Histoire du droit et des institutions

Introduction à l’histoire du droit, des Institutions et des faits sociaux

L’histoire du droit est une discipline ayant pour objet l’étude du droit et de son évolution au fil du temps.

L’Histoire des Institutions et des faits sociaux est l’étude des institutions forgées par les faits sociaux

Une institution, dans le langage usuel est quelque chose d’établi par les Hommes. Par exemple le mariage, la monarchie ou la famille.

Les institutions sont donc les structures fondamentales d’organisation sociale établies par la loi ou par la coutume d’un groupe humain considéré.

Il se rattache à l’institution une idée de réglementation. Entre autre, qui dit institution dit réglementation. Par ailleurs, le mot « institution » contient une idée de continuité, de durée. Il s’agit d’établir quelque chose qui demeure et qui perdure dans le temps. Une institution a donc la possibilité d’évoluer au cours du temps, il ne s’agit pas de quelque chose de statique ni de figé. Elle peut très vite évoluer. Etudier une institution revient à étudier la société qui l’a créée ainsi que celle qui l’a détruite.

Résultat de recherche d'images pour "histoire droit"

On distingue deux catégories d’institutions

⁃ Publiques : celles qui règlementent l’organisation de l’Etat, le gouvernement, le parlement… (Droit Constitutionnel)

⁃ Elles régissent les rapports de l’Etat et des individus. Elles règlementent les rapports des Etats entre eux. (Droit International)

⁃ Elles régissent les administrations. (Droit Administratif)

⁃ Privées : elles concernent les relations juridiques entre les individus, entre particuliers. (Droit Civil & Droit des Affaires)

N.B : On ne peut étudier les institutions en dehors de leur contexte, c’est à dire que l’étude des faits sociaux est indispensable à l’étude des institutions.

Il faudra donc examiner les mouvements sociaux, religieux, culturels, économiques… soit, l’évolution des sociétés et de leur Institutions.

Au Premier Semestre nous allons étudier les relations entre le droit et le pouvoir.

Le droit est l’ensemble des règles, assorties de sanctions qui ordonnancent les intérêts des hommes dans leurs rapports sociaux.

REMARQUE: Le droit ne conseille pas, ne recommande pas. Il impose, il dicte, il fixe des règles. Le droit est une science narrative.

REMARQUE 2: La matière du droit est formée par divers intérêts qui s’opposent dans tous les rapports sociaux. L’intérêt est tout ce qui importe l’homme (intérêt matériel, spirituel ou moral…). Si les intérêts n’étaient pas contrôlés, ce serait une cause de désordre à la fois social, politique, moral… Le rôle du droit est de concilier et d’ordonner les intérêts pour éviter les conflits. Le droit va préciser dans quelles mesures, quelles conditions, chacun peut faire valoir ses intérêts.

Les règles de droit forment les cadres de l’activité humaine.

Les règles juridiques sont assorties de sanctions qui émanent de l’autorité publique, elles proviennent de l’Etat. Une règle sociale ne devient que règle de droit lorsque le pouvoir met en place une sanction. C’est l’autorité publique qui crée le droit qui fait le droit et qui le légifère.

Tout cela a pour origine l’Antiquité Romaine. A Rome, il existait un pouvoir détenu par le peuple ou par l’Empereur. Ils étaient les créateurs du droit mais il devait rester soumis à la règle juridique. La conception d’une primauté absolue de l’Etat sur le droit n’est concevable que dans une société où il existe un système étatique fortement structuré comme l’a connu le monde romain. Cette conception va changer à la suite des invasions Germaniques au Ve siècle après J-C. En effet, la conception qui va dominer au Moyen Age n’est pas la primauté de l’Etat sur le droit mais la primauté du droit sur l’Etat. Ce renversement va efficacement freiner l’affirmation de l’Etat, ça va gêner la remise en place d’un Etat fort. Dans cette nouvelle société, le droit ne dépend plus de l’Etat pour exister, c’est même l’inverse, l’Etat n’est plus qu’une simple manifestation du droit. Le droit est un instrument de médiation entre ceux qui gouvernent et ceux qui règnent. Il est révélateur d’un pouvoir exercé un moment donné sur un territoire donné.

Au Second Semestre nous étudierons l’Evolution De La Société à la fois juridique, économique et sociale.

Enfin, abordons le cadre chronologique du cours

Fin du Ve siècle avec la sédentarisation en gaule-romaine d’un peuple germanique: les Francs. Ceci jusqu’au Xe siècle.

Cette période Franque est intéressante car c’est de la rencontre des traditions germaniques et gallo-romaines que vont naître des traditions françaises.

C’est à cette période qu’apparaît le mot « Francia » qui symbolise l’ancienne Gaule.

Charlemagne qui voulait mettre en place un système d’Etat a vu son souhait devenir vain compte tenu des mentalités qui n’étaient pas prêtes pour un tel système. C’est en 987 avec l’avènement d’Hugues Capet qu’un nouveau système prend forme au sein de la société. Il s’agit de l’entrée dans le Moyen Age où jusqu’au XIIe siècle prend place le système féodal qui consiste en un éclatement de la société en petits groupes sous la protection d’un seul individu: le Seigneur. Cette société ignore la notion d’Etat. A partir du XIIe siècle, c’est une période de renouveau où la Royauté va réussir à assoir sa domination et va faire resurgir la notion d’Etat. Du XV au XVIII e siècle on assiste donc à la période de l’Ancien Empire qui clôturera le cours

I – L’Epoque Franque: Le Pouvoir Personnel et L’Anarchie.

Cette époque Franque dure plus de cinq siècles, elle débute avec la chute de l’Empire Romain d’Occident en 476 aussi nommée période du Haut Moyen Age. A la fin du IV e siècle, l’Empire Romain a été divisé en deux parties:

⁃ L’Empire Romain d’Orient dont la capitale était Byzance, puis Constantinople puis aujourd’hui Istanbul,

⁃ L’Empire Romain d’Occident dont la capitale était Rome.


Seulement, en 476, L’Empire Romain D’Occident s’effondre. Les Empereurs désignés par les barbares qui détiennent les armées menés par le général Odoacre déposent le dernier Empereur de Rome Romulus Augustule. Par contre, l’Empire Romain D’Orient subsistera jusqu’au XV e siècle: 1543 après J-C. C’est la prise de Constantinople par les Turcs.

La période Franque prend fin en 987 avec l’avènement d’Hugues Capet, fondateur de la dynastie Capétienne. Cette période connait deux importantes dynasties, celle tout d’abord des Mérovingiens puis ensuite, celle de Carolingiens. Elle est marquée par la sédentarisation des Francs. On peut donc se demander comment se fait-il qu’un seul peuple ait réussi à s’implanter et se sédentariser ?

Le second moment qui marque cette période

Le dernier moment marquant de cette période est la chute de l’ordre et de l’unité après la mort de Charlemagne, le monde est en déclin et dérive vers la féodalité.

CHAPITRE I – L’ETABLISSEMENT DE LA MONARCHIE FRANQUE.

Section I: LES DONNES HISTORIQUES.

§1: Les invasions germaniques et la formation du Royaume Franc.

REMARQUE: Le terme « invasion » peut prêter à confusion: ne voyons pas là de la part des peuples barbares la volonté de conquête militaire mais plutôt la volonté de migrer. Il ne faut pas penser que ces peuples se sont contentés uniquement de la Gaule Romaine, ils se sont aussi installés ailleurs. Les Romains appelaient « barbares » tous les peuples étrangers à leur population. Ils étaient entourés à l’extérieur de l’Empire. Tantôt ils repoussaient les invasions, tantôt ils utilisaient les barbares comme alliés.

