La continuation des contrats en cours

La continuation des contrats en cours

            Le premier risque rencontré par un débiteur soumis à une procédure collective est celui de la rupture de ses relations contractuelles, ses créanciers pour mettre un terme à ces relations avec le débiteur, peuvent utiliser une clause résolutoire ou invoquer l’inexécution de leur prestation par l’exception d’inexécution. Or la rupture de ses relations est préjudiciable en matière de sauvegarde car elle peut conduire le débiteur à la Cessation de paiements. La loi est intervenue de manière contraignante puisqu’elle impose au contractant du débiteur le maintien des contrats qui étaient en cours au jour du jugement d’ouverture de la procédure, et ce malgré leur inexécution de la part du débiteur.

            La continuation des contrats en cours est consacrée par l’article L 622-13 Code de Commerce, cet article n’était pas une nouveauté de la loi de 2005. Cette dernière en effet ne fait que reprendre les dispositions déjà contenues dans la loi de 1985, à l’ancien article L 621-28 du Code de Commerce. L’ordonnance de 2008 a toutefois, modifié de nombreux articles consacrés à la continuation des contrats en cours dans le but d’une meilleure lisibilité dans l’ensemble. Il faut noter que ce principe connait un aménagement particulier pour le contrat de bail affecté à l’activité de l’entreprise.

            A – Principe du maintien des contrats en cours

                        1- Les contrats concernés

            De par la généralité des termes employés le principe de la continuation des contrats en cours s’applique à tout contrat quelque soit sa nature (instantané ou à exécutions successives) et quelque soit également son objet, également les contrats administratifs. Enfin la question s’est posée de savoir si les contrats conclus intuitu personae relevaient de cet article (l’ouverture de crédit par exemple), dans un arrêt de principe rendu le 8 décembre 1987 a considéré que le principe leur était également applicable.

            Une exception est cependant prévue par la loi, elle est relative aux contrats de travail, qui ne sont pas soumis à l’article L 622-13 du Code de Commerce, cela signifie que le débiteur qui reste l’employeur dans le cadre de la procédure de sauvegarde, doit respecter le droit commun du licenciement.

Concernant les contrats d’assurance : leur régime a été modifié par la loi du 26 juillet 2005, et ce à compter du 1er janvier 2006, avant cette date conformément à l’article L 113-6 du Code des assurances l’assureur avait le droit de résilier les contrats d’assurance en cours au jour du jugement d’ouverture sans avoir à justifier sa résiliation. Cet article a été abrogé en 2005, pour toutes les procédures ouvertes à partir du 1 er janvier 2006. Le contrat d’assurance est désormais soumis au régime de droit commun gouvernant la continuation des contrats en cours (plus favorable à l’entreprise).

Avant d’imposer au contractant la continuation du contrat, l’administrateur doit par ailleurs s’assurer que le contrat n’a pas fait l’objet d’un jugement définitif d’annulation ou de résolution, il doit également s’assurer qu’une clause résolutoire n’a pas produit ses effets avant l’ouverture du jugement. D’une manière générale il convient de remarquer que la rupture contractuelle doit avoir été acquise avant l’ouverture du jugement d’ouverture car conformément à l’article L 622-13 aucune résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

                        2- L’exercice du droit d’option

            Conformément à l’article L 622-13 l’administrateur a seul la faculté d’exiger la continuation des contrats en cours, toutefois la désignation d’un administrateur n’est pas obligatoire il faudra donc s’interroger sur l’application du principe en son absence.

                                   a- La continuation des contrats en présence de l’administrateur

            C’est l’administrateur seul, lorsqu’il est nommé qui exerce l’option entre la continuation du contrat et sa rupture, c’est une compétence exclusive même si l’administration n’a pas été investi par le tribunal, son choix parmi les contrats maintenus ou rompus n’est soumis à aucune condition de forme ou de délai. Ce choix peut être express ou tacite et résulter dans ce cas de la continuation du contrat sans manifestation particulière de rupture. L’administrateur engagerait sa responsabilité s’il ne poursuivrait pas un contrat indispensable à la continuation de l’activité, par contre il peut poursuivre tous les contrats, car les causes de résiliation de plein droit pour survenance d’une procédure de sauvegarde sont réputées non écrites.

