Cours d’histoire des relations internationales

HISTOIRE DES RELATIONS INTERNATIONALES (début du 20ème Siècle)

Ce cours pourrait aussi s’appeler HISTOIRE DES RELATIONS DIPLOMATIQUES ou HISTOIRE DES RELATIONS INTERNATIONALES DU DÉBUT DU 20EME SIÈCLE. L’histoire des relations internationales désigne l’étude de l’histoire des affaires étrangères et des grandes questions du système international : rôle des États, des organisations internationales, des organisations non gouvernementales (ONG) ainsi que des entreprises multinationales.

introduction
De l’histoire des relations diplomatiques à une nouvelle histoire des Relations intenationales.

I] Les outils.
A. Le concept de puissance.

  1. De Aron, Duroselle à Franck.
    Pour Aron, (in Paix et guerre entre les nations, pas besoin de lire cet ouvrage vieilli même s’il faut le connaître) une puissance est la « capacité d’une unité politique à imposer sa volonté à d’autres unités. »
    On conçoit alors une puissance comme une capacité défensive ou offensive, mais il n’y a pas de réelle définition de ce qu’est une puissance.

    Duroselle, dans Tout empire périra, définit une puissance comme un « Etat qui est capable, dans certaines circonstances, de modifier la volonté d’individu ou de groupes ou d’Etat étranger »
    Ces deux définitions se recoupent, on sent derrière chacune d’elle la notion de pouvoir se profiler, et il ne s’agit pas de trancher entre les deux.

    Pour Franck (in La hantise du déclin), la notion de puissance comprend les notions de durée et d’indépendance : « une grande puissance est un Etat qui a les moyens et la volonté de faire prévaloir auprès de n’importe quelle autre puissances dans plusieurs domaines et de façon durable ses intérêts et ses conceptions, et qui de ce fait dispose d’un haut degré d’indépendance et d’action. Le taux de la puissance est proportionnel au taux d’indépendance dans l’action et à la capacité d’initiative. »

    La puissance est d’abord historique, il faut être reconnue comme telle par les autres Etats. Cf. la Pologne dans les années trente, qui veut être reconnue et qui fait tout pour ça (nationalisme, alliance avec la France…). Elle ne reste pourtant aux yeux des autres qu’une puissance secondaire. C’est le cas aujourd’hui de l’Argentine et du Brésil qui aspirent à un statut qui leur est refusé par les puissances.

    De Gaulle, à la libération, veut que la France soit reconnue comme puissance, ce qu’il réussit en partie grâce à l’acceptation de ce statut par les grands vainqueurs. Bien que personne ne soit dupe de l’état du pays, la France signe la reddition allemande et occupe une part du territoire allemand…


    2. Une définition et une comptabilité historique.
    Evolution des grandes puissances selon Duroselle :

    — XVII° : France, Angleterre, Pays Bas, Espagne, Empire Ottoman et Empire Habsbourg.
    — XVIII° : France, Angleterre, Empire Habsbourg, Russie et Prusse.
    — XIX° : idem, + la montée des Etats-Unis, Japon et de l’Italie.
    — 1914 : France, Grande Bretagne, Etats-Unis, Japon, Italie, Russie, Autriche Hongrie, Allemagne
    — 1918 : fin de l’Autriche Hongrie et de l’Allemagne. Cette dernière réapparaît comme puissance à la fin des années vingt.

    Nb : Il existe évidemment des différences de détail entre ces pays, mais globalement ce sont des grandes puissances.

    — WWII : Deux superpuissances : USA et URSS

    Pour Duroselle, ni l’Italie ni la France ne sont plus des puissances en 1939, la Grande Bretagne résiste jusqu’en 1947.
    L’Allemagne et le Japon n’existent même plus en 1945.

    Le rang de grande puissance apparaît moins à un pays lui-même qu’aux puissances extérieures. Ainsi, la France et la GB en 1956 ont du mal à accepter leur déclin lors de la crise de Suez.

    Au XX°, le guerres mondiales sont les moments clés au cours desquels les hiérarchie de puissances se font et se défont. C’est plutôt à chaque fois une fin de processus que le commencement d’une ère.
    Pour Paul Kennedy, il existe une dimension économique : si une puissance est à son apogée militairement, il y a un risque important qu’elle s’effondre sous le poids de l’argent que ça lui coûte. C’est pourquoi il y a nécessairement une succession des puissances. Mais cette réflexion est vieillie, Kennedy oublie que l’armée est aussi un vecteur de la modernité qu’elle peut faire progresser.

    II] L’héritage : structures de prépondérance de l’Europe avant 1914.
    Au XIX°, 95% des congrès internationaux ont lieu en Europe (principalement à Paris, Londres, Bruxelles). Les Expos Universelles de Paris en 1889 et 1900 attirent respectivement 32 et 51 millions de visiteurs…

    A. Politique.
    1. Les « grands ».
    La diplomatie est encore, avant 1914, l’affaire des rois, princes, présidents… La vie diplomatique est le fait de quelques grandes puissances qui tiennent le haut du pavé, et les autres Etats n’ont pas d’influence réelle. Ainsi, au congrès de Berlin en 1877, ne siègent que la Grande Bretagne, la France, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et la Russie.

    Seules certaines capitales donnent droit au titre d’ambassadeur (sinon il s’agit de simples postes de diplomates) qui sont Londres, Paris, Vienne, Berlin, Rome, Saint Petersbourg et Constantinople. Les autres capitales appartiennent soit à des pays marginaux géographiquement (pays scandinaves), soit à des pays trop petits (Belgique, Pays Bas, Suisse)

    Avant 1914, la Grande Bretagne est la seule puissance mondiale, qui agit dans et hors d’Europe.
    La seconde est l’Allemagne, qui s’impose à ses voisins et qui jouit du prestige de sa victoire écrasante en 1871. Elle dispose d’un espace géographique important et central en Europe (position de « pivot »), et connaît une expansion démographique rapide.
    La troisième est la France, qui bien qu’amputée demeure une puissance capable de construire un empire colonial.
    La quatrième est la Russie, qui s’étend vers l’Asie au début du XIX° siècle. Elle dispose d’une superficie et d’une population énorme. Au tournant du siècle, elle affirme ses frontières et englobe la Finlande, les Pays Baltes, etc. Mais on ne sait pas si l’empire a les moyens de sa politique.
    La cinquième puissance est l’Autriche Hongrie, qui bien qu’appuyée sur un territoire immense et central n’est qu’une puissance de second ordre : elle est agitée par de graves troubles nationalistes et l’unité allemande s’est faite contre l’Empire Austro Hongrois.



    2. Les diplomates.


    Ils sont peu nombreux, car souvent la diplomatie passe par les monarques (alliances par le biais de mariage…). Presque partout, la diplomatie échappe au contrôle du Parlement (secret).

    L’aristocratie « trouve refuge » dans les carrières militaires et diplomatiques, ce qui peut paraître paradoxal dans les démocraties (France). Les postes de diplomates sont le plus souvent très mondains, ils n’ont qu’une vision partielle du pays (il n’y a alors pas de travail économique ou social du diplomate). Les postes sont très stables, ce qui donne aux diplomates une grande liberté d’agir, même si leurs domaines d’action sont moins étendus qu’aujourd’hui.

    En Grande Bretagne, les diplomates échappent au recrutement par concours (seule fonction qui y échappe) ; le Foreign Office est un département très archaïque jusqu’en 1914 (8 dactylos seulement)

    En France, il y a deux concours d’entrée accompagnés d’une enquête familiale pour s’assurer que le futur diplomate a les moyens d’assumer sa fonction.


    3. Les géographes et les militaires.


    La géographie et l’histoire d’un pays sont caractères de puissance à l’époque. Du coup poids important des géographes et de leurs opinions (cf. André Siegfried, très écouté a l’école libre des Sciences politiques durant l’entre-deux-guerres…).

