Le contrôle juridictionnel de l’administration en France

Le contrôle de l’administration en France

L’objet du contentieux administratif: Le contentieux administratif (CA) regroupe l’ensemble des règles applicables à la solution jurisprudentielle des litiges soulevés par l’activité administrative lorsque celle-ci est portée devant le juge administratif.

Au XIXe siècle et ce jusqu’en 1930, on constatait une unité : le droit administratif était le droit applicable à l’administration et le juge administratif développait ce droit par la voie jurisprudentiel. Cette unité éclate avec la décision du bac d’Eloka car dans celle-ci le TC affirme que le droit des SPIC relève du juge judiciaire. Le juge administratif n’a plus désormais l’exclusivité de l’étude des services publics (SP).

L’activité du juge administratif est le contentieux administratif, on a pu reprocher au droit administratif (DA) d’être un droit uniquement jurisprudentiel puisque l’enseignement du Droit Administratif ne s’est opéré qu’à travers une vision contentieuse (c’est en effet le juge administratif qui développe le Droit administratif par sa jurisprudence). C’est l’aspect pathologique de la vie administrative. On assistait de la sorte à une déformation du Droit administratif qui ne peut pas se réduire aux règles contentieuses, il y a aussi une place importante pour la science administrative non contentieuse. Une grande partie de l’activité administrative échappe à toute contestation judiciaire : mesures d’ordre intérieur, acte de gouvernement etc…

Le contrôle juridictionnel de l’administration est un choix volontaire de note pays pour assurer le respect du principe de légalité. Il existe d’autres modes de contrôle juridictionnel mais ceux-ci tiennent une place marginale. Le contentieux administratif est limité à l’étude de la juridiction administrative. Il existe également un contentieux judiciaire de l’administration qui concerne le respect des institutions ou, pour certains, ce domaine est relatif aux libertés individuelles (voie de fait..).

Le contentieux administratif, enfin, est une branche particulière du droit administratif qui étudie le procès fait à l’administration devant le juge administratif (JA). On ne parlera donc pas dans ce cours du droit administratif judiciaire qui est le droit appliqué par le juge judiciaire concernant l’activité administrative.

  • Le contrôle juridictionnel de l’administration en France :

C est un contrôle exercé par une juridiction, un tribunal. La France ayant adhéré à la CEDH, la définition du tribunal est donnée par cette norme supérieure. L’application de cette convention pose un véritable problème en Droit Administratif car la convention exige que le tribunal soit créé par la loi (loi au sens formel, c’est-à-dire votée devant le parlement). Or le Conseil d’Etat, les tribunaux administratifs (TA) et l’essentiel de leur existence et de leur procédure sont l’œuvre du pouvoir réglementaire en France.

Ce contrôle n’est pas le seul possible. Pour contrôler l’administration on peut imaginer :

– un contrôle de nature politique, contrôle exercé par les autorités politiques (parlement, pouvoirs publics de l’exécutif). Le choix fait en France n’est pas celui d’un contrôle politique, ce dernier n’est pas objectif, il n’y aurait pas d’égal accès à tous les citoyens. De la création du Conseil d’Etat à la loi du 24 mai 1872 existait le ministre-juge, c’était, comme son nom l’indique bêtement, le ministre qui jugeait ! Ce contrôle de nature politique existe encore aujourd’hui, mais sa part est très réduite. Les autorités politiques ont le droit de poser des questions au ministre sur le fonctionnement de l’administration.

– un contrôle administratif exercé par l’administration elle-même sur ses propres services. Elle est juge et partie. Mais ce contrôle existe à une échelle importante et sous différentes formes. Dans toutes les administrations il y a des corps de contrôle (inspection générale,…), ces corps de contrôle n’agissent qu’avec une lettre de mission émanant d’un ministre.

Le deuxième versant de ce contrôle administratif c’est l’exercice par tous citoyens soit d’un recours gracieux soit d’un recours hiérarchiques.

Le contrôle juridictionnel s’oppose à ces contrôles politiques et administratifs, car il s’exerce à partir d’une norme applicable, il consiste à vérifier si la norme contrôlée est conforme à la norme de référence. On peut faire grâce au Conseil Constitutionnel (Conseil Constitutionnel) d’avoir procédé à la hiérarchisation des normes applicables à l’administration : système moniste, système pyramidale des normes.