L’élément déclencheur des invasions est l’arrivée à la fin du IV e siècle de peuples asiatiques venus de Mongolie: Les Huns. Cette arrivée va ébranler toutes les tribus germaniques. Il va y avoir une première vague qui englobera toute une série de peuplades: les Alains, les Suèves et les Vandales. Ces peuples traversèrent la Gaule puis ensuite l’Espagne avant de s’installer en Afrique du Nord. Autres peuplades intéressantes, les Goths et les Wisigoths (Goths de l’Ouest) qui pénétrèrent dans l’Empire et s’installèrent en Aquitaine. Les Wisigoths vont constituer un royaume indépendant qui va de la Loire jusqu’au sud de l’Espagne, Toulouse est l’une des capitales du royaume. Enfin, dernier peuple, les Burgondes qui viennent des îles de la Baltique qui s’installent provisoirement en Rhénanie, quant aux Francs (en bon terme avec les Romains) ils occupent la Belgique et la Gaule du Nord.

La deuxième vague a lieu au milieu du Ve siècle. Sous le commandement d’Attila, les Huns franchissent le Rhin et déferlent sur la Gaule. Ils sont cependant stoppés près de Troyes par un général Romain nommé Aetius. Aetius a fédéré tous les germains contre les Huns, il est l’homme providentiel et installe les Burgondes en Savoie. Ce peuple constitue son royaume qui englobe la vallée de la Saône et du Rhône, ils fondent ce qui est aujourd’hui la Bourgogne.

Puis, il y a une troisième et dernière vague de migration: l’invasion Franque. Dans la seconde moitié du Ve siècle, les Francs occupent le Nord de la Gaule jusqu’à la Loire puis en 486, les choses se précisent. Le chef de la tribu des Francs Saliens, Clovis, défait à Soissons le dernier représentant de l’Empire Romain: Syagrius. Après 486 et la disparition de l’ultime trace de l’Empire Romain, les Francs vont conquérir une grande partie de la Gaule. Cette conquête a été profondément facilitée par la conversion en 496 de Clovis au catholicisme. Cette conversion apparaît comme un acte politique fondamental. (N.B: La femme de Clovis, Clotilde, et l’évêque de Reims ont joué un très grand rôle dans la conversion de Clovis). En effet, depuis son baptême, Clovis devient le défenseur de la foi chrétienne contre les autres barbares: les Wisigoths et les Burgondes. Ceux-ci sont en effet convertis mais sont adeptes de l’arianisme (Arius) ce qui constitue à l’époque une hérésie (pour eux, le Christ n’était pas Dieu). Cette doctrine a été déclarée hérétique au Concile de Niée en 325. A ce moment là, les évêques de Gaule se tournent vers Clovis et vont favoriser ses projets d’extension. En 500, près de Dijon, Clovis défait le roi des Burgondes: Gondebaud. Et, en 507, il est vainqueur des Wisigoths près de Poitiers. Les Royaumes barbares concurrents sont donc éliminés et la plupart des territoires de la Gaule sont occupés par les Francs. Ceci constitue le début de la dynastie de Mérovingiens.

§2: Les dynasties Franques ou races.

A – Dynastie Mérovingienne 481-751

Cette première dynastie a été fondée par Clovis mais tire son nom de Mérovée, la famille dont Clovis est issu. Clovis est devenu roi des Francs Saliens en 481.

Il était un grand chef militaire mais à sa mort son rêve d’unité politique va être compromis. Ses trois fils se partagent le royaume et se font la guerre parce que chacun souhaite le pouvoir. Ces querelles favorisent les ambitions de l’aristocratie et maintiennent voire accentuent les tendances séparatistes.

Dagobert (629-639) essaie de maintenir l’unité mais à sa mort on entre dans la période dite des « Rois Fainéants ». Le pouvoir passe alors aux mains de l’aristocratie et le gouvernement est exercé par le premier officier du Palais Royal. On lui donne le titre de « Maire Du Palais ». C’est de l’une de ces familles que provient la deuxième dynastie.

B – Dynastie Carolingienne 751-987

Cette dynastie doit son nom au plus illustre de ses représentants, Charlemagne. Néanmoins, dans quelles conditions les Carolingiens ont-ils pris le pouvoir ?

En 732, le Maire du Palais Charles Martel arrête les Arabes à Poitiers et les refoule en Espagne. Il est alors considéré comme le sauveur de l’Eglise ce qui accroît son autorité. Cependant, il n’ira pas plus loin. C’est son fils, Pépin le Bref qui tire les conséquences juridiques de cette situation et, avec l’appui du Pape, détrône le dernier mérovingien (il l’enferme dans un couvent après l’avoir tondu). Le Bref se fait couronner roi en 751. Pour légitimer son usurpation, Pépin a recours au sacre. Le sacre apparaît ainsi pour la première fois dans l’Histoire du Droit Public.

A l’époque de Charlemagne un effort d’unification se fait sentir. Il a régné de 768 à 814, c’est l’époque de la « Renaissance Carolingienne ». C’est la période où on retrouve l’idée d’Empire. On retrouve le souci constant d’unifier. Charlemagne se fait couronner Empereur en l’an 800 par le Pape Léo III. Mais le successeur de Charlemagne, Louis le Pieux qui règne de 814 à 840, est le précurseur de la dés-unification de l’Empire. Le déclin s’amorce et les ambitions de l’aristocratie augmentent. En 843, l’unité de l’Empire disparaît avec le partage de Verdun: il est partagé entre les trois fils de Louis Le Pieux. A partir du milieu du Xe siècle, c’est l’ère de la décadence. Les carolingiens sont incapables de s’imposer aux invasions et c’est l’aristocratie qui assure la défense des populations au plan local. S’amorce par conséquent la construction des Châteaux Forts. C’est de l’une des familles de l’aristocratie que vont sortir les Capétiens et Hugues Capet. Il est élu Roi par les grands de l’aristocratie.

3§: Les Grands Evènements Historiques de cette Société.

Tout d’abord, les invasions Arabes. Avant de mourir en 632, Mahomet avait demandé aux fidèles d’étendre l’islam partout: base de la « Guerre Sainte ». Les Arabes vont conquérir la Syrie, l’Égypte, la Perse et le Turkestan. A la fin du VII e siècle, ils s’emparent de l’Afrique du Nord, et en 711 franchissent le détroit de Gibraltar (Gibel-Altarek).

Ils passent donc à la conquête de l’Espagne. Les rois Wisigothiques de l’Espagne sont caducs et l’islam s’abat sur toute l’Espagne. Les Arabes traversent les Pyrénées mais sont stoppés à Poitiers par Charles Martel en 732. Les Arabes retournent ensuite en Espagne.

Evènements Carolingiens:

⁃ Sacre du Ier Carolingien en 741. Le sacre a imprimé sa marque à l’Institution Monarchique. Il s’agit de la seule prérogative du Roi que les Grands n’oseront usurper.

⁃ La « Renaissance Carolingienne » : renaissance politique, renaissance intellectuelle marquée par une remise à l’honneur d’une culture antique.

⁃ Après le traité de Verdun de 843, les invasions reprennent sur presque toutes les frontières de l’Empire. A l’Est, les Magyars. Ils pénètrent dans le bassin du Danube en 900 et traversent la Germanie. Ils poussent des raids (attaques sanglantes) jusqu’en Rhénanie et en Bourgogne. Au Sud, les Sarrasins ravagent les rivages de la Méditerranée et en 990 s’installent vers le village de Frené dans le Mont Des Maures. Ce qui dure presque un demi-siècle. A l’Ouest, sur toutes les côtes de la mer du Nord, de la Manche et de l’Atlantique, va s’abattre l’invasion des Vikings.