    Les militaires sont présents dans presque tous les postes diplomatiques, parfois même on trouve en plus un attaché à la Marine. Avec la Première Guerre Mondiale, on observe un essor important de l’aéronautique.


    B. Economique.


    1. Le capitalisme libéral battu en brèche.


    Il est vrai que le libéralisme reste la seule structure économique de l’époque, que la plupart des monnaies sont convertibles en or, et que la parité monétaire entre les puissances est très stable (une livre = 25 francs français =30 marks = 5 dollars US). Mais, on observe une recrudescence des barrières douanières avec la dépression économique.

    Entre 1875 et 1913, le commerce international mondial est multiplié par quatre, avec quatre acteurs principaux (GB, France, Allemagne et USA). A eux quatre ils représentent 60 % du commerce mondial en 1875 et 48 % en 1913 (la diminution est relative, c’est-à-dire que ce n’est pas eux qui ont diminué, mais les autres pays qui les ont rattrapés peu à peu)

    Les Etats-Unis sont déjà le plus gros producteur mondial mais ils exportent très peu.


    2. Mutations techniques et poids de la conjoncture.


    Le XIXe connaît des mutations techniques rapides, surtout en matière de transports : avant la vapeur, il faut une semaine pour aller de Londres à New York, et trois pour aller de Bordeaux à Buenos Aires. L’arrivée de la vapeur va permettre d’augmenter beaucoup la vitesse de transport et de réduire les coûts (des machines puissantes permettent un plus grand tonnage). La marine militaire va faire d’énormes progrès alors, et la marine marchande va être multiplié par 2,6 entre 1880 et 1900.

    L’ouverture des canaux transocéaniques va permettre aussi de réduire les temps des transports (Suez est terminé en 1869 et Panama en 1914).

    A l’intérieur des pays, le chemin de fer et l’automobile se développent et permettent de parcourir de grandes distances en peu de temps.
    C’est aussi à cette époque que l’on voit apparaître le télégramme, le téléphone… Les premiers câbles sous-marins sont installés à la fin des années 1860.

    Après 1896, la dépression prend fin, la reprise économique voit l’émergence de nouvelles puissances économique (Russie, Italie, Autriche Hongrie). Les investissements internationaux se multiplient : la Grande Bretagne investit sur tout le continent américain (nord et sud) alors que l’Allemagne et la France se tournent plutôt vers l’Europe. Sur une base de 1 pour la GB, la France et l’Allemagne investissent respectivement à hauteur de ½ et ¼.


    3. Migrations.


    La période de 1875 à 1914 représente à ce jour la plus grande période de migrations de toute l’Histoire : plus de quarante millions de personnes se déplacent depuis l’Europe ou l’Asie (54 % d’Européens, pour des migrations intra européennes ou vers l’Amérique).

    La France est le grand pays d’accueil en Europe, car il faut compenser sa démographie déjà très faible (manque de main d’œuvre).
    Les Etats-Unis accueillent 22 millions de migrants entre 1880 et 1914, l’Argentine cinq, le brésil quatre et l’Australie et la Canada trois…
    Les migrations dues au peuplement des colonies ne sont pas comptabilisées car on considère qu’il s’agit de flux nationaux (c’est à cette époque que se peuplent l’Algérie et les autres colonies de peuplement).

    L’ordre Européen de la Première Guerre Mondiale – // Partie 1
    L’âge de la domination Européenne : le cadre des RI en 1914 – // Cours 2



    Introduction.


    — Alors que sur la base du droit des peuples apparaissent de nouvelles revendications internationales,
    — Alors que les moyens de transformations économiques, sociales, idéologiques prennent corps, moyens et but politiques restent inchangés (distorsion entre structures et idées),
    — Alors que de vastes empires –coloniaux ou non- se mettent en place pour répondre à l’énorme élargissement des RI qui caractérise le tournant du siècle (Ceci va devenir un grave enjeu des RI et un argument de négociation internationales. Certains sont arrivés trop tard mais veulent quand même leur part –Allemagne-)

    On noue encore en Europe des alliances (sur le modèle de l’alliance franco-russe) sur des concepts traditionnels, avec, au premier rang, celui de l’équilibre en Europe (concept clé dans les RI de l’époque) : cette politique classique européenne révèle en fait de nouveaux moyens de la politique extérieure, une nouvelle diplomatie.

    Cependant, le plus important est qu’apparaissent les premiers signes d’une mondialisation des RI, les premières heures de la Weltpolitik.


    I] Des transformations importantes des R.I (Giraud).


    A. Les nationalismes.


    1. Nationalismes « politiques ».


    Partout en Europe, 1848 sonne la grande heure des nationalités et du droit des peuples (IIe République en France, chute de Metternich dans l’Empire Habsbourg, agitations en Allemagne…) ; 1860-1870, formation des nations allemande et italienne.

    Jusqu’à leur dissolution, soubresauts dans les vieux empires austro-hongrois, ottoman et russe, qui sont des ensembles politiques figés.


    2. Nationalismes « sentimentaux », chauvinisme des « mentalités ».



    Grande Bretagne : il suffit de regarder les manifestations sportives (1885, football professionnel) pour comprendre la vigueur du sentiment national et la foi en la supériorité anglo-saxonne. En France, les courses automobiles ou cyclistes sont autant de manifestations chauvines. Le créateur du Tour de France, Henri Desgrange écrit en commentant le tour de 1903 : « Je ne crois pas que jamais épreuve sportive ait déchaîné à l’égal du Tour de France un pareil débordement de chauvinisme local. Voilà quinze ans que nous nous évertuons à convaincre les foules que le sport n’a pas de patrie et je commence à croire que tous nos efforts furent faits en pure perte ». Continuité évidente dans les esprits entre Le Tour de France de deux enfants (alsaciens lorrains), ce manuel de lecture et de patriotisme français et le Tour de France !

    Même si certaines manifestations patriotiques (« bataillons scolaires ») ont largement régressé dans les années 1890, en concomitance avec l’affaire Dreyfus (la droite nationaliste est surnommée « moulin à sornettes »), en France comme en Allemagne, les manifestations gymniques demeurent principalement des défilés patriotiques avec tambours et clairons. Et pas seulement chez ces trois grands. En 1901, le quatrième congrès des Sokols, gymnastes tchèques, réunit à Prague 1400 participants, venus de toutes les minorités tchèques dispersées, et sacrifie au culte de la nation tchèque, à celui du néo-slavisme.

    Critique française de la littérature allemande après Kant (considéré comme partisan des Lumières).

    Question : chauvinisme des mentalités débouche-t-il sur le bellicisme ou la violence ?

    Deux cas distincts :

    — Le cas des populations soumises à un gouvernement « étranger » : exemple des nationalistes polonais qui créent écoles, universités… pour promouvoir la langue. En 1901, 1/3 des Polonais en Pologne russe apprenaient à lire et à écrire grâce à ces volontaires de la Ligue Polonaise. Exemple des Sokols tchèques. Un même phénomène, de l’Irlande aux populations soumises d’Autriche Hongrie ou de Russie. Dans ce cas, effectivement, risque de violence…

    — Ailleurs, dans les « majorités dominantes », souvent paradoxe apparent : mouvements types ligues patriotiques hyper nationalistes, appelant éventuellement à la guerre, racistes donnent une allure qui n’est pas en fait celle de la masse de la population, moins « revancharde » et plutôt pacifiste.

    3 exemples :
    – En France, Ligue de la Patrie Française ou celle d’Action Française, mais sentiment d’indifférence se développe vis-à-vis de la question Alsace-Lorraine, et surtout volonté d’apaisement avec l’Allemagne.
    – En Angleterre, les pacifistes sont nombreux, notamment après les tueries de la guerre des Boërs. Le chauvinisme confronté à la réalité de la guerre hésite et perd de sa vigueur belliciste.
    – En Allemagne, Ligue des Pangermanistes (1891), mais moins de 25000 membres à son apogée en 1901. Le peuple est plus modéré que certaines élites.


