HISTOIRE DES RELATIONS INTERNATIONALES
Ce cours d’histoire du droit des relations internationales propose d’étudier la période allant de l’antiquité à la décolonisation (1950). L’histoire des relations internationales s’est construite de manière autonome et récente. Elle a quelque chose à voir avec la guerre. L’histoire elle même a été enfanté par la guerre. Le premier historien est Hérodote, le second est Thucydide, au 5ème siècle. Thucydide est un athénien, il a eu des responsabilités politiques et s’est fait ostraciser. Il a rédigé La guerre du Péloponnèse, considérée comme le premier grand travail d’histoire. Hérodote avait écrit Historie.
- Cours d’histoire des relations internationales
- La Guerre froide en Asie (Japon, Chine, Corée)
- La Guerre froide
- Quelles sont les causes de la Guerre froide ?
- L’organisation de la fin de la Seconde Guerre Mondiale
- Les causes de la fin de la Seconde Guerre Mondiale
- Seconde guerre mondiale : l’entrée en guerre des États-Unis et URSS
- La Guerre du Pacifique : la Seconde Guerre mondiale en Asie
- Les causes et les débuts de la Seconde Guerre Mondiale
- Histoire des relations internationales (de l’antiquité à la décolonisation)
Le cours d’histoire des relations internationales permet d’appréhender les grands courants de la discipline de l’étude des relations internationales.
L’objectif est de comprendre les grands enjeux des débats dans la discipline et le lien qui peut exister entre l’histoire de l’objet et celle des théories.
Chapitre 1. Les caractères de l’histoire des relations internationales
Section 1. Principes et méthodes
§I. Présentation du cours
A. Qu’est ce que l’histoire des relations internationales ?
L’histoire des relations internationales commence avec la Première Guerre Mondiale. La discipline apparaît sous la forme d’une chaire à la Sorbonne qui portait ce nom. Le premier titulaire était Pierre Renouvin (). En quoi la guerre a-t-elle été première ? La Première Guerre Mondiale est un phénomène extraordinaire. Il y a une école française d’histoire des relations internationales, qui s’intéresse non pas à la description des faits mais aux « forces profondes » qui les expliquent et se manifestent au travers de ceux-ci.
Ce qui est fondateur dans la matière : l’ouvrage de Renouvin lui-même, en 8 tome, publié en 1945.
B. Programme
De Gaulle : « chaque pays fait la politique de sa géographie », et il est évident que les différents Etats n’ont pas la même citation. Exemple, les Etats enclavés (sans fenêtre maritime), ou au contraire des pays à double façade maritime (Etats-Unis, France). Ces derniers pays sont en meilleure situation pour développer une politique internationale.
Il faudra réfléchir aussi à la question des frontières qui se constituent et se modifient, les géographes français jouent un rôle important dans la définition des frontières en particulier après la Première Guerre Mondiale. Les frontières sont refaites en 1871, 1919, et après 1990 par exemple.
Le cours proprement dit :
- Analyse sur la longue durée ;
- Etude du 19ème siècle (2 séances)
- Formation des nations
- Les nouveaux rapports de force qui se constituent dans le courant du siècle
- Etude du 20ème siècle ;
- La coupure de la Première Guerre Mondiale ;
- La coupure de la Seconde Guerre Mondiale ;
- étude jusqu’à nos jours, dont le tournant 1990 ;
Qu’est ce que l’histoire du temps présent ? C’est l’histoire dont les témoins sont toujours vivants. En général on a des difficultés à avoir les archives. Une loi sur les archives existe en France et fait que les archives ne sont pas ouvertes avant 30 ans.
§II. Qu’est ce que l’histoire des relations internationales
A. Concevoir l’histoire des relations internationales
Comment concevoir l’histoire des relations internationales ? Il faut la concevoir de manière très large, cela suppose des relations entre des nations, et plus particulièrement entre des Etats (qui ne se confondent pas). L’histoire des relations internationales est souvent l’histoire des relations entre les gouvernements. Plusieurs niveaux et plusieurs durées se croisent. Fernand Brodel a théorisé la question du temps et de la durée, il parle de temps « étagé » 3 temps :
-un temps géographique, très lent.
-un temps social, le temps des sociétés, plus rythmé mais toujours lent.
-un temps de l’événement, temps court, auquel on est le plus immédiatement sensible.
Dans chaque grand événement, tous les temps se croisent, il est imprévisible. La question des caricatures liées à l’Islam. Mêle beaucoup de choses en même temps, aboutit à une collision. On peut prévoir les événements mais pas leur ampleur.
1. La diplomatie, la dimension politique.
La diplomatique vient de « diplôme » qui est une pièce émanant de l’autorité légale, et à partir de là on appelle diplomatique l’étude scientifique de la variation des formes et des actes des documents officiels.
La diplomatie recouvre un peu le même champ avec une formulation différente. Traditionnellement, c’est la science des traités qui règle les relations internationales. En même temps bien sur, la diplomatie est la fonction même de régler les problèmes et, de préférence, de façon pacifique. Elle se différencie donc de la guerre, qui est bien sur un état fréquent, ce qui fait que la diplomatie fonctionne toujours en temps de guerre. Elle fonctionne parallèlement à la guerre.
Pendant la Première Guerre Mondiale, il y a eu un certain nombre d’initiatives et de négociations qui ont pu être menées, les unes venant de Vienne (Autriche), ou d’autres du Vatican, etc. Les communistes aussi se sont efforcés de créer, à Ziemmerwald (Suisse), des liens par delà la guerre.
Plus récemment, lors de la guerre du Vietnam (1965-1973) il y avait en permanence et en parallèle de la guerre des négociations à Paris entre 1968 et 1973. souvent elles se font dans le secret, en l’occurrence derrière ces négociations de Paris, des négociations dites « secrètes » étaient tenues entre Kissinger et Le Duc Tho, et elles jouaient le rôle principale. Elles aboutissent aux accords de Paris de janvier 1973.
2. Le rôle des hommes
L’histoire des relations internationales entre les gouvernements veut dire que le rôle des hommes est important.
On peut citer Aristide Briand, syndicaliste, avocat, et qui assez vite atteint un niveau de ministre et de Président du conseil. Il est longtemps ministre de Affaires étrangères entre 1925 et 1932, pendant une période de paix. Il se fait connaître sur ce plan comme étant « l’apôtre de la paix », il reçoit le Prix Nobel de la paix. Il est le premier à formuler un projet d’union européenne, au tournant des années 1930.
Henry Kissinger (d’origine allemande, réfugié aux Etats-Unis, naturalisé) joue un très grand rôle dans la politique extérieure des Etats-Unis à l’époque du président Nixon, entre 1969 et 1974. Il est d’abord conseiller à la sécurité de Nixon, puis devient secrétaire d’Etat (équivalent du ministre des Affaires étrangères). Il reçoit aussi le prix Nobel de la paix.
Il faut souligner l’importance du rôle des chefs d’Etat. De plus en plus aujourd’hui ce sont les chefs d’Etat qui jouent un rôle diplomatique important, les relations internationales sont souvent menées par les chefs d’Etat.
En France, c’est le Président de la République qui mène la politique étrangère. Jacques Chirac conduit directement la politique extérieure par exemple ; tout comme De Gaulle, il lance des piques à l’égard des Etats-Unis.
Cela dit, il faut considérer le rôle des machines diplomatiques, c’est-à-dire les gens, les administrations, qui s’en occupent au quotidien ensemble des institutions par lesquelles passent les relations internationales.
3. Les administrations centrales et les ambassades
Il y a d’une part les administrations centrales, et d’autre part les ambassades :
1. Les administrations centrales
les premières sont physiquement les ministères, les départements d’Etat. En France c’est le quai d’Orsay, construit au début du Second Empire. Il abrite des milliers de fonctionnaire. En 1945, il y avait 447 personnes y travaillant dans un certain nombre de départements, ou directions. Les directions politiques s’occupent à la fois des affaires générales tout comme des différentes parties du monde.
2. Les ambassades et consulats
Les ambassades, sur notre période, voient leur nombre augmenter de manière très impressionnante. Au 19ème siècle, les relations internationales étaient surtout des relations entre pays européens. La France avait une ambassade dans les grosses capitales européennes (Londres, Madrid, Vienne, Berlin, etc.). Avant 1914, les ambassades sont plutôt un club européen. Les ambassades ont toujours un statut d’exterritorialité, le territoire sur lequel elles sont établies est considéré comme étant souverain.
3. Les rapports entre administration centrale et ambassades
Cela fonctionne par une correspondance régulière entre les deux, toujours secrète. Les échanges de courriers se font chiffrés. L’essentiel de la production des relations internationales sont les télégrammes diplomatiques (TD). Quand l’ambassadeur estime qu’il a une information importante à transmettre à Paris, il le fait avec un TD. Toujours secret, système de chiffrage, pratique en temps de guerre.
Le nombre d’ambassade augmente avec le nombre d’Etat. Il y a beaucoup plus d’Etats constitués et reconnus internationalement aujourd’hui qu’au 19ème, moment de colonisation européenne. Dans les empires, il n’y a pas d’ambassades (résidents, gouverneurs).
Après 1945 et la décolonisation, des puissances extra-européennes se développent et tout récemment encore, après 1990, certains pays européens se sont craquelés, ce qui fait autant d’Etats avec qui avoir des relations (Tchécoslovaquie, Yougoslavie, etc.). Pour chaque pays, cela suppose d’entretenir des ambassades.
B. La dimension sociale et culturelle de l’histoire des relations internationales
L’histoire des relations internationales, c’est largement l’histoire des relations entre gouvernements, mais plus seulement. Il y a une forte dimension sociale que l’on doit considérer aujourd’hui. Les relations entre les peuples, les nations, les idées, avec une grande importante à accorder à la psychologie collective et à la formation des opinions collectives.
1. Les composantes sociales
1. Les entités sociales
D’abord c’est la conscience d’être quelque chose (français, allemand, etc.) : un corpus national se constitue, formé sur l’histoire de chaque groupe, les cultures (en particulier la religion), les langues, etc. Il faut prendre en compte ces opinions collectives. Important dans le rôle de la création de l’opinion publique.
Egalement, il faut prendre en compte les représentations de l’autre : représentation que se fait un peu d’un autre peuple. Elles ont longtemps été une négation de l’autre. Il faut savoir que dans l’idée nationale (dans le nationalisme), il y a l’idée que le lieu dont on parle a les meilleures qualités. Ces conflits reposent sur l’idée que l’on est meilleur que les autres, et que les autres n’ont pas le droit d’exister. En France, les journaux agissent comme vecteurs à ce sujet. Il en reste des clichés. Dans le fond des consciences nationales, cela existe encore. France et Allemagne nombreuses tensions au 20ème siècle.
2. La mémoire et le souvenir
Il y a un gros travail, au-delà des représentations, de travailler sur la mémoire et le souvenir que les nations se font de ce qui s’est passé précédemment, et de savoir comment on sort des conflits. Comment sortir d’une période où non seulement no s’est battu à mort mais où aussi on s’est détesté ? C’est-à-dire une période pendant laquelle la haine est présente.
Pour construire l’Union Européenne, il a fallu une réconciliation franco-allemande, indispensable à la construction du marché commun. Mitterrand et Kohl se sont retrouvés à Berlin pour commémorer cet épisode tragique.
Autre tandem tragique : Chine/Japon, qui perdure encore. Il n’y a pas eu de vraie réconciliation sino-japonaise, mais il y a eu des excuses, des mots aimables.
3. Le rôle des commémorations
Cela passe par la création de lieu dits (gare d’Austerlitz, etc.), et par des commémorations. Le 25 mars 2007 : commémoration des traités de Rome. Ces commémorations ont deux fonctions :
- enraciner dans la mémoire nationale un certain nombre d’éléments jugés positifs
- elles sont un lieu actif des relations internationales.
Exemple, on commémore chaque année le débarquement en Normandie. Pour la première fois le chef du gouvernement allemand était présent.
Quand on choisit un lieu pour faire une conférence internationale, on ne choisit pas ce lieu par hasard.
2. L’existence d’une opinion internationale
Y a-t-il une opinion internationale ? Il y a des opinions nationales, qui se constituent progressivement. Elles n’existent pas ou peu au début du 19ème et se constituent au tournant du 20ème. Elles existent évidemment aujourd’hui, l’espace public étant alimenté par les médias. Il faut préciser par ailleurs que l’anglais n’est pas la langue internationale unique. On peut parler d’une opinion arabe.
Elle peut être hostile : sentiment anti-américain commun à beaucoup de nation européennes 60’s.
Les décideurs font l’opinion nationale et agissent dans la mentalité du pays.
C. La dimension économique de l’histoire des relations internationales
1. Apparition de l’économie dans les relations internationales
C’est la nouveauté du 20ème siècle : l’irruption de l’économie dans les relations internationales, et donc dans l’histoire des relations internationales. Traditionnellement les diplomates ne connaissent pas grand-chose de l’économie au début du 20ème siècle, mais maintenant ça change. Les États ont pourtant une action en matière douanière. Les marchandises et les hommes qui passent les frontières sont arrêtés ou non à cette frontière, les marchandises doivent payer ou non un droit de douane. Deux politique douanières traditionnellement :
- une politique dite « protectionniste », aujourd’hui révolue.
- l’autre politique est le « libre échange » (modèle britannique), longtemps la règle, puis abandonné.
On considère que le protectionnisme en Europe a été un mécanisme de défense contre l’économie britannique. L’économie fait irruption avec la crise de 1929 aux États-Unis dont personne n’avait imaginé l’importance. Première conférence à Londres. Ainsi le rôle des monnaies est rentré dans la vie internationale. Une des justifications de l’euro a été de dire qu’au moins entre les monnaies européennes il n’y aura plus de spéculation, ce qui est entièrement vrai.
Les échanges dans les relations internationales : il y a des enjeux stratégiques basés sur l’énergie, qui permet la croissance. C’est plus que le nerf de la guerre. Énergie et matières premières ont toujours constitués des enjeux importants en relations internationales.
Exemple : nervosité entre Chine et Japon à ce sujet.
Comment est-ce que la réconciliation européenne s’est faite ? Essentiellement en mettant ensemble les ressources en charbon et en acier (CECA). Quelle était la justification ? Si on met en commun les ressources stratégiques et les moyens de fabriquer des armes, on ne se fera plus la guerre.
Egalement : la mondialisation croissante. Ou encore, le GPS : l’Europe essaye de constituer son propre système (Galileo).
2. Les réponses contemporaines à cette évolution
La machine diplomatique évoquée tout à l’heure s’est adaptée, bien sur, à cette évolution, à la fois dans les administrations centrales et dans les ambassades :
- Dans les administrations centrales, il y a des directions politiques. Il y a maintenant en plus des directions économiques et financières. En France il y a la direction de la coopération économique.
- Il y a d’abord eu des attachés militaires, puis commerciaux, puis financiers, mais aussi des attachés culturels.
Enfin il faut mentionner la multiplication des acteurs de la vie internationale. Pendant longtemps les seuls acteurs qui comptaient étaient les Etats. Et puis il y a les opinions, dont la presse qui joue un rôle important, un rôle d’acteur.
Les entreprises sont de nouveaux acteurs de la vie internationale.
D. Conclusion : la notion d’événement
L’événement est ce qui rythme les relations entre les peuples, ce ne sont pas les forces profondes. Ces événements, révélateurs des forces profondes, sont le rythme et donne l’importance de ces différents temps qui se croisent. Le grand événement est pratiquement imprévisible, c’est-à-dire que l’on sait qu’il va se produire. Exemple la crise de 1929 : personne n’en avait pourtant imaginé l’ampleur. Le 11 septembre 2001 : c’est l’effondrement des tours qui n’était pas prévu.
Section 2. Les relations internationales dans la longue durée
§I. Les acteurs des relations internationales
Ces acteurs sont donc des entités politiques qui souvent ont une histoire très ancienne. Il est important d’avoir une idée aussi précise que possible de l’enracinement historique de ces entités historiques.
A. Les empires de l’antiquité
Il faut revenir aux grands empires de l’antiquité pour y voir plus clair dans le maquis des Etats actuels. On laisse de coté les Etats d’Amérique Latine, brisés par la conquête espagnole au 16ème siècle. Deux empires, parce qu’ils sont fondateurs, nous intéressent :
- l’Empire romain
- l’Empire chinois
Chacun se prenait pour des empires universels. Rome était une urb, c’est-à-dire « la ville ». la chine a prit très tôt ce nom qu’on lui connaît toujours : « le pays du milieu ». ils se considéraient comme uniques. Intéressons-nous aux territoires de ces deux empires.
- Pour l’empire Romain, la dimension est considérable : on va de l’Angleterre d’une part à la Syrie d’autre part.
- En Chine, on a un petit peu le même phénomène. C’est un empire gigantesque, évidemment en construction.
1. L’empire romain et l’empire chinois
Quelle est la réalité effective de ces cartes ? On ignore en fait si le contrôle territorial effectif que Rome pouvait exercer aux extrémités était réel : ce contrôle reste théorique. On sait quelles étaient les méthodes de l’empire romain pour marquer le territoire. Les routes pavées romaines étaient un moyen de contrôle du territoire, et certains ont servi de tracer aux routes actuelles. On estime que tous les citoyens dans ce territoire se considéraient comme membres de l’empire de Rome.
Ces deux grands empires ont connu des destins différents. Alors que l’empire chinois s’est disloqué puis s’est reconstitué, on peut avoir le sentiment d’une vraie continuité territoriale. L’empire romain s’est assez rapidement disloqué pour des raisons multiples, en particulier culturelles, politiques. Il est dans un premier temps séparé en deux : empire d’Occident, empire d’Orient.
Entre ces deux moitiés de l’empire romain, qui sont à l’origine d’une partie de la configuration de l’Europe actuelle, il y a des différences importantes notamment au niveau culturel. Langue à l’ouest, le latin ; à l’est, le grec. A l’ouest, le grec est considéré comme une langue de culture, et le latin comme une langue d’administration. La séparation aussi s’effectue sur le plan religieux. L’éloignement fait que chaque partie de cet empire développe des rites différents ; l’ensemble est dominé par le christianisme.
Le christianisme est d’abord une religion clandestine puis adoptée par l’empire romain. cette religion connaît des évolutions entre d’une part le catholicisme à l’ouest et la religion orthodoxe à l’est. Les dogmes et les rites diffèrent entre les deux religions.
L’évolution suivante, c’est que l’empire d’occident s’est à son tour disloqué, en particulier sous le coup des grandes invasions barbares (Francs, Burgondes, Goths, Vandales, etc.). la situation est floue et peu structurée à partir du 5ème siècle. A l’est, les choses sont restées relativement stables et l’empire romain d’orient prend un nom : l’empire byzantin. Il reste un empire extrêmement prestigieux pendant plusieurs siècles à son tour, essentiellement jusqu’au 14ème siècle. Byzance est une ville intéressante puisqu’elle accumule des strates de civilisations différentes, et continue à représenter la puissance dans cette période du début du Moyen-âge. C’est l’époque où les croisades occidentales partent vers les lieux saints pour, pense-t-on, les délivrer.
2. Les empires d’Orient
Ensuite apparaît l’Islam, et les premiers empires musulmans : les Omeyyades (661-750, capitale Damas), les Abbassides (750-1253, capitale Bagdad). L’empire abbasside est prestigieux, et couvre toute la méditerranée et le moyen orient. Ces villes étaient des lieux de civilisations importantes alors que l’Europe représentait un endroit d’obscurantisme à bien des égards ; c’était un peu le monde à l’envers. C’est ce qui fonde un certain nationalisme musulman depuis.
Le dernier héritier est l’empire Ottoman, dont il ne reste aujourd’hui que la Turquie, qui couvrait aussi le territoire des Habsbourg. L’empire installe sa capitale à Constantinople, prise en 1453. Les califes de Constantinople étaient des gens puissants dont les adversaires les plus proches étaient les empereurs de Vienne, et aussi dont les alliés étaient notamment les français (qui avaient comme adversaires les autrichiens).
Les évolutions sont lentes, les grands ensembles changent progressivement, et sont à l’origine des territoires actuels.
3. Les empires d’Occident
A l’ouest, sur le territoire qui est actuellement celui de la France, entre le 5ème et le 10ème siècle ils se passent des choses lentes et progressives. L’empire romain proprement dit, l’empire romain d’occident, disparaît formellement en 476. Reste une Gaule, l’ancienne gaule romaine, avec une population mélangée de barbares et de gaulois, et de romains. Les francs s’installent et commencent à construire des territoires nouveaux. Ils n’arrivent pas à faire un Etat constitué et durable. Pourquoi ? Les rois faisaient des conquêtes, et considéraient leur royaume comme une propriété personnelle. A leur mort, le royaume est partagé entre tous les descendants. Il n’est pas possible avant le 9ème siècle de constituer des Etats qui soient durables. On était dans une situation très peu étatique, très peu politique.
Il faut attendre l’empire de Charlemagne pour trouver quelque chose d’un peu imposant : au 8ème siècle, l’empire dit « des carolingiens ». Il est le premier à reconstituer un territoire assez vaste sur ce qu’était l’ancien territoire romain d’occident. Cet empire carolingien est à l’origine directe des Etats européens actuels. Pour rompre avec cette tradition qui consistait à partager le royaume entre les héritiers, on a inventé autre chose, et à la troisième génération les petits fils de Charlemagne ont été amenés à se partager par la négociation ce territoire de l’empereur : c’est le traité de Verdun en 843. Il divise l’empire en trois :
- à l’ouest, la Francia, avec un certain Charles à sa tête ;
- à l’est, la Germanie, avec Louis à sa tête ;
- entre les deux, la Lotharingie dirigée par Lothaire.
Ce qui nous intéresse d’un point de vue géohistorique, géopolitique, c’est que cette structure en trois parties sépare une France d’une Allemagne, et entre les deux ce qui va devenir des petits Etats, des enjeux entre la France et l’Allemagne : pays d’Europe du nord, et la Suisse. Le partage de Verdun est intéressant, il fonde (refonde) un espace politique dans cette partie de l’Europe. Le dernier carolingien disparaît en 996, et est remplacé par Hugues Capet. Les capétiens restent sur le trône pendant 800 ans. Ces Etats connaissent des destins tragiques, difficiles.
4. Les empires d’Asie
En Asie, le phénomène est assez comparable. Dans la périphérie de cet empire chinois, des royaumes se constituent à peu près au même moment que les royaumes européens (aux alentours du 10ème ou 11ème siècle). C’est le cas de l’actuel Vietnam qui après avoir été à peu près 1000 ans dans l’empire chinois s’en rend indépendant ; c’est le cas de l’actuelle Thaïlande.
B. La persistance de l’idée impériale
En Europe, ce qui est intéressant du point de vue des relations internationales est la persistance de l’idée impériale :
- Charlemagne tient à se faire sacrer empereur à Rome. L’idée d’empire s’est maintenue dans l’actuelle Autriche, où pareil au 10ème siècle se constitue le Saint Empire Romain Germanique, qui va exister entre 962 et 1806 : c’est Napoléon 1er qui y met fin.
- L’empire Russe. Quand en 1453 les ottomans prennent Constantinople, à Moscou on se considère comme étant la troisième Rome, après Rome et constantinople. Elle considère qu’elle était l’héritière du vieil empire romain : le mot « tsar » est un dérivé de « César ».
- Enfin, l’empire napoléonien, lui aussi rêvait de reconstituer quelque chose de la même taille que l’empire romain, mais ne durera que quelques années autour de 1810.
Ce rêve de domination est resté intact. Par parenthèse, on peut dire que dans l’Allemagne nazie on avait une grande admiration pour l’antiquité et Hitler lui-même avait voulu faire à Berlin un certain nombre de choses qui rappelaient l’antiquité.
La future Amérique Latine avait aussi connu de grands empires.
En Afrique, il ne faut pas oublier non plus qu’elle a eu des Etats importants (surtout en Afrique noire). Le nom de « Ghana » peut être retenu, mais il y a eu à l’époque de notre Moyen-âge un royaume assez prestigieux et qui n’avait pas grand-chose à envier à ce qu’on faisait à la même époque en Europe. Le problème était juste l’absence d’écriture. Très tôt, ils ont été dominés par l’islam, arrivé par le Sahara, qui était moins désertique qu’il ne l’est aujourd’hui.
§II. Les frontières
On trouve également des choses intéressantes si on considère les frontières. Depuis toujours, la frontière est une limite, et c’est la limite que se reconnaît un groupe humain : il considère qu’il exerce son pouvoir, son action, jusqu’à cette limite. Avant, c’était la limite des terrains de chasse, limite par delà laquelle on risquait d’affronter d’autres groupes.
Il faut distinguer l’évolution historique des frontières :
- les frontières antiques, qui ont leurs particularités
- les frontières du Moyen-âge, floues
- les frontières linéaires actuelles
A. Les frontières antiques
Pour ce qui est des frontières antiques, les frontières des grands antiques étaient des frontières matérialisées. Curieusement on ne sait pas forcément très bien s’il y avait un contrôle partout sur l’ensemble de ces gigantesques espaces.
1. Le limes
L’exemple le plus connu est le mur en chine, la grande muraille. C’est une ligne de plusieurs milliers de kilomètres, 5 à 6000 km, aujourd’hui en ruine. La construction de cette grande muraille commence partiellement au 2ème siècle avant J.-C. par le premier empereur chinois. La suite est construite par la dynastie des Ming entre le 14ème et le 16ème siècle : ce sont eux qui font de cette frontière un ensemble colossal, ensemble qui part du nord de la péninsule coréenne, vers l’ouest vers les zones steppiques de Mongolie et au sud vers l’espace de l’empire chinois. Il se poursuit aussi vers l’est dans ce couloir de pénétration commerciale et militaire, province actuelle du Gansu (gg). Il mène pratiquement jusqu’à l’Asie centrale.
On ne sait pas vraiment pourquoi on a construit cette muraille. Elle avait probablement une double fonction (hypothèse du prof) :
- Une fonction sécuritaire : maintenir au-delà un certain nombre de peuples barbares, nomades, dangereux pour la stabilité de l’empire et sa stabilisation. Cette muraille n’a pas empêché les invasions mongoles au 13ème siècle.
- Une manière de gérer l’empire. Pour construire l’empire, il fallait beaucoup de monde, beaucoup de ressources, et ce pouvoir impérial était obligatoire. Si l’Etat chinois était aussi puissant et l’est toujours, c’est en raison des grands travaux, souvent indispensables (dont les travaux d’irrigation). C’est une forme de manifestation de la puissance. Par exemple aujourd’hui on construit le barrage des trois gorges, gigantesque ouvrage.
Ce penchant pour les murs est appelé le limes, mur qui fermait l’empire.
Il y avait un limes en Afrique du nord qui courait le long de la partie habitée. Le mur est sensé marquer la limite et contenir les nomades qui vivaient dans la zone désertique du sud.
Il y avait aussi un limes entre Rhin et Danube : toute l’Europe n’était pas intégrée dans l’empire romain, en partie les pays d’Allemagne. Les frontières sont matérialisées par les grands fleuves, qui se trouvent être les frontières nord de l’empire Romain. Le Danube garde aujourd’hui cette fonction.
Dans l’espace entre le Rhin et le Danube, on a fait un limes, le limes rhénan. C’était une route fortifiée qui liait le haut Rhin et le Danube, et fut édifiée sur plusieurs générations. Concrètement c’était une route avec des tours de gardes en bois, et des remparts en argile. Cela donnait des positions pour défendre le territoire, autour de petits châteaux ou castella de 3m de haut environ. Cela donne 550km de routes fortifiées, 1000 tours de gardes pour surveiller et 100 castella.
Un peu plus au nord et à l’ouest de l’empire romain, quand l’empereur Hadrien fait la campagne, il bute sur les écossais et refais un mur. Cela donne un petit ensemble monumental dont on garde des traces aujourd’hui.
2. Conséquences sur les mentalités
Ces séparations physiques, ces séparations nettes quasi murales, laissent un certain nombre de traces dans les mentalités.
Entre anglais et écossais, on est rarement tendre envers les uns et le autres.
Le nationalisme allemand s’est longtemps fondé sur le fait que les germains, eux, n’avaient pas été dominés par Rome. La Germanie, de l’autre coté de ce limes rhénan, a prospéré sur cette idée. Quand en 1800 sont formulées les premières doctrines du nationalisme allemand (philosophe Fichte), il développe l’argument suivant : la qualité propre des allemands est née de leur capacité de résistance à l’empire romain et du fait qu’ils sont restés en dehors.
Une autre trace forte se trouve dans les zones de contact. Aujourd’hui, les principaux lieux de conflits étaient ces zones de contact :
- Yougoslavie. Cette séparation Est-ouest passait exactement au milieu de l’ancienne yougoslavie. D’une part et d’autre de cette limite, il y avait des peuples qui parlaient la même langue (le serbo-croate). A l’ouest, on l’écrit en caractère latin à l’ouest (Croatie), et en grec à l’est (Serbie). Les croates sont plutôt catho et les serbes plutôt orthodoxes. C’est l’origine de zone de frictions très actuelles, qui reposent sur des oppositions culturelles et géopolitiques très anciennes
- L’Espagne. Cas particulier de contact entre christianisme et islam, et aussi judaïsme. L’Andalousie était un royaume arabe pour l’essentiel, musulman en tout ca, quand Isabelle de Castille a décidé qu’ils devaient quitter la péninsule. Les musulmans avaient rejeté la minorité juive à la mer, et les espagnols ont gardé cette culture de négociation entre le monde juif d’une part et le monde musulman d’autre part.
B. Les frontières floues au Moyen-âge
Au Moyen-âge, les frontières sont différentes et sont beaucoup plus floues (partage de Verdun en 843). L’espace frontalier était l’espace occupé par le fief d’un vassal qui avait été donné par le roi, charge au vassal de protéger le territoire. Cela définissait ainsi une zone de frontière. Là où on était à proximité d’un territoire ennemi, on appelait ces territoires les marches : territoire susceptible d’être sur une vraie frontière politico culturelle. Le marquis, au départ, est celui à qui l’on confie une marche. Ces frontières sont mouvantes, ce qui fait que les cartes d’Atlas historiques sont à la fois vraies et fausses. A l’évidence, la limite n’était pas aussi nette.
Ces frontières étaient floues parce qu’à l’intérieur même des grandes royaumes, il y avait des petits espaces qui échappaient totalement aux lois de ce grand royaume.
Exemple : Avignon (le Comtat Venaissin), était une enclave de juridiction papale et le royaume de France n’avait rien à y faire. Jusqu’à la révolution française, le comtat était un royaume extra territorial : Par referendum, la souveraineté d’Avignon a changé.
C. Les frontières linéaires
1. Les frontières terrestres
Le mot frontière apparaît à peu près au 14ème siècle en France, à la suite de la guerre de 100 ans. Il faut attendre la révolution française pour que la notion même de frontière linéaire, comme une ligne transcendante, applicable sur une carte, soit reconnue comme un nouveau modèle. Depuis, ce modèle géopolitique de la frontière linéaire s’est imposé progressivement au reste de l’Europe voire au monde entier. Quand les français, dont les deux Napoléon développaient une doctrine des nationalités en Europe, elle était simple : chaque nation devait avoir son territoire, donc ses propres frontières.
Ces frontières se sont imposées au monde en particulier par le biais de la colonisation.
En Asie, il faut considérer les relations entre la chine et le Vietnam : les frontières étaient floues et le reste jusqu’à la colo française du 19ème. Le Vietnam était un Etat vassal. A partir du moment où les français s’y installent c’était une sorte d’exigence que de tracer une frontière qui délimitait vraiment les souverainetés. Les frontières sont négociées pied à pied avec l’administration chinoise. On plantait des bornes pour être sûr que la frontière passait par là et pas ailleurs.
2. Les frontières maritimes
Il y a des frontières qui n’ont pas été délimitées pendant longtemps : les frontières maritimes. On considérait que la mer appartenait à tout le monde, et que la limite était la cote. Byzance a eu une politique définissant à qui appartenait les zones maritimes : il fallait contrôler les routes maritimes, les eaux dites « territoriales » (les plus proches) et Byzance a imposé sa souveraineté sur les zones proches.
Deux villes, deux ports, qui ont joué un rôle important dans l’histoire du Moyen-âge : Venise, et Gênes. C’était 2 grandes villes commerçantes, avec une forte souveraineté et des contacts dans le monde entier. Elles ont établi des zones d’autorité, par exemple une autorité sur ce qu’elles appelaient la « mer voisine », que l’on comptait en journée de navigation : jusqu’à deux jours de navigation, c’était considéré comme étant chez eux.
La notion de frontière a rapidement dépassé les mers et aujourd’hui encore cela fait partie des questions en discussions.
3. Les autres lignes
On peut aussi parler de lignes d’armistice (la Corée coupée en deux, et la ligne d’armistice est plus étanche que la frontière elle même).
Les frontières sont importantes car elles limitent les lieux d’action, de souveraineté, des grands acteurs.
§III. La négociation
La négociation est la pratique la plus ancienne des relations internationales. Pourquoi négocier ? Et quoi négocier ? Pendant longtemps, la négociation était inséparable de la guerre elle même. La négociation est nécessaire parce que les Etats changent, et dans une formule particulière on pourrait dire que les Etats ne sont pas des corps chimiquement stables : ils évoluent, change, etc. Quoiqu’on veuille, le rapport des forces en ces Etats change, et ce rapport des forces impose aux plus faibles de s’en prendre avec le plus fort, donc de négocier.
A. Pourquoi négocier ?
1. Le partage de richesse
Il faut négocier aussi pour se partager des richesses. Par exemple, pourquoi a-t-on séparé d’une telle façon au traité de Verdun ? Là encore cela a été fait après négociation. Une thèse s’est intéressée à cette question, et a montré que le partage s’est fait en fonction du vignoble. Le vin était une ressource considérable, et le partage est un partage méridien (nord sud). Il y a un partage quasi équitable des vignobles.
Les grands empires évoqués tout à l’heure conduisaient à des frottements qui nécessitaient de s’entendre ou de se battre. Entre l’Autriche et l’empire ottoman, la « sublime porte » (Constantinople), il y avait des pratiques de négociation, il s’agissait de définir des aires de domination respectives. De temps en temps ça devient brutal. En général on négocie en terrain frontalier neutre, mais on pouvait se fâcher.
Le 8 juillet 1683, les ottomans font le siège de vienne, et cherchent à décourager les habitants de la capitale autrichienne. Ils tirent des flèches avec des messages écrit en latin et en turc : « vous vous rendez et vous vous convertissez à l’islam, si vous ne voulez pas rester vous pouvez partir ». Effet d’intimidation.
On a des pratiques comparables entre la Russie et la chine qui se touchaient dans toute l’Asie orientale et l’Asie centrale.
2. Régler des problèmes dynastiques
On peut négocier aussi pour gérer des problèmes dynastiques, dans un pays tiers. Les familles royales ont souvent été de la même famille, proche, et il y a souvent eu des gestions familiales de savoir qui allait régner dans tel pays. On échangeait des mariages, et en France on prenait l’habitude d’épouser une héritière d’Autriche : cela se faisait, car c’était les deux grandes puissances d’Europe. Ainsi, on garantissait d’une certaine manière la paix. La pesanteur géopolitique voulait ça, d’une certaine manière.
3. Régler des litiges commerciaux
Négocier aussi pour régler des litiges commerciaux, c’était en particulier important pour Venise, Gênes, mais aussi pour une ligue de villes commerçantes d’Europe du nord : la Hanse. C’était une alliance de quelques grands ports d’Europe du nord qui s’entendaient pour avoir les mêmes règles de commerce et qui, le cas échéant, tapait du point sur la table pour imposer les règles aux autres pays.
Le cas du mouvement colonial : négocier en position de force ; le mouvement colonial n’et pas seulement un mouvement de conquête. A coté des conquêtes il y a eu l’établissement des protectorats. Etablir un protectorat sur un pays d’Afrique ou d’Asie supposait de négocier avec le pays concerné, comme par exemple avec la Tunisie et le traité du Bardo qui impose le protectorat dans les années 1880. Cela dit, il a fallu négocier avec d’autres pays européens : d’autre pays étaient intéressés par ce protectorat, en particulier il a fallu négocier avec l’Italie.
Dans toutes ces opérations d’extension européenne, on s’appuyait sur le droit tout en faisant des démonstrations de force.
En chine, par le traité de Nankin en 1842, les premières concessions étrangères sont autorisées en chine. L’île de Hong-Kong devient anglaise. Ce traité a été négocié après la guerre de l’opium.
Mélange dans la négociation de coups de force et de l’utilisation du droit.
B. Comment négocier ?
Comment se fait la négociation ? Quelle est la pratique de la négociation ?
1. Entre chefs d’Etat
Avant l’ère industrielle, les négociations se faisaient de chef d’État à chef d’État, de roi à roi, d’empereur à empereur. Au Moyen-âge en particulier l’exercice du pouvoir était un exercice relativement solitaire. Mais ces pratiques de négociation de chef à chef se retrouvent par exemple dans l’empire napoléonien et ses conquêtes.
Exemple fameux en 1807 à Tilsit où sur un radeau planté sur le Niémen, un fleuve, se rencontrent deux hommes : Napoléon 1er et Alexandre 1er, entourés de très peu d’hommes de chaque coté.
2. Les ambassades
1. Les premières ambassades
Les ambassades se sont développées d’abord comme des activités ponctuelles, aujourd’hui c’est une activité permanente : c’était une expédition, on envoyait une expédition dans un pays voisin. En général c’était une expédition nombreuse, contraire d’une expédition guerrière. Il s’agissait d’en imposer au voisin : on part avec richesses, protections, interprètes, et on partait plusieurs semaines voire plusieurs mois. Le personnel permanent des ambassades n’est intervenu que très progressivement.
Un des premiers ambassadeurs français s’est justement installé à Constantinople ce qui lui permettait de jouer un rôle important dans les conflits opposant la Russie et l’empire ottoman et les médiations françaises dans cette partie du monde ont longtemps été importantes.
2. Les lettres de créance
Aujourd’hui quand un ambassadeur est envoyé dans un pays il embarque avec lui une mettre de créance, c’est-à-dire un doc qui certifie qu’il représente bien le chef de l’Etat qui l’envoi. Selon la tradition, l’ambassadeur présente ses lettres de créance au chef de l’Etat. Cette pratique des lettres de créance remonte au moins au Moyen-âge. L’ambassade qui partait pour une expédition amenait une lettre de créance qu’il présentait au souverain et là commençait la négociation car il y avait une confiance de souveraineté réciproque.
3. Le développement du secret
L’activité d’ambassade s’est développée et technicisée et développe une forte activité de secret : les échanges entre administration centrales et ambassades sont chiffrées. Là aussi c’est ancien, on raconte que dans l’empire perse (gigantesque, origine de l’Iran actuel) il fallait des semaines et des mois pour le traverser. Quand l’empereur avait quelque chose à dire à un de ses subordonnés à la frontière, une technique consistait à raser un esclave, écrire le message sur sa tête, et le laisser partir.
Dans l’histoire récente on a beaucoup de piratages de chiffres qui se sont produits :
Exemple le télégramme Zimmermann pendant la Première Guerre Mondiale. Il est envoyé en principe théoriquement par le ministère allemand des Affaires étrangères, envoyé à son ambassade au Mexique. Il se trouve que les anglais étaient pointus et la grande activité était de casser le chiffre des autres pays. Chaque pays a son chiffre et les autres s’efforcent de le casser. Les câbles sous marins passaient par l’Angleterre donc les anglais ont annoncé qu’ils avaient cassé le chiffre d’un télégramme allemand qui demandait au Mexique d’entrer en guerre contre les Etats-Unis. C’est un élément retenu par Wilson en 1917 pour rentrer en guerre contre l’Allemagne.
La négociation ne suffit pas :
§IV. L’Etat entre paix et guerre
A. La guerre
La guerre est longtemps apparue comme le prolongement naturel de la négociation, c’est un élément un peu conclusif. L’Etat des relations internationales est le suivant : la guerre ou la paix.
L’idée est que la culture de la guerre change radicalement au 20ème siècle. Jusqu’au 20ème siècle, la guerre est une activité qui peut avoir deux formes en quelque sorte mais qui est toujours codifiée ou partielle :
- soit la guerre est un moment, dur forcément (choc, violence), comme par exemple la guerre franco allemande de 1870. elle ne dure que quelques semaines, on sait quand ça commence, et on voit arriver la fin.
- soit la guerre est un état, c’est-à-dire qu’il y a une période de l’histoire où la guerre est une situation permanente.
C’était le cas de la guerre de 100 ans, mais il y avait toujours cette situation de guerre structurante des relations entre les groupes sociaux.
C’est aussi l’état normal de fonctionnement de l’Europe entre 1792 et 1815 : sur plus de 20 ans, la guerre est une situation quasi normale, permanente.
La guerre redevient un état entre 1914 et 1918 et c’est ce qui fait le tournant du 20ème siècle. On était parti sur un moment court et c’est devenu un état : il a fallut vivre avec.
La guerre, pratique ancienne, est très codifiée. Il y a un mode traditionnel de déclaration de guerre, et un autre de règlement de guerre.
1. La déclaration de guerre
Pour l’entrée en guerre, on considère normal d’avoir une déclaration de guerre, c’est-à-dire une sorte de forme de politesse qui dit à l’adversaire que l’on rentre en guerre contre lui.
C’est par exemple dans la guerre de 1870 Napoléon III qui déclare la guerre à la Prusse.
Dans l’été 1914, les guerres sont déclarées. Dans l’ordre : Autriche vs Serbie, Allemagne vs Russie puis France, Angleterre à l’Allemagne, etc.
Pendant longtemps ces codifications fonctionnaient. Idem pour les sorties de guerre, on avait des méthodes rodées, traditionnelles, bien encadrées. Il existe trois niveaux de sortie de guerre, avec un contenu juridique :
- Le cessez-le-feu. C’est une action commune d’arrêter la guerre où l’on en est sans autre discussion. Toutes les fins de guerre connaissent des cessez le feu plus ou moins respecté
- L’armistice. Elle est négociée car c’est une paix provisoire en quelque sorte, en attendant des règlements plus importants. On s’entend sur des positions, des terrains où l’on continue à stationner les troupes, des échanges de ressources, de prisonniers, etc. Il peut y avoir des armistices durables (cf. Corée du nord/sud et l’armistice de 1953)
- La paix. C’est un traité, quelque chose de beaucoup plus important, suppose une négociation plus longue et une négociation qui n’est pas toujours possible. Japon-Etats-Unis.
A la fin de la Première Guerre Mondiale, il y a un cessez-le-feu, une armistice décrétée très vite (11 novembre 1918) et une paix longuement négociée à la conférence de Versailles qui abouti à plusieurs traités (traités bilatéraux) entre les différents pays concernés.
2. Le règlement de guerre
Il y a donc eu pendant longtemps un droit de la guerre qui fait parti du droit international par la force des choses. Il y a des conventions internationales qui limitent le type de violence que l’on est autorisé à commettre en temps de guerre : cela évolue avec la technique.
Pendant la Première Guerre Mondiale, la longueur du conflit aidant, les recherches aidant, on a inventé la guerre chimique. On a trouvé que la guerre chimique avait un caractère odieux et une convention internationale interdit la guerre chimique.
Dès qu’il y a la menace de la de guerre chimique, on rentre dans le domaine de l’interdit. Il y a aussi une convention internationale aussi sur le traitement des prisonniers : cela fait partie du droit de la guerre.
Il y a eu une évolution courant 20ème. Les violences du siècle ont été telles que toutes ces pratiques anciennes, que l’on voit encore fonctionner dans l’énorme boucherie de la Première Guerre Mondiale, ne fonctionne plus pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il y a très peu de déclarations de guerre pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Quand Hitler le 22 juin 1914 rentre en URRS (opération Barberousse), il ne déclare pas la guerre et rompt un PNA afin d’avoir un avantage stratégique. A l’inverse, en 1939 la France déclare la guerre à l’Allemagne mais ne le fait pas. En revanche en 1940 quand l’armée allemande rentre en France il n’y a pas de déclaration de guerre.
Idem sur le front pacifique. Quand le japon veut briser la force militaire, il attaque par surprise à Pearl Harbor et très vite après l’ambassadeur du japon se précipite pour donner la déclaration de guerre. Roosevelt profite de cette situation pour déclarer la guerre en bonne et due forme à l’Allemagne, au japon, à l’Italie, et à tous leurs alliés.
Parenthèse : à partir du moment où on déclare une guerre, cela veut dire que l’on reconnaît l’état de guerre ; or, dans bien des situations aujourd’hui (guerre coloniale, Irak, etc.) il a fallait du temps pour accepter que l’état reconnaisse qu’on était dans une situation de guerre : cela ne vient pas tout de suite, la guerre est un état qui se reconnaît très progressivement.
Avec la Seconde Guerre Mondiale : très peu de traités de paix. Le seul traité de paix signé est entre les Etats-Unis et le Japon en 1951. Il n’y a pas de traité qui terminé la Seconde Guerre Mondiale en Europe. Il faut attendre la réunification allemande (1990) pour avoir des dispositions légales.
Le 20ème siècle a vue la pratique, la culture de la guerre, se modifier.
3. Les nouveaux concepts de guerre
De nouveaux concepts de guerre apparaissent :
- Le mot guerre froide appartient à tous les moyens : c’est la guerre par tous les moyens, sauf militaire.
- Le 20ème siècle découvre aussi les guerres de libération nationale. C’est par exemple la guerre d’Espagne contre les troupes de Napoléon début 19ème siècle.
- Les guerres civiles, beaucoup au 20ème siècle.
- La corrélation entre guerre et révolution, on le sait depuis 1917. C’est l’exemple de la révolution russe qui enfante la Russie bolchevique et l’URSS, ainsi que le communisme.
B. La paix
C’est quand on n’est pas en guerre. C’est une question importante pour le 20ème siècle et une question qui n’a pas été suffisamment pensée.
1. Construire la paix
Une paix, cela se construit : il y a des traités de paix qui doivent être acceptés par les Etats, c’est-à-dire par les assemblées nationales (par les « représentations nationales ») : le mot qui convient est ratifier.
Construire la paix suppose en général de longues nationales, des conférences de paix (Versailles après la Première Guerre Mondiale, Paris sur le Vietnam, etc.). Cela suppose aussi des organisations internationales pour garantir la paix. Ces organisation internationales ont le même but : c’est la SDN dans l’entre-deux-guerres, et l’ONU après 1945. L’objectif premier est de « garantir la paix » (Article premier des deux chartes).
2. Assurer la paix
La paix est également une idée qui est à l’origine de certains regroupements régionaux comme l’Europe ; la construction européenne, l’idée est au début de faire la paix durablement entre les acteurs européens et en particulier la France et l’Allemagne. La formule « l’Europe, c’est la paix » a une réalité très forte. Il y a des conférences internationales qui garantissent des traités eux même souvent imparfaits, il y a des organisations internationales qui n’ont pas forcément les moyens suffisants et dont l’action est incertaine. Il y a des organisations régionales parfois plus à même de garantir la paix : l’Europe construite par Monnet au début des années 1950 a effectivement cette fonction.
Chapitre 2. L’affirmation des nations (XIXe siècle)
Section 1. L’héritage de la révolution française
§I. Guerre et révolution
A. Une explication d’origine pour 1789
Le déclenchement de 1789 est partiellement lié à des événements internationaux qu’il nous faut préciser. L’événement principal, et que l’on a tendance à avoir oublié aujourd’hui, mis en avant dès l’époque par Barnave, avocat, député aux futurs Etats généraux ; celui-ci déclare : « ce que la nature des choses avait préparé, ce que la conduite du gouvernement avait mûri, la guerre d’Amérique le détermina ». La guerre d’Amérique n’est pas une cause, mais un environnement.
D’un mot, la révolution française est déclenchée par des questions financières, plus particulièrement par une crise financière qui est largement liée à l’endettement de l’Etat, et à l’endettement de la maison du roi. Les raisons de cette endettement sont multiples et pour résoudre cette crise Louis XVI réuni les Etats généraux, c’est-à-dire une assemblée des représentants de tout le pays (divisés en représentants de la noblesse, du clergé, du Tiers état). En vérité, ils n’ont jamais pu se réunir car les trois composantes ne se sont pas entendues pour déterminer quelles étaient leurs représentativités respectives. Cet élément déclenche la révolution politique.
Sur la crise financière, à l’origine de tout ça, celle-ci est assez largement liée aux dépenses que la France a fait pour soutenir la guerre d’Amérique, guerre que les colons américains (les « insurgents »), guerre de libération, qu’ils menaient contre l’Angleterre, vieil adversaire à l’époque pour la France. La France n’est pas fâchée d’aider une insurrection qui très loin est en mesure d’affaiblir l’Angleterre. Quarante ans auparavant, la France avait été obligée de céder le Canada à l’Angleterre. L’homme que le roi envoie en Amérique est La Fayette qui s’embarque dans les années 1770 pour l’Amérique. Il y combat et revient quelques semaines plus tard et réapparaît dans la France d’avant 1789. Il établi le lien physique entre cette guerre et la révolution de 1789. La France a dépensé beaucoup pour soutenir militairement ces insurgents d’Amérique et La Fayette et les hommes avec qui il était parti. Cette conséquence de la guerre d’Amérique est ce point sur lequel Barnave a mis le doigt.
Il y a des conditions internationales à la crise politique/financière qui déclenche ce qu’on appellera 1789. 1789 n’est pas en soi une révolution terrible, le roi perd son régime absolu et le régime politique français devient non plus une monarchie absolue mais une monarchie constitutionnelle, comme c’est déjà le cas en Angleterre. Finalement, c’est paradoxalement un régime de type anglais qui se met en place.
B. L’abolition de la monarchie
La situation extérieure est une condition intéressante à considérer pour expliquer l’abolition de la monarchie. Cette condition extérieure est la guerre, et la voilà à l’œuvre en 1792 puisque la France se trouve en état de guerre : c’est elle, en effet, qui la déclare. Après une nouvelle organisation et une constitution en 1791, l’insécurité aux frontières est croissante et notamment à l’égard de l’Autriche, principale puissance continentale en Europe. Un certains nombres de nobles, les « émigrés », entretiennent une certaine insécurité à l’égard du pouvoir français. L’idée d’une guerre à l’époque, c’est-à-dire une expédition qui met fin à une certaine menace, est présente.
Dans ces conditions, le 20 avril 1792, l’assemblée législative (c’est-à-dire la représentation nationale composée de députés qui viennent d’être élus en application de la constitution de 1791) vote la guerre (sa prérogative) à l’unanimité moins sept voix, contre l’Autriche. En gros, le calcul intérieur des uns et des autres est de se dire qu’en faisant la guerre à l’Autriche ça allait arranger tout le monde, mais pour des motifs différents.
La situation assez vite devient difficile, les troupes autrichiennes se rapprochent des frontières françaises, c’est à ce moment là que le gouvernement français décrète « la patrie en danger ». Nous sommes le 11 juillet 1792. Comme le rapport des forces est en faveur des adversaires (constitués de troupes autrichiennes pour l’essentiel), ces dernières essayent d’en tirer un avantage. Le général en chef des armées qui ont répondues à l’entrée en guerre, Brunswick, se croit autorisé à adresser un ultimatum le 1er août 1792. En substance, il dit : « ou bien vous rétablissez le roi dans ses fonctions, sinon nous ne répondons plus de rien et on arrive à paris ». La réponse de Paris, de l’assemblée, est très simple, et fait l’inverse de ce que Brunswick propose et déclenche une nouvelle insurrection et prend les tuileries. Le roi est déposé, arrêté, et la réponse de l’insurrection parisienne est à l’inverse de ce que Brunswick demandait. Ce rapport des forces croissant, cette radicalisation, a conduit au renversement de Louis XVI. Cette guerre se retourne heureusement pour le gouvernement français en sa faveur, Louis XVI étant en prison. Pour bien marquer le coup, les parisiens élisent une nouvelle assemblée : la Convention. Le 21 septembre 1792, cette convention abolit la monarchie. Le 22 septembre 1792, on décrète l’an I de la République.
La radicalisation de la situation à la fois intérieure et extérieure fait qu’après avoir hésité, Louis Capet (Louis XVI) et son entourage commettent quelques erreurs, et finalement la question du jugement du roi se pose. Qui va le juger ? Finalement on décide qu’il va passer en jugement devant l’assemblée du peuple, donc devant la Convention. A l’issu d’une longue procédure, le roi est finalement condamné à mort à une très courte majorité. Le 21 janvier 1793, le roi est guillotiné.
Importance sur le plan intérieur et international : en Europe, il n’y a que des monarchies. Quand la tête d’un roi tombe, ils se sentent tous menacés. Le roi d’Angleterre le prend mal, comme une déclaration de guerre, expulse l’ambassadeur de France et prend un certain nombre de mesures pour entrer en conflit contre la France. Le dernier élément qui montre le lien entre l’intérieur et l’extérieur est celui de la terreur.
C. Le rapport constant : la Terreur
C’est une radicalisation de la révolution, à un moment où elle se sentait en péril. L’Angleterre entre en guerre, l’ennemi par excellence, mais aussi l’Autriche. Dans les jours qui suivent l’exécution de Louis XVI, l’Angleterre déclare la guerre et une coalition se groupe contre la France, et anime des pays en nombre impressionnant : Angleterre, Autriche, Prusse, Russie, Espagne, le Portugal et le royaume de Naples. Cette première guerre est aux dimensions de l’Europe et dans cette situation extrêmement périlleuse, le choix du gouvernement en place à Paris (la convention) est de tout faire pour l’emporter, résister. Il ne s’agit pas de baisser les bras mais d’imposer aux français tous les efforts. Le 5 septembre 1793, la convention place « la terreur à l’ordre du jour ».
Il y a des mesures militaires, c’est-à-dire ce qu’on appellerait aujourd’hui une mobilisation générale, et des mesures économiques qui sont de l’ordre des nationalisations, du blocage des prix et des salaires que l’on connaît à notre époque. Il y a des mesures répressives avec une loi des suspects qui permet d’arrêter des gens dont on se soupçonne. Il y a enfin des mesures religieuses, car le clergé étant considéré comme un ordre privilégié fait partie des suspects. On institue le calendrier révolutionnaire dont les semaines sont remplacées par des périodes de 10 jours (les décalies gg) : cela fait parti de la réorganisation du pays dans le contexte de résistance à l’extérieur.
Ca marche, et la France retrouve de succès militaires autour de Robespierre, « l’incorruptible », homme fort pendant la première moitié de 1794. Ces succès militaires vont avec de nouvelles mesures de répression, appela la « deuxième terreur » et les décapitations extrêmement nombreuses : « les têtes tombaient comme des ardoises » (Fouquier-Tinville). Robespierre sera mis en minorité, arrêté et décapité le 26 juillet 1794 (9 thermidor an II).
Ce rapport constant entre les questions intérieures et internationales va rester comme un modèle dans toute l’Europe jusqu’à la révolution russe mais se prolonge dans la période de l’empire.
§II. Révolution et Empire
A. Continuité convention – consulat
Est-ce que l’empire qui commence avec le général Bonaparte en 1799 s’inscrit en continuité ou en opposition avec la république et notamment l’assemblée de la convention ?
