Droit du commerce électronique

DROIT DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE

Ce cours de droit du commerce électronique évoque plus particulièrement les contrats du commerce électronique. Ces contrats ont connus un certain développement au sein du grand public avec le développement de l’internet.

Les relations commerciales facilitées ou permises par la mise en relation d’ordinateurs remontent aux années 60, 70 lorsqu’on été mis en place les grands réseaux à valeur ajouté dans certains secteurs professionnels (réseaux SWIFT – banque, SITA – agences&compagnies…). La mise en place de télétel puis la mise à disposition gratuite de terminaux minitel, combinés avec le fait que l’opérateur de l’époque s’était vu autoriser à faire figurer sur la facture téléphonique le prix du service, ont favorisé le développement de ces services. Ce succès unique au monde a favorisé l’entrée précoce de l’économie française dans le commerce électronique. Le développement a ensuite été fulgurant avec la mise en place du protocole IP et de la toile (Laboratoires du CERN à Genève).

La communication électronique est un outil fort bien adapté au commerce. Le courrier électronique permet d’échanger des informations commerciales, de conclure des contrats, les forums de discussion permettent de mettre aux enchères des biens ou des services, quand à la toile en général elle est un lieu privilégié pour les professionnels pour afficher leur offre, présenter leur catalogue et éventuellement de rendre possible la conclusion de contrats avec des clients grâce à la messagerie associée au site.

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Ce nouveau type d’échanges a soulevé de nombreuses questions juridiques. Chaque année, ou presque, des dispositions nouvelles sont prises (loi du 2 août 2005 : enchères électroniques inversées). Cela concerne le commerce B to B, B to C, C to C.

Le commerce électronique présente trois caractéristiques :

immatérialité

C’est bien l’une des caractéristiques du rapport qui s’instaure. Le contrat se conclu de manière totalement dématérialisée. L’exécution peut l’être aussi. Au stade de la conclusion, il se pose des problèmes de preuve et de formalisme.

interactivité

Elle est la caractéristique essentielle du multimédia. C’est grâce et par elle que le multimédia connaît sa véritable dimension. Elle a une signification juridique, et l’une des plus intéressantes est la faculté à l’occasion d’un échange entre offre et acceptation de consulter des pages extérieures au processus contractuel (notamment des clauses contractuelles !) – incorporation par référence.

Internationalité

Elle résulte du fait que le protocole IP est universel et permet l’échange entre ordinateurs situés de par et d’autre du monde. Ce paramètre doit être intégré dans la gestion des risques contractuels.

Un certain nombre de textes sont venus encadrer le commerce électronique au cours de 15 dernières années.

Au niveau international il faut citer une loi type de la CNUDCI (UNCITRAL) de 1996 sur le commerce électronique qui au départ avait un champ d’application assez précis en ce qu’elle visait les contrats électroniques, mais elle s’est étendue petit à petit à tout le commerce électronique. Elle concerne essentiellement le formalisme et la preuve des contrats. Cette loi type sert de modèle pour des législateurs et des rédacteurs de contrats. La loi type considère que les contrats passés sous forme électroniques doivent être considérés comme remplissant les exigences de preuve et de formalisme posées par les droits nationaux. Cette loi type s’est enrichie petit à petit, par un phénomène curieux d’agglutination, de dispositions complémentaires et notamment d’une disposition consacrant l’incorporation par référence, donc la possibilité dans un document contractuel de renvoyer à des conditions générales susceptibles d’être consultées ailleurs.

Au niveau européen plusieurs textes importants doivent être cités, certains n’étant pas spécifiques au commercer électronique mais susceptibles de s’appliquer dans cette matière. Notamment une directive de 1997 concernant la protection des consommateurs dans les contrats conclu à distance. Elle prévoit un délai de réflexion de sept jours de celui qui commande un produit à distance. Mais il y a aussi des textes spécifiques, en particulier une directive du 13.12.1999 concernant les signatures électroniques. Elle a été transposée dans un décret de 2001 pris en application de l’article 1316-4 C.Civ. Au centre du dispositif se trouve une directive du 8.6.2000 sur certains aspects du commerce électronique qui pose un certain nombre de principes, notamment l’application de la loi du pays d’origine, informations à fournir par celui qui construit un site internet, règles encadrant le processus de conclusion des contrats électroniques. Ce texte a fait l’objet d’une double transposition en France, en 2000 par une loi modifiant nos règles de preuve et en 2004 par la LCEN (Loi pour la confiance dans l’économie numérique). Enfin il faut citer dans le prolongement de la directive de 1997, il existe une directive de 2003 sur les produits financiers proposés à distance qui prévoit un délai de rétractation de 14 jours. Il ne faut pas oublier les directives adoptées à propos des traitements de données personnelles (1995, transposée en France par une loi du 6.8.2004 ; 2002 concernant les données traitées par les grands fournisseurs de services de télécommunication). Une directive de 2001 sur les droits d’auteurs dans la société de l’information, dont la transposition est actuellement en cours, interfèrera aussi avec le commerce électronique.