    B. Les internationalismes.


    1. Une civilisation qui devient « mondiale ».


    Une grande valeur très diffusée ; le scientisme : foi en le progrès, sentiment que l’avenir ne peut être que meilleur et que la science peut résoudre tous les problèmes. Progression rapide du nombre de congrès internationaux scientifique et techniques : la science tend à devenir mondiale.

    Positivisme : le monde passe d’un âge théologique à un âge métaphysique, idée de progrès, que tout est science.
    Recul de la tradition et de la foi.

    Pacifisme (1889 : Union interparlementaire pacifiste ; 1892, Bureau International de la paix (Berne) ; vaines tentatives de créer des EU d’Europe en 1900, de désarmement (1e conférence internationale de La Haye en 1899 à l’initiative du tsar) mais création de la Cour International Permanente de la Haye 1899 : l’esprit est de faire régner le droit dans les RI.


    2. Le socialisme et le catholicisme.


    Dans les années 1880, on assiste à la création ou renaissance des partis socialistes.

    Marx meurt en 1883 -> Engels ; 1889 : congrès à Paris ; 1891, Bruxelles : IIe Internationale constituée.

    1900 : création d’un comité international permanent.
    1903 : en Allemagne, SD obtient plus de 30% des voix, en France la jeune SFIO réussit bien aussi.

    Déviances de certains courant internationalistes.

    Eglise catholique : force qui dépasse les frontières.

    Efforts de Léon XIII (mort en 1903), mais le gouvernement italien ne lui permet pas de se rendre à la conférence de La Haye en 1899. L’Eglise réclame encore une souveraineté temporelle sur les Etats pontificaux, Mussolini va régler ça avec les accords de Latran.


    3. Existe-t-il une propagande à impact international avant 1914 ?


    Problème : peut-on parler de « propagande » à visée internationale ?
    1895 : Gustave Le Bon, Psychologie des foules. Début de ce genre de réflexion, notion d’opinion publique apparaît progressivement.

    Se produisent quelques fêtes en France (l’exposition universelle de 1889 un peu boudée, mais celle de 1900 attire plus de 50 millions de personnes).

    Jubilées de la reine Victoria en 1887 et 1897.

    1890, 1er mai par partis socialistes internationalistes.

    1893, Fêtes de l’Alliance franco-russe.

    Le but est de montrer la puissance des uns et des autres.

    Développement colossal de la presse à bon marché, instrument de manipulation de la foule, souvent très chauvin, « 4e pouvoir »

    — EU : constitution de l’empire Hearst après 1895, Morning Post.
    — All. : 1898, Berliner Morgenpost.
    — GB : Daily Mail (1896) : 500 000 ex en 1900 ; Daily Express (1900) ; Daily Mirror
    — France : Le petit Journal, 1 M d’exemplaires, Le Petit Parisien, 600 000 en 1896 (le Monde aujourd’hui, 450 000 exemplaires).

    Vénalité de la presse (nombreux exemples, France, Russie, All, EU) : corruption même de la part des Etats, c’est souvent ça qui fait vivre la presse…


    C. L’Europe dominante : économie et population.


    1. Le moteur économique et financier du monde.


    Production entre 1880 et 1890 dans le monde :

    Europe : 62% du charbon, 60% du fer, 70% de l’acier.
    Etats-Unis : 33% du charbon, 28% du fer et 24% de l’acier.

    L’Europe représente 60% du commerce mondial en 1890 (GB>All>France), et plus de 60% du commerce de produits manufacturés à eux trois (E.U : 8%, Japon : 1%).

    Le tournant du siècle voit l’émergence du Japon, qui a un taux de croissance supérieur à tous (4,5-5%) mais qui a un niveau de départ très faible : avant tout, c’est l’équipement national qui progresse. C’est donc une puissance de deuxième ordre, à l’échelle locale et pas mondiale.

    En matière de finances, les trois puissances représentent 83% des investissements mondiaux, la GB surtout en Amérique (du Nord et du Sud) et les deux autres en Europe.

    Quant à la Russie, elle connaît sa révolution industrielle dans les années 1870-1880, mais de manière inégale sur son territoire. C’est un très gros producteur de charbon et de fonte, mais elle commerce très peu avec l’extérieur, et certains domaines sont complètement négligés (chimie par ex.)


    2. L’expansion démographique.


    La France a une croissance démographique très faible, à la différence de l’Allemagne, la GB et la Russie. Certains problèmes se posent alors : comment une puissance comme l’Allemagne peut-elle se développer correctement dans ses seules frontières ?

    Le protectionnisme est donc contesté et dénoncé, et les puissances se veulent empire.

    Sans la métropole, la GB possède 367 millions d’habitants et 31 millions de km² en 1900, la France 50 millions d’habitants dans 10 millions de km², et l’Allemagne 12 millions dans 2 millions de km².

    D’autres formes d’impérialisme existent aussi à travers le monde : les Etats-Unis étendent leur influence en Amérique Centrale et aux Caraïbes (Espagne boutée hors de Cuba en 1898). Et les tsars, eux, conquièrent des territoires en Extrême Orient et en Europe Centrale.


    II] Le monde partagé.


    A. La mondialisation des stratégies anglaise, française et allemande.


    1. La Weltpolitik.


    Au début du XXe siècle, toutes les puissances mènent des programmes d’armement. L’Allemagne par ex. prévoit des plans d’invasion de la France et se construit une puissance navale.
    L’armement est alors un moyen non seulement de guerre, mais aussi diplomatique et technologique. Le but de chacune des puissances est de se donner les moyens d’une politique mondiale. (cf. le concept de Weltpolitik de Guillaume II : Pouvoir atteindre partout dans le monde par la diplomatie et les RI).

    Cette politique d’empire a réussi pour la GB, presque pour la France, pas du tout pour la Chine et le Japon. Les Etats-Unis ont une politique sur tout le continent américain qui leur a été dictée par le président Monroe en 1823, et que Jefferson a repris et adaptée depuis : d’abord affirmation que les Etats-Unis ne tolèreront pas la présence européenne sur leur continent, en défenseur républicains contre les monarchies anciennes, cette doctrine finit par considérer l’Amérique comme une zone de sécurité, d’où quelques conflits avec les puissances européennes dans les Caraïbes et en Amérique Centrale (Panama).

    Les puissances impérialistes connaissent quelques conflits (guerre des Boers, entre les colons hollandais et la GB ; guerre russo-japonaise en 1905), mais dans l’ensemble c’est une coexistence pacifique.


    2. « Splendide isolement » britannique et politique extérieure française.


    La GB est restée isolée jusqu’au milieu du XIXe siècle de tous les systèmes d’alliance, mais cette époque prend fin avec le tournant du siècle : accords avec le Japon en 1902, tentatives d’alliance avec l’Allemagne fin XIXe, et Entente Cordiale en 1904.

    La France s’étend dans les colonies dans les années 1890, sous l’impulsion d’un « lobby » qui pousse à l’extension. A la fin des années 1880, elle vise l’Asie du Sud Est avec Jules Ferry (Tonkin). Elle recherche des alliances, et partage des territoires coloniaux.


    B. Impérialismes et partages.


    1. Afrique franco-anglaise, Amérique nord-américaine ?


    Au Sud du Nil, la GB a mis en place une administration indirecte (« indirect rule ») qui assure son contrôle dans toutes ses possessions africaines.

    L’Italie colonise la corne de l’Afrique, en 1889 l’Erythrée devient italienne. Mais l’armée éthiopienne anéantit le colonisateur européen en 1896 (gros traumatisme pour les Italiens, cf. Mussolini avant la WW2)

    En 1898, la France et la GB se partagent le cœur de l’Afrique à Fachoda. Les territoires, délimités par les fleuves Congo et Nil, sont les derniers disponibles sur le continent.

    En 1910, la GB crée un nouveau dominion : l’Afrique du Sud. Mais celui-ci a coûté cher : 22000 morts britanniques et dette publique énorme, c’est pourquoi la politique impérialiste est remise en question.