Tout le Xe siècle reste un siècle d’insécurité et cela va précipiter l’évolution de la société. On va chercher des protecteurs locaux qui se détachent du roi, incapable de répondre aux besoins des habitants, de les protéger.

2Ème Section: Facteurs de l’évolution de cette période.

§1: Les éléments ethniques ou raciaux.

La formation d’un royaume franc n’empêche pas que sur un même territoire coexistent des races différentes. Les invasions ont mis en présence deux civilisations, la première évoluée Gallo-Romaine et l’autre plus grossière, celle des Francs. Sur ce point les historiens sont divisés en deux. D’après l’école germanique, la prépondérance appartiendrait aux germaniques: la plupart de nos institutions de notre ancien droit serait d’origine germanique.

Néanmoins, d’après l’école romaniste illustrée au XVIIe siècle par Coulanges minimise l’influence des invasions germaniques et estime que la société a conservé la plupart des institutions romaines qui ont évoluées vers le système féodal. Qui a raison? Qui a tort?

→La vérité est toujours plus nuancée: – d’abord le monde Franc a adopté des institutions germaniques que les germains pratiquaient déjà avant les invasions, c’est notamment vrai des institutions militaires et judiciaires. Par contre, le monde Franc a fait appel aux institutions romaines quand les institutions étaient inconnues ou trop approximatives chez les germains. Par exemple, en matière administrative ou encore en matière financière.

Il faut aussi, pour bien comprendre, faire une approche statistique. L’influence germanique a été proportionnelle à la densité de population respective en présence sur le territoire. Cette influence germanique a été plus importante dans le Nord et dans l’Est qu’au Sud de la Loire. N’oublions pas que les germains n’ont formé qu’une petite minorité par rapport aux gallo-romains. On considère avec prudence que les germains représenteraient 5% de la population. Les germains seraient 350000 contre 7 millions de gallo-romains. On comprend que les Francs aient pu se romaniser. Et, on comprend que le monde Franc ait évolué vers une uniformisation. Il existe un phénomène d’uniformisation (formation d’une masse indifférenciée) puisque le latin est devenu la langue officielle. Elle s’est aussi réalisée en matière de juridique. A l’origine le monde Franc connait la « personnalité des lois ». C’est à dire que chaque individu se voir appliquer la loi de son peuple, de sa race. Un Gallo-Romain suit la loi salique. Mais cette loi va peu à peu tomber an désuétude et à la loi personnelle va se substituer la coutume locale qui, suivant la région considérée, sera plus ou moins teintée du droit romain ou du droit barbare si les barbares sont majoritaires. A ces éléments ethniques s’ajoutent des éléments religieux.

§2. Les éléments religieux.

1. L’Église et les invasions.

Au moment des invasions, les meilleurs cadres de la Gaule-Romaine sont entrés dans l’Église. L’évêque est devenu le personnage clé de cette société et il essaie de protéger les populations contre les barbares. Au moment des invasions, l’Église reste la seule force organisée qui assure une transition entre le monde romain et le monde germanique. A partir du VI e siècle l’Église va nouer avec la communauté Franque des liens.

Les raisons: les deux pouvoirs civils et religieux ont besoin l’un de l’autre. En effet, le roi Franc, en dehors de sa force militaire n’a que de très faibles moyens d’action, et l’Église, quant à elle, ne peut compter que sur la force morale. Et puis, n’oublions pas que les évêques ont ouvert les portes sur le chemin de la Gaule avec Clovis. C’est la seule autorité qui ait gardé une législation, une hiérarchie, et un patrimoine. Les rois Francs sont très admiratifs devant l’Église.

L’Église a considérablement reproché des civilisations très éloignées.

Les Avantages: →Le roi s’entend avec les évêques et le Pape sur les grands problèmes qui concernent le Royaume. Charlemagne et ses successeurs vont combattre le paganisme et l’hérésie. Ils vont convoquer des conciles (Assemblées Ecclésiastiques) et vont promulguer les canons comme s’il s’agissait véritablement de lois d’État.

Et puis, l’Église intervient aussi dans l’administration du Royaume. Le meilleur exemple est l’exemple des « missi dominici ». Ce sont des inspecteurs du Royaume qui vont toujours par deux, un laïque et un ecclésiastique. Mais cette collaboration a aussi de lourds inconvénients.

→L’Église a perdu une grande partie de son indépendance: on constate que le pouvoir royal intervient fréquemment dans les élections religieuses et va même jusqu’à nommer les hauts dignitaires ecclésiastiques. Le Roi intervient également dans la discipline ecclésiastique. Charlemagne va choisir dans tout son Empire. L’indépendance de l’Église va être compromise sur l’ensemble de son patrimoine. Charles Martel pour récompenser les guerriers de Poitiers, leur distribua des richesses de l’Église. L’Église va réussir à faire admettre qu’elle reste propriétaire des terres mais elle devra laisser la jouissance viagère de ces terres aux guerriers. Et donc dans ces conditions il ne faut pas se leurrer, l’Église a subi l’influence de la barbarie. La qualité de recrutement de l’Église est en baisse. C’est la combinaison de ces 3 éléments: apport romain, apport germanique et chrétien qui sont à l’origine de la France.

CHAPITRE 2: L’ORGANISATION POLITIQUE ET ADMINISTRATIVE DU MONDE FRANC.

SECTION I: L’EVOLUTION DU POUVOIR SOUS LES DEUX DYNASTIES.

Il y a deux noms qui se distinguent: Clovis et Charlemagne. A chacun correspond une conception particulière du pouvoir. Aucun ne pourra établir ce pouvoir dans la durée. Effectivement, dès l’instant que chaque fondateur disparaît, l’anarchie, l’insécurité et l’ambition de l’aristocratie se donnent libre cours. Clovis et ses descendants avaient une idée du pouvoir trop simpliste alors que les carolingiens avaient une idée du pouvoir trop élaborées.

§1. Les rois mérovingiens et le pouvoir personnel.

Le roi mérovingien se situe à la rencontre des traditions romaines et des traditions germaniques. Il a emprunté à Rome son manteau de pourpre. Il a aussi emprunté à Rome ses titres de « Consul » et d’ « Auguste ». Mais il a gardé se longue chevelure des germains, sans sa chevelure il serait démuni de tous ses droits. (Cf. Femme de Clovis qui préfère voir ses fils tués que tondus).

I – La conception du pouvoir.

1). Disparition de l’idée d’État.

A Rome, l’État c’est la notion qui assure la continuité du pouvoir et qui fonde l’autorité de l’Empereur. C’est à dire qu’au dessus de la personne éphémère de l’Empereur existe quelque chose de permanent que les romains appelaient « Res Publica ». L’Empereur exerce une fonction dans l’intérêt de tous et on lui obéit parce qu’il représente l’État . Quand l’Empereur change, l’État demeure. Tout cela disparaît sous les mérovingiens. Désormais, le pouvoir c’est le roi. Il n’y a plus de notion de pouvoir public.

Le roi exerce son pouvoir parce qu’il est le plus puissant et il l’exerce dans son intérêt à lui. Le roi est à la fois le maître des personnes et des biens, tous ses sujets sont placés sont sa dépendance.

2). Monarchie Patronale.

