Les coups d’État de la Révolution

Les coups d’État de la Révolution

La Révolution française a connu un grand nombre d’insurrections populaires. On a tendance bien souvent à oublier les coups d’État, qui ont jalonné l’histoire de la Révolution française à des moments stratégiques. = Importance capitale car sans ces coups d’État, les mouvements populaires n’auraient certainement pas pu avoir des conséquences aussi décisives.

 

Saint-Bonnet a pu dégager six éléments qui définissaient le coup d’État (quatre éléments descriptifs, deux appréciatifs):

  • l’appartenance des auteurs du coup d’État à une instance étatique, avec souvent l’intervention de forces militaires
  • la soudaineté et rapidité de l’action, souvent génératrices de surprises
  • la brutalité
  • la prise du pouvoir politique, ou à défaut un accroissement du pouvoir
  • l’infraction à la règle juridique
  • l’invocation d’un intérêt supérieur.

 

La liste n’est pas rigide, elle résulte de définitions diverses voire divergentes : il peut y avoir coup d’État sans que tous les six éléments soient réunis.

 

On peut distinguer deux périodes dans la Révolution française : la période des coups d’État offensifs (I) et le Directoire (II).

 

  1. I- Les coups d’État offensifs (1789 – 1793)

 

A / Le 17 juin 1789 : l’Assemblée nationale

Les députés du tiers état dans les États généraux constatent deux choses : ils représentent une majorité écrasante / les députés des autres ordres ne veulent pas délibérer avec eux. → Les députés du tiers état se proclament Assemblée nationale, notamment en levant les impôts. Cette décision revient à nier la souveraineté royale, base de tout le droit public de l’Ancien régime.

 

= La moitié des membres d’une institution d’Ancien régime s’empare d’un pouvoir dont les hommes ne disposaient pas.

 

B / Le 10 août 1792 : la chute de la royauté

Quand on évoque cette date, on songe surtout à l’émeute lancée contre le palais des Tuileries par une commune insurrectionnelle formée dans la nuit précédente. C’est cette émeute qui a donné à l’événement ses caractères de violence et soudaineté, mais elle n’aurait pas suffit à renverser la royauté constitutionnelle si elle n’avait pas été complétée par un coup d’État. Ce qui donne au 10 août les caractères complémentaires du coup d’État, c’est surtout le coup d’État par l’Assemblée législative. Cette assemblée suspend le roi et nomme elle-même les six ministres = violation de la Constitution de 1791. + Elle décrète l’élection prochaine de la Convention nationale, nouvelle inconstitutionnalité.

 

C / Le 10 juin 1793 : la chute des Girondins

Des éléments constitutifs d’un coup d’État déterminants : action brutale des sans-culottes parisiens, complétée la force armée, // en accord avec les Montagnards à la Convention qui prennent le contrôle de la Convention. → Exclusion et arrestation des députés Girondins, // accroissement du pouvoir.

 

  1. II – Les coups d’État sous le Directoire (1797 – 1799)

Depuis la chute de Robespierre, la convention est devenue elle-même « thermidorienne » : majorité de syndicat de sortants.

 

A / Trois coups d’État défensifs

La Constitution de l’an III (22 août 1795) était censée éviter les erreurs du passé en rééquilibrant le législatif et l’exécutif. Cette constitution, particulièrement rigide en apparence, ne comportait aucun mécanisme juridique qui aurait permis de résoudre un conflit politique qui surgirait entre les différents bords. Pour sauver le régime et les acquis de la Révolution, les gouvernants se maintiennent en place au mépris du suffrage par des coups d’État à répétition (plus d’un par an à partir de 1797) :

 

  • Le 18 fructidor an V (4 septembre 1797) : les chefs de l’exécutif sont les directeurs Barras, Reubell, La Revellière. Ces trois directeurs chassent leurs deux collègues plus modérés Barthélémy et Carnot. Ces trois hommes convainquent les deux assemblées (le Conseil des Anciens et des Cinq cents) d’annuler les élections des 200 députés dans une cinquantaine de départements où ont été élus des députés royalistes. Coup d’État soutenu par Bonaparte, général de l’armée d’Italie. Ce coup de force a favorisé la renaissance du jacobinisme en France.
  • Le 22 floréal an VI (11 mai 1798) : on annule l’élection de 100 députés néo-jacobins, trop nombreux pour ne pas rompre l’équilibre.
  • Les 29 et 30 prairial an VII (17 – 18 juin 1799) : les députés néo-jacobins prennent leur revanche.

 

= Inaptitude de la Constitution à stabiliser la constitution.

 

B / Le 18 brumaire an VII

Sieyès a été déçu par la Constitution de 1791, puis député à la Convention où il a voté la mort du roi, mais a gardé le silence pendant la Terreur. En 1795 lors de la Constitution, il désapprouve les faiblesses. En mai 1799, il est élu directeur et échappe à la purge de prairial (juin 1799) car jugé suffisamment à gauche. Pourtant, dès que la législation se durcit, Sieyès prend ses distances, conscient que la situation ne peut plus durer et que la Révolution doit se terminer.

 

Bonaparte rentre d’Égypte en octobre 1799, auréolé de gloire antérieure : il apparaît porté par l’opinion, et songe à un coup de force. Deux intermédiaires vont jouer le rôle décisif : Talleyrand et Fouché se mettent d’accord avec Bonaparte.

 

Le 9 novembre 1799, le Conseil des anciens invoque la découverte d’un complot terroriste ; les deux assemblées sont transférées à Saint-Cloud, Bonaparte est chargé de superviser l’opération. Trois des cinq directeurs (Sieyès, Barras et Dugot) démissionnent, les deux autres sont assignés à résidence. Le lendemain, les deux Conseils se réunissent à Saint-Cloud, protégés par 6000 soldats. Le Conseil des Cinq cents ne se laisse pas faire : Bonaparte s’énerve devant les députés. Les députés s’apprêtent alors à le mettre hors-la-loi. Lucien Bonaparte sauve le coup d’État (il était alors président du Conseil des Cinq cents) et quitte la salle.

 

→ Trois consuls provisoires : Bonaparte, Sieyès et Dugot. Le 18 brumaire diffère des autres coups d’État : changement total de régime + marche vers l’empire.