    En 1848, les Etats-Unis s’emparent de moitié du Mexique ; et à partir de 1880, ils commencent à investir en Amérique Latine (même s’il reste beaucoup de capitaux britanniques). Ils se développent dans les Caraïbes (Porto rico). En 1903, Panama fait sécession de la Colombie et devient une république ; le canal est achevé en 1914, avec création d’une zone d’extraterritorialité gérée par les Etats-Unis. Il est inscrit dans la constitution panaméenne que ces derniers ont le droit d’intervenir militairement s’ils pensent que c’est nécessaire.


    2. Les limites en Asie et en Afrique du Nord.


    Les zones non colonisées sont très convoitées. L’Empire Ottoman s’affaiblit, il a déjà perdu l’Egypte. La Perse et la Chine sont toutes deux des empires vermoulus.

    En 1880, la Chine est obligée d’accepter l’internationalisation de plusieurs territoires.

    Le Japon a été forcé à s’ouvrir par l’Occident, mais du coup il a évolué, et lui aussi a des ambitions en Chine. Celle-ci est divisée en zones d’influences sans affrontement direct majeur. Mais en 1898, l’Allemagne débarque dans une province du Nord. Du coup, la Russie réclame le Nord, la France le Sud et la GB demande le Yantze. Le capitalisme pénètre en Chine avec une prépondérance britannique.

    En 1899, les Etats-Unis proposent une stratégie de la porte ouverte à la Chine pour commercer plus librement. La Russie refuse, des problèmes intérieurs soulèvent une rébellion. En 1900, la Chine est vaincue, et donc plus ouverte aux grandes puissances.
    La Russie et le Japon se battent 1905 pour le territoire de la Mandchourie.

    Dans l’Empire ottoman, on construit un train Bagdad-Istanbul, les intérêts concurrents s’accordent, et des banques allemandes et françaises investissent, alors que c’est plutôt une zone d’intérêts britanniques.

    Les rapports sont plutôt tendus au Moyen-Orient entre la GB et l’Allemagne, mais sans qu’il y ait de conflit

    On assiste donc à une mondialisation, une lutte d’intérêts concurrents sans guerre véritable.





    L’ordre Européen de la Première Guerre Mondiale – // Partie 1
    L’Europe, la guerre, le monde – // Cours 3



    I] Guerre et opinion : deux notions complexes.


    A. La guerre selon R. Aron.


    -> Aron (1905-1983) : agrégé de philo, prof à Sciences Po Paris, enseigne au Collège de France et à la Sorbonne.

    1940 : rédac chef de la revue « France Libre », publiée à Londres.
    1962 : Paix et Guerre entre les Nations.
    1976 : Penser la guerre.


    1. Guerre réelle, guerre absolue.


    Clausewitz, stratège allemand, écrit De la guerre : « la guerre est un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté ».

    « La guerre n’appartient pas au domaine des arts et des sciences mais à celui de l’Etat social. Elle est un conflit de grands intérêts réglés par le sang, et c’est en cela qu’elle diffère des autres conflits. »

    Pour lui, la guerre a tendance aux extrêmes de manière systématique et à prendre sa forme la plus absolue.

    Aron reprend cela dans la dialectique de la lutte : « la guerre est un acte de violence et il n’y a pas de limites à la manifestation de cette violence ». Celui qui refuse d’aller aux extrêmes et de recourir à certaines brutalités doit craindre que son adversaire n’ait pas les mêmes scrupules…Dans une guerre, celui qui ne va pas aux extrêmes risque de perdre.

    La volonté de l’ennemi risque tjrs de l’emporter sur les progrès de la civilisation.

    La guerre est un jeu ; moyen sérieux en vue d’un but sérieux.

    « La guerre n’est pas seulement un acte politique, mais un instrument politique. C’est une poursuite de la politique, une réalisation de celle-ci par d’autres moyens » (Clausewitz)

    Guerre réelle : guerre avec moyens politiques. Quand elle devient extrême, guerre de destruction, guerre absolue -> la violence poussée à l’extrême aboutit au moins au désarmement, voire à la destruction de l’ennemi.

    2. Diplomatie et stratégie : deux aspects complémentaires de la politique.


    — Diplomatie : art de convaincre sans employer la force.
    — Stratégie : art de contraindre et de vaincre au moindre frais.


    Conséquences : la supériorité militaire en temps de paix est aussi un moyen de convaincre. En temps de guerre, la supériorité militaire est le moyen d’aller jusqu’à la victoire, jusqu’au bout de la guerre.

    Ce sont deux aspects complémentaires de l’art de gérer le commerce avec les autres Etats au mieux de l’ « intérêt national ».

    Dualité : art de convaincre, art de contraindre. Mais dans la guerre, les perceptions et les représentations sont essentielles, la volonté peut faire basculer un équilibre. Exemple : la seule chance qu’avait Napoléon de vaincre le tsar Alexandre lors de la campagne de Russie était que le tsar s’avoue vaincu après la campagne de Moscou, ce qu’il n’a pas fait.

    Exemple 2 : en 1940, Hitler, après invasion de la France et martèlement de l’Angleterre sous les bombes, constate que l’Angleterre ne veut pas s’avouer vaincue, ce qui lui donne une capacité de résistance.

    Il y a une part non négligeable de psychologie dans la guerre.


    B. L’opinion publique et l’historien (Pierre Laborie).


    1. Le débat.


    Opinion publique incertaine mais représentation mentales dominantes des groupes d’individu au-dessus des attitudes différentielles. Jugement à partir des différents courants qui composent l’opinion publique : approche descriptive, un peu superficielle, qui s’attache à ce qui est le plus visible.

    On analyse à partir des images, des symboles que ces opinions publiques ont mobilisés (on s’y intéresse de l’intérieur). Stéréotypes, discours redondants, silences (de quoi les mots ne parlent-ils pas ?).

    Pour accéder au nouveau souterrain des mécanismes d’opinion, il faut essayer de voir les individus d’une époque dans un espace donné construisant leur monde. Or, c’est difficile d’accès.

    On parle d’histoire des représentations collectives. Si on ne comprend pas l’imaginaire collectif d’une société, on passa à côté de toute une partie de l’histoire. L’histoire ne peut pas s’arrêter au seul examen des faits établis, n’est jamais réductible aux reconstitutions d’événements a posteriori.

    La vérité mêle deux réalités :

    – Matérialité des faits établis.
    – Perception que les acteurs sociaux ont eue des événements qu’ils ont vécus, subis…

    Exemple : WWI : idée diffusée que les Allemands seraient partis « la fleur au fusil » (1e réalité).
    2e réalité : celle des anciens combattants, la guerre-boucherie, qu’il ne faut pas refaire.
    3e réalité : celle des historiens, engagement dans la guerre sans enthousiasme, plutôt par devoir.

    Exemple 2 : 6 février 1934, défilés des ligues patriotiques en France. Répression, mouvement de foule…
    Réalité des historiens : pas une insurrection, ils n’avouent pas l’intention de prendre le pouvoir.
    Réalité de gauche : danger, nécessité de former un front anti-fasciste.


    C. La naissance de l’Union Sacrée.


    En 1914, les mobilisations sont réussies presque partout. La police avait prévu des résistances (la IIe Internationale s’était prononcée contre la guerre), et avait prévue une liste des opposants à arrêter en cas de résistance (carnet B). Mais pas besoin. Poincaré est le premier à parler d’Union Sacrée (4 août 1914) ?

     Loyalisme ou silence.

    – La masse des mobilisés pense qu’elle a un devoir à accomplir, que la patrie est en danger.
    – Pendant l’été 1914, les socialistes n’ont pas élevé la voix (pas même Lénine) car il était évident qu’il n’y avait pas de perspective de soulever les masses ouvrières. Et la rapidité de l’ouverture du conflit+ conscience patriotique. La SFIO, comme les socio démocrates allemands, vont voter les crédits de guerre.