Il y a deux excès dans lesquels le contrôle juridictionnel ne doit pas tomber :

  •  1) Trop de contrôle, cela conduirait le juge à faire prévaloir les droits de l’administré sur ceux de l’administration. Cela nous amènerait à la paralysie de l’administration qui ne pourrait plus rien faire sans s’exposer à la censure des juges.
  •  2) Trop peu de contrôle, cela ferait prévaloir l’intérêt général sur les intérêts particuliers : négation des droits du citoyen.

Avant le Conseil d’Etat se trouvait donc en face d’un équilibre fragile sans cesse remis en cause qu’il essayait de trouver, favorisant tantôt l’un, tantôt l’autre. Mais désormais les méthodes de l’administration ont changé, le juge ne peut enfreindre la loi, il est donc tenu d’appliquer les lois ne lui laissant aucune marge de manœuvre.

Si nous décrivons la situation actuelle, nous constatons que ce contrôle de l’administration est effectué par un ordre juridictionnel particulier qui est l’ordre administratif mais que rien dans les textes et pas même dans l’origine des textes de la Révolution ne le conduisait à cette solution.

Beaucoup de pays n’ont qu’un seul ordre juridictionnel. Chez nous c’est différent car on a fait une interprétation erronée du principe de séparation des pouvoirs. Le Conseil Constitutionnel a ainsi parlé de conception française de séparation des pouvoirs.

En réalité, ce principe révolutionnaire n’impliquait pas la création de deux ordres de juridiction. Les autorités révolutionnaires ont fait du principe de séparation des pouvoirs un principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, c’est pourquoi longtemps a existé une confusion entre la fonction de juger et celle d’administrer.

HAURIOU : « juger l’administration c’est encore administrer ». On considère que le juge administratif se trouve placé au sein de l’exécutif et qu’il est séparé du juge judiciaire. Ce principe de séparation des autorités administratives et judiciaires tel que les révolutionnaires l’ont entendu est fondé sur deux textes qui sont toujours applicables aujourd’hui :

  • 1) la loi du 16 et 24 août 1790 (art 13) : « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront à peine de forfaiture troubler de quelque manière que se soit les opérations du corps administratif ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions ».
  • 2) le décret du 16 fructidor an III est venu rappelé le premier principe : « défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d’administration de quelques espèces qu’il soit au peine de droit » (à peine de nullité).

Si on avait eu une conception plus académiques de l’administration on n’aurait pas aboutit à ce deuxième ordre. Le principe de séparation des pouvoirs signifie seulement que le juge judiciaire ne peut faire acte d’administrateur. Le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 23 janvier 1987 s’est méfié de ce principe de séparation des autorités administratives et judiciaires et a posé comme règle que ce principe de séparation n’a pas en lui-même valeur constitutionnel. En revanche, le principe de séparation des pouvoirs a valeur constitutionnelle. L’existence de la juridiction administrative est quant à elle un PFRLR.

Dans la même décision, le conseil dit que la ligne de partage entre la compétence du juge administratif et celle du juge judiciaire est une ligne de partage contingente et que la loi peut déplacer cette ligne pour toute considération d’intérêt général. Cependant, il reste à la juridiction administrative un domaine de compétence incompressible.

Depuis l’origine jusqu’en 1987, il n’y a eu aucune décision qui consacrait l’existence de la juridiction administrative et qui plaçait cette existence dans la hiérarchie des normes juridiques.

  • Juridiction administrative et administration sont liées(« juger l’administration c’est encore administrer »):

Ces liens entre les deux vont être maintenus pour des raisons pratiques qui se justifient par la nécessité que le juge connaisse bien l’administration pour pouvoir la juger. Le fait que les juges administratifs puissent au cours de leur carrière exercer des fonctions administratives et le fait que les juges administratifs puissent de manière complémentaire, c’est-à-dire en même temps que leur fonction de juge, exercer des missions au sein de l’administration prouvent clairement ces liens.

Cet équilibre auquel le Juge Administratif est parvenu le rend protecteur des individus et de l’intérêt général. Le Juge Administratif a fait preuve de son indépendance, il a également fait preuve de mimétisme par rapport au juge judiciaire.

Il existe toujours la règle de la demande préalable qui est une règle spécifique au Juge Administratif. Cependant, le Juge Administratif a fait preuve à l’inverse du juge judiciaire d’un plus grand respect du principe de séparation des pouvoirs qui lui interdît de faire acte d’administration et d’adresser des injonctions à l’administration. Le Juge Administratif s’est interdit de le faire jusqu’à ce que le code de justice administrative l’y autorise, alors que le juge judiciaire ne s’est jamais gêné pour adresser des injonctions à l’administration.