Il faut regarder quels sont les principes et l’histoire de Napoléon Bonaparte. Il a grandi dans le contexte de la révolution, il était proche du frère de Robespierre et était dans les réseaux qui ont conduit la révolution. C’était un militaire pas très obéissant à l’égard de sa hiérarchie, et il a mené sa propre politique et remporté des succès très importants contre l’Autriche, en Italie et en Egypte. Il est un général produit de la Révolution française. Quand il prend le pouvoir, il le fait non pas pour revenir sur la révolution française, mais pour mettre de l’ordre et consolider ce qui est acquis : « Je suis national, j’aime les honnêtes gens de toutes les couleurs [politiques] » (Napoléon Bonaparte). Il s’inscrit dans le camp de la nation, du rassemblement, et non pas dans un camp ou dans l’autre. Il s’inscrit dans la continuité de la révolution ; ce modèle (le bonapartisme) sera un modèle pour le gaullisme.
Napoléon Bonaparte devient premier consul en 1799 et sera empereur en 1804. Il fait aboutir un certain nombre de réformes entreprises par la révolution et dont certaines sont extrêmement durables : la banque de France (1800), la création du franc (1803, jusqu’en 2002) germinal (du nom de la date du calendrier, vaut 322mg d’or, garde la valeur constamment jusqu’en 1914). Volonté d’affirmation nationale (la monnaie porte le même nom que le pays). Il crée aussi le code civil, qui est une action tout à fait essentielle pour consolider la situation de l’époque révolutionnaire et même pour diffuser une certaine idée des nouvelles libertés en Europe.
Enfin, précisons que napoléon reste très sensible à l’idée d’empire, qui reste un modèle pour l’Europe entière. L’idée de Napoléon Bonaparte est de créer quelque chose qui évoquerait l’empire romain par sa dimension et son caractère autoritaire. Le 2 décembre 1804, il se fait couronner empereur dans un décorum assez proche de l’empire romain.
B. Bonaparte, « Robespierre à cheval »
A l’extérieur, Metternich (« Robespierre à cheval ») joue un rôle très important pendant le premier XIXe siècle. Pour lui, les actions de Bonaparte était celle d’un empereur passant les frontières de l’Europe à cheval. La logique des guerres napoléonienne, c’est le conflit avec l’Angleterre. Celle-ci a commencé une révolution industrielle, est en avance sur la France, a des colonies, et est un vieil adversaire de la France. Napoléon Bonaparte décrète ce qu’il appelle le « blocus continental ». C’est une interdiction (assez ambitieuse il faut le dire) faite à tous les bateaux anglais de toucher un port du continent, que ce soit Lisbonne au Portugal ou Copenhague au Danemark.
Quels sont les moyens d’une telle politique ? C’est toute la logique de la conquête de l’Europe. Il y avait un outil militaire pour se faire, « la grande armée » ou « l’armée des vingt nations ». Elle était constituée par la conscription, mais aussi de contingents étrangers intégrés au fur et à mesure des conquêtes. Par exemple, il y avait à peu près 125 000 allemands membres de la confédération du Rhin, 60 000 polonais. C’était une armée, au sens premier du terme, européenne, constituée d’environ 600 000 hommes organisés en dix corps d’armée dirigé par dix maréchaux. Ils pratiquaient une guerre à laquelle l’Europe n’était pas très habituée, une guerre très offensive, et qui était remportée de succès. La logique de la guerre est (1) de faire appliquer le blocus et (2) d’intégrer les européens dans un outil militaire pour le faire.
Au passage, Napoléon Bonaparte, le révolutionnaire qu’il était, procède à un remodelage politique de l’Europe, avec une France agrandie de 120 départements. C’est ainsi la fin du Saint Empire Romain Germanique, qui prend ce nom en 962 ; Napoléon y met fin en 1806.
Entre l’Autriche et la France, il y a les pays allemands, donc, Napoléon y organise une confédération du Rhin. L’Allemagne était excessivement morcelée en petits États : il réduit le nombre de ces Etats, mais il en reste 36 qui préfigurent l’Allemagne actuelle (à l’époque sous domination de vienne). C’est lui aussi qui réorganise la confédération Suisse, lui aussi qui reconstitue une Pologne (qui n’existait plus à l’époque) entre la Prusse et la Russie : c’est ce qu’il fallait appeler le « grand duché de Varsovie ». En Italie enfin il y avait alors jusqu’à 10 Etats différents, et est regroupée en trois Etats suivants. Les Etats du pape et de la cote ouest sont intégrés aux départements français. Le reste de l’Europe (c’est-à-dire la Prusse autour de Berlin, l’Autriche autour de vienne, la Russie plus loin), napoléon s’en fait des alliés (mariages, rencontres personnelles : le tsar Alexandre Ier)
Enfin, dans ses relations avec l’Europe, Napoléon Bonaparte doit composer avec l’Église. D’une part parce que l’Eglise a des territoires et il reste une autorité temporelle, et d’autre part elle est à la tête du clergé (et une majorité de la France est encadrée par un clergé). Le pouvoir français a négocié avec l’Eglise, le pape, et un accord est trouvé après un an (traité avec le pape s’appelle un concordat). Il est signé en 1801, et trouve un compromis. Le pape renonçait à ce qu’on appelait les biens nationaux, moyennant quoi la France reconnaissait la religion catholique non pas comme religion d’Etat (la France s’y refusait) mais comme « la religion de tous les français ». Là-dessus, Napoléon Bonaparte se fait sacrer par le pape (1804).
Les relations se sont envenimées, de nouveaux incidents opposent Napoléon au pape, et Napoléon fait même incarcérer le pape dans une prison. Un nouveau concordat est signé en 1813, pratiquement sous la contrainte pour le pape, les relations avec l’Eglise restant toujours compliquées. Que retenir de cette période de 25 ans ?
C. Une période de 25 ans
La France finalement a subi un échec militaire. L’aventure napoléonienne n’a pas réussi, et la guerre déclarée par la France en 1792 et qui est restée comme une toile de fond, comme un état des relations avec le reste de l’Europe, a conduit in fine à un échec militaire français. On peut en comprendre relativement facilement la logique. En gros l’Europe était assez mécontente de la domination française, et les nationalités (c’est-à-dire ceux que la France encourageait à se penser comme allemand, italien, polonais, etc.) se sont réveillées contre les français. Accessoirement la situation économique était très mauvaise, et comme le disait Jérôme Bonaparte (frère de Bonaparte, roi de Westphalie) : « le désespoir des peuples, parce qu’on leur a tout enlevé, est à redouter » (google check.). Sauf les italiens et les polonais dans une certaine mesure, tous les autres se retournent contre la domination française.
- cela commence avec l’Espagne, et les espagnols parfois avec leur curé en tête ont mené une véritable guérilla contre les troupes françaises.
- la Russie avec laquelle napoléon s’était entendu et avait changé d’avis et accepté que des bateaux anglais viennent à Saint-Pétersbourg. Il déclenche la campagne de Russie pour contraindre le tsar à accomplir le blocus continental. L’armée française incendie Moscou notamment. La retraite se fait dans des conditions tragiques (dans l’hiver, etc.) : cf. le passage de la fameuse Berezina. La retraite de Russie, dramatique, encourage tous les pays à se ranger derrière elle contre la France
Une nouvelle coalition se forme et emporte une série de victoires. La défaite principale est enregistrée à Waterloo près de Bruxelles, le 18 juin 1815. Cette une issue tout a fait tragique, car après avoir lancé la guerre contre l’Europe et l’avoir gagné dans un premier temps, et profité pour renverser le roi, la France se retrouve dans une situation exactement inverse, puisqu’elle est occupée par 1,2 millions de soldats. Les rois reviennent, les Bourbons remontent sur le trône et le propre frère de Louis XVI remonte sur le trône (Louis XVIII). C’est un effondrement durable absolument pour la France qui enregistre en 1815 un échec considérable face à l’Angleterre. Tout cela va rester et se répandre dans le reste de l’Europe.
§III. Les principes fondateurs
A. Droits de l’homme, droit de la nation
Rappelons ici que la formulation des droits de l’homme apparaît dès l’été 1789, en particulier au cours de deux séances de l’Assemblée Nationale d’août (20 et 26 août 1789). Ces droits de l’homme ont été formulés trois semaines après que les droits féodaux (nuit du 4 août), qui étaient la structure même de l’Ancien Régime, aient été abolis. On officialisait les droits de l’homme. L’idée est française mais intéresse évidemment beaucoup de monde. La Fayette, dès 1789, homme fort des deux ou trois premières années de la révolution, propose dès 1789 une déclaration européenne des droits de l’homme.
L’intégrité du territoire. Cela veut dire les frontières, c’est-à-dire que les frontières s’imposent à tous, qu’elles sont les frontières de la nation, et que la nation a les mêmes règles. L’idée de nation, qui bien sûr estime avoir des droits, est bien concrète.
B. Des principes élargis à l’Europe et durables
Quelques éléments sur l’idée de guerre sur cette période. Au début de la période révolutionnaire, on se refuse à faire la guerre. Un décret de 22 mai 1790 stipule : « la nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes et n’emploiera jamais sa force contre la liberté d’aucun peuple ». La doctrine a évolué, et le décret 9 de novembre 1792 (après la déclaration de guerre) par lequel la convention déclare selon la même logique mais de manière plus militante : qu’elle « apportera fraternité et secours à tous les peuples qui voudront recouvrer leur liberté ». On passe d’une espèce de pacifisme affiché à une démarche beaucoup plus militante en faveur de la liberté, et l’empire va finalement se fonder assez largement sur cette démarche.
Le Code Civil, à la faveur des conquêtes napoléoniennes, s’impose pratiquement à toute l’Europe. C’est important sur le plan des principes et du fonctionnement des institutions. Depuis 1789, toutes les assemblées travaillent à la rédaction de ce code unique. Le Code Civil est terminé en 1804, par le régime, un peu autoritaire en la matière, de Napoléon. Comment peut-on qualifier ce texte ? Il emprunte à tous les systèmes juridiques antérieurs, et c’est-à-dire partiellement le système romain. Il y avait aussi des droits coutumiers, et il sera la synthèse de tout cela. Le Code Civil est le triomphe de la synthèse. On y trouve a priori tout ou son contraire : l’esprit d’autorité, et d’une certaine matière de conservatisme social (droit de propriété). On y trouve aussi maintenu toutes les conquêtes sociales de la révolution. On y trouve enfin l’idée nationale. Ce Code Civil s’impose pratiquement à la fois par la force des armes et par la force des idées et des choses à toute l’Europe, c’est un peu la revanche de l’échec de l’empire napoléonien.
Et enfin, l’intangibilité des frontières, c’est-à-dire qu’elles sont reconnues comme des lignes juridiques qui délimitent l’existence d’une nation. Dans emps on les reconnaît sans les reconnaître. Les rois et empereurs européens sont regroupés dans un congrès, le congrès de Vienne. Il s’assoit un peu sur ces principes hérités de la révolution. Talleyrand y est présent, et dans une certaine mesure il sauve certaines choses pour la France. Le congrès de Vienne rétabli dans leurs pouvoirs les empereurs, et n’est pas l’application des principes de la révolution. Le congrès de Vienne ignore l’idée de nation et re-découpe l’Europe en fonction, en particulier, de 3 pouvoirs dominants, qui sont : celui de vienne, empereur d’Autriche, du roi de Prusse à Berlin, et de la star à Saint-Pétersbourg. Désormais toute l’Europe se retrouve contrôlée par ce club des rois et empereurs.
Mais les idées des droits de l’homme, droit de la nation, Code Civil, fermentent dans le 19e et resurgissent pour redessiner la carte du continent
C. Nation et nationalité
Toutes ces idées sont donc reprises, déployées, tout au long du 19e siècle. A cet égard, un moment important est le second empire de Napoléon III. Il mène une politique des nationalités qui va aller dans le sens d’une destruction du système du congrès de Vienne établi en 1815. Napoléon III était très sensible à l’idée que ces épisodes révolutionnaires et bonapartistes étaient tout a fait de nature à inquiéter l’Europe. Dans tout ce 19e siècle, la France est un pays qui fait peur aux différents souverains européens. Une bonne partie des politiques européennes est inspirée assez largement par la peur qu’inspire la menace française. C’est une des raisons pour lesquelles Napoléon III aura cette formule pour calmer le jeu : « l’empire, c’est la paix, car si la France est satisfaite, l’Europe est tranquille ».
Section 2. Empires et nations
Pour François Furet la révolution française dure 100 ans en ce sens que ce qui a été expérimenté, fait, proposé, pendant Révolution française ne réussi pas sur le moment et se déroule tout au long du 19e. Ce qui est vrai pour la France l’est aussi pour le reste de l’Europe dans une certaine mesure.
§I. Les empires contre les nations (1815-1848)
A. Le congrès de Vienne et la nouvelle carte de l’Europe
Vienne, capitale autrichienne. Congrès qui débouche sur la mise en place d’une nouvelle carte de l’Europe mais d’une complexité apparente assez rare. Ce congrès de vienne se déroule pendant plusieurs mois entre novembre 1814 et juin 1815. Le principe même de ce congrès de Vienne est de trouver une sortie de guerre qui durait depuis 1792 et qui avait pas mal ravagé l’Europe. Une modalité traditionnelle pour sortir d’une guerre est précisément une grande conférence entre les belligérants.
Quinze souverains en personne sont présents la plupart du temps et donc négocient pendant ces différents mois le retour de leurs intérêts en séances plénières. Au congrès, une série de petites conférences secrètes sur différents points permettaient à la négociation de se faire et de se développer dans la discrétion et, présumait on, avec le maximum d’efficacité. Dans ce genre de conférence en général les grandes puissances arrivent à s’entendre mais les petites (Pologne, Saxe) ont posé pas mal de problème aux grands. Finalement le 9 juin 1815 les congressistes ont réussi à mettre au point un acte final. A cette date là, on est d’une certaine manière toujours en guerre. Le 9 juin 1815, c’est 9 jours avant la défaite napoléonienne de Waterloo (18 juin 1815).
Le plus compliqué, c’est au milieu de l’Europe. Les pays qui tirent leur épingle du jeu sont :
- La Russie, qui gagne quelques territoires dont la Finlande, une large partie de la Pologne, les polonais sont catholiques, entre une Allemagne protestante et une Russie plutôt orthodoxe.
- L’Angleterre, ennemi traditionnel de la France, qui n’avait pas apprécié l’arrestation et l’exécution de Louis XVI et qui entre en guerre assez rapidement. Ses intérêts sont surtout maritimes : elle est déjà une grande puissance coloniale, marchande. Le port de Londres est sans doute le premier port mondial et ce qui intéresse les anglais est de contrôler les routes maritimes. Très concrètement l’Angleterre gagne l’île de Malte, entre la Sicile et la Tunisie, territoire stratégique sur le plan maritime. Il contrôle les relations entre la méditerranée orientale et la méditerranée occidentale. Elle gagne la colonie du Cap au sud de l’Afrique. En Asie, en plein océan indien, les anglais gagnent l’île de Ceylan. Avec ces différents points d’appuie, l’Angleterre apparaît comme le principal bénéficiaire des guerres de révolution
- La Prusse est le nom ancien du plus grand des Etats allemands, elle est en deux morceaux discontinus et c’est sa particularité. Le cœur de la Prusse est autour de la ville de Berlin, et une Prusse (future Ruhr) du coté du Rhin, future région industrielle. les autres Etats allemands apparaissent néanmoins dans un ensemble : le congrès de vienne modifie la donne et crée la confédération germanique. Celle-ci a pour particularité d’englober une partie de l’Autriche, pays qui parle allemand. Ainsi l’Autriche fait partie de la confédération germanique. L’Autriche a un pouvoir double dans le centre de l’Europe : (1) sur un territoire propre (l’empire d’Autriche) et (2) par sa partie allemande, sur la confédération germanique. Vienne domine très largement cette Europe du milieu. L’Autriche est le plus grand vainqueur continental du congrès de Vienne : elle étend sa souveraineté directe ou indirecte sur une partie de l’Europe continentale
C’est une carte nouvelle qui a pour particularité de ne pas tenir compte des fameuses nations qui avaient été choyées d’une certaine manière par l’empire napoléonien, dont l’existence même était due à une idée qui avait germé pendant la Révolution française. La Pologne ainsi se trouve partagée entre trois empires : Prusse à l’ouest, Russie à l’est, et Autriche au sud.
B. L’alliance des vainqueurs
Ils s’entendent pour que cette domination sur l’Europe ne soit pas contestée, ils veulent éviter que la puissance française ressurgissent et vienne menacer leur domination. En effet, la France a fait très peur à ces monarchies européennes, et bien qu’effondrée elle continue de faire peur. Ses idées sont toujours combattues, jugées menaçantes. Les trois grands vainqueurs du continent, c’est-à-dire la Russie, la Prusse et l’Autriche où règnent trois empereurs qui se dénomment comme ça eux même concluent dès le 26 septembre 1815 ce qu’ils vont appeler eux même la « Sainte alliance ». C’est un traité entre les trois empereurs qui se fait sous le signe divin : ce qui est invoqué est « la très sainte et indivisible trinité ». Ils s’estiment membres de la même famille chrétienne malgré les différences (orthodoxes, protestants : Prusse, catholiques : Autriche). C’est plutôt une alliance symbolique entre les trois empereurs qui se jurent assistance en cas du retour du péril révolutionnaire.
Dans cette circonstance, les anglais ne sont pas très intéressés, mais signent pour avoir la paix sur le continent. Cette quadruple alliance est signée le 20 novembre 1815. L’objectif est largement de surveiller la France. Il s’agit de surveiller la France « au cas ou les principes révolutionnaires pourraient encore déchirer la France et menacer ainsi le repos des autres Etats ». Le traité de la sainte alliance prévoit donc de réunir d’autres congrès dès qu’on sentirait une menace. Le champion de la réaction s’appelle Metternich, présentement chancelier d’Autriche entre 1815 et 1848, c’est-à-dire que la personne même de Metternich domine toute la période. « L’intérieur de tous les pays européens sans en excepter aucun est travaillé par une fièvre ardente, la guerre à mort entre les anciens et les nouveaux principes » (Metternich), nouveaux principes de la révolution et de l’empire. Les anciens principes sont ceux sur lesquels repose l’ordre traditionnel, monarchique, chrétien, en Europe.
Les congrès prévus par la Sainte alliance sont l’outil conçu contre l’agitation révolutionnaire au cas où elle reviendrait. Il y aura 6 congrès et aucun ne jouera un rôle important, il s’agissait de calmer l’agitation libérale.
En effet les nouveaux principes sont les principes libéraux, le libéralisme politique qui demande des libertés à la fois individuelles mais aussi pour les nations. Le libéralisme a une formule politique disponible pour régler le problème, ce que nous appelons la représentation nationale. Les théoriciens libéraux estiment qu’il faut que le plus grand nombre ait la parole, que le plus grand nombre puisse décider, et donc pour cela il faut se faire représenter par des députés et que ces députés prennent des décisions collectives. C’est le principe contraire de la monarchie absolue. L’agitation que l’on va observer dans le reste de l’Europe est surtout une agitation libérale.
C. Les craquements de 1830
Ce 19e siècle est marqué par une série de révolutions qui touche la France mais aussi une partie de l’Europe.
C’est d’abord l’indépendance de la Grèce. C’était en 1830 une province de l’empire ottoman. Il y a eu une première proclamation d’indépendance en 1822 puis des divisions entre les insurgés grecs pour éviter d’aller plus loin. Les facteurs qui poussent la Grèce à aller l’indépendance :
- des éléments actifs à l’intérieur du territoire.
- Ce sont d’abord les membres du clergé (territoire de religion chrétienne orthodoxe) alors que l’empire ottoman est plutôt dominé par l’islam. Il y a donc une résistance culturelle presque logique dans cette partie du monde.
- Les commerçants actifs, au courant des autres activités de l’Europe, sont intéressé pour participer à ce mouvement.
- Des insurgés plus populaires, des paysans, que l’on va appeler les « bandits patriotes ». ils sont prêts à prendre les armes pour l’idée d’une Grèce indépendante
- Des facteurs externes,
- c’est-à-dire que cette « cause grec » comme on l’a appelé à l’époque intéresse beaucoup en France, en Angleterre, où se développe ce qu’on appellera un « philhellénisme ».
- c’est également une grande cause du mouvement romantique, et les romantiques s’enflamment pour la cause de l’indépendance grecque. Exemple, le poète britannique Byron combat en Grèce en 1824 contre les turcs. Le peintre français Delacroix peint un tableau qui va beaucoup contribuer à la popularisation de la cause grecque : Le massacre de Chio.
- Les anglais contrôlent la méditerranée et veulent en garder le contrôle. A l’issu d’une conférence, en 1830 la Grèce moderne devient indépendante
La révolution de 1830 en France marque de manière sensible l’évolution politique du pays. C’est la première fois qu’elle enregistre une révolution depuis les années de 1789. La révolution se fait contre Charles X, frère de Louis 18. Il est un roi ultra, nostalgique de l’Ancien Régime, sur le trône français depuis 6 ans. Il ne peut pas empêcher une certaine évolution libérale. La chambre est plutôt dominée par des libéraux. Charles X se heurte à l’opposition de cette chambre libérale et essaye de s’en débarrasser, mais c’est lui qui va devoir partir.
C’est le début de la conquête de l’Algérie, pays qui relevait de l’empire ottoman. En 1825 un représentant français s’accroche avec le dey d’Alger et qui, excédé par son comportement, lui a donné un coup d’éventail. Ca sert de prétexte à Charles X pour déclencher la c7onquête. Une petite conquête coloniale renforcerait son prestige. En juillet 1830, le 26 précisément, Charles X dissout la chambre et fait publier un certain nombre d’ordonnances notamment concernant la presse. Une insurrection dure trois jours, « les trois glorieuses » 27, 28 et 29 juillet 1830. Le 9 août 1830 doit abdiquer. C’est l’autre famille, les Orléans, qui accède au pouvoir, avec Louis Philippe D’Orléans, bcp plus libéraux. C’est la monarchie de Juillet, en place jusqu’en 1848.
La révolution de 1830 fait l’effet d’un choc dans le reste de l’Europe, et on pourrait se croire à nouveau dans la période 1789-1792. L’indépendance de la Grèce précède la révolution de juillet 1830 mais cette dernière à des effets dans un certain nombre de pays voisins. La Belgique n’existait pas, mais les belges relevaient du royaume des Pays-Bas. Les belges francophones, (aujourd’hui les wallons) sont à l’écoute de ce qui se passait à Paris. D’une certaine manière par mimétisme cette minorité déclenche une insurrection à Bruxelles le 25 août 1830. Cette insurrection est très violente : quatre journées d’émeutes dans Bruxelles qui se terminent par une négociation contrainte avec le roi de Hollande. Le 4 octobre 1830, la Belgique devient indépendante avec une constitution qui garantie cette indépendance.
D’autres pays sont secoués par les effets de cette révolution de 1830 à Paris, surtout la Pologne. Elle est depuis le grand duché de Varsovie très à l’écoute de ce qui se passe en France. Elle se révolte le 29 novembre 1830 contre les russes.
Il faut noter enfin quelques troubles en Allemagne, en septembre 1830, et quelques troubles en Italie centrale et aussi quelques mouvements dans les Balkans du coté de la Serbie.
§II. La recomposition (1848-1871)
A. L’onde de choc de 1848
Il y a une deuxième grande révolution en France en 1848. L’Europe est verrouillée par de vieilles monarchies (Berlin, Rome, Saint-Pétersbourg) alors que les revendications nationales et libérales sont de plus en plus fortes (et ça va ensemble). Une nation ne peut s’exprimer dans un empire essentiellement qu’en se dotant de principes libéraux. Le renouveau national est ainsi assez fort en Hongrie, qui est essentiellement la partie est de l’empire autrichien. Les hongrois sont un peuple très différent des allemands, leur langue est différente, la plaine hongroise est distincte du reste du territoire, et ils ont une forte tradition nationale avant d’avoir été dominé par les autrichiens. C’est 11 millions de hongrois aspirent à ce qu’on les reconnaisse comme hongrois. La noblesse hongroise s’appelle les Boyards.
D’autre part en Europe un certain développement économique est en train de se faire, c’est-à-dire les premiers changements et les premières crises liées à la révolution industrielle. Dans la crise on cherche toujours de nouvelles solutions et justement de nouvelles solutions libérales et nationales. De plus en plus d’exemples montrent que c’est possible :
- la France, même si elle reste une monarchie
- la Grèce
- la Belgique
Un certain vent de libéralisme tend à encadrer l’Europe souterraine sous les vieilles monarchies. Les italiens sont particulièrement agités et ce qui met le feu aux poudres en Europe est la révolution de 1848 en France à nouveau. En 1848 en France, comme en 1830 de violentes manifestations, de barricades, des répressions, de la confrontation entre les ouvriers en arme et les soldats. Les plus grandes manifestations interviennent les 22 et 23 février 1848. Qu’est-ce qui motive cette insurrection ? Le raidissement du pouvoir de Louis Philippe de moins en moins libéral sur le plan politique et ne tolérant presque plus l’opposition libérale qui est en train de se développer.
La méthode à l’époque, puisqu’il y avait interdiction de réunion, était, pour les leaders libéraux, de se réunir autour de banquets ; le banquet est ainsi un prétexte à réunion. Une campagne des banquets se développe en France et sont autant de réunions politique cachées. Louis Philippe prend peur et interdit ces banquets. Il renvoie le chef du gouvernement, Guizot, qui avait autorisé ces banquets, et c’est cette interdiction qui met le feu aux poudres et déclenche l’émeute républicaine du 24 février. 52 morts à Paris. Lamartine est parmi ceux qui proclament la république et un gouvernement provisoire. La seconde république française est proclamée, et son écho est très fort en Europe.
Les répercussions de cette proclamation de la république en Europe vont être décisives. L’information circule à sa propre vitesse, c’est-à-dire celle des courriers à cheval. A peu près 2 ou 3 semaines plus tard, c’est la capitale de Vienne qui est en émeute le 13 mars. Le vieux Metternich qui dominait de sa personnalité est obligé de démissionner. La révolution de février en France a pour conséquence la révolution de mars en Autriche et la domination de Metternich elle même, personnage important dans le paysage allemand entraîne une série de révolution et touche la Hongrie, la Prusse avec Berlin et une semaine après Vienne bientôt l’Italie.
En Allemagne, les libéraux sont quasiment au pouvoir, ils font élire un parlement au suffrage universel au printemps et qui se réuni le 18 mai à Francfort, prend des initiatives aux conséquence importantes pour la suite. 580 députés sont réunis autour d’une question qui est précisément celle de l’Allemagne et de la nation allemande. Le débat qui hante l’Allemagne jusqu’à aujourd’hui est de savoir quel peut être le format de l’Allemagne, où il y a une population assez nombreuse qui parle allemand. Quelle est l’Allemagne que l’on peut faire ? Deux écoles discutent :
- celle dite de la « petite Allemagne » qui prévoit ou qui aimerait réunir sous le même drapeau le pays allemand, Autriche non comprise
- ceux qui estiment qu’il faut réunir tous les gens de langue allemande sous le même drapeau, ils sont partisans de la « grande Allemagne »
Le roi de Prusse s’engage en faveur d’une petite Allemagne par les recommandations des députés.
B. Les pressions nationales et les nouveaux enjeux
La pression des nations ou de l’idée de nation est en effet extrêmement vive dans toute l’Europe, et cela ne se fait que s’amplifier à l’intérieur et à l’extérieur des empires.
A l’intérieur des empires autrichiens, Vienne est de plus en plus confrontée à la diversité nationale, et il faut préciser que l’empire d’Autriche est un empire pluri national. Beaucoup des peuples se satisfont de moins en moins de la tutelle autrichienne, dont l’empire rassemble près de 35M habitants. Des histoires différentes se croisent, ainsi que des religions différentes. Le gouvernement de l’empire est une opération complexe et compliquée et malgré une certaine égalité des langues le compte n’est pas là entre les différentes composantes de l’empire.
L’ensemble de la péninsule balkanique est dominé par l’empire ottoman sauf la Grèce depuis 1830. L’empire ottoman, il y a beaucoup de peuples non turcs, non allemands, qui veulent relâcher la pression sur eux : slaves, bulgares, serbes. Cette pression des nations dans les Balkans crée des difficultés croissantes entre l’empire ottoman à l’est et l’empire autrichien au nord-ouest. Ces petites nations sont en gros prises en sandwich.
D’autre part, les aspirations de la Russie et des peuples qui sont autour de la Russie. D’une part la Russie est confrontée au réveil des nations qui sont à l’intérieur de l’empire (on dira par la suite que la Russie était « la prison des peuples »). Aspiration d’un certain nombre de nations dans la périphérie à l’indépendance. La Russie a ses intérêts stratégiques en particulier dans les Balkans : en effet la Russie n’a que peu de fenêtres maritimes : au nord la mer baltique et au sud la mer noire, mais toutes deux sont verrouillées par des détroits (Copenhague au nord, Constantinople au sud), et donc la politique extérieure de la Russie a toujours été de veiller à ce que ces fenêtres vers l’extérieur restent constamment ouverte et que personne ne puisse les fermer, ce qui veut dire une politique très actives dans les détroits. Le consul russe à Constantinople est très actif par exemple. Les ambitions russes également concernent en Palestine les fameux lieux saints.
Pas mal de nations aimeraient se voir indépendantes et croisent les intérêts des empires de façon contradictoires.
A cela il faut ajouter la politique française et en particulier la politique de l’empereur Napoléon III qui vient au pouvoir après 1848. Il est dans la droite ligne de Napoléon Ier et il encourage autant qu’il peut les nations. Napoléon III est l’ami des nations, et donc l’ennemi des têtes couronnées. C’est dans ce contexte qu’est créée la Roumanie, dont on a dit qu’il était partiellement dans l’empire d’Autriche. La Roumanie est une ancienne marche de l’empire romain. Napoléon III s’engage en faveur de la Roumanie jusqu’à conduire une guerre contre la Russie (guerre de Crimée), avec en particulier la ville de Sébastopol. On retrouve les ambitions françaises. La guerre[1] dure 2 ans pratiquement entre 1854 et 1856, les enjeux sont régionaux et concernent la Roumanie. La guerre de Crimée se termine par un congrès international à Paris, sorte de revanche du congrès de vienne.
Dans la partie centrale, c’est l’Autriche qui domine l’ensemble de ces territoires. Les autrichiens possèdent l’énorme empire d’Autriche, les pays allemand au nord et dominent aussi la péninsule italienne. Il y a eu des craquements en 1830 et d’autres plus importants en 1848. Lorsque le verrou Metternich saute, tout le monde se réjouit et l’ensemble de l’Europe centrale en vit les conséquences.
Structure plurinationale (à défaut d’être multinationale), les 35 millions d’habitants parlent des langues différentes. L’administration de l’empire d’Autriche se veut relativement égalitaire sur le plan culturel. Une partie est allemande, il y a des tchèques, des slovaques.
Il faut noter aussi le déclin de l’empire ottoman. C’est précisément par les Balkans que l’empire ottoman va reculer et bientôt d’une certaine manière disparaître.
Les ambitions russes sont à la fois des ambitions sur les populations slaves mais dans les Balkans et au sud est, les bulgares sont aussi des slaves. Mouvement trans-slaviste, idée assez forte, dans les Balkans.
Napoléon III, neveu du précédent, entretien la flamme bonapartiste en France et lors de la révolution de 1848 il se présente aux élections prévues pour élire un Président de la République. La République se dote d’une constitution et pour la première fois on élit le président au suffrage universel. Louis-Napoléon Bonaparte se présente et c’est lui qui est élu à une large majorité (en effet la France est rural et le courant républicain s’était développé dans les villes). Les campagnes ont voté pour le nom de Bonaparte. Bonaparte avait un mandat de 4 ans non renouvelable. Il a tout fait une fois président pour modifier la constitution, et il a fait un coup d’Etat en 1851 et en 1852 il s’est fait sacrer empereur à son tour, reprenant la tradition bonapartiste.
Napoléon III se veut fidèle à l’héritage de l’empire donc à l’idéal de Révolution française, et il développe une politique intéressante/audacieuse dans pas mal de domaine et aussi dans les relations internationales. Il se fait le défenseur des nationalités en Europe. Deuxième cas qui explique l’apparition de cette Europe des nations.
La Roumanie à l’époque. Il existait deux principautés : la Moldavie, et la Valachie. Les deux étaient assez vulnérables face aux grandes puissances qui étaient à côté.Napoléon II va les aider. L’empire romain n’avait jamais été au-delà du Danube, et le mot « Roumanie » avait disparu. Quelques autres roumains sont en Transylvanie, c’est-à-dire à l’intérieur de la Hongrie. Ces principautés de Moldavie et Valachie sont au milieu et une guerre franco-russe se développe : la guerre de Crimée. Les russes avaient un gros problème avec les lieux saints (Jérusalem) et à l’origine c’était les français qui en avaient la protection. La guerre de Crimée est restée célèbre pour plusieurs raisons (Sébastopol, Alma). La France s’impose dans cette guerre entre 1854 et 1856, non sans difficulté. Pour en sortir et régler le problème des provinces danubiennes, Napoléon III convoque le congrès de Paris.
C’est le premier grand congrès depuis le congrès de Vienne de 1815, el Congrès de Paris, et il marque un retour visible, appuyé, de la France sur la scène internationale ; il se déroule du 23 février au 16 avril 1856, dans la foulée de la guerre de Crimée. Napoléon III vient de faire aménager le Quai d’Orsay, en 1856 le congrès de Paris se tient au quai d’Orsay. Participent à ce congrès : Angleterre, Russie, Autriche, Turquie, et aussi le royaume de Piémont Sardaigne.
Le traité de Paris, signé le 30 mars 1856, qui conclu ce congrès débouche sur des résultats à premières vue pas aussi spectaculaire que le congrès de vienne. L’empire ottoman voit son intégrité territoriale garantie, car l’Autriche ne voulait pas se mettre mal avec son voisin ottoman. Les provinces danubiennes sont autonomes et on parle pour la première fois d’une Roumanie. Elle réunit les deux principautés de Moldavie et Valachie sur la rive Nord du Danube. C’est à ce congrès de Paris également que Cabour, premier ministre de Sardaigne, parle pour la première fois aussi de l’unité italienne.
C. La puissance autrichienne en question
Elle est en question à la fois dehors et dedans.
Dehors, à la fois au nord (coté allemand) et au sud (coté italien). A l’intérieur même de l’empire, du coté en particulier de la Hongrie.
On est dans la période de l’empire de Napoléon III et apparaissent l’unification italienne et l’unification allemande. Ces deux unifications ont des points communs : on a le sentiment national très fort dans les deux cas, et dans les deux cas un Etat (piémont en Italie, Prusse en Allemagne) qui est leader dans cette unification. On a aussi des acteurs extérieurs, comme l’Autriche contre qui se fait cette unification, et aussi comme la France qui éventuellement soutiennent cette unification (plutôt vers l’Italie que l’Allemagne).
Avec l’Italie, elle avait de nouvelles frontières au congrès de vienne mais cela ne satisfaisait pas les italiens du nord, plus dynamique, où se développent une bourgeoisie industrielle et une aristocratie foncière qui n’aime pas beaucoup les autrichiens. Il y a de quoi fonder une fierté nationale. Tous les italiens parlent la même langue essentiellement, même s’il y a des différences entre nord, centre, et sud. on partage la même antipathie pour l’autrichien, en particulier au nord. Du coup on va avoir un mouvement progressif d’éveil national en Italie qui passe d’ailleurs par un certain nombre d’opération culturelle, voire artistique : utilisation de l’opéra (Verdi est l’exemple même de cette dimension culturelle du nationalisme italien). D’ailleurs, les lettres VERDI = Victor Emmanuel Roi d’Italie.
Le pays candidat à l’unification de l’Italie est le royaume de Piémont Sardaigne. C’est un Etat qui d’une part à l’ouest touche aux alpes (Turin est la capitale du Piémont), c’est une région active et dynamique sur le plan économique : elle touche la France, et elle a des relations commerciales privilégiées avec l’Europe rhénane. Le Piémont affiche des idées très libérales : c’est une monarchie constitutionnelle. Sur le plan économique, libérale aussi : les premières initiatives commencent à apparaître et feront de l’Italie un pays industriel par la suite. A coté de ce territoire, la présence de la Sardaigne.
Cabour, premier ministre de ce royaume de Piémont, du roi Victor Emmanuel II. Cabour est né en 1810 et meurt en 1861. Le piémont est proche de la France et a comme adversaire potentiel l’Autriche. C’est donc presque naturellement que le piémont se tourne envers la France pour l’aider à réaliser des ambitions nationales, c’est-à-dire propulser à la fois l’idée et la matérialité d’une unité italienne. Ce soutien français contre les autrichiens est négocié par Napoléon III, c’est ce qui se passe à l’entrevue de Plombières (1858) (ville d’eau des Vosges) : Cabour y rencontre Napoléon III. On échange le soutien militaire français dans un conflit possible contre l’Autriche et en échange la France obtient des territoires que va lui laisser le Piémont. C’est pour cette raison que la Savoie devient française et que le comté de Nice devient également français. Napoléon III va entrer en campagne en Italie du nord, en 1859.
Dès 1859 Napoléon III, comme son oncle, engage une campagne d’Italie. Il se déplace avec ses troupes en Italie du nord où naturellement l’armée autrichienne s’interpose au bout d’un certain temps. Une bataille s’annonce, la bataille de Solferino, et cette bataille est gagnée par Napoléon III et les troupes piémontaises. Apparition de la Croix Rouge pour soigner les blessés de guerre. La bataille donne la possibilité au Piémont de se débarrasser de la tutelle autrichienne qui de ce fait ne peut que renoncer à une partie de son influence en Italie. La France est d’accord avec Cabour et Victor Emmanuel II pour que Turin entreprenne l’annexion de l’Italie centrale.
Napoléon III a pourtant un petit souci avec le pape, lequel a ses propres Etats. La France étant catholique, on ne gouverne pas la France sans un minimum de bénédiction du pape. Napoléon III dit d’accord au Piémont mais s’empresse d’envoyer une division militaire à Rome pour protéger le pape d’éventuels débordements. Là-dessus l’unification italienne se complique un peu en ce sens qu’à côté de ces forces traditionnelles que sont le Piémont, Cabour etc., un groupe de révolutionnaire mené par Garibaldi lance lui même une expédition vers l’Italie avec le même objectif : libération, révolution. Les deux finissent par s’entendre, c’est fait dans une entrevue le 4 mars 1861 dans le centre de l’Italie après que Victor Emmanuel II a rencontré Garibaldi : un royaume d’Italie est proclamé. Celui-ci ne comprend pas les Etats du pape mais toute l’Italie du nord et ce qu’était l’ancien royaume de Naples (c’est-à-dire les deux Siciles). Neuf ans plus tard, l’Italie annexe Rome (vers 1870-1871).un enouvelle bataille en venecie contre les autrichiens (sadova)pour nles posuser na lacher prise.
En Allemagne au même moment. Le contexte est à la fois le même et différent. On parle allemand, on est dans l’Europe du nord. Une autre particularité c’est que l’Etat qui est candidat à faire l’unité allemande apparaît plus puissant que l’Etat piémontais : c’est la Prusse. Elle apparaît en deux ensembles territoriaux au nord de la Prusse (dont la Ruhr). En 1815 s’était constitué dans le nord de cette Autriche une confédération germanique qui était conjointement dominé par Berlin et par Vienne (Prusse et Autriche donc). Les allemands, à qui l’empire napoléonien avait donné quelques idées, mettent un premier pas dans l’unification de l’Allemagne. L’idée est de créer une zone de libre échange entre les Etats allemands (Zollverein) qui regroupe 25 Etats à partir de 1835 et environ 26 millions d’habitants. L’Allemagne du sud n’adhère pas à cette idée de Zollverein et à une possible unification de l’Allemagne, en particulier la Bavière (catholique) se sent plus proche de l’Autriche. En 1848 se pose la question de faire un Etat allemand avec cette ligne de fracture entre nord et sud (opposition entre grande Allemagne et petite Allemagne, voire plus haut).
L’homme qu’il faut connaître pour l’Allemagne est Otto von Bismarck, né en 1815 et meurt en 1898. Il est très pro prussien, fils de militaire, gentilhomme campagnard. Aristocrate, il est aussi – comme c’est souvent le cas à l’époque – diplomate : ambassadeur à Saint-Pétersbourg, et un peu après ambassadeur à Paris. Il est ensuite le chef du gouvernement (le chancelier) prussien sous un empereur : Guillaume Ier, lequel règne entre 1862 et 1888. L’homme de l’unification allemande est Bismarck. Il passe là aussi par un conflit avec l’Autriche. Cette Allemagne du nord déjà organisée par le Zollverein entre en guerre contre l’Autriche en 1866, cette fois les français ne sont pas dans le coup. Les prussiens gagnent une victoire décisive, rapide (bataille de Sadowa). En 1866, l’unité allemande fait un premier pas avec la création de la confédération d’Allemagne du nord et sans le sud toujours et en particulier sans la Bavière.
Non seulement la France ne participe pas mais elle va servir d’épouvantail pour parracher l’unité allemande. Après une sombre histoire de succession en Espagne, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse et perd à Sedan : les troupes françaises se trouvent encerclées et l’empereur doit se rendre à l’armée prussienne. Le prestige que Napoléon III avait voulu donner à la France du second empire tombe d’un coup. La France du nord est occupée militairement, Paris est encerclé (naissance de la commune de Paris, 3eme épisode révolutionnaire du 19e siècle). L’empire disparaît, la troisième République va être construite, mais en attendant l’unification allemande se fait car dans cette adversité qui oppose l’Allemagne et la France construite par Bismarck, les Etats du sud enfin se rangent sous la bannière de Berlin. Deux territoires français sont annexés (Alsace Lorraine) et ces deux territoires ne vont pas être intégré allemand où à un autre mais vont être déclaré « terre d’empire », c’est-à-dire qu’ils appartiennent à tout le monde. La proclamation de l’empire allemand se fait à Versailles par Guillaume 1er et Bismarck. La paix de Francfort établi la suite des relations entre la France et l’Allemagne unifiée.
L’Allemagne et l’Italie se débarrassent du joug autrichien en s’unifiant. Quid de l’Autriche ? elle est minée aussi par des problème de ce type et en particulier entre la partie ouest dominée par l’Autriche proprement dite et la partie est dominée par la hongrie. Les hongrois se sentent poussé par ce que font les italiens et les allemands. C’est ce qui se fait partiellement avec l’établissement d’une « double monarchie » austro-hongroise après 1867 (naissance de l’empire d’Autriche-hongrie), la coupure se fait autour d’un cours d’eau : Leithanie. On distingue donc une Cisleithanie à l’ouest et de l’autre côté une transleithanie. En gros la Cisleithanie est la partie autrichienne, la Transleithanie est la partie hongroise. Les deux se partagent les autres minorités. En Cisleithanie : 33% d’autrichiens, 22% de tchèques, 15% de polonais, 12% d’ukrainien, etc. Ensemble plurinational donc. En Transleithanie, nette majorité de hongrois : 54%, 17% de roumains, et notamment des slovaques qui sont 11%, etc.
L’empire austro-hongrois est une sorte de fédération. Les hongrois comme les autrichiens ont une sorte d’autonomie interne, c’est-à-dire un parlement. Ils élisent les députés et tout ce qui relève de l’intérieur dépend de ce parlement. La Cisleithanie et la Transleithanie partagent le même pouvoir central qui est entre les mains de l’empereur François-Joseph. La politique extérieure en particulier et la conduite générale de l’Etat reste entre les mains de vienne, c’est-à-dire aux mains de la dynastie des Habsbourg.
Cette partie centrale de l’Europe dominée par l’Autriche ne l’est plus et même l’empire d’Autriche à du se scinder en deux.
§III. Le nouvel équilibre européen (1871-1914)
A. Les facteurs de tension et d’équilibre
C’est d’abord l’apparition de nouveaux États en particulier dans les Balkans. 1877 : reconnaissance d’une indépendance totale de la Serbie. C’est une vieille principauté médiévale longtemps ballottée entre l’Autriche, la Turquie, et qui en particulier garde intacte dans sa mémoire collective la bataille du Kosovo que les serbes perdent en 1389. La Serbie doit prêter allégeance à des nations plus puissantes, elle est également secouée par d’importantes querelles dynastiques : deux familles régnantes qui ne s’apprécient pas beaucoup – c’est peu dire – alternent au pouvoir. La première constitution est rédigée en 1839. A partir de là il y aura plusieurs autres constitutions jusqu’à celle de 1901 qui apparaîtra comme plus définitive. La Serbie suit de très près ce qui se passe en Europe occidentale et en particulier en France. En 1844 la Serbie adopte le Code Civil. La Serbie tente de se rapprocher de la France (Napoléon III, l’homme des nationalités), qui effectivement compte pas mal d’amis dans cette partie de l’Europe : Roumains, Serbes. La Serbie a des ambitions irrédentistes (rassembler des territoires proches qu’il estime être sien).
Un petit État apparaît aussi : la Bosnie-Herzégovine. C’est un lieu important dans la mesure où c’est en partie autour de ce territoire que la Première Guerre Mondiale va se dérouler. Sa capitale est Sarajevo, et est turc jusqu’en 1878. Ce tournant de 1878 marque le congrès de Berlin. En particulier les serbes se soulèvent contre les turcs en 1875 et se prépare une nouvelle Europe des Balkans, une nouvelle redistribution politique dans cette partie de l’Europe.
Le grand moment diplomatique sera le congrès de Berlin qui se réunit en 1878. Le congrès de Berlin dure un mois entre le 13 juin et le 13 juillet 1878, sous la présidence de Bismarck. Pourquoi est ce que le congrès de Berlin avait été convoqué ? pour mettre de l’ordre dans un certain nombre d’arrangements, petits traités, qui avaient été conclus dans la région entre la Turquie et la Russie en particulier, lesquels avaient donné un certain nombre d’avantages aux slaves des Balkans et qui avait donné l’île de chypre à l’Angleterre. On retrouve les mêmes grands pays du précédent congrès : Angleterre, Empire Ottoman, Italie, Allemagne, Russie, etc. L’indépendance de quelques pays est reconnue officiellement : la Roumanie, la Serbie, le Monténégro, la Bulgarie et Bosnie Herzegovine. L’Autriche-Hongrie obtient d’occuper à titre provisoire un petit passage qui relie la Bosnie Herzégovine aux territoires de l’est. Ce petit territoire est appelé le Novibazar, qui s’intercale entre Serbie et monténégro. L’Autriche l’occupe jusqu’en 1908 date à laquelle elle décide de l’annexer. C’est un des éléments qui fait monter les tensions dans cette partie des Balkans. Accessoirement le congrès de Berlin reconnaît toujours à la France la protection des lieux saints et à l’Angleterre l’île de Chypre qui devient officiellement britannique le 4 juin 1878.
Ce nouvel équilibre européen est accepté.
B. Les lézardes de l’empire austro hongrois
En 1848 l’empereur François-Joseph monte sur le trône jusqu’en 1907. 1897 : assassinat de sa femme. François-Joseph apparaît comme un frein à l’évolution de l’empire austro-hongrois. Il doit faire face à la montée du nationalisme. Deux questions se pose à l’Autriche et à François-Joseph :
- la question tchécoslovaque
- la question yougoslave.
Les yougoslaves, se développe une idée yougoslave, idée particulièrement développée en serbie, menaçant l’Autriche. Si la Croatie rejoint la Serbie dans la Yougoslavie, cela veut dire qu’elle se détache de l’Autriche.
La question tchécoslovaque ce sont les pays au nord de l’Autriche-Hongrie : les tchèques relevant de l’Autriche et les slovaques relevant de la partie hongroise. Il y a certaines similitudes entre eux sauf que les tchèques sont en pleine modernisation. Les tchèques autour de Prague : l’industrialisation commence ; la Slovaquie reste beaucoup plus rurale. Les slovaques autour de gens comme Masaryk et plus tard Benes (qui a vécu de 1884 à 1948).
Quel est le problème entre tchèque, hongrois, slovaques et yougoslave ? Ils veulent un empire. On étudie l’idée d’un empire à trois. La question yougoslave sera au cœur même du déclenchement de la guerre : réunir tous les slaves du sud dans un même Etat, or il y en a dans l’empire (les croates, les serbes qui sont un État indépendant). Si on fait une Yougoslavie c’est donc un démembrement de l’empire. Il y a donc l’idée d’une fédération à 3 ou à 4.
C. Les nations périphériques
Idée nationale se développe. Elle se développe en Pologne, elle ne cherche qu’à s’exprimer.
Il faut signaler le cas de quelques pays de cette zone externe à l’Europe et qui sont sensibles à ces évolutions nationales libérales décrites.
C’est d’une part en Scandinavie. La Norvège, c’est-à-dire la partie ouest de la péninsule, qui devient petit à petit autonome et même indépendante en 1905 a l’amiable.
L’Irlande traverse autour de 1846-1848 une très grave crise économique et une famine terrible qui pousse une partie des irlandais à l’immigration (vers les États-Unis). Cette crise économique qui casse le développement irlandais va entraîner en Irlande la revendication d’une autonomie interne vis-à-vis de Londres. Il faudra longtemps pour que celle-ci soit reconnue et qu’un Etat irlandais existe.
La question de la Pologne, est toujours partagée en trois domination : les autrichiens au sud (Cracovie), à l’est (Varsovie) et au nord (Dantzig).
Conclusion
Cette confrontation a laquelle on assiste tout au long du siècle entre les anciens principes et les nouveaux principes est en faveur des nouveaux principes.
Chapitre 3. Les nouveaux rapports de force (XIXe siècle)
Section 1. L’expansion européenne
Se déroule en même temps que les événements précédents
§I. Les conditions
A. Les facteurs techniques et économiques
Ce sont les plus familiers sans doute. Il y a d’abord les révolutions industrielles au 19e et qui pour dire les choses simplement correspondent à la naissance de la grande industrie. Rappelons à cet égard qu’on distingue deux révolutions industrielles :
- une première fondée sur l’industrie textile, la machine à vapeur, l’usage du charbon comme source d’énergie, la production de l’acier, le chemin de fer, etc. Témoin de cette révolution industrielle : la tour Eiffel construite en 1889
- c’est celle du pétrole qui apparaît à l’extrême fin du 19e siècle, de l’automobile qui utilise bien sur le pétrole comme carburant avec l’invention du moteur à explosion, et bien sur l’avion. Tout cela est au tournant du siècle donc un peu tardif par rapport aux éléments
Ces révolutions entretiennent une dynamique interne et aussi une dynamique externe, car pour faire tourner une grande industrie il faut des matières premières (coton pour le textile), il faut des marchés, c’est-à-dire des lieux des populations susceptibles d’acquérir les produits que l’on fabrique. Tout cela se fait dans une dynamique cohérente, dans une logique que l’on retrouve dans le chemin de fer. Il est peut être l’élément qui est central dans cette révolution industrielle, en ce sens qu’il nécessite beaucoup d’acier pour les rails et les produits et que son existence même entraîne des conséquence tout a fait importante dans la géographie des pays industriels.
Révolution des transports donc accompagnant les révolutions industrielles. Ça touche aussi les transports maritimes : en gros jusqu’aux années 1860, la navigation à voile domine mais demeure très aléatoire. Les choses vont changer avec l’invention de la machine à vapeur et l’invention de l’hélice, ce qui fait que les communications sont infiniment plus rapides, plus sures, notamment en terme de calendrier. Un courrier entre le Royaume-Uni et l’inde qui pouvait prendre jusqu’à 2 ou 3 ans aller/retour ne prend plus que 2 ou 3 mois.
Ce faisant ces nouveaux moyens de transports nécessitent une source d’énergie qui est le charbon et nécessite des ports un peu partout dans le monde. C’est cette recherche de ports qui va conduire aux premières implantations coloniales. Pour l’Asie on pense à Hong-Kong en 1842 ou à Saigon en 1858. On ajoute à cela l’ouverture de canaux internationaux qui accélèrent encore la circulation : 1869, ouverture du canal de suez. Précisons qu’aux Etats-Unis le premier chemin de fer transcontinental New York – San Francisco est également ouvert en 1869. Nous sommes à un tournant dans une première mondialisation qui va permettre cette expansion européenne.
Le décollage en terme économique des pays européens alimente bien sur cette extension européenne : accumulation de richesse, augmentation du niveau de vie. Par exemple entre les années 1850 et la veille de la Première Guerre Mondiale, l’indice du salaire réel sur une base 100 passe de 59 à 105. Il y a donc une différence très sensible, presque vertigineuse, entre l’évolution de la situation en Europe et le reste du monde. Bien sur le décollage est inégal, c’est l’Europe du nord ouest qui est la plus dynamique, la plus avantagée : Angleterre, Benelux, France du nord.
B. Le facteur démographique
L’Europe est en pleine transition démographique. L’ancien régime démographique se caractérise par une forte mortalité mais aussi une très forte natalité : beaucoup de naissance et beaucoup de décès en particulier en bas age. Le nouveau régime démographique se caractérise lui par un taux de mortalité beaucoup plus faible et une natalité également plus faible. Entre ces deux régimes démographiques, il y a la transition démographique, un moment qui pour la plupart des pays européens se situe dans la seconde moitié du 19e et qui est caractérisée à la fois par une baisse de la mortalité et par un maintien assez durable des fortes natalités, c’est-à-dire qu’il y a toujours beaucoup d’enfants par famille mais ces enfants vivent. C’est la grande différence avec avant. En conséquence, la population augmente de manière très spectaculaire. Quelques chiffres. Dans la France de 1789, il y a environ 936 000 décès dans l’année. Aujourd’hui avec une population trois fois plus nombreuse nous n’avons plus que 500 000 décès. Dans la France de 1789 on connaissait environ 1 million de naissance. Aujourd’hui pour une population trois fois plus nombreuse, on en enregistre à peu près 700 000. La population européenne pèse de plus en plus dans la population mondiale. Elle passe d’environ 20,6% en 1800 à 24,9% en 1900. On a donc une croissance relative importante de la population européenne.
Les rythmes ne sont pas les mêmes selon les populations européennes concernées. Ceux qui entrent les premiers dans la transition démographique sont les pays d’Europe du nord. L’Angleterre au XIXe siècle voit sa population multipliée par de 2,5, c’est-à-dire qu’elle a fait plus que doubler. L’Allemagne également est dans la même dynamique. Ensuite dans un deuxième temps l’Europe du sud, c’est-à-dire l’Italie, l’Espagne, dont la croissance est également réelle mais plus tardive. Entre les deux il y a la France qui, s’est un problème historique, connaît une croissance relativement faible comme si son élan démographique avait été brisé au début du XIXe siècle. La population se multiplie par 1,5 dans la même période.
Ce surcroît de population entraîne des déplacements de population, qui se combinent avec la croissance économique. A l’intérieur du pays, cela signifie exode rural, départ de jeunes paysans sans emploi vers des régions minières, industrielle ; développement des villes. A l’extérieur cela correspond à des départs comme s’il y avait un trop plein de population en Europe. C’est particulièrement vrai dans les îles britanniques dont on a dit la précocité de la révolution démographique. Ceci entraîne également des inégalités sociales très forte, ajoutons à cela la crise irlandaise à la veille de 1848. Beaucoup d’anglais et d’irlandais partent, encouragés souvent par leurs gouvernements, et c’est ainsi qu’est peuplée l’Amérique du nord, où les Etats-Unis qui existent déjà accueillent ces populations par millions. Chaque année au tournant du siècle il y avait 1 à 2 millions d’immigrants aux Etats-Unis. Pour faire court, aujourd’hui l’Europe se pose des problèmes d’immigration, à l’époque c’est elle qui envoyait des populations. A la différence d’aujourd’hui il y avait une terre d’accueil.