A l’égard de ses sujets, le roi est un patron. C’est à dire un maître qui exige l’obéissance et qui assure la protection en échange. Cette royauté est une royauté souveraine à base personnelle et non pas territoriale. Le roi s’intitule « Roi des Francs » et non pas « Roi de France ». Il y a donc un lien de subordination entre le roi et ses sujets qui n’est pas fictif, il s’applique par un « serment de fidélité » que les textes appellent « Leudesamio ». →Lien personnel d’engagement d’homme à homme. Du même coup, celui qui a prêté serment est un « Leude », il a juré fidélité au roi. Quels sont les dangers de ce pouvoir personnel?

→Les sujets du roi vont se sentir tenus d’être fidèles que dans la meure où ils ont prêté serment. Les rois vont passer leur temps à parcourir le royaume pour se faire jurer fidélité. Le plus souvent, le roi se fera prêter serment de fidélité par les « Grands » (Aristocratie) et les Grands vont se faire prêter serment au nom du roi auprès du peuple. Par conséquent, le peuple s’attache aux Grands et non au roi. Il va multiplier les donations de terres pour conserver la fidélité des sujets. La fidélité est due à la personne du roi, les Leudes deviennent donc libres à sa mort. Le successeur devra de nouveau nouer le lien de fidélité avec le peuple en lui offrant des terres, par conséquent, il se ruine.

3). Monarchie Patrimoniale.

Le roi a conquis son territoire par la conquête et les droits qui sont en principe attachés à la souveraineté: le droit de justice, droit de lever l’impôt. Le roi va donc en disposer au moment de sa mort ou « entre vifs ». De son vivant, le roi a pu disposer de telle ou telle parcelle de son royaume en faveur de ses guerriers ou en faveur d’une église ou, à défaut de terres, le roi a pu donner le droit de lever l’impôt. Ces pratiques vont ruiner la monarchie mérovingienne. D’autre part, à la mort du Roi, le Royaume se partage comme un bien de famille et on applique les règles des coutumes Franques qui concernent les concessions privées. On applique les règles de la loi salique, les filles sont exclues en présence de mâles. Et si le roi a plusieurs fils, on procède à un partage égal du Royaume entre chacun d’entre eux. Ces règles valent pour tous les particuliers. Ceci emmène à envisager la transmission du pouvoir.

II – La Transmission du Pouvoir.

Si un héritier meurt sans enfant, sa part revient à ses frères qui se la partagent. Or, les rois mérovingiens ont tendance à pratiquer la polygamie sans compter les concubines ce qui complique la transmission du pouvoir compte tenu du nombre d’enfants qu’ils peuvent avoir. Par conséquent, pour faciliter la transmission du pouvoir, les carolingiens remettent en vigueur le principe de l’élection avec l’avènement de Pépin le Bref.

III – Les attributs du pouvoir.

A – Pouvoirs d’origine germanique.

1 – Le Mundium.

Ce mot vient de « mund » qui signifie la bouche. →désigne le pouvoir de celui qui parle et donc, celui qui a le dernier mot dans la famille, c’est le pouvoir du mari sur sa femme. Un roi protecteur, purificateur, justicier. Le roi doit d’abord une protection générale à ses sujets mais il faut dire qu’elle est peut efficace car les sujets préfèrent se venger eux-mêmes lorsqu’on leur à fait du tort (il pratique ce qu’on appelle en Corse la vendetta). Le roi peut étendre sa protection particulière à certains lieux, certains endroits, il peut également l’étendre à certaines personnes: les Comtes, les évêques… et si cette protection est violée, c’est le tribunal royal qui jugera le coupable et la peine encourue sera plus élevée que la sanction ordinaire.

2 – Le Ban.

C’est le pouvoir d’ordonner, d’interdire et de punir. Ce pouvoir de donner des ordres s’applique à une foule de domaines:

⁃ Il s’applique d’abord à l’armée. Le roi peut convoquer tous les hommes libres aptes à faire la guerre, c’est ce que l’on nomme « l’hériban ».

⁃ Il s’applique aussi en matière administrative puisque le roi peut nommer et révoquer comme il l’entend.

⁃ Il s’applique au pouvoir de légiférer: lorsque le roi donne des ordres, il faut s’y soumettre. Notons que ce pouvoir a été très peu utilisé par les mérovingiens.

Toute inobservation du ban royal est punie d’une lourde amende dont le montant est fixé à 60 sous d’or ou encore, par le bannissement. Le hors la loi est aussi appelé le « forban » (celui qui s’est mis hors la loi donc hors du ban).

B – Les pouvoirs d’origine romaine.

– Seul, en principe, le roi a le droit de battre la monnaie, mais dans la pratique ce droit a pu être concédé ou même a pu être usurpé par les Grands.

→Existence de nombreux ateliers parallèles à côtés des ateliers royaux.

⁃ Le droit de lever l’impôt mais il a pu être aussi concédé aux Grands.

⁃ La théorie de la lèse majesté permet au roi de mettre à mort ceux qui le menacent ou ceux qu’il juge dangereux, suspects.

Cet ensemble de droits donne au roi le pouvoir absolu mais dans les faits, cet absolutisme est fortement limité par la montée de l’aristocratie.

Les Grands du royaume, germaniques ou Grands Romains coexistent. Ils peuvent être laïques, ce sont des Ducs ou des Comtes, chargés de l’administration lourde. Ils peuvent aussi bien être des Clercs ou des Abbés s’ils sont religieux. Les forces s’opposent fortement à la royauté et si le roi est faible, ils se manifestent.

§2. Charlemagne ou l’idée d’Empire retrouvée.

Causes de changement de dynastie:

⁃ Causes Politiques:

⁃ * Faiblesse du pouvoir royal: le roi n’est plus lié au peuple que par l’intermédiaire des Leudes. Un roi qui a perdu ses ressources en distribuant la plupart de ses terres. Un roi qui laisse son autorité aux mains du « Maire du Palais ».

⁃ Les causes tiennent réciproquement de la montée de l’aristocratie avec Charles Martel, maire du palais vainqueur à Poitiers en 732 et non le roi. En 751, Pépin le Bref est élu roi par une assemblée et, sacré par le Pape.

I – La nouvelle conception du pouvoir.

A – La Théocratie royale.

1 – Le sacre royal.

Le sacre royal est une nouveauté en Gaule. Il sera fort est durable puisque tous les rois sans exception seront désormais tous sacrés jusqu’à la Révolution de 1789.L’importance de cet événement est marquée par le double sacre de Pépin Le Bref, la première en 751 par Boniface à Soissons et 3 ans plus tard dans l’Abbaye de Saint-Denis en 754 par le Pape Etienne II. Le sacre ressemble à la consécration d’un évêque.

• 1ere partie: Le roi est proclamé par les assistants.

• 2eme parte: Le roi reçoit l’onction sainte.

• 3eme partie: On lui remet les symboles de son autorité: la couronne, le sceptre (à savoir la main de justice).

Ce rituel est directement inspiré de la tradition biblique. Le roi carolingien est sacré comme l’étaient les rois juifs. On dit qu’il est l’oint du Seigneur. Désormais le roi devient roi par la grâce de Dieu. Le sacre va donner sa légitimité à la nouvelle dynastie. Il rend légitime le pouvoir que les carolingiens ont usurpé avec le coup d’État de 751. Le sacre donne au roi une qualité qui le distingue de tous les grands: il est mi-laïque, mi-ecclésiastique, c’est donc un puissant de distinction et de supériorité. Le sacre va servir de rapport à l’élaboration d’une doctrine du pouvoir royal.

2 – La doctrine théocratique.

