Les courants politiques sous la Monarchie Constitutionnelle

LA MONARCHIE CONSTITUTIONNELLE (1814/1815 – 1848) : LES COURANTS POLITIQUES

—> On ne peut pas en effet parler de partis politiques pour cette époque comme on pourra le faire au début du 20e siècle ou plus exactement la seule véritable manifestation de parti politique est ceux qu’on trouve au Parlement avec la formation de ce qu’on peut appeler des groupes parlementaires (expression utilisée sous la IIIe Rép. c’est à dire des députés ou des pairs qui se réunissent par affinités idéologiques et politiques). On peut dire que sous la Restauration 2 courants politiques dominent la vie politique, il s’agit d’une part les ultraroyalistes et d’autre part les libéraux. A côté il y a d’autres courants politiques mais en retrait et la situation va évoluer sous la Monarchie de Juillet en 1830.

A) Les ultra-royalistes

—> Le courant ultra apparaît en 1815 ap l’échec de Napoléon, nom péjoratif donné par leurs adversaires qui disent que leurs positions politiques vont au-delà (ultra en latin) c’est à dire qu’ils sont plus royalistes que le roi lui-même et considèrent que la charte de 1814 octroyée par Louis XVIII est trop libérale, trop inspirée par l’esprit de la révolution.

La doctrine et la sociologie des ultras

—> D’une certaine façon, les ultras souhaitent le retour à l’ancien régime c’est à dire d’avant 1789 autrement dit les ultras sont hostiles à l’esprit individualiste de l’époque moderne, esprit qui s’est beaucoup manifesté sous la révolution et réapparaît sous la Restauration, et prônent le retour aux valeurs de l’ancien régime notamment en mettant l’accent sur le rôle des communautés surtout de la famille dans la société.

=>Ce courant en 1816 va faire voter la loi Bonald qui abolie le divorce réintroduit en 1884

—> Les ultras sont aussi hostiles au principe de l’égalité juridique lui préférant les hiérarchies sociales.

—> En matière politique, les ultras qui ne st pas favorables au libéralisme politique et au suffrage universel, ne veulent pas de retour à la monarchie absolue mais veulent ce qu’ils appellent une monarchie limitée, en particulier limitée par le pouvoir de la noblesse (catégorie juridique non rétablie par la Restauration mais elle existe encore en tant que groupe social). Les ultras vont en particulier avoir l’appui de la noblesse de l’ancien régime en tant que groupe social mais elle ne constitue qu’une partie limitée du corps électoral et cela signifie qu’on va trouver des ultras également dans la bourgeoisie conservatrice, ceci concernant spécialement les familles bourgeoises remontant à l’ancien régime.

L’action politique des ultras

—> Les ultras constituent une force importante sous la Restauration en alternance avec les libéraux et à partir de 1830 au contraire ils sont poussés dans l’opposition, on les confond alors avec les partisans de la famille des Bourbons, raison pour laquelle ils seront connus à partir de cette époque sous le nom de légitimistes (rôle important au début de la IIIe République). Le mouvement ultra s’est manifesté parfois par la violence surtout au début de la Restauration, violence qui se constate surtout dans le sud-est de la France et dans les milieux populaires.

=>Le petit peuple conservateur s’en prend souvent de façon violente aux républicains et aux partisans de Napoléon, entraînant des troubles parfois sanglants, raison pour laquelle on parle de 2e Terreur Blanche.

—> Par ailleurs, les ultras s’organisent parfois en sociétés secrètes auxquelles on donne le nom de bannières qui st des organisations camouflées sinon absolument illégales et qui jouent un rôle en particulier au moment des élections pour recommander des candidats, influence également présente au sein de la chambre des députés ou des pairs.