            Pour avoir une idée plus précise de la décision de l’administrateur le créancier peut le mettre en demeure de faire son choix. L’absence de réponse de l’administrateur, dans le mois qui suit la mise en demeure emporte résiliation de plein droit du contrat. Ce délai d’un mois peut être toutefois prolongé de 2 mois par décision du juge commissaire. Le créancier devra attendre au plus 3 mois avant d’être fixé sur le sort de son contrat. Toutefois la Code de Commerce dans une décision rendue le 19 mai 2004 avait considéré qu’en l’absence de mise en demeure d’opter par le contractant, la renonciation de l’administrateur à la renonciation du contrat en cours n’emportait pas résiliation de plein droit de ce contrat mais conférait au contractant le droit d’en demander la résiliation judiciaire. Le cocontractant apparaissait alors comme le maître du contrat car soit une mise en demeure était adressée à l’administrateur et le contrat pouvait être résilié de plein droit, doit en l’absence de mise en demeure la décision de l’administrateur ne pouvait aboutir à la résiliation du contrat puisque seul le contractant pouvait le demander. Dans certains cas le contrat était alors ni exécuté ni résilié, dans cette optique l’ordonnance de 2008 a modifié l’article L 622-13 il dispose désormais qu’à la demande de l’administrateur la résiliation est prononcée par le juge commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et si elle ne porte pas atteinte excessive aux intérêts du cocontractant. Il en résulte donc que l’administrateur que même en l’absence de mise en demeure du créancier, demander la résiliation d’un contrat, les  dommages & intérêts résultants de cette résiliation seront inscrits au passif. Cette mesure nouvelle met donc fin au débat lorsque l’administrateur décide de ne pas poursuivre le contrat en l’absence de mise en demeure du contractant.

b- La continuation des contrats en cours en l’absence d’administrateur

La désignation d’un administrateur n’est pas obligatoire, lorsqu’il n’y a pas d’administrateur, c’est le débiteur qui exercera la faculté ouverte normalement à l’administrateur, de poursuivre les contrats en cours. Cependant après avis conforme du mandataire judiciaire. C’est également lui qui pourra demander la résiliation du bail, en vertu des articles L 622-13 et -14 du Code de Commerce. Le juge commissaire pourra intervenir en cas de désaccord entre le débiteur et le mandataire judiciaire.  

                        3-Les conséquences du choix de l’administrateur

                                   a- Les effets de la continuation du contrat

            Si l’administrateur a opté pour la continuation du contrat, le cocontractant doit remplir ses obligations même si le débiteur n’a pas exécuté ses obligations antérieurement au jugement d’ouverture. Toutefois ce cocontractant va bénéficier de certaines garanties, la première est que le contrat doit être exécuté tel quel, sans que l’on puisse modifier ou écarter l’une de ses clauses, puisque l’article L 622-13 prévoit que l’administrateur doit fournir la prestation fournir au contractant du débiteur. L’article prévoit également qu’au regard des documents prévisionnels dont il dispose, l’administrateur s’assure au moment ou il demande l’exécution, qu’il disposera des fonds nécessaires à cet effet. Si tel n’est pas le cas, à défaut d’accord du contractant pour maintenir les relations contractuelles le contrat est résilié de plein droit. L’article prévoit également que lorsque la prestation porte sur le paiement d’une somme d’argent, celui ci doit se faire au comptant sauf pour l’administrateur à obtenir l’acceptation du contractant pour des délais de paiement. Le contractant fera crédit au débiteur que s’il y consent, cette disposition lui est favorable même si elle peut porter atteinte à la continuation de l’entreprise.

            En cas de défaillance du contractant ou du débiteur dans le cadre de la poursuite du contrat, le droit commun des contrats s’applique. L’une des parties pourra se prévaloir d’une clause résolutoire.