En France il y avait eu en 1980 une réforme du droit de la preuve pour tenir compte des nouvelles techniques d’information. Mais cette réforme était timide et apparue petit à petit comme étant insuffisante. Ainsi, légèrement avant la directive de 2000, la France a adopté le 13.3.2000 une loi sur la preuve et la signature électronique introduisant les articles 1316 à 1316-4 C.Civ. Elle introduisait aussi un alinéa 2 à l’article 1317 C.Civ. qui traite de l’acte authentique et prévoit la possibilité de dresser un tel acte par voie électronique et renvoyait à des décrets d’applications. Ces décrets ont mis cinq ans à être adoptés (Deux décrets en été 2005 pour les huissiers et les notaires. Manquent encore l’Etat-civil et la justice). Il faut encore citer la loi de transposition principale de la directive sur le commerce électronique, la loi du 21.6.2004, LCEN, qui comporte deux volets principaux :

l’un contenant les dispositions encadrant les moyens de communication électronique avec des obligations comparables à celles que l’on trouve dans le domaine de la presse ou dans le domaine audiovisuel (Titre 1), d’ailleurs le législateur a sorti ce domaine de la loi sur l’audiovisuel pour l’encadrer de manière autonome,

l’autre a pour objet le commerce électronique, on y trouve des dispositions ayant trait à la formation du contrat électronique modifiant le code civil.

Cette énumération montre qu’il y avait une problématique à traiter et laisse à penser qu’il y a une certaine spécificité de cette matière, quand bien même les règles du droit commun s’appliquent très largement.

Chapitre 1 : La gamme des contrats du commerce électronique

Il existe des règles à respecter lorsque l’on veut mettre en place un site afin de commercer sur internet, notamment les obligations d’identification que la LCEN impose.

Section 1 :les différents contrats

On peut distinguer le contrat de réalisation de site, et les contrats de promotion d’un site.

I) Le contrat de réalisation d’un site internet

Il s’agit d’un contrat passé entre une entreprise, une association, voir une personne physique, et un professionnel qui a les compétences techniques et artistiques pour élaborer et mettre en place un site internet. Un site internet est défini comme un ensemble de moyens informatiques permettant de regrouper des informations ou données de diverses sortes, alphanumériques, graphiques, sonores, de les organiser pour qu’elles puissent être consultées de manière interactive et à distance sur le réseau internet.

Le contrat qui porte sur cet objet est en réalité un contrat informatique et il s’agit d’un louage d’ouvrage.

A) Les obligations des parties

Le client devra définir ses besoins, collaborer à la réalisation de l’ouvrage, mais il devra aussi fournir toutes les informations, toutes les données qui vont figurer sur le site ce qui peut impliquer un gros travail de préparation si le site est d’une certaine dimension. Il faudra mettre au point le catalogue des produits ou services qu’il propose ainsi que les conditions contractuelles.

Le professionnel procédera à l’analyse des besoins du client, à la description de toutes les fonctionnalités, et le processus contractuelle prévoira souvent la mise en point d’un prototype, d’une maquette, qui fera l’objet d’une validation avant que ne soit définitivement développé, ou mis au point le site à exploiter. Souvent le prestataire jouera aussi un rôle d’hébergeur de ce site, une fois le développement réalisé. Ce rôle ne doit pas se confondre avec la réalisation du site. L’hébergeur assume l’accueil du site sur ses machines et l’accès par le réseau au public, mais il va aussi assumer des obligations d’ordre technique (mise à jour, maintenance), à quoi s’ajoutent souvent des prestations d’ordre commercial (suivi statistique, suivi promotionnel du site). Il convient que les rédacteurs des contrats aillent bien dans le détail de ces contrats pour définir les obligations assumées en contre partie du prix.

B) La propriété intellectuelle

Tout comme dans un contrat informatique le contrat de réalisation d’un site internet comporte un volet de propriété intellectuelle, mais ce volet est ici plus riche encore.

Les logiciels utilisés relèvent de la problématique déjà étudiée, mais ce qui est particulier, est que s’y ajoutent des données qui vont être rendues accessibles au public, et des créations d’ordre graphique ou sonore qui seront généralement le fait du prestataire.

Les informations contenues sur le site proviennent généralement du client. Il faut que le client s’assure qu’elles soient libres de droits et puissent être librement utilisées par lui (Exemple: publication d’une photo d’un bâtiment, même de siège social d’entreprise – autorisation de l’architecte et du photographe ?). La plupart des données publiées auront été réalisées par des salariés de l’entreprise et il convient de s’assurer de leur accord. Toutes ces données ne sont pas protégeables par la PLA (notamment si elles sont purement descriptives, mais ces descriptions peuvent être protégées par le régime spécifique des bases de données).

Quant aux créations réalisées par le prestataire, il faut prévoir dans le contrat comment elles peuvent être utilisées, et ce n’est pas nécessairement simple. La première difficulté réside dans le fait que ces créations vont faire l’objet d’une exploitation par représentation. Pour que le client qui va exploiter le site puisse le faire valablement, il faut qu’il y ait une cession du droit de représentation. Une autre difficulté est qu’il faut prévoir la possibilité pour le site d’évoluer, d’être modifié, enrichi, faire l’objet de toutes ces modifications qui vont affecter plus ou moins son apparence, ce qui peut avoir des implications relatives au droit moral de l’auteur. Les contrats de réalisation de site restent assez discrets sur ce sujet, mais il est important de préserver la liberté du client dans ce domaine.

II) Les contrats de promotion d’un site

Il y a divers moyens contrats qui traduisent les différentes manières de favoriser l’augmentation des visites sur un site internet.

A) Le contrat de référencement

Il s’agit du contrat passé avec un moteur de recherche et dont l’objet est l’inscription du site dans une base de donnée qui reprend, comme dans une sorte d’annuaire, les coordonnées de sites en les indexant avec des mots clés. Il s’agit là d’une relation contractuelle qui peut être plus ou moins formalisée, et qui souvent est totalement transparente dans la mesure où les moteurs de recherche effectuent leur référencement de manière automatique et quotidienne en consultant les données existant sur le site, notamment les méta-données. De plus en plus souvent les exploitants de site recherchant la plus grande audience possible, passent des contrats avec des moteurs de recherche pour que les sites soient proposés à la consultation de manière préférentielle lorsque l’usager saisi des mots qui sont sélectionnés par les clients comme étant un mot devant conduire vers son site. Ces sites sont alors signalés de manière différente (sur le côté ou en tête des réponses !).