Cette population européenne va vers l’Amérique du nord, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Argentine, et donc ajoute à cette expansion européenne une expansion des hommes, de la population européenne dans certains pays qui deviennent des populations européennes.
C. La volonté politique : le cas de la France
C’est comme si Les rapports de force qui existent en Europe à la même époque s’exportaient dans le monde. C’est justement un peu le cas avec la France. Le positionnement de la France en Europe a beaucoup souffert des guerres napoléoniennes. Et la rivalité, on le sait, est ancienne avec l’Angleterre. Et donc une bonne partie de la volonté française de conquête coloniale, c’est surtout un souci de ne pas laisser le monde à l’Angleterre. Il y a concurrence, compétition, en Afrique et en Asie en particulier. Nous verrons que cela produit parfois des crises qui plongent les deux pays parfois au bord de la guerre.
Après 1870, il y a une concurrence nouvelle aussi avec l’Allemagne. La paix de Francfort qui détermine les conditions de l’après guerre est signée le 18 mai 1871, et la France en particulier doit à la Prusse (désormais appelée Allemagne puisque récemment unifiée) une indemnité de 5 milliards de francs. C’est la règle : le pays vaincu doit payer.
Pour retrouver la puissance face à l’Allemagne, on pouvait toujours essayer de faire une armée et de s’attaquer directement à l’Allemagne : cette idée avait ses partisans qui avaient les yeux fixés sur « la ligne bleue des Vosges ». D’autres avaient un calcul différent en pensant qu’on pouvait en imposer à l’Allemagne en développant un empire colonial, une expansion mondiale, c’est-à-dire développer une puissance quasi-planétaire.
La France avait déjà à cette date des positions non négligeables : les Antilles depuis le XVIe siècle (mais elles ne sont pas stratégiques si l’on peut dire), quelques têtes de pont en Algérie depuis 1830, une petite tête de pont au Sénégal (dans les années 1850) et également en Cochinchine (autour du port de Saigon en 1863). L’idée est de s’accrocher à ces points et aller plus loin dans les terres
Il n’en reste pas moins que cette conquête coloniale en France a été l’objet d’un débat constant : il y ceux qui sont partisans de cette expansion et ceux qui s’opposent. Il y a des pros et des anti-colonialistes. Cela produit des débats importants à l’assemblée nationale, en particulier en juillet 1885 quand s’oppose Jules Ferry et son adversaire Clemenceau qui lui s’oppose à cette conquête coloniale. C’est à l’occasion de ce débat en particulier du 28 juillet 1885 que Jules Ferry prononce un discours qui va rester comme une sorte de manifeste des partisans de la conquête coloniale. C’est un débat qui se déroule à propos d’une affaire du Tonkin (actuel nord du Vietnam). Ferry était président du conseil sortant, il ne l’est plus, et a donc la parole assez libre : il développe une argumentation en trois point pour justifier l’expansion :
- trouver des débouchés pour la population européenne
- il dit très clairement que l’Europe qui se construit une industrie a besoin de ressources et de débouchés, et on ne peut les trouver que dans le reste du monde
- et puis il y a un troisième argument qu’aujourd’hui il faut manier avec prudence : « les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures ». Le mot race était utilisé plutôt dans le sens culture à l’époque (car le nazisme est passé par là depuis). Race doit se traduire par « civilisation » : ceci manifeste un sentiment de supériorité tout a fait réel, qui est l’arrière plan de cette colonisation.
Cette colonisation a des groupes de pression, qui s’appelle le parti colonial : ce n’est pas un parti politique mais un ensemble de gens influents qui penchent en direction de la conquête coloniale et qui s’expriment à travers un certain nombre de comités : comité d’Asie française, comité d’Afrique française, etc. On est bien dans un esprit de conquête.
§II. Les étapes de l’expansion
A. Une histoire ancienne
D’une certaine manière l’expansion européenne est une affaire ancienne. Commençons par l’Asie, puisque c’est là que ça a commencé. L’Europe n’a pas attendu le 19e pour partir à la conquête du monde. Il y a depuis le 16e siècle en particulier toute une aventure maritime qui s’est développée à partir de l’Europe en direction des terres les plus lointaines. Cette aventure maritime a d’abord été le fait des espagnoles et des portugais, pionniers en la matière, et dont les premières navigations (à voile bien sur) ont permis la découverte de l’Amérique. Colomb voulait contourner l’empire musulman et a buté sur une terre inconnue). Contournement de l’Afrique : Magellan.
Assez rapidement un premier partage du monde dès la fin du XVe entre espagnols et portugais. L’arbitre était le pape ; en gros à l’ouest de l’atlantique il y a les espagnols, à l’est de l’atlantique les portugais. Ce partage était essentiellement non pas un partage total mais un partage des navigations. Mais les empires espagnols et portugais vont conduire une bonne partie de la population : toute l’Amérique du sud est espagnole (sauf le Brésil portugais), une partie de l’Afrique, et une partie de l’Asie. Quand les français et les anglais se sont éveillés à la conquête colo au 19e, ils n’étaient pas les premiers.
Français et anglais au 18e s’intéressent en particulier à l’Amérique du nord, c’est-à-dire Canada et les futurs Etats-Unis. Dès la fin du 18e siècle, le continent américain est organisé en États qui portent la marque de l’Europe, même si certains Etats se sont rebellés contre la puissance coloniale, c’est-à-dire l’Angleterre. C’est dans le contexte de l’expansion démographique que ces Etats se sont peuplés.
L’Angleterre s’intéressait aussi à l’Inde (tout comme la France d’ailleurs) : les deux se sont battues militairement pour le contrôle de ces territoires, c’est-à-dire le Canada et l’Inde. On pouvait considérer la guerre de libération américaine de la fin du XVIIIe siècle comme une des causes de la révolution française dans le sens où elle avait pesé sur le budget royal. 25 ans avant 1789, c’était achevée la guerre de 7 Ans opposant l’Angleterre et la France à la fois en Europe et dans le monde ; celle-ci s’achève en 1763 et sanctionne l’échec français en particulier en Inde. La France doit laisser toute l’Angleterre sauf 5 comptoirs, le plus important étant Pondichéry ; la France doit laisser le Canada à l’Angleterre, en laissant une population : celle qui peuple aujourd’hui le Québec. Elle laisse le contrôle de ces Etats à l’Angleterre.
Que reste-t-il de ces premiers empires ? Il reste des comptoirs en inde et des îles qui sont toujours d’ailleurs des territoires européens aujourd’hui, en particulier français : Réunion, Antilles et Guyane sont des traces de ces premiers empire. La France en revanche a dû abandonner la Louisiane en Amérique du Nord. C’était un territoire complètement libre qui était aux mains de la France, revendu pour une poignée de dollars aux États-Unis.
Des autres empires, si l’on quitte l’empire français et anglais, il ne reste pas grand-chose. L’empire espagnol correspond à des pays qui se sont rendus indépendants au début du 19e siècle. C’est une des conséquences indirectes des guerres napoléoniennes : en effet les français ont occupé l’Espagne et le Portugal pour faire respecter le blocus continental, moyennant quoi les différentes colonies espagnoles et portugaises d’Amérique Latine se sont retrouvées privées de métropole et ont commencé à prendre l’indépendance : elle le sont devenues très rapidement après.
Il reste quelques points d’appui à l’Espagne jusqu’en 1898. A cette date l’Espagne, à la faveur d’une courte guerre contre les Etats-Unis, perd ses différents appuis coloniaux : c’est une guerre dont l’objectif était d’abord Cuba, mais aussi Hawaii ou aussi les Philippines (du nom de Philippe II roi d’Espagne). Il reste des colonies portugaise sen Afrique (Angola, Mozambique) : ce seront les dernières à devenir indépendantes pratiquement, dans les années 1970.
B. L’attrait de l’Asie
Dans cet attrait de l’Asie, il y a d’abord l’Inde. Elle est toujours un objectif important en Angleterre, les anglais se sont convaincus assez vide que l’Inde regorgeait de richesse : le coton indien alimente la révolution industrielle en Angleterre mais se forme assez vite l’idée d’une inde fabuleuse, source de richesses fabuleuse, dans laquelle il faut être. Par ailleurs l’Inde apparaît comme une base d’expansion pour aller plus loin : c’est la route des détroits qui conduisent au Pacifique ou à la Chine, ou un vieux trafic d’opium existe depuis longtemps. Il crée pas mal de problème avec la chine.
Sur cette route entre l’Inde et la Chine, apparaît un milieu d’exploration ou l’on recherche les voies d’accès vers la Chine suspectée d’entretenir d’énormes richesses. C’est cet attrait pour la chine, au-delà de la création du port de Saigon, qui explique l’implantation française en Cochinchine. Il y a donc une sorte de course au territoire et à l’influence qui conduit vers la chine. Dès le 13e siècle, les voyages de Marco Polo avaient popularisé une image très attractive de cet empire chinois. On connaissait aussi la route de la soie, route caravanière, qui traverse le continent, court à travers l’Asie centrale pour rejoindre la méditerranée orientale. Les portugais sont passés par là et s’installent à Mackau (a coté de Hong-Kong) et c’est resté portugais jusqu’en 1999.
Les moyens dont les européens disposent leur permettent d’imposer une présence en Chine inégalée. La date à retenir est celle de 1842 : c’est à cette date que se déroule ce que l’on a appelé la guerre de l’opium, au cours de laquelle les anglais imposent, les armes à la main, l’ouverture de la chine au commerce à la chine.
C. La course à l’Afrique
Là aussi elle part de base relativement anciennes. Ces positions anciennes sont des positions littorales, c’est-à-dire côtières pour l’Afrique. Les européens ont abordé l’Afrique par la mer et les portugais, en particulier, connaissent bien le secteur et depuis longtemps (XVIe siècle). Ils arpentent les cotes africaines, lesquelles sont bien connues des portugais. L’intérieur de l’Afrique est plutôt connu par les voyageurs musulmans.
La présence de la France, quant à elle, est plus récente, mais elle s’appuie sur quelques points qui sont des grands points. En résumant chronologiquement les choses, il y a d’abord eu l’Égypte du Général Bonaparte qui n’est pas resté longtemps. L’expédition en Égypte qu’il avait conduite avait emmené pas mal de savants et en particulier Champollion. Plus important sans doute est l’Algérie où la France est implantée depuis 1830 et, qu’à partir de la cote, elle commence à s’implanter bien sûr dans l’intérieur. Enfin Dakar et le Sénégal où la France installe un comptoir en 1858. Les anglais enfin sont également présents en Afrique, et la colonie du cap au sud est anglaise et c’est le congrès de vienne de 1815 qui reconnaît la souveraineté anglais sur cette colonie.
A partir de ces points d’appuis, l’Afrique de la seconde moitié du 19e siècle est parcourue par de multiples expéditions (de ceux que l’on appelle les explorateurs, les missionnaires). « La ruée vers l’Afrique » se fait à la fin du XIXe siècle, de la côte vers l’intérieur : c’est à celui qui pourra accaparer une partie du continent. C’est une course entre les pays européens, en particulier la France et l’Angleterre. Et même lorsque l’Allemagne voudra se lancer à son tour dans la conquête coloniale elle trouvera tout de même en Afrique quelques espaces où satisfaire cette ambition. C’est à qui se taillera le maximum de territoires en Afrique.
Il y a tout un travail de cartographie et tout un arbitrage des conflits qui s’opère, non pas entre les pays européens et les royaumes africains (car ils existent bien sur) mais ils sont faibles d’un point de vue militaire, souvent ne connaissent pas l’écriture et ne peuvent pas tenir le choc de ces pays du nord. L’Afrique est donc un enjeu entre les pays européens.
§III. Le partage du monde
A. Des empires planétaires
Ce partage du monde concerne essentiellement l’Asie et l’Afrique. Pour les raisons que l’on a indiqué précédemment, il n’y a plus grand-chose à faire en Amérique. De ce coté là en effet il y a en Amérique du Nord les Etats-Unis bien sûr qui s’agrandissent, ou plutôt dont la frontière (frontière humaine) s’étend progressivement vers le Pacifique. Mais les Etats-Unis sont un Etat fédéral indépendant et il ne peut plus s’agir d’aucune conquête nouvelle européenne.
Au Canada. Celui-ci est sous domination absolue anglaise, et le Canada va s’organiser. Au départ c’est un certain nombre de colonies différentes : ces colonies vont s’unir en un seul ensemble en 1867, et c’est à ce moment là qu’apparaît le terme de dominium pour ces colonies anglaises, qui sont de peuplement européen. Dominium pourrait se traduire par « puissance ».
L’Amérique du sud, ou ce que l’on appelle globalement l’Amérique Latine (Amérique du sud + Amérique centrale) est composée d’États indépendants. Les européens y sont présents par le commerce sans doute, mais politiquement les Etats-Unis depuis longtemps ont essayé de faire comprendre et avec un certain succès aux européens que c’était leur zone d’influence : c’est en particulier la doctrine développée par le président Monroe en 1823 : « l’Amérique aux américains ».
Ces empires planétaires, car il s’agit de cela, se sont construit hors continent américains. Celui-ci, par sa population et son découpage politique d’origine européenne, c’est le reste de la planète.
L’empire le plus vaste est donc l’empire britannique, celui sur lequel le soleil ne se couche jamais. En effet il comprend des colonies situées en Asie, des colonies situées en Afrique, sans compter ce qui lui reste en Amérique. Rien que sur l’Asie, toute une bonne partie de l’Asie du Sud est anglaise : nous sommes à la veille de 1914. Le lien entre les différentes parties de l’empire est la mer.
D’un point de vue géopolitique cependant cet empire britannique est centré sur l’inde : l’océan indien est un peu un océan britannique : au nord il y a ses Indes qui, pour les anglais, sont le cœur de l’empire. Ils considèrent l’inde comme une des bases de leur puissance au 19e siècle. A l’ouest de l’Inde, l’Afrique orientale (de l’ouest) est essentiellement aussi colonisée par les anglais. A l’est c’est la Malaisie, et l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Ceci ne les empêche pas d’avoir d’autres possessions sur le continent américain.
L’empire français pour sa part est centré sur l’Afrique. Pourtant, l’Indochine française existe avec 5 pays : trois qui forment l’actuel Vietnam (au sud la Cochinchine, au centre l’Annam, et au nord le Tonkin) et puis deux autres qui sont le Laos et le Cambodge qui complètement le dispositif. En dehors de cet élément asiatique qui donne une dimension planétaire à l’empire, le gros est l’Afrique. Elle n’est pas, à la différence de ce que font les anglais, une colonie de peuplement, sauf partiellement l’Algérie.
L’Afrique se compose de deux territoires qui ont des statuts différents : les colonies et les protectorats. La colonie, pour dire les choses simplement, est un territoire qui est directement administré par la France, le territoire est considéré comme souveraineté française (c’était le cas en Asie de la Cochinchine, c’est le cas en Afrique de l’Algérie) : plus tard l’Algérie sera un département français. le protectorat fonctionne un peu autrement : est maintenu l’administration nationale, l’administration sortante (cas du Maroc et de la Tunisie) : elles gardent leur structure politique interne mais l’Etat est « protégé » par la France, c’est-à-dire que c’est la France qui s’occupe de la politique étrangère de ces pays et de leur défense, autant dire qu’ils sont effectivement dans l’empire mais ils gardent une autonomie de fonctionnement (la décolonisation de ces ays se fera de manière très différent selon qu’ils étaient colonie ou protectorat : dans les anciennes colo : guerre ; dans les anciens protectorats, ça c’est passé beaucoup plus simplement). Le débat est constant cependant en France pour savoir si ces colonies doivent être « assimilées » ou si l’on droit respecter les cultures des Etats de l’endroit.
Les autres empires, c’est notamment l’empire russe. Il est absolument gigantesque, continental, ils n’ont pas besoin de bateau pour aller d’un bout à l’autre de l’empire : de Moscou à Vladivostok, il faut une semaine de train quand on aura construit le transsibérien. C’est un empire continental qui n’en soumet pas moins des populations qui n’ont rien à voir avec les russes, comme les population d’Asie centrale, redevenues indépendantes depuis les années 1990. Dans le partage du monde, les frontières de ces empires sont toujours des lieux de tensions, et en particulier les frontières de l’empire russe touchent les frontières de l’empire britannique. Les russes et les anglais n’ont aucune frontières communes sauf dans leurs empires : cela fait l’objet de négociations et parfois de conflits militaire. Au sud de l’empire russe : un petit couloir qui permet un passage vers l’Afghanistan à la chine. Ce couloir évite les contacts directs et des sources de tension, de guerre tout simplement. Ce petit couloir est toujours une excroissance de l’Afghanistan vers la chine.
On ne parle plus pratiquement en 1898 de l’empire espagnol. L’empire portugais demeure, notamment en Afrique et un petit peu en Asie. Deux empires récents essaient de se constituer : l’empire allemand. Les allemands sont venus très tard à la colonisation mais là aussi c’est un lien avec l’histoire européenne. L’unification allemande est récente, c’est un fait après 1870, tout comme l’unification italienne elle aussi récente. Il n’est pas surprenant de trouver après 1870 des allemands et des italiens qui cherchent aussi à se tailler une part du gâteau. Les allemands obtiennent quelques territoires en Afrique (là ou il y a de la place), également aussi dans le pacifique (mais c’est pas commode pour eux). Les italiens s’intéressent à l’Éthiopie dans la corne de l’Afrique dont ils essaieront de faire la conquête (défaite d’Adoua le 1er mars 1896, seule défaite européenne). Ils vont aussi en Libye.
B. Le partage territorial
En Afrique, en Asie, principalement toujours. Vers 1895, il n’y a pratiquement aucun africain qui existerait de manière indépendante sauf l’Éthiopie qui vient d’imposer une défaite à l’armée italienne et qui résiste à la conquête italienne. Egalement un petit Etat, le Libéria, qui est en fait curieusement dirigé par les retours d’anciens esclaves américains. Il y a quelques liens avec les Etats-Unis, ils sont indépendants sans l’être complètement.
Sur cette carte de l’Afrique il faut savoir qu’il y a eu un partage négocié entre les 2 puissances coloniales du moment, c’est-à-dire la France et l’Angleterre. Ce partage franco-anglais de l’Afrique a été négocié en 1890. En gros, l’Afrique de l’ouest est à la France, tout comme le nord. Cela ne va pas sans conflit, comme l’affaire de Fachoda en 1898 (du coté des frontières de l’Egypte et du soudan actuel). Une équipe française s’installe dans une zone qui n’état pas réservée à la France. L’expédition anglaise de Kitchener est beaucoup plus puissante que la colonne française de Marchand. Les deux restent face à face, personne ne voulant céder le terrain à l’autre : moment de très grande tension qui a failli déboucher sur une guerre entre Londres et Paris. Le lieu pour lequel on a le plus discuté est pour le Congo. L’administration a été confiée au roi des Belges.
Partage territorial également en Asie du Sud. C’est un véritable carrefour des civilisations, et nous y retrouvons pratiquement toutes les puissances européennes sauf l’Allemagne qui est arrivée trop tard pour pouvoir faire quelque chose. Le Siam, actuelle Thaïlande, échappera à la colonisation sous le fait de deux facteurs : (1) un facteur international (tampon entre les empires anglais et français) et 2) la classe politique thaïlandaise a su habilement garder sa position et garder son indépendance.
Certains pays gardent une indépendance quand même mais sont partagés en zone d’influence. C’est par exemple le cas du Siam mais aussi le cas de la Chine. Elle figurait souvent comme un énorme gâteau.
- Un croisement d’influences économiques et financières
En quelques mots, indépendant du reste du monde, indépendant de la colonisation stricto sensu, l’expansion commerciale européenne est considérable. Il n’est plus question de traite d’esclave etc. : tout cela est oublié et surtout interdit. Mais le commerce mondial explose littéralement sur 50 ans entre eux les années 1830 et les années 1870. Ce commerce mondial est multiplié par 6, ce qui fait une croissance de près de 5% par an, ce qui est considérable. Toutes les grandes routes maritimes sont de plus en plus actives et là où il n’y a pas colonisation il y a concurrence commerciale, par exemple en Amérique du Sud, où les commerçants allemands et anglais sont en rivalités très forte. Un livre anglais stigmatise l’Allemagne : c’est le sens du livre Made in Germany, pour faire peur sur la montée en puissance de ce commerce allemand.
Sur la question des investissements, ils se font dans l’empire et en dehors de l’empire. Les anglais investissent beaucoup dans leur empire, les français non. Les capitaux anglais, français, allemands, se répartissent dans le reste du monde et en particulier par un moyen qui parait presque invisible : les emprunts d’Etat. Le monde entier se modernise, se couvre de chemins de fer, mais tout cela coûte très cher y compris pour l’empire russe qui est décalé par rapport à l’Angleterre et la France. Pour se moderniser, ces empires empruntent de l’argent aux banques européennes. Les pays européens sont dans le coup : c’est eux qui autorisent ces placements d’emprunts d’Etat sur leurs places boursières : la bourse de Londres, Berlin, Paris, est très recherchée. Le Maroc aussi développe beaucoup d’emprunts. Bien souvent c’est par le biais de ces emprunts que l’Europe va plus loin dans sa domination du monde. Un pays comme la Chine emprunte, donc elle a du mal à rembourser ses intérêts, donc on lui prête de l’argent pour qu’elle rembourse ses intérêts. Cercle vicieux.
Ci-dessous la couverture du Petit Journal « la France va pouvoir apporter librement au Maroc la civilisation; la richesse et la paix ».
Il y a un décalage fantastique entre la puissance d’un coté et la misère de l’autre. Bientôt l’Europe va s’embraser, ce sera la Première Guerre Mondiale.
Section 2. Le système européen et son évolution
Nous parlons de système à partir moment où les relations internationales ont pris un caractère systématique précisément et que toute évolution fait évoluer l’ensemble des relations. Le système européen actuel se résume à l’Union Européenne. Fin 19e il est conflictuel et oppose 2 parties de l’Europe : la question est de savoir comment ce système européen accouche de la Première Guerre Mondiale. C’est une question traditionnelle de l’histoire des relations internationales. Pierre Renouvin, que nous avons situé comme à l’origine de l’école française de l’histoire des relations internationales, a précisément commencé ses travaux sur l’examen de ces causes de la Première Guerre Mondiale. la Première Guerre Mondiale est un séisme à l’échelle des siècles, ces causes sont à trouver dans ce système européen du 19e siècle.
Entre les Etats européens et les alliances européennes, il y a bien sur des enjeux, lesquels sont nécessairement au cœur des relations internationales. Chaque pays suit la politique de ses propres intérêts, donc son en conflit avec d’autres pays : sur les mêmes problème l’ensemble des pays n’a pas la même vision. L’ensemble des conflits débouche sur 1914.
§I. Une situation évolutive
A. Les Puissances
Ce sont les acteurs de ces relations internationales : Allemagne, France, Angleterre, Russie, Autriche-Hongrie, Italie.
L’Angleterre. C’est la puissance des puissances au 19e siècle en Europe. Elle est sortie vainqueur des guerres napoléoniennes écartant la France de la course au développement industriel, provisoirement du moins. Elle a le plus grand empire colonial et sa domination est à la fois économique, maritime, impériale : c’est le pays qui effectivement domine la planète dans le courant du 19e siècle. C’est le lieu de la première révolution industrielle, l’Angleterre montre l’exemple de la machine à vapeur, du charbon, de l’industriel textile etc. Symbole de cette puissance : une femme, la reine Victoria (on parle d’Angleterre victorienne). Elle règne 64 ans et symbolise à elle seule l’Etat britannique dans cette période. Elle arrive sur le trône en 1837 en effet et y reste jusqu’en 1901. Elle est remplacée par Edouard VII en 1901 qui reste 9 ans sur le trône (1901-1910), puis Georges V.
L’Angleterre est la patrie du libéralisme en Europe, à la fois politique et économique : « laissez faire, laissez passer », telle est la doctrine. Pas de droit de douane aux frontières. Pour autant l’Angleterre a quand même quelques problèmes, à la fois dans les îles britanniques et dans l’empire.
Dans les îles britanniques, le problème majeur est celui de l’Irlande et de la revendication irlandaise : on n’ose pas trop parler d’indépendance mais au moins d’autonomie. La population irlandaise est différente de la population britannique, et se sent colonisée ; elle a de plus mal vécu la crise économique du milieu du 19ème siècle.
Dans l’empire, l’armée britannique a très mal affronté la guerre des Boers ( ??). Elle oppose l’empire colonial britannique installé en Afrique du sud et l’armée coloniale hollandaise. Il faut préciser rapidement que les anglais et hollandais se sont souvent rencontrés sur les mers : d’une manière générale les anglais se sont substitués aux allemands (Afrique du sud, Ceylan, Malaga en Indonésie). Ici cela conduit à un conflit sanglant particulièrement tragique.
Deuxième Puissance qui arrive tardivement et talonne l’Angleterre : l’Allemagne. Elle s’est unifiée dans la seconde moitié du siècle et qu’on peut parler de l’Allemagne au singulier à partir de 1870. C’est la puissance au plus fort dynamisme économique et démographique : ils sont environ 53,6 millions d’habitants en 1900. Ils occupent en Europe une position centrale bien sur, leur croissance industrielle s’appuie sur la Ruhr. Ils disposent d’une solide base pour une croissance industrielle et une forte volonté en matière économique, qui conduit en particulier à une certaine agressivité commerciale en Europe et dans le monde entier (cf. la tension entre les commerçants britanniques et allemands).
D’autre part les allemands sont d’autre part parvenus aux conquêtes coloniales aux endroits où les autres ne se sont pas encore servis. Même en chine l’Allemagne arrive à obtenir une zone d’influence dans le nord est du pays, et en Afrique quelques territoires (notamment en Afrique méridionale).
Du coté des dirigeants, il faut retenir deux empereurs qui se succèdent : Guillaume 1er, dont le chancelier était Bismarck. Bismarck reste chancelier jusqu’au moment ou le successeur de Guillaume 1er apparaît sur le trône : Guillaume II. Bismarck lui fait de l’ombre, et quitte la chancellerie en 1880.
La France de la troisième République. Un nationalisme toujours ombrageux, et en particulier des partis nationalistes de plus en plus actifs : les ligues apparaissent à la fin du siècle et certaines sont parfois à 2 doigts de menacer l’équilibre de la république. Cette république à ses scandales (affaire Dreyfus bien sur) et ses succès, comme quelque chose d’unique en Europe (loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905). Et la république, qui a perdu des territoires face à l’Allemagne, mais dont la dynamique impériale reste très forte. Dynamique impériale qui se résume dans une expression : « la plus grande France », c’est-à-dire la France elle même bien sûr, et son empire (lequel est essentiellement africain malgré des positions en Asie, c’est-à-dire en Indochine).
Sur le plan économique la France est un petit peu en retrait par rapport à la France et l’Angleterre mais va être le lieu des nouvelles transformations économique : le lieu de la seconde révolution industrielle, ce qui va lui assurer un dynamisme : moteur a explosion, voiture, avion, pétrole, électricité hydraulique. Sur ce plan la France est assez en pointe.
A l’inverse la Russie, dominée par l’agriculture et les grandes propriétés foncières, qui a cependant aboli le servage en 1858. Mal en a prit à Alexandre II puisqu’il est assassiné un peu après. Ensuite Alexandre III, puis Nicolas II, dernier tsar de Russie (1894-1917). Notons un accident politique important en Russie en 1904-1905, à la fois international et intérieur. Sur le plan extérieur : défaite militaire contre le japon (guerre sur terre mais surtout sur mer) première fois ou un pays asiatique imposait une défaite sur un pays blanc.
Sur l’Autriche-Hongrie : empire à dominante agraire à la différence des 3 du nord-ouest (Angleterre, Allemagne, France). Désir d’industrialisation, mais pesanteurs très fortes du coté des nationalités. La structure politique fait de plus en plus problème. En 1867 le partage entre une Autriche et une Hongrie s’opère et on parle de double monarchie à partir de ce moment là.
L’Italie : dominante agraire, malgré une petite industrie au nord. Trois rois considérés du Piémont : Victor Emmanuel II, remplacé par Humbert 1er, assassiné en 1900, remplacé par Victor Emmanuel III. Le problème qui se pose à l’Italie est le statut du pape : l’unification italienne s’était faite largement contre la volonté du pape et la volonté française (car celle-ci protégeait les intérêts de l’Etat de l’Eglise). Le problème est réglé à la fin des années 1920.
B. L’héritage du congrès de Vienne
L’idée est de s’assurer des alliés et de tout faire pour neutraliser la puissance que l’on considère menaçante. Au lendemain du congrès de Vienne c’est la capitale autrichienne qui est à la manœuvre et le chancelier Metternich. Cf. l’alliance des trois empereurs. Elle n’a pas disparu mais va être revitalisée non pas par vienne mais par Berlin. C’est Bismarck qui est cette fois à l’initiative et qui va construire un nouveau système d’alliance dont l’adversaire est clairement la France. Bismarck qui avait été ambassadeur à Saint-Pétersbourg et à Paris, a été chancelier pendant 28 (24 ??) ans (1862-1890, ??) et son obsession permanente est d’isoler la France : il considère la France révolutionnaire comme une réalité ; elle continue à faire peur, malgré le second empire et d’autres développement. Bismarck met au point « l’alliance des trois empereurs », sur le modèle de la Sainte-Alliance (dès le lendemain du congrès de vienne). Cette alliance donc relie la vieille Russie (capitale Saint-Pétersbourg), l’Autriche-Hongrie fragilisée, autour de Berlin. Notons que c’est une alliance triangulaire : d’une part entre l’Allemagne et la Russie (alliance militaire scellée en 1873) et d’autre part entre l’Autriche-Hongrie et la Russie (alliance politique principalement mais qui ne va pas sans jalousie).
A vraie dire cette alliance ne fonctionne pas bien et on le voit dans les crises franco-allemandes du milieu des 1870’s : la France se renforce, il y a à nouveau menace de guerre, et les empereurs ne s’entendent pas vraiment… les anglais jouant le rôle de modérateur. La politique britannique étrangère consiste toujours à cette époque à empêcher sur le continent la naissance d’une puissance. Les anglais s’associent à la puissance qui ne monte pas face à la puissance qui monte : politique d’équilibre européen, de neutralisation des puissances européennes par ce système.
Ainsi on a parlé du système bismarckien :
C. Le système bismarckien
Ce système bismarckien, premier système européen à fonctionner à nouveau, s’organise sur un front de tensions (cf. paragraphe 2), lesquelles se développement à la fois dans la péninsule des Balkans et également dans les empires où la France est en tension forte avec l’Angleterre, voire l’Allemagne. Ce front de tensions balkanique en particulier est lié à l’affaiblissement de l’empire ottoman et les progrès des petits royaumes chrétiens qui se constituent entre l’empire ottoman et l’empire d’Autriche-Hongrie. Principalement, la Roumanie se consolide (la France a joué un rôle dans sa création), la Serbie autour de Belgrade, ainsi que la Grèce plus au sud (indépendance un peu plus ancienne). Il a fallu des arbitrages et ce congrès de Berlin (juin 1878) pour codifier en quelque sorte ces nouvelles relations.
En fait ces alliances évoluent de manière un peu contradictoire :
L’alliance entre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie se fait d’une certaine manière contre la France mais aussi contre la Russie, c’est en particulier la volonté autrichienne. Pourquoi contre la Russie ? Parce que l’Autriche considère la Russie comme un concurrent dans les Balkans. Les russes aiment entretenir et développer un certain trans-slavisme et l’Autriche redoute la désintégration. Le traité des trois empereurs tout de même prend vigueur, un nouveau traité signé en 1981 dont l’objectif final, stratégique, reste de neutraliser la France.
Mais finalement ce n’est pas cette alliance des trois empereurs qui va s’imposer mais une alliance un peu différente. L’Italie s’imbrique dans l’alliance des pays allemands. Pourquoi ? On retrouve-là aussi des tensions extérieures. Le roi Humbert s’inquiète des progrès de la France en méditerranée, et en particulier de l’établissement du protectorat français sur la Tunisie. L’Italie prend peur. Cette fois ce n’est pas la peur d’une France révolutionnaire mais d’une France impériale qui conduit l’Italie à se rapprocher de son vieil ennemi, l’Autriche-Hongrie d’une part et d’autre part de l’Allemagne. La Russie est laissée un peu de coté et on assiste à un revirement qui fait la Russie se marginaliser au profit de l’Italie. Dans les années 1880 on arrive à la triple alliance, non plus celle des trois empereurs, mais une alliance nouvelle entre l’ancienne grande puissance du continent et les deux nouveaux pays unifiés et potentiellement puissant que sont l’Allemagne au nord et l’Italie au sud. Le 20 mai 1882 : l’alliance est conclue, cette fois c’est une alliance durable car elle va rester solide, du moins en principe, pendant plus de trente ans.
§II. Enjeux territoriaux
A. Les Balkans
Le problème des Balkans est d’être une zone de fracture entre l’empire ottoman d’une part, l’Autriche-Hongrie d’autre part et enfin l’empire russe. Ce qui se passe dans les Balkans à cette époque conduit à un mot nouveau : la « balkanisation ». C’est justement ce qui caractérise la situation des Balkans dans la période qui nous intéresse. La situation des Balkans est à la fois une situation locale et une situation internationale.
Les données locales du problème. Tout d’abord L’affaiblissement de l’empire ottoman, que l’on nomme « l’homme malade de l’Europe », c’est un pays sur le déclin. C’est un pays qui a du concéder l’indépendance à plusieurs royaumes chrétiens : Grèce (1830), Roumanie (capitale Bucarest), Serbie (autour de Belgrade). Les indépendances sont reconnues par le congrès de Berlin de 1878. Les autres pays balkaniques ont parfois une définition difficile à présenter. Ce sont plus ou moins des royaumes indépendants ou des principautés indépendantes, mais qui ne le sont pas encore totalement. Ils paient tribut pour les uns à l’empire ottoman, pour les autres à l’Autriche-Hongrie. Ils sont partagés mais progressent et se renforcent.
Dans cette péninsule balkanique qui se constitue en Etats nouveaux en quelque sorte, la définition des frontières est quelque chose d’extrêmement délicate. En particulier autour d’une grande plaine assez riche sur le plan agricole, la Macédoine (devenue indépendante récemment). La frontière entre la Bulgarie et la Serbie reste une frontière incertaine où d’ailleurs les représentations de l’autre sont importantes. Sur les cartes Serbes, les bulgares sont des serbes ; sur les cartes bulgares, les serbes sont des bulgares. Ils parlent grosso modo la même langue mais ils ont une représentation de l’autre qui crée d’importantes différences. A cela on ajoute des différences de religion : dans la plupart des cas nous avons à faire à des peuples chrétiens, et dans la majeure partie des cas des chrétiens orthodoxes qui utilisent l’écriture cyrillique, mais aussi des musulmans notamment en Bosnie Herzégovine. Du temps de la domination ottomane elle avait choisit l’islam.
Les données internationales du problème. C’est que l’intérêt des Puissances est de se tailler des zones d’influence et, si l’on peut dire, se partager les dépouilles de l’empire ottoman. L’Autriche-Hongrie a obtenu au congrès de Berlin la Bosnie-Herzégovine qu’elle contrôle militairement et qu’elle décide d’annexer en 1908, date importante dans la marche à la guerre. D’autres peuples sont comme la Serbie aux frontières de l’Autriche, mais les cousins ou les frères jumeaux des serbes (c’est-à-dire les croates) sont dans l’Autriche : là aussi le serbo-croate est une langue quasi commune mais qui n’est pas écrite avec le même alphabet dans les deux pays, et les religions sont différentes : catholique en Croatie, orthodoxe en Serbie (religions à vérifier). La France pour sa part n’est pas absente du débat même si elle n’est pas frontalière. Elle est assez proche de la Roumanie (par origine, car c’est Napoléon III qui avait favorisé la création d’un Etat roumain), et elle est également proche de la Serbie. Quant à l’Angleterre, elle est assez implantée en Grèce mais c’est peut être dans l’immédiat moins important.
Cette balkanisation désigne une situation dans laquelle les petits Etats sont opposés les uns aux autres et que ces petits Etats eux même sont soutenus par des grandes puissances elles mêmes opposées les unes aux autres. Ca crée une situation assez complexe, sorte de sac de nœuds. C’est une situation très propice à l’éclatement de conflits militaires. C’est ce qui va se produire en effet.
L’Autriche-Hongrie prend une option forte sur les Balkans en organisant la Bosnie-Herzégovine, les guerres balkaniques marquent les années 1912 et 1913. Elles sont une sorte de préalable, répétition locale, à ce qui sera le début de la Première Guerre Mondiale. Il y a deux guerres balkaniques :
- en 1912, la première. Est une avancée dans l’indépendance des pays balkaniques contre la Turquie. En bref les nouveaux Etats des Balkans plus ou moins indépendants, autonomes, se regroupent dans la ligue balkanique, qui regroupe pratiquement tous les pays balkaniques contre la Turquie. En octobre 1912 la ligue attaque la Turquie avec un certain succès : les armées turques doivent se replier vers le cœur de l’empire. Il y a des pourparlers à Londres qui permettent de découper des nouvelles frontières, mais celles-ci ne satisfont pas tous les pays qui ont fait cette guerre car il s’est agit de partager la macédoine. Et la Bulgarie n’est pas contente de son sort. Elle es retourne donc contre ses anciens alliés des pays balkaniques (c’est-à-dire la Serbie et les autres) pour une seconde guerre balkanique :
- elle se déroule dans l’été 1913 et se termine par un compromis internationalement signé.
Après ces 2 guerres le problème des Balkans se déplace en quelque sorte puisque l’empire ottoman est contraint de reculer. Il se déplace vers l’Autriche-Hongrie avec l’émergence de l(idée yougoslave. Comme il y avait une idée tchécoslovaque, l’idée yougoslave est l’idée de réunir dans un seul Etat plusieurs peuples yougoslaves (= slaves du sud), c’est-à-dire en particulier la Croatie, la Bosnie-Herzégovine et la Serbie (au moins ces trois là). Cette idée fédératrice peut aussi être interprétée comme un irrédentisme serbe, c’est-à-dire une volonté de rassembler autour de ses frontières.
L’Autriche-Hongrie voit cela d’un très mauvais œil et ça met le feu au poudre en 1914 : pour la réalisation de cette Yougoslavie, il faut démembrer l’Autriche-Hongrie, ce dont on ne veut pas entendre parler à Vienne évidemment. Croatie est en Autriche, Serbie est en dehors. C’est le problème balkanique majeur qui va rester pendant jusqu’en 1914.
B. Les conflits coloniaux
Donne des possibilités économiques qui sont au cœur des problèmes. Ces conflits coloniaux concernent principalement l’Afrique du nord, de l’Egypte au Maroc.
Il y a la Tunisie que les italiens considèrent comme étant presque un du, comme quelque chose qui a vocation à leur appartenir un jour mais qui relève de l’empire ottoman. La Tunisie est un motif important dans la diplomatique italienne : elle est tiraillée entre deux politiques étrangères, l’une tournée vers l’Europe, l’autre plutôt tournée vers la méditerranée (c’est encore vrai aujourd’hui). Là c’est le sud, c’est-à-dire la Tunisie, qui va amener l’Italie à s’allier avec l’ennemi d’hier, c’est-à-dire l’Autriche-Hongrie, et aussi avec l’Allemagne. La Tunisie voit la France s’y installer en 1881 (le 12 mai 1881 la France impose son protectorat, traité du Bardo). Evidemment l’Italie est très fâchée et derrière ce traité du Bardo et l’installation de la France (qui a déjà l’Algérie) en Tunisie, il y a un troc territorial entre l’Angleterre et la France, mais l’Italie n’en fait pas partie.
C’est avec la neutralité anglaise que la France s’installe en Tunisie. Ce troc est un troc d’influence (comme toujours à l’époque) entre l’Egypte et la Tunisie. L’Egypte, qui est dans la mouvance de l’empire ottoman aussi, mais ou la présence anglaise et français sont importante, précisément depuis 1869 (percement du canal de Suez). L’Egypte a besoin de beaucoup d’argents, et contracte des emprunts auprès des grandes banques européennes (paris, Londres, Berlin). La question a partir de là est qu’un prêt enchaîne ce pays, et le problème est de savoir in fine qui garde le contrôle de l’Egypte pour l’Angleterre et la France. C’est là qu’on négocie en coulisse et qu’est échangée en quelque sorte l’influence anglaise en Egypte contre l’influence française en Tunisie.
A l’autre bout du Maghreb se situe le Maroc. Il reste l’un des derniers pays non colonisé de l’Afrique. Le royaume est ancien et solide mais commence à être grignoté par la France par différent moyen, il garde cependant son autonomie, voire son indépendance. Cela dit là aussi le Maroc a besoin d’argent, et emprunte bien sur à Berlin, Paris, Londres. C’est sans compter cette fois avec l’arrivée de l’Allemagne, puissance coloniale tardive. Guillaume II à Berlin, constatant que le Maroc reste, d’une certaine manière souverain, se dit que c’est un bon endroit pour contrecarrer la puissance française et éventuellement imposer celle de l’Allemagne. C’est la raison pour laquelle il y a 2 crises marocaines :
- la première en 1905, l’empereur guillaume II se rend à Tanger au Maroc au Nord le 31 mars 1905 et inaugure la première crise marocaine. Idéalement il voulait barrer la route à l’influence française, et fait un discours tout a fait dans ce sens. Il appelle la protection du sultan et à en faire un sultan absolument libre. La France dans la logique même considère ce discours comme une forme d’agression. S’en suivent de très fortes tensions entre la France et l’Allemagne à propos du Maroc, tensions dans lesquelles toutes les armes (sauf militaire) sont utilisées, en particulier l’arme boursière. Il s’agit de couler l’ennemi par tous les moyens disponibles, notamment les moyens boursiers. Après une longue tractation, une conférence internationale départage les 2 et favorise les 2 : conférence d’Algésiras, localité proche de Gibraltar, dont l’acte final garanti la prépondérance française au Maroc. Conférence dans la première moitié de 1906. Ca ne suffit pas à régler les tensions internationales
- une seconde crise du Maroc en 1911 dans le contexte financier indiqué : les emprunts concédé au Maroc assurent une influence française au Maroc et cette fois l’Allemagne envoie un bateau de guerre devant Agadir (sud du Maroc) : le Panther. La présence d’un bâtiment de guerre sur les cotes marocaines fait craindre un débarquement de troupes. Nouvelle crise internationale, nouvelles négociations, nouveau troc territorial. L’Allemagne voulait ces terres, un petit empire. L’accord est trouvé le 4 novembre 1911 : l’idée est le Maroc contre le Congo. L’Allemagne s’engage à laisser la prépondérance française au Maroc, et la France s’engage à laisser une petite place à l’Allemagne, en particulier près du Cameroun (Etat sous domination allemande à l’époque). Moyennant quelques territoires en pleine souveraineté en Afrique équatoriale, la France obtient la neutralité de l’Allemagne au Maroc. Le Maghreb est désormais sous la coupe de la France.
C’est au lendemain de cet accord territorial, de cette seconde cries du Maroc en 1912, que le protectorat français est imposé au Maroc. Ceci fait du Maroc le dernier pays qui pouvait sembler être libre encore à ne plus l’être.
C. Les litiges territoriaux en Europe
Tout est lié dans un jeu d’influences qui voit se rencontrer les Puissances, principalement dans les Balkans et principalement dans les empires. S’y ajoutent quelques litiges territoriaux en Europe même, litiges classiques. Ceux-ci sont liés soit aux dispositions du congrès de vienne de 1815, soit aux suite de l’unification allemande (car celle-ci s’est faite en débordant pas mal sur les voisins). Différentes minorités nationales ici ne sont pas satisfaites des frontières telles qu’elles se sont progressivement reconstruites en Europe. Les zones contestées :
- Coté français, ça reste l’alsace lorraine, point de discorde majeur entre la France et l’Allemagne.
- Il y a l’équivalent du coté du Danemark.
- Coté Italie Autriche, il y a aussi des litiges importants entre l’Istrie (c’est-à-dire le nord-est de l’Italie, justement vers la Croatie actuelle). Les italiens ne sont pas satisfait de l’unification et considèrent qu’il y a encore des territoires qui leur reviennent
- Enfin, il y a des minorités frontalières qui progressivement ne se satisfont pas du tout de leur sort. Elles sont dominées par les Etats voisins : ce sont principalement les polonais. Quand la Pologne disparaît comme Etat, les polonais sont toujours là. L’idée de la nation polonaise également progresse
- Entre l’Autriche-Hongrie et la Russie, les frontières ne sont pas très claires pour les populations slaves du nord (tchécoslovaques en particulier), pour les polonais aussi.
Si on combine tout ça, c’est-à-dire les tensions balkaniques, les tensions coloniales, et les problème qui subsistent en Europe, avec des puissances qui chaque jour sont plus puissantes, il y a tout en effet pour développer un face à face important.
§III. Vers un face-à-face
C’était jusque là une mondialisation des stratégies, des influences, des tensions. La planète est comme un échiquier sur laquelle on déplace des pions. Dans cette mondialisation des stratégies, les opinions sont mobilisées, et elles vont être de plus en plus dans les nouveaux accords diplomatiques qui se mettent en place au tournant du 20e siècle. A cette date, une alliance se constitue : la triple entente, alliance tripartite entre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie. Une contre alliance se constitue et regroupe France, Russie et Angleterre.
A. L’alliance franco-russe
Le contexte a un coté surprenant. De voir s’allier ce qui apparaît comme l’empire le plus rétrograde de l’Europe où le servage existait il y a peu et ou l’industrie est à peine développement et ou les relations sociales restent fortes, et la république française (seule république en Europe). Pour en arriver là il a fallu que les 2 pays voient leurs intérêts converger. Quels sont les intérêts des uns et des autres
Les intérêts de la Russie sont un besoin très fort de capitaux et on n’échappe pas à ça pour la période. Pourquoi ? Pour la modernisation du pays, à la fois du système de transport (construction de voies ferrées), de l’Etat. Ce besoin conduit la Russie à se tourner vers les lieux où se trouvent les capitaux. Il y aurait Berlin mais la Russie commence à se méfier de l’Allemagne, mais la France aussi : point de rapprochement. Cette commune crainte de l’Allemagne permet aux deux pays de se rapprocher. Ce n’est plus la France qui fait peur mais l’Allemagne, laquelle monte en puissance notamment sur le plan économique. Elle fait de l’ombrage sur les autres puissances européennes. C’est sur cette situation, ce croisement d’intérêts entre la France et la Russie, que l’alliance va se faire.
Cette alliance a plusieurs aspects :
- Un accord financier. Il est trouvé en 1891 entre Paris et Saint-Pétersbourg. Mais surtout en 1893. le lien financier entre la vieille Russie et la république française (pays dont les banques sont parmi les plus puissantes de la planète à l’époque). Un accord financier va se construire. Pourquoi faut il un accord politique pour emprunter de l’argent ? Parce que l’Etat russe veut emprunter de l’argent sur le marché parisien, mais pour que la Russie place des emprunts sur la bourse de paris il faut que le gouvernement français soit d’accord. C’est là que l’accord politique intervient et celui-ci est trouvé en 1893 après quelques hésitations. La Russie emprunte 418 millions de francs or à 4%, sous la conduite d’un groupe financier, qui est la banque d’affaire Paribas. La Presse naturellement est mobilisée et se félicite de l’événement, les petits porteurs et les gros se précipitent. Mais cet emprunt lancé en 1893 est le premier d’une longue série qui va voir la Russie trouver de l’argent sur la place de Paris pour ses propres besoins. Le chantier est considérable en Russie, en particulier en terme d’infrastructure de transport, et compte tenu du climat c’est difficile de construire tout ça. Le réseau ferré double entre 1894 et 1905 : c’est l’aventure du transsibérien, relie la Russie de Moscou à celle de Vladivostok. 8 jours de transports.
- Un accord militaire. Entre la Russie et la république française. Fait suite à beaucoup de négociations secrètes, négociation d’Etat major, etc. l’événement se produit en octobre 1893 quand une flotte russe vient à Toulon. On appelle ces journées les journées triomphales. On voit même les marins russes venir à Paris en train depuis Toulon. Une convention militaire est signée entre la république française. Le 15 décembre 1893 un traité est signé : en fait il s’agit surtout d’un échange de lettres officielles, qui restent secrètes, entre paris et Saint-Pétersbourg.
Derrière cet accord financier et cette visite stratégique de la flotte russe, il y a bien sur une volonté politique. L’intérêt pour la France est que l’Allemagne est désormais encerclée. La France relève donc la tête sur le plan international face à l’Allemagne.
B. Le rapprochement franco-britannique
C’est un tournant spectaculaire tellement les deux pays sont hostiles depuis longtemps. Il n’y a pas eu de guerre proprement dite entre l’Angleterre et la France, mais les guerres napoléoniennes ne sont pas très loin et la tradition d’hostilité demeure entre Londres et Paris. Le « splendide isolement » britannique regarde avec mépris la France ainsi que l’ensemble du continent européen. Mais l’Angleterre aussi commence à se méfier de l’Allemagne et on retrouve là aussi la convergence d’intérêts. L’Allemagne talonne l’Angleterre sur le plan économique et pourrait lui ravir la première place en Europe.
Il y a un grave conflit colonial entre l’Angleterre et la France. Les deux pays étaient concurrents et conservent des points de friction. Nous avions évoqué la question de l’Egypte (Fachoda en 1898) et le troc d’influences qui voit l’influence française et anglaise se croiser entre la Tunisie et l’Egypte puis entre la Tunisie et le Maroc.
Que reste-t-il comme contentieux colonial ?
- Des questions frontalières en Afrique noire, notamment du coté de la guinée en Afrique de l’ouest et du Tchad en Afrique centrale. Ces frontières restent conflictuelles, il faut retracer, renégocier.
- En Asie, en Indochine, c’est la question du Siam (actuelle Thaïlande) qui est restée indépendante mais ou la France et l’Angleterre se sont taillées des zones d’influences respectives comme en Chine. Là aussi il faut être sur que l’on ne va pas se battre au Siam.
- On ajoute encore deux éléments qui peuvent paraître anecdotique. La Nouvelles-Hébrides, pas très loin de la Nouvelle-Calédonie, lieu d’hostilité. On s’entend sur ce que l’on va appeler un condominium franco anglais, c’est-à-dire une gestion commune. Les îles seront administrées conjointement, c’est-à-dire police commune. On rajoute une histoire de droit de pêche à Terre-Neuve.
Comment va se conclure l’entente cordiale, tournant fondamental dans les relations internationales en Europe ? Cette entente couronne ce rapprochement entre l’Angleterre et la France. Les 2 pays ont compris leurs intérêts : se rapprocher. Mais il faut convaincre l’opinion, car celle-ci n’est pas prête. Le roi Edouard VII d’Angleterre est accueilli par quelques manifestations hostiles mais est finalement acclamé. Le Président de la République française, Loubet, se rend à Londres deux mois plus tard, le voyage se place très bien. Finalement, le 8 avril 1904, sont signées trois conventions, qui à elles trois forment l’entente cordiale. En 2004 on célébrait le centenaire de l’entente cordiale avec un certain faste. Depuis 1904 l’Angleterre et la France sont alliées. Ces conventions signées à Paris en 1804 concernent tous les contentieux coloniaux. L’un des accords concerne l’Amérique et l’Afrique noire, l’autre accord concerne la zone Asie pacifique (du Siam aux Nouvelles-Hébrides), le troisième concerne l’Afrique du Nord (question du Maroc et de l’Egypte).
C. Deux systèmes diplomatiques concurrents
Deux systèmes d’alliances concurrents s’opposent donc, 2 systèmes diplomatiques concurrents. Sur la méthode utilisée pour arriver à ces deux systèmes : la négociation entre des pays hostiles entre eux. La méthode adoptée est d’abord une politique de gestes symboliques : on fait comprendre à l’autre et aux opinions dans quel sens on souhaite aller. Il n’y a pas d’alliances à trois, pas de signature d’un traité triangulaire. Il y a deux alliances bilatérales, trois plus tard. Une depuis 1893 la France et la Russie, l’autre qui lie depuis 1904 la France et l’Angleterre. La Russie y ajoute des conventions coloniales aussi avec l’Angleterre. Cela fait un réseau à trois mais jamais les trois ne se sont assis ensembles autour de la même table. Cette alliance à trois forme bien sur la triple entente, liant de manière bilatérale la France, le Royaume-Uni et la Russie.
Les alliances sont souvent le fruit d’échanges de lettres, souvent secrètes. Il y a des traîtres aussi dans ces alliances. Dans la triple alliance qui unit l’Allemagne l’Autriche-Hongrie et l’Italie, l’Italie va conclure peu avant 1914 un accord secret avec la France au terme duquel l’Italie en gros celle-ci s’engage à ne pas entrer en guerre si l’Autriche-Hongrie et l’Allemagne le font.
Ces alliances fonctionnent à tout niveau : sur le niveau militaire (échange entre les Etats majors), échange de visites officiellesèalliance politique. On constate qu’effectivement avec ce nouveau système international on est passé d’une situation d’isolement à l’autre. La France était la puissance isolée (c’était la politique de Bismarck qui avait peur de la révolution et des conquêtes impériales), maintenant c’est l’Allemagne qui fait peur.
Il reste la complexité de la vie internationale en 1914, reste une toile de fond d’enjeux territoriaux et d’influence ; il reste que c’est l’Europe qui fait le monde. Tous ces enjeux et ces tensions sont rassemblés en deux systèmes d’alliances concurrents.
Chapitre 4. Le premier conflit mondial (1914-1918)
Section 1. Le choc des nations
§I. L’évolution des alliances en Europe
A. Les tensions économiques et financières
La période qui nous intéresse est celle d’une très grande croissance économique et une logique de croissance d’une certaine manière qui ébranle les rapports de force. Le concept est que la poussée économique est très forte après 1895. il y a d’ailleurs et on l’oublie souvent entre les pays (y compris entre la France et l’Allemagne) des tendances au rapprochement entre les banques et les entreprises industrielles, de rapprochement commercial aussi. Les risques de déstabilisation viennent essentiellement de la différenciation des niveaux économiques et des effets sociaux de la croissance évoquée. Il y a dans les pays européens une perception forte, presque nu mythe, de la puissance allemande. Il y a aussi une perception forte de la puissance financière française.
Ces crises sont ponctuées de rapprochements réels entre les deux pays, et d’une manière générale les relations sont plutôt bonnes. Les milieux d’affaire français et allemands s’entendent relativement bien dans la mesure où il y a une certaine complémentarité dans les économies des deux pays, entre la puissance industrielle allemande incontestable et la puissance financière française. Il y a donc de très forts échanges commerciaux entre les deux pays, des ententes entre groupes industrielles, et même les crises du Maroc ne débouchent pas sur des ruptures fortes sur le plan économique.