    Même position partout en Europe, pas de réaction notable.


    II] Guerre et relations internationales.


    A. 4 mois d’illusion d’une guerre courte.


    1. Une guerre courte, offensive et décisive dans tous les plans.


    En France, plan de Joffre, via l’Allemagne, la Belgique et le Luxembourg :
    Effort de guerre limité car choc frontal entre grandes puissances. Puissances secondaires négligées.
    3 problèmes se posent :

    — La cohésion nationale.
    — Gérer les relations entre pouvoir politique et militaire.
    — Diplomatie de coalition : rigidité dans les faits de guerre.


    2. La recherche d’un nouvel ordre international : coalitions et objectifs.


    A l’Ouest : supériorité allemande en août, et supériorité française en septembre. Fin septembre, il n’y a plus d’espoir de guerre courte, stabilisation des fronts : besoin de puissances secondaires

    A l’Est : Russes efficaces d’abord, puis défaits par l’Allemagne. Position figée en août-septembre.

    Autriche-Hongrie et Pologne instables dans la guerre, équilibre en août/septembre/octobre.

    — Les diplomates cherchent des alliances chez les neutres et définissent les objectifs de guerre.
    — Pour la France : récupérer l’Alsace-Lorraine occupées, combattre le militarisme prussien.

    Officieusement : acquérir de nouveaux territoires en Rhénanie, augmentation de la puissance et partage des colonies allemandes.

    — Pour la Russie : battre l’Allemagne, mettre la Russie en sécurité et acquérir des territoires prussiens et austro-hongrois.
    — Pour l’Allemagne : faire payer la guerre à le France (dettes de guerre) et interdire l’armement français pendant 20 ans. Annexer le Bénélux, le Danemark, la Pologne. Etre une puissance mondiale.


    3. Les mutations en Asie : Proche-Orient et Japon.



    Proche Orient :

    Empire ottoman endetté (Fr, GB) et faible, mais la Turquie se renouvelle (militairement et politiquement). Lié à l’Allemagne : moins dangereux que l’impérialisme français et britannique qui « possède » la Turquie, et moins que la Russie qui veut les Détroits et la Caucase.
    En août 1914, alliance avec l’Allemagne contre la Russie, mais reste neutre. Lors de la stabilisation des fronts, l’Allemagne pousse la Turquie à se battre. Déclaration de guerre de l’Empire Ottoman. Bombardement dans les ports russe de la Mer Noire.
    Mentalité : soit on gagne la guerre et on survit, soit on perd et on n’existe plus.

    Japon :

    Entre en guerre contre l’Allemagne, mais pour des objectifs régionaux (pas mondiaux). Accord en 1902 avec la Grande Bretagne. 1910, annexion de la Corée, il souhaite encore continuer le grignotage en Asie. En 1914, il veut récupérer les territoires allemands de la région. Ses alliés attendent son intervention en Europe, ce qui n’arrive jamais. Lors de la stabilisation des fronts, la guerre est quand même devenue mondiale.


    B. La guerre totale et longue.


    1. Fin 1914 : la diplomatie de l’inconnu (=aller plus loin).


    Le front s’est stabilisé à l’Ouest (= en France). Le prolongement de la guerre oblige la reconversion de l’économie vers l’économie de guerre : mobilisation totale.

    On évolue de l’idée de la paix négociée du vainqueur vers une paix dictée (écraser et piller l’adversaire). Apparition d’objectifs économique, car la guerre coûte cher. Besoin de tenir l’opinion publique-> Propagande interne et externe pour avoir des alliés. Les RI entrent aussi dans la guerre totale.


    2. La recherche de nouveaux terrains de guerre.


    — Pour l’Allemagne : concentre l’effort sur le front russe.
    -> La moitié de l’armée russe est hors de combat.
    -> Déplacement du front vers l’Est, mais l’Allemagne n’a pas les moyens de contrôler tout le territoire.

    — Pour les Alliés : pressions vers les détroits du Bosphore et des Dardanelles, et la Mer de Marmara pour que la Russie ne soit pas isolée.

    — Les neutres se font courtiser : Italie, Grèce, Bulgarie, Roumanie (pas l’Espagne ni le Portugal).

    o L’Italie est tentée par la France et la GB qui lui promettent des territoires austro-hongrois et ottomans en cas de victoire (seuls les territoires austro-hongrois l’intéressent).

    Au Proche Orient : La GB prépare son partage, se réserve certaines parties et commence à constituer un Etat arabe autour de La Mecque (début de l’importance du pétrole). La France veut une zone réservée autour de la Grande Syrie (Syrie+Liban). Ainsi l’Italie aurait des zones d’influence en Asie Mineure et des territoires austro-hongrois : un accord secret est signé en avril 1915 ; l’Italie déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie en mai, à l’Empire ottoman en août, et à l’Allemagne en août 1916.

    Mais l’Italie reste prudente et continue à marchander (l’opinion est réticente et pense que le pays s’est engagé trop tôt et avec trop peu d’avantages à trouver dans cette guerre).

    o La Bulgarie négocie avec l’Allemagne pour deux objectifs : contre la Serbie et contre la Grèce. Elle entre en guerre en octobre 1915 contre la Serbie, et c’est une défaite.

    o La Grèce reste neutre car l’opinion publique est défavorable, et l’armée est trop faible pour faire la guerre. Mais les Alliés débarquent à Salonique, si bien que la Grèce se retrouve sans avoir le choix à héberger des belligérants, qui ont l’intention de remonter jusqu’aux détroits.

    o La Roumanie est un petit pays qui n’ pas d’armée importante, surtout face à la Russie ou à l’Autriche Hongrie. Elle entre en guerre en août 1916 après l’affaiblissement de la Russie.


    3. La guerre économique.


    Partout, on observe une forte hausse du rôle de l’Etat et de son implication dans l’économie, même en GB pourtant libérale. Les deux camps se concertent entre eux pou leur politiques économiques, et la guerre devient économique dès 1915.

    Les Alliés veulent créer un blocus maritimes contre les Empires centraux, mais cela va contre les traités internationaux, et risque de poser des problèmes vis-à-vis des pays neutres.

    La guerre sous-marine, d’abord modérée, prend de l’ampleur à partir de janvier 1917, afin d’affaiblir les marchés de l’Entente.

    Chaque belligérant achète massivement dans les pays neutres, ne serait-ce que pour que ces marchandises ne puissent pas être achetées par l’ennemi.

    La guerre coûte de plus en plus cher. En 1915, la France est la première à faire appel aux Etats-Unis, même si la GB reste le « banquier de l’Entente » jusqu’en 1917, car elle dispose de grandes réserves. Mais en 1917, seuls les Etats-Unis ont les moyens d’aider les Alliés à payer la guerre.(ces relations vont déterminer l’après guerre…)



    C. Les basculements de l’année 1917.


    1. Figures de faiblesse.


    Le 12 décembre 1916, les empires centraux demandent une négociation, et Wilson aussi, ce qui est refusé.
    Au début 1917 se font sentir partout des « craquements » :

    — Les chefs militaires sont remplacés un peu partout. La cohésion nationale vole en éclat en Allemagne et en France, où les Parlements émettent des réserves sur les opérations militaires.
    — En France, 40000 soldats mutins au printemps 1917, 50 seront fusillés.
    — Grèves des ouvriers (et des ouvrières, qui représentent une force importante alors) qui ne suivent plus les exigences de la guerre, réprimés très vite.
    — Flottement dans les relations Fr-GB : avis divergents sur la politique de Wilson, et accords financiers différents avec les Etats-Unis.


    2. L’échec d’une nouvelle diplomatie.


    Révolution russe :

    1916-1917 : corruption, décrépitude, mauvais approvisionnement des troupes… La guerre n’est plus soutenue par l’opinion. Les ravitaillements ne sont plus assurés mais la France pousse la Russie à poursuivre la guerre.