Juridiquement ce contrat doit être qualifié de contrat de courtage, qui consiste à mettre en relation deux personnes, le courtier se contente de mettre en relation deux personnes qui vont éventuellement conclure un contrat.

B) Le contrat d’affiliation

C’est un type de relation contractuelle qui s’est développé par mal ces dernières années et dont l’intérêt est de multiplier le nombre de visiteurs en affiliant des sites thématiques (parfois à but non lucratif) dont le thème est susceptible de conduire les visiteurs vers ce site marchand. L’affiliation se fait par un contrat matérialisé techniquement par un lien hypertexte. Le visiteur d’un site thématique se voit ainsi proposé de consulter un site marchand proposant des produits susceptibles de l’intéresser.

La rémunération qui est l’intéressement pourra être comptabilisé soit selon le nombre de clics suivant le lien, ou selon le nombre de contrats effectivement conclu.

Section 2 : Les contrats électroniques

Le droit applicable s’est sensiblement enrichi au cours des dernières années, et les règles applicables se trouvent principalement dans le code civil (Articles 1108-1, 1108-2 C.Civ. : concernant la forme du contrat ; Articles 1316 à 1316-4 C.Civ. : concernant la preuve du contrat ; Articles 1369-1 s. C.Civ. : concernant le processus contractuel).A cela s’ajoutent quelques dispositions du titre 2 LCEN qui contient aussi d’autres dispositions, à savoir les articles 14 à 19 posant des principes généraux et les articles 20 à 23 concernant la publicité par voie électronique. Il faut remarquer particulièrement l’article 15 prévoyant une responsabilité globale et de plein droit pour la bonne exécution du contrat, de celui qui propose des produits ou services par voie électronique ! Celui qui exploite un site marchand doit assurer l’ensemble des opérations permettant de satisfaire le client, et être responsable notamment des difficultés pouvant se présenter dans l’acheminement et la livraison des produits ou des services.

I) L’identification des parties

A) L’identification du fournisseur

L’obligation du fournisseur de s’identifier est prévue par l’article 5 de la directive du 8.6.2000 qui impose une obligation générale d’information. Il doit assurer un accès facile, direct, permanent à des informations telles que son nom, l’adresse géographique, ses coordonnées, donner les informations concernant l’inscription au registre de commerce ou dans un ordre professionnel le cas échéant. Ce type d’obligations se trouvent inscrites en droit français dans l’article 19 LCEN qui reprend la directive. Cette obligation est complétée en France par une obligation générale pesant sur tout exploitant de site internet même non marchand ! Tout exploitant de site doit donc s’identifier (Article 6-8 III LCEN). Il existe la possibilité pour celui qui édite un site à titre non professionnel de rester anonyme à la condition que l’hébergeur ait toute information permettant de les contacter. Ce système astucieux avait déjà été adopté dans une loi du 1.8.2000 dans un article 43-10.

B) L’identification et la capacité du client

Ni la directive ni la loi française ne prévoit d’obligation de s’identifier même si les contraintes concrètes font que le client sera quasi systématiquement identifié par son adresse IP, par son nom, ses coordonnées postales et bancaires. Il y a dans le commerce électronique une très forte perte d’anonymat du côté du client. Cela soulève des questions de protection de la vie privée ce qui amène l’interférence de la protection des données personnelles.

Une question particulière surgit au sujet du client qui est celle de sa capacité à contracter. Il va être très difficile par voie électronique de s’assurer de la capacité de son cocontractant et de répondre à certaines exigences légales et de vérifier que son cocontractant est bien en mesure de passer l’opération qui lui est proposée. On songe par exemple aux sites mis en place par des banques, par des exploitants de salles de jeux. Sauf à tomber dans l’illégalité il faut bien se résoudre à admettre que certains contrats ne peuvent pas être conclu par internet.

II. L’offre de produits et services

A ce stade, le processus contractuel a été appréhendé par le législateur et le Code civil a été modifié après la directive du 8 juin 2000 : article 1369-1 s. Code civil. Ces articles, tels qu’ils découlent de la loi du 21 juin 2004 (LCEN) ont été enrichis par une ordonnance du 16 juin 2005, relative à l’accomplissement de certaines formalités contractuelles par voie électronique. Ce texte, relativement récent, ne se trouve pas dans le Code de la communication. Les articles 1369-1 et suivants sont désormais séparés en plusieurs sections et vont jusqu’à 1369-11 Code civil. La raison d’être de cette ordonnance qui avait été prévue par la LCEN était de préciser un certains nombre de formalités (article 26 LCEN). L’ordonnance précise que peut être accompli par voie électronique, par exemple s’agissant de l’envoi d’une LRAR, cette formalité particulière à laquelle pourrait avoir été subordonnée la conclusion d’un contrat ou certaines phases de son exécution.

Le professionnel, sur un site internet, va faire figurer son catalogue, l’éventail des prix qu’il propose … Cet affichage relève du droit de la publicité, ce qui est confirmé par les tribunaux. Ainsi CA Rennes, 31 mars 2000 (Dalloz 2000, AJ, p. 358) : une offre de crédit à la consommation faite par une banque sur un site internet doit respecter les règles applicables en matière de publicité pour ce type de produit et notamment doit accompagnée de la mention du taux effectif global que la banque envisage d’appliquer. Cette soumission au droit de la publicité peut soulever des difficultés pour les produits ou services pour lesquels la publicité est encadrée, voire limitée ou interdite : alcool, tabac, médicaments …

Ex. article L. 17 du Code débits et boissons n’admet que la publicité par voie de presse ou par affiche dans les lieux de vente spécialisés. Un site internet peut-il être considéré comme un lieu de vente spécialisé ? Huet pense que non.