C’est le gouvernement de Dieu par ceux auxquels Dieu à donner mission de gouverner. C’est aussi un gouvernement pour Dieu, pour réaliser sur Terre la justice divine. Dans ces conditions il n’y a pas lieu de distinguer l’État et l’Église car ils ont la même mission: assurer le salut des âmes. C’est le départ de la Chrétienté c’est à dire d’une société dans laquelle être sujet c’est en même temps être chrétien.

Que signifie « théocratie royale » ? →La théocratie c’est le système dans lequel les deux systèmes spirituel et temporel agissent en collaboration étroite. Mais, quelles sont les modalités de cette collaboration? Quel est le pouvoir qui va prendre sur l’autre? Le pouvoir royal, ou le pouvoir pontifical? →Sous les premiers carolingiens, cette théocratie tourne au profit du pouvoir royal: c’est le roi le plus important. Mais, sous les derniers carolingiens, la collaboration va tourner au profit de l’Église et va préparer la prépondérance du Pape à la direction de la Chrétienté, ceci à partir de la fin du XI e siècle à la fin du XIII e: on parle de théocratie pontificale.

→Quelles en sont les conséquences?

C’est la rupture avec les conceptions patrimoniales mérovingiennes. La royauté est conçue comme une fonction qui s’exerce dans l’intérêt général. Le roi tient son pouvoir de Dieu par le sacre et c’est Dieu qui lui assigne la finalité de son pouvoir: réaliser la paix et la justice. Et pour cela le roi doit d’abord respecter la morale chrétienne, il ne doit pas se laisser détourner de sa mission, on pourrait presque dire qu’on entre en royauté comme on entre en religion. L’État Major ecclésiastique composé de Clercs qui constituent l’entourage des carolingiens, précise quels sont les pouvoirs qui incombent au roi. L’Église rappelle selon l’Évangile que celui qui exerce une domination a pour premier devoir de servir. Le roi doit veiller sur son peuple dont il n’est pas le maitre mais le serviteur. « Servus serverum Dei » →« Le serviteur des serviteurs de Dieu ».

Premier devoir: Le roi est protecteur et justicier. Il est protecteur de la chrétienté contre les païens qu’il faut convertir. Les conquêtes de Charlemagne en Saxe ou en Espagne sont considérées comme des guerres saintes. Il doit être le justicier des criminels qui troublent la paix voulue par Dieu. Le roi doit être le protecteur des faibles et des opprimés, en particulier l’Église.

Second devoir: Le roi est aussi le correcteur de ceux qui sont dans l’erreur. Cela va expliquer les ingérences de Charlemagne jusque dans le dogme de l’Église.

« Affaire Filioque » →Charlemagne a présidé un concile qui a décidé que le Saint Esprit procède à la fois du Père et du Fils. De là, le rajout du mot Filioque dans ce que l’on appelle le « crédo », la profession de foi des catholiques.

Troisième devoir: Le roi est pacificateur, il doit réaliser la paix et l’unanimité du peuple que Dieu lui a conférées.

Il y l’idée d’universalité de la société Franque qui rejoint l’universalité du monde chrétien. Cette fonction royale engendre une responsabilité du roi devant l’Église. Le roi qui a été sacré rendra désormais compte à Dieu de ses actes. En ce monde, le roi est aussi responsable devant l’Église, elle enseigne que si le roi n’agit pas selon la justice, il devient un tyran. Par conséquent le peuple a le droit de résistance. Il appartient aux évêques de juger le roi. Avec l’affaiblissement des carolingiens au milieu de la deuxième dynastie, de nombreux rois furent jugés (Cf. Louis le Pieux.)

B – La rénovation de l’idée impériale.

En l’an 800, le Pape Léon II proclame Charlemagne « Empereur des Romains ». Ce couronnement à un sens précis, c’est l’empire romain qui est restauré au profit de Charlemagne. Ce retour à l’Empire Romain s’accompagne de la réapparition de la notion d’État. Certes, on n’accède pas à l’idée abstraite d’État mais il n’en reste pas moins que l’Empire se distingue avec force de la royauté. Il ne s’agit plus d’un pouvoir personnel du Roi, l’idée d’Empire c’est l’idée d’un pouvoir permanent. C’est à dire un pouvoir qui n’est pas lié à la personne de l’empereur, c’est aussi l’idée d’un pouvoir universel qui ne peut pas se partager.

L’empire a la domination universelle et il est donc étranger à toute idée de patrimonialité. C’est en fonction de ses idées nouvelles que Louis Le Pieux va régler sa mission en 817. →« Ordinatio imperu », dans cet acte, Louis Le Pieux rappelle que l’unité de l’Empire doit être maintenue mais, il possède trois fils, ce qui complique la succession.

⁃ L’aîné Lothaire recueillera l’empire et la souveraineté.

⁃ Les cadets n’auront que des royaumes mineurs et dépendants de l’empire.

Ce règlement sacré royal, étranger aux mentalités de l’époque ne sera jamais appliqué mais il témoigne de la recherche d’une notion supérieure de l’ordre public. Ces carolingiens sont aussi différents au point de vue de la transmission du pouvoir.

II – La transmission du pouvoir.

En 751 Pépin le Bref se fait élire roi par les Grands à la place du dernier mérovingien qui était roi par hérédité. Cet usage de l’élection pour désigner le roi, c’est à dire le choix du plus digne, s’accorde parfaitement avec l’idée de fonction royale. Bien entendu, ce procédé peut se retourner contre les carolingiens. Pour éviter cela, ils mettent en place plusieurs précautions:

⁃ A partir de Pépin le Bref, le sacre transforme la famille carolingienne en famille royale à la place de la famille mérovingienne. C’est donc dans cette famille que l’on sera obligé de choisir le nouveau roi. Les carolingiens vont rétablir l’hérédité en faisant élire leur fils alors que le roi en encore en vie. Le fils sera alors associé au père et lui succèdera sans difficulté à sa disparition. Mais à partir de 888, l’élection qui était devenue fictive redevient effective. Les Grands choisissent alternativement les rois dans la famille des carolingiens et dans celle des Robertiens. Cette alternance se poursuivra jusqu’en 987 avec l’élection du Robertien Hugues Capet dont les descendants règneront pendant près de 800 ans.

L’élection correspond, soit à une prise du pouvoir, soit elle correspond à une période où l’hérédité est le propre de l’affermissement du pouvoir.

III – Les attributs du pouvoir.

L’empereur a les mêmes attributs que les rois mérovingiens sauf qu’il possède en plus le pouvoir de légiférer. Désormais, l’empereur exprime sa volonté de façon générale et ses actes législatifs s’imposent à l’ensemble de ses sujets. Cette unité législative va contribuer à faire disparaître la personnalité des lois. Les actes législatifs du carolingien s’appellent des « capitulaires ». Ceci vient du latin « capitulum » qui veut dire « chapitre ». On distingue plusieurs formes de capitulaires:

• 1er capitulaire: Les « missorium ». Ce sont des instructions adressées aux missi dominici.

• 2eme capitulaire: Les « Capitulas legibus addenda ». Les capitulaires qui s’ajoutent aux lois, ce sont les capitulaires qui viennent s’ajouter à la loi de tel ou tel peuple. Ces capitulaires doivent théoriquement être acceptés par le peuple.

• 3eme capitulaire: « Capitulas Per se Soribenda ». Capitulas valables uniquement par eux-mêmes. Ils émanent de la volonté seule volonté du roi.