Enfin l’origine du Juge Administratif a conduit à plusieurs conséquences pendant longtemps :

-les TA ont été rattachés au ministère de l’intérieur jusqu’en 1987 (de manière purement fonctionnelle cela dit).

-le recrutement commun entre les hauts fonctionnaires et les Juges Administratifs. On sait que les magistrats peuvent être détachés au sein de l’administration active. A raison de leur formation commune les Juge Administratif sont tenus à une obligation de mobilité comme tous les élèves de l’ENA, mais ils retrouvent leur poste (par respect du principe d’inamovibilité). En ce sens ASS 2 février 1962 BEAUSSE : les Juge Administratif sont des fonctionnaires.

  • le contentieux administratif et l’influence du juge administratif :

Le Juge Administratif a créé le droit administratif. Le Juge Administratif en l’absence de toute règle de procédure a établit des règles d’accès au prétoire (aujourd’hui codifiées). le Conseil d’Etat a créé des règles de fond et de procédure. Certains auteurs dont DEBBASCH ont soutenu l’idée du « déclin du contentieux administratif ». Il y a plusieurs facteurs à ce déclin. On assiste à un mouvement qui concerne la réduction de l’intervention de l’Etat. Mais le contentieux administratif est plutôt en expansion par contre, son rôle a changé, il est devenu simplement interprète de la loi et du règlement. Son rôle est plus modeste.

Le Conseil Constitutionnel contrairement au conseil d’Etat a fait plus preuve d’audace, il a créé du droit et il défend les citoyens mieux que le CE. En effet, l’art 62 de la Constitution dispose que les décisions du Conseil Constitutionnel s’imposent au juge administratif : déclin du pouvoir du conseil d’Etat par augmentation de celui du Conseil Constitutionnel. On parle de vase communicant entre le Conseil Constitutionnel et le CE.

le contrôle juridictionnel et la jurisprudence du juge administratif : On assiste par ailleurs à une tendance à un rapprochement entre le Juge Administratif et le juge judiciaire (inamovibilité, rendre l’arrêt au nom du peuple français, motivations des décisions, rapprochement des procédures depuis 1930 sont désormais autant de points communs). Seulement, plus de rapprochements signifient aussi moins de clarté dans cette distinction.

  • 1) Historiquement, le Conseil d’Etat a développé sa jurisprudence (Jp) dans le silence le plus total de la loi. Il n’y avait pas, sauf exception particulière, de règles spécifiques sur le contentieux administratif. Mais aujourd’hui la création jurisprudentielle du Conseil d’Etat s’est atténuée, car il fait de plus en plus application de règles d’origine législative (sens général du mot).
  • 2) L’évolution de la jurisprudence du CE. Pendant longtemps, nous avons eu à constater que l’Etat était peu interventionniste, il se contentait de règlementer l’activité des opérateurs privés. Parallèlement, à la même époque, la jurisprudence (Jp) du Conseil d’Etat a été dominé par un principe : elle a défendu l’intérêt privé face à l’intérêt général (tous les grands arrêts du Conseil d’Etat donne raison à l’administré contre l’administration, le Conseil d’Etat n’était pas de connivence avec l’Etat). Ensuite l’Etat est devenu prestataire de service, la Jurispeudence a donc évoluée et l’équilibre s’est légèrement déplacé pour se situer a mi-chemin entre l’intérêt général et l’intérêt particulier.

Aujourd’hui c’est une troisième phase à laquelle on assiste. L’Etat a d’une part un rôle de régulateur sur les activités privées ce qui génère un contentieux classique : équilibre entre un intérêt particulier et général. D’autre part l’Etat est devenu prestataire de services, mais ces prestations ne constituent pas toujours un droit absolu d’un particulier et ce droit est soumis à l’appréciation discrétionnaire de l’administration. le Conseil d’Etat a donc du inventer un mécanisme de contrôle : l’erreur manifeste d’appréciation concernant la qualification juridique des faits.

Il y a eu une espèce de course poursuite entre l’administration et le Juge Administratif. En effet, car plus le contrôle du juge est poussé plus l’administration se dote de moyens dans lesquels son pouvoir d’appréciation est plus large et jusqu’à ce que le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation ne serve plus a rien