                                   b- Les effets de la renonciation

            Si l’administrateur renonce à la continuation le contrat est résilié de plein droit, ce principe s’applique, que la renonciation intervienne après ou non  la mise en demeure adressée par un créancier. Si la renonciation de l’administrateur est tacite le contractant devra demander la résiliation en justice. Par ailleurs tout en permettant à l’administrateur de demander la résiliation du contrat, l’ordonnance de 2008 a néanmoins prévu deux conditions :

  • la résiliation doit être nécessaire à la sauvegarde du débiteur. Elle doit s’inscrire dans l’intérêt de l’entreprise et dans la recherche de la sauvegarde.
  • Par ailleurs la résiliation demandée par l’administrateur ne doit pas porter une atteinte excessive aux intérêts du contractant. Si tel est le cas le juge commissaire devra refuser de prononcer la résiliation du contrat.

            B – Le régime particulier de certains contrats

            La loi de 2005 reprenant les dispositions antérieures a consacré un régime spécifique applicable à certains contrats, au premier rang desquels on trouve le contrat de bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise. Le plus souvent il s’agira d’un bail commercial. Le maintien du débiteur dans les lieux où il développe son activité est essentiel, que l’on soit en présence d’une procédure de sauvegarde et plus encore dans le redressement judiciaire.

            Le régime de ce contrat de bail est régit par l’article L 622-14 du Code de Commerce qui prévoit 2 hypothèses :

    • Soit l’administrateur informe le bailleur de sa décision de ne pas poursuivre le bail : dans ce cas l’inexécution du contrat pourra donner lieu à des d&i.
    • Soit c’est le bailleur qui va demander la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers, uniquement pour la période postérieure au jugement d’ouverture.

Concernant la situation du bailleur :

                        1- Le non paiement des loyers par le débiteur

            L’article L 622-14 renvoie au premièrement de l’article L 622-13, il résulte que la résiliation ou la résolution du bail ne peut résulter du seul fait de l’ouverture de la procédure de sauvegarde. Par ailleurs il résulte implicitement de l’article L622-14 du Code de Commerce que le non paiement des loyers antérieurs à l’ouverture de la procédure ne justifie pas la résiliation du bail. Parce que la résiliation envisagée par ce texte ne concerne que le non paiement des loyers et des charges afférant à une occupation postérieure à l’ouverture de la procédure de sauvegarde. On doit en déduire qu’il n’existe pas de véritable spécificité par rapport au régime général régissant la continuation des contrats en cours. Le bailleur doit donc remplir ses obligations, indépendamment du défaut d’exécution de ses engagements par le preneur. Le bailleur a seulement le droit de déclarer sa créance au passif.

            Il convient par contre d’articuler ce principe avec le jeu éventuel d’une clause résolutoire, celle ci se définit comme la clause par laquelle les parties conviennent dans un contrat que celui ci sera de plein droit résolu du fait de l’inexécution par l’une des parties de son inexécution. En cas de non paiement des loyers pour la période précédent l’ouverture de la procédure, le bailleur a pu faire jouer une clause résolutoire, le régime de cette clause est régi par l’article L 145-41 du Code de Commerce. Sur la forme le bailleur doit adresser au preneur un commandement de payer, si celui ci est resté infructueux durant un mois, la résiliation est acquise, mais cet article prévoit dans l’alinéa 2, que le juge peut accorder des délais de grâce au preneur tant que la réalisation de la clause n’est pas prononcée par une décision ayant acquis chose de force jugée. La Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur cette articulation dans un arrêt rendu par la Chambre Commerciale le 3 juillet 2007. En l’espèce les preneurs s’étaient vus délivrés un commandement de payer visant la clause résolutoire  en octobre 2002, la résolution avait été constatée par le juge des référés en mars 2003, un appel est formé contre cette ordonnance du juge des référés et durant cette procédure les preneurs sont placés en redressement judiciaire. La Cour Appel confirme la résiliation du contrat et la Cour de cassation casse cet arrêt car « si le jeu de la clause avait bien été constaté judiciairement avant l’ouverture de la procédure collective cette décision n’avait pas acquis force de chose jugée avant cette date ». Dès lors soit le contrat de bail est résilié avant l’ouverture de la procédure par une décision définitive et il n’a pas alors la qualité de contrat en cours, soit il ne l’est pas et il relèvera de l’article L 622-13 et L 622-14 du Code de Commerce.