A côté de ces capitulaires laïques, on trouve de très nombreux capitulaires ecclésiastiques. Ceci est relatif à une intervention dans la vie de l’Église par l’interprétation du temporel et du spirituel par le roi. Ces capitulas ecclésiastiques reproduisent parfois les canons des conciles tenus par l’Église Franque, d’autres concernent les élections des évêques jusqu’à l’obligation d’assister à la messe dominicale.

On observe que ces capitulas sont parfois très nombreux à la fin du VII e siècle et au début du IXème, mais ils diminuent fortement jusqu’en 884 où le dernier capitulaire sera créé.

SECTION 2: L’ADMINISTRATION DU ROYAUME FRANC.

Tout le fondement du système administratif repose sur un groupe d’hommes: « Les compagnons du Roi ». Ce titre de « Compagnons », en latin « Comes », en français « Comte » est attribué à tous ceux qui participent à l’administration du royaume, ceux qui possèdent la confiance du roi. Certains de ces Grands forment autour du roi l’administration centrale, d’autres sont envoyés par le roi dans diverses parties du royaume et ne reviennent auprès de lui uniquement pour faire de grandes assemblées.

§1. L’administration centrale.

1 – Le palais.

C’est l’ensemble des fidèles qui vivent dans l’entourage immédiat du roi. C’est un palais itinérant, ce qui signifie que le roi et son entourage séjournée successivement dans leurs différents domaines royaux, le roi transporte avec lui son coffre et ses archives. Sous les carolingiens le palais tente de se stabiliser à Aix-la-Chapelle. De ce palais émerge un certain nombre d’officiers chargés de fonctions domestiques.

2 – Les officiers.

Au fil du temps, il va y avoir un glissement des fonctions domestiques aux fonctions politiques. Sous les mérovingiens le principal de ces officiers était le Maire du Palais, il était l’intendant du Palais qui est chargé de surveiller tous les serviteurs du Palais. Puis, il s’est rapidement emparé du gouvernement réel. C’est à cause ou plutôt grâce à cette fonction de Maire du Palais que la famille carolingienne s’empare du pouvoir. Dès leur accès au pouvoir, les carolingiens s’empressent de supprimer cette fonction dangereuse. A ce moment là, la direction du palais est divisée en trois personnages:

⁃ Affaires Religieuses 

⁃ Affaires Civiles 

⁃ Les Bureaux. 

 Il s’agit de « l’archichapelin » . C’est en quelque sorte le ministre des affaires religieuses et plus précisément, il dirige le personnel ecclésiastique. Il représente aussi le Pape auprès de l’empereur. L’archichapelin est choisi par l’empereur avec le consentement des évêques, il dirige l’école du Palais.

 Aux affaires civiles se trouve le Comte du Palais. C’est un laïque contrairement à l’archichapelin qui était un ecclésiastique. Il joue un peu le rôle de ministre de l’intérieur parce qu’il est le supérieur des comtes qui ont été envoyés dans différentes régions du royaume.

Il a des fonctions de contrôle, de surveillance et des fonctions judiciaires. En effet, c’est lui qui prépare les affaires susceptibles de venir devant le tribunal du roi. Il dispose aussi d’une juridiction spécifique où il retient toutes les affaires qui ne sont pas de la compétence exclusive du roi. Devant ce cumul de fonctions, les carolingiens ont parfois pris la précaution de nommer plusieurs comtes du palais en même temps.

 C’est le Chancelier. C’est celui qui tient le secrétariat général du roi. En fonction de ses fonctions, c’est un ecclésiastique car peu de laïques auraient la culture nécessaire. Il rédige les capitulaires etc,,, et a aussi la garde du sceau royal qui sert à authentifier ses actes. Dans ses missions il est assisté par des notaires qui vérifient et datent les actes, et il est aussi assisté de scribes. C’est ce personnage qui est chargé de la conservation des archives du palais.

A côté de ces trois officiers très importants on trouve d’autres officiers comme:

⁃ Le sénéchal chargé du ravitaillement domestique, c’est celui qui porte les plats aux tables du roi. « dapiser »: celui qui porte les plats.

⁃ Le bouteiller est chargé de la cave du roi.

⁃ Le connétable comte de l’écurie c’est celui qui dirige les écuries royales, assisté par les maréchaux, des palefreniers et par glissement il sera place à la tête de la cavalerie et de toute l’armée.

⁃ Le chambrier est chargé de surveiller la chambre du roi conservant les trésors et par glissement il devient le directeur des finances royales.

Le roi est encore entouré d’une sorte de conseil de gouvernement qui regroupe des personnalités réunies en fonction de leurs compétences. Il a recours à ce conseil quand il veut élaborer des projets qu’il va soumettre à des assemblées générales.

II – Les assemblées générales.

1 – Sous les Mérovingiens.

Ils ont gardé la tradition germanique de l’assemblée plénière des hommes libres qui décidaient des problèmes intéressants la tribu. Mais ce système va être aménagé en raison de l’importance de la taille du royaume. Une fois par an, le roi convoque ses guerriers pour les passer en revue avant la Campagne Militaire, elle a lieu au début du printemps: « Le Champ de Mars ». Et à la même époque le roi réunit ses conseillers et les Grands pour les consulter, c’est ce qu’on appelle le « plavitum » en latin et en français le « plaide ». Ce système va être modifié par les carolingiens.

2 – Sous les Carolingiens.

Une assemblée restreinte se réunie en octobre à laquelle le roi confie la préparation des projets qu’il veut soumettre à la réunion du printemps. Cette deuxième assemblée est nommée le « plaide général ». Elle est ainsi nommée car elle regroupe tous les Grands avec leur suite en armes. Cette assemblée n’est plus réunie en mars mais au mois de mai parce que c’est l’époque où l’herbe est la plus haute pour nourrir les chevaux. L’armée mérovingienne était une armée de fantassins alors que sous les carolingiens l’armée était une armée de cavaliers. Seuls les Grands participent au plaide, le roi s’en va, on discute des projets préparés au mois d’octobre et une fois la décision prise elle est soumise au roi qui n’est pas lié par l’ensemble du plaide.

Enfin, le peuple communique au peuple le programme de l’année à venir et l’essentiel des décisions prises par ces plaides. Sous les successeurs de Charlemagne les rôles vont changer. Alors qu’elles n’avaient qu’un qualificatif, les Grands ne vont y venir que pour y faire valoir leurs droits. Dès le règne de Louis le Pieux, les plaides ne servent qu’à limiter le pouvoir du roi au lieu de le seconder.

§2. L’administration locale.

Le roi n’atteint ses sujets que par l’intermédiaire des Grands qui dans la réalité quotidienne tendent à s’assimiler les pouvoirs royaux.

I – Les Rouages.

A l’époque Franque, l’ancienne administration romaine s’est effondrée, il n’en reste que la circonscription de base que l’on appelle la « civitas ». Cette civitas (cité en français) est un ensemble de villes. Sous les mérovingiens la cité va prendre le nom de « pagus » (pays en français). C’est la résidence du Comte que le roi a envoyé pour le représenter sur place. C’est à dire l’évêque, le pasteur qui vit dans le pagus. Ce pagus reste largement une énigme pour les historiens. A l’époque de Charlemagne il était admis que l’Empire contenait de 200 à 250 pagi, mais d’autres parlent de 600 à 700. On constate que l’étendue de ces pagi ou de comtés est extrêmement variable. Ils sont en général plus grands dans le midi que dans le Nord (Nord pas aussi grand que 2 cantons d’aujourd’hui). Le pagus est administré par un Comte (comes – compagnon). Le comte est un compagnon du roi, un fidèle chargé de représenter le toi dans sa circonscription. Pour cela le comte reçoit une délégation générale du pouvoir. Le monde Franc ignore la séparation du pouvoir. Entre les attributions du Comte et celles du roi, on retrouve les mêmes attributions, simplement une différence d’ampleur. Le comte est chargé du mundium, c’est à dire la protection de son comté et il préside le tribunal qui existe dans chaque Comté: le Mallum. Le comte a également le droit de ban: il participe d’abord au ban royal. Le comte est chargé de publier et surtout d’appliquer les ordres du roi.