=>Influence des ultras diffusée par la presse et à cet égard on peut retenir la gazette de France

—> Le courant ultra est repoussé dans l’opposition à la suite de la révolution de 1830 marquant la chute de Charles X et en conséquence beaucoup d’ultras se retirent de la vie politique, phénomène qu’on a appelé l’émigration de l’intérieur (allusion à l’émigration des nobles pendant la révolution). Cependant certains d’entre eux ont toujours une activité politique et notamment sous forme illégale en tentant d’organiser des conspirations, on peut relever la conspiration la + célèbre de l’époque qui a fait beaucoup d’effet dans l’opinion publique, c’est la conspiration dite de la duchesse de Berry qui date de 1832 (duchesse qui a eu l’idée de renverser le régime en soulevant une insurrection dans l’ouest de la France mais il n’en a rien été ce fut un échec total, le régime satisfaisant les paysans). Faute de pouvoir participer réellement au pouvoir politique, les ultras vont reporter leurs espoirs sur l’homme apparaissant comme l’héritier politique de Charles X, le duc de Chambord qui devient l’incarnation du courant qu’on appelle maintenant légitimiste.

B) Les libéraux sous la Restauration

Les Constitutionnels

—> Ce sont les libéraux partisans de la Charte de 1814 mais qui en veulent une application stricte c’est à dire en particulier qu’ils ne veulent pas d’extension du suffrage et ils ne veulent pas non plus que le régime de la Restauration se transforme en régime parlementaire. Ils disparaissent dans le cours des années 1830 car en effet ils vont se diviser en 2 tendances, ceux de droite rejoignent les ultras et ceux de gauche au contraire vont rejoindre les indépendants.

Les libéraux indépendants

a) Doctrine

—> Ils ont appuyé les tendances libérales à la fin de l’époque de Napoléon spécialement pendant les 100 jours et pour cette raison au début de la Restauration ils sont en marge du pouvoir c’est à dire qu’il n’y participe pas. On peut dire que la doctrine des libéraux est bien représentée par Benjamin Constant dont la conception est la plus répandue parmi eux car il a condamné dans ses écrits les tendances despotiques des jacobins et de Napoléon. Pour lui le plus important est l’héritage de la révolution de la liberté, les libéraux y étant attachés par-dessus tout.

=>Il faut donc instituer un régime politique qui garantisse avant tout les libertés

—> dans ce syst, la souveraineté n’appartient pas au roi (≠Charte) mais à la Nation et celle-ci doit s’exprimer par le suffrage non universel car les libéraux ne sont pas démocrates. En fait les libéraux ont conservé la conception de 1789 à savoir que le suffrage doit être réservé à une élite c’est à dire ceux qui s’intéressent aux affaires de l’Etat. Dans ce régime, le roi ne doit donc pas gouverner, ni incarner pas le pouvoir exécutif mais doit être un simple arbitre entre les pouvoirs.

b) Sociologie

—> Bourgeoisie qui est la force montante à l’époque car en effet est favorable à l’extension des libertés mais hostiles à l’intro du suffrage universel et elle se méfie d’un retour possible à l’ancien régime, ce qui explique ses craintes au début de la Restauration ainsi que son hostilité à Charles X. L’idée générale est que les libéraux indépendants sont la seule force d’opposition au régime à n’utiliser que des moyens légaux d’action (≠ insurrections) et donc à travers la presse et l’activité au Parlement.

c) Action politique et organisation

—> Les libéraux se regroupent dans quelques chose qui ressemble à des groupes parlementaires et en dehors du parlement les libéraux constituent dans les départements des associations mais curieusement pour être autorisées ces associations ne doivent pas être politiques. En effet ces associations libérales jouent un rôle important au moment des élections car ces associations sélectionnent et présentent des candidats, donc jouent un rôle politique même si ça ne leur est pas permis. Au niveau national, existe une sorte de regroupement de ces associations avec une société appelée « aide toi, le ciel t’aidera » et elle est dirigée l’un des principaux penseurs et hommes politiques libéraux de l’époque qui jouera un rôle important sous la Monarchie de Juillet, il s’agit de Guizot.