            Le problème se double enfin, comme s’était le cas dans l’arrêt de 2007 de la prise en compte de l’interruption des poursuites individuelles des créanciers prévues par l’article L 621-41. Cet article pose le principe de l’interruption des instances tendant à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement, ce principe d’interruption connait un aménagement pour les instances qui tendent à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. Si la résiliation du contrat de bail n’a pas été constatée par une décision ayant acquis chose de force jugée le bailleur ne peut plus obtenir cette résiliation après l’ouverture de la procédure pour non paiement des loyers antérieurs.

                        2- La continuation du contrat pendant la période d’observation

            Sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985, a compté du jugement d’ouverture le bailleur pouvait demander la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges afférents à une occupation postérieure à ce jugement. Sous l’empire de la loi de 2005, 2 situations peuvent se présenter.

  • L’article L 622-14 du Code de Commerce prévoit que si une procédure collective est ouverte à l’encontre du preneur, l’administrateur judiciaire peut demander la résiliation du bail sans avoir à attendre la mise en demeure du bailleur. Comme pour les contrats ordinaires cette résiliation ne peut être que judiciaire et c’est une fois de plus le juge commissaire qui est compétent en la matière pour prononcer la résiliation. Ce principe a été rappelé par la Chambre Commerciale le 18 juin 2013. Dans cette décision la Chambre Commerciale rappelle que le JUGE COMMISSAIRE est le seul compétent pour connaître d’un litige portant sur la résiliation d’un contrat en cours. En l’espèce la Cour d’appel avait retenu compétence du Juge Administratif parce que le contrat comportait une occupation du domaine public, plus précisément sur un carreau du marché de Rungis. Cette résiliation intervient au jour ou le bailleur est informé de la décision de l’administrateur de ne pas continuer le contrat, l’ordonnance de 2008 a précisé que dans ce cas l’inexécution du contrat peut donner lieu à des d&i, qui doivent être déclarés au passif. En cas de bail commercial particularité : la combinaison des articles L 622-13 & 14 écartent toutefois la possibilité pour le bailleur de mettre en demeure l’administrateur de prendre partie sur la continuation du contrat de bail puis de se prévaloir de la résiliation de plein droit du bail à défaut de réponse de ce dernier dans les conditions de droit commun. Autrement formulé le contrat de bail ne peut être résilié de plein droit en cas de renonciation consécutive à la mise en demeure du contractant.
  •                                DONC SYNTHESE : L’ouverture de la procédure n’emporte pas résiliation du contrat, l’administrateur peut exiger la continuation du contrat en fournissant la prestation promise c’est à dire le paiement des loyers. Si l’administrateur décide de résilier le contrat, celle ci intervient au jour ou est informé le bailleur de la décision, Mais le bailleur n’a pas la possibilité comme les autres contractants de mettre l’administrateur en demeure de prendre partie sur la continuation du contrat. Si l’administrateur décide de poursuivre le contrat, les dispositions de droit commun s’appliquent à savoir que le paiement des loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure doit être fait à l’échéance car il relève du privilège consacré par l’article L 622-17 du Code de Commerce.
  •                           Ici nous allons être du coté du bailleur, on va parler de la possibilité qu’à le bailleur de résilier le bail, mais cela sera pour le non paiement des loyers postérieurs. Le bailleur peut demander la résiliation du bail, l’article L 622-14 2ème du Code de Commerce, prévoit que le bailleur peut demander la résiliation, ou faire constater la résiliation, mais uniquement pour défaut de paiement des loyers afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture. Toutefois, afin de laisser du répit au débiteur cette action ne peut être introduite qu’au terme d’un délai de 3 mois a compté du jugement d’ouverture. Par ailleurs si le paiement des sommes dues intervient avant l’expiration du délai, il n’y a pas lieu à résiliation.
  •                        L’article L 622-12 al 4, prévoit enfin que le défaut d’exploitation pendant la période d’observation n’entraine pas la résiliation du bail, même en présence d’une clause contraire insérée dans le contrat de bail. En l’absence d’administrateur c’est le débiteur qui exercera la faculté de poursuivre le contrat en cours et de demander la résiliation du bail en application des articles L 622-13 et -14 du Code de Commerce.

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