Il se peut que le fournisseur ne se contente pas d’un simple effet d’affichage, mais donne au visiteur du site la possibilité de conclure un contrat. Un processus de conclusion de contrat est alors mis en place, le site internet faisant office d’offre contractuelle proprement dite qui obéit aux principes généraux des contrats. Pour que l’acceptation soit suffisante, elle doit être suffisamment ferme et précise. Il n’est pas exclu que le fournisseur fasse une erreur sur le prix. On résoudra la question de la même manière que dans la théorie générale des obligations. Le plus souvent, le fournisseur sera tenu du prix affiché, même si certains juges sont plus cléments envers le fournisseur. Ex : TI Strasbourg 24 juillet 2002, admet qu’un fournisseur d’équipement a pu se tromper dans l’affichage du prix (10 fois moins), la correction a pu être faite.

III. L’acceptation par le client

Dans la plupart des contrats, il n’y a pas de formalisme proprement dit. Toute manifestation de volonté suffisante pour engager, va permettre de finaliser l’accord (la conclusion du contrat). Cliquer c’est signer, mais certaines précautions ont été prises à cet égard et derrière l’acceptation proprement dite, il y a l’application des conditions générales du fournisseur.

A) L’acceptation du contrat

Pas de formalisme (sauf pour la reconnaissance juridique de certains contrats, v. infra) pour l’acceptation. La manifestation de volonté du client s’exprime de la manière la plus simple. Toutefois, le législateur a été soucieux d’éviter les erreurs de manipulation. D’ailleurs l’article 10 de la directive de 2000 a prévu que « le fournisseur doit proposer au client les moyens techniques pour corriger les erreurs avant que la commande ne soit passée ». En droit français, cette exigence a été traduite par la mise en place d’un double clic. Il n’y a là qu’une transposition au domaine contractuel d’un phénomène connu en informatique qui est que le système exige bien souvent la confirmation d’un ordre. On a voulu éviter que l’acceptation du contrat ne se fasse véritablement en deux temps : premier temps, expression du consentement, second temps, confirmation, puisque cela aurait placé les contrats électroniques dans un statut particulier. Le second clic doit être la manifestation même de l’acceptation mûrement réfléchie. C’est ce qui a été fait à l’article 1369-2 Code civil : Pour que le contrat soit valablement conclu, le destinataire de l’offre doit avoir eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total, et de corriger d’éventuelles erreurs, avant de confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation ». L’auteur de l’offre doit accuser réception sans délai injustifié et par voie électronique de la commande qui lui a été ainsi adressée.

La formulation ainsi retenue, conforme aux prescriptions de la directive, est le résultat d’une épuration de la présentation du processus contractuel, épuration qui s’est produite aussi bien au stade communautaire qu’au stade français. Au départ, dans la directive (société de l’information) et dans le projet de loi de transposition, un processus plus complexe d’aller retour avait été prévu entre le client et le fournisseur. Le client devait exprimer son souhait de passer commande, le fournisseur accuser réception du message ainsi émis par le client, le client confirme sa commande et le fournisseur accuse enfin réception de la commande ainsi confirmée. Ce système a finalement été abandonné. C’est une seule acceptation qui répond à une seule offre.

Les incidences pratiques ne sont pas négligeables. En pratique, cette simplification présente l’avantage de coller à ce qu’est la réalité électronique, puisqu’il n’y a pas d’échange, d’accusé réception par le fournisseur d’un premier choix. Mais surtout, cette présentation est conforme à notre conception de la conclusion du contrat, conception que ne retiennent pas nécessairement tous les droits (cf. droit allemand, invitatio at oferendum), selon laquelle une offre faite au public, est une véritable offre de contracter et son acceptation suffit à former le contrat. L’alinéa 2 de l’article 1369-2 ne vise qu’une exigence concrète et non une exigence contractuelle, ou une manifestation de la volonté nécessaire à la conclusion du contrat. L’offre faite par le professionnel est une offre susceptible de le lier à l’occasion de toute acceptation qui lui est adressé. Autrement dit, l’offre a un caractère contraignant. Derrière la solution se trouve en réalité une solution protectrice du client, car tout ce que le professionnel propose l’engage. Cette solution évite que ne circule sur les réseaux des offres déceptives, fallacieuses, faussement attrayantes … Le phénomène de prix d’appel avec dérive des ventes est ainsi évité. Depuis une circulaire Fontanay de 1980, le phénomène relève de la publicité mensongère : le fournisseur fait de la publicité pour un produit à un prix défiant toute concurrence, puis lui en offre un autre « encore meilleur » à un prix plus élevé mais « qui vaut le coup » … Ce phénomène est très connu des instances de la direction générale des fraudes. Derrière cette problématique se dissimule toute une stratégie de vente, ce qui est admis et ce qui ne l’est pas.

B) L’acceptation des clauses du contrat

Sujet difficile, qui se pose pour tous les contrats et en particulier pour les contrats électroniques. C’est la qualité particulière de la communication électronique, l’interactivité, qui permet ici de poser le problème dans toute son acuité. L’interactivité qui s’illustre notamment par le jeu du lien hypertexte, permet au professionnel de rendre accessible les conditions générales auxquelles il entend subordonner le contrat conclu avec le client. La question qui se pose (// avec la shrink wrap licence) est de savoir si ces conditions générales sont opposables au client. Les sites internet vont volontiers jusqu’à consolider une acceptation des clauses en proposant au client de cliquer sur le lien pour consulter les clauses ou sur une case « à défaut d’avoir consulter ces clauses, vous êtes censé les avoir accepté ».