Il y a par contre des tensions plus fortes entre l’Angleterre et l’Allemagne. Ces tensions sont liées essentiellement à la montée en puissance de l’Allemagne qui damne le pion à l’Angleterre et qui se manifeste par des tensions commerciales. Dans le monde entier sur le continent américain, en Amérique du Sud, le représentant commercial anglais et talonné par le représentant allemand. Les chiffres sont nets : si on compare la valeur du commerce des deux pays en 1890 et en 1913, en milliards de francs or.
| Angleterre | Allemagne |
1890 | 8 | 4 |
1913 | 16 | 12,5 |
En 1890 : le commerce anglais a une valeur 2 fois supérieure au commerce allemande. En 1913 : le commerce anglais domine encore mais beaucoup plus légèrement.
On le devine, la croissance du commerce allemand est beaucoup plus forte que celle du commerce britannique. Le commerce bien sûr, ce sont les débouchés de l’industrie et donc c’est toute l’économie des pays qui est en jeu. Les deux pays ont des zones d’influence : par exemple les allemands sont très puissants économiquement parlant dans l’empire ottoman, les anglais le sont en Asie, etc. C’est cette situation d’une certaine manière qui va amener un événement qui va venir compléter ce que nous avons dit au sujet de la formation de la triple entente.
B. L’accord anglo-russe et la Triple Entente
Après 1904 donc et l’entente cordiale franco-anglaise, le système des alliances est encore incomplet. Dans les deux cas, l’élément solide de la Triplice est l’alliance germano-autrichienne. L’Italie est un maillon plus faible. Dans le cas de la Triple Entente, le double élément fort (France-Angleterre et France-Russie, sans traité triangulaire) et une forte hostilité entre les anglais et les russes mais qui va basculer en entente.
Cette hostilité se manifeste en particulier en 1904-1905 à l’époque de la guerre entre le Japon et la Russie. Les deux pays en viennent aux armes pour le contrôle de certaines régions en extrême Orient, en particulier la Corée. Les choses se passent très mal pour les russes puisque l’armée de terre est un peu loin du front pacifique et la Russie décide d’envoyer la flotte de la baltique pour essayer de faire entendre raison aux japonais. Bien mal lui en a pris. La flotte de la baltique fait pratiquement le tour du monde pour arriver dans les mers japonaises. Le canal de Suez était un itinéraire possible, mais les anglais ne veulent pas laisser passer les bateaux russes car les anglais sont en gros alliés au Japon. Les bateaux russes contournent l’Afrique pour rejoindre le pacifique. Finalement ils arrivent en vue des cotes japonaises où ils sont fortement attendus : dans le détroit de Tsushima, à l’approche entre le Corée et le japon, une flotte japonaise attend la flotte russe et l’amiral Togo coule pratiquement toute cette flotte.
Ce grand succès naval du Japon est largement du à un armement anglais et certains d’ailleurs considèrent que la victoire de Tsushima est autant une victoire du matériel anglais qu’une victoire japonaise, ce qui fait que les russes sont très nerveux avec les anglais. Un incident le montre de manière significative en mer du nord en octobre 1904 : des bateaux de guerre russes ouvrent le feu sur des bateaux anglais. Naturellement on indique que c’est un malentendu mais les faits ont quand même eu lieu. Forte sensibilité, tension, nervosité, entre les russes et les anglais.
Néanmoins 2 ans après ces événements les deux pays arrivent à un accord. Les russes et les anglais, un petit peu comme les français et les anglais avec l’entente cordiale, trouvent un accord colonial. Car si les russes et les anglais étaient nerveux, c’était en grande partie parce que leurs empires se touchaient (en inde en particulier) et qu’il y avait des frictions possibles un tout petit peu partout dans le monde. L’accord colonial est signé le 31 août 1907, c’est-à-dire environ 3 ans après l’entente cordiale. Les lieux concernés par cet accord colonial sont largement en Asie : Afghanistan (cf. le petit bout de terre qui sépare les deux empires), en Perse, dans le Golfe persique, au Tibet et en Chine. Cet accord de 1907 complète les accords de 1893 entre la France et la Russie, l’entente cordiale de 1904, et constitue vraiment l’entente cordiale même si on ne prend pas la peine de se réunir à trois.
Sur la géopolitique de cette entente cordiale : Angleterre première flotte, France seconde flotte, mais la Russie est la première force terrestre. Les trois empires alliés couvrent pratiquement la moitié du monde. Dans la Triplice (c’est-à-dire Allemagne, Autriche et Italie), correspondent aux empires centraux, très européens, et très peu coloniaux.
C. La neutralité italienne et la Triplice
C’est une vieille alliance constituée qui succède à l’alliance des trois empereurs et qui officiellement reste solide. La Triplice est en effet renouvelée, c’est-à-dire que les trois rois et empereurs qui la composent apposent leur signature à nouveau sur le traité en 1907. Vue de l’extérieur elle ne donne pas beaucoup de signes de fragilité. Pourtant, le contentieux entre Rome et Vienne se reforme en quelque sorte. L’unité italienne s’était fait contre l’Autriche avec l’aide de la France, ensuite l’Italie s’était rapprochée de l’Autriche essentiellement parce qu’elle craignait la France en Tunisie, mais finalement le protectorat français en Tunisie est imposé en 1881 et on commence à l’oublier.
Du coup, la crainte de l’Autriche revient en Italie, d’autant plus que l’Italie est très proche des Balkans et a des intérêts dans cette région, qui vont la pousser à une certaine hostilité à l’égard de l’empire autrichien.
A cette monté du contentieux entre l’Italie et l’Autriche s’ajoute un rapprochement curieux mais réel entre l’Italie et la Russie. On essaye par des stratégies de contournement de neutraliser un peu l’adversaire le plus proche. On note en particulier une rencontre entre le tsar Nicolas II qui se déplace en Italie et le roi Victor Emmanuel en 1909. On peut noter qu’à cette date la Russie est déjà engagée dans son accord avec l’Angleterre, et avec la France. Cet accord resté secret entre la Russie et l’Italie concerne essentiellement l’empire ottoman et les pays balkaniques. Les russes et les italiens s’entendent sur un maintient de l’intégrité de l’empire ottoman (c’est-à-dire de ses frontières et de son existence), sur un les droits italiens sur la tripolitaine (c’est-à-dire entre la Tunisie et l’Egypte) sur laquelle les italiens ont jeté leur dévolu, et conviennent de se consulter en cas de nouvelle initiative autrichienne.
On le voit la Triplice, d’apparence solide, espèce d’axe centrale en Europe entre Russie et France, est un peu branlante par le sud, c’est-à-dire par l’Italie.
§II. La montée des tensions
A. La question serbe
Point de focalisation des tensions et finalement du déclenchement de la guerre. Les Puissances intéressées sont les grandes puissances européennes, ou les grandes puissances continentales européennes. La Russie bien sur, mais qui veut la paix dans les Balkans tout en préservant son influence. Pourquoi veut elle la paix ? Pour lui permettre de développer une politique asiatique, celle justement qui vient contrebalancer l’influence japonaise en extrême orient. La Serbie elle-même est favorable à l’alliance franco-russe et les deux pays apparaissent un peu comme les parrains de la Serbie. La Russie protège cette population slave, et la France la protège également. L’alliance franco-russe joue en faveur de la Serbie. Serbie ou d’ailleurs une certaine libéralisation économique s’effectue à la faveur d’un changement dynastique qui voit une famille remplacer l’autre et qui voit les besoins serbes sont importants et sont satisfaits progressivement par la France.
La Serbie a des besoins financiers importants (comme tous les pays qui ne sont pas sur le devant de la scène économique) et ce sont des banques françaises mais aussi allemandes (curieusement) qui viennent satisfaire ces besoins de la Serbie. Et l’Autriche-Hongrie fait pression pour limiter au maximum les achats de la Serbie en particulier sur le plan des armements. Il y a une forte compétition dans cette partie du monde en particulier entre la firme tchèque Skoda et le groupe industriel français Schneider. Grâce au soutien politique français d’ailleurs c’est Schneider qui emporte les marchés et qui monte en puissance.
La pression est telle entre la Serbie et l’Autriche-Hongrie que les deux pays entrent dans une véritable guerre commerciale qui constitue une rupture de fait, déjà. On n’est pas en guerre proprement dite, mais dans une guerre commerciale. Cette guerre commerciale peut prendre des aspects un peu anecdotiques : on a parlé de la guerre du porc, l’Autriche-Hongrie interdit les importations ou le commerce de bétail vivant entre l’Autriche et la Serbie, ce qui sur le plan économique pose de gros problème à la Serbie.
A ce contexte de crise sur la Serbie, s’ajoute la crise bosniaque, qui éclate en 1908, essentiellement de la décision autrichienne d’annexer la Bosnie-Herzégovine en 1908 que les troupes autrichiennes occupaient déjà depuis l’accord de Berlin de 1878. Pourquoi est ce que l’Autriche annexe la Bosnie-Herzégovine ? Essentiellement parce qu’elle ambitionne de construire une voie ferrée en direction de la Salonique sur la mer Égée en Grèce. Pour sécuriser cette voie elle a besoin de contrôler tous les territoires traversés. Ce qui est inquiétant dans cette annexion du 5 octobre 1908, c’est que la première modification de souveraineté territoriale depuis longtemps qui se fait en dehors d’un contexte de guerre ou en dehors d’un contexte de négociation. C’est une action de force, en temps de paix, sans concertation. C’est ça bien sur qui fait la gravité de la crise de 1908.
Là-dessus s’ajoutent les guerres balkaniques (évoquées en chapitre 3, section 2) et l’émergence de l’idée yougoslave, dont on rappelle qu’elle prévoit de développer un Etat unique entre les différentes composantes connues des slaves du sud, c’est-à-dire la Croatie qui se trouve en Autriche (ce qui évidemment inquiète l’Autriche), la Bosnie-Herzégovine qui vient d’être annexée par l’Autriche, et la Serbie qui est en dehors. Notons que cette idée yougoslave de fédérer dans un même Etat ces trois composantes slaves du sud se confondent un peu quand même avec les ambitions de la Serbie qui ainsi pourrait acquérir une influence qu’elle n’a pas encore. Bien sur cette idée yougoslave menace l’Autriche.
B. Les opinions mobilisées
C’est quelque chose d’essentiel car la guerre mondiale va faire son lit dans cette mobilisation des opinions.
On revient à l’idée de nation, laquelle a traversée le 19e siècle jusqu’à bouleverser la carte européenne. Elle peut avoir des côtés pervers et justement elle va en avoir, en ce sens que la mobilisation des opinions dans le sens de la nation ne concerne plus seulement les petites nations qui veulent se libérer des grands empires (ça pouvait apparaître assez sain et c’était une politique soutenue par la France, avec Napoléon III en particulier) mais va aussi s’emparer des grands empires, en particulier de l’Allemagne et de la France. Ce a quoi on assiste c’est que l’idée de guerre progresse, se banalise dans les opinions publiques, des opinions publiques qui commencent a exister du fait du développement de la presse écrite e particulier.
L’idée se banalise parce qu’à chaque crise internationale, qu’il s’agisse de Fachoda en 1898, de Tanger en 1905 (première crise marocaine), de Bosnie-Herzégovine en 1908, d’Agadir en 1911 (2e me crise marocaine), des Balkans en 1912-1913, l’idée se développe que l’alternative à la solution pacifique est la guerre. L’idée se développe qu’une guerre est possible, faisable, voire qu’elle est nécessaire. Cette accoutumance à l’idée de guerre est nourrie par le récit des violences qui accompagnent ces différentes crises internationales. Les atrocités de l’époque étaient les Balkans, la presse était remplie d’atrocités supposées venues des Balkans. Ce qu’on a appelé les « atrocités bulgares » à l’occasion des guerres balkaniques couvraient la presse française ou allemande dans cette période. A partir du moment ou l’idée de guerre se répand, on cite le philosophe Alain : « si un peuple croit que la guerre sera inévitable, elle sera inévitable ». L’élément opinion, peuple, national, devant ici prépondérant.
Il faut dire que cette idée de guerre qui monte satisfait les nationalités. Deux interprétations et deux lectures de l’idée de guerre :
- une lecture qui y est favorable, celle des nationalités
- une lecture qui s’en méfie, celle des internationalistes.
Les nationalistes se sentent flatté par l’idée de guerre. Renan : « qu’est ce qu’une nation ? » au 19e siècle. Une des plus pertinentes définition de la nation qu’on ait pu formuler dans un discours à la Sorbonne : « une nation est une grande solidarité constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a fait et de ceux qu’on est disposés à faire encore ». il y a au début du siècle une véritable mystique nationaliste en Allemagne, en Russie, en France, et les partis nationalistes qui exaltent la nation. Ce sont pour l’essentiel des partis nationalistes qui aliment ce nationalisme : en France c’est l’action française de Charles Maurras, et chaque pays européen a ses groupes nationalités entre lesquels une véritable surenchère se développe. Il y a un nouvel esprit public qui s’accompagne d’exaltation de certaines qualités qui existent en elles-mêmes, comme l’ordre et la discipline, le sport. C’est l’époque ou se développe le scoutisme (né en 1911 en Angleterre). C’est l’époque ou un poète comme Charles Péguy glorifie « le vieil honneur militaire ». se développe aussi, et on en a la trace dans de nombreux romans, l’idée de sacrifice, l’idée de pureté, et pourquoi pas l’idée de mort qui transcende l’idée de patrie. Il y a dans les milieux nationalistes une certaine idée de rédemption par la guerre, voire de désir de guerre.
A l’opposé de ces milieux nationalités, il y a ceux qui combattent l’idée de guerre et qui se rangent parmi les internationalistes, c’est-à-dire les socialistes (le mot communiste n’existe pas encore). Pour eux, ce qui est important ce ne sont pas les luttes nationales. Ce qui est important est la lutte des classes, et un journal en particulier de ces milieux socialistes ‘appelle en particulier la « guerre sociale ». L’analyse qui est faite dans ces milieux se fonde sur l’antagonisme social et pas sur l’antagonisme national. Avec cette idée de Jaurès, qui sera reprise par d’autres (y compris par Lénine) : « le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage » ( ?? gg check), et la CGT première grande confédération syndicale française préfère la guerre sociale, c’est-à-dire « la révolte des exploités contre les exploiteurs ». Cette nouvelle analyse s’inscrit contre le développement de l’idée de guerre. Le mot d’ordre est lancé en 1912 : « guerre à la guerre » : faisons tout ce qui est imaginable pour empêcher la guerre.
Dans les congrès de l’internationale socialiste, on va même jusqu’à formuler l’idée d’une guerre générale européenne pour empêche une guerre de se déclencher.
On le voit, l’idée de guerre se développement jusqu’à créer des tensions et des prises de positions inverses. De leur coté les militaires se préparent.
C. Les militaires sur le pied de guerre
C’est une vérité pour les années qui précèdent 1914. Précisons que la guerre à l’époque est une question d’hommes, beaucoup plus qu’une question de matériel. On a vu par exemple en 2003 lorsque les Etats-Unis ont attaqué l’Irak, noyant Bagdad sous un déluge de feu avec des bateaux qui tirent depuis le golfe persique. Avant 1914 c’est l’inverse : les armes sont performantes certes mais ce qui compte c’est le nombre d’hommes qu’on peut mettre dans la guerre. C’est la raison pour laquelle, fort de cette montée du nationalisme dans les opinions publiques te de la crainte d’une véritable guerre, les Etats prennent des dispositions pour augmenter le nombre de soldats disponibles. C’est ainsi que le 7 août 1913 reste promulguée en France la loi dite « des trois ans ». Elle portait les effectifs militaires français en temps de paix à 820 000 hommes. En temps de guerre la mobilisation générale permet d’avoir des troupes beaucoup plus nombreuses.
La Russie, dans le même état d’esprit, peut aligner en temps de paix 1,3 millions d’hommes. La caricature est celle d’un rouleau compresseur du fait de ce nombre de soldats portant l’uniforme. L’Allemagne dans le camp d’en face 850k hommes, l’Autriche-Hongrie 350k. Du coté de l’entente seule le Royaume-Uni fait un peu exception : il développe la première marine de guerre du monde n’a qu’une armée de terre relativement faible : 170k H. sa puissance militaire est sur les océans.
A cette préparation des hommes s’ajoute la course aux armements car ceux-ci comptent quand même bien sur. Course aux armements navals : marine de guerre, qui se développe principalement entre le Royaume-Uni et l’Allemagne. Les différents pays d’ailleurs ont des spécialités qu’ils cherchent à consolider. En France ce qui est de bonne qualité c’est l’artillerie de première ligne, légère, facilement transportable. La spécialité allemande au contraire est l’artillerie lourde, grande industrie oblige. Les états majors européens préparent la guerre : c’est d’ailleurs leur métier. Le plan français, appelé le « plan 17 », est un plan évidemment qui prépare une mobilisation dirigée contre une attaque allemande ; le chef de l’état major français s’appelle Joffre. Le plan allemand, dit « plan Schlieffen », est un plan original parce qu’il tient compte évidemment de la situation géopolitique de l’Allemagne, qui a deux pays hostiles : à l’est la Russie, à l’ouest la France. Le plan prévoit de fonctionner sur les deux fronts ce qui est plus compliqué que sur un seul front.
Quant au rapport des forces, si on veut l’évaluer, il est assez équilibré finalement entre les pays de l’entente et les pays de la Triplice. Si on fait la somme des populations, des ressources alimentaires (qu sont importante dans la guerre), des capacités énergétiques (en particulier des productions de charbon), des capacités minières, des capacités sidérurgiques, on obtient un relatif équilibre entre l’entente et la Triplice, équilibre qui évidemment n’est pas de très bonne augure. Dans cet équilibre on observe quand même la suprématie de deux pays : suprématie allemande du cote de la Triplice, suprématie anglaise du coté de l’entente, dont l’industrie est très puissante, autant sinon plus que l’industrie allemande, et qui possède une marine puissante.
§III. Les entrées en guerre
Elles n’apparaissaient pas obligatoires. Il faut les analyser dans une chronologie fine : comment l’engrenage s’est fait ? C’est bien sur l’histoire de l’été 1914.
A. L’été 1914
La guerre est d’abord une crise régionale, laquelle se déroule naturellement dans les Balkans autour de la question serbe. Là aussi l’histoire est connue : à Sarajevo capitale de la Bosnie, le 28 juin 1914, l’archiduc François Ferdinand est assassiné par un homme du nom de Gavrilo Princip. Cet assassinat politique ne suffit pas, mais il faut regarder le contexte. L’assassinat a été filmé. Qui est Princip ? On le dit membre d’un groupe terroriste qui s’appelait la « Main noire ». Ca fait peur, clandestin, et on avance bientôt l’idée que la Main noire est liée aux services secrets de la Serbie : si c’est vrai, ça se complique, car c’est un peu une déclaration de guerre. Cela dit les preuves n’arrivent pas vraiment, on ne laisse pas de preuve de ce genre de chose, sauf l’assassiné. C’est une déclaration de guerre masquée mais réelle de la Serbie à la Bosnie, et c’est l’analyse que va en faire l’Autriche.
Un mois après, c’est-à-dire le 28 juillet 1914, l’Autriche-Hongrie envoie un ultimatum à la Serbie dont les termes demandent simplement une sorte de démilitarisation de la Serbie, mais les termes de cet ultimatum font qu’il est calculé pour être refusés par Belgrade. C’est évidement le cas, la Serbie ne peut accepter l’ultimatum autrichien, et c’est juste après cet ultimatum refusé par la Serbie que, selon une mécanique bien réglée, les déclarations de guerre vont se faire en fonction des accords militaires des Etats majors qui existent au sein de la Triplice et au sein de la Triple Entente. En une semaine, l’Europe bascule dans la guerre. Attention tout de même, personne n’imaginait – même les esprits les plus fous – que cela puisse se dérouler comme ça. A l’époque on entre en guerre pour des guerres courtes. Les huit jours en question se déroulent de la manière suivante. C’est un mouvement tournant par l’est :
- La Russie est le premier à se mobiliser pour défendre la Serbie. La Russie et la France apparaissent comme les parrains de l’Etat serbe et c’est assez naturel que la Russie élève la voix. Le 29 juillet, elle décrète donc une mobilisation partielle de sa population sous l’uniforme. Cela dit, le lendemain, puisqu’il ne se passe rien, la Russie décrète la mobilisation totale. Ça commence à sentir tout de même un peu le Russie : ce conflit austro-serbe commence à s’étendre par la Russie, puis par l’Allemagne
- Berlin, en effet, vient immédiatement au secours diplomatique d’abord de l’Autriche, et enfin l’ultimatum à la Russie pour lui demander de démobiliser ces troupes ; cet ultimatum date du 31 juillet. Ne voyant rien venir, l’Allemagne à son tour décrète la mobilisation générale : un deuxième pays devient prêt à faire la guerre. Et de fait, les allemands prennent les devants et 24h plus tard, le 1er août 1914, déclarent la guerre à la Russie. Ce qu’il faut comprendre ici est qu’à partir du moment où les pays européens déclenchent une mobilisation. Qui a le pouvoir ? essentiellement l’état major, les officiers, l’armée : le plan Schlieffen commence à être appliqué, des troupes allemands se portent vers la frontière Russie.
- La France est alliée de la Russie et selon la convention d’état major entre les deux, la France décrète la mobilisation générale le 1er août, ce qui fait que l’Allemagne est en guerre à la fois contre la Russie et avec la France, qui lui a déclaré la guerre. Le plan Schlieffen peut s’étaler dans toute sa technicité. A vrai dire, l’Allemagne prend quand même la précaution de déclarer la guerre à la France 2 jours plus tard, le 3 août, après avoir exigé de la Belgique un libre passage pour ses troupes (laquelle était considérée comme un Etat neutre). Dès lors, l’Angleterre se sent menacée, car l’Angleterre aime que les deux rives de la Manche soient des rives amies et qu’il n’y ait pas de tensions dans la manche. A son tour, Londres déclare la guerre à L’Allemagne le 4 août.
Dès lors on applique des conventions prévues depuis longtemps sans savoir à quoi on s’engage. Le seul élément différent est la non entrée en guerre de l’Italie. Les italiens ont confirmé la Triplice quelques années avant, ils n’entrent pas en guerre, les français ne sont pas surpris ni les russes car c’est ce qu’ils avaient négocié.
La mobilisation est générale dans un pays essentiellement rural en France : ce qui se passe dans les villages compte bien sur. La France est déjà couverte de chemin de fers, donc dans toutes les communes françaises on affiche un placard qui est déjà prête intitulé « ordre de mobilisation » avec des indications. Or le mois d’août est le moment des moissons, et la population française est essentiellement paysanne : la population française part quand même. On a dit que la mobilisation s’était faite dans la gaîté, la fleur au fusils, mais la patrie est en danger. Les intellectuels nationalistes se précipitent, et le 4 août Péguy écrit : « nous sommes partis soldats de la république pour le désarmement général et la dernière des guerres ».
En tous cas, en quelques jours, tout le monde est au front, et cette fois ce n’est plus 820 000 hommes qui sont sous les drapeaux, mais 3,6 millions pour la France.
B. L’Union sacrée
C’est une union quasi mystique, religieuse, pour la défense de la patrie. En France, les forces politiques s’opposaient sur l’idée de guerre. Les socialistes en particulier, dont le leader est Jean Jaurès, combattent cette idée de guerre et restent fidèle à la lutte des classes contre les luttes nationales. Se passe un événement tragique, un assassinat : celui de Jean Jaurès. Le 31 juillet, en pleine mécanique évoquée précédemment, dans un petit restaurant (le croissant) qui se situe sous le journal de la SFIO, l’humanité, Jaurès est assassiné par deux coups de révolvers par Raoul Villain. L’assassinat de Jaurès apparaît comme un nouvel orage qui éclate à l’intérieur même de la France.
On s’est longtemps demandé si la situation aurait été différente avec un Jaurès vivant : on n’en sait rien, car Jaurès lui même semble-t-il était en train d’évoluern et toute cette mécanique vers la guerre commençait a lui poser problème. En tout cas, ce qu’on sait, est que les socialistes se rallient à l’idée de guerre, abandonnant la posture pacifiste et révolutionnaire qui était la leur. On s’en rend compte tout de suite dès les obsèques de Jaurès ou le leader de la CGT, Jouhaux, rend hommage à Jaurès lors de ses obsèques parisiens. Lors du discours de Jouhaux (discours dont la logique est intéressante), il oublie de parler de la lutte des classes et il revient à une rhétorique finalement qui est un peu celle des années de la Révolution française. Il dénonce « le hideux militarisme prussien, les empereurs : on se croirait en 1792 ». Il y a un glissement du capitalisme vers la nation : on ne lutte plus contre le capitalisme, mais pour la nation.
Et donc les socialistes rejoignent d’une certaine manière l’Etat d’esprit des nationalistes. Quand Péguy déclare vouloir « mourir pour porter remède au mal universel ». Désir de guerre à nouveau. Péguy sera tué dans la bataille de la Marne. Ce retournement des socialistes s’opère également dans les autres pays européens, en particulier en Allemagne.
Le terme « Union sacrée » est forgé par Raymond Poincaré. Il va conduire la nation toute entière vers la guerre, seule une petite minorité s’oppose à l’idée de guerre. Très concrètement, comment se forge l’union sacrée ? Pour faire de la guerre il faut de l’argent, et en France c’est l’Assemblée Nationale qui décide l’attribution des crédits. La chambre des députés est convoquées pour voter des crédits de guerre : sans crédits, pas de guerrE. Pour voter les crédits, il faut une majorité, et le ralliement des socialistes ici est essentiel. Ils vont voter les crédits de guerre, donc accepter la guerre, d’entrer dans l’union sacrée, et même accepter de participer au gouvernement.
C. Les premières opérations
Elles se déroulent bien sûr sur le front russe, puisque l’Allemagne a prit l’initiative et s’est lancée à l’assaut du rouleau compresseur russe. Les premières offensives russes sont couronnées de succès contre l’Allemagne. Le chef d’état major, Hindenburg, concentre des troupes et inflige finalement une vraie défaite militaire à la Russie fin août 1914 : bataille de Tannenberg. L’armée russe accuse le coup et donc l’armée allemande peut se retourner d’une certaine manière sur le front occidental, c’est-à-dire contre la France.
Sur le front occidental, que passe-t-il ? Le Plan 17 a été qualifié par dérision, par la suite, de « plan sentimental » : on concentre les troupes sur la frontière d’Alsace-Lorraine, et les troupes françaises y sont postées attendant de pied ferme les troupes allemands. Les troupes allemandes contournent les troupes françaises par la Belgique, et ce contournement par la Belgique bouscule la neutralité belge. Les troupes belges tentent de s’y opposer mais ne font pas le poids. Dans la rapidité du plan Schlieffen, les troupes françaises sont menacées d’encerclement par les troupes allemandes qui déboulent du nord. Paris même est menacée et laisse à l’état major le soin de diriger les défenses. Gallieni est en charge de ce plan, il a fait toute sa carrière dans les conquêtes coloniales. Les troupes allemands ne s’intéressent pas à Paris (et c’est peut être là leur erreur). On se félicite de la défense de Paris, le 13 septembre 1914.
L’histoire ensuite porte des noms connus : « course à la mer ». L’armée allemande se trouve bloquée à l’est de Paris, chacune des deux armées va essayer de contourner l’autre en direction du nord. Il faut absolument empêcher l’autre de passer.
La flotte anglaise concentre ses navires devant les ports allemands, interdisant de fait à la marine allemande de sortir tout simplement. L’Allemagne a une certaine fragilité de ce point de vue là car elle n’a que des ports au nord sur la baltique : il est facile pour une flotte de bloquer les ports allemands.
Conduit Un front fixe qui va durer à la fois sur terre et sur mer.
Ce conflit qui était attendu dans les esprits, sinon désiré, aussi tragiquement curieux cela puisse parait, c’est que personne n’avait envisagé quelle guerre on pouvait éventuellement désire ; c’est là que l’aboutissement des tensions d’ordre économique, nationales, coloniales, va conduire à cette guerre stupéfiante. On entre dans un état de guerre plus que dans une guerre d’événement.
Section 2. La guerre en échec
§I. L’installation de l’Europe dans la guerre
A. Une réalité militaire : la guerre de position
La guerre redevient un Etat. elle devient une situation permanente pendant la guerre redevient un Etat permanent. Cette installation de l’Europe dans la guerre est en réalité militaire. C’est aussi une réalité politique, et aussi et sans doute une réalité économique et sociale.
L’installation de l’Europe dans la guerre. La réalité militaire est bien sur cette guerre de position qui se met en place dès l’automne 1914. C’est une guerre de type inconnu. C’est une guerre durable, c’est du jamais vu. Quels sont ces aspects ? Tout d’abord la transformation même de l’idée de frontière. On ne parle plus de frontière mais de front (racine commune), des fronts, c’est-à-dire des lieux gardés par des militaires qui se font face et qu’on ne franchit pas ou difficilement. Tout autour des empires centraux (c’est-à-dire all, Autriche-Hongrie), autour des cotes, il y a un front infranchissable qui ne sépare plus l’Europe en Etat distinct mais qui compartimente en bloc absolus. Même la circulation entre les pays alliés, c’est-à-dire entre France et Angleterre et la Russie, devient difficile. Pourquoi ? Parce que l’armée allemande a fait un choix, celui du sous-marin, et évidemment la guerre sous marine entrave la circulation maritime.
Pour les communications télégraphiques en gros ça va. Les câbles télégraphies qui sont en général placés au fond des océans, ne sont pas touchés par les armées et les télégrammes diplomatiques circulent toujours. Le caractère infranchissable des lignes ressort d’une anecdote. En 1917, Lénine, réfugié en suisse, va rejoindre la Russie ou se déroule un certain nombre d’événement qui vont déboucher sur la révolution d’octobre. Il rejoint sa patrie, doit traverser l’Allemagne, y parvient, mais les allemands acceptent de le faire passer car il va créer des troubles en Russie. Il traverse l’Allemagne en wagon blindé de la frontière suisse jusqu’à la frontière russe.
De part et d’autre de ces fronts, les armes apparaissent impuissantes. Faute de pouvoir contourner le front, l’obsession de chacune des armées porte un nom : l’obsession de la percée. Il faut percer le front, percée d’une certaine manière toujours vaine car on n’arrive pas à percer. Ceci entraîne des pertes très lourdes, et ce dans une ambiance que l’on pourrait qualifier d’apocalyptique. Les militaires vivent dans des tranchées, c’est ok au printemps mais bof en hiver, surtout qu’on creuse des tunnels sous les tranchées pour poser des mines. Avant les percées on fait des préparations d’artillerie. Ca peut durer plusieurs heures voire plusieurs jours, et c’est un cauchemar pour l’adversaire.
il y a quelques combats aérien ; l’aviation en effet est très récente, la notion même de bombardier n’existe pas, les aviateurs se sentent cavalier du ciel, et il y a une fraternité entre aviateurs ; elle sert plutôt à l’observation dans un premier temps. A la fin de la guerre on assiste aux premiers combats aériens voire aux premiers bombardements
Il y a des batailles sur l’eau, dont la bataille de mai 1916, bataille du Jütland. Cette bataille part d’une ruse anglaise qui laisse sortir les bateaux allemands. Ce qui est nouveau ce sont les sous-marins, nouveaux armements, on savait le faire mais a titre expérimental. Maintenant on sait en faire des armes, peu perfectionné, mais néanmoins puissants.
Ce qu’on retient de toute cette réalité militaire, c’est une violence de type tout à fait nouveau. Les descriptions par la littérature de l’expérience des combats (Henri Barbusse, Le feu), Barbusse essaye de rendre le caractère indicible de cette violence qui effectivement apparaît inédite. La bataille de Verdun : 10 mois, véritable percée. La doctrine est d’amener le plus d’hommes possibles pour faire une percée. Au total, 500 000 morts et laisse un paysage quasiment lunaire qu’on peut visiter aujourd’hui. La bataille est entretenue car du coté français, la résistance permet d’assurer une rotation des hommes. Toute une génération de soldat est passée par Verdun en passant par la voix sacrée.
Ce qui apparaît aussi dans cette réalité militaire sont les écarts croissants entre le front et l’arrière. Il y a des contacts, certes, des informations qui passent, car il y a des nouveaux militaires qui arrivent : la conscription prend de nouvelles classes d’âge. il y a ceux qui bénéficient de permission et qui peuvent rentrer quelques jours ou quelques semaines. Il y a les prisonniers.
Le contact dominant laisse penser à un fossé qui se creuse entre l’arrière et le front. D’autant que la censure et le contrôle de l’information sont absolus. Les seuls informations qui passent sont des info à caractère « positif », il ne s’agit pas démoraliser la nation : « le bourrage de crâne ». Cela dit il y a quand même des gens qui résistent. Par exemple en 1915 le Canard enchaîné est créé précisément pour lutter contre ce bourrage de cadre et donner des infos qui ne sont pas nécessairement positive. Il sera rapidement interdit et apparaîtra sous d’autres formes ;
Ce qui est inquiétant dans cet Etat d’esprit qui se développement est la haine de l’ennemi, de l’autre : caractéristique de la Première Guerre Mondiale. En particulier entre germains et slaves, l’un comme l’autre considèrent l’autre comme un ensemble de barbares primitifs à l’égard desquels il n’y a aucun cadeau à faire : toute violence est bonne à faire.
B. Une réalité politique
Elle porte le nom d’union sacrée. Situons nous en France pour voir comment les choses fonctionnent.
Les institutions fonctionnent, et la chance est que les grandes élections se sont déroulées à la veille de l’entrée en guerre. Les présidentielles qui n’étaient pas au suffrage universel ont porté à la présidence de la république en février 1913 Raymond Poincaré. Des élections législatives pour constituer la chambre des députés ont eu lieu au printemps 1914. Néanmoins le gouvernement a cru bon prendre quelques mesures de circonstances pour apaiser la situation sociale tendue en France pour différentes raisons ; on n’est pas très loin de la loi de 1905 et de la séparation de l’Eglise et de l’Etat : le gouvernement suspend les lois en faveur des religions. D’un point de vue politique, le ministère de l’intérieur et de la guerre entretenaient une liste de français dangereux en cas de mobilisation : on appelle ça le Carnet B avec 2501 noms, très précisément, de gens qu’il fallait arrêter d’urgence en cas de mobilisation. Par exemple dans les îles britanniques, l’ira est en guerre ouverte contre Londres, elle accepte de suspendre ses activités tant que le conflit dure.
Cet effort d’apaisement au niveau du gouvernement se concrétise par des gouvernements d’union nationale. L’union sacrée est concrétisée par le vote des crédits de guerre : il faut décider de mettre de l’argent dans la guerre, ouvrir les crédits, et voter à la majorité leur emploi dans le conflit. Tout le monde vote ces crédits, y compris les députés socialistes et les plus radicaux. La chambre des députés elle même est plutôt orientée à gauche pendant toute cette période et c’est un gouvernement de gauche présidé par Viviani qui entame le conflit. Ce gouvernement mis en place en juin 1914 devient le gouvernement d’union sacrée, toujours sous la présidence de Viviani, sous la présidence de poincaré. Ce ministère d’union sacrée va s’appeler le ministère de défense nationale. La formule est la suivante : ce gouvernement comprend des républicains modérés (sorte de centre-droit), des radicaux, des socialistes indépendants, et puis des socialistes tout court, c’est-à-dire des membres de la SFIO. Trois noms à retenir : Albert Thomas, qui représente la SFIO dans le gouvernement et qui est sous secrétaire d’Etat à l’artillerie et à l’équipement militaire : il fait la guerre, prépare les armements. Un autre ministre socialiste, Marcel Sembat, ministre des travaux publics. Le chef de cabinet s’appelle déjà Léon Blum. Un autre ministre du gouvernement mais sans portefeuille : Jules Guesde, qui représente la tendance la plus marxiste de la SFIO : c’est tout un symbole de l’avoir au sein même du gouvernement d’union sacrée.
Il reste quand même en France comme dans les autres pays européens des gens qui refusent cette US et qui relèvent d’un pacifisme révolutionnaire. Ce pacifisme révolutionnaire se retrouve dans une rencontre internationale en suisse en septembre 1915 : conférence de Ziemmerwald, 30 délégués représentants 11 pays qui sont en guerre sont présent, dont 2 allemands, 2 français, des italiens, des russes (Trotski et Lénine). En ressort un manifeste anticapitaliste réclamant le droit des peuples à disposer d’eux même.
C. Une réalité économique et sociale
C’est une guerre industrielle. Le nouveau front, c’est l’industrie. Puisque les militaires sont impuissants les uns les autres à se dominer mutuellement, il faut trouver des ressources ailleurs, produire des armements en grande quantité pour alimenter les percées et les tendre plus efficaces. Il n’y a pas que l’industrie bien sur.
Cette réalité économique et sociale c’est d’abord les problèmes alimentaires, car il faut nourrir la population et ces millions de militaires (ouvriers et paysans) qui pendant ce temps là ne produisent pas. Les pays européens connaissent des situations de pénurie voire de famine assez importante, surtout à partir de 1917. On va donc chercher des aliments de substitution, comme du pain avec des céréales pauvres (le « Pain K » en Allemagne). On va utiliser tous les moyens pour s’assurer des subsistances, élever des poules à domicile, des légumes dans les jardins publics, etc. Ces pénuries ont parfois atteint une telle gravité qu’elles ont entraînée des grèves ouvrières. En Russie on a enregistré des grèves ouvrières dont la revendication était de pouvoir aller à domicile pour pouvoir cultiver de quoi manger. Ceci entretient une situation sanitaire fragile.
Chaque pays en guerre a pris des mesures propres : le dirigisme économique (interventionnisme d’état). Il faut comprendre qu’on était dans des économiques libérales, que celles-ci s’imposent à tous, mais que celles-ci ne fonctionnent plus et que l’Etat est obligé d’intervenir. C’est la première fois que l’Etat intervient depuis Napoléon (en France, en Allemagne et en Angleterre). L’Etat cherche à coordonner la production, les stocks, la circulation et des chemins de fers, essentiel dans une situation pareil. Coordonner la production des usines d’armement, voire intervenir de manière autoritaire dans les conflits sociaux.
Phase de réorganisation de la main d’œuvre dans les pays en guerre, développement de la main d’œuvre féminine pendant que les hommes sont au front. Plus original : le développement d’une industrie de guerre, c’est-à-dire bien sur produire des canons etc., mais pas seulement. On est en particulier en France dans un moment ou la deuxième révolution industrielle est en route. C’est la révolution du moteur à explosion, etc. quelques entrepreneurs sont dans cette direction. L’Etat de manière audacieuse va s’adresser à ces gens là, en France en particulier. Compétence propre, dynamisme propre, d’organiser la guerre. Ce sont André Citroën, qui organise une usine Quai de javel à Paris dans le 15e. En quelque semaine seulement. Il utilise la taylorisation pour fabriquer des armements. L’usine du quai de javel conçue en quelque semaine peut fabriquer chaque jour 20 000 obus de 75 envoyés vers le front. Louis Renault réfléchi à la production de munitions, d’avions, de char léger. Marius Bernier, marque de camion, fait de même. Enfin le nom de Marcel Boussac, à qui on demande de coordonner l’industrie textile dans les Vosges et de se lancer dans l’industrie aéronautique. Il s’agit d’alimenter le front en armement et de réfléchir à des outils nouveaux pour faire la guerre.
§II. La mondialisation du conflit
Le conflit est mondial dans la mesure ou l’Europe dirige le monde mais aussi par la généralisation des entrées en guerre.
A. La mobilisation des empires
Les empires couvrent une bonne partie de la planète. Curieusement dans cette situation extrêmement difficile, les opinions publiques voire les gouvernement découvrent ou redécouvrent les empires. Jusqu’alors la conquête coloniale avait été une œuvre d pionnier, d’experts, de spécialistes. On se rend compte tout à coup que la France n’est pas seulement l’hexagone mais est aussi un empire, que l’Angleterre n’est pas seulement un archipel mais un immense. Ces empires sont appelés à entrer dans la guerre. Quelles contributions ?
La participation tout d’abord des troupes coloniales. L’empire britannique fait venir des quatre coins du monde des troupes fraîches qu’elle va engager sur les théâtres européens, en particulier depuis les dominium (grandes colonies de peuplement européen) : Canada, Australie, Afrique du sud, nouvelle Zélande. Tous ceux qui ont fuit l’Europe la rejoigne. L’empire français s’est mobilisé de la même manière, en particulier soit sur le front (comme militaires) soit à l’arrière dans les emplois abandonnés pour les opérations militaires (genre les mines). On utilise des travailleurs qu’on fait venir des quatre point de l’empire pour travailler (310 000 travailleurs). 535 000 combattants sont utilisés dans ce conflit.
Participation enfin, au-delà des hommes, des ressources coloniales. On fait donc venir des denrées alimentaires de l’empire. 2,5 millions de tonnes de marchandises diverses sont acheminées en métropole. On essaye de mobiliser de l’argent : les souscriptions sont lancées dans les « provinces lointaines » comme on disait pour des emprunts d’Etat. L’Etat a besoin d’argent et va chercher de l’argent partout où il peut se trouver en petite quantité. 2,5 millions de franc or sont levés dans l’empire.
B. La généralisation des entrées en guerre
| Le monde et le premier conflit mondial
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Dans cette guerre qui n’arrive pas à se décider à bouger, on observe et là aussi c’est bien logique, l’ouverture période de nouveaux fronts, de nouveaux théâtres. On se donne de nouveaux alliés, on ouvre de nouveaux fronts. On a un peu l’impression que la guerre est le lieu ou il faut être dans cette période et tout le monde y va. Les buts de guerre n’apparaissent clairs à personne. Les quelques tentatives de négociations menées posent cette question. Elles sont le fait de l’empire d’Autriche notamment. ( ??).
Les pays neutres sont autant de lieux où des émissaires de différents pays peuvent se rencontrer. La neutralité de la Belgique a été violée au début de la guerre, mais il reste la suède, la Norvège, les pays balte, et la suisse bien sur. Rien de décisif n’apparaît.
Les nouvelles entrées en guerre concernent plutôt l’Europe du sud et l’Europe méditerranéenne. Le pays qui le premier, et ce n’est pas le moindre, bascule dans la guerre est l’empire ottoman. C’est un mauvais coup pour la France car la France est un vieil allié de la Turquie depuis François 1er. L’empire ottoman est truffé de capitaux allemands et s’engage du coté des empires centraux le 2 novembre 1914. c’est important pour l’avenir des relations dans cette partie du monde jusqu’à aujourd’hui, parce que l’empire ottoman donc n’est pas seulement la Turquie mais l’ensemble du bassin méditerranée oriental, tout le proche orient (Israël, Syrie, Irak, actuels etc.). Donc a partir du moment ou la France et l’Angleterre se trouvent en situation de guerre contre l’ottoman, ils s’efforcent de saper les bases géopolitique de l’empire ottoman (en poussant les arabe à la révolte contre les turcs notamment) ; ils envisagent un démembrement de l’empire ottoman, on a déjà des accords entre les anglais et les français qui tracent les cartes de l’empire ottoman. Dans l’est de l’empire ottoman se situe une population majoritairement arménienne, des chrétiens, sont proches de la Russie, et sont engagés contre l’Allemagne ; évidemment ils sont en fâcheuse posture et l’autorité turque procède à leur extermination : 1,5 millions de mort.
Sur le fait juif, c’est-à-dire l’idée d’encourager une immigration juive au proche orient. Il y a déjà eu édité par Theodor Herzl un ouvrage à ce sujet. Le 2 novembre 1917, la déclaration Balfour (du nom du secrétaire of foreign office), déclaration encourageant la création d’un « home national » juif.
Les conflits d’aujourd’hui trouvent leurs racines dans les rapports de force pendant la Première Guerre Mondiale.
Le deuxième pays à entrer en guerre : l’Italie. L’Italie entre en guerre contre ses anciens alliés, c’est-à-dire l’Autriche-Hongrie et l’Allemagne, en mai 1915. C’est là aussi pour l’Italie, pays d’unification récente comme l’Allemagne un moment extrêmement important. La ferveur nationale est très forte. Benito Mussolini parle de « fonder la nation par la guerre ».
( ??)
En dehors de l’Europe en France il faut signaler l’entrée en guerre symbolique du Japon dès le 23 août 1914 qui déclare la guerre à l’Allemagne. Pourquoi cette initiative ? En grande partie parce que le Japon, pays industriel, le seul en Asie dans ce cas, a des ambitions forcément importantes et des ambitions territoriales notamment en direction de son ennemi de toujours, la chine. Or l’Allemagne a des zones d’influence en Chine, et le Japon en gros se dit que dans cette situation ou l’Europe va être neutralisée par son conflit et ou les allemands ne sont pas en très bonne posture. Le japon par cette déclaration de guerre prend position en chine.
C. L’intervention des États-Unis
Événement à l’échelle du siècle, l’engagement des Etats-Unis. Aujourd’hui on trouve quasi normal de voir les Usa intervenir dans le monde entier. La première fois où les Etats-Unis sont sortis de leur frontière c’est pour la Première Guerre Mondiale et depuis ils ne sont jamais revenus d’une certaine manière. Auparavant, les jeunes Etats-Unis, pays de peuplement européen avec des millions d’immigrants, tournaient d’une certaine manière le dos à l’Europe et affichaient leur neutralité. La neutralité américaine avait été affirmée en particulier en 1823 par le président Monroe (doctrine Monroe), qu’on peut résumer tout simplement par le slogan « l’Amérique aux américains ».
Les Usa étaient d’autant plus enclin à ne pas intervenir qu’il n’y a pas si longtemps ils étaient eux même en guerre civile (1860-1865) il y a peu de temps donc. Et puis les logiques de l’immigration faisaient que de fait les Etats-Unis n’avaient à s’engager au coté de personne car ils recevaient un peu tout le monde. L’idée d’entrer en guerre au coté d’un pays européen était tout sauf populaire aux Etats-Unis. Pour autant, les Etats-Unis étaient engagés malgré eux dans le conflit, en particulier sur un mode commercial. Londres et Paris achètent aux Etats-Unis ce qui manque : on paye cher, et en or. Il y a un engagement commercial indirect déjà. Les Etats-Unis sont les fournisseurs des pays de l’Entente. Un certain nombre d’événements connus vont amener un basculement de l’opinion américaine et donc de la décision. Ces événements sont trois :
- un événement qui va secouer l’opinion publique américaine et qui reste resté célèbre : le Lusitania, paquebot coulée le 7 mai 1915 au large de l’Irlande, par un torpillage allemande. Ce paquebot coule avec 1200 personnes, dont 118 américains. Par certains cotés, toute proportion gardée, le coulage du Lusitania a un côté 11 septembre 2001.
- à partir de là, la « guerre sous marine à outrance » déclenchée par la marine allemande contre tout navire en route pour un pays de l’entente quelconque, commerciale ou pas, est déclenchée le 31 janvier 1916 touche évidemment les cargos des Etats-Unis en route vers l’Europe.
- enfin le fameux télégramme Zimmermann, du nom de ce diplomate allemand. Il est envoyé par câble et les anglais cassent le code. Il part de Berlin pour aller à l’ambassade d’Allemagne au Mexique, et ce télégramme demandait aux allemands de négocier l’entrée en guerre du Mexique contre les Etats-Unis. Ça fait désordre, et les Etats-Unis se sont sentis agressés au point où on s’est demandé si ce n’était pas une provocation pour les faire entrer en guerre. L’entrée en guerre s’est décidée dans les locaux du congrès des Etats-Unis le 6 avril 1917 par un discours convaincant du président démocrate Wilson. Il faut une guerre pour le droit, pour la liberté commerciale ; les usa n’ont pas le choix, on leur fait la guerre de fait, il faut qu’ils y aillent et ils le font.
Les premières troupes américaines débarquent à Saint-Nazaire. A la fin du conflit les troupes américaines seront très nombreuses en Europe. Au moment ou les USA entrent en guerre, la Russie est encore en guerre elle-même ; il y a eu la révolution de février, mais là ils ne renoncent pas à la guerre. C’est en octobre que ça clash. A priori, il n’y a pas de lien direct entre les deux événements.
§III. L’ébranlement révolutionnaire
Cet ébranlement révolution se situe principalement en 1917 et est une conséquence directe de la guerre bien sur. La révolution russe va en être l’aspect le plus emblématique, et cet ébranlement va introduire un nouveau rapport des forces. Un phénomène général dans tous les pays en guerre entre pacifisme et socialisme.
A. Entre pacifisme et socialisme
Obéissent tous à la même logique, à la même dynamique. C’est un raz le bol général. Quand on comprend les percées inutiles, on peut comprendre pourquoi. Les formes sont multiples : insoumissions, mutineries. Il y a des fraternisations. Elles existent aussi dans les flottes, les marines militaires (en particulier dans les flottes françaises de la mer noire).
Croissance du mouvement syndical, et à l’époque toute grève est importante. La fédération des métaux voit ses objectifs augmenter de 7000 en 1914 à 200 000 en 1917. L’idée révolutionnaire fonctionne. Le phénomène est général, la répression aussi est générale. Evidemment, là aussi il y a une logique de laquelle personne ne veut sortir. Donc les chefs militaires répriment, et en France en 1917, on juge extrêmement sévèrement les coupables de mutineries ou de désertion. Selon le code militaire, un déserteur en guerre doit être puni de mort. Ce ne sont pa des milliers de mort victime de ces condamnation, mais en 1917 il y a 600 exécutés sur ??? condamnations.
Ce dont on est sur, c’est que les idées pacifistes reviennent en quelque sorte, gagnent du terrain, et que dès 1916 d’ailleurs une nouvelle conférence est tenue en suisse à Kienthal. Ils demandent aux socialistes de se retirer des mouvements d’Union nationale et de refuser de voter les crédits de guerre.
Là ou bien sur ce mouvement culmine, c’est en Russie.
B. Les révolutions russes
C’est d’abord une mutinerie qui a réussi. Elle apparaît comme un gigantesque coup de tonnerre. On distingue la révolution de février (en fait en mars). Cette grève générale, sur laquelle s’appuie des éléments politiques libéraux, conduit à l’abdication du tsar Nicolas II le 15 mars (calendrier occidental) 1917. Ce gouvernement Kolinski apparaît relativement acceptable par les alliés de l’entente, en particulier par les français. Dans sa déclaration politique au congrès, Wilson a lancé la guerre contre l’autoritarisme et les empires et la Russie n’en n’était plus un, donc c’était plus facile : il y a peut être un lien.
Aux yeux de ses alliés de l’entente, le gouvernement russe apparaît presque plus convenable, mais la guerre continue. Mais la situation créée en février fait que les groupes, les forces sociales et politique hostiles à la guerre, les plus radicales et révolutionnaires gagnent du terrain finissent par l’emporter. La date en calendrier occidental est celle du 6 novembre 1917, date à laquelle les bolcheviks prennent la capitale Petrograd. Immédiatement les bolcheviks prennent langue avec les allemands et négocient un armistice et bientôt la paix. L’armistice est signé le 15 novembre, à peine un mois après la prise de contrôle de Petrograd (15 décembre 1917) et la paix est signée en Mars 1918. Les deux sont signés dans la petite ville de Brest-Litovsk.
Cette paix séparée qui est un événement colossal dans le conflit se réalise dans des conditions extrêmement difficiles pour la Russie qui y perd beaucoup. Pour garder le pouvoir en quelque sorte et imposer la paix, le pouvoir bolchevique a choisi d’abandonner des territoires importantes (25% du territoire), une population nombreuse (60 millions d’habitants), et le potentiel industriel (50% perdu). Une paix donc dans des conditions évidemment qui ont été beaucoup discutées sur Brest-Litovsk.
D’autant plus que la Russie pour autant ne connaît pas la paix : la guerre civile suit presque immédiatement la guerre tout court. La guerre civile oppose les sortants, c’est-à-dire les ex-tsariste et les généraux en guerre contre l’Allemagne et l’Autriche, les blancs, qui s’opposent aux rouges, avec Léon Trotski. Cette guerre civile rouges contre blancs va durer environ trois ans, trois ans pendant lesquels les alliés de la Russie (anglais, français, américains, voire japonais) vont s’engager discrètement aux coté des blancs. Cette guerre civile a failli coûter la vie au pouvoir bolchevique. Avec des méthodes comparables à la terreur française de Robespierre, les bolcheviques vont s’en sortir.
C. Le nouveau rapport des forces
Nous sommes face à une nouvelle configuration de la guerre, pour l’Allemagne en particulier. L’Allemagne se battait sur deux fronts (à l’est le front russe, à l’ouest le front français pour l’essentiel). Elle n’a plus qu’à se battre sur le front occidental ce qui de son point de vue est beaucoup plus facile, d’autant que tous les stratèges et théoriciens de la guerre expliquent que se battre sur 2 fronts est impossible. Donc, il y a un avantage pour l’Allemagne.
Mais il y a un avantage pour l’occident, car les Etats-Unis arrivent. Dans quelles conditions politiques, militaires, internationales se termine le conflit ? Quelques points simples à préciser :
- D’une part, et c’est la conséquence de l’année 1917, c’est la fin de l’union sacrée dans les pays en guerre. le dernier gouvernement français de Clemenceau en 1917 ne comprend plus le moindre socialiste. Les socialistes ont voté contre. C’est vrai dans tous les pays en conflit pratiquement. Rupture au sein de la classe politique.
- Sur le plan économique, toutes les initiatives de guerre économique prisent depuis 1915 portent leur fruit, avec de nouveaux moyens militaires : le char d’assaut, l’avion (qu’on produit par centaines chaque moi en France). La Première Guerre Mondiale commence à cheval, assez rapidement on abandonne le cheval au profit du train (guerre des fronts fixes). On retrouve la guerre de mouvement avec l’automobile, le char d’assaut, l’avion
- L’efficacité américaine, qui engage quand même 2 millions d’hommes sur place à la fin du conflit et qui iront bien sur contribuer à la décision qui sera in fine politique et qui donne raison d’une certaine manière au discours de Wilson d’avril 1917 obligeant le congrès à déclarer la guerre. Quand Guillaume II, empereur d’Allemagne (considéré comme partout comme le fauteur de guerre) est de plus en plus contesté et considéré comme le principal obstacle à la paix, il est contraint à l’abdication ; la guerre finit par avoir une solution presque politique. Il abdique le 9 novembre 1918, et le 11 novembre l’armistice est signé. On est dans le cadre d’une offensive
Conclusion
Une guerre qui dure quatre ans et qui fait basculer le monde dans une autre époque, dont le souvenir des 13 millions morts n’est pas près de s’effacer bien sûr, et dont la période suivante va s’acharner en quelque sorte à entretenir la flamme du souvenir, de la mémoire, mais dans une situation qui ne recouvrera pas d’équilibre avant longtemps. C’est la question de l’immédiate après guerre et de la conférence de Versailles
Chapitre 5. L’Europe des traités et des révolutions (années 1920)
Comment est ce qu’on sort d’une guerre de cette nature ?
Section 1. Une nouvelle carte, une nouvelle ambition
§I. Sortir de la guerre
A. Effondrements politique et militaires
Il y a des armistices, c’est-à-dire que les accords qui sont trouvés et qui restent provisoire sont la plupart du temps liés a des évolutions politique et non pas seulement militaires. C’est le cas sur le front germano-russe et aussi sur le cas franco-allemand.