C) Les orléanistes

—> Ils se réclament de la famille du duc d’Orléans et plu spécialement de celui qui va devenir roi des français en 1830 à savoir Louis Philippe. Cette notion d’orléanisme est spécialement importante sous la Monarchie de juillet à tel point qu’à partir de 1830 ils finissent par se confondre avec les libéraux.

=>Les orléanistes sont favorables au régime parlementaire mais sont conservateurs sur le plan social et ils sont hostiles au suffrage universel.

—> Ils dominent la chambre des députés spécialement dans les années 40 et seront donc la grande force d’appui du gouvernement Guizot qui va diriger le pays pratiquement pendant toute la décennie. Ils ne forment pas un groupe homogène car dès 1830 il se dégage un courant connu sous le nom de gauche dynastique qui veut une interprétation très libérale de la Charte.

—> Ce clivage entre les orléanistes de droite et la gauche dynastique a reçu un nom qui a été conservé par la suite dans l’histoire de la vie politique en France puisque la droite est appelée la résistance (au changement) opposé au mouvement représenté par la gauche dynastique.

D) Les bonapartistes

—> Au début de la Restauration, les bonapartistes constituent le gd courant d’opposition au nouveau régime (les République étant délégitimé), en d’autres termes la plupart des gens qui craignent en 1815 le retour à l’Ancien régime se raccrochent à l’idée d’un retour de Napoléon au pouvoir (exilé dans l’île anglaise d’Afrique de Sainte-Hélène où il décèdera en 1821).

=>Les espoirs des bonapartistes vont se rattacher par la suite surtout à l’époque de la Monarchie de juillet à la personne d’un neveu de Napoléon, Louis Napoléon Bonaparte c’est à dire le futur Napoléon III.

—> Les partisans de Napoléon, celui-ci décédé donc ne pouvant espérer son retour légitime, se lancent dans un certain nombre de complots qui st le fait surtout de militaires mais ces complots échouent et cette agitation prend fin en 1824. On peut dire qu’à partir de cette époque, le bonapartisme cesse d’être un véritable force politique dans le pays mais à la même époque on voit prendre de l’ampleur ce qu’on va appeler la légende napoléonienne, légende qui va jouer un rôle très important par la suite car elle servira de point d’appui à Louis Napoléon Bonaparte pour s’imposer dans la vie politique.

—> Il s’agit de l’attachement au souvenir de Napoléon 1er, souvenir populaire dans un certain nombre de campagnes car on identifie Napoléon à la souveraineté du peuple (illusoire en réalité) alors que le nouveau régime c’est le retour au principe de la souveraineté du roi. Napoléon, de plus, a été le garant des conquêtes de la révolution et spécialement le principe de l’égalité juridique et on voit que cet attachement à Napoléon s’oppose à l’éventuel retour à l’Ancien régime.

E) Les républicains

Sous la Restauration

—> On peut dire qu’en 1815, le courant républicain ou l’idée même de la République sont déconsidérés car dans l’opinion publique à cette époque est identifiée au souvenir de la Terreur ou à l’anarchie qui a marqué l’époque du directoire avec sa grande instabilité politique et ses nombreux coups d’Etat. En conséquence, tout au long de la période, les républicains sont peu nombreux et c’est sa faiblesse qui explique les formes que va prendre son action car en effet les républicains au début n’ont d’autres recours que de comploter contre le régime. L’échec de ces complots va entraîner la naissance d’une organisation républicaine assez originale car en effet en 1821 des républicains sont exilés et 2 jeunes républicains réfugiés dans le Royaume de Naples s’inspirent d’un mouvement politique qui a pris la forme d’une société secrète connue sous le nom de Carbonari (charbonnier) pour fonder en France une organisation secrète analogue connue sous le nom de Charbonnerie.

—> La Charbonnerie se caractérise par le fait qu’elle est une société à la fois extrêmement hiérarchisée et secrète en ce sens qu’elle est fondamentalement composée de cellules totalement refermées c’est à dire sans communication entre elles, cellules qu’on appelle des « ventes » et ceci afin d’éviter des infiltrations par la police moyennant quoi elles sont censées être coordonnées par une association nationale.