Il perçoit les impôts et les transmet au trésor royal. Il nomme, il convoque, et il commande les troupes de son pagus. Ce n’est pas tout, il a aussi un ban propre qui est sanctionné par une amende de 15 sous. Ce ban lui permet d’exiger certains services des habitants de son pagus (entretien des chemins et des ponts). Il lui permet de convoquer les habitants pour assister au plaide de justice. Pour accomplir sa tâche, le comte ne perçoit aucun traitement de la part du roi parce que l’insuffisance du numéraire ne permet pas de rétribuer ses agents. Le comte se rétribue donc lui-même. D’abord le comte profite de la jouissance des domaines royaux de son propre pagus, il perçoit ensuite le tiers des amendes prononcées par son tribunal et à quoi s’ajoute les revenus additionnés par son droit de ban. Enfin, il bénéficie d’un droit de gîte chez l’habitant lorsqu’il se déplace dans son pagus.

Le système Franc est l’inverse des usages de l’antiquité, le Comte Franc commence sa carrière à la cours du roi pour la finir dans un pagus qui deviendra le sien où il n’aura plus rien à attendre du roi et on va voir les comtes multiplier les exactions, les comtes vont ruiner leurs administrés. On va voir les comtes multiplier les actions qui vont ruiner leurs administrés uniquement pour pouvoir percevoir l’amende. Ces abus étaient punis tant que le roi est resté assez fort et puissant.

En principe le Comte est nommé, déplacé ou révoqué selon la volonté du roi qui remanie son administration à son grès. C’est le roi qui choisit qui lui plait. Il remanie son administration à sa guise. Dans la pratique, la liberté du roi est beaucoup plus restreinte. Les Comtes sont en général recrutés dans quelques dizaines de familles aristocratiques souvent unies les unes aux autres par des liens matrimoniaux. Les conséquences sont que les successeurs d’un Comte lui sont souvent apparentés. De plus, chaque Comte est entouré par des auxiliaires qui font partie de sa clientèle personnelle (à la différence de l’Antiquité à Rome où tous les agents du pouvoir sont désigné par l’Empereur et ne relèvent que de lui). Qui sont ces auxiliaires?

→Les Vicaires. Ils sont placés à la tête d’une subdivision du Comté nommée Vicaria ou Vicairie. Ces Vicaires sont chargés de rendre la justice et ont des attributions fiscales.

→Le délégué général. Il remplace le Comte en cas d’absence, on l’appelle aussi le Vicomte (Vice-comes). Lorsqu’un Comte réunit plusieurs comtés entre ses mains, il nommera un Vicomte à la tête de chacun d’entre eux.

On trouve aussi les Ducs et les Marquis.

• Ducs et Marquis.

→Ducs: Les Ducs sont des chefs militaires (Duche Mussolini en Italie par exemple), ils étaient à l’origine chargés de commander les troupes armées pour les emmener au Comte. Certains Ducs se sont vus confier un commandement territorial regroupant plusieurs Comtés.

Sous les carolingiens apparaissent de nouvelles circonscriptions aux frontières de l’Empire: les marches. Il peut s’agir d’un regroupement de comtés menacé par les invasions ou des régions nouvellement conquises et pas tellement pacifiées (Marche de Saxe, Marche de Bavière, Marche d’Espagne, Marche de Bretagne).

Elles sont commandées par un Marquis ou un Duc qui a les mêmes pouvoirs qu’un Comte et a en plus, un pouvoir militaire. Le marquis peut lever des troupes de sa propre initiative.

Après 850, de nouveaux duchés sont créés dans l’Empire: Comtes qui ont autorité sur les Comtes voisins.

→Duc de Bourgogne, Duc des Francs (Hugues Capet), Duc d’Aquitaine: Comté de Poitiers et gouverne tous les pays entre la Loire et la Garonne.

Il y a un mouvement de concentration et on a l’impression que Charlemagne en créent les Missi Dominici a voulu réprimer les pouvoirs des Comtes et a voulu ralentir la dispersion des pouvoirs des autorités concurrentes à l’autorité royales.

II – Le contrôle des Missi Dominici.

« Les envoyés du maître » →Cette institution existait sporadiquement sous les mérovingiens, mais c’est Charlemagne qui lui donne ses traits les plus importants.

1 – Désignation.

Le 1er envoi général date de 802. Ils représentent l’Empereur auprès du peuple, ils sont les instruments de l’inspection de l’administration locale du royaume Franc. Ils sont choisis parmi les riches pour éviter la corruption et vont en principe par deux: l’un est laïc (Comte ou Duc) et l’autre un ecclésiastique (Évêque ou Abbé). Ils représentent le roi (pouvoir royal) dans toutes ses facettes ( temporelle/spirituelle).

Ils ont les attributions générales qu’aurait l’empereur s’il était sur place. Leur rôle est celui d’un trait d’union entre l’Empereur et ses sujets. Charlemagne veut atteindre l’ensemble des populations de l’empire par-dessus la tête des Comtes: Ce sont les agents de la dé-médiatisation du pouvoir (supprimer les comtes).

Chaque groupe de missi-dominici a juridiction sur un ensemble de groupes de Comtés. Au début du IXème siècle, le ressort des tournées d’inspection englobait 6 à 10 comtés. Les missi-dominici doivent visiter leur circonscription 4 fois par an et faire un rapport à l’Empereur. Ils ne sont nommés que pour 1 an et s’ils sont reconduits c’est pour inspecter une autre circonscription. Attributions immenses vérifiées par le capitulaire missorum: rôle de transmission des ordres de l’empereur.

2 – Fonctions.

a) Transmission des ordres de l’Empereur.

Dans chaque localité ils réunissent une assemblée générale des hommes libres où ils y publient les ordres de l’empereur notamment les capitulaires? Ils expliquent le contenu des capitulaires et ils font également prêter le serment de fidélité à l’empereur.

b) Contrôle de l’administration.

Ils assurent le contrôle de l’administration locale, ils utilisent la procédure de l’enquête et ils questionnent les administrateurs sur leurs actes et à l’inverse ils provoquent les plaintes des victimes. Ils enquêtent sur les manquements, les abus éventuels des autorités civiles (le comte et ses auxiliaires) et ecclésiastiques.

S’il y a des abus ils révoquent et remplacent les subalternes coupables de fautes et ils renvoient les ducs et les comtes devant le tribunal royal comme ce sont des compagnons du roi. Cette institution a fonctionné régulièrement sous Charlemagne et au début du règne de Louis le Pieux car Charlemagne avait passé son règne à rabâcher les règles sans que cela ne change. Dès le temps de Louis le Pieux (850), l’institution des Missi Dominici connaît une grave dénaturation puisque les Missi Dominici ne vont plus être choisis parmi les conseillers du palais mais parmi les Comtes qu’il s’agit d’inspecter. Ces inspections disparaissent complètement à la mort de Charles le Chauve (petit fils de Charlemagne et dernier fils de Louis le Pieux) et disparaît donc le seul moyen qu’avait l’empereur de contrôler la société.

CHAPITRE 3: LES SOURCES DU DROIT LAIC.

