Corps, grades et échelon dans la fonction publique

la structure interne des corps et cadre d’emploi : la division en grades et en échelon

Lorsqu’un candidat réussit un concours administratif, il intègre un corps de la fonction publique et entame un stage d’une durée variant entre six mois et un an. À l’issue de ce stage, le candidat est titularisé dans un grade spécifique au sein de ce corps. La structure de ces corps est généralement composée de plusieurs grades, typiquement au nombre de trois, et la carrière débute au premier grade.

Dans la fonction publique française, les termes « corps », « cadre d’emplois », « grade » et « échelon » désignent différents aspects de la structure organisationnelle et de la progression de carrière des fonctionnaires.

  • Corps : Cette notion désigne un groupe de fonctionnaires partageant le même statut et les mêmes règles administratives. Elle apparaît dans la fonction publique d’État et hospitalière et remonte au 18ᵉ siècle. Un corps est défini par un statut particulier qui s’applique à tous ses membres pendant leur carrière​
  • Cadre d’emplois : Ce concept est spécifique à la fonction publique territoriale. Il regroupe les fonctionnaires de régions, départements, communes et établissements publics sous un même statut particulier. Comme les corps, les cadres d’emplois sont créés et réglementés par un décret en Conseil d’État et sont classés en catégories A, B, ou C​
  • Grade : Un grade permet à un fonctionnaire d’occuper différents emplois au sein d’un corps ou d’un cadre d’emplois. Les fonctionnaires débutent généralement au grade initial, le moins élevé, puis peuvent monter en grade, acquérant ainsi plus de responsabilités et un salaire plus élevé​
  • Échelon : Les grades sont subdivisés en échelons, qui déterminent la rémunération du fonctionnaire. Le nombre d’échelons et la progression à travers eux sont fixés par le statut particulier du corps ou du cadre d’emplois. Plus un fonctionnaire avance en échelon, plus sa rémunération augmente​

Cette structure complexe reflète la diversité et la spécificité des carrières dans la fonction publique française.

Prenons l’exemple du concours de commissaire de police :

  • Premier grade : À l’entrée, le candidat est nommé au premier grade, c’est-à-dire commissaire de police du corps des commissaires de police.
  • Deuxième grade : Avec la progression, il peut accéder au grade de commissaire divisionnaire.
  • Troisième grade : Le grade le plus élevé est celui de commissaire général.

Dans tous les corps de la fonction publique, l’organisation est similaire. Il est toutefois possible, bien que rare, qu’un corps ne dispose que d’un seul grade.

Changement de grade et d’emploi :

  • Lorsqu’un fonctionnaire change de grade, il change également d’emploi. Ce changement s’accompagne d’une augmentation de responsabilités, de salaire et de traitement. C’est une étape importante dans la progression de carrière.

Sous-division en échelons :

  • À l’intérieur de chaque grade, il existe une sous-division en échelons.
  • L’échelon représente également une progression de carrière, mais le passage à un échelon supérieur ne s’accompagne pas d’un changement de grade ni d’emploi.
  • Par exemple, dans le corps des commissaires de police, le premier grade comprend 9 échelons, le deuxième 8 échelons et le dernier 5 échelons.

Cette structuration en corps, grades et échelons permet une progression hiérarchique et salariale claire et structurée au sein de la fonction publique, tout en associant chaque avancement à des responsabilités et des fonctions spécifiques.

La progression dans les échelons au sein de la fonction publique ne repose pas principalement sur la qualité du travail de l’agent, mais plutôt sur l’ancienneté. Chaque échelon a une durée déterminée, généralement comprise entre un et trois ans. Une fois cette durée de service accomplie, l’agent passe automatiquement à l’échelon supérieur. Il est important de noter que les sauts d’échelons ne sont pas permis, même pour récompenser un agent exceptionnel.

Organisation en grades et échelons :

  • Cette organisation est définie par les statuts particuliers ordinaires, qui détaillent la structure de chaque corps et précisent la durée de chaque échelon.
  • Cette structure en grades et en échelons s’applique aux trois versants de la fonction publique (État, hospitalière, territoriale).
  • La répartition des agents en catégories A, B, et C suit également ce modèle organisé en grades et échelons.

Principe de la distinction entre grade et emploi :

  • Le grade est un titre octroyé au fonctionnaire, lui donnant vocation à occuper un emploi spécifique.
  • L’emploi, en revanche, est une position de travail ou une fonction administrative créée par la loi de finances ou, dans le cas de la fonction publique territoriale, par une collectivité territoriale.
  • Cette distinction entre grade et emploi signifie que, même en cas de suppression de l’emploi, le fonctionnaire conserve son grade. L’emploi appartient à l’administration, tandis que le grade est la propriété du fonctionnaire.
  • En cas de suppression d’un emploi, l’administration est tenue de reclasser le fonctionnaire dans un nouveau poste correspondant à son grade. Ce système est souvent interprété comme une forme de sécurité de l’emploi, mais il serait plus précis de le qualifier de sécurité du grade.
  • Les inconvénients pour les fonctionnaires du principe de la distinction entre grade et emploi dans la fonction publique :
    1. Mobilité géographique imposée :
      • L’administration a la capacité de supprimer ou de modifier l’emploi d’un fonctionnaire pour des raisons d’intérêt du service. Cela peut inclure le déplacement d’un fonctionnaire d’une commune à une autre, ou d’un service à un autre.
      • Bien que l’administration doive justifier ces changements par l’intérêt du service, et que ces décisions soient sujettes à un contrôle judiciaire, cela peut impliquer des déménagements significatifs pour le fonctionnaire concerné.
      • Le fonctionnaire doit être replacé dans un emploi similaire, mais cela peut entraîner des changements géographiques conséquents, souvent difficiles sur le plan personnel.
    2. Évolution de la teneur de l’emploi :
      • L’intérêt du service peut aussi conduire l’administration à modifier substantiellement les fonctions et responsabilités associées à l’emploi d’un fonctionnaire.
      • Bien que le fonctionnaire doive recevoir des fonctions correspondant à son niveau intellectuel et de responsabilité, et que son salaire ne puisse être diminué, ces changements peuvent néanmoins représenter un défi en termes d’adaptation à de nouvelles responsabilités ou à un nouvel environnement de travail.