    Mars 1917 voit l’effondrement du tsarisme. Un gouvernement provisoire est créé, et parallèlement se développent les Soviets. Kerenski veut faire la pais, mais n’y parvient pas. De toutes les façons, la Russie n’a plus les moyens de faire la guerre

    En novembre 1917 a lieu la deuxième phase de la Révolution : le « décret sur la paix » prône la paix en Europe, mais « sans annexions ni indemnités », ainsi qu’une diplomatie ouverte (sans secrets). Les premiers à répondre sont les Allemands, qui acceptent un armistice le 27 novembre 1917 afin de n’avoir plus qu’un seul front. Les négociations sont longues et difficiles, et l’Allemagne pose un ultimatum à la Russie le 18 janvier 1918. Celle-ci tente de résister un moment (subversion) et finit par céder (traité de Brest-Litovsk, mars 1918).


    3. Les objectifs américains de l’entrée en guerre.


    31 janvier 1917 : annonce de la guerre sous-marine à outrance par l’Allemagne.

    Wilson, pourtant réélu avec le slogan « il nous a maintenus en-dehors de la guerre », la déclare en mars 1917 à l’Allemagne. Causes de cet engagement : 3 bateaux coulés par l’Allemagne ; l’affaire du télégramme Zimmermann ; facteurs financiers : les banques ont beaucoup prêté à la Fr et GB, ce qui les met en état de dépendance financière et commerciale (et même en matière de politique extérieure). D’où propagande pour modifier l’opinion en faveur de la guerre.

    C’est d’autant plus facile que la Russie n’est plus dans l’alliance : principe d’aide aux démocraties.

    Cf. André Tardieu : « Les Américains sont de bonne foi pour aider les Alliés, mais ils veulent être les maîtres de cette aide et avoir un rôle correspondant. »
    Un but : devenir une grande puissance d’après-guerre. Les Etats-Unis ne rentrent pas en guerre pour soutenir la Fr et GB, mais pour leurs propres intérêts.

    Les 14 points de Wilson : une nouvelle diplomatie ?

    — Suppression des pouvoirs arbitraires.
    — Règlement des questions conflictuelles par les intéressés.
    — Il existe des « lois justes » dans les RI que les Etats-Unis peuvent faire appliquer.
    — Organisation de la paix par le tribunal de l’opinion (prise en compte de l’opinion publique par les négociateurs).
    — Les Etats-Unis se considèrent comme une puissance mondiale.



    Conclusion.


    En 1918, la Roumanie cesse le combat contre les Empires Centraux et occupe des territoires russes : changement d’alliance.

    L’Italie est démoralisée car la guerre stagne et qu’elle connaît de graves problèmes de restrictions d’alimentation… Cappoetto en octobre 1917.

    La guerre dépend du front français : le seul point de bascule des équilibres.

     Echec de l’offensive allemande du printemps 1918.
     Eté 1918 : évolution favorable aux Alliés. Création d’un commandement conjoint effectif .Front politique commun avec Lloyd Georges, Clemenceau et Orlando.
     Wilson n’envisage plus de compromis.

    L’ordre Européen de la Première Guerre Mondiale – // Partie 1
    Propagande et opinion dans le monde – // Cours 4



    Introduction : La guerre et le renforcement de l’autorité de l’Etat.


    I] La naissance de la propagande moderne et occidentale : les structures générales.


    A. Le rôle de l’Etat : le modèle allemand face aux réticences et à l’inexpérience française.


    1. Le modèle allemand d’une organisation publique.


    Avant 1917 : seule l’Allemagne possède une organisation publique de propagande. « Auswärtides Amt » possède une division de la presse chargée d’influencer l’opinion. La section SB, chargée politique et renseignement, doit veiller au moral de l’armée et l’encadrer.

    Cette dualité provoque des rivalités et des paralysies, car souvent la politique de ces deux instances est différente.

    En 1917 : Lüdendorf crée le « Deutsche Kriegsnachrichten » : théâtre, divertissements, bibliothèques, presse…pour soutenir le moral des armées et développer le civisme de la population allemande.

    Le haut commandement crée aussi une presse de guerre avec trois services : la censure, l’information intérieure et l’information extérieure.

    Notion de « bobard » : nouvelles en permanence victorieuse, mais pas réelles…

    Les résultats sont mitigés :

    Réunion des différents ministres de propagande pour améliorer les services d’information, mais le public n’est pas dupe : il connaît les journaux à la solde du gouvernement et les boycotte.

    Maladresses, exemple : « les restrictions alimentaires sont excellentes pour la santé », ou encore l’envoi de journaux allemands anti-danois au Danemark…

    Thèmes principaux de la propagande :

    — L’Allemagne est présentée comme un peuple.
    — Thème religieux (« Dieu est avec nous »).
    — Idée que l’Allemagne n’est pas responsable de la guerre (on cherche à dissocier).

    En général, position défensive, peu d’initiatives : on répond à la propagande ennemie.


    2. L’inexpérience française et les résultats limités.


    Rien n’est prévu pour la propagande à l’extérieur en 1914, c’est donc pris en charge par des organismes privés (Alliance Française, Comité Michelet, Comité Catholique pour la Défense du Droit). Initiatives privées avec subventions gouvernementales ; appui des Chambres de Commerce françaises à l’étranger.
    (Comité Michelet : républicains opportunistes, laïcs).

    Alliances Française : organisme laïc qui enseigne le français à l’étranger, créé en 1884, mal connu car peu étudié + archives prises par les Allemands et les Soviétiques lors de la WWII, dont on n’a toujours pas récupéré l’intégralité.

    En 1916, création de la Maison de la Presse (on n’utilise pas le mot propagande). L’Etat-Major met en place un « Service Autonome de Documentation ».

    Ces deux organismes dirigent leurs efforts vers l’étranger neutre… mais sans grande efficacité, notamment le cinéma qui est considéré comme une propagande éhontée. En revanche la propagande en direction de l’ennemi est plus efficace : on mène une guerre psychologique, notamment par le biais de largage de tracts par avion.

    Propagande intérieure.

    1914, 1915, 1916 : elle est faible, souvent incohérente et peu efficace. Cf. la stratégie des fausses nouvelles, en général démentie quelques jours après, ce qui a finalement un effet désastreux pour le moral.

    Les récits héroïques, nombreux, fonctionnent un temps mais font long feu.

    Augmentation radicale de la censure :
    Le 4 août 1914, création de Bureau de la Presse : censure surtout militaire au début mais qui devient de plus en plus politique, et plus efficace. Censure des actes d’insubordination, les mots « paix », « négociations », etc., sont interdits, voire condamnés. On parlera peu des arrestations et des jugements (censures)
    Echec des films de propagandes, les gens non seulement n’adhèrent pas, mais remettent en question, du coup il y a une contre productivité du cinéma de propagande.


    B. Les initiatives des particuliers à l’origine : les propagandes anglaises et nord-américaine.


    1. L’Angleterre, de l’initiative privée à Crewe House.


    En Angleterre, des groupes et des associations de citoyens vont se mobiliser et répandre des publications patriotiques contre le pacifisme (le souvenir de la guerre des Boers fait que l’Angleterre est le seul pays européen qui doit affronter vraiment des revendications pacifistes).

    Un comité central privé pour l’organisation patriotique se met en place, qui se fait représenter par des parlementaires qui relaient leurs idées à la Chambre de Communes. Ces forces privées lancent maladroitement des fausses nouvelles.

    Le gouvernement britannique réagit en créant un Bureau de la Presse (censure qui oriente les journaux). On cherche à éviter la diffusion de « bobards ».

    En 1916 est fondé un organisme secret de propagande (Wellington House), qui dispose d’un réseau à l’étranger, payant des conférenciers pour militer en faveur de la guerre (beaucoup vers les Etats-Unis). –> propagande psychologique.
    L’information est plutôt régie par le Foreign Office.

    A l’intérieur, le Comité National de Guerre est chargé de « sentir » l’opinion publique et de la faire réagir.