Sur le front germano-russe, c’est la paix de Brest-Litovsk (frontière Biélorusse et Pologne), nous savons que dès leur prise de pouvoir les bolcheviques ont ouvert des pourparlers de paix avec l’état-major. Ils ont lancé aux gouvernement du monde un appel en faveur d’une paix démocratique, et puis pour ce qui les concerne négocier directement avec l’adversaire. La suspension d’arme intervient en décembre 1917, chacun chercher à trouver le plus d’avantages possibles sur le terrain en particulier, donc ces négociations sont ponctuées de reprises d’offensives allemandes en particulier. Mais Lénine a beaucoup insisté sur l’acceptation indispensable à ses yeux des conditions imposées par l’Allemagne qui étaient draconiennes et qui ont abouti à la signature du traité du 3 mars 1918, traité de paix de Brest-Litovsk.
La Russie perd d’énormes territoires : Finlande, Biélorussie, pays baltes, Pologne, et donc la vieille grande Russie est amputée d’une part absolument considérable de territoires et de populations. La Russie après le 11 novembre 1918 dénoncera ce traité, et le considèrera comme nul et non avenu car obtenu sous la contrainte. Le traité de Versailles l’annulera, mais en attendant les faits sont là.
Sur le front franco-allemand, là aussi négociations et ultimes offensives alternent. Au printemps 1918, l’armée allemande laisse une ultime offensive contre la France, qui est d’une efficacité assez redoutable. Le matériel utilisé (on pense à l’artillerie) est d’une puissance encore inconnue (cf. la Grosse Bertha qui atteint Paris), une nouvelle bataille se dessine. La France aussi a des nouveaux moyens de combats et le soutien massif de l’armée américaine, mais ce n’est pas ça qui va jouer au final et plus encore une véritable révolution qui se déroule à Berlin à l’automne 1918.
Immédiatement voisine de la Russie, l’Allemagne ; il y a eu la révolution russe, il commence à y avoir une révolution allemande sur le même modèle. Les spartakistes sont à l’offensive partout en Allemagne, on se bat sur les rues de Berlin, on peut avoir l’impression que ce qui s’est passé à Petrograd est en train de se reproduire en Allemagne. Evidemment, les élites allemandes, y compris autour de l’empereur, prennent peur. Nicolas II est tombé, ses successeurs aussi ; Guillaume II risque d’avoir le même sort. C’est la raison pour laquelle Guillaume II se décide à abdiquer le 9 novembre 1918 sous la poussée de cette révolution naissante qui prolonge les mouvements de 1917. Guillaume II abdique et se réfugie aux Pays-Bas.
Des plénipotentiaires allemands et français se rencontrent dans la clairière de Rethondes, pas très loin de Compiègne, et dans un wagon apportée par la compagnie des wagons lits, l’armistice est signé par les allemands et français le 11 novembre, à 11h du matin.
Cet armistice prévoit un retrait des forces allemandes de la rive gauche du Rhin vers la rive droite en un mois, abandonnant leur matériel, restituant les prisonniers. Cet armistice résonne comme une victoire française et, semble-t-il, c’en est bien une. D’autres armistices complètent le dispositif, sur toutes les frontières de l’empire Autriche-Hongrie, en Italie, et dans l’empire ottoman sur tous les fronts ouverts pendant le conflit.
Donc la guerre stricto sensu est arrêtée.
B. Le bilan humain et économique
Tel qu’il ressort et tel qu’on peut l’observer maintenant. Il y a des pertes démographiques très importantes, un sort différent entre vainqueur et vaincu, et entre l’Europe et l’Amérique des transferts de richesse.
Sur les pertes démographiques. Elles sont difficiles, curieusement, à établir avec certitude. Pourquoi ? Parce que les frontières changent dans cette période. On connaît les ordres de grandeur et on sait que la saignée a été énorme, traumatique, que dans la plupart des pays le deuil de cette guerre a été quasiment impossible à faire. 13 millions de morts officiellement, plus une surmortalité civile considérable, plus ce que l’on appelle quand on fait le bilan d’une guerre le déficit des naissances. C’est toutes les naissances qui n’ont pas eu lieu du fait de la séparation des familles. Pour la France si l’on se livre à ces calculs ça devient vite assez impressionnant. Sur 39 millions d’habitants, elle compte environ 3 millions de morts, soit 8% de la population. Si on fait le détail de ces morts pour se rendre compte de ce qui se passe, il y a d’abord des morts militaires : 1,350 millions auxquels s’ajoutent 70 000 militaires amenés des colonies. Cela veut dire que 16% des mobilisés n’en sont pas revenus, ce qui représente un petit peu plus de 10% de la population active.
Quelques chiffres encore : on ajoute à ça 2,8 millions de blessés. Il y a 600 000 invalides, qui du coup ne travaillent pas et ne produit pas dans l’économie. Ce sont des données tout à fait nouvelles qui apparaissent. Quant à la mortalité civile, elle a été le fait d’une épidémie de grippe espagnole. La grippe fait 450 000 morts en France. Il faut dire que cette grippe intervenait sur une population fragilisée, en particulier, sur le plan alimentaire. Quant au déficit des naissances, on l’évalue à 1,8 millions d’individus.
L’Allemagne connaît 6 millions de morts sur une population de 62 millions, la Russie plus encore, encore que là les statistiques sont difficiles à établir. Pourquoi ? Il y a les morts officiels, les blessés, et puis les morts de la guerre civile qui suit pendant 3 ans la fin de la guerre proprement dite. La famine de 1921-22 a été considérable : on est très au-delà des 13 millions supposés de cette guerre en Russie.
Alors sans doute la situation est différente entre les vainqueurs et les vaincus, et sur un autre plan chacun des deux groupes d’Etats connaît des gains et des pertes qu’il faut pouvoir évaluer. L’armistice prévoit dès 1918 de faire payer les allemands et le territoire allemand pour ce qui s’est passé. Le territoire est réduit de toute part, les empires sont démembrés, et la France par exemple gagne des territoires et des richesses qu’elle avait perdues. Outre l’Alsace-Lorraine, elle récupère avec ce territoire un potentiel économique assez important en mines, en capacité de production sidérurgique ou textile, mais même la France qui est vainqueur subit des perte absolument colossales.
La guerre s’est déroulée sur le territoire le plus riche sur le plan agricole. Les tranchées, qui ont couvert une partie de la France pendant toute la guerre, ont endommage 2 millions d’hectares de terres (bois, terres arables, etc.). On trouve dans le même secteur 1 million d’obus non éclatés, et enfin ce chiffre : 375 000 km de barbelés à retirer des anciens fronts de la guerre. Si l’on ajoute à cela que les centres textiles du Nord ont été détruits et que les mines de charbon ont été noyées, on a une image de la désolation dans laquelle se retrouve rapidement toute l’Europe.
Seule note positive, ce sont des transferts de richesse qui se sont opérés à la faveur de la guerre de l’Europe vers les Etats-Unis. L’achat de fourniture dont on a parlé par les pays de l’entente aux Etats-Unis a transformé l’Europe de créancier des USA qu’elle était en débiteur, et c’est là que commence le vrai moment de la montée en puissance des Etats-Unis. Parallèlement, le mal du siècle commence pour l’Europe, mal qui n’est pas tout à fait fini, c’est l’inflation. Les pays européens sortant de la guerre entrent dans un mécanisme d’inflation dont ils ne sortiront qu’à la fin du 20e siècle. On passe d’un taux de couverture de 60% à 20%.
Une des principales sources de richesse de l’Europe provenait de sa maîtrise des transports internationaux. Mais durant la guerre, ni la France, ni l’Angleterre n’étaient en mesure d’assurer leurs propres transports. De plus, absorbé par le conflit les Européens ont perdu de nombreux marchés à travers le monde, au profit des nouvelles puissances Le Japon, jadis cliente de l’Europe est devenu un concurrent et lui prend de nombreux marchés notamment, là ou elle entreprend une extension politique et économique c’est-à-dire dans le Pacifique, le Sud est asiatique, la Chine Mais les Etats-Unis sont les plus grande bénéficiaire de ce conflit. Le pays a considérablement augmenté sa flotte commerciale pour effectuer les transports internationaux que l’Angleterre n’assure plus. En 2 ans elle est devenue la seconde flotte mondiale, elle devient un outil d’expansion commerciale, notamment vers l’Amérique du Sud, auparavant marché réservés aux européens.
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Il faudra 16 années pour reconstruire ce que 4 années de guerre ont détruit
C. Le règlement de Versailles
La conférence de Versailles est évidemment un très grand moment diplomatique, politique, dans une France auréolée du prestige de la victoire. Le lieu rappel les fastes de 1789, c’est le lieu de l’humiliation de la défaite de 1871. Lieu symbolique prestigieux. Le moment : la conférence de Versailles est réunie entre le 12 janvier 1919 et le 6 mai. L’enjeu de cette négociation est bien sûr de refaire l’Europe, et plus précisément de refaire l’Europe de vienne du traité de 1815, qui avait certes connu un certain nombre d’aménagement notamment par les mouvement d’unifications allemands et italiens. Qui participe à cette conférence de Versailles, et quels en sont les enjeux ?
C’est une conférence véritablement mondiale et c’est sans doute la première ainsi. Il n’y manque que les vaincus, c’est déjà pas mal, et c’est presque trop : les allemands ne sont pas là, les communistes russes ne sont pas là non plus, en revanche tous les vainqueurs sont là et pas seulement les vainqueurs européens. Plusieurs pays asiatiques sont présents : le Japon, le Siam, l’Inde (encore un dominium, mais sur la voie de l’indépendance), et même Ho Chi Min arrive pour déposer une demande d’indépendance pour son pays, et des pays d’Amérique Latine sont présents. Ce qui compte surtout, c’est l’Europe.
Le conseil des quatre, qui donc dirige les débats et finalement impose les solutions, sont le président Wilson, le président du conseil français sortant Clemenceau, le britannique Lloyd Georges, et l’italien Orlando. Les négociations sont conduites par quelques principes inspirés d’un document connu qui a été proposé par le président des Etats-Unis : les 14 points de Wilson. Ils se fondent principalement sur quelque chose qu’en France on aime bien : le principe des nationalités, lequel principe a traversé tout le 19e jusqu’à aboutir à cette explosion tragique de la Première Guerre Mondiale.
Quels sont les deux pôles opposés de cette négociation ? C’est essentiellement Londres et Paris. Les anglais, et derrière eux les américains sans doute, sont pour l’équilibre européen. Dans la mesure du possible, ne laisse aucune puissance dominante en Europe, en l’occurrence la France : cela ne convient pas aux anglais. Pour la France en revanche et Clemenceau, l’idée – il faut bien en avoir conscience – est d’abaisser et pourquoi pas de détruire l’Allemagne. Clemenceau veut casser la puissance allemande, et donc la négociation de Versailles se fait très largement sur ce débat. Les français ont une position maximaliste et les américains et anglais sont plus en retraits.
Le compromis va être très dur pour l’Allemagne. Les traités qui vont être signés sont plusieurs, il y en a un par vaincu, ce qui fait 6 traités. Le traité concernant l’Allemagne est le traité de Versailles proprement dit, signé le 28 juin 1919 (même jour que l’assassinat de Sarajevo). L’élément important de ce traité de Versailles, c’est que l’Allemagne est nommément désignée « responsable de la guerre ». Or quand on sait le bilan de cette guerre, être responsable de ce bilan, c’est quand même assez lourd. D’autres traités (traité de saint germain par exemple avec l’Autriche), traité de Trianon avec la Hongrie, ou de Neuilly avec la Bulgarie.
En novembre 1920, le Sénat Américain refuse de signé les accords de Versailles suivant la doctrine Monroe. Il est bon de souligner que ceux qui ont le plus inspiré les accords de Versailles n’y ont pas participés.
Texte qui sert de base aux discussions des participants à la «Conférence de la paix»qui se déroule de janvier à juin 1919 et qui réunit : Wilson (Etats-Unis), Lloyd George (Grande-Bretagne), Orlando (Italie) et Clemenceau (France). 1. Suppression de la diplomatie secrète 2. Liberté de navigation sur les mers 3. Suppression des barrières économiques 4. Limitation des armements 5. Tenir compte des intérêts des populations lors des revendications coloniales 6. Evacuation du territoire russe 7. Rétablissement de la Belgique 8. Retour de l’Alsace-Lorraine à la France 9. Fixation des frontières italiennes en tenant compte du principe des nationalités 10. Autonomie des peuples d’Autriche-Hongrie 11. Libre accès à la mer pour la Serbie 12. Ouverture des détroits de navigation 13. Création et indépendance, avec accès à la mer, de la Pologne 14. Création d’une Société des Nations
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§II. La recomposition de l’Europe
Approche géopolitique. Il s’agit de la recomposition des continents.
A. La fin des empires continentaux
Cette recomposition de l’Europe est marquée d’abord par la fin des empires continentaux, c’est-à-dire tous les grands empires qui faisaient l’Europe depuis le début du 19e siècle (Russie, Allemagne, Autriche-Hongrie). Ce sera également l’éclatement de l’empire ottoman mais un certain nombre de problèmes non résolus devront être pris en compte.
Le rabaissement de l’Allemagne tout d’abord, qui va perdre des territoires. Coté français c’est l’Alsace-Lorraine, côté danois c’est la région du Schleswig, etc. Elle perd 68 000 km², avec un territoire nouveau qui rentre dans l’ancien. Elle perd aussi 8 millions habitants.
Ces nouvelles frontières s’accompagnent d’une perte de souveraineté à l’intérieur même de l’Allemagne. C’est en particulier l’internationalisation des fleuves, ce qui veut dire que les grands fleuves allemands peuvent être parcourus par des bateaux de guerre, y compris européens, sans que l’Allemagne puisse y faire quelque chose. C’est aussi la démilitarisation de la Rhénanie (frontalière de la France), c’est-à-dire que l’autorité allemande ne peut pas y entretenir de forces militaires. Accessoirement elle perd son empire colonial. L’Allemagne doit tout rendre aux deux grandes puissances vainqueur : Angleterre et France. C’est ainsi par exemple qu’en Afrique noire le Cameroun, colonie allemande, passe dans l’empire français, ou le Togo également.
Ajoutons enfin que l’Allemagne est réduite à l’impuissance militaire avec une clause très dure qui lui impose de ne pas avoir une force armée supérieure à 100 000 hommes, et qui lui interdit de fabriquer des armements. Enfin, on impose à l’Allemagne des réparations (c’est la pratique international : c’est le vaincu qui doit payer), qui s’élèvent à 132 milliards de marks or. C’est évidemment sur ce que certains appellent déjà le diktat de Versailles que germera le marxisme.
Le deuxième élément de cette fin des empires continentaux : l’espace laissé vacant dans la fin de l’empire russe (Finlande, Etats baltes, Pologne). Tout une ligne nord-sud est déplacée vers l’ouest et laisse un espace vacant sur lequel des nouveaux Etats vont se constituer : Finlande au nord, qui jusqu’à alors était ballottée entre la Suède et la Russie, et qui pour la première fois trouve une véritable indépendance. Les pays baltes pour la première fois apparaissent sur la carte : Estonie, Lettonie, Lituanie. Ils sont petits et ont eu une histoire assez accidentée, beaucoup d’allemands y sont installés, des russes aussi. Et enfin la Pologne bien sur va pouvoir se reconstituer. La doctrine était la nécessité de lui donner une fenêtre maritime, c’est la raison pour laquelle on a choisi le port de Dantzig (actuel Dansk) à qui on donne un statut de ville libre et on ouvre un accès à la Pologne vers ce port (« le corridor de Dantzig »).
Enfin, l’empire d’Autriche-Hongrie est coupé en morceau. Toutes les solutions qui étaient apparues pour résoudre le problème des nationalités en Autriche volent en éclat, c’est une autre réalité qui apparaît. De ce démembrement sort une toute petite Autriche, l’Autriche actuelle, c’est-à-dire les pays de langue allemande de l’ancienne Autriche. Il en sort une toute petite hongrie. La Tchécoslovaquie aussi est construite sur les ruines de l’ancien empire d’Autriche-Hongrie. Dans les Balkans enfin, la Bulgarie a été réduite, et événement des événements, une Yougoslavie est constituée avec des territoires pris dans le sud de l’Autriche-Hongrie (Croatie, Bosnie-Herzégovine, et la Serbie et le Monténégro en dehors de ces frontières).
B. L’éclatement de l’Empire ottoman
Tous ces événements sont fondamentaux ou toute l’histoire des relations internationales dans le 20e repose dessus, y compris les problèmes actuels.
L’empire ottoman fait parti des vaincus. Cette guerre est un désastre militaire mais également politique : le système politique ne résistera pas à la guerre. le sultan qui accepte le contrôle des alliers, et le traité de Sèvres qui le concerne, perd bientôt le contrôle de l’empire ottoman. S’y développe en effet une révolution interne un peu comme en Allemagne dirigée par Mustapha Keman, général de son activité, et qui entreprend à partir de l’Anatolie une véritable révolution nationale qui gagne progressivement toutes les provinces turques. Ce qui fait que Mustapha Keman qui va se saisir progressivement de l’ensemble des pouvoirs ne va pas reconnaître le traité de Sèvres et le sort que la conférence de Versailles a réservé à la Turquie. Il va donc renégocier le traité, il est le père de la Turquie moderne. Le traité nouveau, traité de Lausanne, est signé le 24 juillet 1923, et la république turque, c’est-à-dire la Turquie d’aujourd’hui, est proclamée le 29 octobre 1923.
Que se passe-t-il dans le sud de l’empire ottoman, là ou il y avait eu un certain nombre d’initiatives franco-anglaises contre l’empire ? Anglais et français pendant la guerre ont commence à négocier le partage de cette zone, de cet intérieur de l’empire ottoman. Les puissances coloniales ont joué un rôle particulier dans cep roche orient en protégeant en particulier les lieux saints de Jérusalem : c’était le rôle de la France.
Mais les premières traces de pétrole attisent les convoitises et les européens s’intéressent encore plus à cette région. Le démembrement est préparé depuis longtemps, en particulier par des accords signés dès 1915 et 1916, les accords Sykes-Picot. Les deux diplomates ont pris une carte et se la sont partagée. La zone au nord en gros, serait plutôt confiée aux français, et la zone B, c’est-à-dire la zone sud vers l’Arabie Saoudite et l’Irak confiée plutôt aux anglais.
Les deux Etats anglais et français se réservent des zones plus particulières. Tout au nord ce sera français quoi qu’il arrive. Les zones au sud-est seront anglaises quoiqu’il arrive. En effet la conférence de Versailles invente le système des mandats pour confier tous ces territoires à Londres ou à Paris. La doctrine est très simple : on considère que ces nouveaux Etats arabes sont trop jeunes pour devenir des Etats indépendants donc il faut les parrainer, mettre une tutelle, et on confie cette tache évidemment aux deux grandes puissances coloniales. Un mandat n’est pas la colonie mais un territoire confié à l’Angleterre ou à la France, charge à lui de porter progressivement ce pays vers l’indépendance. Les français héritent de deux mandats : le Liban et la Syrie. Les anglais pour leur part ont pour mandat la Palestine, la Jordanie, l’Irak, et l’Arabie plus au sud.
Précisons que les anglais travaillent depuis longtemps ces régions : la déclaration Balfour de 1917 prévoit l’immigration juive en Palestine, c’est-à-dire la création d’un home national juif en palestine. Les anglais aussi encouragent le soulèvement des arabes contre les turcs. C’est en particulier l’aventure bien connue de cet officier des services secrets britanniques connu sous le nom de Lawrence d’Arabie.
Cours de relations internationales Mr Daudet
Juste après la publication du livre en Europe de Théodore Ernst, « l’Etat Juif », en 1887, et après la création du mouvement sioniste, l’idée se développe de voir les Juifs retourner en Palestine afin d’éviter les pogroms dont ils sont victimes en Europe et en Russie. Cette thèse s’étend et, à partir de 1905, date du premier Kibboutz, des retours commencent à être organisés. La langue hébraïque est introduite, Tel Aviv est créée, il n’y alors que 65 000 Juifs en Palestine pour 6 500 000 Arabes. Il n’y a à cette époque pas encore de réflexion à propos de la création d’un quelconque Etat, simplement la déclaration de Balfour en 1917 fait état d’un « foyer national juif ». En janvier 1916, les accords Sykes-Picot prévoient une tutelle française sur la Syrie et le Liban ainsi qu’une tutelle de la Grande Bretagne sur la Mésopotamie et la Palestine. Une promesse est faite aux Arabes d’un grand royaume Arabe, cette promesse est faite à l’Emir Hussein allant de la méditerranée à la Perse. Les accords Sykes-Picot sont secrets, or la Société des Nations est contre ce genre d’accords secrets. Les Anglais vont changer d’avis à partir des années 30 car ils ont entre temps reçu le mandat sur la Palestine et l’émigration Juive commence à poser des problèmes.A partir de 1933, Hitler entre au pouvoir et l’immigration Juive va donc être difficile à contrôler. En 1939, les Juifs sont 430 000 en Palestine ; ils vont commencer à s’organiser, à créer des organes de défense comme la Haganah, ainsi que des organes qui vont conduire des actions terroristes comme l’Irgoun et le groupe Stern. Ils vont aussi créer « l’Agence juive » qui va être chargée de racheter des terres aux bédouins. Les colonies, et organisations, juives vont commencer à s’attaquer à la Grande Bretagne, qui a des intérêts mitigés entre les groupes pétroliers Arabes et les pressions Juives.
C. Les problèmes non résolus
Prétextes de la Seconde Guerre Mondiale.
Ils sont d’abord économiques : ce que l’anglais Keynes, grand économiste libéral, qui était membre de la délégation britannique aux négociations de Versailles, a appelé Les conséquences économiques de la paix. Quelles sont-elles ? Elles sont d’abord dans le fait que l’Allemagne n’a pas l’argent pour payer les réparations qu’on lui demande : elles font que beaucoup de pays européens, du fait du conflit et de ses approvisionnements, ont des dettes importantes à l’égard des Etats-Unis. Elle tient au fait que les monnaies dérapent (inflation). La première dévaluation du franc interviendra en 1928 quand le franc sera dévalué des 4/5 de sa valeur (franc Poincaré).
Deuxième grande série de problèmes non résolus : les questions de frontières. On a mobilisé des gens très compétents, des géographes français, mais peu de pays sont satisfaits, en particulier deux pays vaincus qui sont particulièrement peu satisfait : l’URSS (à partir de 1922) qui ne se console pas vraiment de la perte de ses territoires occidentaux, et les allemands d’autre part qui ne consolent pas non plus du nouveau dessin des frontières qui en particulier coupe l’Allemagne en deux avec le corridor de Dantzig.
§III. Un nouveau système international
A. L’élargissement des relations internationales
Avant 1914, on s’en souvient, les relations internationales étaient essentiellement celles du club des pays européens qui n’étaient pas très nombreuses. On en n’est plus là, il y a beaucoup d’acteurs, de nouveaux modes de relations internationales entre eux. Pas tellement du fait des empires coloniaux, cela reste stable et leurs partis ne rentrent pas encore dans le système international.
Pas encore non plus la question des mandats : celle-ci sur le plan des relations internationales reste négociée par Londres ou Paris. Un événement nouveau apparaît, l’immigration juive en palestine. Tel-Aviv par, qui n’est avant 1914 qu’un quartier juif de la ville de Javad (arabe) devient progressivement plus nombreuse. 3600 habitants en 1921, 170 000 en 1939, et devient une vraie ville autonome constitutive d’un nouveau territoire qui ne s’appelle pas encore Israël bien sur mais à l’intérieur duquel la population est beaucoup plus nombreuse, structurée, boire enraciné. La stature de Tel-Aviv ville juive est réalisée sous le mandat britannique.
Les pays d’Europe centrale sont autant de nouveaux acteurs entre lesquels il faut consolider les frontières. C‘est l’objet en particulier de la conférence international de Locarno en octobre 1925, conférence au cours de laquelle les frontières occidentales de l’Allemagne, c’est-à-dire en direction de la France, sont garanties. Locarno est sur le lac italien, le lac majeur, dans le nord de l’Italie. Les nouveaux Etats européens également, Tchécoslovaquie (Masaric)àà et Hongrois par exemple, entreprennent des négociations avec tous les autres acteurs du continent pour garantir leurs frontières.
L’Irlande trouve des solutions aux frontières avec l’Angleterre. Les luttes irlandaises ont reprises, la guérilla se développe entre 1919 et 21 pour aboutir au traité de Londres du 6 décembre 1921, mais qui ne débouche pas sur une Irlande indépendante mais sur un partage de l’Irlande telle qu’on la connaît aujourd’hui, avec un Etat irlandais, l’Eire, et un petit territoire où il est vrai les immigrants anglais sont beaucoup plus nombreux : l’Ulster au Nord est. Participation refusée par de nombreux irlandais et la résistance pourra reprendre.
B. La SDN et l’esprit de Genève
La SDN est l’affirmation d’un véritable nouvel esprit qu’on va appeler l’esprit de Genève. L’idée même de la SDN sort des propositions des américaines, de Wilson, des 14 points. L’objectif de la SDN est la paix. C’est la première fois d’ailleurs que l’on cherche à organiser la paix, et la SDN est une partie intégrante de ce qu’a été décidé à Versailles : elle sort de la conférence de Versailles. Elle a été négociée constamment pendant des mois de négociation. On a négocié en particulier de la question, sans la résoudre, d’une armée internationale, sorte de police internationale, que la France voulait mais que les anglo-saxons ne voulaient pas. Par son absence elle rend impuissante l’organisation internationale bien évidemment.
La première séance du conseil de la SDN se tient le 16 janvier 1920. Le lieu est Genève, d’où le nom de cet esprit, et la SDN comme son successeur lointain l’ONU se compose de 3 institutions : l’Assemblée Générale, avec 3 représentants par Etat membre, le Conseil de la SDN (qui se réunit moins souvent) et qui est composé de 5 membres permanents qui sont les vainqueurs de la guerre, et en fait 4 après défection de la SDN et la défaite de Wilson, et un secrétariat d’environ 600 membres qui gère les affaire quotidienne.
Les membres de cette SDN sont d’abord au nombre de 20. Ce sont les signataires des traités, mais progressivement d’autres Etats, y compris des pays qui voulaient garder leur neutralité, rejoignent la SDN et on arrive rapidement à une cinquantaine d’Etats membres qui viennent du monde entier puisque le Japon et le Siam sont également présents à la SDN. Les Etats-Unis refusent car le congrès qui décide de la politique extérieur et en particulier le Sénat, et après de nouvelles élections (midterm elections), celles-ci désavouent le président démocrate Wilson et donc, chose tout a fait inimaginable d’abord, le Sénat a refusé de ratifier le traité de Versailles qui était donc pour les Etats-Unis un non traité, laissant en quelque sorte l’Europe se débrouiller avec elle même.
Ne sont pas membres de la SDN l’Allemagne, du moins au départ, mais elle sera admise en 1926 à la suite du traité de Locarno, mais pas pour longtemps, car Hitler l’en sort dès 1933. Le japon également, qui est membre d’origine, quitte la SDN en 1933. En fait la SDN est faite pour garantir la paix, ceux qui vont contre la paix et commettent des agressions et passibles d’être condamné par la SDN trouvent que la bonne solution est de quitter la SDN, comme ça le système ne sert plus à rien. L’URSS enfin ne sera admise que le 18 septembre 1934 à la SDN, mais à un moment où la SDN ne sert pus à grand-chose, ce qui ne modifie pas vraiment l’équilibre international.
L’action de la SDN se résume à une observation de la planète, a une organisation de conférences, mais faute de moyen se réduite à l’impuissance, en particulier pour les grandes crises des années 1930 en Mandchourie et en Éthiopie. La SDN se révèle impuissante.
Notons au passage le rôle personnel d’Aristide Briand dans cette affaire. L’homme a vécu entre 1862 et 1932 ; avocat socialiste au départ, de tous les combats de la troisième République, il est rapporteur de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat en 1905, président du conseil pendant la guerre, mais finalement grand militant de la paix, au lendemain du conflit, de la collaboration internationale et du désarmement. Entre 1925 et 1932 il est ministre aux affaires étrangères. Il sera 17 fois ministres des affaires étrangères. Il aura d’ailleurs le prix Nobel de la paix, il accueille l’Allemagne (Streisman) en 1926 à la SDN, c’est lui qui signera en 1929 un pacte de renonciation à la guerre avec les Etats-Unis (pacte Briand-Kellog). Il recevra un prix Nobel de la paix. Et Briand est l’auteur du premier plan d’Union Européenne que l’on connaisse.
En 1930, Il fait rédiger et présente à la SDN sans succès un mémorandum sur « l’organisation d’un régime d’union fédérale européenne », qui inaugure en quelque sorte, avec pour objectif la paix, ce qu’on appellera bientôt la construction européenne.
Aristide Briand
né le 28 mars 1862 à Nantes (Loire-Atlantique), mort le 7 mars 1932 à Paris, est un homme politique et diplomate français. Onze fois président du Conseil — l’équivalent du Premier ministre sous la troisième République —, vingt fois ministre, prix Nobel de la paix en 1926, son nom est pourtant moins connu que d’autres personnalités de cette période, tels Jean Jaurès, Raymond Poincaré, Léon Blum, Georges Clemenceau, ou même Édouard Herriot et Édouard Daladier.
Sa grande œuvre, qu’il poursuivit sans relâche, jusqu’en 1932, fut la réconciliation entre la France et l’Allemagne. Pour celà il reçut avec son homologue allemand, Gustav Stresemann, le prix Nobel de la Paix en 1926, après les accords de Locarno. En 1928, poursuivant son rêve de la paix par la sécurité collective dont l’axe serait la Société des Nations, il signe avec l’Américain Kellogg un pacte qui veut mettre la guerre hors-la-loi. Finalement, la construction diplomatique, patiemment élaborée par Aristide Briand, était seulement un château de sable qui s’est écroulé sous les coups de butoir de la crise économique de 1929, de la montée du nazisme et du communisme. Briand a agi au mieux dans les circonstances qui lui étaient données et son grand rêve se réalisa après-guerre dans l’ONU et dans l’Union européenne.
D’abord proche du syndicalisme-révolutionnaire, il devint député socialiste en 1902. En 1904, il quitte son poste de secrétaire général du Parti socialiste français.
Il joue un rôle important dans le processus de laïcisation de l’État français. C’est à Briand plus qu’à Combes que l’on doit, en 1905, la loi de séparation des Églises et de l’État et surtout sa mise en application. Ses talents d’homme pragmatique et de négociateur ont finalement permis une application mesurée et un accord de fait entre la République laïque et l’Église catholique. Aristide Briand le 9 décembre 1905 sut avant tout parvenir à l’achèvement d’un affrontement violent qui avait duré presque vingt-cinq ans et qui avait opposé deux visions de la France : la France catholique royaliste et la France républicaine et laïque (conflit des « deux Frances »).
Figure de la IIIe République, Briand a en effet été tour à tour ministre des Affaires étrangères et ministre de l’Intérieur. Plus de vingt fois ministre, cet avocat était réputé pour son éloquence et sa capacité de persuasion. Il va même tenter d’obtenir, comme ministre de la justice, l’abolition de la peine de mort. Personnage phare pendant l’entre-deux guerres, avec son rival Raymond Poincaré, il a également été président du Conseil — chef du gouvernement — à onze reprises. C’est surtout à son action de ministre des Affaires étrangères qu’Aristide Briand doit sa renommée. Partisan de la politique de paix et de collaboration internationale (accords de Locarno), coauteur du pacte Briand-Kellogg qui mettait « la guerre hors la loi (…) arrière les fusils, arrière les mitrailleuses et les canons ».
Le Prix Nobel de la paix lui fut décerné en 1926, ainsi qu’à son homologue allemand Gustav Stresemann, en reconnaissance de ses efforts pour l’établissement d’une paix durable résultant de négociations librement consenties.
Président du Conseil, il prononce au nom du gouvernement français et en accord avec son homologue allemand Stresemann, un projet d’union euroéenne lors d’un discours à l’Assemblée générale de la Société des Nations le 7 septembre 1929. L’Assemblée lui donne mandat pour présenter un Mémorandum sur l’organisation d’un régime d’union fédérale européenne (rédigé par Alexis Leger) qui ne fut pas retenu. Il sera 17 fois ministres des affaires étrangères
Sa politique de rapprochement et de réconciliation avec l’Allemagne lui est reprochée. Mais l’opinion française, majoritairement pacifique, l’approuve et l’acclame comme « pélerin et apôtre de la paix », pensant que cette politique de paix a des chances de réussir. Mais il semble que Briand ait lui-même des doutes quant à la paix : « La paix, j’y travaille, mais je n’en suis pas le maître. S’il y a la guerre, il faut être prêt. » Son successeur trouva un irréel petit magot de 23 millions de francs-or, « mois par mois, économisé sur les fonds spéciaux. »
Max Gallo le qualifie de « modèle le plus achevé de parlementaire français de la IIIe République », illustrant « l’incapacité de toute une classe politique à saisir la nouvelle donne qui change le jeu du monde ». Il pense que Briand (né en 1862), comme Pétain (né en 1856), étaient des hommes, nés sous le Second Empire, qui n’ont pas eu à « passer le témoin à des hommes » plus jeunes — morts dans les tranchées de 14-18 — et ils « tenaient encore la barre » dans les années 1930 et 1940. Finalement de « trop vieux capitaines pour une mer déchaînée. Elle les a engloutis.»
Citations :
« C’est un travers de notre démocratie de courir aveuglément aux réformes. On demande une réforme… et elle n’est pas plus tôt votée qu’on s’en détourne, qu’on court à une autre. »
[ Aristide Briand ]
« Pour faire la paix, il faut être deux : soi-même et le voisin d’en face. »
[ Aristide Briand ] – Paroles de paix
« La politique est l’art de concilier le désirable avec le possible. »
[ Aristide Briand ] – Paroles de paix
C. Les puissances extra-européennes.
La Première Guerre Mondiale correspond à un affaiblissement durable de l’Europe. On ne s’en rend pas compte forcement tout de suite, les Puissances restent les Puissances, mais ceux qui dirigent ces puissances comprennent vite qu’on a changé d’époque. L’Europe doit céder le pas de la puissance, financière surtout, aux Etats-Unis ; c’est paradoxal parce que les Etats-Unis, où le sénat désavoué Wilson et donc sa politique a Versailles, reviennent à l’isolationnisme dans cette période (1920’s). Mais en même temps, ce sont des banquiers américains qui sont en première ligne pour le règlement des problèmes financiers européens, Ce sont les américains et le plan Young qui trouvent une solution, ou le plan Dawes un peu plus tard, en particulier pour la question des réparations dues par l’Allemagne à la France et à l’Angleterre.
La France assez rapidement va essayer de résoudre la question à sa manière : comme l’Allemagne ne payait pas il fallait prendre des gages, le gouvernement Poincaré fait occuper militairement la Ruhr en 1923. Opération à haut risque, qui déclenche des grèves et une crise inédite en Allemagne..
Déjà on observe également que la puissance américaine s’intéresse à l’Europe mais aussi à l’Asie et au pacifique. Les Etats-Unis organisent en 1921 et 1922 des conférences à Washington pour la limitation des armements navales dans le pacifique et donc en Asie. Participent les puissances européens et aussi le japon à ces négociations.
Le Japon justement, dont on avait dit qu’il était entré dans la guerre, tire de cette guerre de très nombreux avantages. D’abord économique : pendant que les puissances européennes (Angleterre France en particulier, Allemagne) était occupé à se faire la guerre et délaissant le marché asiatique, c’est le japon qui fourni et se substitue aux puissances européennes pour vendre les produits dont la nouvelle Asie a besoin. Le Japon également se taille l’empire maritime considérable. Le Japon colonise déjà Taiwan, la Corée, et tout un espace maritime qui va jusqu’au pacifique central. Le Japon est déjà un empire maritime en 1919, avec une position dominante en Chine qui va connaître une modification. En 1928, la Chine qui était dans un état de déliquescence avancé depuis la révolution de 1911 se réunifie sous le nom de République de Chine autour de la capitale de Nankin. Son président s’appelle Tchang Kaï-chek. Ceci amène le Japon à se raidir progressivement face à la chine jusqu’à l’attaquer petit à petit (crise de Mandchourie, puis la Seconde Guerre Mondiale). Le Japon préférerai évidemment une chine divisée en petits morceaux facilement dominés, dominables, mais une Chine unifiée faisait beaucoup moins son affaire.
Notons le lent réveil de l’Inde, qui bien sur est toujours dans le giron britannique. Le lent réveil se confond un peu avec la personnalité de Gandhi, et qui symbolise à lui seul cet espèce de sursaut non pas d’orgueil mais de sursaut national, de présence nouvelle d’un pays gigantesque mais ou flotte le drapeau britannique. Lui même a été formé comme avocat en Angleterre, a été avocat en Afrique du sud, mais il prend la direction du parti du congrès en 1920 (parti politique qui existe toujours en Inde aujourd’hui), et qui va mener la vie dure aux anglais. Gandhi lui même alterne les séjours en prison et les séjours en liberté, et il déclenche des campagnes de désobéissances civiles, et il développe une stratégie nouvelle de non violence et obtient finalement une certaine promesse d’indépendance de l’Angleterre qui verra le jour au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.
Conclusion
Cette nouvelle organisation du monde, ces nouvelles relations internationales, l’émergence de nouveaux acteurs qui vont entrer en conflit les uns par rapports aux autres vont se nourrir des problèmes non résolus par la conférence de Versailles, problème non résolus qui vont pratiquement traverser tout le 20e siècle, qu’il s’agisse de l’Europe centrale ou du proche orient
Section 2. L’Internationale communiste
Au début du 20e, l’internationale communiste est un acteur de la vie internationale. L’internationale, de son nom russe, est connue sous le non de Kominterm, et ce Kominterm a vécu institutionnellement entre 1919 (créé à Moscou) et 1943 (dissout par Staline à Moscou). Dans l’intervalle, ce Kominterm et cette troisième internationale a été un acteur important de la vie des nations.
Aujourd’hui les anciens membres de cette internationale communiste ne sont plus que l’ombre d’eux même.
§I. Les Socialistes face à la guerre
A. L’héritage marxiste
L’idée d’internationale n’est pas nouvelle lorsque éclate la Première Guerre Mondiale. Puisque nous avons dit troisième internationale, Il y en a déjà eu deux autres. Elle réunit des gens dont l’objectif était de lutter contre la pauvreté et les inégalités.
La Première internationale : « Association Internationale des Travailleurs », fondée à Londres en 1864 dont l’inspirateur s’appelle Karl Marx (lui même expulsé d’Allemagne, passe son temps dans les bibliothèques londonienne). L’objectif de l’AIT était de « promouvoir le concours mutuel, le progrès, et le complet affranchissement de la classe ouvrière » par les travailleurs eux-mêmes. C’est une voix qui se voulait révolutionnaire, opposée à celle qu’on appelait réformiste et qui passe par d’autres voix. Cette AIT sera un échec, car elle ne résistera pas à la commune de Paris et plutôt à la répression de la commune de Paris en 1871, elle sera d’ailleurs dissoute à se moment là.
La Deuxième Internationale, dite internationale socialiste, est fondée en 1889 et sera dissoute en 1923. En 1889, c’est 100 ans après la Révolution française. Elle est fondée le 14 juillet 1889 à Paris mais d’inspiration allemande à l’initiative du SPD. C’est dans le cadre de cette seconde internationale que l’on décide d’organiser cette journée annuelle du 1er mai en faveur d’une journée de travail de 8h00. Derrière cette seconde internationale il y a des affrontements multiples, car les grèves de l’époque en particulier étaient sans doute plus violentes (à défaut d’être plus nombreuses qu’aujourd’hui). C’est dans le cadre de i2 que les partis socialistes ont été fondés. La deuxième Internationale a réussi à les regrouper. Par exemple en France, les trois principaux partis socialistes existant au début du siècle se regroupent en 1905 dans la SFIO (section française de l’internationale ouvrière), dont le leader était Jean Jaurès (assassiné en 1914). Cette deuxième Internationale à été impuissante à empêcher la Première Guerre Mondiale mais elle sera refondée après la seconde guerre mondiale, également par des allemands, à Francfort en juillet 1951. On est alors en pleine guerre froide.
Ce qu’il y a derrière est cette idée internationaliste et bien sur la doctrine d’inspiration marxiste. La logique de cette action internationale est contenue dans l’analyse que fait Marx de l’évolution de l’humanité. Ses concepts principaux :
L’humanité passe par des modes de production successifs, passant du mode esclavagiste à l’antiquité au mode féodal au Moyen-âge, puis marchand/bourgeois, puis socialiste, puis un jour communiste. D’après la théorie de Marx on change quand il y a conflit entre deux éléments qui sont deux concepts importants de la doctrine entre les « forces productives » (c’est-à-dire les gens qui travaillent, les machines, etc.) et les « rapports de production », c’est-à-dire les rapports qu’entretiennent les hommes dans le travail. C’est à ce moment là que se fait, estime Marx, une révolution , lorsqu’il y a contradiction entre les forces productives et les rapports de productions. C’est un modèle très français (cf. Révolution française). Un jour, et c’est l’idée qui justifie bien des actions communistes dans cette période, il y aura une crise générale et on en finira avec le mode de production capitaliste. C’est cet espoir, ce désir de crise, qui parfois justifie la démarche communiste.
La Première Guerre Mondiale justement apparaît à bien de ces marxistes comme le moment de la crise suprême : il faut en faire quelque chose.
B. Les soulèvements liés au conflit
Dans trois pays au moins, au-delà des mutineries de 1917, des soulèvements conduisent à l’établissement de ces régimes communistes qui se voulaient précurseur d’un communiste mondial. C’est la Russie, l’Allemagne, et la Hongrie ; dans chacun de ces trois cas se sont des dictatures qui se sont imposées.
En Russie : prise de pouvoir le 6 novembre 1917 (calendrier occidental) par les bolcheviks (signifie, dans les vieux partis sociaux-démocrates russes, « majoritaire »), avec le Conseil des commissaires du peuple. Prise de pouvoir par l’insurrection, (Lénine) établissement d’un gouvernement et prise d’une série de décrets qui modifient en profondeur et la guerre, et la Russie. C’est le décret sur la paix qui débouche sur la négociation puis la paix de Brest-Litovsk en mars 1918, et le décret sur la terre qui institue un partage de cette « force productive » : le décret sur les nationalités qui prévoit leur autodétermination. Une autodétermination qui restera bien sur assez théorique.
Mais très vite cette révolution bolchevik rencontre la guerre civile, et se transforme en communisme de guerre avec un conflit total entre les « rouges » et les « blancs ». C’est dans ce conflit à l’intérieur duquel la révolution bolchevik a failli sombrer (dès 1918 la capitale est revenue à Moscou) que l’idée d’internationale est sortie. Elle est sortie d’un moment tragique de la révolution russe ou l’initiative des bolcheviks allait échouer. L’armée rouge que Trotski mais en place compte rapidement près de 500 000 hommes.
La révolution échoue en Allemagne par contre.
En Allemagne il y avait en marge du SPD (à gauche) une fraction plus révolutionnaire d’inspiration plus marxiste et qu’on a surnommé les « spartakistes » (du nom de l’esclave romain). Les noms à retenir sont Rosa Luxembourg et Karl Liebkneish. En octobre 1918 ces leaders spartakistes lancent un appel à l’insurrection et il est certain que la situation dite révolutionnaire créée à ce moment là est un événement important dans l’abdication de Guillaume II et la chute du régime. Pour autant ce sont les sociaux-démocrates qui prennent le pouvoir, avec un gouvernement dirigé par Eberc (malgré des comités de soldats et ouvriers qui se créent). On en vient quasiment à une guerre civile non pas entre rouge et blanc mais entre sociaux-démocrates et communistes : c’est l’insurrection et la commune de Berlin au tout début de janvier 1919 (du 6 au 11) qui est reprise par l’armée sous l’autorité des sociaux-démocrates. L’insurrection est quasiment maîtresse de Berlin. Mais Berlin est reprise par le gouvernement SPD et par l’armée allemande. Il a fallu élire une Assemblée Nationale en février 1919 pour ratifier le traité de Versailles, l’assemblée de Weimar, dominé par les socio dé. Berlin n’étant pas sur, on réuni l’assemblée dans la petite ville de Weimar.
Echec en Hongrie aussi où un parti social démocrate aussi s’était organisé, dirigé par Bella Kun. L’insurrection de Budapest est violente, puissante, mais échoue. Bella Kun est arrêté et la dictature du prolétariat (concept clef de ces révolution) ne fonctionne en Hongrie que très précisément 113 jours. Bella Kun se réfugie en Autriche puis en URSS.
La guerre joue un rôle dans la circulation de ces leaders révolutionnaires. Bella Kun mais aussi Josip Broz, plus connu sous le nom de guerre de Tito, sont des gens qui ont fait la guerre dans l’armée autrichienne, été fait prisonnier par les russes, reconnus par les bolcheviks comme des gens à eux, ont eu une formation ad hoc, parfois se sont mariés sur place (comme Tito) et sont ensuite repartis dans leur pays d’origine. Tito était croate, donc autrichien, et est revenu en Yougoslavie pour former ce mouvement.
Donc l’URSS existe au lendemain de la guerre mais elle est pratiquement seule et suffisamment impressionnante pour les autres pays européens pour être ressentie comme une menace.
C. La menace bolchevik
Nous sommes en guerre, entre 1914 et 1918. La Russie est alliée de la France et de l’Angleterre. La Russie sort de la guerre, les alliés français et anglais ne comprennent pas franchement ce qui se passe. La révolution russe est quelque chose d’inimaginable, d’impensable, et ils sont quasi sur que c’est un phénomène passager. Du coup français, anglais et japonais envoient des conseilleurs pour aider les armées blanches à lutter contre les rouges. Ça ne marche pas, puisqu’on le sait la Russie bolchevik se consolide et gagne la guerre civile au prix d’une terrible famine en 1921 et d’un nombre de morts incalculable. La stratégie occidentale d’intervention dans la guerre civile ayant échoué, ils changent de stratégie au printemps 1919, au moment de la conférence de Versailles, pour une politique dite de « cordon sanitaire ». L’idée est de fermer les frontières russes et d’empêcher la contagion de la révolution.
La nouvelle frontière russe est tout à fait à l’est la politique de cordon sanitaire consiste à créer des relations fortes pour la France et l’Angleterre avec les nouveaux Etats constitués dans la ligne de fracture sur les anciens territoires de l’empire russe, et d’encourager en quelque sorte (et ils ont peu de mal à le faire) ces nouveaux Etats à aller contre la Russie. La France essaye de former un bloc de la baltique avec les 3 Etats baltes + la Pologne. La Pologne, encourager à se dresser contre la Russie, entre assez vite en guerre contre la Russie, en 1920. L’idée polonaise est de retrouver les frontières anciennes du pays, et en même temps de lutter contre cette fameuse menace bolchevik. Les polonais sont un peu trop gourmands et vont jusqu’à envahir l’Ukraine qu’ils estiment quasiment leur appartenir historiquement. Ils prennent Kiev dans une campagne éclair. Les russes reprennent assez vite en main la situation, rentrent en Pologne et menacent Varsovie. Du coup les français et les anglais s’inquiètent et vont prêter main forte à la Pologne.
Une mission franco anglaise est envoyée en juillet 1920 en Pologne, à Varsovie, afin d’épauler l’armée polonaise. Son conseiller militaire s’appelle le général Weygand, et Charles De Gaulle, jeune officier militaire, fait parti de cette mission. Les russes sont repoussées après quelques manœuvres militaires, et l’armistice est signée en mars 1921 : c’est le traité de Riga. C’est à l’époque que la Pologne signe un traité d’alliance avec la France.
§II. La fondation de l’Internationale et des partis communistes
A. De la seconde à la troisième internationale
Page importante de l’histoire tout court mais de l’histoire des relations internationales. Comment passe-t-on de la deuxième Internationale à la troisième Internationale ? Du point de vue des bolcheviks, c’est-à-dire du point de vue de ceux qui conduisent la révolution en Russie, l’idée d’internationale répond en quelque sorte à une double motivation. C’est tout d’abord une réponse à la pression internationale qu’ils subissent dans la guerre civile, et c’est d’autre part c’est une mise en application d’un modèle d’unification.
C’est cette double figure qui conduit à la fondation de cette internationale. Comme toujours, une assemblée (un congrès) est à l’origine de cette internationale. le congrès constitutif est réuni le 4 mars 1919 à Moscou, 54 ans délégués socialistes sont présents, en provenance de 21 pays différents. Les russes et les allemands sont ceux qui comptent le plus, ils sont voisins et la dynamique révolutionnaire existait dans les deux cas. L’Internationale communiste est donc officiellement fondée le 4 mars 1919. La guerre civile n’est pas encore finie, elle se consolide et se redéfini l’année suivante dans un second congrès toujours réuni à Moscou en juillet-août 1920, et c’est ce second congrès qui établi des règles extrêmement dure pour l’adhésion et le fonctionnement de cette troisième Internationale : c’est ce qu’on appelle les « 21 conditions » auxquelles tous les individus qui veulent adhérer doivent souscrire. L’internationale communiste se donne pour vocation de se substituer à l’internationale socialiste qui à échouée face à la guerre.
Ces 21 conditions sont assez draconiennes : discipline absolue et obéissance aux ordres de l’internationale, dans le concept de « centralisme démocratique », c’est-à-dire que par un certain nombre de procédures on établit un ensemble de représentants centraux, et ceux-ci disent ce qu’il faut faire et là il faut leur obéir. Aussi le soutient inconditionnel de l’URSS.
Dans l’immédiat, l’objectif que se donne ce deuxième congrès de l’internationale est de venir au secours des nouvelles républiques soviétiques, donc du territoire russe menacé, et au secours des mouvements de libération dans les colonies. Idée de mener une révolution mondiale. Dimension européenne (lutte des classes en résumée), et dimension mondiale/coloniale (lutte de libération coloniale cette fois).
Le fonctionnement de cette internationale. Il se veut être celui d’un véritable parti mondiale, c’est pour cela qu’on peut le considérer comme un acteur international. Parti mondial organisé sur un mode militaire avec pour objectif une « union mondiale des républiques socialistes soviétiques » dont l’URSS sert de modèle. Le mot soviet désigne « conseil », il n’y a donc pas d’appartenance nationale/territoriale à cette expression. La direction de l’internationale communiste qui vit à Moscou se veut donc l’état major de cette révolution mondiale qu’on entreprend d’organiser. Les décisions principales, les grandes orientations, les « lignes », se prennent lors des grands congrès mondiaux : le congrès mondial est l’organe suprême, celui qui dicte ce qu’il faut faire, la ligne, les objectifs, pour la période suivante. En 24 ans il y aura sept de ces congrès. Dans l’intervalle de ces congrès, des institutions sont là pour faire tourner la machine : un Comité Exécutif, comme une sorte d’Assemblée Nationale ou un comité centrale, d’où émane deux institutions : le présidium, et d’autre part le secrétariat politique (c’est-à-dire ceux qui font tourner au jour le jour l’internationale).
Chaque parti adhérent à l’internationale a un représentant à Moscou, et l’internationale communiste a un représentant dans chaque parti adhérent, c’est-à-dire dans chaque parti communiste. Pour être bien international, ce représentant n’est pas un ressortissant du pays concerné. Par exemple dans le PC français, le représentant était suisse. L’internationale est organisée avec des bureaux régionaux. Il n’y a pas de carte mais quand même une structure géographique. Il y a des bureaux à Kiev en Ukraine, à Stockholm en Suède (pays neutre traditionnellement), à Vienne (capitale autrichienne), à Amsterdam, et puis à Berlin. C’est là que se trouve le bureau pour l’Europe occidentale, l’Europe de l’ouest, pour toute cette période.
L’internationale enfin à son centre de formation, une école des cadres, qui se trouve à Moscou et qui est fréquentée par des communistes du monde entier. (Asie, Afrique, Amérique Latine, Europe bien sûr). On compte environ 700 kominterniens, c’est-à-dire personnes qui sont dévoués à la cause du Kominterm à plein temps. Les dirigeants de cette internationale ne sont pas nécessairement russes même si le fait russe pèse sur cette internationale. Par exemple le secrétaire général de l’internationale entre 1935 et 1943 s’appelle Dimitrov et est bulgare.
B. La création du PC en Europe
Il y a deux modes de fondation des PC à ce moment là : d’une part par création pure et simple, d’autre part par transformation des PS existants.
- On observe des créations en Allemagne, et en Hongrie (mais dans ces 2 cas l’idée révolutionnaire avait été poussée assez loin). En Russie, pays qui va faire modèle, se fonde un parti bolchevik en 1918 qui prend le nom de Parti communiste. c’est à ce moment là que l’on voit apparaître l’étiquette communiste. Le PC allemand est fondé le 1er janvier 1919.
- Par transformation des PS, c’est-à-dire la SFIO pour la France. C’est ce qui se passe au congrès de Tours et en Italie au congrès de Livourne.
Le congrès de Tours, fin 1920 entre le 25 et 1er décembre, l’objet est d’adhérer ou non. On se souvient du débat de 1914 : fallait-il faire la guerre, ou faire la guerre à la guerre, se mettre en grève, ou rejoindre l’Union sacrée ? Ce débat traverse la guerre et pour les partis socialistes il y a donc de véritables défis : que faire ? Faire comme les russes ? Il y a donc des débats extrêmement vif au sein de la SFIO sur ce qu’on appelle le bolchevisme, c’est-à-dire l’ensemble des méthodes utilisées à Moscou et autour pour conduire ce communisme de guerre et instituer un nouveau régime.
Débat aussi et tensions sur l’idée de la troisième Internationale : tout le monde n’est pas d’accord en France. Débat aussi sur les 21 conditions : on ne peut pas accepter de vivre dans un diktat tel. La SFIO envoie deux de ses dirigeants visiter la Russie dans l’été 1920 (voyages clandestins) : les deux s’appellent Marcel Cachin et Ludovic-Oscar Froissart. Ils parcourent le pays, rencontrent des dirigeants, et en ramènent des articles qu’ils publient dans le journal quotidien de la SFIO : l’humanité. La SFIO se réunit en congrès à tour pour décider ce qu’elle doit faire : on est entre le 25 et le 30 décembre 1920. Mouvement politique fort pour le mouvement socialiste et pour la France toute entière.
Les débats y portent sur la stratégie bien sur : garder la deuxième Internationale pensent les uns, accepter la troisième Internationale revendiquent les autres au motif que la deuxième Internationale a échoué (car elle n’aurait pas pu éviter la guerre). Ce congrès se tient en relation directe avec Moscou par télégrammes avec le « centre ». Zinoviev, premier président de l’internationale, demande même par télégramme que l’on exclue certains membres de la SFIO et qu’on le tienne au courant. Plusieurs motions sont opposées au vote de l’internationale. C’est la motion qui propose que la SFIO soit membre de l’internationale qui l’emporte à une très large majorité : 3208 mandats, contre 1022, se prononcent pour cette adhésion. La résolution finale insiste sur l’idée que « la révolution finale qui s’annonce et qui est née en Russie et qui gagnera tous les Etats et tous les continents(…) trouvera des millions et des millions d’artisans sévères. (…)Le régime bourgeois chancelle sur ses bases au lendemain de la plus cruelle des guerres, nous lui porterons le dernier coup ».
Concrètement, la SFIO change de nom et se fonde la SFIC ou Parti Communiste, avec Marcel Cachin en particulier, et le journal l’humanité qui devient le journal communiste. Une SFIO dissidente continue d’exister, ce que ses partisans appellent la « vieille maison », minoritaire, avec à sa tête un jeune intellectuel déjà connu, Léon Blum. Blum est normalien et lance un journal quotidien pour remplacer l’humanité : le populaire, et il commence une carrière politique.
