régis par les mêmes dispositions pendant 50 ans. Pratiquement, ils suivent donc toujours plus ou moins les mêmes règles et tout ce qui a été vu supra sur le contentieux de l’annulation peut être transposé à la cassation administrative.

La différence qu’a voulu mettre en évidence la modification de 1999 vise en fait seulement le fondement constitutionnel des 2 contentieux : celui de la cassation administrative est l’article 145 qui permet de confier aux juridictions administratives les contestations portant sur des droits politiques.

  1. Délimitation des compétences juridictionnelles

La volonté du législateur, en créant le Conseil d’Etat, n’a jamais été de restreindre les compétences des juridictions judiciaires.

Donc, comme pour l’annulation, le Conseil d’Etat n’est compétent en matière de cassation administrative que quand aucun recours n’est possible devant une juridiction judiciaire. On peut d’ailleurs le déduire indirectement de l’article 14, § 2 LCCE qui dit que le Conseil d’Etat n’est compétent que pour casser les décisions contentieuses des juridictions administratives, rendues en dernier ressort.

  1. Pas de référé connexe

La grande différence entre les contentieux de l’annulation et de la cassation administrative est que, en ce qui concerne la cassation, on ne peut obtenir de suspension.

Le législateur ne s’est jamais vraiment expliqué sur ce point, d’ailleurs critiquable car une décision juridictionnelle peut, comme tout acte administratif, être susceptible de causer un préjudice grave et difficilement réparable (ex. ordre de quitter le territoire prononcé par la Commission permanente de recours des réfugiés).

  1. Causes de cassation

L’article 14, § 2 LCCE mentionne 2 causes de cassation :

– la contravention à la loi

– la violation des formes substantielles ou prescrites à peine de nullité

Ne sont donc pas des causes de cassation :

– le détournement de pouvoir : mais là, ça a peu d’incidence vu la rareté des situations où il est admis (v. supra).

– l’excès de pouvoir : on a voulu éviter que ne se développe un trop gros arriéré et donc, on n’a pas imposé au CE de contrôler la légalité en fait des décisions attaquées.

Le recours en cassation administrative est donc censé, comme le recours en cassation judiciaire, ne pas viser le fond. Mais c’est illusoire car le contrôle de forme vise la motivation, obligatoire (art. 149 de la Constitution), et donc son contenu. En fait, la seule différence est que, au contentieux de la cassation, le Conseil d’Etat se montrera plus strict sur les moyens invoqués qui devront :

  • mentionner explicitement la disposition violée par la décision attaquée
  • avoir déjà été invoqués au fond

Le Conseil d’Etat se prononcera donc sur le fond mais de manière médiate et non plus immédiate.

III. Procédure

  1. Requérants potentiels

Les personnes pouvant être requérant dans la procédure en cassation administrative sont les 2 parties qui se sont opposées dans le litige ayant donné lieu à la décision attaquée..

Elles ne doivent pas justifier d’un intérêt : il est présumé dans le chef de la partie qui a perdu, ne fût-ce qu’en partie, le procès en 1ère instance.

Elles devront invoquer des moyens déjà invoqués au fond, sauf s’ils tiennent à la décision attaquée elle-même.

  1. Partie adverse

La partie adverse sera la partie à laquelle le requérant s’était opposé au fond. Ce n’est donc pas la juridiction qui a pris la décision de fond !

  1. Renvoi après cassation

Si le Conseil d’Etat casse la décision attaquée, l’affaire sera renvoyée devant la juridiction qui l’avait prise, si possible autrement composée (sauf si la décision est justement cassée parce que la juridiction qui l’avait prise était incompétente).

Elle sera obligée de statuer (sinon, déni de justice), contrairement à l’autorité administrative qui, après un arrêt d’annulation, n’est pas obligée de reprendre une décision.

  1. Certaines juridictions statuent en dernier ressort

Certaines juridictions administratives statuent en 1er et dernier ressort et leurs décisions ne sont donc pas susceptibles d’un pourvoi en cassation administrative.

Ex. : Commission spéciale pour l’indemnisation des détentions préventives inopérantes, Conseil provincial lorsqu’il statue sur les pouvoirs de ses membres,…