Trois points de droit :

Il y a des jurisprudence en France pour dire qu’à défaut d’une acceptation spécifique de ces conditions contractuelles par le client, ces conditions ne lui sont pas opposables. Ces décisions pourraient contenir un aspect consumériste, mais elle vise un client en général. Voir notamment Civ. 1, 3 mai 1979 (Dalloz 1980, IR, p. 266) : s’agissant de vente de marchandises, les clauses figurant au dos du bon de commande prévoyaient que la marchandise circulait au risques et périls du destinataire ont été jugées inopposables à défaut d’acceptation spécifique par le client. Cette solution a été massivement reprise dans les décisions de première instance ou d’appel pour régler les litiges entre France Télécom et les clients poursuivis pour défaut de paiement, où le fournisseur appliquait une pénalité de retard de 10 % qui figure dans un document disponible dans toutes les agences, mais jamais accepté, puisque France Télécom ne fait pas signer de contrat. Pas de contrat signé, pas de clause applicable.

Il n’est pas exclu pour autant que des conditions contractuelles ne figurant pas dans le document signé ou validé par le client, mais auxquelles il est fait référence dans le contrat, ne puisse pas s’appliquer. Civ. 1, 9 novembre 1993 (Bull. Civ. I, n° 313) : la volonté des parties n’étant pas douteuse, la clause d’arbitrage a été « incorporée par référence » dans le contrat et doit jouer.

La directive du 8 juin 2000 et la loi du 21 juin 2004 (LCEN) adoptent une position peu claire, voire hypocrite. Précision apparue assez tardivement, le § 3 de l’article 10 de la directive prévoit que « les clauses contractuelles et les clauses générales fournies au destinataire doivent l’être d’une manière qui lui permettent de les conserver et de les reproduire ». Les articles 1369-4 à 1369-6 Code civil prévoient « quiconque propose à titre professionnel … met à disposition les conditions contractuelles applicables d’une manière qui permette leur conservation et leur reproduction ». Il faut une certaine habitude de la lecture des textes juridique pour deviner que sous une proposition si anodine et bienveillante se cache une hypocrisie profonde. Ces deux textes donnent l’impression que les conditions contractuelles visées sont applicables, opposables, alors qu’on ne le sait pas. Les conditions contractuelles applicables ne sont pas opposables, tant qu’elles n’ont pas été acceptées, peu importe que le client puisse les imprimer ou non. Derrière cette hypocrisie, il faut restaurer les principes et se demander au cas par cas, si les conditions sont opposables parce qu’elles ont été acceptées par le client.

Ce qui pourrait être judicieux est de préciser quelles conditions sont essentielles au regard du fournisseur et ce sur la même page sur laquelle il met à disposition son offre.

IV. La reconnaissance juridique du contrat

La directive du 8 juin 2000 prévoit que les Etats membres (article 9) prennent les mesures nécessaires pour assurer l’efficacité des contrats conclus par voie électronique, ils veillent notamment à ce que le régime juridique applicable au processus contractuel ne fasse pas obstacle à l’utilisation des contrats électroniques, ni ne conduisent à priver d’effet ou de validité juridique de tels contrats. La formulation est maladroite. Elle passe sous silence la distinction classique du droit français entre les exigences requises pour la preuve et celles pour la validité, il traite globalement le formalisme ad probationem, ad validitatem. Quant bien même, ces deux formes d’exigences doivent être distinguées.

A. La preuve électronique

C’est en anticipant sur la directive communautaire que le législateur français a très tôt par une loi du 13 mars 2000 affirmé toute l’efficacité que devait être reconnue à la preuve électronique : article 1316 à 1316-4 Code civil, ainsi que l’article 1317, al. 2 Code civil prévoyant la possibilité de dresser sur support électronique un acte authentique. Deux décrets de l’été 2005 expriment les conditions auxquelles est subordonné l’acte authentique par voie électronique pour les notaires et les huissiers (Dalloz 2005, Chronique « l’acte authentique électronique, petit mode d’emploi »).

Le législateur affirme dans l’article 1316-1 Code civil : « l’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier ». Les conditions y attachées sont d’emblées réunies en présence d’un support papier. Le législateur a fait ce choix, parce que l’expérience a montré que l’écrit électronique tel qu’il était utilisé fonctionne d’une façon extrêmement sûre.

L’écrit électronique est admis sous réserve que :

puisse être dûment identifiée la personne dont il émane

et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.

Ces deux conditions ont été caractérisées depuis longtemps, notamment dans les textes internationaux. Le législateur n’invente rien. Il ne fait que reprendre une réflexion développée au niveau international. La Cour de cassation, peu de temps avant l’adoption de la loi de 2000, avait d’ailleurs caractérisé ces exigences à propos d’une photocopie, admettant la preuve d’un acte juridique par photocopie à partir du moment où il n’y avait pas de doute sur l’identité de l’auteur et le contenu de la copie.

