Le contrôle juridictionnel de la perquisition fiscale

Le contrôle juridictionnel des perquisitions fiscales

Lorsque l’administration fiscale soupçonne l’existence d’une fraude fiscale, elle peut utiliser l’outil prévu à l’article L 16 B du Livre des procédures fiscales, à savoir la visite domiciliaire, connue aussi sous le nom de perquisition fiscale.

Il suffit à l’administration fiscale d’aller voir le JLD (Juge des Libertés) afin d’être autorisée à perquisitionner une entreprise ou le domicile du dirigeant, de collaborateurs, ou même d’intervenants extérieurs ; une fois dans les locaux, les agents de l’administration fiscale peuvent saisir toutes les preuves de fraude fiscale, qu’elles se présentent sous forme de documents papier ou numériques, fichiers ou e-mails échangés.

 

Le controle juridictionnel des perquisitions est opéré à plusieurs stades :

    1. , Au stade de l’autorisation
    2. Après le déroulement de ces perquisitions

A) L’autorisation des perquisitions par l’ordonnance

L 16 B prévoit que chaque visite doit être autorisée par le juge des libertés et de détention par le biais d’une ordonnance. Le juge compétent est celui dans le ressort territorial duquel sont situés les lieux à visiter.

Le juge sera saisi par l’administration d’un dossier dans lequel elle apportera l’ensemble des éléments qui lui permettent de présumer que l’une des infractions visées à l’article L 16 B pourrait être commise par le contribuable qu’elle cherche à contrôler. A ce stade là, l’infraction n’est pas caractérisée.

Au vu de ce dossier, sans que le contribuable soit informé et puisse se défendre, le juge va autoriser ou non la visite. S’il décide d’autoriser, il va le faire sous la forme d’une ordonnance qui doit comprendre un certain nombre de mentions :

    • Les lieux à visiter (l’adresse des locaux)
    • Le nom et la qualité des agents qui sont autorisés à procéder aux visites
    • Le nom de l’OPJ qui représente le juge de l’autorisation

L’ordonnance doit être motivée. Le magistrat doit y indiquer qu’il a pris connaissance des informations soumises par l’administration. Il doit ensuite indiquer qu’au vu de ces informations il lui semble que l’infraction peut être présumée. L’autorisation doit être donnée. Il faut une motivation expression sur l’existence des présomptions et qu’elles correspondent à celles du L 16 B.

Cette motivation a posé des difficultés jurisprudentielles importantes parce qu’il est plus que probable que les juges qui sont sollicités, n’ont ni le temps ni la compétence de consulter les dossiers fournis par l’administration et d’apprécier de manière très réelle l’existence de présomptions suffisantes. La plupart du temps les autorisations de perquisition sont rédigées par l’administration elle-même.

L’ordonnance sera notifiée au contribuable verbalement (sur place, quand les agents arrivent). Si l’occupant des lieux n’est pas là, l’ordonnance sera notifiée après la visite et ce par lettre recommandée avec accusé de réception. La notification est mentionnée dans le PV. Les délais de recours vont courir de manière différente selon le mode de notification. Si les locaux ne sont pas ceux de la société, mais ceux d’un tiers, on aura une double notification : une à l’occupant des lieux, et une par voie de courrier au contribuable visé.

Cette ordonnance d’autorisation va pouvoir faire l’objet d’une contestation. Jusqu’en 2008, l’arrêt Ravon de la CEDH, l’article L 16 B ne prévoyait contre l’ordonnance qu’un recours en cassation. Or, un recours en cassation n’était pas suffisant. Le recours en cassation est un recours qui ne porte que sur le droit, le juge de cassation ne se prononce pas sur le faits. Cela interdisait de soulever un certain nombre de questions importantes par ex. dans certains cas, l’administration pour étayer sa demande d’autorisation, utilisait des documents volés, obtenus de manière illicite. La vérification était présumée dès lors que dans l’ordonnance était confirmé le caractère licite des informations apportées par l’administration. La cassation ne permettait pas les conditions dans lesquelles la présomption de fraude avait été établie. La loi a été réformée sur ce point (idem pour les ordonnances pré-rédigées). On a une procédure d’appel est possible. L’appel est non suspensif. L’appel peut se faire dans les 15 jours de la notification de l’ordonnance d’autorisation. Il se fait auprès du 1er pdt de la Cour d’appel dont dépend le juge de l’autorisation. L’appel ouvre la possibilité au contribuable de contester en droit mais surtout en faits les autorisations de perquisition délivrées à l’administration. La décision prise en appel peut faire l’objet d’une cassation devant la Cour de cassation dans un délai de 15 jours à dater de la décision de la Cour d’appel. Le contentieux de perquisition est judiciaire quelque soit l’impôt concerné. Ce contentieux est indépendant.