La relation entre le grade et l’emploi dans la fonction publique est structurante. Chaque fonctionnaire est nommé dans un grade qui correspond au concours qu’il a réussi, et l’emploi qu’il occupe doit être en adéquation avec ce grade. Cette correspondance assure que les compétences et qualifications acquises lors du concours sont effectivement mises à profit dans l’emploi occupé.

Cas particulier des magistrats :

  • Titularisation et propriété de l’emploi : Contrairement à la norme générale dans la fonction publique, les magistrats sont non seulement titulaires de leur grade, mais également de leur emploi.
  • Indépendance et inamovibilité : Pour des raisons d’indépendance judiciaire, un magistrat est inamovible, ce qui signifie que l’administration ne peut ni supprimer ni déplacer un magistrat sans son consentement, à moins d’une fermeture définitive de tribunal.
  • Contrôle sur l’emploi : Le magistrat maîtrise ainsi son emploi tout en étant titulaire de son grade, une particularité qui renforce son indépendance professionnelle.

Application générale :

  • Trois versants de la fonction publique : La distinction entre grade et emploi est un principe qui s’applique à travers les trois versants de la fonction publique : l’État, la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale.
  • Tous les corps et catégories : Cette distinction est également valable pour tous les corps, cadres d’emploi, et catégories (A, B, C) au sein de ces trois versants.

 

Critique et projet de modification du système des corps

Le système du corps et des grades d’emploi, établi comme une règle fondamentale du droit de la fonction publique, a maintenu son principe de base malgré d’importantes évolutions depuis le début des années 2000. Ce système, bien qu’ayant ses qualités et ses défauts, a résisté à des propositions de modification.

Avantages du système des corps :

  • Stabilité et prévisibilité : Ce cadre offre aux fonctionnaires des perspectives de carrière claires et bien définies.
  • Défense des intérêts par les syndicats : Chaque corps bénéficie d’une représentation syndicale spécifique, assurant la défense des intérêts de ses membres.
  • Attachement des fonctionnaires : Un sentiment d’appartenance se développe au sein des fonctionnaires à l’égard de leur structure en corps.
  • Protection contre l’arbitraire : La gestion par corps offre une certaine protection contre les décisions arbitraires des chefs de service, assurant une équité de traitement pour un travail égal.

Inconvénients du système des corps : Ces critiques se concentrent principalement sur la rigidité du système actuel, qui limite les efforts en matière de gestion des ressources humaines et de gestion des carrières.

  • Gestion peu dynamique : La gestion ministérielle des corps ne favorise pas la reconnaissance individuelle des performances, conduisant à une approche moins dynamique.
  • Entrave à la mobilité : Les corps sont conçus comme étanches, rendant difficile la transition d’un corps à un autre, sauf si les fonctions sont similaires.
  • Progrès limités dans la mobilité : Bien que des progrès aient été réalisés, notamment avec les détachements permettant de rejoindre un autre corps, la structure reste un obstacle majeur à la mobilité.
  • Rigidité et disparités : Cette rigidité conduit parfois à des inégalités, comme dans le cas où un corps reçoit une prime alors que d’autres, exerçant des missions similaires, n’en bénéficient pas.

Les critiques formulées à l’égard du système de corps dans la fonction publique de l’État sont significatives, suggérant que des modifications substantielles pourraient être nécessaires à l’avenir. Une réforme notable a été la réduction considérable du nombre de corps, passant de 1500 à 300 entre 2012 et 2013.

Dans son rapport public de 2003, intitulé « Perspective pour la fonction publique », le Conseil d’État a envisagé des évolutions potentielles du système des corps, proposant deux options majeures :

  1. Maintien de la structure par corps avec une gestion plus individualisée des carrières :
    • Cette proposition a été partiellement mise en œuvre depuis 2003.
    • Elle vise à conserver le cadre existant tout en offrant une approche plus personnalisée et flexible dans la gestion des carrières.
  2. Abandon du système des corps au profit d’une structure par cadres de fonctions et filières professionnelles :
    • Cette proposition s’inspire largement de la fonction publique territoriale.
    • Elle suggère la création de 10 filières professionnelles, incluant une filière éducation, qui n’existe pas actuellement dans la fonction publique territoriale.
    • Chaque filière comprendrait environ 5 cadres de fonctions, correspondant aux différents métiers, organisés selon la hiérarchie habituelle des catégories A, B, et C.

La proposition de restructuration du système des corps dans la fonction publique de l’État a reçu le soutien de Nicolas Sarkozy, qui a souligné l’importance d’une transition vers une gestion par métiers plutôt que par corps. Cette orientation a été renforcée par un débat national sur la fonction publique, aboutissant à la création d’un « livre blanc », le rapport Silicani de 2008, qui proposait 40 évolutions, y compris l’abandon du système des corps au profit de cadres statutaires.

Toutefois, l’impact de la crise économique de 2008 a considérablement ralenti la mise en œuvre de ces propositions. L’attention du gouvernement s’est alors concentrée sur la gestion de la crise financière, mettant de côté le projet de réforme de la fonction publique. En 2023, ce projet reste en suspens, n’ayant pas été relancé ou concrétisé.