Une troisième exigence est posée par le législateur, lorsqu’une signature est exigée (article 1316-4 Code civil) : la signature électronique doit consisté en un procédé fiable d’identification garantissant le lien avec l’acte auquel elle s’attache. Il doit donc exister un lien entre l’identifiant visé et le contenu en cause, lien assuré dans l’ordre du papier, mais pas nécessairement dans l’ordre électronique. Il faut s’assurer que l’identifiant celle bien un contenu électronique particulier, c’est ce que l’on fait par l’utilisation d’un numéro secret pour les cartes de paiement. Ces exigences sont indispensables à la sécurité, dont on a constaté qu’elle est quasi-toujours assurée par une utilisation de l’électronique comme instrument de preuve des contrats.

Les tribunaux, depuis longtemps, avaient reconnus l’efficacité de la preuve électronique.

Civ. 1, 8 novembre 1989 (Dalloz 1990, p. 369) – affaire Crédit Casse : l’usage d’une carte magnétique et la composition d’un code valant ordre sont efficaces sur le terrain de la preuve, dès lors que le contrat l’avait prévu.

Dans tous les rapports, où la preuve est libre, c’est-à-dire entre commerçants ou pour des sommes inférieures à 1 500 €.

L’évolution de la loi de 2000 est simplement d’avoir admis que la preuve électronique avait la même preuve que celle sur papier. Un écrit sur support papier n’est plus prévu à partir d’un montant supérieur à celui de l’article 1341 Code civil.

B. Le formalisme requis pour la validité d’un contrat

Les textes adoptés en 2000 ne réglaient pas cette question. Ils étaient insérés dans une partie du Code relative à la preuve. La validité est traitée aux articles 1108 s. Code civil. Le principe qui prévaut est celui du consensualisme, sauf pour certains contrats où une forme particulière est requise : forme écrite, notariée, « concrète » (= remise de la chose objet du contrat, par ex. pour le don manuel), dépôt …

La problématique en matière de validité est avant tout une problématique de protection des parties. Prenons pour exemple le crédit à la consommation. S’il est exigé un support papier, c’est pour protéger le futur emprunteur. Si on admet qu’un écrit électronique peut se substituer à un écrit papier, c’est qu’on estime qu’il est tout aussi protecteur. Les articles 1108-1 et 1108-2 Code civil prouvent que ça n’est pas toujours le cas. De fait, ces textes prévoient, à côté du principe d’admission de l’électronique comme forme dans laquelle peuvent se couler les contrats, des exceptions pour les contrats concernant des biens immobiliers, des contrats fournissant des garanties (ex : cautionnement), des contrats relevant du droit de la famille et des successions, des contrats relatifs à des sûretés personnelles ou réelles … Ces contrats pourraient être trop important pour les laisser au libre jeu des réseaux.

L’article 1180-2 ne vise que les actes sous sein privé et non les actes authentiques.

La reconnaissance juridique du contrat (point 4 ?). Les articles 1369-1 à 1369-3 ont été déplacé en 2005 à la faveur d’une ordonnance adoptée le 16 juin 2005 relative à l’accomplissement de certaines formalités contractuelles par voie électronique. Ils sont devenus les articles 1369-4 à 1369-6. Les modifications ne sont pas considérables. Il y a désormais dans le Code civil, à l’intérieur du Livre III, Titre 3 (les engagements qui se forment par convention) des dispositions incluses dans un chapitre 7 intitulé « des contrats sous forme électronique ».

Cette ordonnance a été adoptée sur le fondement de l’article 26 de la LCEN. Elle y était prévue, et sa raison d’être tient au fait qu’en ayant posé le principe qu’un écrit requis par la loi pour la validité d’un contrat n’était pas nécessairement à établir sous forme papier mais pouvait l’être sous forme électronique (article 1108-1) le législateur n’avait pas totalement vidé la question du formalisme électronique, il n’avait pas tout fait comme le requiert la directive du 8 juin 2000 en son article 9 pour que « le régime juridique applicable au processus contractuel ne fasse pas obstacle à la conclusion des contrats électroniques ». En effet, dans certains contrats, que ce soit au stade de leur conclusion ou de leur exécution, un formalisme particulier est exigé, un échange d’informations est requis, la mise à disposition de conditions contractuelles est imposée, l’envoi d’un document est exigé …

Un exemple : l’offre de crédit faite à un consommateur que celui-ci accepte, mais qu’il peut refuser a posteriori en exerçant son droit de rétractation pendant un délai de 7 jours suivant la conclusion du contrat, en utilisant un formulaire détachable qui se trouve dans l’offre de crédit et qu’il n’y a plus qu’à retourner à l’établissement de crédit. Qu’est-ce qu’un formulaire détachable sous forme électronique ? Même chose lorsqu’une proposition contractuelle doit être soumise au contractant, lorsqu’un contractant doit communiquer à l’autre une LRAR … Ce travail complémentaire d’adaptation du droit des contrats électroniques allaient donc être faite par l’ordonnance de 2005, dont les rédacteurs ont pensé qu’il ne convenait pas d’adapter chacune des dispositions particulières, mais de disposer par voie générale, par catégories de formes et de trouver l’équivalent électronique convenable.

Le chapitre 7 contient désormais 4 sections. La section 1ère (« de l’échange d’informations en cas de contrat sous forme électronique ») prévoit en son article 1369-1 que l’on peut mettre à disposition des informations contractuelles par voie électronique aussi bien que sous forme papier. Rappel : le code de commerce impose la communication de ses conditions contractuelles si on les lui demande. Il lui suffira donc de renvoyer à la consultation de son site.