C. Le mouvement communiste en Asie
Les conditions sont évidemment différentes. Il n’y a pas de pays industrialisé, sinon le Japon, donc pratiquement pas de classe ouvrière, mais par contre une idée nationale souvent très forte. La première rencontre organisée par l’internationale sur le sujet a lieu en septembre 1920 à Bakou dans l’Azerbaïdjan : c’est le congrès des peuples d’orient, pour examiner comment les associer à cette Internationale communiste. Dans sa théorie des modes de production, Marx avait parlé d’un mode de production asiatique pour dire que les choses ne se passent pas exactement comme en Europe, en particulier pour les Etats impériaux qu’on ne connaissait pas en Europe. En 1921, l’Internationale communiste rejette ce mode de production asiatique et considère donc que la planète entière doit répondre aux mêmes analyses, aux mêmes critères.
Il existe cependant dans tous les pays asiatiques, soit colonisés, soit non colonisés, des mouvements réformistes ou réformateurs, et des partis nationaux ou nationalistes. Le poids du nationalisme est beaucoup plus fort qu’en Europe même. Donc la création des PC en Asie apparaît un peu comme la rencontre de ces mouvements locaux existant et l’idée d’internationale qui elle est un peu importée.
Quelques éléments chronologiques.
En Asie du nord est par exemple, un PC coréen est fondé en juin 1921 (parti divisé deux groupes rivaux). Le mois suivant en juillet 1921 à Shanghai se fonde le PC chinois avec 57 militants communistes qui ont envoyé 12 délégués dans un congrès de fondation à shanghai. Un an plus tard en juillet 1922 est fondé un PC japonais, lequel prononcera son auto dissolution un an plus tard en 1923, avant d’être recréé plus tard.
En Asie du sud et du sud-est, une « union communiste des indes néerlandaises » (actuelle Indonésie colonisée par les Pays-Bas) est fondée dès 1920 avec des communistes néerlandais et pas seulement des indonésiens. On peut retenir plutôt 1924 et la fondation du PKI : « Partai Kommuniste Indonesia » (sp check ??), qui connaître une très grande vigueur jusqu’à une répression tragique noyée dans le sang en 1965. 1928 : création du PC de Malaisie. Enfin, une série de créations en 1930 dans lesquelles la personnalité d’Ho Chi Minh est importante : création du PC indochinois, mais aussi du PC du Siam et bientôt des Philippines. Bref il y a un PC dans chaque pays asiatique.
Ce mouvement communiste mélange beaucoup plus qu’en Europe l’idée communiste et l’idée nationale : patriotisme et nationalisme vont ensemble dans la mise en place du mouvement communiste en Asie.
Le problème qui se pose à ce mouvement international, c’est qu’il n’abouti pas comme tel. Il y avait un désir de communiste mondial, et assez vite force est de constater qu’il n’y a pas de pays communistes partout.
§III. L’action coordonnée de l’URSS et du Kominterm
A. « Le socialisme dans un seul pays »
Une nouvelle doctrine est formulée en URSS, on revient là à l’idée d’un acteur étatique là où il y avait l’idée d’un acteur transnational. La nouvelle doctrine donc est « le socialisme dans un seul pays ». Comme l’idée de révolution permanente chère en particulier à Trotski, et l’idée – comme la résolution finale du congrès de tours – que tous les Etats et les continents trouveront des millions et des millions de partisans ne prend pas corps. Le problème qui se pose est la survie même de l’URSS.
Dans un premier temps, passé les moments de la fin de la Première Guerre Mondiale, passés aussi la période du cordon sanitaire et en particulier de la guerre russo-polonaise, on a un peu l’impression que les choses se détendent. La révolution russe se calme et entretient des relations plus calmes avec les autres Etats européens. A l’intérieur même du pays on soulage la doctrine de guerre et intervient la NEP, qui introduit une petite dose de libéralisme dans le fonctionnement de l’économie. L’Internationale communiste aussi se veut assez ouverte sur le monde. Tout cela ne va pas sans débat bien sur, mais après la mort de Lénine en 1924 on a l’impression que l’on peut assister à une certaine banalisation de l’URSS en tant qu’Etat, acteur international.
En effet, même avant la mort de Lénine, on assiste à une reconnaissance progressive de l’URSS par les autres Etats européens, lesquels ont d’abord commencé à essayer de lutter militairement congrès la Russie bolchevik puis de contenir cette révolution par la politique de cordon sanitaire. Il convient de reconnaître au sens diplomatique ce nouvel acteur international. Cela veut dire reconnaître les frontières (c’est le cas en particulier de la conférence de Rapallo, en 1920 entre l’Allemagne et la Russie). L’entente est si bonne que ce qui est interdit à l’Allemagne par le traité de Versailles (création d’armement) est en quelque sorte délocalisée en Russie.
L’Angleterre et la France reconnaissent l’URSS en 1924. En Angleterre c’est le gouvernement travailliste MacDonald qui reconnaît diplomatiquement (échange d’ambassadeurs avec Moscou). En France, c’est le président du conseil radical Edouard Herriot qui fait de même. Mais les choses ne vont pas très longtemps de ce sens, la situation se durcit à l’intérieur même de l’URSS, et la bolchevisation de la société russe repart de plus belle, avec la répression qui l’accompagne. Les premières victimes de cette répression sont les partisans de Trotski, qui était lui le partisan de la révolution mondiale, et donc de la révolution à exporter en permanence. Trotski et ses partisans sont violemment réprimés en 1926. D’autres qui sont partisans de Zinoviev le sont dans les années suivantes (26-28), et puis les partisans du principal soutient de Staline, Boukharine, sont également réprimés après 1928.
Au fond il s’agit d’un tournant fort que va conduire Staline, qui monte en puissance dans les années 1920, en particulier à partir de 1922 quand on fonde stricto sensu l’URSS, dont il est le secrétaire du PC. En tant que tel c’est lui finalement qui est aux manettes sur l’ensemble du territoire et de l’URSS. Staline n’est pas russe lui même mais géorgiens, né en 1879, mort en 1953. Staline est quelqu’un qui a fait toute sa carrière politique à l’intérieur de l’empire russe et de l’URSS. Il n’est jamais sorti sauf pour la conférence de Potsdam en 1945. C’est Staline qui s’identifie à cette nouvelle doctrine du socialisme dans un seul pays.
Puisque, comme le souhaitait Zinoviev et même Boukharine, le communisme ne prenait pas en dehors de l’URSS, il fallait consolider le socialisme dans un seul pays, c’est-à-dire l’URSS. Les méthodes utilisées sont connues : planification industrielle financée par une collectivisation des campagnes. Ce sont donc les paysans qui financent l’industrialisation. Reprise en main par Staline et les siens, puis les grands procès de 1936 et le goulag ou un nombre croissant de russes se retrouvent exilés (même des membres du parti).
A partir du moment où le socialisme dans un seul pays est la ligne, effectivement les stratégies et les mots d’ordre de l’internationale vont évoluer
B. Stratégies et mots d’ordre
Vont évoluer au grès et au rythme des congrès. Pour aller au plus vite, les deux stratégies qui correspondent à des mots d’ordres différents étaient d’une part la stratégie du « front unique » et d’autre part la stratégie « classes contre classes ».
cela signifie que la stratégie du front unique suggère que les PC s’allient éventuellement avec d’autres forces politique (partis socio dé en particulier), d’où le nom « front unique » pour faire progresser leurs idées. Cette stratégie est la première, décidée en 1921, a un moment ou la situation internationale était très défavorable.
Les choses évoluent dès lors que l’on se rend compte que cette stratégie de front unique ne permettait pas de faire progresser la révolution partout. On asse en 1928 à la stratégie « classes contre classes ». L’idée est de ne faire des compromis avec personne ; il y a la ligne pure et dure, l’objectif communiste, et il faut s’y tenir. On peut faire des alliances, mais sans compromis, avec comme tache prioritaire de défendre l’URSS dans cet entre-deux-guerres, URSS considérée comme la seule patrie du prolétariat. C’est ce moment qui correspond au tournant stalinien, c’est-à-dire tournant du socialisme dans un seul pays. C’est l’URSS qui, notons le aussi, a prit un nom qui se veut universaliste.
Discipline absolue donc dans toute cette période : dans tous les PC on a le droit d’avoir ses idées mais il faut les soumettre au « Centre », c’est-à-dire à l’internationale, avant de pouvoir les appliquer. Toute une mécanique clandestine va permettre de faire fonctionner tout ça. Freid, le représentant suisse pour la France, n’était connu de personne : il était dans la clandestinité la plus totale. Deuxième exemple : Lorsqu’en 1940 l’Allemagne attaque la France, le secrétaire général du PC Maurice Thorez qui comme les autres devait rejoindre ses unités militaires disparaît purement et simplement. Il est exfiltré en URSS et passe toute la guerre à Moscou.
C. L’action en chine
Conditions particulières dans lesquelles le PC chinois a été créé. 57 militants, 12 délégués, une petite maison Shanghai, et le parti existe. Depuis la révolution républicaine de 1911, le pays est en plein chaos. Le dirigeant républicain de 1911, Sun Yat Tsen, s’installe au sud dans la région de canton. Rapidement il forme le Guo Min Dong (« parti du peuple chinois », donc le parti national).
Après la Première Guerre Mondiale ce parti nationaliste chinois qui n’est représenté aujourd’hui qu’à Taiwan, reçoit le soutien de l’URSS. Même après la création du PCC, la doctrine de l’internationale est de soutenir les mouvements nationaux, au-delà des PC. Se forme donc en chine une alliance à trois, Kominterm. La mission de l’internationale est connue et dirigée par Borodine, et celui-ci n’est pas russe non plus. il est balte d’origine juive, il conduit la mission de l’internationale à Canton en Chine à partir de 1923. Borodine à 39 ans est le conseiller de Sun Yat Tsen dans une ambiance de guerre civile. Dans les représentants, on trouve des gens comme le français André Malraux (futur ministre de la culture de De Gaulle, dont on tire le roman Les conquérants). Cette alliance Guomindang et PCC fonctionne pratiquement jusqu’en 1927. Sun Yat Tsen meurt en 25, est remplacé par Tchang Kaï-chek, qui se retourne contre le PCC en 1927.
La politique de front unique se pratique ailleurs dans la pratique suivante et de manière assez nette dans les années 1930, et en particulier en France. C’est le front populaire français (qui n’est pas une création de l’internationale évidemment), c’est-à-dire l’alliance de la SFIO, du parti radical et du PC, alliance autorisée par l’internationale et la politique de front unique. Cela dit le PCF soutenait le gouvernement de FP de Léon Blum mais n’y participait pas. Cette politique de Front populaire, c’est-à-dire des PC par les mouvements de gauche, se reproduit en Espagne avec le fronte popular et en Italie également.
En fait l’internationale va assez rapidement sombrer dans de nouvelles contradictions. Les 1eres étaient les tensions entre l’idée d’une révolution mondiale et l’idée d’une révolution russe. Par la force des choses on opte pour la seconde solution. Hitler arrive au pouvoir en 1933 par les urnes, la guerre d’Espagne s’étale de 1936 à 1939, avec des armes mais une dimension idéologique forte entre des partis nationalistes dirigés par Franco et des républicains qui se veulent de gauche. L’internationale communiste a bien une idée pour aider ces républicains, parce qu’aucun pays ne veut soutenir ce Front populaire espagnole : c’est les brigades internationales, unités de volontaires, levées dans le même entier. On retrouve Malraux allant s’occuper de l’aviation en Espagne, ou des ouvriers de Renault. On y trouve aussi le romancier américain Hemingway.
Mais l’envers de la médaille est lorsque Staline choisi pour s’assurer une certaine paix militaire de s’entendre avec Hitler : c’est le pacte germano soviétique d’août 1939, lequel venait avec d’autres tentatives diplomatiques donc l’échec de la France de s’entendre avec Moscou. Le pacte germano soviétique était un PNA mais aussi avec un protocole secret prévoyant le partage de la Pologne, comme si l’URSS n’avait pas oublié la paix de BL et qu’elle devait récupérer ce qu’elle avait perdu alors.
L’Internationale communiste renvoie dos à dos ses adversaires : partis bourgeois et partis fascistes. Ce n’est pas une surprise si en 1943 Staline choisi de dissoudre l’Internationale communiste, et c’est aussi la sacrifier sur l’autel de l’alliance avec les Etats-Unis, car l’alliance entre Washington et Moscou devient opératoire en 1943 et va triompher.
Conclusion
Le lien du communisme et de la guerre. Le communisme est né de la Première Guerre Mondiale. Les PC se sont retrouvés consolidés de la résistance pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Difficulté aussi d’imaginer le poids du communisme sur le 20e siècle, à la fois par les mouvement (l’interntinoale et les partis) et par l’idéologie, et le soutient à l’idée communiste. en 1975, l’écrivain russe Soljenitsyne publie L’archipel des goulags, ça fait un tabac mais lla chose était connue depuis longtemps.
Chapitre 6. L’exaspération des nationalismes (années 1930)
Section 1. Les fascismes en Europe
Ici c’est l’ultranationalisme. Les dictatures nazies et fascistes sont les autres dictatures au sortir de la Première Guerre Mondiale et c’est le grand fait de l’entre-deux-guerres.
La grande question historiographique est de savoir s’il faut ou non renvoyer dos à dos stalinisme et nazisme. Pendant longtemps on faisait une forte différence entre les deux, depuis 10 à 20 ans on les renvoie un petit peu dos à dos. Une différence importante est entre l’internationalisme et l’ultranationalisme.
§I. L’exemple italien
A. Les spécificités italiennes
Qu’est ce qui fait que l’Italie a généré la première ce type de régime politique ? Les spécificités italiennes c’est d’abord la mémoire de l’unification récente de la péninsule, qui s’est accomplie en gros sur une vingtaine d’année entre 1850 et 1870 avec un temps fort autour de 1860/61 et la création do royaume d’Italie. Ce grand moment d’unification et de ferveur national renvoyait pour les italiens à une grandeur passé très prestigieuse, la grandeur de l’empire romain. C’était aussi plus tard vers le XVe/XVIe avec la renaissance ou le risorgimento, et cette grande Italie dans laquelle le souvenir de l’empire romain était très présent n’était pas peu fière d’en imposer à l’un des candidats à la succession de l’empire romain, le Saint Empire Romain Germanique, c’est-à-dire l’Autriche et Vienne. C’est lui qui s’était attribué le terme « romain », et c’est la question de la puissance, de l’importance et de la destiné. Dans cette situation, rappelons le rôle important de Turin. C’est là, et autour du roi du Piémont, que le royaume d’Italie se constitue en 1861 avec Victor Emmanuel. Le mot « fascisme » est un mot italien, vient de fasci, qui peut se traduire par faisceaux. Ce mot faisceaux peut être pris dans 2 sens différents, d’où la puissance symbolique d’un tel vocabulaire. Le faisceau était un objet que portaient les licteurs dans l’empire romain, d’où le renvoi à l’empire romain ; mais aussi le mot faisceau renvoie à la Première Guerre Mondiale : dans une infanterie en guerre, ce sont ces fusils qu’on pose les uns contre les autres en triangle. Le fasci est toute cette double symbolique.
Spécificité italienne également sur la position géopolitique de l’Italie. L’Italie hésite toujours entre deux directions : l’Europe proprement dite, ou la méditerranée. C’est par le nord bien sûr que l’Italie s’insère dans l’Europe par la pleine du Po, la Lombardie, le piémont, milan et turin. La seconde révolution industrielle, celle de l’hydroélectricité, était importante dans les vallées des alpes. En effet cette Italie du nord participe pleinement de la croissance européenne (cf. FIAT).
- Cette Italie du nord a des relations fortes avec la France, et ces relations se font dans les deux sens. Pour les français et en particulier pour nombre d’intellectuels français, le voyage d’Italie était quelque chose d’important, et pour les militaires idem car les guerres d’Italie ont quasiment structuré le premier empire mais aussi le second empire, car c’est en allant soutenir le piémont que Napoléon III est allé intervenir en Italie (bataille de Solferino du 24 juin 1859).
- Du côté méditerranéen en revanche il y a une certaine défiance entre l’Italie et la France, en particulier dans la dynamique coloniale. Sur la Tunisie, les français ont établi leur protectorat par le traité du Bardo en mai 1881. L’Italie regarde aussi vers la méditerranée et la moitié sud + Sicile + Sardaigne, mezzo gornnio, territoires très pauvres, mais aussi par l’héritage de Venise et de Gênes qui ont joué un rôle structurant pour toute la méditerranée pendant longtemps. L’Italie n’hésite pas à s’assurer la maîtrise de la Libye contre l’empire ottoman.
B. Le nationalisme exacerbé
L’épreuve extérieure, violente, des souffrances, est toujours quelque chose d’important dans la construction de ce nationalisme. Rappelons que l’Italie, après avoir fait alliance avec les empires centraux (Autriche-Hongrie d’une part, vieil ennemi, et l’Allemagne d’autre part), n’est pas entrée en guerre comme cela aurait pu sembler logique en 1914 : elle avait des accords français avec la France et la Russie et entre en guerre du coté de l’entente. Orlando participe au conseil des quatre et fait donc parti de ceux qui, après avoir gagné la guerre, sont présents au congrès de Versailles. L’Autriche-Hongrie est en miette et l’Italie peut plastronner sur une nouvelle carte européenne.
En quoi la guerre joue un rôle dans l’exacerbation du nationalisme italien ? Il faut revenir sur la personnalité de Benito Mussolini (1883-1945). Lui aussi est issu du mouvement socialiste. De métier il est instituteur, mais antimilitariste et insoumis. Il a d’ailleurs du s’expatrier pour ne pas se retrouver en prison en Italie. Il s’expatrie en suisse. Il revient de suisse en 1905, se fait journaliste, dirigeant un journal socialiste (La lutte des classes, ou Lotta di classe). En 1912, il crée un autre journal à Milan, L’avanti. En 1915, il publie un éditorial fameux titré « La nation par la guerre ». Il découvre que la guerre est un moyen de construire la nation. Il avait pourtant lutté contre la guerre en Libye et lutté pour la neutralité en 1914. Il est exclu du PS, fonde un nouveau journal (Le populo d’Italia, Le peuple d’Italie), se converti au nationalisme et au lendemain du conflit gagné par l’Italie il fonde le 23 mars 1919 le premier « faisceau de combat » (faisceau, nom donné aux petites structures qui vont se développer jusqu’à former un ensemble de faisceaux, qui sera bientôt le parti fasciste). Ces faisceaux organisent des manifestations + ou – violentes et des expéditions punitives (contre les socialistes). Point culminant : la marche sur Rome en octobre 1922. C’est un coup de force, mais qui se veut comme une espèce de vague qui descend du nord vers Rome où se trouve le pouvoir. Le roi cède et lui demande de former un gouvernement.
Voilà donc Mussolini chef de gouvernement avec ses idées ultranationalisme. Il va se nourrir de l’irrédentisme, autre aspect du nationalisme italien. On appelle irrédentiste tout mouvement nationaliste d’expansion territoriale. Dès 1870 et l’unité italienne, il y a une rancœur italienne sur les terres restées à l’Autriche-Hongrie. C’est par exemple dans les alpes le Trentin autour de la ville de Trente, ou bien l’Istrie du coté de la Yougoslavie, ou la Dalmatie de l’autre coté de l’adriatique. Ce qui pose problème et qui nourrit l’irrédentisme est en réalité la frontière avec l’Autriche-Hongrie. Une question en particulier focalise l’irrédentisme, est celle de la ville de Fiume et de la côte dalmate d’une manière générale. Cette question va être exacerbée par la création de la Yougoslavie. Fiume est rattachée à la Yougoslavie, qui aujourd’hui est un port croate (Rijeka). C’est une ancienne ville qui était rattachée à la république de Venise, a connu une époque assez brillante, et qu’un groupe italien occupe militairement entre 1919 et 1924 (après le traité de Versailles), groupe dirigé par le poète italien Gabriele d’Annunzio. C’est une de ces actions qui va inspirer le mouvement fasciste et l’irrédentisme. On ne parle pas d’espace vital, mais l’irrédentisme revient finalement un peu au même. L’irrédentisme italien peut même aller de l’autre coté de la mer adriatique dans les Balkans et concerner l’Albanie. Un certain nombre d’italiens considèrent que l’Albanie est à eux, et les Balkans d’ailleurs aux yeux de certains italiens de l’époque pourraient apparaître comme une sorte de prolongation de la péninsule. Mussolini se charge donc d’achever en quelque sorte cette nation qui se nourrit de l’irrédentisme.
Un problème se pose : les relations avec l’Eglise. Rome reste la capitale de l’Eglise catholique et les relations entre l’Eglise et l’Etat italien sont tout sauf bonnes. L’unification italienne s’est faite contre la volonté du pape, qui était un prince et avait des Etats de l’Eglise. Il a donc été dépossédé par l’unification en 1871. Mussolini négocie avec le Vatican des accords signé en 1929 : les accords du Latran, le 11 février. Ils règlent le problème des relations entre le pape et l’Etat italien, c’est donc un acte politique. C’est également une convention financière : l’Etat italien dédommage le pape, lui accorde également pleine souveraineté sur ce minuscule territoire qu’est le Vatican, en échange de quoi un concordat religieux reconnaît le catholicisme comme la religion dominante en Italie, c’est le moins qu’on pouvait faire.
Quel est l’usage international de ce nationalisme bien implanté ?
C. La grandeur de l’Italie
Comment l’Italie va-t-elle gérer sa nouvelle situation internationale conduite par ce régime ultranationaliste ?
L’Italie est donc dans le système international du moment, système établi à Versailles, et elle est même dans le conseil de la SDN, c’est-à-dire dans le noyau dirigeant du monde de l’époque. Evidemment l’arrivée de Mussolini au pouvoir n’est pas sans poser quelques difficultés, mais aussi quelques nouveaux rapprochements. Il y a des tensions avec la France qui reste un partenaire privilégié même sous mussolini. En 1920 il y a des problèmes de frontières, l’ambassade de France à Rome est le palais Farnèse. Partenaire privilégié mais néanmoins conflictuel. Dans les années 1930 on va aller jusqu’à une certaine alliance avec Pierre Laval, Président du Conseil. Il choisit de s’allier à l’Italie pour contrer d’éventuelles menaces allemandes. On met fin aussi aux rivalités coloniales : un traité est signé à cet effet à Rome en janvier 1935. Vers le nord l’Italie continue de se méfier des pays allemands, et la France bien sûr l’y encourage. En avril 1935 sont signés les accords Stresa, qui vont contre une éventuelle réunification des pays allemands, c’est-à-dire l’Anschluss (réunion de l’Allemagne et de l’Autriche, le spectre de la grande Allemagne n’est pas pour attirer beaucoup les italiens).
Mais il y a surtout l’affaire de l’Éthiopie. C’est donc la corne de l’Afrique à l’est. Les italiens en gardent un très mauvais souvenir, puisque c’est là qu’ils ont subit une défaite militaire le 1er mars 1896 devant le site de Adoua, l’Italie se trouvant de ce fait la seule puissance européenne à connaître une défaite dans la conquête coloniale. Cela dit ils annexent les marges de l’Ethiopie, c’est-à-dire la somalie, qui était à l’origine dans l’empire éthiopien, et aussi l’Erythrée. L’Ethiopie elle-même résiste. L’Éthiopie en 1934/5 est encore le seul pays africains indépendants grâce à cette victoire de 1896. Son souverain, dans la capital Addis-Abeba s’appelle Hailé Sélassié. Le négus dirige cette Éthiopie indépendante avec une certaine protection anglaise, qui ne sont pas nécessairement passionnés par les conquêtes coloniales mais qui aiment dominer un certain nombre de pays pour y faire du commerce. C’est le cas de l’Ethiopie. La France est installée à Djibouti, pas très loin.
Une nouvelle crise éthiopienne se déroule en 1935 de la volonté même de Mussolini qui veut y trouver une sorte de revanche historique. Il y a d’abord des incidents de frontière entre la Somalie, l’Erythrée et l’Éthiopie, et l’un de ces incidents est utilisé comme prétexte à l’invasion de l’Éthiopie. Cela se passe le 3 octobre 1935 et cette fois l’armée italienne, plus puissante qu’au 19e, occupe l’ensemble de l’Éthiopie, la capitale compris. C’est une crise internationale car d’abord c’est contraire à l’esprit de Genève et qu’ensuite le négus se réfugie à Londres et dénonce évidemment cette annexion, qui est officialisée en mai 1936. La SDN bien sûr est saisie, le roi éthiopien vient en séance défendre son dossier, mais rien n’y fait. La SDN prend des sanctions, mais finalement elles ne sont pas appliquées ou pratiquement pas. Cela marque une certaine impuissance de la SDN.
§II. La généralisation des fascismes
L’Allemagne va être le deuxième pays à suivre cette voie.
A. Les caractères originaux du nazisme
Là aussi comme en Italie il y a une mémoire vive de l’unification récente. Celle-ci a mis en avant les éléments fondamentaux du nationalisme allemand tels qu’ils sont formulés depuis le début du XIXe siècle. On peut reprendre un certain nombre d’épisode : cf. les discours du philosophe Fischke à l’université de Berlin, le rôle des guerres napoléoniennes, une guerre en 1848 et le débat de Francfort sur le suffrage universel (débat petite/grande Allemagne). La compétition d’une certaine manière était aussi entre le trône de Vienne et le trône de Berlin, et l’unification se fait plus tard en 1871 après la victoire contre la France. Mémoire très vive dans la mentalité collective du pays
L’apparition du nazisme est liée à des facteurs internationaux que l’on connaît. Il y en a essentiellement deux : d’une part le traité de Versailles et d’autre part la crise économique de 1929.
- Le traité de Versailles du 28 juin 1919, où Clemenceau avait bataillé pour obtenir des conditions dures contre l’Allemagne, est ressenti comme un diktat par les allemands. La personne d’Hitler est très significative de ce mouvement nazi. Il est né en 1889, nationaliste lui déjà, il avait gardé un souvenir exaltant de la Première Guerre Mondiale. Il était partisan de la guerre comme aboutissement de la volonté nationale. Il conserve un souvenir exaltant du front militaire, pour lui le diktat de Versailles est inimaginable et indigeste. En 1919 il constitue le Parti ouvrier allemand (qui n’a d’ouvrier que le nom) mais qui prospère doucement : c’est un groupuscule qui tente une opération de force, notamment un coup d’Etat en 1923 (année pendant laquelle la France de Poincaré occupe la Ruhr en réaction au fait que les allemands ne paient pas les réparations de guerre). Echec, Hitler fait de la prison par la suite, et il rédige Mein Kampf, mais le parti lui même végète jusqu’en 1929.
- C’est la crise de 1929 qui va développer le mouvement. L’Allemagne avait perdu beaucoup de moyens économiques et ses banques étaient très exposées aux capitaux américains ; cette exposition très forte aux capitaux a été évidemment fatale à l’Allemagne. Dès le jeudi noir d’octobre 1929, dès que la crise boursière et financière est apparue, les banques selon une logique financière simple rapatrient leurs capitaux répartis dans le monde, dont l’Allemagne, la jetant dans des difficultés économiques nouvelles.
Ces difficultés économiques, jointes au traumatisme du diktat de Versailles, vont faire le lit du parti nazi et du candidat Hitler, dans les élections présidentielles. Aux présidentielles de 1932, Hitler arrive second derrière le Maréchal Hindenburg, figure symbolique de la Première Guerre Mondiale où tous les allemands se retrouvaient. Hitler réuni sous son nom 13,4 millions de voix. Hindenburg peu rancunier le nomme chancelier le 30 janvier 1933. Cette fois Hitler, plus que Mussolini, va entrer en rupture avec le système international :
- Il profite d’une conférence sur le désarmement, conférence réunie en 1933. Cette conférence est réunie le 9 octobre, le 14 octobre l’Allemagne annonce qu’elle ne participera pas à cette conférence, et le 19 octobre l’Allemagne annonce qu’elle se retire de la SDN, à la faveur de cette conférence sur le désarmement. Signe fort de ce qui va se passer en Allemagne. Les allemands ne veulent pas être traité en peuple de seconde zone, et un plébiscite donne raison à Hitler en octobre 1933 à 95%.
- Rupture aussi avec le système international par l’antisémitisme actif qui très tôt entre dans les pratiques nazies. Rupture absolue avec toutes les pratiques internationales et sociales admises. Dans la nuit du 10 au 11 novembre 1938, des hordes nazies cassent les vitres des magasins. 91 morts, 35 000 déportés, c’est le nazisme déjà en action. Les camps de concentration existent dès 1933, pas seulement contre les juifs mais aussi contre les communistes, le PC étant interdit très vite, jugé responsable de l’incendie du Reichstag. L’immigration juive commence dès 1933 et un certain nombre d’intellectuels juifs ont saisi le signal. Einstein quitte l’Allemagne dès 1933 pour se rendre aux Etats-Unis où il va pouvoir travailler, d’autres juifs allemands se réfugient en Pologne (là où se déroulera la répression ka plus forte).
L’Allemagne apparaît comme un Etat voyou mais qui va en imposer à ses voisins.
B. Les implications internationales
Le contentieux avec la France est assez lourd bien sûr. L’Allemagne avait battu la France en 1871, lui avait imposé le traité de Francfort et une indemnité très lourde à payer (indemnité avec laquelle l’Allemagne construit le Reichstag). Le contentieux avec la France est aussi bien sûr le traité de Versailles et la question des frontières. Il n’empêche qu’il y avait en France un certain courant germanophile, en particulier à l’égard de la culture allemande, et de grands intellectuels français qui connaissaient parfaitement l’Allemagne, en particulier François-Poncet (ambassadeur de France en Allemagne dans les années 1920. (1887-1878 ??).
Du côté soviétique, les slaves sont vus avec le plus grand mépris par les milieux nationalistes allemands, et il faut dire que l’expérience de la Première Guerre Mondiale à l’est (c’est-à-dire les combats terribles menés par les allemands contre les troupes russes puis soviétiques) d’une certaine manière préfigurent ce qui va se passer pendant la Seconde Guerre Mondiale. L’URSS est reconnue, il y a quelques usines allemandes en Russie, mais cela n’empêche pas le régime nazi d’interdire le Parti Communiste dès 1933.
Mais il y a l’Italie. Mussolini avait au départ un certain mépris pour Hitler et une certaine crainte quand même, celle de cette frontière commune, celle d’une grande all qui en imposerait forcément à l’Italie. Il y a l’entrevu dite du Brenner pour négocier un rapprochement, mais celui-ci se fait seulement en 1936-1937 entre l’Allemagne et l’Italie, et la formation de l’Axe Rome-Berlin en décembre 1936. Les deux pays vont y ajouter un an plus tard en novembre 1937 leur signature au bas du pacte anti-Kominterm. Comme ennemi commun, il va souder Berlin puis Rome, et plus tard le Japon.
C. La généralisation du modèle
En particulier à la fin des années 1930. Le modèle est celui d’un Etat autoritaire bien sûr, et se fondant sur le nationalisme voire l’ultra nationalisme. Les libertés publiques et démocratiques n’intéressent plus beaucoup les groupes dirigeants dans ce type de régime, et les régimes autoritaires se multiplient en Europe et en particulier en Europe centrale et balkanique, comme par effet de contagion. Mais en plus dans ces pays, l’expérience démocratique était faible :
- Les régimes autoritaires se multiplient en Pologne, qui sera la première victime du nazisme et d’Hitler en 1939. Régime autoritaire et nationaliste dirigé par Beck. Il s’offre même le luxe de signer un accord avec Hitler dès janvier 1934.
- Régime autoritaire aussi en Hongrie, après les 113 jours de dictature du prolétariat qui n’ont pas marché.
- Régime autoritaire également en Europe balkanique mais cette fois sans nouveau dirigeant : ce sont les rois en place qui se chargent d’établir leurs propres dictatures : c’est le cas en Bulgarie comme c’est le cas en Yougoslavie.
Comme par un de espèce mouvement tournant, cette contagion fasciste gagne l’Espagne. La guerre d’Espagne est un moment important dans cette montée en puissance en Europe des mouvements fascistes. L’Espagne est un ancien Etat très prestigieux à la tête d’un grand empire colonial mais qui est sur le déclin depuis longtemps et qui se dote comme la France au même moment (et l’Internationale communiste l’a appuyé) d’un front populaire qui gagne les élections en 1936. Ce front populaire espagnol s’avère plus violent que le Front Populaire français, voire plus sectaire, à l’égard en particulier des milieux catholiques très dominants en Espagne. Les tensions sont très exacerbées. Des milieux nationalistes se constituent (les phalanges) qui sont notamment actives dans l’armée espagnole, et c’est une rébellion qui va partir de milieux militaires phalangistes qui va déclencher la guerre civile. La rébellion part du Maroc espagnol. Le général qui commande les troupes est le général Franco. Devant la difficulté à fonctionner du Front Populaire à Madrid, les militaires décident de passer à l’action : il passent le détroit de Gibraltar et démarrer le lancement de leur colonne vers Madrid. Les républicains résistent et cela devient une guerre civile qui dure 3 ans (juillet 1936 – 1939). Elle abouti à la victoire des phalangistes (Franco). Cette guerre d’Espagne apparaît comme une véritable répétition générale de la Seconde Guerre Mondiale puisque si les démocraties (Angleterre, France) n’ont pas voulu intervenir dans le conflit (mais la France fait secrètement passer des avions aux républicains espagnols), l’interventionnisme est plus marqué coté dictatures nazies et fascistes. Mussolini envoie des hommes, peu nombreux mais très efficaces. Hitler envoie la légion Kondor et des bombardiers qui expérimentent des bombardements en tapis (histoire de Guernica dans le pays basque). L’Espagne tombe en 1939.
La France se retrouve en première ligne face à cette montée en puissance des régimes ultranationalismes. Risquait-elle un basculement dans le fascisme de l’intérieur ? Il y avait des ligues ultranationalistes (dont l’action française), mais l’Action Française subit un coup d’arrêt quand le pape l’a interdite (Action Française = ligue catholique). Il y avait des ligues d’anciens combattants qui se développaient et qui montaient jusqu’en 1934, point tournant des fascismes français. Il n’y avait pas un parti comme en Italie ou en Allemagne avec un leader comme Mussolini ou Hitler. Le 6 février 1934, une puissance manifestation des ligues d’extrême droite réunies place de la concorde devant l’Assemblée Nationale rentre dedans, les députés prennent la fuite. Les militants du Parti Communistes organisent des contre-manifestations, on se bat dans les rues : ambiance de guerre civile. Si les ligues avaient été unies et coordonnées, on peut penser qu’elles auraient pu prendre le pouvoir. Il y a eu vacance du pouvoir dans la nuit du 6 au 7 février 1934.
Cette peur du fascisme est à l’origine du Front Populaire pour empêcher la peste brune de venir au pouvoir. Mais fin 1930’s on est quand même un peu dans une ambiance de guerre civile froide, avec le Front Populaire d’un coté et des mouvements d’extrême droite qui ne se consolent pas de sa venue au pouvoir. Marc Bloch écrit L’étrange défaite, et cette formule : « on ne peut pas comprendre la défaite française de 1940 si on n’a pas en tête cette idée qui circulait dans une partie de la bourgeoisie française : plutôt Hitler que le Front populaire ».
§III. La marche à la guerre
Cette marche à la guerre est donc le point d’aboutissement de cette montée des fascismes.
A. Le réarmement de l’Allemagne
Le traité de Versailles interdisait à l’Allemagne d’avoir une armée de conscription (interdiction du service militaire, pas plus de 100k hommes, interdiction de produire de l’armement). L’Allemagne nazie commence à réarmer clandestinement dès 1932, sans que personne n’ose dire quoique ce soit, avec presque un sentiment de culpabilité en pensant que le traité de Versailles avait été trop fort. Le problème du réarmement allemand était plutôt de savoir quand il devait s’officialiser. L’annonce est faite par Goering (bras droit d’Hitler) à l’ambassadeur de France le 13 mars 1935, lui annonçant qu’il crée 36 divisions et relance le service militaire en Allemagne. Hitler était un grand politique, jouant sur plusieurs choses pour faire imposer ses idées : à la fois sur les relations entre la France et l’Allemagne et sur les rapports avec les hommes. Il semble que l’ambassadeur de France à Berlin n’ait jamais été bien compris à Paris où régnait une ambiance pacifiste. L’interprétation des télégrammes diplomatiques au quai d’Orsay était parfois moins claire que les télégrammes eux-mêmes.
La remilitarisation de la Rhénanie, grande région industrielle démilitarisée au terme du traité de Versailles. C’est-à-dire que l’Allemagne n’avait le droit d’y entretenir aucune force armée. L’Allemagne le fait (préparatifs secrets dès juin 1935), les conditions sont réunies par un accord franco-soviétique (car la France aussi négocie avec l’URSS et signe un traité de paix en mai 1935, ratifié en 1936, mais qui donne prétexte à Hitler pour aller plus loin). La remilitarisation de la Rhénanie est annoncée le 7 mars 1936. Hitler annonce qu’il dénonce l’accord de Locarno qui garantissait les frontières et il annonce la réoccupation de la Rhénanie. Or en France c’était un contexte préélectoral, c’est-à-dire les législatives qui mènent au Front Populaire. Personne n’ose prendre une décision trop forte contre un pays voisin à ce moment là. Un plébiscite en Allemagne lui donne raison à 99%
Ce qui est frappant est l’inaction franco-britannique devant ces coups de buttoirs progressifs. La méthode d’Hitler est la suivante dans cette reconquête : une vision secrète très claire de ce que l’Allemagne doit faire. Hitler avait les idées fixées très tôt, tout ce qui est entrepris était prévu. Pas d’improvisation, les discours sont très mesurées, calmes. Les ambassadeurs sont convoqués régulièrement, charmés à leur tour, mais des ambassadeurs qui comprennent ce qui se passent mais qui ne sont pas toujours suivis dans leur capital. Les français et les anglais comptent toujours sur un montage diplomatique pour neutraliser Hitler, c’est-à-dire s’entendre sur un traité de paix pour contrer la guerre. Les anglais sont fidèles à l’idée de l’équilibre européen.
B. Les limites sud de l’Allemagne
Dès 1937 dans une conférence secrète réunie en Allemagne, Hitler dévoile ses plans à ses principaux lieutenants. L’idée directrice de ces plans, c’est le fameux espace vital (Lebensraum), l’idée de sauvegarder et de multiplier la race allemande et de l’unifier sous un même drapeau : 85 millions d’allemands si on compte ceux qui sont en Autriche ou en Tchécoslovaquie voire à Dantzig du coté polonais.
La première opération effectuée au sud est l’Anschluss, réunion de l’Allemagne et de l’Autriche, du 13 mars 1938. Pour réaliser cet Anschluss, il y a un mélange de numéro de charme (à l’égard des français et de anglais) et de numéro d’autorité (à l’égard des autrichiens, où Goering engueule au téléphone le chancelier autrichien qui voulait un référendum). Dans la nuit du 11 au 12 mars 1938, les troupes allemandes entrent en Autriche. Dès le 13 mars, les lois autrichiennes et allemandes consacrent cette union. Désormais il n’y a plus qu’un Etat. Réactions quasiment inexistantes des puissances.
Toujours dans le sud de l’Allemagne se pose ensuite la question des sudètes. Les sudètes sont une population qui se donne ce nom, une minorité de langue allemande en Tchécoslovaquie, mais une minorité frontalière. Bien sur les nazis agitent cette population des sudètes, qui ont leur propre parti nazi (parti allemand des sudètes). Les nazis et Hitler en particulier vibrent dans ses discours à propos des sudètes, hypersensibilité pour ces gens qui seraient torturés par les tchécoslovaques. En décembre 1937 il demande publiquement le rattachement des sudètes. Le problème est résolu par la conférence de Munich le 29 septembre 1938. L’idée est anglaise avec l’accord de Mussolini et les quatre puissances se retrouvent dans cette conférence : il y a Chamberlain, Daladier, Mussolini et Hitler. Il n’y a pas de tchécoslovaques. Finalement tout le monde signe carte blanche à Hitler en Tchécoslovaquie. Daladier est accueilli par une foule enthousiaste, la presse titre « Daladier a sauvé la paix ». La Tchécoslovaquie est donc démembrée et ses dépouilles partagées entre l’Allemagne, un peu la Pologne et un peu la Hongrie. Le 15 mars 1939, l’armée allemande entre à Prague. S’en est fini de l’Europe de Versailles.
C. La question des frontières orientales de l’Allemagne
Question de la Pologne et du corridor de Dantzig. L’Angleterre avait donné sa garanti dès 1930 et la France confirme aussi son alliance avec la Pologne en avril 1939. là aussi la mécanique diplomatique va jouer son rôle, et deux trajectoires différentes, celle de Staline et d’Hitler se rencontrent. Le 23 août 1939, le pacte germano soviétique est conclu : c’est un Pacte de non agression mais avec un protocole secret qui divisait la Pologne en deux. L’entrée en guerre de l’Allemagne se déroule une semaine plus tard. Elle entre en Pologne coté Dantzig le 1er septembre 1939, les français et les anglais hésitent : déclarer la guerre ou non ? Pacifistes, ils retardaient le moment. Finalement ils n’ont pas le choix et la déclaration de guerre est faite le 3 septembre 1939. Tout le système traditionnel des relations diplomatiques en place était bouleversé par cette série d’initiative. La volonté des régimes et des partis ultranationalistes bouleverse tout.
Section 2. Les ambitions japonaises
Bertolt Brecht : « Celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre ». [C’est pas de Marx ça à l’origine ?]
Ambitions japonaises, qui sont chronologiquement parallèles aux ambitions des régimes ultranationalistes européens. Il s’agit au fond d’une histoire qui n’est pas la même mais qui est en effet parallèle. La Seconde Guerre Mondiale n’est pas devenue mondiale par extension de la guerre européenne, la guerre en Asie est endogène : elle sort d’Asie, et c’est cette question qu’il faut imaginer maintenant. Décennie 1930.
§I. L’Asie vue de Tokyo
A. « Technique occidentale, pensée japonaise »
Le Japon a un itinéraire tout a fait spécifique en Asie, et pour comprendre ce parcours spécifique il faut revenir à cette révolution de 1868, le Meiji, qui un peu à la manière d’une révolution par le haut a conduit à une industrialisation, à une croissance comme on dit aujourd’hui, et à un véritable développement de ce pays. Tant et si bien que les japonais ne s’en sentaient pas forcément très asiatiques au sens où on l’entendait : eux étaient différents. Dans toutes cette période entre 1920 et 1940 essentiellement, le Japon connaît une succession d’empereurs (celui qui est le plus important à retenir est Hirohito), sachant que ce nom de l’empereur n’est pas le nom de l’ère. Ere Meiji 1868 = Mutsuhito, qui meurt en 1926, inaugurant une ère Showa, qui veut dire « paix rayonnante ». Hirohito devient empereur en 1926 va rester sur le trône jusqu’en 1989. Un très long règne qui traverse la seconde guerre mondiale et bien sur c’est ça qui nous importe. Le Japon de cette période est un Japon où alternent les traditions et la modernité, qui cohabitent dans toutes les villes, les villes gardent des rues étroites, des maisons basses en bois, et il y a toujours cette menace encore ressentie il y a quelques jours à Tokyo des tremblements de terre[2].
Le dynamisme de la population est alors tout à fait frappant. Très forte croissance démographique, pression démographique pourrait on dire même, puisque entre 1910 et 1938, la population s’accroît de 70%, passant d’environ 50 à environ 70 millions habitants, ce qui est considérable pour un pays qui n’est pas très grand. Le Japon est en pleine transition démographique, et l’industrie est en train de transformer la vie sociale bien sûr de façon considérable, alors que le reste de l’Asie reste une Asie pauvre, rurale, les choses changent beaucoup plus vite au Japon. Ces transformations industrielles permettent dans l’archipel le développement d’industries textiles (c’est le point de départ partout dans le monde de l’industrialisation), le grand nom au Japon est la firme Mitsui. Le Japon développe aussi ce qui est la base de l’industrie moderne à cette époque : houille, charbon, sidérurgie. Le maître de la sidérurgie japonaise à l’époque s’appelle Mitsubishi. Le Japon est un pays qui s’équipe, de chemins de fers en particulier. Il se dote d’une armée moderne bien équipée.
Il faut avoir en tête, c’est que la nation japonaise dans toutes ces transformations et peut être à cause de ces transformations forme un corps très soudé. L’empereur en est la clef de voûte, il est invisible, on n’a pas le droit de le regarder si on le croise dans la rue, il est vénéré. Les japonais se veulent comme « une seule âme », où le collectif est plus important que l’individuel, où la société est très hiérarchisée naturellement et le nationalisme vigoureux. Un détail pour mesure à quel point le Japon est autocentré. Comment date-t-on un courrier au Japon ou une année ? Non pas dans le calendrier grégorien universel. Par exemple en 1937 quand le Japon se lance à la conquête de la Chine, on est dans la 12e année de l’ère Showa. Ce Japon qui a appris les techniques occidentales donc mais qui veut garder une pensée japonaise et une manière de penser japonaise a déjà un empire important.
B. Empire et zone d’influence
Cet empire s’est constitué progressivement à la faveur de deux guerres :
- une première guerre en 1894-1895 contre la Chine. A l’origine de cette guerre, un différend sur les frontières de la Corée, qui est un peu au centre des rapports de force dans cette partie du monde. Le Japon a déjà une flotte en acier, des bateaux modernes, la Chine a encore une flotte en bois et évidemment ne résiste pas très longtemps. La paix est signée par le traité de Shimonoseki et ce qui est important c’est qu’au terme de ce traité, l’île de Formose (Taiwan) devient une colonie japonaise.
- La guerre russo-japonaise 10 ans plus tard. Ca illustre assez bien la dynamique qui est en place à ce moment. 1904-1905, liée bien sur à une présence russe croissante en Mandchourie et en Chine du nord-est face au Japon en quelque sorte. C’est cette histoire tragique de la flotte russe faisant le tour du monde pour aller se battre contre l’amiral Togo (avec des armements anglais) et se faisant couler en arrivant à proximité du Japon dans le détroit de Tsushima. Cette guerre trouve sa fin dans un traité, le traité de Portsmouth (en Angleterre, ce n’est pas par hasard). Ce traité de Portsmouth reconnaît les droits du Japon sur la Mandchourie et sur la Corée. C’est à la suite de ce traité, mais ce n’est pas encore dans le traité, que le Japon va être amené à annexer la Corée, faisant de la péninsule coréenne une nouvelle colonie après celle de Taiwan et permettant au Japon de se tailler un premier empire.
Le Japon en 1914 n’est pas seulement l’archipel japonais mais l’archipel + Taiwan + Corée, ce qui est déjà conséquent.
Vient ensuite la Première Guerre Mondiale. Le Japon est entré dans la Première Guerre Mondiale au mieux de ses intérêts, c’est-à-dire pour gagner encore en puissance dans la région. Le Japon obtient de la Chine à la suite de 21 demandes faites en janvier 1915 et qui ont été acceptées par la Chine sur la contrainte, obtient des droits sur la péninsule du Shandong (en face de la Corée), qui était la zone d’influence allemande, et des droits sur l’ensemble du territoire chinois, sur la Mandchourie. Le Japon utilise au mieux de ses intérêts la neutralisation des puissances européennes en Asie. La substitution de l’influence allemande par l’influence japonaise a été confirmée par le traité de Versailles : très officiellement le Japon continue de s’agrandir. C’est donc dans l’entre-deux-guerres déjà un grand Japon qui existe.
Outre la Corée annexé en 1910 et Taiwan annexée en 1895 le Japon a récupéré tout un espace maritime dans le pacifique d’îles contrôlées par les allemands. Cela fait un territoire maritime assez considérable. Les zones d’influences japonaises en Chine se consolident aussi et les groupes industriels japonais (les zaibatsu) sont à l’œuvre. C’est un groupe qui combine une activité industrielle, une ou plusieurs banques, une ou plusieurs maisons de commerce. Les zaibatsu font main basse sur les matières premières disponibles en Chine et investissent à tour de bras ; entre 1914 et 1930, les investissements japonais en Chine se sont multipliés par cinq. Les japonais construisent aussi des outils de pénétration en Chine (le chemin de fer est et reste le grand outil de pénétration à cette époque) et en particulier la Compagnie de chemin de fer du sud mandchourien, qui va permettre de pénétrer la Mandchourie par la voie ferré ; nous verrons dans quelle condition.
Ce fort nationalisme japonais qui emprunte à l’occident ses techniques industrielles et qui a déjà un empire conséquent est tenté par l’expansion.
C. La tentation expansionniste
Elle va s’exercer sur pratiquement le seul espace disponible, si l’on peut dire, en Asie, c’est-à-dire la Chine.
Il y a dans l’idéologie japonaise de l’époque, dont la culture est assez largement sinisée, cette idée que le Japon a des droits sur la Chine. Non seulement le Japon a des droits, mais la Chine devient dans cette période presque une obsession dans la classe politique japonaise. Evidemment le contraste est très fort entre le déclin chinois et la montée en puissance japonaise. Et l’occasion de 1914 avait été ressentie comme telle au Japon : Renouvin cite ce tract lancé par une société secrète japonaise en 1915 (le dragon noir) : « c’est maintenant le moment le plus propice pour résoudre la question chinoise ». Cette tentation expansionniste s’exprime de manière très secrète mais très nette, en 1927, avant la grande crise économique, par le mémorandum Tanaka. Tanaka était le premier ministre de 1927 à 1929 et dans l’été 1927 (fin juin début juillet) il réunit à Tokyo une conférence sur les affaires d’extrême orient. Le texte qui est issu de cette conférence, le mémorandum Tanaka, réclame « une politique positive envers la Mandchourie et la Mongolie ». La Mandchourie en particulier est visée : « ce territoire est plus de trois fois aussi grand que le notre, sans y inclure la colonie de Formose, mais sa population n’est que le tiers de la notre ». Bref, la Mandchourie doit être réunie. D’autant plus que cette Mandchourie est très riche en ressources, en forêts, en matières premières, en produits agricoles, toutes choses que le Japon a dans une moindre mesure. Il y a petite côté espace vital.
Le slogan est plutôt « l’Asie aux asiatiques », en développant l’expansion en direction de la Mandchourie et bientôt de la Chine, le Japon s’inscrit dans une logique anti-blanche plutôt qu’anti-coloniale, puisque elle-même va faire de la colonisation. Précisons que ce paradoxe japonais, qui est que d’un côté les japonais se veulent en leader de l’Asie et vont pendant tout le conflit mondial pousser ce slogan « l’Asie aux asiatiques » et qu’en même temps curieusement ils ne se sentent pas aux mêmes asiatiques, au sens où nous nous pourrions le penser. Quand ils vont sur le continent en Asie, ils vont en Asie, alors qu’on pourrait penser qu’ils le sont (un peu comme les anglais en Europe).
§II. Le tournant des années 1930
Partout dans le monde où se développe le grand commerce maritime, les années 1930 sont des années sombres en conséquence de la crise boursière, financière et industrielle qui touche les Etats-Unis depuis octobre 1929. Quel est l’élément favorable à l’expansion militaire japonaise ? Quel est l’impact de la crise au Japon ?
A. L’impact de la crise au Japon
Cet impact est à la fois économique, politique et idéologique.
Sur le plan économique, le Japon tout en étant un pays très autocentré est sur le plan économique un pays extraverti, c’est-à-dire que son économie fonctionne avec l’extérieur, exporte ses produits industriels. Mais pour les fabriquer elle a besoin d’importer ses matières premières : la chose est connue. En 30 ans, entre 1905 et 1935, la part des matières premières dans les importations japonaises est passée de 33% à 62%. Pendant les mêmes trente années, la part des produits fabriqués a suivi pratiquement la même évolution dans les exportations passant de 31% à 58,2%. La Première Guerre Mondiale naturellement a joué un rôle très important dans cet essor, puisque lorsque les pays européens qui sont les fournisseurs traditionnels des pays asiatiques, le Japon peut se substituer à eux sur ce marché asiatique. Pays extraverti, donc pays aussi vulnérable, du fait de ces échanges extérieurs qui pèsent beaucoup sur la structure économique même du pays, et donc toute modification, toute contraction (et c’est ce qui va se passer dans les années 1930) du commerce mondial est une forte contrainte et touche le Japon, touche son économie, dont le sentiment de vulnérabilité est assez fort. Le Japon ne fonctionne que par un très fort volontarisme.
Sur le plan politique, cet impact peut se résumer en trois mots : montée du militarisme. Il est difficile de parler de la vie politique japonaise comme de la vie politique anglaise, française, italienne, etc. Le système politique est assez opaque, c’est-à-dire pas très transparent. Les partis politique, ou ces structures qui en portent le nom, comme le parlement sont plutôt dominés par des clans, un peu à la féodale, hérités de l’époque pré-Meiji (c’est-à-dire du Japon ancien), des familles et des réseaux qui n’ont pas disparus et continuent à exercer une certaine puissance. Notons au passage que dans cette vie politique où les clans jouent un rôle important la violence joue aussi un rôle important et les assassinats politique sont omniprésents, en particulier en période d’élection mais pas seulement. Si on veut mettre des noms européens sur les tendances japonaise, on pourrait dire qu’il y a des libéraux, c’est-à-dire une bourgeoisie japonaise qui fonctionnerait peu ou prou comme en Europe ou aux Etats-Unis. Ils dominent en gros jusqu’en 1931, et les militaristes après, gouvernement après gouvernement. Y a-t-il beaucoup de différences entre les deux ? Non peut être sur le plan de la vision générale du monde et du Japon et de la société japonaise mais certainement des différences quant à la méthode d’expansion, quant à la modalité d’expansion, et en particulier de la place que l’on accorde aux militaires.
Impact sur le plan idéologique. Justement ces difficultés économique et cette montée du militarisme encouragent le nationalisme, phénomène qui n’est évidemment pas propre au Japon et que nous avons vu se développer en Italie, en Allemagne, et dans d’autres pays, mais qui prend un caractère agressif dans l’archipel, d’autant que les milieux militaires (notamment l’état-major et les sociétés secrètes) se livrent à une véritable surenchère nationaliste dans ce contexte effectivement un peu difficile. Toutes ces évolutions lentes vont trouver un aboutissement avec la crise de Mandchourie.
B. L’affaire de Mandchourie
Elle se situe entre 1930 et 1932 à peu près, surtout en 1931. La Mandchourie est le nord-est de l’espace chinois, un espace énorme, peu peuplé, au climat très difficile, très rigoureux, mais qui comprend beaucoup de ressources. Les japonais y sont d’autant plus attentifs que la Chine suit une évolution à la fin des années 1920 qui ne leur convient pas vraiment. Cette évolution positive pour la Chine est jugée négativement par le Japon. Quelle est-elle ?