    En 1918 est mis en place un comité de propagande politique qui doit régir tous les autres : Crewe House, qui fait une propagande systématique.
    Les idées sont assez simples :

    — On ne ment pas.
    — On expose des faits plutôt que des idées (c’est pourquoi on présente beaucoup de cartes, de statistiques, de photos…).
    — On concentre les efforts vers l’ennemi : beaucoup l’Autriche-Hongrie, qui est très mal en point ; ou vers les prisonniers de guerre allemands (pour démoraliser à travers la correspondance).

    Cette politique se révèle plutôt efficace : les archives allemandes constatent la progression de la confusion en 1918.

    En Autriche Hongrie, les troupes sont démoralisées avant même d’être défaites.


    2. Les moyens de mobilisation nord-américaine.


    La situation est particulière car il faut tout construire à partir de rien, on passe par des organismes particuliers.

    Il y a un traumatisme national du fait de la guerre de Sécession (pendant les années 1860, donc encore très présente dans les souvenirs). Si bien qu’un fort sentiment pacifiste habite les Etats-Unis en 1914.
    Au début, on cherche à faire croire qu’on peut entrer dans la guerre sans faire la guerre.

    De plus, les Etats-Unis sont confrontés au problème des communautés (la grande majorité des nord-américains sont des immigrés de 1e, 2e ou 3e génération, et restent proche de leur pays d’origine). Mobilisation anglo-saxonne contre allemande…

    La presse aussi est partagée en 1914 entre interventionnistes (Pullitzer) et isolationnistes. Elle revêt à l’époque un poids essentiel (cf cours n° 2).

    Face aux initiatives individuelles, l’administration crée le Comitee of Public Information (CPI), mais cette innovation est ressenti très antidémocratique. Si bien qu’on le sépare du corps politique, lui laissant ainsi une très grande autonomie et une souplesse importante. En revanche, ce caractère ne lui laisse aucun moyen officiel de pression.

    Il est divisé en deux sections :

    — L’une extérieure, qui a des visées et des actions mondiales (c’est la première fois dans l’histoire que les Etat Unis se dotent d’un moyen d’intervention à l’échelle universelle).
    — La section extérieure pousse les immigrants à faire figure de loyauté : on est patriote américain avant tout.

    Apparition des « five minutes men », capables en tout lieu et toute circonstance de prendre la parole pour faire un discours patriotique.

    Le CPI édite des brochures, produit des films, organise des grandes manifestations à l’intérieur du pays…il organise une TSF vers l’étranger, qui développe de grands mythes : croisade pour la paix, la justice…


    C. De l’énergique censure russe à la propagande révolutionnaire.


    1. L’autoritaire censure russe.


    Dès avant la guerre, l’Etat impérial déporte un million de juifs et d’Allemands vers l’intérieur du pays (idée qu’ils seront plus facile à contrôler loin des frontières allemandes). Lorsque la guerre pénètre plus avant dans le territoire, on déporte les populations du Caucase vers l’Est et le Nord.

    Un comité de lutte contre l’influence allemande est mis en place, on exerce de fortes pressions anti-allemandes à la Douma (certains demandent la déportation de tous les Allemands). En 1915, un pogrom décime la population allemande de Moscou, on déporte des Allemands au-delà de la Volga.

    L’Allemagne fait de même avec les populations conquises par son avancée : on éloigne les gens du front afin qu’ils fournissent une main d’œuvre bon marché, et imagine même un programme de colonisation des territoires conquis.

    L’Etat impérial espionne la population, notamment par le biais de la bureaucratie et de la censure postale qui est systématique.

    En fait, tout ceci n’est que l’aggravation d’une organisation qui existe depuis les révoltes de 1905, depuis que le pouvoir se sent menacé…
    En 1915, la censure n’est plus seulement militaire mais aussi politique.

    On observe de surcroît une « auto-mobilisation » de la société russe pour légitimer la guerre et soutenir le moral de la population, et le développement d’une culture technocratique.


    2. La propagande révolutionnaire.


    En 1916 est créé le Comité du Facteur Moral, organisme officiel noyauté par des révolutionnaires ; ainsi que le Comité de Propagande auprès du Soviet des Travailleurs Intellectuels.

    Lorsque les bolchéviks parviennent au pouvoir, ils créent l’Osway, chargé de l’information et de l’agitation. L’idée se développe qu’il ne peut y avoir de propagande sans un apport de formation. L’Osway édite des cartes de météorologie politique.

    La propagande développée par les bolchéviks est persuasive et émotionnelle :

    — Persuasive : traduction des directives depuis le sommet de la hiérarchie vers le bas.
    — Emotionnelle : décidée au niveau du Parti vers la masse (agitation…).

    Trois méthodes de propagandes sont définies par Lénine :
    — La révélation politique dénonce des faits concrets.
    — Le mot d’ordre : un leitmotiv partout repris.
    — La participation à l’action : les sujets deviennent des instruments de propagande.

    Deux différences fondamentales avec l’Occident :

    o Pour les marxistes, la guerre est permanente, de sorte que la propagande doit l’être aussi, et repose sur une prise de conscience.
    o Les marxistes font de la propagande totale, qui cherche la subversion générale. Une idée est à le base de ça : le nouvel homme qu’on cherche à atteindre ne viendra pas tout seul, il faut l’extraire du contexte social.

    Les Bolcheviks en appellent à la classe ouvrière à l’étranger (Internationale) pour préparer des soulèvements nationaux et pour affaiblir les mouvements militaires au moment de la fin des hostilités (idée que les pays capitalistes risquent de se retourner contre la Russie Soviétique).

    A l’intérieur, les Bolcheviks cherchent à identifier l’ennemi : les Blancs, les adversaires de la Révolution, et les populations qui veulent accéder à l’indépendance.

    On cherche surtout à atteindre l’armée et les élites ouvrières avec cette propagande, mais on essaye aussi de diffuser les idées révolutionnaires vers les milieux ruraux.


    D. La difficile mobilisation de l’opinion italienne.


    Cf. poly.

    La propagande est difficile à mettre en œuvre face à une opinion qui rentre difficilement dans la guerre, convaincue de l’échec de l’entrée en guerre (trop tôt, avec des moyens insuffisants…).
    Les structures de propagande sont informelles.


    II] La guerre et l’opinion : l’exemple français.


    A. L’épreuve de la guerre.


    1. Le mythe français de la belle époque.


    Mythe construit après la guerre de 1870 : à l’époque la France comprend qu’elle n’est pas une puissance hégémonique en Europe, ni militairement, ni économiquement. On développe alors une vision « culturaliste » de la France, idée qu’ « on est les meilleurs en culture ». Orgueil d’avoir abrité les penseurs des Lumières, les grands écrivains du XIXe siècle…

    L’idée d’un orgueil légitime se développe, on construit fin XIXe cette représentation culturelle de la France qui fonctionne encore… Mais c’est un modèle par défaut, qui s’impose parce que les autres ne fonctionnaient pas.


    2. Nationalisme et répression du pacifisme.


    Au début de la WWI, il faut réprimer les pacifistes à titre préventif (cf. le « carnet B », liste des gens qu’il faudrait peut-être arrêter lors de la mobilisation, finalement pas utilisé par la police).

    La presse est censurée, et cette censure s’effectue beaucoup d’elle-même (d’autant plus que nombre de journalistes sont au front, et le nombre réduit qui reste est plus facile à surveiller).

    Pour faciliter cette censure, le papier est très vite déclaré matériel stratégique, on a donc moins de journaux, et de plus petite taille.

    L’Union Sacrée fait que les journaux s’autocensurent, et cessent unanimement d’être opposés à la République.

    Le 30 juillet 1914, on instaure la censure télégraphique ; l’état de siège est décrété le 2 août ; le 3 août on crée le Bureau de la Presse au Ministère de la Guerre, et le 5 août, une loi de la presse prévoit une mise en demeure des journaux.

