Contentieux du contrat administratif : exécution, passation

Le traitement des litiges relatifs au contrat administratif

I – Les contentieux liés à la passation du contrat

Traditionnellement, il n’était possible de contester la passation d’un contrat que lorsque celui-ci existait, c’est-à-dire après qu’il avait été signé. L’intervention du juge était ainsi tardive car la contestation portait souvent sur la procédure même de la passation (la violation des règles de concurrence et de transparence lors de la procédure de passation d’un marché, par ex.). C’est sous la pression du droit communautaire que la France a été amenée à rendre son système plus efficace, obligée qu’elle fut de transposer un certain nombres de directives qui imposait que le juge puisse intervenir durant la procédure de passation pour empêcher la conclusion d’un marché mal formé et donner aux entreprises concurrentes des garanties efficaces.

Avant la conclusion du contrat, il y a une décision unilatérale de la personne publique. On conçoit que la personne publique veut contracter. Il faut isoler ce moment : la décision de contracter, elle a un caractère unilatérale. On peut donc faire recours pour excès de pouvoir. Ce recours n’est pas recevable contre un contrat, alors le juge isole le moment unilatéral nécessaire.

On détache intellectuellement une opération d’un ensemble plus large. Arrêt du Conseil d’État, arrêt Martin 1905.

Lorsqu’on a annulé un acte détachable de passation, l’administration a l’obligation de saisir un juge pour déclarer la nullité du contrat.

Cette solution n’est pas pleinement satisfaisante. Il s’est passé 3 choses, on a introduit de nouveaux moyens :

  • Mise en place d’un système préventif ou référé précontractuel pendant la procédure de passation. Pour pouvoir attaqué, il faut attendre que le contrat soit conclu pour attaquer la décision détachable. Il faut attendre que toutes les irrégularités de procédure soient commises. La procédure doit être simplifié et rapide, il faut une procédure d’urgence devant le juge : référé. On parle de référé précontractuel.
  • Une réforme des pouvoirs du juge administratif en général, mais avec un intérêt particulier en la matière. C’est la possibilité donnée au juge de prononcer des injonctions. Une injonction permet au juge d’avoir le pouvoir de donner un ordre, e commander à l’administration. L& réforme de 1995 a donné le pouvoir au juge d’ordonner à l’administration. L’administration est enjointe de saisir le juge pour demander la nullité du contrat.
  • L’arrêt Société Tropique Travaux Signalisation de 2007 est une innovation jurisprudentielle ex nihilo. C’est la création d’une procédure (postcontractuelle) de toute pièce : création d’une action au profit du tiers évincé de la procédure. Le tiers écartée de la procédure n’auront que ce recours : il peut demander au juge administratif, juge du contrat. C’est le recours de pleine juridiction. Pour donner cette efficacité, il saisit le juge des contrats qui se prononce sur la validité du contrat. Le juge des contrats ne va prononcer la nullité du contrat, mais l’annulation du contrat ou de clauses.

II. Les contentieux relatifs à l’exécution des contrats

La qualification de contrat administratif désigne le juge administratif comme juge du contrat. Les litiges relatifs à l’exécution du contrat, regardant les parties et l’exécution de leurs obligations respectives, ne peuvent être en principe portées que devant le juge du contrat, qui ne peut lui-même être saisi que par les parties (ce ne sont pas des recours pour excès de pouvoir, mais, comme l’on dit, des recours de plein contentieux, cf. infra, titre 3) (A). De manière très limitée toutefois, le juge de l’excès de pouvoir peut être saisi de certaines mesures d’exécution d’un contrat, ce qui ouvre le prétoire aux tiers (B).

A. Les recours contractuels de plein contentieux

Le juge du contrat ne peut donc être saisi que par les parties à la convention ce qui exclut le recours des tiers. Il est saisi soit d’une demande en nullité du contrat formée par l’une des parties (celle, par exemple dont le consentement a pu être vicié), des questions de responsabilité liées à l’exécution du contrat (responsabilité contractuelle à distinguer de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle) ainsi que des demandes tendant à reconnaître l’état d’imprévision ou de force majeure.

Doit être saisi, en principe, le Tribunal Administratif dans le ressort duquel est exécuté le contrat (art. R 312-11 CJA). Il existe toutefois à cette règle de la compétence territoriale de nombreuses exceptions (par ex. pour les contrats d’agents publics c’est le lieu d’affectation de l’agent qui est déterminant ; pour les contrats dont l’exécution dépasse le cadre d’un seul ressort de TA, on prend en considération le lieu de signature).

Le juge du contrat est en principe, hormis le cas de la déclaration de la nullité du contrat, un juge de l’indemnisation. Il répare le préjudice subi par l’une des parties, se prononce sur l’indemnité d’imprévision, etc. En principe, il n’est pas un juge de l’annulation : une déclaration de nullité du contrat (jugement déclaratif) n’est pas une « annulation » du contrat (jugement constitutif) ; il ne peut annuler les décisions prises par l’administration dans le cadre de l’exécution du contrat (sanctions, modification ou résiliation unilatérale), il en répare les conséquences éventuellement dommageables. Il existe cependant une série d’exceptions : s’agissant, par ex., de contrats qui supposent de la part du cocontractant la réalisation d’investissements, celui-ci peut demander, pour irrégularité, au juge l’annulation de la décision éventuelle de résiliation (mais seulement de la décision de résiliation) ; de même la résiliation du contrat d’agent public, d’un contrat d’occupation du domaine public ou d’un contrat entre personnes publiques peuvent être annulées si ces résiliations sont illégales.

B. L’utilisation du Recours en Excès de Pouvoir

Il s’agit ici, exclusivement, d’envisager dans quelle mesure des tiers aux contrats peuvent attaquer, pour excès de pouvoir, certaines mesures d’exécution du contrat. En effet, les parties, disposant du recours contractuel, sont irrecevables à demander l’annulation de ces mesures par la voie du REP. Voyez, par ex. : CE 9 juillet 1997 Sté des eaux de Luxeuil-les-Bains et Ville de Cannes, RFDA 1997, p. 535, concl. Bergeal.

Ce recours des tiers contre les mesures d’exécution du contrat n’est cependant ouvert que de manière très restrictive : l’exécution d’un contrat est en principe l’affaire des parties au contrat, dont l’effet est, en droit administratif comme en droit privé, « relatif ». Toutefois dans certains cas, un tiers qui a un intérêt particulier à une telle annulation peut être déclaré recevable, dans des conditions très restrictives, à s’immiscer dans les relations contractuelles d’autrui.

Ex., dans une jurisprudence très rare : Une entreprise ayant obtenu des PTT (à l’époque) un numéro à ses initiales, une société concurrente demande le même avantage et, ne l’ayant pas obtenu, demande à l’administration de résilier le contrat d’abonnement téléphonique de l’autre société et attaque devant le juge de l’excès de pouvoir le refus opposé à sa demande par l’administration. Le recours, s’il est rejeté au fond, est déclaré recevable : CE 24 avril 1964, Sté LIC, Rec. 239. Les sociétés d’éditions musicales et de production phonographique ont un intérêt à agir par la voie de l’excès de pouvoir, contre la décision portant résiliation de la concession d’exploitation d’une chaîne de télévision hertzienne à dominante musicale : CE ass., 2 févr. 1987, Sté TV6, Rec. 29.

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