La Chine, entre 1928 et 1930 connaît une unification très nouvelle qui peut-être justement inquiète le Japon. La Chine, depuis l’époque des zones d’influence occidentale, depuis l’époque des seigneurs de la guerre, était un corps un peu chaotique malgré la révolution républicaine de 1911. On se souvient que dans les années 1920 une forme de guerre civile se développait dans le sud de la Chine autour de Canton (cf. supra). En 1927 nous avions assistés à un retournement du parti nationaliste (Guomindang) contre le PC chinois, et un retournement conduit sous la direction de Tchang Kaï-chek, hériter et gendre de Sun Yat-sen, le fondateur du Guomindang. Tchang Kaï-chek à partir de 1927, non seulement rompt avec les communistes, mais se lance à la reconquête de la Chine et il y réussi. Il prend Pékin, la grande ville du nord, en juin 1928, se fait désigner président en octobre 1928 et installe sa capitale non pas à Pékin mais dans une ville du centre importante : Nankin (Nanjing, « capitale du sud », Beijing étant « capitale du nord »). Mais Tchang Kaï-chek se heurte au japonais très influent en Chine du nord et très vite on sent effectivement que les deux pays se font face de manière relativement inquiétante. Des combats opposent les armées chinoises réunies sous le drapeau du Guomindang aux forces japonaises qui peuvent se trouver en Chine du nord jusqu’en 1930. L’intervention japonaise en Mandchourie date de 1931 et sera une grande crise internationale. Comment les choses se sont-elles présentées ?
Nous parlions tout à l’heure du chemin de fer sud mandchourien qui permet de remonter la Mandchourie et d’accéder aux ressources qui peuvent s’y trouver. Cette compagnie des chemins de fer du sud mandchourien est le véritable cheval de Troie japonais qui permet à Tokyo de pénétrer à l’intérieur de cette Mandchourie. Cette compagnie qui n’est pas seulement une compagnie mais est une institution pour les japonais qui a des pouvoirs très étendus, dont le président a pratiquement des pouvoirs aussi importants que le gouverneur général japonais de Corée. Ce président gère un territoire, une zone du chemin de fer, qui s’étend de part et d’autre du tracé de la ligné proprement dite donné en pleine souveraineté au Japon. Statut d’extraterritorialité pour la zone du chemin de fer, et 25 000 à 30 000 hommes pour la protéger.
Il faut un prétexte pour aller plus loin, c’est toujours pareil. Le prétexte est ce que l’on appellera le 18 septembre 1931 : l’incident de Mandchourie. Il va être le prétexte à l’intervention. La nature de cet incident ? C’est un sabotage du chemin de fer mais dont on se rend compte relativement vite qu’il s’agit d’une mise en scène. On accuse des forces chinoises, il apparaît en gros que ce sont les services japonais qui se sont livrés à l’action. Mais cet incident de Mandchourie donne le signal du déclenchement de la conquête militaire de cette région. A ce sujet le rôle de l’empereur fait débat : Hirohito est il coupable d’avoir décidé ou d’avoir donné son feu vert à l’agression de Mandchourie ? Son premier ministre était beaucoup plus calme. Ce qui est sûr c’est que l’armée impériale demeure sur place en Mandchourie.
Jusqu’à présent ce ne serait pas très important, grave, subtile si l’on peut dire. Le plus original est la création d’un nouvel Etat, le Mandchou, en mars 1932. Le Japon de manière relativement habile quoique grossière utilise une astuce dynastique pour créer un pouvoir proprement mandchou, car il se trouve que la dynastie renversée était proprement mandchou, les Qing, l’héritier était le dernier empereur. Cet enfant s’appelle Puyi, et va être récupéré par les japonais et placé sur le trône de Mandchourie comme l’empereur légitime de ce nouvel Etat. Ce Mandchoukouo est une annexion déguisée, puisque le principal personnel du gouvernement du Mandchoukouo est japonais : directeurs du personnel, conseilleur des ministres, tous sont japonais. Malgré la présence de Puyi et de quelques chinois autour de lui, le Mandchoukouo apparaît comme un véritable protectorat japonais déguisé en indépendance. La crise internationale arrive là quand la Chine proteste et en appelle à la SDN. La Chine porte plainte (nouvelle pratique de cette époque), et l’affaire prend donc cette dimension internationale. S’y ajoute un petit incident à Shanghai. Début 1932 un peu plus au sud au milieu de la Chine, un groupe de japonais est assassiné, mais ça donne prétexte à une intervention militaire à Shanghai. Tokyo envoie une partie de sa marine, quelques avions, en réaction à cet assassinat, et occupe même un petit territoire et l’évacue finalement à la suite d’une autre plainte à la SDN
En quoi consiste la crise ?
C. Une crise internationale
Elle se déroule en gros entre les lieux même (Mandchou) et Genève, siège de la SDN.
Au départ, il y a donc la plainte chinoise, ce qui est une nouvelle pratique à l’époque : la SDN, loin du théâtre, décide d’envoyer une mission d’enquête (la commission Lytton) en décembre 1931. Cette commission Lytton est une sorte de première, c’est une pratique internationale nouvelle que d’envoyer une commission internationale enquêter sur un incident entre deux Etats : ça ne s’était pas pratiqué de par le passé. Cette commission Lytton rentre à la fin de l’été 1932 et rend un rapport à la SDN en septembre 1932 ; dans ce rapport il y a le constat un peu dur pour le Japon que la Mandchourie ne manifeste aucun désir d’indépendance, et que donc effectivement cette indépendance est un peu truquée en quelque sorte. La publication de ce rapport Lytton à Genève suscite un débat extrêmement vif entre les représentants japonais d’une part et chinois de l’autre. Ces conclusions du rapport Lytton entraînent un vote (situation nouvelle) : que faire, faut il condamner ou non l’un des deux pays ? Le vote se veut mesuré, ne condamne pas le Japon, évite de déclarer le Japon agresseur, mais ne reconnaît pas le nouvel Etat, le Mandchoukouo. Ca ne trompe personne et en particulier ça ne trompe pas Tokyo. Des sanctions sont décidées malgré tout, même si le Japon n’est pas reconnu stricto sensu agresseur.
C’est ce qui amène le Japon à se retirer de la SDN, en mars 1933. C’est en octobre 1933 seulement que l’Allemagne fera la même chose, c’est-à-dire se retirera de la SDN dans le cadre d’une conférence sur le désarmement. Ce précédent japonais va conduire à un rapprochement de fait entre Tokyo et Berlin, entre l’Allemagne nazie et le Japon ultranationaliste, un rapprochement de facto par correspondance/connivence en quelque sorte de cette double action de retrait de la SDN. Accessoirement, ce double retrait ouvre un véritable boulevard à l’Italie qui va faire exactement la même chose dans le contexte de l’affaire éthiopienne peu après. C’est un triple premier grand échec pour la SDN bien évidemment. Et un rapprochement de plus en plus visible entre les deux régimes ultranationalistes d’Europe, l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie d’une part et le Japon d’autre part. Le japon rejoint le pacte anti-Kominterm en novembre 1936. Donc le japon est sorti des règles internationales. Comme s’il s’était libéré de ces nouvelles règles, il va changer de vitesse et entamer assez rapidement la conquête de la Chine.
§III. La conquête de la Chine
A. Les prémisses
Il faut clarifier l’objectif du Japon. L’objectif du Japon, face à la Chine, ce ne sont pas des annexions territoriales (contrairement à ce que l’on pourrait penser), ce ne sont pas des petits bouts de Chine que le Japon voudrait annexer. L’ambition du Japon et de son gouvernement est d’établir une sorte de protectorat sur l’ensemble de la Chine. Dans cette idée d’établir un protectorat sur la Chine, la nation japonaise fait corps derrière ses dirigeants semble-t-il. L’opinion japonaise, autant que l’on puisse la connaître, fait corps dans l’idée nationale, dans le culte de l’empereur, tout cela dans une société en pleine transformation. Et ce surcroît de nationalisme que suppose l’idée de l’objectif même d’imposer un protectorat à la Chine n’est pas trop difficile à admettre par les japonais. Là il y a des points communs avec l’Allemagne. C’est ainsi qu’un professeur japonais qui était à l’université dans les années 1960, mais dans le secondaire dans les années 1930, décrit le système éducatif japonais comme précisément très dévoué à l’empereur. Il décrit le citoyen de base des années 1930 comme « convaincu que le Japon était une nation supérieure dont le rôle était de diriger le monde ». (M. Tertrais : « je sais pas si vous voyez l’ambiance »). Et c’est un japonais qui le dit. Et les slogans dont nous parlions tout à l’heure sont doublés d’autres slogans un petit peu plus inquiétants, comme l’idée d’un « monde entier sous un même toit ».
Tout cet ultra nationalisme se développe dans une ambiance extrêmement sécuritaire, comme on dirait aujourd’hui. Restrictions aux libertés (notamment d’expression, considérée éventuellement comme un acte anti-national), médias mis aux pas, renforcement des lois sur la sécurité publique. Précisons que ces histoires orales nous disent que le désir de conquête était aussi très fort chez étudiants japonais des années 1930, convaincus de la légitimité d’une action japonaise à l’extérieur. Donc l’opinion ne va pas contre du tout, au contraire, cette conquête. Comment procèdent les militaires japonais pour conquérir la Chine et aller vers l’idée de ce protectorat ? La méthode est digne d’une politique de grignotage, c’est-à-dire que les militaires japonais présents sur le sol chinois, en particulier à partir de la Mandchourie, sous des prétextes divers, élargissent leur contrôle territorial. En particulier, dans une des provinces chinoises qui se trouve entre la Mandchourie et Pékin (et la grande muraille juste au nord de Pékin), une province qui s’appelle le Jehol. Le Jehol est envahit dès 1933 par les troupes japonaises.
Le même scénario se produit dans d’autres provinces, toujours dans le nord, et sous des prétextes divers (c’est-à-dire assurer la sécurité des japonais), différentes provinces sont quasiment annexés, et dans la capitale chinoise Nankin on craint de plus en plus fortement l’émergence d’un nouvel Etat dissident dans le nord comme la Mandchourie qui se séparerait de la Chine. Ces provinces annexées sont bien sûr aux ordres de Tokyo. Tout le monde ne laisse pas faire bien sur, à Pékin en particulier : on assiste à d’importantes manifestations hostiles, en particulier étudiantes d’ailleurs, hostiles contre cette entrée japonaise dans le nord du pays. Cette politique de grignotage se double d’autre part de préparatifs militaires très importants. Et d’ailleurs bien souvent les escarmouches entre les troupes japonaises et les troupes chinoises sont des tests pour évaluer les défenses chinoises.
La décision est prise à Tokyo en 1937 d’aller plus loin, d’en finir, de submerger la Chine des forces armées japonaises pour établir ce fameux protectorat. Là aussi, pour ce genre d’initiative, qui décide quoi ? On sait que les milieux gouvernementaux à Tokyo sont à l’époque de plus en plus circonvenus, infiltrés, par les militaires, qui eux ne rêvent que du grand Japon. L’influence des militaires est grandissante dans les structures du pouvoir et on sait que les rares ministres qui ont accès à l’empereur et qui le poussent à agir sont les ministres de armées et de la maritime, qui sont évidemment des militaires. D’où la question (sans fin) de la responsabilité de Hirohito. D’un mot, la responsabilité est la manière dont l’empereur sera traité en 1945 par les américains. Il se trouve en quelque sorte disculpé de sa responsabilité en 1937.
B. La campagne de Chine
Nous sommes en 1937. En Europe à la même époque, nous sommes entre la remilitarisation de la Rhénanie et l’Anschluss. La campagne de Chine commence le 7 juillet 1937, date importante bien sûr. A nouveau, un incident militaire est à l’origine de ce déclenchement des opérations. C’est l’incident dit du pont Marco Polo le 7 juillet 1937. L’incident militaire est un grand classique : la matérialité de l’incident montre quand même qu’il y a eu de vrais combats. Il y avait en effet une garnison de 7000 japonais à proximité de pékin, des tirs chinois sur une patrouille japonaise, et tout cela s’est embrasé. L’incident est bien réel mais tout dépend de l’usage que les uns et les autres veulent en faire. Rupture de pourparlers, ultimatums lancés, et les japonais lancent par ultimatum aux chinois d’évacuer Pékin. Evidemment les japonais passent à l’attaque et entrent en guerre au lendemain de cet incident du 7 juillet 1937. Originalité de cette entrée en guerre : c’est une entrée en guerre sans déclaration de guerre. La Chine elle-même refuse de déclarer cette guerre qui lui est imposée. Les opérations militaires durent plus d’un an. Pékin est occupée en deux jours, c’est presque une formalité. Les opérations durent plus d’un an en particulier le long du littoral, dans cette « Chine utile », Chine qui concentrent la population. Un épisode particulièrement fort se déroule à Shanghai le 27 octobre 1937, attaquée par des raids aériens + débarquement, avec une remontée vers l’intérieur du grand fleuve Chang Jiang. C’est là que se situe une des actions les plus violentes et les plus controversées de l’invasion de la Chine (près de 500 000 morts) : le sac de Nankin, qui se déroule le 14 décembre 1937, Hankou est prise en octobre 1938 (grande métropole du Sud). Il a fallut plus d’un an au Japon pour occuper cette région.
Les atrocités japonaises à Nankin et en Chine de décembre 1937 sont importantes à connaître (èle massacre de Nankin), puisque aujourd’hui encore elles sont ressenties par bon nombre de chinois comme un choc traumatisant, et elle l’est également dans cette opinion à la fois asiatique et mondiale. Le bilan de ce sac de Nankin pendant lesquelles les militaires japonais ont fait pratiquement toutes les violences qu’ils voulaient est très conversé. Le traumatisme est peut être plus grand que le bilan lui même. La fourchette de mort évolue entre 40 000 et 250 000 morts. Cela dit ce n’est pas une question de nombres bien sûr, et le sac de Nankin par les troupes fait l’objet de descriptions apocalyptique par les gens qui y ont assistés. C’est le cas du consul allemand qui dit que les japonais se « déchaînent comme des sauvages ». Cette action d’une extrême violence contre Nankin, que les officiers japonais ont laissé faire (car les soldats japonais sont extrêmement obéissants). L’idée était de créer un choc symbolique sur la population chinoise, sachant que l’on était dans la capitale de la république de Chine, et que ce qui s’y passait avait une onde de choc sur l’ensemble du pays.
Dans le reste de la Chine, c’est-à-dire vers le sud et la ville de canton, ou vers Ankou (orth ??), ces villes sont occupées en octobre 1938
C. Les limites de l’action militaire
Les limites politique sont la réponse à la question : les japonais arrivent-ils à imposer un protectorat sur la Chine ? La réponse est non mais en même temps le pouvoir chinois qui se trouve face à eux est un peu éclaté. Ils arrivent quand même à trouver un fantoche, c’est-à-dire un gouvernement chinois à sa botte. Ce gouvernement pupett est dirigé par Wang (quelqu’un de pas nécessairement très prestigieux), issu du parti nationaliste, et qui se prête à l’opération pour des raisons qu’on ne sait pas très bien. Le gouvernement de Tchang Kaï-chek se replie dans l’intérieur de la Chine, très en amont dans la vallée du Yangzeu, dans la ville de Chongqing, qui est une très grande ville. Il est à l’abri de montagnes qui le séparent des plaines de l’est, et dans une province riche (province Sichuan, province agricole mais entourée de montagnes, très bien protégée naturellement). C’est un gouvernement de résistance donc.
Et aussi un réveil du PC chinois qui renaît un petit peu plus dans le nord, dans un lieu isolé où il est pratiquement tranquille : Yanan. Le PC chinois constitue une armée lui-même, et c’est ça qui va faire dans la limite de l’action militaire japonaise. Face aux japonais il y a plusieurs types de résistances armées qui s’organisent. Il y a une résistance militaire classique de Tchang Kaï-chek qui ne recule pas sans livrer combat et que les japonais ne peuvent pas poursuivre jusqu’à Chongqing. Cette armée livre même quelques victoires sans lendemain sur le Japon. Les communistes pour leur part organisent une résistance à l’intérieur même des lignes japonaises, selon une formule de guérilla qui va connaître un certain succès, et les deux forces nationalistes et communistes pourtant très ennemis depuis 1927 vont s’allier dans cette résistance contre les japonais pour coordonner leurs actions militaires classiques d’un coté et de guérilla de l’autre pour mener la vie dure aux japonais. Les japonais exercent quand même un contrôle territorial réel sur toute une partie de la Chine et peuvent se fournir de tout ce dont ils ont besoin, charbon en particulier. En 1936 le Japon importe 15 millions de tonnes, et en 1942 il importe 58 millions de tonnes.
Le coup humain est déjà fort, plus d’un million de soldats sont déjà morts, sans parler du coup financier. Assez vite le Japon renonce à poursuivre la campagne de Chine et à placer un protectorat global sur ce territoire. Et d’ailleurs, puisque la Chine ne donne pas pleinement satisfaction et tous les résultats espérés, le Japon commence à rechercher d’autres directions d’expansion. Ce sera l’Asie du sud-est, et la constitution de la grande Asie orientale (pour les années suivantes).
Conclusion
Et en Europe et en Asie, se développent deux conflits parallèles qui sont dans un premier temps sans rapport l’un avec l’autre. il y a une correspondance pourrait on dire qui est l’ultranationalisme qui est au cœur des deux montées en puissance de la guerre, mais les deux conflits ne se rejoignent pas dans un premier temps. Ils vont se rejoindre bien sur après. Les comportements dans les deux cas en Europe et en Asie sont un peu les même : politique de force, politique du fait accompli, non respect des règles internationales, conquête d’une sorte d’espace vital (même si le mot n’est pas utilisé en Chine), et guerre sans déclaration. Mais les deux théâtres vont se réunir dès 1940.
Chapitre 7. Le second conflit mondial (1937/1939-1945)
Section 1. Théâtres européen et asiatique
§I. La guerre en Europe
A. L’entrée dans la guerre
Les événements sont dans la plupart des cas connus. L’entrée dans la guerre suit une préparation diplomatique, mais là aussi le mot était discuté. Ce qui apparaît aujourd’hui comme une préparation diplomatique est une idée à posteriori. Un certain nombre des éléments annoncent la guerre mais ce n’était pas évident pour tout le monde. En matière de préparation de guerre il y a ceux qui parlent et ceux qui ne disent rien, et Hitler était dans ce dernier cas. Cette préparation diplomatique donc à la fin de années 1930 concerne bien sur le tandem, l’axe Rome-Berlin, qui se resserre. On parle en 1939 du pacte d’acier du 22 mai 1939, c’est-à-dire un pacte qui se veut offensif et non pas seulement défensif et qui est signé donc le 22 mai. Dans cet affaire, le calendrier ou l’agenda allemand s’impose au calendrier italien :
Mussolini n’est pas pressé de faire la guerre : il n’est pas tout à fait près militairement parlant, il imagine une guerre faisable en gros en 1943. Par contre Hitler est plus pressé et il impose en quelque sorte ce calendrier à Mussolini. Deuxième élément de ce calendrier est le pacte germano-soviétique du 23 août 1939 et qu’il faut situer lui aussi dans ce contexte. Les allemands n’étaient pas les seuls à discuter avec les soviétiques, les français aussi : sorte de concurrence diplomatique à celui qui tirerait le premier le profit d’une certaine neutralisation de l’autre. Il y avait des négociations en cours notamment sur le plan militaire, notamment sur le plan de la Pologne. Lorsque von Ribbentrop, ministres des affaires étrangères d’Hitler, s’est rendu à Moscou le 23 août 1939, il a signé quasiment tout de suite avec Molotov, ce pacte de non-agression qui comportait un protocole secret qui lui prévoyait la carte, protocole en deux articles : 1 premier sur les pays baltes et la Finlande (Estonie, Lettonie) considérée comme devant revenir à la zone soviétique (la Lituanie considérée comme la zone allemande, mais ça ne va pas durer) et l’article 2 matérialisait les limites du partage de la Pologne. L’union soviétique en position de non agresseur à l’ouest pouvait revenir à l’est contre le Japon ce n’a pas plu du tout aux japonais.
L’entrée en guerre proprement dite se fait du côté polonais, du coté du corridor de Dantzig à la suite d’une multiplication d’incidents de frontières, à la suite d’une certaine agitation de la minorité allemande de Pologne -allemands qui n’était pas tous forcement nazi) et de tensions dans la ville libre de Dantzig, port offert aux polonais pour avoir cet accès à la mer que l’on connaît. On assiste dès le 24 août, c’est-à-dire le lendemain même de la signature du pacte germano soviétique, à une quasi-mobilisation militaire en Allemagne. Les polonais évidemment se rendent compte que quelque chose de pas ordinaire se passe. 31 août, mobilisation générale en Pologne, et le 1er septembre 1939 les trouves allemandes entrent en Pologne et une nouvelle Anschluss (réunion) de territoires allemands est proclamée.
On le sait les français et les anglais qui garantissaient l’indépendance de la Pologne ont été très hésitant et on déclaré la guerre à l’Allemagne que le 3 septembre. Mais, et on le sait aussi, cette guerre a eu pour particularité d’avoir été déclarée. La France et l’Angleterre ont déclaré la guerre à l’Allemagne mais ne l’ont pas faite : c’est la drôle de guerre du 3 septembre au 10 mai 1940. Drôle de guerre, c’est-à-dire une non guerre d’une certaine manière, guerre très paisible, les armées françaises et anglaises sont mobilisées, des unités envoyées sur la frontières, mais ne rentrent pas et attendent paisiblement que l’Allemagne veuille bien attaquer, tranquille derrière cette ligne de fortification colossale qu’est la ligne maginot. Les français et anglais s’imaginaient que la question pouvaient se corriger diplomatiquement.
Les premiers pas de la guerre se produisent en Europe du nord, d’une guerre élargie au-delà de la Pologne. En trois semaines il n’y a plus de Pologne, et l’URSS et l’Allemagne s’installent de part et d’autre de cette ligne de démarcation secrète qu’ils avaient négociée au mois d’août. Ce qui est plus original c’est l’annexion et l’offensive russe en Finlande. Cette attaque en Finlande a lieu fin novembre 1939, la Finlande porte plainte devant la SDN mais à cette époque elle est moribonde. Quand l’URSS en est exclue, personne ne s’en rend vraiment compte.
La guerre se porte au nord de l’Europe aussi (péninsule scandinave), Norvège, Suède, Finlande, et la guerre se porte dans cette région avant qu’elle ne se déclenche en France ou dans l’Angleterre. En effet dans le suède du nord il y a un gisement de Kiruna très important, et cette matière première stratégique inters évidemment beaucoup l’armée allemande et les autres également. Le minerai de fer de Kiruna est exporté par une voie ferrée via la Norvège à l’ouest donc et un petit port, le port de Narvik. Et donc il y a une espèce de course au minerai de fer entre d’une part l’Allemagne et d’autre part la Russie.
B. La défaite et l’armistice en France
Le concept de guerre éclair a été créé pour clarifier l’offensive de l’armée à l’ouest, qui se déclenche le 10 mai 1940. Guerre éclair contre ces pays du Benelux (Pays-bas, Belgique) et la France. La ligne Maginot était infranchissable mais pas incontournable, spécialement par le nord. Les méthodes utilisées par l’armée nazie, longtemps interdite de production, sont très efficaces, modernes, rapides : aviation, char d’assaut, artillerie. Ils sont le « fer de lance » l’armée allemande. En 1940 le débat était qu’il y avait deux doctrines : une doctrine traditionnelle en France qui considérait le char d’assaut un peu comme un outil supplétif dans des divisions d’infanterie, l’autre conception défendue par De Gaulle dans les années 30 étaient de ne pas considérer le char comme un élément d’accompagnement mais au contraire comme un élément central et de faire des divisions entières blindées (ce qu’ont fait les allemands).
L’entrée en guerre de l’Italie se situe le 11 juin 1940 contre la France, et du côté français c’est la débandade, surprise absolue. Là aussi on peut se poser la question du pourquoi. Concrètement, au moment où les troupes françaises se trouvaient désorganisées par l’attaque allemande et où des réfugiés abandonnait des régions occupées par l’offensive, le débat était celui qui opposait capitulation ou armistice. Que fallait-il faire ? Dans la mesure où l’état-major voyait bien qu’il ne maîtrisait plus la situation. L’armistice avec une négociation avec l’adversaire supposait de le reconnaître d’une certaine manière. Ce débat alimente un mois de vie politico militaire en France, un mois pendant lequel le gouvernement fuit Paris. Le gouvernement va d’abord à tours à raison d’un ministère par château, et puis finalement le gouvernement fuit à bordeaux, assez loin des lignes allemandes. Le sud-ouest a toujours été choisi par la France comme le lien le plus éloigné de la frontière allemande, d’où l’installation de l’industrie aéronautique à Toulouse.
Ce débat capitulation/armistice est porté par les hommes bien sûr. Qui sont-ils ? Ceux qui ne veulent pas négocier la fin de la guerre avec l’ennemi s’appellent Paul Reynaud (président du conseil), s’appellent également De Gaulle (qui vient de rentrer comme sous-secrétaire d’Etat au gouvernement à la guerre). Que pensent ces hommes ? Ce qu’ils pensent c’est que la guerre ne s’arrêter pas là, qu’elle doit se poursuivre en s’appuyant sur l’empire colonial et en particulier sur l’Afrique du nord. Un paquebot, le Massillia, est prêt dans la gironde pour embarquer les membres du gouvernement direction Alger ; il ne partira pas.
S’appuyer aussi sur le Royaume-Uni, une double alliance style entente cordiale avec l’empire et l’Angleterre. Au fond ce courant décidé à s’appuyer sur l’empire en alliance avec l’Angleterre rappelle un petit peu la défaite de 1870. De l’autre coté, et ceux là vont l’emporter, se trouve le vice-président du conseil, Philippe Pétain, vieux maréchal, vainqueur de Verdun, auréolé de toutes les gloires militaires et nationales, le général Weygand chef d’état-major et général. Ceux là seraient plutôt les héritiers des « continentaux » après la défaite de 1870. L’empire ils ne connaissent pas vraiment, leur obsession est l’Europe et l’Allemagne. Ils sont partisans de s’entendre avec Hitler pour négocier avec l’Allemagne. Précisons que les Reynaud, les De Gaulle, qui pouvaient être assez nationalistes, étaient quand même soutenus par les milieux libéraux en général alors que les Pétain et les Weygand étaient partisans des formes autoritaires de gouvernement, forme ultranationaliste pourquoi pas.
Sur les rapports franco-britannique. Dès le 28 mars, une déclaration commune a été signée à Londres par Reynaud s’engageant à ne faire aucune paix séparée face à l’Allemagne. La guerre se passe mal, des troupes françaises sont réembarquées à dunkerque. On discute on se concerte, des français vont à Londres, Churchill vient à Paris avant que les allemands n’y arrivent et à Briard près de Toulouse. Il naît un projet d’union franco britannique à la mi-juin 1940. C’est Jean Monnet qui était à Londres et qui avait réussi à faire accepter cette idée par De Gaulle et Churchill. Ce texte de projet d’union franco britannique aurait le même parlement, la même citoyenneté. Projet commun tout à fait stupéfiant mais qui a été finalement rejeté par le gouvernement de bordeaux. C’est difficile de concevoir cette ambiance de gouvernement à Bordeaux étant donné les tendances qui s’affrontent. Finalement ce sont les nationalistes qui l’emportent et c’est à Pétain que Lebrun ( ??) demande de former le gouvernement à la place de Paul reynaud. Nous sommes le 17 juin et là aussi les choses vont très vite.
Tout de suite Pétain demande l’armistice (finalement il était pour ça) et commence à déplacer le gouvernement vers Vichy. Mais en même temps, De Gaulle est dans l’avion pour Londres, et le 18 juin il lance ce fameux appel à la poursuite de la guerre qui sur le moment n’a été entendu par personne. L’armistice est très vite mis en place, organisé, signé le 22 juin 1940, et on voit bien à quel point cet armistice est une revanche pour l’Allemagne hitlérienne, puisque les plénipotentiaires allemands convoquent les plénipotentiaires français dans la même clairière à Rethondes, font sortir du musée le wagon-lit de 1918, et la France accepte les conditions assez humiliante d’un armistice. Les mêmes termes sont utilisés à l’envers, etc. C’est la revanche absolue dans les termes, dans les formules, etc. un armistice est conclu aussi avec l’Italie. C’est le démembrement du pays avec une ligne de démarcation qui isole le nord et la façade atlantique d’un sud qu’on appelle improprement la zone libre dont la souveraineté relève du gouvernement de Vichy. Une question importante est celle de la marine française, car évidemment dans les clauses de l’armistice il n’y a plus d’armée française. Pour la flotte c’est plus compliqué, on suppose qu’elle va rester dans des ports bien précis, qu’elle ne va pas passer à l’ennemi, mais tout le monde a très peur car la flotte n’est pas ridicule et le rapport des forces pourrait changer selon qu’elle passe d’un coté à l’autre.
Le dernier pays sur la ligne de front et qui résiste sur la vague nazi et cette vague ultranationaliste et fasciste depuis les années 1920, il reste plus que l’Angleterre
C. Le bastion britannique
Le bastion britannique qui donc seul fait face en quelque sorte à cette offensive musclée du nazisme en Europe, une Angleterre dont les élites ont enfin compris qu’Hitler, selon l’expression, n’était pas un gentleman. Chamberlain qui était justement le premier ministre du compromis avec Hitler abandonne le pouvoir dès le 10 mai qui lui est convaincu depuis toujours qu’Hitler n’est pas un gentleman. Le contexte est celui de l’annexion des pays baltes, et de la non entrée de l’Espagne dans la guerre. Hitler rencontre franco à Hendaye pour essayer de le convaincre d’entrée dans la guerre mais n’y est pas arrivé. C’est là qu’Hitler y convoque Pétain : photo qui fonde la collaboration entre Vichy et l’Allemagne nazie.
L’Angleterre bien sur visée par Hitler résiste assez magnifiquement. Le 13 août 1940 commence la bataille d’Angleterre. Hitler aurait voulu débarquer mais ça ne se fait pas comme ça. C’est une offensive aérienne qui est lancé, des nouveaux modes de bombardement qui touchent les populations civiles : il s’agit de faire peur, de se dire que si bombarde à outrance les population civiles elles vont bien un jour se retourner contre les gouvernement. En fait c’est le contraire qui se passe, et c’est une sorte de loi de la guerre si l’on peut dire : la population civile qui est touchée fait corps autour de son gouvernement, quel qu’il soit ou presque. Churchill mène cette résistance de manière courageuse et brillante, et effectivement les troupes anglaises de la Royal Air Force qui étaient habiles à contrer les offensives de l’aviation allemande : la bataille d’Angleterre est un échec pour l’Allemagne. Les bombardements durent quelques semaines plutôt pour le principe car manifestement l’Angleterre tiens bon.
La question de l’océan et la sécurisation des mers se pose. On le disait à l’instant : qu’est ce qu’on fait de la flotte française. On va avoir des épisodes tragiques. Les événements de juillet 1940 vont enfoncer un nouveau coup. Une grande partie de la flotte française s’est repliée dans la bai de Mers el-Kébir. Une flotte anglaise es présente devant la baie, et commence une discussion assez musclée entre l’amiral anglais Somerville et l’amiral français Gensoul. L’ultimatum est très simple, en substance : « ou bien vous nous suivez, ou bien nous sommes navrés mais on vous coule ». Honneur contre honneur, la flotte française en contact avec Vichy a refusé l’ultimatum britannique. C’était un ultimatum très sérieux et devant ce refus les britanniques ouvrent le feu. 1200 morts, beaucoup de bateaux coulés, la flotte française réfugiée n’existe plus. Vichy rompt ses relations diplomatiques avec Londres. Mais ceci n’empêchait pas De Gaulle d’être à Londres et de commencer à monter une structure de résistance parallèle. C’est en particulier le même jour, le 3 juillet 1940, que De Gaulle organise un conseil de défense de la France d’outre mer, qui invitait en quelque sorte l’empire à se ranger de son coté plutôt que derrière vichy. Ils vont essayer de prendre Dakar : échec. Mais l’idée de France libre progresse en Afrique et notamment en Afrique centrale
§II. La guerre en Asie
A. Les difficultés japonaises en Chine
La guerre en Asie commence en 1937 principalement, et nous l’avions dit précédemment (cf. Chapitre 6, Section 2), le Japon rencontre un certain nombre de difficultés en Chine. Brièvement, rappelons l’affaire de Mandchourie avec l’intervention japonaise en septembre 1931. La création de cet Etat faussement dissident du Mandchoukouo en mars 1932. Le retrait du Japon de la SDN en mars 1933 : c’est la solution à cette crise diplomatico-militaire. La guerre elle même commence le 7 juillet 1937, incident du pont de Marco Polo près de pékin. La guerre commence, le rouleau compresseur japonais se répand sur la Chine jusqu’en octobre 1938. Nous avions dit que le contrôle territorial n’est pas de tout repos pour les japonais. C’est un contrôle territorial difficile, il faut subvenir au besoin du pays occupé, et il y a quand même une population nombreuse dans une population où les japonais rencontrent une certaine résistance militaire. Résistance militaire due au Guomindang bien sûr, mais aussi de type très nouveau de la part du Parti Communiste Chinois et de ses troupes, Parti Communiste qui renaît en quelque sorte après une « longue marche », de fuite des communistes jusqu’au moment où ils arrivent à se ressaisir. Il s’allient avec le Guomindang et les japonais commencent a avoir quelques soucis à se faire.
Du point de vue politique, rappelons que le japons avait l’ambition de faire un protectorat sur la Chine et se rendent compte que ce n’est pas possible. Ils battent même en retraite et s’entendent avec le gouvernement fantoche de Wang (cf. supra) pour reconnaître la souveraineté chinoise auprès de ce gouvernement satellite. Mais déjà les japonais se rendent compte qu’il va falloir trouver autre chose, que la Chine ne suffira pas, qu’elle est très compliquée, que l’approvisionnement en matière énergétique doit trouver de nouvelles sources et le Japon regarde vers le sud, c’est-à-dire vers l’Indochine. C’est là le rôle de la France.
B. L’Indochine dans la collaboration
L’Indochine fait partie de cet Asie du sud est toute entière ou presque dominée par les puissances coloniales. Le seul pays d’Asie du sud est qui n’est pas colonisé est le Siam (actuelle Thaïlande) qui justement s’allie avec Tokyo. Au sud, se trouve l’Indonésie. Elle ne compte pas pour rien, c’est un territoire qui renferme beaucoup de pétrole, et ce qui est important, et c’est le lien avec ce qui se passe en Europe, c’est que les Pays-Bas, puissance coloniale en Asie, sont occupée par l’armée hitlérienne, et que la France, puissance coloniale en Indochine, est occupée par l’armée japonaise. Le rapport à l’Asie du sud-est est très différent. Les français sont Indochine depuis le milieu du XVIIIe siècle. En 1863 en Cochinchine, 40 000 français sont sur place, mais en 1940 encore la France est une puissance asiatique du fait de l’Indochine et des concessions qu’elle possède dans un certain nombre de ports chinois. On dit volontiers que la plus grande ville française en Asie est Shanghai. Par ailleurs la France conserve des ports sur le littoral indien. L’Angleterre est plus encore une puissance asiatique.
Dès l’armistice du 22 juin 1940 les japonais commencent de manière symbolique à frapper à la porte de l’Indochine et commencent à faire pression sur le gouvernement général de l’Indochine pour y trouver des facilités militaires. Dans un premier temps, le but du jeu est que Tchang Kaï-chek et le Guomindang se replient dans l’intérieur. Par l’Indochine on a un accès très facile au Sichuan : via le chemin de fer du Yunnan et qui permet de rentrer dans l’intérieur de la Chine. Donc évidemment les troupes japonaises sont très intéressées d’utiliser le Tonkin (nord de l’Indochine) pour prendre à revers les troupes chinoises. On voit donc le jeu des alliances : les japonais alliés de l’Allemagne nazie qui a signé l’armistice avec la France se retournent immédiatement contre le gouvernement général de l’Indochine. L’accord avec vichy se fait en 2 temps : négocié à la fois sur place et par l’ambassadeur japonais à Vichy.
- première étape le 22 septembre 1940. La France autorise le Japon a utiliser des aéroports du Tonkin, il a fallu quand même que le Japon envoie un ultimatum à Vichy pour obtenir cette utilisation vers l’intérieur de la Chine et peut être au-delà. Pendant qu’un accord était signé à Tokyo même le 20 août, la France reconnaît « les intérêts prépondérants du Japon en extrême orient dans les domaines économique aussi bien que politique ». La France reconnaît en gros une certaine suzeraineté du Japon en Asie donc sur l’Indochine, en échange de quoi Tokyo reconnaît la souveraineté française sur l’Indochine. Les japonais n’exigent pas le départ des français, sauf qu’ils se superposent à cette souveraineté française.
- Cet accord qui avait été obtenu à la fin de l’été 1940 sur le Tonkin est étendu en juillet 1941 à toute l’Indochine, en particulier après l’accord Sato-Vichy du 21 juillet 1941 qui cette fois autorise le Japon à utiliser l’ensemble de l’Indochine, c’est-à-dire l’ensemble des ports, aéroports, possibilités de cantonnement, tout en reconnaissant la souveraineté française. C’est ça l’ambiguïté. Que faire ? Est-ce qu’on se bat, on négocie, on s’entend ? Le débat n’est pas long à trouver. Le gouverneur sortant voulait résister, il est remplacé par l’amiral Decoux qui devient gouverneur général de l’Indochine au lendemain même de l’armistice franco-allemand du 22 juin 1940.
Cette Indochine française occupe une position très centrale en Asie du sud-est, les aéroports d’Indochine ont des parkings pour avion japonais : l’Indochine apparaît comme un grand porte-avion japonais pour l’Asie. Avec l’Indonésie plus au sud les japonais s’intéressent au pétrole. On est en guerre, on a besoin de tout ça. Et c’est Royal Dutch Shell, compagnie hollandaise. En 1941 les japonais se rendent en Indonésie (indes néerlandaises), mais comme la France et les Pays-Bas sont occupés par l’armée allemande, que peuvent faire vraiment les hollandais en Indonésie ? Pas grand-chose. Néanmoins les japonais restent prudent et se contentent d’une présence politique. Ils sont en train de beaucoup hésiter sur ce qu’ils doivent faire
C. Hésitation et décisions japonaises.
Quels sont les termes du débat en Asie ? Cela rapproche de ce qui se passe en Europe bien sûr. Dont le Japon par le pacifique est en contact avec le pacifique bien sur. Ils ne sont pas sans constater leur vulnérabilité à l’égard des Etats-Unis qui les approvisionnements traditionnellement en pétrole, et en particulier après la réélection de Roosevelt en novembre 1940 nul n’ignore que l’hypothèse d’un embargo pétrolier contre le Japon constitue une option de plus en plus crédible aux Etats-Unis. Parallèlement, les Etats-Unis et les anglais se rapprochent stratégiquement, en particulier avec la rencontre Churchill-Roosevelt d’août 1941 qui va produire un texte important, célèbre, fondamental : la Charte de l’atlantique. Or un rapprochement entre anglais et américains est quelque chose que les japonais regardent d’un œil attentif. Les anglais sont une grande puissance, et on ne peut pas faire grand-chose sans eux, donc une alliance Etats-Unis/Royaume-Uni est de nature à inquiéter fortement Tokyo, d’autant que les anglais commencent à ouvrir une route en Birmanie pour aller vers la capitale de Tchang Kaï-chek, d’autant que des conférences d’états-majors se réunissent régulièrement. Donc les japonais sont devant cette alternative.
Les accords d’ailleurs fonctionnent un peu comme un pendule, les japonais n’ont pas beaucoup apprécié le pacte germano-soviétique de 1939, mais ils font pareil en 1941 le 13 avril ce que les allemands ne vont pas apprécier : pacte de non agression entre Japon et URSS pour 5 ans. Hitler est d’autant plus fâché que lui sait (mais autres ne le savent pas) qu’il prépare une offensive militaire contre l’URSS, alors que par parenthèse ce pacte de non agression restera valable jusqu’en 1945. ce pacte a été signé par le ministre japonais des affaires étrangères, Matsuoka, qui fait un voyage au printemps 1941 à Moscou, à Berlin, bref sur le théâtre d’Europe.
La pression des alliés économiques et diplomatique contre le Japon se fait de plus en plus forte, et de plus en plus de marchandises et de matières stratégiques sont placées sous embargo vers le Japon. Matière britannique puis pétrole. La voix diplomatique ne suffisait pas pour contenir cette pression anglo-américaine, et le choix va être fait à Tokyo de laisser venir voir l’homme qui symbolise l’option de se battre contre les Etats-Unis, il s’appelle le général Tōjō, c’est lui qui va devenir le premier ministre japonais en 1941 et c’est lui qui engager la guerre du côté américain et qui va transformer l’ensemble de cette situation.
§III. Correspondances et relations
A. Deux ambitions régionales
Deux ambitions régionales qui se déploient dans des chronologies proches (fin des années 30), mais il n’y a pas d’équivalence absolue. Bien sur la proximité de la grande crise de 29 joue son rôle. Les ressorts de chacune des deux ambitions régionales ne sont pas tout à fait les mêmes mais elles ont tout de même des points communs.
Quels sont les ressorts de l’offensive allemande ? Pour l’Allemagne, c’est le temps de la revanche, c’est là ce qui solidarise une majorité d’allemand derrière Hitler. Le diktat de Versailles est lavé et les conditions de l’armistice sont là pour le prouver. Ressort de l’offensive allemande, l’ultranationalisme et l’idée de conquérir voir de reconquérir un espace vital. L’idée que les allemands sont une race supérieure évidemment joue un rôle important, c’est l’héritage du courant grand allemand du XIXe siècle. Troisième élément : l’anticommunisme qui se confond dans le mépris haineux à l’égard des slaves que l’on peut rencontrer dans le nationalisme allemand à cette époque.
Quels sont les ressorts de l’offensive japonaise ? Des éléments assez proches finalement, cette conviction que les japonais eux-mêmes rapportent est que le Japon aussi est une nation supérieure, mais encore une fois dans le nationalisme c’est presque banal de dire ça, mais de temps en temps ça prend des formes outrancières, c’est le moins que l’on puisse dire. Cette idée que le japon est une nation supérieure va avec le fait que cette nation fait corps derrière l’empereur contre la Chine, et dans une idée que le Japon finalement, parce que sans doute il a réussi sur le plan économique, a presque non seulement un droit sur la Chine mais presque sur toute l’Asie, il doit lui montrer le chemin et pourquoi pas au monde. La question chinoise motive le nationalisme japonais, l’idée que le Japon a des droits sur la Chine et même au-delà.
B. Un mode opératoire comparable
Ce mode opératoire comparable c’est d’abord la politique des coups de force. On connaît ça depuis l’origine de l’humanité bien sûr, mais petit à petit la vie internationale avait réussi à se donner un droit international et un droit de la guerre, et donc il y a une sorte de régression par rapport à ces régulations, à cette organisation de la vie internationale qui n’excluait pas la guerre mais qui la codifiait. Ces coups de force du côté japonais ce sont bien sur les attaques contre la Chine en 1894/95, facilités par la supériorité navale écrasante du Japon. C’est l’attaque contre la Russie en 1904/5. De manière tout a fait intéressante, le Japon ne déclare pas la guerre à la Russie : le Japon lance par surprise une opération armée contre le port russe en Mandchourie du sud : port Arthur. La guerre commence comme ça. Coup de force japonais déguisé plus moins en Mandchourie. Coup de force non déguisé mais sans plus de déclaration lorsque commence l’invasion de la Chine par le Japon.
L’Allemagne d’Hitler fonctionne par coups de force successifs plus ou moins déguisés. Si on s’en tient aux années 1930, on rappelle la loi militaire de 1935 (rétablissement du service militaire, toujours par surprise, alors que le traité de Versailles l’interdisait), la remilitarisation de la Rhénanie en 1936, l’annexion des sudètes en 1938 ainsi que la même annexée L’anschluss avec l’Autriche, et puis le coup de force sur Dantzig en 1939.
Dans ces entrées en guerre il n’y a plus de déclaration de guerres. Ça veut dire usage de la force brute en quelque sorte. C’est le cas pour le Japon en Chine et pour l’Allemagne en Pologne puis en Russie, et idem pour le Japon face aux Etats-Unis à Pearl Harbour.
Enfin, conquête du coté allemand de la Pologne puis de la France, etc. Conquête du coté japonais de la Chine même si cette conquête est inachevée. Enfin, notons le soucis de s’entendre avec des forces politiques collaboratrices, des gouvernement satellites. C’est un déguisement et pas un déguisement à la fois : une façon d’amener les forces politique à s’entendre, avec et le Japon et l’Allemagne.
C. Des liens à plusieurs niveaux
Ce sont des correspondances ou des similitudes dans l’ambition et dans le mode opératoire. Ce sont aussi des liens très formalisés. Essentiellement trois :
- tout d’abord le pacte anti-Kominterm, donc qui unie plusieurs pays contre l’ennemi supposé qui est l’URSS, mais c’est pas contre l’URSS proprement dit mais bien contre le Kominterm. Ce pacte anti-Kominterm est un lien idéologique fort entre l’Allemagne, l’Italie, le Japon, est signé du coté japonais le 25 novembre 1936. Le pacte germano-soviétique de 1939 et le pacte de non agression de Tokyo/Moscou de 1941, ça peut fonctionner, mais on est dans le contexte d’un pacte anti-Kominterm. Ambiguïté notamment sur la question des frontières
- elle passe par la France. C’est l’effet de l’armistice en France. C’est un lien conjoncturel dans une certaine mesure : l’armistice est imposé à la France mais il y a une forte correspondance entre Hitler et Tojo, et entre la France et l’Indochine, et c’est un peu le même problème qui se pose ; la France est à la fois puissance européenne et veut le rester mais aussi puissance asiatique et entendrait bien le rester. (ça se reposera pendant la guerre d’Indochine). L’effet de l’armistice est quasi-immédiat. La défaite en France entraîne la défaite (déguisée) en Indochine, par le fait que le Japon reconnaît la souveraineté française, mais défaite tout de même. Les accords Darvant-Sato ont bien montré ce lien par la France entre les deux théâtres.
- enfin un accord précis d’assistance mutuel entre les trois pays : c’est le pacte tripartite d’assistance mutuel, pacte stratégique au sens propre du terme, qui rassemble l’Allemagne, l’Italie, et le Japon, et ce pacte tripartite d’assistance mutuel est signé le 27 septembre 1940, peu après l’armistice française donc, dans la capitale allemande Berlin. Date importante.
Conclusion
On a bien deux lieux bien distincts dans un même contexte international. Avec des ressorts politiques, économiques, sociaux, nationaux qui se ressemblent et que la guerre est doublement endogène. Encore une fois, ce n’est pas la Seconde Guerre Mondiale qui devient mondiale parce que les européens ont des empires et que les Etats-Unis s’en mêlent. Des deux cotés ça se rejoint à la faveur de deux événements.
Au printemps 1941, c’est le déclenchement de l’opération Barbarossa, c’est-à-dire l’attaque surprise de l’URSS par les forces allemandes, et à la fin de 1941, le 7 décembre, l’attaque surprise (comme à Port Arthur en 1905) de la grande base navale américaine d’Honolulu à Pearl Harbour et la destruction de la flotte américaine du pacifique.
Fin 1941 les deux fronts sont reliés, à la fois par l’entrée en guerre de l’URSS malgré elle et par l’entrée en guerre des Etats-Unis malgré eux, mais par fusion des deux théâtres.
Section 2. La mondialisation de la guerre
1941-1945
Une mondialisation, globalisation (anglicisme), est une des réalités du monde actuel mais c’est une vieille histoire qui n’est pas seulement économique. Prend la forme d’une mondialisation stratégique, militaire. La Seconde Guerre Mondiale = moment essentiel de cette évolution.
Etudier cette période est étudier beaucoup de choses en même temps, implique de jongler avec les chronologies. Ordre logique donc aussi.
Deux axes progresses parallèlement : la guerre proprement dite, mais aussi la diplomatie. La guerre et la paix avancent ensemble. Pendant la guerre, on discute, non pas nécessairement avec l’autre mais au moins avec ses alliés et on envisage l’après-guerre avant même qu’elle se termine.
§I. Deux « théâtres », une seule guerre
A. L’année du basculement
Jusqu’en 1941 en effet, deux guerres, deux chronologies un peu distinctes mais parallèles se développent. L’une en Europe à partir de l’Allemagne essentiellement, l’autre en Asie a partir du Japon. 1941 est l’année où ces deux conflits se rejoignent, où les deux théâtres tout en restant distincts forment une seule guerre. C’est bien sur par l’entrée en guerre et des Etats-Unis et de l’URSS que les choses sont passées. Avant de parler de l’entrée en guerre de l’URSS puis des Etats-Unis, précisons que les Etats-Unis tout en restant neutre (qu’ils affichaient pendant cette période, et la population américaine était dans ce sens), les Etats-Unis étaient engagés économiquement (non militairement) et la tendance s’est affirmée au fil des mois : la sortie du nouvel isolationnisme américain. Sous quel forme ? Prêt de matériel au Royaume-Uni (début 1941), institution d’un service militaire, et après la réélection de Roosevelt le 5 novembre 1940 les décisions peuvent être prises plus facilement. L’un des éléments phares de cette tendance à la sortie de l’isolationnisme, de cette tendance à s’engager dans la guerre, était la loi « prêt-bail », votée par le congrès le 11 mars 1941, loi qui permet effectivement aux Etats-Unis de fournir dans des conditions de montage financier tout à fait exceptionnel du matériel de guerre et autre. La formule américaine alors est affichée de la manière suivante : « nous devons être le grand arsenal des démocraties ». Les Etats-Unis choisissent leur camp certes mais ne s’engagent pas tout de suite en guerre. Deux entrées en guerre successive donc qui vont mondialiser le confit.
Côté russe. Tout d’abord c’est l’attaque sur l’URSS au printemps 1941. en principe un accord de non agression, le pacte germano-soviétique d’août 1939, qui n’a donc même pas 2 ans, qui va être violé le 26 juin 1941 par l’opération Barbarossa. Pourquoi l’URSS et pourquoi cette date ? Parce qu’il y a eu échec contre l’Angleterre. La bataille d’Angleterre, aérienne, face à laquelle les britanniques et Churchill ont fait face avec compétence, dignité, etc., a été perdue de fait par Hitler et donc il recherche d’autres directions. Il se retourne donc contre l’URSS. Pourquoi cette date ? C’était une décision importante, lui même déclarant que c’était la décision la plus importante de sa vie. Pourquoi le 22 juin ? Ça correspond au premier anniversaire de l’armistice franco-allemand. Est-ce voulu ? On l’ignore, mais on attaque l’URSS au printemps, quand les conditions climatiques le permettent. On n’attaque pas l’URSS en hiver. Le « général hiver » est plus fort que tout le monde et que toutes les armées. Des signes multiples avaient plus ou moins annoncés cette entrée en guerre et les services secrets américains et anglais s’y attendaient, tout comme les services secrets russes.
Côté américain. A partir de juin 1941, l’URSS est dans la guerre, et la guerre profite assez rapidement. Succès militaires apparent pour l’Allemagne, échec politique. Mais c’est l’attaque sur Pearl Harbour qui déclenche la guerre dans cette partie du monde. Le port des perles est la base militaire dans les îles Hawaii à Honolulu, base de la flotte du pacifique : lieu important, puissant à tout niveau, et les japonais ont beaucoup hésités sur la stratégie à suivre : attaquer ou non les Etats-Unis dans une période où l’on est dans un blocus sur certains produits en particulier pétrolier. Les partisans de la guerre l’emportent à Tokyo et le général Tojo, qui en était le leader devient premier ministre le 15 octobre 1941 : tournant politique. Accessoirement il est aussi ministre de la guerre. Les choses se passent comme avec un semblant de politesse en ce sens que le Japon fait des propositions de négociations aux Etats-Unis, propositions non prises en compte et au sérieux par les américains. Le 26 novembre 1941, une flotte japonaise quitte les îles Kouriles en direction de Hawaii, très secrètement. A l’époque il n’y a pas cette horde de satellites et les infos de ce type ne sont pas connues. Le 7 décembre, presque 2 semaines plus tard, la flotte est sur zone et par surprise des porte-avions décollent des aéronefs qui vont bombarder par surprise et couler des bateaux américains. Le lendemain, c’est-à-dire le 8 décembre (et pour montrer à quel point l’ensemble était coordonnée), les troupes japonaises entrent en Malaisie (au sud de la Chine en Asie du sud-est), avaient traversés le Siam (pays allié) et comptent aller plus loin.
Juin 1941 et décembre 1941 marquent le passage à la guerre mondiale avec quand même quelques déclarations de guerre. Dans tous les cas la surprise était un élément de la victoire. Le Japon déclare la guerre aux Etats-Unis, Royaume-Uni, Pays Bas, les Etats-Unis déclare la guerre à l’Allemagne, Italie, Japon. L’Allemagne elle-même le 11 décembre déclare la guerre aux Etats-Unis.
B. L’Axe dominant
L’axe Rome-Tokyo-Berlin domine sur les deux terrains dans un premier temps, et on a un peu le sentiment d’être dans un monde un peu simplifié, avec d’un coté des espaces dominés par l’Allemagne et le Japon (de grands espaces) à l’intérieur desquels les Etats anciens (normaux si l’on peut dire) s’estompent, et quelques parties de la planète qui y échappent : continent américain, une bonne partie de l’Afrique, l’Océanie. Les deux agresseurs vont vite. L’extension allemande se fait certes vers l’est mais aussi vers le sud, vers le sud d’ailleurs avant l’entrée en guerre contre l’URSS et cela avait alerté les observateurs. Les forces allemandes entrent dans les Balkans (Bulgarie, Roumanie alliés), la Yougoslavie n’était pas alliée et capitule le 25 avril 1941. Quelques jours après la Grèce est occupée, jusqu’à l’île de Crète en méditerranée au mois de mai.
Donc en URSS c’est une offensive éclair, mais en même temps une longue guerre d’usure qui commence en juin 1941. Les forces allemandes paraissent un peu hésiter sur la direction à prendre. Dans ce genre de cas, deux solutions : soit on prend la capitale, soit on va vers des régions dont on a besoin des ressources. Les allemands font un peu des deux : ils vont vers Moscou mais s’arrêtent à proximité ; ils vont plutôt vers l’Ukraine, c’est-à-dire vers le sud de l’URSS, qui évidemment renferme les principales richesses de charbon et d’hydrocarbure de l’époque en URSS, essentielles pour faire la guerre. L’armée allemande ne délaye pas le reste et en particulier file sur Leningrad l’ancienne capitale sur les bords de la mer baltique, et entreprend le siège le 3 septembre. C’est le seul port soviétique qui donne sur l’ouest. Le siège dure au moins 3 ans, épisode tragique de la Seconde Guerre Mondiale, car les habitants de Leningrad n’ont plus à rien à manger ni même de quoi se chauffer. Période qui laisse une empreinte profonde dans la mémoire russe. Toute l’Europe en tout cas est bientôt dominée par l’Allemagne, toute sauf bien sûr le Royaume-Uni seul qui fait face. Le bastion britannique, et quelques pays neutres tout de même, qui sont l’Irlande (l’Eire), et puis trois pays neutres qui sont le Portugal, la Suisse et en Europe du Nord la Suède.
En Asie, l’expansion japonaise, passée Pearl Harbour, se fait vers le sud, puisque la Chine n’est pas simplement occupée : il faut aller plus loin, vers les ressources. Le Japon domine 8 millions de km² qui lui donnent accès à des ressources absolument considérables et dont on a fort besoin à l’époque. Par exemple le caoutchouc naturel, produit à partir de l’hévéa. 93% de ce caoutchouc est en Asie du sud. Le Japon met la main sur ces ressources. Une bonne partie de l’étain mondial, qui sert à un certain nombre d’opération de soudures sans lesquelles le reste de la métallurgie ne fonctionne pas bien. Le pétrole : beaucoup pétrole dans les indes néerlandaises.