    Cela fonctionne si bien que l’état-major allemand ne parvient pas à savoir quel est l’état de l’opinion française.

    On appelle cette censure « Anastasie » (par homophonie avec anesthésie, car elle anesthésie l’esprit de la population.). Elle rend possible la propagande et la désinformation.
    Elle est surtout efficace de 1914 à 1916, ensuite les gens se lassent et ne croient plus tout ce qu’on leur raconte.

    La censure est politique et diplomatique : le Bureau de la Presse reçoit ses information du Ministère de la Guerre, du quartier général et des différents ministères (en particulier celui des Affaires Etrangères).
    D’une façon général, les journalistes se plient à la censure, même si on connaît quelques écart (le Bonnet Rouge, revue socialiste, désobéit le premier, il sera poursuivi). Si un journal n’applique pas la censure, ses numéros sont saisis (Le Petit Parisien).

    Buts de la censure : atténuer les crises sociales et minimiser le pacifisme. Après 1917, de nombreux journaux sont suspendus ou saisis, y compris L’Homme Libre, de Georges Clemenceau. Ce dernier a beau être un adversaire de la censure, il va être l’un des artisans d’une censure plus dure à l’automne 1917…

    Lors de l’été 1918, la presse minimise les succès obtenus par les victoires de l’Entente : il faut ménager l’opinion au cas où il y aurait un revirement de situation…toujours dans l’objectif d’atténuer les crises sociales.

    En matière diplomatique aussi, l’information est contrôlée : ainsi on ne sait rien des tractations avec l’Italie, et même lorsqu’elle entre en guerre, les journaux en parle très peu, car on n’est pas sûr que l’Italie soit vraiment très efficace…
    Dans le même ordre idée, on ne sait presque rien des événements qui se passent en Russie en 1917.

    La propagande :

    Il y a une pénurie d’information qui oblige les journalistes à broder, certains sont même chargés uniquement de broder sur le peu de choses que l’on sait se passer ; c’est ainsi qu’à l’époque les éditoriaux, très peu utilisés auparavant, font leur apparition dans la presse.

    On occupe les pages avec du « bourrage de crâne », des récits héroïques ; Guillaume II et le prince héritier sont les deux boucs émissaires de la presse. Ceci va provoquer une rupture entre la société civile et les combattants, car si les civils, loin des réalités de la guerre, acceptent de croire ce qu’on leur dit ; les soldats, confrontés à la réalité, sont révoltés de voir tous ces mensonges (ce phénomène a lieu partout en Europe). Ils développent l’idée que la presse ment, idée qui va leur rester après la guerre. La presse après la 1GM va perdre la crédibilité qu’elle avait avant 1914.

    A l’étranger, la propagande est surtout dirigée vers les neutres :

    A partir de 1915, l’Entente travaille de plus en plus vers les Etats-Unis.
    En 1916, la Maison de la Presse organise des conférences, des pièces de théâtre, etc. aux Etats-Unis.


    B. L’impiété de la guerre.


    1. L’angoisse de l’inaction.


    En 1914, les intellectuels participent à la guerre ou bien se taisent, mais personne ne s’oppose violement à la guerre. De plus, l’inaction leur pèse, et la plupart de ceux qui n’ont pas soutenu la guerre dès le début vont se mettre à la défendre assez vit. Ainsi Anatole France, qui s’est tu en 1914 et à repris la plume en 1915. Les intellectuels ne résistent pas longtemps au patriotisme.


    2. Action patriotique et action pratique.


    L’Académie Française participe à la chambre Bleu Horizon.

    Deux directions :

    — Exaltation par les académiciens des outils de la guerre, en particulier de la baïonnette, afin de légitimer la boucherie. Cf « baïonnette, tellement nationale et tellement française ».
    — Les femmes d’académiciens organisent dans les locaux de l’Institut de France des ateliers pour les femmes sans ressources pour qu’elles puissent travailler (confection d’habits, etc.), pendant qu’elles-mêmes leur lisent des récits patriotiques…

    L’Ecole Normale Supérieure, censée être le temple de la jeune intellectualité française, milite contre la « brutalité de l’Allemagne ». Ils démolissent la culture allemande en la décrivant comme une culture de sauvage.

    C. L’action « intellectuelle ».
    1. Contre le silence intellectuel.
    L’idée se développe que la pensée française continue à exister même si tous sont dans les tranchées.

    Maurice Barrès (que certains vont appeler le « rossignol des carnages », ou l’ « ordonnateur des pompes funèbres nationales ») va écrire entre 1914 et 1918 près de 6000 pages, soit 14 volumes de propagande de guerre. Il écrira notamment dans l’Echo de Paris, tiré à un demi million d’exemplaires, de nombreux articles pour vanter la guerre. En 1918, même si lui-même ne croit plus vraiment à ce qu’il écrit (comme il l’a écrit dans ses carnets intimes), il continue encore son œuvre de propagande. Le Canard Enchaîné, à l’époque presque clandestin, le surnomme « Chef des bourreurs de crâne ».

    Gustave Hervé, un socialiste internationaliste poursuivi au début du siècle pour avoir exhorté les peuples à mettre les drapeaux nationaux dans le fumier, devient très patriote en août 1914. Il transforme son journal, La Guerre Sociale, au titre pourtant évocateur de ses idées socialistes, en La Victoire.
    S’il s’agit de faire continuer à exister la culture, il faut aussi songer à défendre l’Université. La plupart des étudiants et des professeurs sont au front, du coup les vieux professeurs sont rappelés, et les profs d’université, généralement plus âgés, et donc plus nombreux à être restés, vont donner des cours à la fois en université et à l’école, afin que l’éducation et la culture puissent continuer.


    2. La guerre de la ‘Kultur’ et l’enjeu kantien : l’exemple d’un début de guerre.
    On décide qu’il y a deux cultures allemandes : avant et après Kant. Avant Kant, la culture allemande est appréciée, lui-même est encore considéré comme un « bon » Allemand : il avait été influencé par la Révolution Française et était fasciné par le personnage de Napoléon.
    Mais depuis Kant, on considère que la Prusse a pris en main la culture allemande, qu’il y a eu un virage agressif et nationaliste avec Hegel et Fichte en particulier.


    Les Réactions :
    — Les naturalistes, avec Maurice Genevoix qui écrit en 1916 Sous Verdun, le premier roman qui décrit la guerre de façon réaliste. Ou encore Maurice Duhamel écrit Vie des martyrs, qui décrit la guerre et Civilisation 1914-1917 (prix Goncourt en 1918) dont le titre montre bien que l’idée de déclin de la civilisation occidentale commence à marquer les esprits. A ce moment, non seulement on peut écrire des œuvres crues, mais en plus elles sont primées…

    — Les pacifistes, dont le nombre augmente au fur et à mesure que la guerre dure (sans toutefois être jamais très nombreux). Un certain nombre de députés sont arrêtés, puis jugés, et parfois exécutés pour pacifisme. Henri Barbusse, qui sera un communiste actif durant l’entre-deux-guerres, est engagé volontaire en 1914 comme brancardier… En 1916, il publie Le feu, journal d’une escouade, qui n’est pas censuré car il ne prononce pas le mot « paix ». Il est très marqué par la notion de fraternité, surnommé le « Zola des tranchées ». Il est le symbole de ces intellectuels touchés par l’horreur de la guerre après y avoir adhéré. Il reçoit le prix Goncourt en 1917.

    Il y a aussi des pacifismes plus déclarés, comme Romain Rolland, prix Nobel de la littérature en 1916 (le Nobel est une institution suédoise, donc neutre, elle peut donc primer qui elle veut…). Il est strictement censuré en France, et publie le 22 septembre 1914 « au dessus de la mêlée » dans un journal suisse, où il avoue ne pas vouloir rentrer dans la mécanique de la guerre. Mais cela n’arrive pas jusqu’en France à cause de la censure. En 1916, sa position est plus radicale encore, plus internationaliste, et même en Suisse il est surveillé.