Les résultats de la réforme de 2008 peuvent être considérés comme mitigés. S’agissant des ordonnances d’autorisation pré-remplies la Cour de cassation a refusé de considérer qu’il fallait y voir une irrégularité. Elle sanctionne des décisions du pdt de cour d’appel qui remet en cause les autorisations données par le JLD. En revanche, concernant la question de la licéité des pièces fournies par l’administration pour demander une autorisation de perquisition, la Cour de cassation à propos de l’affaire de la liste des 3000, les perquisitions ne pouvaient en aucun cas autorisées sur la base des documents volés Cour de cassation 31 janvier 2012.

Le contribuable dont les agissements sont recherchés par l’administration, mais aussi les personnes qui ne sont soupçonnés d’aucune fraude mais dont les locaux ont été visités vont pouvoir faire un appel et se pourvoir en cassation. Si l’autorisation est invalidée, les perquisitions qui ont eu lieu et qui pourraient être utilisées par l’administration, elles seront annulées et l’administration ne pourra pas s’en prévaloir.

B) Le recours contre le déroulement des perquisitions

– Pendant la perquisition

La visite s’effectue sous l’autorité et sous le contrôle du juge d’autorisation. Le contrôle et la surveillance est exercé par l’OPJ.

Le juge de l’autorisation peut au cours de la procédure soit en prononcer la suspension, soit l’arrêt. Il peut, saisi par l’OPJ, arrêter les opérations de perquisition, parce que le contribuable aurait fait valoir que le secret professionnel de ses correspondances avec son avocat, serait violé.

Ce recours est peu effectif parce que la loi ne prévoit que le contribuable doit être informé de l’existence de ce recours. Aussi parce que dans un certain nombre de cas, la personne qui aurait intérêt à agir contre ces perquisitions, n’est pas présente.

Après la perquisition

L 16 B version avant 2008, ne prévoyait rien sur la possibilité d’avoir un recours après le déroulé des opérations de visite. La Cour de cassation avait d’abord considéré qu’en l’absence de toute disposition légale, la contestation pouvait se faire auprès du juge d’autorisation (30 octobre 1989). Cette jurisprudence a été abandonnée par la Cour de cassation le 30 novembre 1999. La Cour de cassation dans cette décision considère que le juge d’autorisation n’est plus compétent pour connaître la régularité des procédures a posteriori. Elle précise que finalement le juge compétent est celui qui sera compétent pour statuer sur les poursuites qui seront engagées sur le fondement des documents saisis. Elle renvoie soit au juge pénal, saisi d’une plainte pour fraude fiscale fondée sur l’utilisation des documents saisis, soit au juge fiscal qui serait saisi pour la contestation de redressements fiscaux qui ont été établis grâce aux documents saisis. Pbl : d’une part les plaintes pénales sont rares même quand il y a perquisition ; d’autre part, en 1999, le juge de l’impôt a toujours considéré qu’il était incompétent pour connaître de la régularité des perquisitions. La décision de la Cour de cassation 1999 conduisait à une situation où il n’y avait aucun recours contre les perquisitions.

La décision Ravon a condamné la France : l’absence de droit au procès. La loi d’août 2008 a mis en place une nouvelle voie de recours a posteriori. On peut avoir un recours de 1e instance devant le 1er pdt de la Cour d’appel du lieu où se sont déroulées les visites dans les 15 jours à compter du PV de fin de perquisition. On a un recours en cassation devant la Cour de cassation dans les 15 jours de la décision du 1er pdt de la Cour d’appel.

Les effets des irrégularités

Le juge prononce l’irrégularité de l’autorisation de procéder aux visites, soit l’irrégularité de la perquisition elle-même. Cette invalidation va interdire à l’administration fiscale d’utiliser à des fins fiscales les documents saisis. Si elle le fait, les impositions en cause, devront être déchargées.

La décision d’invalidation est prononcée par un juge judiciaire.