La contrepartie dans le contrat (article 1169 du Code civil)

La contrepartie existant dans le contrat

 

L’article 1169 du Code civil prévoit qu’un « contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire ». Selon de nombreux auteurs, cet article reproduit la condition d’existence de cause dans le contrat à titre onéreux. L’ordonnance de 2016 est critiquée par un certain nombre d’auteurs en raison de la disparition de la notion de cause mais les partisans de cette suppression soutenaient que cette notion était trop complexe et incompréhensible pour les non-juristes. La cause est une notion complexe et on distingue la cause finale de la cause immédiate. Il s’agit de la raison pour laquelle la personne a contracté. Il existe deux conceptions de la cause :

La causeobjective(ouabstraite)quiest valablepourtouslescontratsdemêmetype,

La causesubjective,c’est-à-direlesraisonsréellespourlesquelleslapersonneacontracté.

Dans le contrat à titre gratuit, le problème de l’existence de cette cause était lié à la cause abstraite, c’est-à-dire l’intention libérale. Mais cette conception est teintée d’une approche subjective (on va éventuellement retenir le mobile réel).

L’erreur sur la cause retenue pour ces contrats est ainsi expliquée. Mais dans les contrats à titre onéreux où le problème est que l’existence de la cause est toujours une cause dite abstraite. Dans les contrats synallagmatiques, la cause de l’obligation d’une partie est l’obligation de l’autre (arrêt de la chambre commerciale du 9 juin 2009). On peut décliner plusieurs exemples relatifs à ces contrats synallagmatiques:

La transaction où l’une des parties renonce à agir en justice ou demande telle ou telle prestation ou dommage et intérêt, et l’autre va accorder certaines prestations et avantages en contrepartie. La transaction doit contenir une concession réciproque pour êtrevalable:laconcessiond’unedespartiesestlacausedel’autre(arrêtdelachambrecommercialedu25octobre2011).

La vente : en principe, elle est nulle en l’absence de prix et on assimile le vil prix à cette absence, mais il s’agit en fait d’une absence de cause (arrêt de la première chambre civile du 12 octobre 1981). Il y a une exception lorsque le prix symbolique est accompagné d’autres contreparties et, dans ce cas, il y a une vraie prestation et le prix n’est pas la seule exécution par la partie (arrêt de la troisième chambre civile du 3 mars1993).

Il existe cependant d’autres contrats que les contrats synallagmatiques dans les contrats à titre onéreux. Pour le contrat réel de prêt avec intérêt entre particuliers, par exemple, la cause de l’obligation de l’emprunteur est la remise des fonds (c’est un contrat unilatéral). On peut considérer que, pour le prêt à intérêt, la remise de fonds est bien une contrepartie au profit de l’emprunteur mais d’autres solutions sont retenues par la Cour de cassation. Par exemple, pour le contrat de cautionnement (lorsqu’une personne extérieure au contrat garantit le prêt), si la caution a un intérêt personnel patrimonial à ce que le débiteur voit son obligation garantie par une caution, il est onéreux. Cependant, pour les contrats à type gratuit, il n’y a pas d’article correspondant et ce sera donc sur la base de l’erreur sur les motifs qu’on pourra retenir l’annulation. Il en est de même pour les contrats aléatoires puisque, en effet, les parties ont conclu en vertu d’un aléa et, s’il n’existe pas, l’erreur pourra être invoquée comme vice du consentement. L’article 1169 est donc réservé aux contrats synallagmatiques et ne prévoit la nullité qu’en l’absence de contrepartie convenue, et que quand l’absence peut être retenue au moment de la conclusion du contrat. Cette solution correspond à celles retenues avant l’ordonnance (arrêt de la chambre commerciale du 18 mars 2014 par exemple). Avant l’ordonnance, certains arrêts avaient retenu, à propos du contrat à exécution successive, le fait que la disparition de la cause en cours d’exécution rendait le contrat caduc. Cette solution n’est cependant pas reprise par l’article 1169 du Code civil. Toutefois, on la retrouve à l’article 1186 du Code civil qui prévoit que le contrat valablement formé devient cadre si un de ses éléments essentiels disparait. Elle met fin au contrat et peut même donner lieu à une rescision des prestations dans les conditions prévues par les articles 1152 à 1152-9 du Codecivil.