Concernant l’échange par voie de courrier électronique, l’article 1369-2 traite de la généralité des cas, où le destinataire peut être n’importe quel contractant potentiel. Dans ce cas, ce qu’on pouvait antérieurement lui adresser sous forme papier peut lui être envoyé par voie électronique, à condition qu’il ait accepté l’usage de ce moyen. En revanche, l’article 1369-3 prévoit que si l’on s’adresse à un professionnel, et que ce professionnel a inscrit son adresse électronique sur ses papiers commerciaux, alors on peut communiquer avec lui par voie de courrier électronique. Si le professionnel a demandé qu’on lui communique des informations par voie électronique par le biais d’un formulaire, il doit mettre ce formulaire à la disposition de celui qui doit le remplir.

Les articles 1369-7 à 1369-9 détaillent excessivement comment procéder par voie électronique lorsqu’il est requis de l’un des deux contractants que soit envoyée une lettre simple, une LRAR ou que soit remis un écrit. Une lettre simple peut être envoyée par courrier électronique. La date d’envoi peut présenter un intérêt et on ne pourra la prouver qu’en utilisant un procédé répondant à des exigences posées par décret en CE. Huet aurait préféré qu’il n’y ait pas de renvoi et que soit fixé dans la loi ces exigences. Les rédacteurs ont préféré la prudence. Mais l’article 1369-7 doit être lu en ayant présents à l’esprit les articles 1369-2 et 1369-3.

Ils ont fait de même s’agissant de la LRAR visée à l’article 1369-8. Dans ce texte, les rédacteurs ont essayé de caractériser les traits principaux d’un courrier recommandé, qu’il soit adressé sous forme papier ou sous forme électronique. « Une lettre recommandée relative à la conclusion ou l’exécution d’un contrat peut être envoyée par courrier électronique à condition que ce courrier soit acheminé par un tiers ». Il peut s’agir de n’importe quel fournisseur d’accès. Le procédé technique utilisé doit permettre d’identifier ce tiers, désigner l’expéditeur, garantir l’identité du destinataire et d’établir si la lettre a été remise ou non. Le texte distingue l’expéditeur et le destinataire. Pour cela, les rédacteurs se sont fondés sur la réalité de la lettre recommandée papier. Il n’y a pas de vérification de l’identité de l’expéditeur, on se rattache à l’identité qu’il déclare être la sienne. En revanche, s’agissant du destinataire, il faut garantir son identité. En pratique, un destinataire de courrier électronique se sera manifesté comme tel, se sera enregistré auprès du gestionnaire d’un service d’acheminement de courrier, décliné son identité et reçu un mot de passe. Lorsqu’une LRAR lui aura été adressée, le gestionnaire de courrier lui aura envoyé un avis pour la réception. Avec son mot de passe, il ira récupérer la lettre, laissant ainsi la trace de ce que la lettre lui aura été remise. C’est le choix du tout électronique. Il se peut cependant que l’envoi comporte une phase d’envoi réel. La poste transformera le courrier électronique en support papier et remettra la lettre au destinataire selon les formes classiques.

L’article 1369-9 envisage les cas où un écrit doit être remis. L’équivalent électronique de la remise physique est conçu de la manière suivante : il y a remise lorsque le destinataire d’un écrit adressé sous forme électronique en accuse réception après l’avoir parcouru. La loi requiert parfois qu’un écrit soit lu au destinataire. Dans ce cas, la remise telle qu’envisagée par l’alinéa 1er suffira. L’intensité de l’exigence est beaucoup plus faible.

Dans la dernière section (4), on trouve quelques exigences de formes qu’il fallait aussi traiter, un peu en vrac toutefois.

Concernant la lisibilité, la présentation d’un écrit, le législateur exige parfois que la présentation du document contractuel respecte certaines exigences qui en assurent la lisibilité. Par exemple, les clauses exclusives des contrats d’assurance doivent figurer dans des caractères très apparents … En pratique, ce sera au professionnel de se débrouiller, à défaut pour la loi de définir avec précision les exigences pour le document électronique (article 1369-10).

Il arrive que le législateur exige l’envoi d’une proposition contractuelle en plusieurs exemplaires, ce qui n’a pas beaucoup de sens dans l’envoi électronique. D’où la formule un peu simplette de l’article 1369-11 qui n’exige que la possibilité d’impression multiple.

Le dispositif légal concernant les contrats électroniques, leur reconnaissance juridique est désormais parfaitement en place. Il ne devrait plus y avoir d’ajouts. Même si la relative dispersion peut être déroutante, on retrouve les dispositions à trois endroits :

– articles 1108-1 et -2 (la validité)

– articles 1316 à 1316-4 (preuve)

– articles 1369-1 à -11 (exigences du contrat électronique)

L’impact des contrats électroniques se fait ressentir de façon lourde.

C. Les échanges de données informatisées

Les EDI (équivalent du electronic data interchange) se sont développées il y a une quinzaine d’années et couvre différents types de données échangées entre l’entreprise et ses interlocuteurs ou partenaires, qu’il s’agisse d’échange commerciaux ou autres. L’objectif était de faciliter les échanges entre entreprises et administrations, en mettant au point des normes reconnues aux niveaux européen et international (dans le cadre de l’ISO). Des sigles, formules … devaient être reconnaissables. Par exemple, la facture, le règlement, le paiement, la commande … devaient être codifiés dans ces normes pour pouvoir être aisément échangés.

Dans les rapports entre entreprise et administration, l’échange de données informatisées a été consacré par plusieurs textes, en particulier un décret de 1990 qui a autorisé la télétransmission des factures, moyennant un certain nombre de garanties (modifiant l’article 289 bis CGI). Ces textes ont récemment été modifiés, à la suite d’une directive européenne portant sur la facturation. Le mouvement a été étendu par une loi du 11 février 1994 (loi Madelin, sur l’initiative économique) qui a prévu de façon plus générale la possibilité d’utiliser des moyens électroniques dans les rapports entreprises – administrations (Code de la communication, rubrique commerce électronique).