=>Le total des membres de ces sections cloisonnées ≈ 35 000 personnes ce qui représente une force très importante.

—> L’objectif de la Charbonnerie est de renverser le régime en place par la force et plus précisément par la force militaire au point que l’association prend une forme militarisée ce qui signifie que chacun des membres est invité à disposer d’un fusil et de cartouches qu’il doit camoufler pour être prêt à en faire usage si la Charbonnerie décide un mouvement d’insurrection. Ces 35 000 membres se recrutent pour moitié parmi les militaires (officiers et sous officiers de l’ancienne armée napoléonienne) et pour le reste il s’agit d’environ 10% d’étudiants (souvent politiquement actif) puis 40% venant de la petite bourgeoisie. La Charbonnerie ainsi constituée tente plusieurs insurrections au début des années 1820 mais ce mouvement échoue assez rapidement ce qui entraîne la disparition de celui-ci.

—> Les républicains abandonnant l’action illégale vont se livrer à des formes d’action légale par voie de presse, de publication et en 1830 ils vont jouer un rôle important dans l’insurrection de juillet qui met fin à la Restauration et donc au règne de Charles X puis ils vont avoir un sentiment de frustration avec l’arrivée au pouvoir d’un nouveau roi qu’est Louis Philippe et du fait que le nouveau régime n’adopte pas le suffrage universel.

Sous la Monarchie de juillet

Ø Leur idéologie

—> A cette époque, de nombreux intellectuels cherchent à réhabiliter le souvenir de la révolution française autrement dit montrer qu’elle ne se résume pas à la Terreur et à l’anarchie sous le Directoire. C’est ce mouvement de réhabilitation de la révolution et spécialement de la Convention incarné par Michelet et Lamartine (porte parole de la République en 1848) par qui aboutit à identifier la démocratie à la Rép.

—> On peut distinguer 2 courants divergents parmi les républicains car certains républicains ont une conception purement politique de la République, ils pensent que pour émanciper le peuple il suffit d’après eux d’instaurer le suffrage universel et généraliser les libertés publiques. L’autre courant républicain pense que la révolution politique est insuffisante et doit être complétée par une révolution sociale et ce courant est spécialement sensible à ce qu’on commence à appeler à l’époque la question ouvrière car on pense que des problèmes particuliers concernent le monde ouvrier. Quand on parle d’ouvrier il s’agit moins d’ouvriers de la grande usine mais plutôt d’ouvrier de l’artisanat et ce courant prône la démocratie sociale puis est très sensible aux doctrines socialistes qui à cette époque commencent à apparaître et à se diffuser (la doctrine de Marx par exemple).

Ø Leur organisation

—> Après la révolution de 1830, on assiste à la multiplication des sociétés républicaines mais qui restent toujours illégales et donc ces sociétés se divisent en petites sections de moins de 20 membres. Cependant, à côté de ces petites sections, il existe une organisation plus importante mais qui ne se présente pas comme une organisation politique mais qui se définit comme la société des droits de l’homme et des citoyens, les sociétés républicaines de Province étant en correspondance avec cette société. Ces sociétés républicaines recrutent leurs membres surtout dans la petite bourgeoisie urbaine mais essaient en même temps d’attirer les ouvriers et c’est pour séduire le monde ouvrier que les républicains se rattachent aux doctrines sociales voire parfois socialiste.

Ø Leurs modes d’action

—> Certains républicains ont été tentés par l’action insurrectionnelle au début de la Monarchie de juillet (contre coup de la déception subit après la révolution de 1830) et ce sera le cas en 1832, en 1834 et en 1839.

—> Ces insurrections échouent ttes et entraînent une forte répression à l’égard du mouvement républicain et c’est la raison pour laquelle dans les années 1840 ils ne peuvent plus envisager qu’une action légale essentiellement par la presse mais ces journaux républicains sont souvent l’objet d’une répression judiciaire (la censure n’existe plus à l’époque).