IL NE FAUT PLUS PARLER DE CAUSE MAIS DE VALIDITE DU CONTRAT !

Il existe, dans la notion de contrepartie, deux possibilités pour qu’il y ait une annulation au titre de l’article 1169 : le contrat à titre onéreux est nul lorsque la contrepartie convenue est illusoire (ce qui fait référence à l’absence de cause) ou dérisoire (la contrepartie peut être quantitativement trop faible pour être considérée comme réellement existante – vilité du prix par exemple). L’autre interprétation possible est de se demander comment on peut interpréter ce caractère dérisoire de façon qualitative. A ce propos, quand la notion de cause existait, la jurisprudence exerçait parfois une approche qualitative de la contrepartie (arrêt de la chambre commerciale du 14 octobre 1997). Mais on trouve aussi des approches purement

quantitatives(question de l’appréciation de la subjectivité dela contrepartie se pose alors. Une conception objective est plutôt retenue au regard de l’évolution actuelle, selon M. GASSER.

Il existe des contrats qui sont associés entre eux et qui sont envisagés par l’article 1186 de l’ordonnance du 2 février 2016. Cette approche vise l’hypothèse de l’ensemble contractuel (un contrat d’achat de matériel informatique lié à un contrat de maintenance par exemple). Dans ces cas, les contrats sont intimement liés par la réalisation d’une même opération, c’est-à- dire qu’il y a un lien objectif entre ces différents contrats. Certains auteurs considéraient que ce lien était lié à la notion de cause. D’autres auteurs utilisaient la notion d’indivisibilité. La Cour de cassation n’a elle retenu aucune de ces deux approches (arrêt de la première chambre civile du 28 octobre 2010). En pratique, cet arrêt utilise aussi bien la volonté des parties que le lien objectif. Dans un arrêt du 17 mai 2013, la chambre mixte semble avoir favorisé le lien objectif. La Cour de cassation a considéré que la clause de divisibilité conclut dans le contrat était nulle car les contrats étaient interdépendants objectivement. La volonté des parties doit permettre de diviser les contrats entre eux selon certains auteurs. L’article 1186 du Code civil, in fine, prévoit en réalité, la caducité des contrats accessoires en raison de la nullité ou de la résolution du contrat principal, qui n’intervient que si le contractant contre lequel est invoquée la nullité connaissait l’existence de l’opération d’ensemble.Ilfautdoncquandmêmeunevolonté.LaCourdecassationapuconsidérerqu’ilyavaitunensemblecontractuel entre des contractants différents, c’est-à-dire, pour imager, un contrat en C & A et un contrat en entre A & B, si C connait l’existence de l’ensemble des contrats, alors il y a un ensemble contractuel dès lors qu’un lien nécessaire existe entre eux. Si le contrat principal, ou l’un des contrats de l’ensemble contractuel, disparait ou est caduc, les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition (ils en dépendaient) et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une des parties, les contrats deviennent caducs. Par exemple, un contrat de vente de matériel informatique qui est, soit annulé, soit résolu, soit caduc, le contrat de maintenance qui y est lié (objectivement) devient caduc car son exécution est rendue impossible ou car ce contrat dépendait du contrat qui a disparu (installation d’un logiciel par exemple). Cette caducité est la sanction des conséquences de la disparition de l’un des contrats de l’ensemble contractuel et c’est une sanction déjà retenue par la jurisprudence. Le Code de la consommation prévoit certaines règles spécifiques pour certains ensembles contractuels comme pour les contrats de crédit à la consommation ou les contrats de crédit immobilier car le prêt est alors affecté à certaines utilisations.

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