L’une des raisons pour lesquelles cette notion a connu un assez large écho est qu’elle a été exploitée dans le cadre de modèle de contrats entre entreprises, appelés contrats d’interchange. Il s’agit tout simplement d’accords passés entre deux personnes privées, dans lesquels les parties conviennent qu’elles accepteront entre elles des échanges de données informatisées. L’intérêt principal était cependant de contenir une convention sur la preuve. De fait, dans les droits nord-américains, il existe une règle de droit des contrats imposant un écrit au dessus d’un certain montant pour la preuve, voire pour la validité (500 $). Cette solution contraignante vise tous les contrats et se trouve par exemple incluse à l’article 2-201 du Code de commerce uniforme (UCC). Les auteurs américains estiment que cette règle a un caractère supplétif, on peut donc l’écarter par contrat.

Ces contrats ont été popularisés par des juristes européens dans les années 80 et 90, à tel enseigne que la Commission européenne a établi un modèle annexé à une recommandation du 19.10.1994. Ce modèle de contrat d’interchange est bien conçu, mais assez peu utile dans des droits comme le notre, qui admettent la liberté de preuve entre commerçants.

V. La protection des consommateurs

De manière répétitive, les autorités appelées à promouvoir et à encadrer les contrats électroniques, ont déclarées leur souci, leur intention de voir le consommateur fortement protégé dans cet environnement nouveau susceptible de présenter des dangers. Plusieurs résolutions ont été adoptées, notamment sur la protection des données personnelles, ainsi qu’en 1998 une déclaration concernant la protection des consommateurs en tant que tels.

Bien entendu, la même préoccupation s’est retrouvée dans la directive du 8 juin 2000. Cependant, cette directive est loin d’être une directive consumériste. Le mot consommateur ne figure d’ailleurs qu’à l’annexe. Explicitant de manière un peu orientée le principe d’application de la loi du pays d’origine, l’article 3 explique que chaque Etat membre veille à ce que les services respectent les dispositions nationales applicable dans cet EM. Dans les contrats conclus entre consommateurs, ça ne serait pas la loi du pays d’origine qui s’appliquerait, mais a priori la loi du consommateur. Cette solution, que l’on serait tenté de déduire de l’annexe est fausse, car elle n’est pas conforme à la Convention de Rome de 1980 qui prévoit assez restrictivement les conditions dans lesquelles le consommateur peut se prévaloir de sa loi nationale dans un contrat conclu à distance. Il n’est pas question d’admettre qu’une directive puisse modifier un texte qui lui est supérieur. Ca n’est d’ailleurs pas la solution que les autorités communautaires ont décidé d’adopter dans la révision de la Convention de Rome, actuellement en cours. Le considérant 25 et l’article 1 § 4 précisent expressément que la directive ne comporte pas de règle dérogatoire de DIP.

La protection des consommateurs dans le commerce électronique n’en est pas pour autant négligée. Elle est assurée par des textes qui ont vocation à s’appliquer, en particulier les directives concernant la protection des consommateurs dans les contrats conclus à distance. La directive générale de 1997 sur les contrats conclus à distance par les consommateurs (introduite en droit français par une ordonnance de 2001) instaure notamment un droit de rétractation dans un délai de 7 jours à compter de la réception ou de la commande selon qu’il s’agit d’un produit ou d’un service. Cette directive générale a été complétée par une directive de 2002 concernant les services financiers et qui prévoit un délai de rétractation plus long (14 jours suivant la conclusion), transposée par une ordonnance de 2005. Ces dispositions ne sont pas propres au commerce électronique, mais devraient assurer une certaine protection au consommateur.

Ce droit de rétractation unique est-il suffisant ? Selon Huet, non. On aurait pu songer aux règles concernant la validité des contrats. Les dérogations auraient pu être plus nombreuses, plus soucieuses de la protection des consommateurs, notamment on aurait pu éviter de permettre qu’un contrat de crédit soit conclu sous forme électronique.

Enfin, il semble que sous l’angle du DIP, il y aurait des progrès à faire. Huet aurait proposé de permettre à tout consommateur ayant conclu un contrat électronique de saisir le tribunal de son domicile (v. infra).

VI. L’exécution du contrat électronique

Elle va pouvoir se faire de deux manières, s’agissant de la prestation due par le professionnel. Dans un grand nombre de cas, elle va s’exécuter physiquement en dehors du réseau soit par la livraison, soit par la consommation. Il est possible toutefois que l’exécution se fasse sous une forme dématérialisée, notamment pour la consultation d’une base de données, pour le téléchargement d’une œuvre (regret que Communauté présente comme service et non produit) …

A.La responsabilité globale du prestataire

Elle est prévue par l’article 15 de la LCEN. Le paragraphe 1 pose un principe de responsabilité globale du prestataire qui propose des produits ou services susceptibles d’être fournis par voie électronique : il est « responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par lui-même ou par un tiers ». Le texte fait exception, si le prestataire est en mesure de prouver le fait imprévisible ou insurmontable d’un tiers ou la force majeure. C’est quasiment la copie de ce qui est prévu pour les agences de voyage. L’idée au départ, est relativement généreuse, et consiste, pour rassurer le client, de lui permettre de trouver une seule personne responsable au cas où le contrat serait mal exécuté. Malheureusement, elle est mal présentée. Transposer la solution des agences de voyage à l’internet sans expérience ou éclairement sur les conséquences était dangereux. Recourir contre l’exploitant du site peut dans certaines situations paraître ridicule.

B.Le paiement électronique par le client