Qui reste une puissance maîtresse en Asie du sud-est ? A nouveau l’Angleterre mais pas pour longtemps. Des cuirassés anglais sont coulés au large de la Malaisie dès le 8 décembre 1941. Et date importante, le grand port britannique de Singapour, verrou du pacifique, est investi le 15 décembre par les forces japonaises. Les britanniques attendaient les japonais par la mer, et sont arrivés à vélo par la terre. Les anglais apprécient mal l’avancé des japonais. Les japonais débarquent également aux philippines où les américains résistent. MacArthur en est le gouverneur à l’époque, mais en mai 1941 les forces américaines se rendent. C’est le célèbre « je reviendrai » de MacArthur. Début 1942, presque finalement, c’est-à-dire entre janvier et mars, l’île de Bornéo et des indes néerlandaises sont investies par les japonais.
C. L’ « ordre nouveau »
C’est cet ordre nouveau (expression de l’époque) qui s’installe, s’abat, sur à la fois l’Europe et à la fois l’Asie. Les deux théâtres étaient liés par ce pacte tripartite du 27 septembre 1940, associant Rome-Berlin-Tokyo. De quel ordre nouveau s’agit il ? Doit-on parler au singulier ou au pluriel ? Y a-t-il un ordre nouveau qui concerne l’Europe, ou des nuances entre les deux ?
Ce qui est commun est l’aspect économique de l’ordre nouveau : c’est celui de pillage. L’Europe est mise au pillage organisé par le régime allemand, l’Asie orientale et du sud-est idem par les japonais. Marchandises et travailleurs convergent vers l’Allemagne (la relève en 1942, puis le STO). En Asie des contingents des « riz » remontent vers le Japon. Appropriation du pétrole indonésien. La grande île de Sumatra est une grande composante de Sumatra et est détachée de l’Indonésie. Sur le plan idéologique, c’est le nationalisme voire l’ultranationalisme qui dans les deux cas apparaît la valeur partagée et dominante, avec l’idée de races, donc d’inégalité entre les hommes, l’idée de nations et de civilisations supérieures. Mais il y a bien sûr des nuances entre les deux qu’il faut préciser : le monde n’est pas tout à fait aussi simple.
Le nouvel ordre en Europe est sensé faire la place belle à l’espace vital nécessaire à l’Allemagne et l’Italie, et les pays occupés ou contrôlés ne le sont jamais avec le même statut : pays occupés, pays collaborateurs, pays alliés. Il y a tout une gamme de statuts de pays qui d’une manière ou d’une autre restent dominés. La collaboration est le mot d’ordre car il faut mobiliser les forces politiques y compris des pays occupés, mais la soumission est totale et l’anticommunisme une règle. Quand Laval va défendre l’idée de relève, il va justifier l’idée qu’il souhaite la victoire de l’Allemagne (discours prononcé quand les premiers trains emmènent les premiers travailleurs en Allemagne). Il ajoute que « sans elle, ce serait la victoire du communisme ». C’est donc l’anticommunisme qui est le ressort de l’Europe.
En Asie d’une certaine manière c’est un peu pareil puisque les pays soumis/alliés ont des statuts divers : pays alliés, occupés, associés, etc. le ressort ici n’est pas l’anticommunisme viscéral mais plutôt le ressort anti-blanc : « l’Asie aux asiatiques ». C’est le droit au Japon de prendre en main la destiné de l’Asie. Aucun ne se sent asiatique au sens que nous donnons à ce terme mais les japonais surfent sur ce terme, c’est-à-dire la nécessité de chasser les puissances occidentales de cette partie du monde. En Indonésie, les certains mouvements nationalistes s’appuient sur le Japon pour mettre en place un mouvement de décolonisation. Mise en place d’une structure plus organisée, en Asie qu’en Europe d’ailleurs. Création de la Sphère de coprospérité de la grande Asie orientale. Un ministère est créé à cette fin en novembre 1942 à Tokyo, et une conférence se réunit en mai 1943 qui va poser les fondements de cette Sphère de coprospérité de la grande Asie orientale, qui montre aussi le souci des japonais d’associer un certain nombre de forces politique nationales à l’entreprise. Il y a des chinois et ce gouvernement fantoches (cf. supra), des philippins, des birmans, des thaïlandais. Effectivement il y a l’ébauche d’une grande Asie qui se met en place. Le Japon semble en mesure d’établir son protectorat sur l’ensemble de l’Asie orientale par ce biais.
Ce qui est intéressant c’est que cette guerre est à peine commencée les conditions sont mises en place pour qu’elle se termine par l’autre camp.
§II. Les conditions internationales de la fin du conflit
A. Le rapprochement américano-soviétique
Le plus spectaculaire de cette préparation de fin de conflit, c’est le rapprochement américano-soviétique, dès 1941/1942, surtout 1943. Ce rapprochement se met en place alors que l’URSS est déjà attaquée par Hitler. Nous sommes déjà dans une nouvelle situation de guerre, quand les Etats-Unis et l’URSS se concertent pour tracer des perspectives d’avenir. Cette concertation porte le nom de « charte de l’atlantique », qui est signée le 12 août 1941, signée par Roosevelt et Churchill. Ils signent sur des bateaux, sur le cuirassé Britannique Prince of Wales. Ce qui est extraordinaire c’est que dans cette charte, alors que les anglais ont déjà subit l’offensive allemande, que l’URSS est enfoncée par les forces allemandes, cette charte ne parle pratiquement pas de guerre mais affirme un certain nombre de principes et en particulier des principes de liberté, et ce projet déjà après la victoire est pour affirmé le principe sacré de la démocratie.
La guerre n’est pas encore complètement mondiale que la sortie de guerre est prête en quelque sorte. Cela dit l’URSS n’est pas signataire de la charte de l’atlantique, et précisément, c’est avant de se porter à l’aide de l’URSS que les anglais et américains croient utiles d’affirmer ces principes. En effet un grand pays libéral ne s’allie pas si facilement au seul grand pays communiste de l’époque. Le ton est d’ailleurs donné avec une extension de la loi prêt bail à l’URSS accordée par le sénat. Très concrètement cela veut dire que ce grand arsenal des démocraties que veut être les Etats-Unis fournit aussi l’URSS pour faire face à cette guerre d’usure qu’entraîne l’Allemagne. On s’échange des visites de personnalités importantes. On procède par échange de lettres entre Roosevelt et Staline. On se concerte avec les résistances nationales (De Gaulle par exemple), mais par exemple aucune sympathie entre De Gaulle et Roosevelt. Il y a de gros problèmes de coordination, mais et c’est ça qui est frappant une certitude de la victoire, qui est déjà dans l’appel du 18 juin de 1940.
L’un aidant l’autre, on assiste à un retournement du rapport des forces, précisément entre 1942 et 1943.
B. Le retournement du rapport des forces
Ce retournement n’est pas nécessairement lié à cette alliance qui vient de se nouer, mais elle va lui offrir du contenu et des possibilités. Ce retournement du rapport des forces, c’est un certain nombre de victoires stratégiques qui ont lieu au même moment dans différents endroits de la planète mais qui sont autant de défaites pour les forces de l’axe.
- Novembre 1942, les anglais infligent une défaite militaire à l’Afrika Korps de Rommel : 4 novembre 1942, victoire de El Alamein entre Libye et Egypte.
- Les forces américaines ont entrepris la reconquête du pacifique, et reconstituent les flottes perdues à Pearl Harbour. Ils font le choix d’une reconquête navale, ils parient en quelque sorte par petits sauts de puce pour reconquérir l’ensemble du théâtre, et ce sont des batailles aéronavales à chaque fois qui se jouent. La principale victoire est celle de Guadalcanal du 4 février 1943.
- Troisième lieu où les forces de l’axe se trouvent stoppées : Stalingrad. C’est dans le sud de l’URSS. Le siège de Stalingrad est une des opérations les plus coûteuses/longues/ruineuse du conflit, entre novembre 1942 et mars 1943. 500 000 soldats sont mis hors de combat. Finalement l’avantage reste à l’URSS.
En Afrique du nord, c’est le débarquement anglo-américain : opération Torch du 8 novembre 1942. Cette opération Torch permettait de prendre en tenaille les forces allemandes de Rommel qui à l’est étaient repoussés par les forces anglais et qui à l’ouest se trouvent repoussées aussi par les forces anglo-américaines, sous le commandement du général Eisenhower. La principale conséquence de ce débarquement en Afrique du nord n’est pas petite coté français : c’est bien sur le basculement de l’Afrique du nord, donc d e toute l’Afrique, du camp de vichy à celui de la France libre ; mais en même temps, les allemands ne souhaitant pas la France dite libre ouverte à d’éventuelles actions et n’ayant aucune confiance dans les français ont préféré envahir la zone sud fin 1942 pour contrôler tout le territoire. La flotte française à Toulon se saborde pour éviter de passer sous commandement allemand.
De Gaulle est à Londres, dont le gouvernement en exil est reconnu par Churchill. De Gaulle n’était pas au courant de ce débarquement anglo-américain en Afrique du nord. Il est prévenu le jour même ou la veille. D’ailleurs De Gaulle ne pourra se rendre à Alger qu’en mai 1943 à la demande expresse de la résistance de l’intérieur, Jean Moulin en particulier, qui annonce reconnaître De Gaulle à la tête de la France libre (compétition entre des généraux et leurs parrains américains et anglais). Une conférence en janvier 1943 à Casablanca ne permettra pas de les départager.
Ce retournement du rapport des forces qui passe assez largement par l’Afrique du nord passe aussi par l’effondrement de l’Italie. Conquête progressive du retournement du continent. Des forces américaines, anglaises, françaises, traversent la méditerranée et remontent progressivement l’Italie, ce qui conduit à la démission de Mussolini, remit au pouvoir par les allemands, destitués par la résistance, puis assassiné, etc. Du côté des alliés (anglais, américains, russes, français), le mot d’ordre est évidemment au durcissement militaire. Comment Hitler lui même peut il sentir les choses ? Il butte en effet sur une résistance forte. Il va travailler à briser l’alliance entre Etats-Unis et URSS. C’est à vrai dire sa seule chance, et il ne la trouvera pas. Briser l’alliance veut dire là aussi de l’intox, des faux renseignements, des jeux de services secrets, toute sorte d’informations qui minent l’adversaire, etc. Ca ne marche pas jusqu’au bout.
C’est cette grande alliance impensable en fait au point de départ mais finalement victorieuse qu’il nous faut décrire
C. La « grande alliance »
Cette grande alliance se noue essentiellement en 1943, et se fonde assez largement sur les victoires stratégiques évoquées plus haut. Chacun y met du sien. Les ambassadeurs américains et soviétiques à Washington et à Moscou ne sont pas choisis par hasard. Les américains envoient Harriman, qui a un capital de sympathie vers l’URSS. Les soviétiques envoient Gromyko, longtemps ministre des Affaires étrangères en Russie (de 1957 à 1985). Staline y ajoute cette mesure symbolique qui est la dissolution du Kominterm. Il est en gros sacrifié sur l’autel de la grande alliance. Il est dissout le 15 mars 1943. Nous sommes en plein dans la négociation en quelque sorte. Les représentants des trois grands alliés se rencontrent à plusieurs reprises en 1943, et au-delà en 1944, pour mettre en scène en quelque sorte la fin de la guerre.
- Première conférence dès le 19 octobre 1943 entre les 3 ministres des affaires étrangères à Moscou. Le problème à l’ordre du jour dans cette conférence est l’ouverture du second front à l’ouest. Les soviétiques maintiennent une forte pression militaire à l’est, et évidemment l’ouverture d’un second front à l’ouest apparaît tout à fait important. On se concerte aussi dans le plus grand secret. Il faut rappeler que ce débarquement de 1944 sera une surprise pour Hitler, compte tenu de l’armada mise en place, c’est toute une préparation.
- Deuxième conférence au Caire en novembre 1943. On retrouve Churchill, Roosevelt, et le chinois Tchang Kaï-chek. Staline n’est pas là. Conférence un peu intermédiaire. On y défini les buts de guerre en Asie, buts de guerre trouvés : punir l’agressivité du Japon.
- Ces remportent successives emmènent au sommet de Téhéran. Le sommet se tient entre le 28 novembre et le 1er décembre, où selon Churchill se trouvait réunit « la plus grande concentration de pouvoir que le monde ait connu » (Churchill), pour discuter du débarquement de Normandie, de comment on allait réorganiser l’Allemagne après la victoire, etc. La victoire était sure. On discutait de la future organisation internationale du monde : ce sera l’ONU. Atmosphère nouvelle au moment de cette conférence.
On ajoute des conférences préparatoires à la création de l’ONU, qui se tiendront en septembre/octobre 1944. Conférences entre anglo-saxons et soviétiques, entre anglo-saxons et chinois (c’est-à-dire les deux fronts) et on s’accorde pour une ONU à quatre puissances invitantes qui sont « les grandes nations qui ont versés leur sang pour le reste du monde ». Ce sont les Etats-Unis, le Royaume-Uni, c’est l’URSS, et c’est la Chine. Pour l’instant il n’y a pas de France. Elle n’est pas invitée même si le débarquement a eu lieu, que De Gaulle est à Paris et qu’il y a un gouvernement provisoire à Paris. Ce dernier n’est pas vraiment reconnu par les autres encore. Tout le mécanisme de l’ONU est en place avant que la guerre soit terminée : conseil de sécurité, assemblée générale, secrétariat général, cour internationale de justice, etc. La France est finalement acceptée mais pas comme puissance invitante (nuance à laquelle les autres tenaient).
§III. L’organisation de la sortie de guerre
Dans l’ordre chronologique, il y a le front européen, puis la mise en place de la nouvelle organisation internationale, puis enfin le front pacifique.
A. L’étau contre l’Allemagne
Le front est ouvert par le débarquement de Normandie le 6 juin 1944. Double débarquement en réalité : le 6 juin les forces anglo-américaines et une poignée de français conduits par Eisenhower débarquent, débarquent par surprise, auquel s’ajoute le débarquement de Provence le 15 août. Deux façades maritimes sur trois en France sont donc concernées. L’ouverture de ce second front crée la situation nouvelle que tout le monde espère. Du côté oriental dans l’hiver 1943/4 l’URSS lance une très vaste offensive contre l’espace tenu par l’armée allemande.
Sur la légitimité français dans cette affaire, au cœur des relations franco-américaines à cette époque. De Gaulle a eu une certaine difficulté à se faire reconnaître de l’autre coté de l’atlantique. De Gaulle avait une obsession militaire : il fallait que la France participe militairement à la victoire de manière à garantir sa position politique au lendemain du conflit. Il fallait des unités militaires constituées sous commandement français qui participent à l’offensive contre l’Allemagne sous peine de voir la France ne plus exister politique. Les américains avaient d’ailleurs un plan d’administration en France après la victoire. De Gaulle s’appuie sur une structure montée à Alger le 3 juin 1944 : le GPRF. Il dispose de cet instrument politique pour pouvoir le déplacer en France quand ce serait nécessaire. Et ce GPRF se porteraient en concurrence, sinon en opposition, contre le gouvernement militaire allié que les anglo-américains préparaient pour la France. De Gaulle et Leclerc débarquent en Normandie, américains et anglais les laissent entrer dans Paris. Mais on est dans l’alliance, mais il a fallu aux français de s’imposer pour reprendre le pouvoir politique en France. Le 31 août 1944 le GPRF s’installe à Paris, favorisé à la fois par un sursaut de la résistance parisienne d’une part et l’entrée des colonnes de Leclerc par le Sud. Ce gouvernement français de facto imposé en quelque sorte par De Gaulle et la résistance va être reconnu par l’Angleterre le 13 septembre, par les Etats-Unis un mois plus tard le 23 octobre 1944. De Gaulle est allé à Moscou se faire reconnaître par Staline en décembre 1944. Un traité défensif est même signé entre Molotov (signataire du pacte germano soviétique !) et Bidault, qui succède à Jean Moulin à la tête du CNR. La force de De Gaulle a été d’imposer le retour de la France dans le concert européen et de jouer un rôle politique actif en Europe au coté de l’Angleterre.
En Europe orientale enfin, une certaine entente mais des rivalités aussi opposaient les alliés. La Pologne en particulier a été libérée dans des conditions assez douteuses. Il y avait 2 gouvernements polonais en exil, un à Londres et un à Moscou. Dès le 31 août 1944 les forces soviétiques sont aux portes de Varsovie. Le soulèvement polonais n’est pas soutenu par les soviétiques par exemple.
L’entente c’est aussi l’accord des pourcentages. Churchill se rend à Londres en octobre 1944 et discute avec Staline sur une carte de l’Europe de manière à savoir comment répartir l’influence. Mais Churchill prend un bout de papier, et écrit des noms de pays et des pourcentages en face.
B. De Yalta à San Francisco
La guerre n’est pas finie qu’on discute de comment on va faire quand elle sera finie : c’est Yalta. Le lieu est en Crimée, en URSS, lieu de villégiature sur la mère noire. Elle se tient entre le 4 et le 11 février 1945, alors que la guerre n’est pas finie. L’Allemagne d’Hitler et la Wehrmacht, tout l’appareil policier du nazisme est toujours en Allemagne. De Gaulle n’est pas à Yalta, n’étant pas invité. On retrouve les mêmes qu’à Téhéran donc : Roosevelt (mal en point), Staline et Churchill. On a dit que Yalta est le partage du monde, ce n’est pas vrai : ce n’est qu’une mise en scène géopolitique de la fin de guerre, laquelle sera figée par la guerre froide : c’est ça qui donne à ces résolutions de Yalta une intention de partage du monde. Le but de l’opération était de mettre en scène la fin de la guerre. On parle de l’ONU, de découper les zones d’occupation en Allemagne. Grâce à l’alliance britannique on accorde une zone d’occupation à la France. On déplacé les frontières polonaises (présente dans tous les grands traités du siècle d’ailleurs. On décide de lui donner un gouvernement démocratique. Il y a une déclaration sur l’Europe libérée. Enfin on arrête le principe d’une intervention soviétique contre le Japon.
La capitulation allemande se fait 3 mois plus tard, le 8 mai 1945. Un des problèmes de la mise en scène est la jonction des troupes entre l’armée de l’est. Le 26 avril 1945 à 16h la jonction se fait à Torgau. On laisse à l’armée rouge le soin de rentrer dans Verdun, ce qu’elle fait début mai 1945, conduisant notamment au suicider d’Hitler au fond de son bunker. Les cérémonies de capitulation allemande se font sur le front occidental le 7 mai à Reims où des officiers allemands signent la capitulation devant des officiers américains, anglais et français, mais la principale se tient à Berlin le 8 mai.
Sur l’ONU. Se tient la conférence de San Francisco, alors que le Japon est encore en guerre. C’est la conférence fondatrice de l’ONU, et elle dure deux mois entre le 25 avril et le 25 juin 1945, parallèlement à la capitulation allemande. La France comme on l’a dit n’est pas puissance invitante à cette conférence comme le sont américains, anglais, soviétiques et chinois, mais la France est dans le dispositif du conseil de sécurité en particulier. La charte des nations unies est signée le 26 juin 1945.
C. L’écrasement du Japon
Conférence de Potsdam entre le 17 juillet et le 2 août 1945. La conférence se réunit à un moment qui a bien sûr sa particularité : l’Allemagne a capitulé, le rapport des forces entre les deux grands a changé, pour le simple fait que les Etats-Unis disposent de l’arme nucléaire. Ils ne s’en sont pas encore servis mais se sont les seuls du trio à l’avoir. Accessoirement ce sont des nouveaux dirigeants qui participent à cette conférence. En effet le 12 avril, Roosevelt est mort et est remplacé par Truman, que les sondages donnaient perdant mais qui a gagné haut la main. L’Angleterre est représentée par Attlee qui bat Churchill aux législatives de juillet 1945.
A Potsdam, on discute de la mise en place d’un procès pour dénazifier l’Allemagne (ce sera Nuremberg bien sûr) et on organise la défaite japonaise. L’URSS entre en guerre à son tour contre Tokyo le 8 août, et porte ses forces vers la Mandchourie et le nord de la Corée. Des zones d’occupation sont déjà prévues. On prévoit que le nord de la Corée sera occupé par des soviétiques (à la limite du 38e parallèle) et que les forces japonaises seront désarmées par les américains au sud. En Indochine, où Roosevelt ne voulait plus entendre parler des français, on confie à Tchang Kaï-chek le désarmement des japonais au nord du 16e parallèle et aux américains au sud du 16e parallèle.
On frappe au cœur, c’est-à-dire à Tokyo, laissant les forces japonaises partout ailleurs. Les derniers mois sont d’une violence extrême des deux côtés. Côté japonais, on n’a plus rien à perdre, c’est l’époque des avions suicides (Kamikaze) : contraints ou pas contraints ? Il y avait aussi des sous-marins suicides, sorte de Torpille de 8-10m de long avec un type dedans conduite contre un bateau adverse. Le feu nucléaire est lancé : Hiroshima le 6 août, Nagasaki le 9 août 1945. Évidemment le Japon ou plutôt ses dirigeants et son empereur Hirohito ont compris le message. Le 10 août la radio de Tokyo annonce que le Japon est près à capituler et cesse le feu le 14 août. Et le 2 novembre en baie de Tokyo, sur le cuirassé Missouri, le général MacArthur reçoit le représentant de l’empereur pour signer la capitulation. A côté de lui, le général Leclerc s’est glissé.
Conclusion
Les stratèges et les politiques raisonnent sur la carte du monde. Il faut retenir la combinaison permanente entre relation diplomatique et action militaire. Et de l’entente des deux grands, à la fois sur le plan diplomatique et militaire, dépendra l’avenir de la planète.
Chapitre 8. La rupture de 1945 et les nouveaux enjeux (1945-1953)
Ambiguïté du mot guerre froide, car même entre historiens on ne sait pas trop quand commence la guerre froide (quoiqu’il y a des interprétations différentes), en particulier André Fontaine qui a écrit deux ouvrages sur la guerre froide (lui la commence carrément en 1917), ancien directeur du Monde. On s’accorde sur l’année 1947. Certains la commencent avec la Première Guerre Mondiale et l’existence même de l’URSS. On a longtemps considéré que c’était le moment paroxystique des relations entre les deux, le moment le plus fort étant la mort de Staline en 1953. Néanmoins les tensions demeurent avec des crises spectaculaires qui semblent porter le monde au bord de la guerre.
Lorsque les deux blocs cesseront d’exister, quand en 1990 la réunification allemande d’une part et la chute de l’URSS d’autre part (où le PC est interdit en Russie !) là on a effectivement parlé de fin de la guerre froide en englobant toute la période 1947-1990. on met ce mot guerre froide un peu à toutes les sauces.
Section 1. Nouvelle géopolitique, nouveau face-à-face
§I. La situation en 1945
A. L’effondrement européen
Conditions de la fin de la guerre. Les bombardements américains et britanniques ont détruit une partie de l’Europe de l’ouest, en particulier l’Allemagne et les villes allemandes. En terme de puissance, depuis plus de 100 ans, la puissance française et la puissance allemande en quelque sorte se faisaient face. L’une et l’autre sont en question, sinon en sursis. La puissance française, a connu des hauts et des bas depuis 1789 : la France s’est trouvée assez longuement mis en marge de l’Europe dans la première moitié du XIXe, et sa dynamique révolutionnaire et la dynamique bonapartiste aidant la France a retrouvé une puissance respectée en Europe, et un nouvel échec en 1870/71, et on remonte la pente à nouveau. La France se trouve être considérée comme le vainqueur de 1919 même si bien sûr elle n’est pas seule dans ce cas, même si c’est un vainqueur aux pieds extrêmement fragile. La puissance française est en question à nouveau en 1945 même si une partie de la France se range dans les vainqueurs, parce que le territoire a connu des destructions, parce que la désunion nationale a marqué cette période. On décrète que le régime de vichy n’a pas constitutionnellement existé : la France a montré un visage double pendant cette période et il ne faut pas l’oublier. Quelque soit l’époque on a toujours pris soin de gommer la face sombre de cette histoire récente, et évidemment aujourd’hui on peut regarder les choses en face.
L’Allemagne, quant à elle, est quasiment rayée de la carte, parce que l’on a retaillé ses frontières à Yalta, avant même la défaite d’Hitler, et de ces nouvelles frontières elle perd environ 26% de son territoire, c’est considérable. L’Allemagne était construite/portée par un mouvement nationaliste assez fort qui finalement a porté du côté du courant « grand allemand » avec l’Anschluss et l’Autriche. Toutes les conditions imposées à l’Allemagne ont finalement eu l’effet contraire à celui espéré, et l’Allemagne, à nouveau réduite en 1945, est occupée par les armées vainqueurs. Aux termes des dispositions de Yalta et Potsdam, l’Allemagne est divisée en 4 zones d’occupation, avec des unités militaires correspondant aux forces dans chaque cas. Au nord, pour les britanniques, au sud la zone américaine vers l’Autriche, à l’ouest logiquement la zone française plus petite certes mais qui satisfait la crainte toujours forte en France d’une renaissance du militarisme allemand, et à l’est une zone confiée à l’URSS. Ce sont des zones d’occupation et non un partage des dépouilles territoriales, en attendant en quelque sorte que les 4 vainqueurs s’organisent pour décider de l’avenir de l’Allemagne. Berlin également qui se trouve au cœur de la zone d’occupation soviétique est divisée également en quatre parts, chacune avec un cantonnement militaire (pour la France c’est le quartier Napoléon).
Sur l’Autriche. Elle est très puissante depuis 1789 et au XIXe siècle. Quasiment elle n’existe plus, elle même est détachée de l’Allemagne et divisée en 4 zones d’occupations. Quant aux pays d’Europe de l’est, ils sont pour l’essentiel sous l’occupation de l’armée rouge de la même manière que les pays d’Europe de l’ouest disposent d’implantations militaires américaines conséquentes. Quant aux autres Etats. La Pologne, qui est toujours une question dans les relations internationales, est quasiment déplacée vers l’ouest, donnant une partie de ses territoires à l’est et mordant sur des territoires allemands à l’ouest avec une frontière provisoire le long de la ligne de cours d’eau Oder-Neisse et qui ne deviendra frontière officielle que très récemment. Les pays baltes se voient intégrés à l’URSS sous la forme de républiques socialistes soviétiques de Lituanie, Estonie, de Lettonie. Seul de cet ensemble qui s’était dissocié après la Seconde Guerre Mondiale, la Finlande conserve une souveraineté depuis le traité de Moscou de mars 1940, indépendance obtenue les armes à la main. Un nouveau traité est signé en 1947 (cf. infra).
Cela dit on cherche la puissance des pays européens en Europe et on a petit peu de mal à la trouver.
B. L’effondrement japonais
Là aussi, les destructions causées par les bombardements américains ont été absolument considérable. Elles étaient voulues d’une certaine manière pour terroriser la population. Ce sont les allemands qui ont lancé ce type de bombardement massif (bataille d’Angleterre), l’USAF a fait de même en 1944/45, Tokyo a été pratiquement entièrement rasé. Les bombardements de Hiroshima et Nagasaki prennent un caractère symbolique en plus. La puissance japonaise est à terre alors qu’elle ne cessait de monter depuis 1905 avec la victoire contre la Russie. Le Japon aussi perd des territoires. Outre le fait qu’il est occupé il est ramené aux frontières de l’archipel. Toutes ces colonies acquises au rythme des guerres du demi-siècle précédent (île de Taiwan en 1895, la péninsule coréenne annexée en 1910), tout cela n’appartient plus au Japon et toute la zone maritime qui faisait que le Japon avait un empire maritime déjà très conséquent avant 1937 disparaît aussi et bien sur la sphère de coprospérité de la grande Asie orientale (cf. supra).
La question de l’empereur se pose de manière très spécifique au Japon. Hirohito sur le trône depuis 1926 et dont la responsabilité reste un débat historiographique. La question de Hirohito se posait d’une manière très simple pour les américains, question qui ne s’est pas posée pour l’Allemagne puisque Hitler a décidé de se supprimer lui-même. Selon la mode japonaise Hirohito aurait pu décider de se faire hara-kiri. Toujours est-il qu’il y a une discussion entre les américains pour savoir quoi faire. Les américains pouvaient arrêter Hirohito et considérer qu’il était coupable, et le mettre en justice, le condamner à mort et l’exécuter. Option A. Mais compte tenu de ce que l’on sait du nationalisme et de ce que les américains savent bien que la nation japonaise ne forme qu’un, et un corps unique dont la clef de voûte est l’empereur, l’évaluation américaine et notamment de MacArthur a été de dire que si l’on coupe la tête du corps social, ça va mettre un désordre absolu dans l’archipel et il faudra 1 ou 2 millions d’hommes pour contrôler (c’est exactement l’inverse en Irak actuellement mais il faut laisser la comparaison à sa mesure). 150 000 hommes ont suffit discrètement installés dans les bureaux et les ministères pour contrôler le Japon, le réformer, le refaire, et lui rendre l’indépendance. L’occupation américaine du Japon s’est passée de manière relativement peu violente, il n’y a pas eu de tension de guerre civile après 1945.
Les Etats-Unis dans cette partie du reste du monde ont choisi de s’allier avec la Chine. Ils occupent le Japon avec la complicité réelle de forces politiques japonaises qui jouent ce jeu. Ils sont alliés avec la Chine de Tchang Kaï-chek et reconnaissent cette Chine comme un des vainqueurs de la guerre, puisque dans la conférence du Caire, Roosevelt et Churchill fin novembre 1943 avait rencontré Tchang Kaï-chek pour définir des buts de guerre (punir l’agressivité du Japon) et le corps militaire américain en Chine qui est nombreux (dirigé par Ben Mayer ??? pas entendu) joue son rôle dans la stabilisation de la Chine en 1945, qui récupère Taiwan. La Chine s’entend avec l’URSS pour le contrôle de la partie de la Chine où l’armée rouge était intervenue, c’est-à-dire en Mandchourie, donc le choix était fait d’une occupation conjointe de la Mandchourie entre les soviétiques et les militaires du Guomindang. Accord du 14 août 1945 qui a permit cette occupation conjointe. Et puis dans la périphérie de la Chine, des accords entre les puissances prévoient des zones d’occupation comme en Allemagne. Il n’y a pas de zone d’occupation au Japon parce que les Etats-Unis ont libéré seuls le Japon. En revanche en Corée où sont intervenus et les soviétiques et les américains, on la partage en deux de part et d’autre du 38e parallèle. En Asie du sud-est également, avec un théâtre britannique dirigé par l’amiral Mountbatten et un théâtre sino-américain, avec le Vietnam séparé en deux au nord su 16e parallèle pour les russes ( ??) au nord et au sud pour les anglais (armée indienne).
C. Les grands vainqueurs
Les vainqueurs sont confrontés à leur antinomie, différence, voire à leur hostilité. C’est la grande alliance américano-soviétique qui a eu raison des forces de l’axe mais celle-ci se retrouve face à elle même.
Les Etats-Unis sont dominants dans un premier temps, sous la présidence du démocrate Truman, avec un secrétaire d’Etat qui s’appelle Marshall, ancien chef d’état-major de l’armée américaine pendant la Seconde Guerre Mondiale, donc quelqu’un qui a une vue assez globale de la situation bien sûr et qui avant d’être nommé secrétaire d’Etat a fait une grande tournée en Chine pour mesurer la situation réelle en Asie orientale. Les Etats-Unis sont dominants parce qu’ils ont l’armée nucléaire (c’est le succès du projet Manhattan) et qu’ils disposent dès lors beaucoup plus que les soviétiques de bases militaires un peu partout dans le monde. Il y a des soldats et des bases en Europe, (France, all, Italie, etc.), mais en 1966 on les a prié de sortir. Il y a des soldats en Asie (Corée du sud, Japon et en particulier dans les îles méridionales d’Okinawa, aux philippines aussi). Insistons sur ces bases car, on verra que la guerre froide se noue à partir de ces bases militaires. Elles n’ont pas été installées pour la guerre froide mais installées à la fin de la Seconde Guerre Mondiale : elles sont restées et ont été réutilisées pour la guerre froide. Des îles dans le pacifique ajoutent à cette idée que le pacifique est un peu un grand lac américain. D’archipels en archipels on ne s’échappe pas du drapeau américain quand on avance d’est en ouest dans le pacifique à cette époque. L’industrie américaine enfin. Sur ces deux façades, pacifique et atlantique, l’industrie a tourné à plein régime mais la puissance économique des Usa qui n’a pas connu la guerre sur son propre sol est tout à fait spectaculaire.
En face, l’autre grande puissance, l’URSS, où Staline apparaît comme un vainqueur aussi incontesté. L’URSS a obtenu un élargissement de ses frontières occidentales qui apparaissent un peu comme une revanche des conditions de la paix de Brest-Litovsk en 1918 quand la Russie avait du abandonner beaucoup de territoires à l’ouest. Donc les pays baltes, une partie de la Pologne, tout cela revient à l’URSS qui a désormais des frontières communes avec la Tchécoslovaquie ou la Hongrie. A l’est coté pacifique l’URSS s’élargie un peu au détriment du Japon, en particulier dans deux ensembles insulaires : les îles Kouriles d’une part (petit chapelet au sud du détroit de Béring) et l’île de Sakhaline au nord du Japon. Staline est très populaire, mais la population soviétique est décimée. L’URSS est ruinée, on compte dans les 20 millions de mort. 170 villes sont détruites, sans parler de la terreur du goulag[3] où des millions de citoyens se trouvent incarcérés. Mais c’est le mythe de la grande guerre patriotique qui va rester en URSS et jusqu’à une grande date récente une partie du régime fondait sa légitimité sur cette victoire dans la grande guerre patriotique. Jusqu’à la fin de l’URSS on croisait dans les villes des vétérans avec quantités de médailles.
§II. La guerre froide
A. La désunion des vainqueurs
Un conseil des quatre a été institué lors de la conférence de Potsdam dans la banlieue de Berlin en 1945 pour décider des affaires allemandes. Mais la particularité de cette sortie de guerre en Allemagne est qu’il n’y aura pas de traité de paix (inverse de ce qui s’est passé en 1919 à Versailles) parce que les vainqueurs ne s’entendent pas là-dessus bien sûr.
Le seul vrai élément de consensus et la seule réaction sur laquelle il s’entende est ce que l’on a appelé la dénazification de l’Allemagne (vaste procès) qui est passée par ce procès spectaculaire de Nuremberg. Tous les quatre étaient d’accords. Dure entre novembre 1945 et octobre 1946. Sans doute ce déballage des crimes nazis étaient ils nécessaires pour que la nouvelle Allemagne sorte de la guerre. 11 dignitaires nazis ont été exécutés, avec le qualificatif resté depuis en vigueur de « crime contre l’humanité ». C’était la première fois que l’on passait en jugement des responsables politiques d’un gouvernement à la fin d’une guerre. (On fera la même chose au Japon mais pas contre l’empereur). Cette criminalisation des vaincus est une pratique nouvelle qui correspond aussi à la volonté de dire le droit. Les Etats-Unis depuis qu’ils sont sortis d’Amérique pour faire la guerre l’ont fait toujours au nom du droit. Finalement ce procès de Nuremberg est tout à fait cohérent avec ces dispositions. Mais pendant que le procès de Nuremberg se déroulait, on sentait bien que la suspicion était croissante entre les vainqueurs a propos de l’Allemagne :
- la France, un peu comme en 1919, elle était hostile à la recréation d’une administration centrale, c’est-à-dire finalement à l’unité allemande. Hors une certaine unité allemande et une certaine administration allemande étaient indispensable pour signer un traité de paix (cf. le traité de Versailles avec l’Allemagne de Weimar).
- L’URSS au contraire était pour l’unification allemande. Molotov l’a dit, et Staline l’a dit en 1946. Ils étaient partisans d’une unification allemande, mais dans la constitution d’une Allemagne qui leur serait alliée
- Les Etats-Unis, plus pragmatiques, essayaient pour leur part d’unifier les zones et en particulier sur le plan économique les zones anglaises et américaines. Cette unification économique des zones aurait porté en elle l’unification de l’Allemagne aussi. Les américains étaient un peu pressé de cette unification parce que leurs zones d’occupation leur coûtaient très cher, plus que les zones françaises et soviétiques. Finalement anglais et américains constituent une bizone le 1er octobre 1946. C’est déjà un début de division de l’Allemagne dans ce sens où on n’a plus 4 zones d’occupation mais 3 dont une importante.
A ces problèmes politiques s’ajoutent des problèmes économiques, justement. Une commission des réparations a été réunie, et on a l’expérience de la Première Guerre Mondiale en la matière. Mais justement comme on a cette expérience, on va pour obtenir des réparations les servir en nature en quelque sorte, plutôt qu’en espèce. On va prélever sur l’économie allemande des unités de production au titre des réparations, c’est-à-dire prélever sur le potentiel industriel de l’Allemagne par démontage d’usines et transport d’usines. Le seul souci, et c’est ça aussi qui a contribué à une suspicion croissante, c’est que compte tenu des dégâts subits par l’URSS, 50% de ces réparations lui revenaient. Et donc l’URSS ne s’est pas privée de démonter les usines de sa zone d’occupation pour les transporter plus loin. La France était autorisée à prélever du charbon dans la Ruhr, mais là aussi ça crée une mésentente car c’est là qu’étaient les principales ressources charbonnières allemande et que tout le monde en avait besoin.
L’Allemagne est le lieu qui a rendu possible la grande alliance, c’est aussi le lieu sur lequel la grande alliance se défait et sur pratiquement tous les sujets. En revanche avec les anciens alliés/satellites de l’Allemagne, des négociations et de vrais traités sont signés : l’Italie bien sûr d’une part mais aussi les pays comme la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie, la Finlande également qui va perdre 43 000 km² dans l’opération. Ces cinq traités sont signés ensemble à Paris le 10 février 1947. Donc à nouveau tout irait bien s’il n’y avait pas l’Allemagne (enfin c’est à nuancer).
Mais les symboles de ce qui va devenir la Guerre froide sont déjà prononcé. Discours de Fulton du 5 mars 1946 de Churchill qui avant même que les épées soient dégaines proclame qu’un « rideau de fer est dors et déjà tombé sur l’Europe ». Il le fait comme un constat et non comme une menace, le rideau s’étend depuis Stettin au Nord jusqu’à Trieste sur l’adriatique.
B. La rupture de 1947
Encore une fois cette rupture de 1947 ne tombe pas du ciel, elle a été préparée par tout un tas d’éléments (cf. supra). Dans cette rupture on s’est longtemps demandé qui est à l’origine de quoi. Américains, Soviétiques : qui en voulait trop ? On partageait bien sur mais pendant longtemps on a considéré que la rupture de 1947 s’est fait dans une dynamique américaine. Mais maintenant que les historiens russes qui souvent étaient proches du gouvernement russe font leurs analyses, ils expliquent qu’à l’époque il y avait plusieurs options possibles. L’URSS n’était pas obligée d’aller à la confrontation, il y avait plusieurs options. La guerre froide a été voulue par les deux certainement, même si elle n’a pas été décidée par l’un ou par l’autre, affrontement symbolique au terme duquel l’un des deux devait plier.
La rupture est symbolisée d’abord par le discours de Truman du 12 mars 1947. Comme souvent aux Etats-Unis les grands discours sont prononcés devant le congrès quand le président a besoin d’argent, et en l’occurrence Truman demande des crédits pour lutter contre les communistes en Grèce. Il demande 400 millions de dollars. Pourquoi la Grèce ? Parce qu’elle est en train d’être transformée par une révolution communiste alors que la Grèce depuis longtemps est un peu la zone d’influence anglaise (cf. l’accord des pourcentages de 1944, avec une influence anglaise de 90%, c’est-à-dire que Staline se désintéressait de la Grèce et des communistes grecs). Les britanniques passent le relais aux Etats-Unis et pour assurer ce relais, Truman demande ces 400 millions. Ce qui est impressionnant n’est pas le montant de la somme mais l’argumentaire de Truman. C’est en effet ce discours est resté symbolique de la doctrine du containment (endiguement) du communisme, discours dans lequel Truman annonce et promet à tous les gouvernements qui vont lutter contre le communisme une aide en conséquence. Le discours de Truman est un peu plus compliqué que ça : son explication est logique : il faut lutter contre la pauvreté car c’est elle qui fait le lit du communisme. C’est un ensemble donc, pas seulement une aide militaire mais aussi une aide économique. (C’est un discours comparable à celui du grand moyen orient dont parlent les Etats-Unis aujourd’hui).
L’application en Europe entière de cette doctrine du containment suit de moins de 3 mois ce discours. C’est le 5 juin 1947 que le secrétaire d’Etat Marshall prononce le discours de Harvard dans lequel il offre une aide économique considérable à l’Europe pour son redressement. La chose est à la fois économique et politique. l’arme est politique d’une certaine manière, car l’aide Marshall est proposée à tout le monde, URSS comprise, mais à nue condition, c’est que les pays bénéficiaires s’entendent ensemble, s’organisent dans une institution commune, pense cette utilisation de l’aide dans une organisation commune. L’URSS refuse et contraint ses alliés à faire la même chose. C’est aussi un débouché économique important pour les Etats-Unis. L’aide Marshall sont essentiellement des crédits financiers mais aussi le don d’un certain nombre d’outils industriels.
Une grande négociation s’engage avec les pays européens et entre pays européens. 16 pays européens sont dans la négociation pour savoir comment s’organiser autour de cette aide Marshall. 13 milliards de dollars étaient prévus sur 4 ans, c’est le montant accepté par le congrès le 12 avril 1948. L’URSS donc refuse et contraint certains pays qui d’abord avaient accepté (c’est le cas Tchécoslovaquie) et puis la pression soviétique, le coup de Prague (révolution apparemment non violente, manifestations quotidiennes devant les ministères exigeant les départs des ministres non communistes entre le 17 et le 25 février 1948) a confirmé le basculement de la Tchécoslovaquie dans le camp soviétique. Masaryk, ministère des affaires étrangères, leader nationaliste comme son père, en février 1948 tombe de la fenêtre de son ministère et on conclu au suicide. Le président Benes également, héro du nationalisme tchécoslovaque, entérine le coup de force dirigé par Goddwald, mais meurt rapidement. 1949 : La Hongrie.
La réponse soviétique à l’aide marshal est une réponse politique : c’est la relance de l’internationale communiste. Cette réponse intervient fin septembre 1947 dans une conférence des partis communistes réunis à proximité de Varsovie. C’est cette conférence qui a créé le Kominform (sorte de résurrection du Kominterm) ou « bureau de liaison/information du PC ». C’est à l’occasion de cette création du Kominform qu’est formulée la version soviétique de la guerre froide, c’est-à-dire la doctrine Jdanov, qui était un membre du bureau politique du PC soviétique. Jdanov dit que le monde est désormais divisé en deux camps, il y a le camp impérialiste d’une part (y compris les vieilles puissances coloniales) et le camp anti-impérialiste et démocratique (le leur, bien sûr). L’essentiel de la doctrine Jdanov consiste à dire que l’on ne peut pas rester en dehors de ces deux camps : on est forcément quelque part. et cette division du monde est aussi une division des esprits. Cette marque du jdanovisme va se perpétrer et faire fonctionner les esprits pendant des 10aines d’année, y compris dans des pays comme la France.
La France début 1947 est un pays qui a un gouvernement d’union avec des ministres communistes, un gouvernement socialiste conduit par Ramadier, et qui est amené assez rapidement à se diviser lui même sans attendre d’ailleurs la doctrine Jdanov. La rupture gouvernementale en France, c’est-à-dire entre les communistes et les autres, se fait le 4 mai 1947 sous l’effet de trois éléments :
- d’une part la doctrine Truman (les communistes français avaient un peu de mal à rester dans un atlantisme dont c’était la doctrine)
- la guerre d’Indochine conduite par d’autres communistes (qui ne se sentaient pas très à l’aise de se battre contre d’autres communistes)
- une politique économique et sociale (blocage des salaires) que les communistes ont finalement refusé. Ils quittent alors le gouvernement.
La rupture de 1947 est absolue et pas seulement géo politique. Elle marque durablement le paysage idéologique de l’Europe.
C. La crise de Berlin
Berlin se situe au milieu de la zone soviétique. Les trois zones occidentales s’entendent à la conférence de Londres en 1948 pour proposer la réunion d’une assemblée constituante en Allemagne. C’est bien sur fait pour rédiger une constitution et donc unifier le pays. Cette fois ce sont les soviétiques qui ne vont pas dans ce sens et qui déclenche le blocus de Berlin le 24 août 1948. C’est-à-dire que toutes les communications à la fois routières, ferroviaires, etc. sont coupées. Réponse des occidentaux : ils vont à Berlin par avion, montent un pont aérien gigantesque avec 275 000 vols sur un blocus qui va durer un peu moins d’un an. C’est une réponse politique et non militaire : la GF est une guerre avec tous les moyens, sauf militaires. La réponse occidentale est le pacte atlantique. Si Staline avait voulu diviser les occidentaux, c’est un échec complet : cette réponse au blocus de Berlin conduit à unir les occidentaux qui le 4 avril 1949 signent le Pacte atlantique à Washington. 12 pays d’Europe de l’ouest s’entendent sur une alliance défensive en temps de paix. Ce pacte atlantique existe toujours.
En 1950 est créé le conseil de l’atlantique nord, extension du pacte atlantique, et bientôt l’OTAN. Il faut distinguer le pacte atlantique d’une part de l’OTAN d’autre part. L’OTAN est l’organisation qui vient en aval du pacte atlantique mais qui n’est pas contenue dans le pacte lui même. L’OTAN, c’est le passage à l’aspect militaire de l’endiguement. La suite est la division formalisée de l’Allemagne. Le 8 mai 1949, c’est-à-dire 4 ans jour pour jour après la capitulation de Berlin, est votée la loi fondamentale de la république fédérale allemande, c’est-à-dire ce qui devient la constitution de l’Allemagne de l’ouest. Mais on peut noter que dans cette loi fondamentale de la RFA une disposition prévoit l’extension à l’ensemble de l’all des mêmes dispositions constitutionnel. Et de fait quand en 1990 l’Allemagne sera réunifiée on ne changera pas la constitution.
Devant un tel succès politique, Staline a compris et lève le blocus le 12 mai. Echec total pour son propre camp. En tirant les conséquence il laisse s’établir une constitution de la RDA le 30 mai 1949. c’est donc 1949 qui voit apparaître la division de l’Allemagne en application des décision de la Guerre froide.
§III. Un « second tour » pour la guerre froide
Second tour un petit peu chaud si l’on peut dire. Nous sommes toujours dans une histoire entre les mêmes acteurs.
A. La révolution chinoise et ses effets
L’impossible intégration des armées cocos chinoises et des armées du Guomindang a conduit assez vite à la guerre civile. Celle-ci dure 2 ans (1947-1949). Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer depuis, les américains n’ont pas tellement jeté de l’huile sur le feu. Marshall a fait des tentatives de conciliation entre nationalistes et communistes pour essayer de sortir de cette guerre civile. La doctrine américaine au départ n’avait pas le même caractère absolu comme en Europe. Mais le délitement progressif des troupes du Guomindang permet au troupes communistes de l’emporter : ils prennent Dianjin, puis Pékin le 22 janvier 1949, Nankin le 23 avril 1949, Shanghai le 25 mai 1949, et le 1er octobre 1949 la république populaire est proclamée à Pékin.
Ce qui est important ce n’est pas forcément que la Chine bascule dans le camp communiste, mais cela double le camp communiste, et ce qui est aussi important c’est ce que va devenir cette Chine communiste. Aujourd’hui on connaît une petite partie de la fin de l’histoire mais au début les américains voyaient les choses de la manière suivante : si les américains ont aidé les forces du Guomindang ils n’ont pas fait beaucoup de choses pour empêcher les coco d’arriver au pouvoir. Au sein du département d’Etat particulier il y avait beaucoup de sinologues, qui connaissaient la langue et la mentalité chinoise, et qui était convaincue au fond qu’une Chine communiste serait peut être un bon rempart contre l’URSS communiste, c’est-à-dire qu’à terme les deux ne pourraient pas s’entendre. C’était aussi l’opinion de Robert Guillain, journaliste chinois.
B. La guerre de Corée
Sorte d’impossibilité d’arriver à un gouvernement unique entre les communistes du nord et les nationalistes du sud. Chacun s’appuyant bien sûr sur les forces militaires d’occupation, armée rouge au nord, armée américaine au sud. C’est le nord qui prend la décision de constituer le 9 septembre 1948 une république populaire de Corée, estimant que cette république populaire de Corée pourrait être le gouvernement de l’ensemble de la Corée. Les troupes soviétiques annoncent leur retrait, les troupes américaines – non sans avoir encouragé la constitution d’un gouvernement bis à Séoul https://cours-de-droit.net/edit/cours-d-histoire-des-relations-internationales/cours-d-histoire-des-relations-internationales,r170422.htmldans le sud – se retirent également. Et on est dans cette situation lorsqu’en juin 1950 éclate la guerre de Corée.
Les troupes de l’armée du nord franchissent le 38e parallèle en direction de Séoul tout proche pour réunifier par les armées cette péninsule coréenne divisée par le contexte international. Jamais les troupes ne se seraient lancées sans un aval de Staline et sans une aide de la Chine qui est communiste depuis quelques mois. On discute aussi d’une mauvaise interprétation qu’aurait fait Staline de positions des américains, ou soit disant ils se fichaient de la Corée, ce qui était fait.
L’URSS aussi boycotte l’ONU. N’étant plus là, l’URSS ne peut plus opposer de veto au conseil de sécurité. Aussi, lorsque le 25 juin 1950 les troupes de l’armée populaire coréenne franchissent le 38e parallèle, le président américain Truman saisi immédiatement l’ONU pour faire constater l’agression, ce qui est possible faute de veto soviétique, et décider une intervention. C’est l’ONU juridiquement parlant qui décide d’une intervention en Corée. Les troupes sont américaines, mais c’est une intervention de l’ONU. Les forces américaines sont proches, au Japon. (La première guerre en Irak en 1990 était aussi une opération de l’ONU mais avec des forces essentiellement américaines). Le 27 juin 1950, c’est-à-dire 48h après ce franchissement du 38e parallèle, une nouvelle déclaration du président américain Truman étend en quelque sorte la doctrine du containment vers l’Asie, et ça c’est nouveau. Ce discours promet en effet aux pays ou régions amies ou alliées des Etats-Unis une aide conséquente, promise à la Corée du sud (outre le Japon), promise à Formose (= Taiwan où s’est réfugié le gouvernement de Tchang Kaï-chek), aux Philippines où une révolte communiste se développe, en Indochine où les français combattent également l’insurrection vietnamienne.
Donc à partir de juin 1950 l’Asie toute entière est aussi installée en situation de guerre froide (chaude en l’occurrence). Quant à la guerre de Corée elle même, elle dure quasiment trois ans. La première année, 1950, est très dure, avec débarquement des forces américaines et de leurs alliées (nous somme dans le conception de la coalition) qui remonte assez haut vers le nord. La Chine se sent agressée. Le 16 octobre 1950 elle fait intervenir ses « volontaires » en Corée. Les américains se rendent compte que les volontaires chinois sont de vrais soldats et font redescendre les armées vers le 38e parallèle. Le front se stabilise et, pendant les deux années qui suivent, on a à la fois une situation de guerre et de négociation. La période dure de juillet 1951 à juillet 1953. Les motivations américaines sont les suivantes : ils ne voulaient pas détruire la Corée du nord mais repousser leurs forces au 38e parallèle. Quand le général MacArthur en 1951 proposer d’envoyer une bombe atomique sur la Mandchourie où se trouvaient concentrées les forces chinoises, il est immédiatement révoqué par Truman et remplacé par Ridgway.
Une conséquence de la guerre de Corée, c’est en Europe l’idée de CED. Communauté européenne de défense. La guerre de Corée a laissé penser à la planète entière qu’on était entrée dans une nouvelle guerre mondiale, ce qui n’était pas le cas. Mais en Europe on a fortement réagi. Pourquoi dans ce contexte les armées d’Allemagne de l’ouest ne rentreraient pas en Allemagne de l’est ? C’est la question que se pose les stratèges. Les américains disent qu’effectivement c’est un risque : dans ce cas il faut réarmer l’Allemagne. Parler aux français de réarmer l’Allemagne c’est prononcer des gros mots et les français cherchent toute sorte de solutions pour empêcher cela : c’est le plan Pleven de 1950, la Communauté Européenne de Défense. Il ne s’agit pas pour les français de laisser l’Allemagne se réarmer mais on peut éventuellement imaginer des unités allemandes dans une armée européenne.
C. L’indépendance du Japon
A la différence de l’Allemagne il y aura un traité de paix au Japon. Ce traité de paix sera signé lors de la conférence de San Francisco de septembre 1951. 52 nations y participent, c’est une vraie conférence internationale. Ce traité de paix met le Japon tout de même sous surveillance. Un traité de sécurité est d’abord signé le 1er septembre 1951. Au terme de ce traité le Japon transfère sa propre souveraineté militaire aux Etats-Unis, s’engageant à ne pas développer d’armée autre que d’autodéfense, à n’autoriser l’intervention que de forces de police sur le territoire et à ne pas produire d’armement. En é change de quoi l’occupation américaine peut cesser et les armées se retirer en avril 1952. Le système international qui se met en place avec le retour d’une indépendance du Japon est complété par un ensemble d’alliances bilatérales entre les Etats-Unis et la Corée du sud, entre les Etats-Unis et Taiwan, entre les Etats-Unis et les Philippines. Ces traités sont toujours valables.
En tout cas une ligne de front cours du nord au sud le long des cotes chinoises. Ce n’est pas un « rideau de bambou » mais la version « rideau de fer » en Asie. Le monde connaît une double fermeture. Sur ces deux lignes, les principales crises peuvent se faire.
Conclusion
Depuis cette époque là les pays concernés ont à écrire l’histoire. Chacun écrit son histoire avec sa propre culture, son propre discours, ses propres outils intellectuels. Il y a eu un effort de le faire en France, avec en particulier un manuel d’histoire franco-allemande. En revanche il n’existe pas du tout de réconciliation de ce même type en Asie, en particulier entre la Chine et le Japon. Il existe un manuel d’histoire (rédigé par des coréens, japonais et chinois) mais il est non officiel et peu distribué.
Section 2. Les débuts de la décolonisation
Chapitre 9. Le monde bipolaire et ses limites (1953-1975)
Section 1. Les blocs, de la « guerre froide » à la « détente »
Section 2. Un face-à-face planétaire
Chapitre 10. La construction européenne (1950-1989)
Section 1. La situation nouvelle du « vieux continent »
Section 2. Les étapes de la construction européenne
Chapitre 11. La fin des blocs (1975-1991)
Section 1. 1989 et la nouvelle Europe
Section 2. L’évolution du communisme en Asie
Chapitre 12. La recomposition du monde (années 1990)
Section 1. Le poids de l’économie dans les relations internationales
Section 2. Mondialisation et régionalisation
Chapitre 13. Nouveaux équilibres, nouvelles menaces
Section 1. Les enjeux de la croissance asiatique