Le mot source a deux sens.

1 – Tantôt on fait référence à la création des règles de droit →source créatrice 2 – Tantôt on fait référence à la transmission de la règle de droit →source historique.

En entend par source créatrice de la règle de droit les modes de formation de la règle de droit: une loi, une coutume. Ce sont les fondements du droit à cette époque.

Les sources historiques sont les documents qui nous révèlent les éléments formateurs du droit: Un code ou un recueil de coutume.

Les lois nationales et les capitulaires.

Ceci dit, le droit romain du bas empire était un droit écrit et principalement législatif, c’était aussi un droit permanent (droit dont les règles restaient en vigueur jusqu’à leur abrogation) et enfin le droit romain était un droit territorial (un droit dont les dispositions ne tenaient pas compte de la nationalité des individus).

Droit Germanique: Les barbares, eux, sont régis par des coutumes orales, des coutumes changeantes selon l’époque et selon les peuples considérés. Au contact des romains, les barbares vont comprendre les avantages de la règle écrite et ils vont donc rédiger leurs coutumes et vont les baptiser d’un terme romain « leges » (pluriel de « lex »). Mais ces lois n’ont rien à voir avec les lois romaines. Plus précisément, le mot « lex » va désigner l’ensemble des règles juridiques applicables à un peuple sans qu’elles émanent d’une autorité législative. Donc, chaque peuple barbare est régi par un droit de sa race et les gallo-romains par le droit romain.

A cet ensemble de lois personnelles s’ajoute une autre catégorie de lois juridiques: les capitulaires par lesquels les francs reprennent la tradition romaine et établissent de leur propre autorité des règles juridiques dont l’application est souvent territoriale.

Le principe de la personnalité des lois.

En droit moderne la loi de l’État régit tous les nationaux et tous les étrangers résidant sur le territoire, c’est le principe de la territorialité de la loi.

Au contraire, à l’époque franque on suit le principe de la personnalité des lois. C’est le principe en vertu duquel les lois suivent la personne et non pas le lieu d’établissement de celles-ci.

Chaque individu suit les règles de son droit d’origine, où qu’il soit, un franc salien suit les lois saliques. Dans le royaume franc coexistent sous l’autorité d’un même roi des Burgondes, des gallo-romains (droit romain évolué), mais aussi des Wisigoths or ces différentes populations possèdent chacune son propre système juridique.

Les gallo-romains suivaient le droit romain et les barbares suivaient les coutumes orales. Face à ce contexte, quel sera le droit applicable à cette juxtaposition de peuples, dotés d’une réglementation différente?

Le vainqueur peut être tenté d’imposer son droit aux vaincus, mais les barbares ne l’ont pas fait et chaque sujet du roi franc a gardé, quelque soit la région dans laquelle il vit, sa coutume d’origine C’est-à-dire celle du peuple auquel il appartient. Ce système correspond a la nécessité sociale ou politique. Seul une fusion progressive et concevable.

Ce système de la personnalité des lois est un système racial, mais c’est un système tolérant puisqu’aucun peuple n’impose son droit aux autres, c’est aussi un système provisoire puisque la ségrégation raciale originelle va peu à peu s’effacer pour donner naissance à une population homogène et cette fusion de population et donc de système juridique va se faire petit à petit.

SECTION 1: LA MISE EN OEUVRE DU PRINCIPE.

1 – La personnalité des lois se limite au droit privé.

Le domaine de la personnalité des lois n’englobe pas toute l’organisation juridique c’est ainsi que d’abord, tout ce qui concerne l’organisation du royaume, l’administration, la justice, les impôts, l’armée est commun à tous.

Les ordres du roi résultant du droit de ban s’adressent en principe de la même façon à tous les sujets donc le domaine de la personnalité des lois épargne le droit public et ne concerne donc que le droit privé. De plus quelle que soit leur race d’origine les ecclésiastiques suivent la loi romaine.

2 – Les individus ne peuvent choisir leur loi.

L’Église de son coté échappe au système de la loi personnelle quelle que soit leur race d’origine les clercs suivent la loi romaine.

Les individus ne peuvent choisir leur loi, contrairement à ce que disait Montesquieu dans L’Esprit des Lois qui soutenait que « Chacun pouvait prendre la loi qu’il voulait ». Cette est aujourd’hui rejetée. La loi de chacun est déterminée par son appartenance à tel ou tel peuple et il n’y a pas de choix possible. Mais pour pouvoir fonctionner ce système de la personnalité nécessite une adaptabilité..

§1. La nécessité d’une adaptation.

Cette adaptation s’impose un double point de vue judiciaire et législatif.

I – Dans le domaine judiciaire.

L’existence de rapports de droit entre les gallo-romains et les barbares (wisigoths, burgondes, francs) supposent la mise en place de tribunaux communs pour trancher les conflits individuels. De là, un système de tribunaux mixtes se met en place, dans lesquels vont siéger sous la présidence du comte des « jurés » qui représentent les différents peuples (par ex à Toulouse il y a un acte qui explique que la cour comprend des « jurés aussi bien goths que romains et même francs saliens »). Au début du procès la question préalable posée au plaideur était « sous quelle loi vis-tu ? » et suivant sa réponse on lui appliquait la loi de son peuple mais pour appliquer ce droit encore faut-il le connaître d’où une 2° adaptation.

II. Dans le domaine législatif.

Pour pouvoir connaître le droit applicable encore faut-il qu’il soit rédigé. Or les coutumes barbares étaient orales. De plus, il faut que le droit soit accessible, ce qui pose un problème pour le droit romain qui apparaît trop compliqué et donc à la fin du Veme siècle, les rois barbares ont fait rédiger des lois les unes applicables pour les gallo-romains les autres pour les barbares.

1). Les lois romaines.

Ce sont les lois régissant les sujets gallo-romains, parmi ces lois il y a:

→Une loi rédigée (entre 502 et 516) à l’initiative d’un roi Burgondes appelé « Gondebaud ». Cette loi est appelée « le papier » ; ce nom vient d’une mauvaise lecture du nom d’un célèbre juriste romain qui s’appelait Papinien.

→Une loi romaine des Wisigoths promulguée en 506 sous le règne du roi Bréviaire d’Alaric, c’est une loi qui contient des extraits du code Théodosien de 438 et des extraits des œuvres des grands juristes romains des IIeme et Iieme siècles. Clovis va étendre cette loi à tous les sujets gallo-romains de son royaume, cette loi aura un très grand succès en Occident jusqu’à la fin de XIeme siècle, jusqu’à ce que l’Occident découvre le droit de l’empereur de Byzance qui s’appelait Justinien qui a codifié l’ensemble du droit romain au Vieme siècle →Naissance du droit Justinien.

2). Les lois barbares.

Il y en a une par peuple, elles sont toutes rédigées en latin. La loi des wisigoths a été rédigée sous le règne du roi Euric entre 466 et 485. Il y a aussi une loi pour les Burgondes appelée la « Loi Gombette ». Les francs forment deux tribus et auront de loi « la Loi Ripuaire » et la « Loi Salique » dont nous possédons 70 manuscrits.

Malgré cette adaptation le système pose de nombreux problème.

§2. Les difficultés d’application.

I – Détermination de la loi personnelle.

La loi personnelle de chaque individu est la loi d’origine de celle de sa naissance. L’enfant légitime prend la loi de son père mais l’enfant naturel va prendre la loi de sa mère. D’autre part on garde en principe la même loi pendant toute sa vie mais il y a une exception car la femme mariée prend la loi de son mari parce qu’elle passe sous sa puissance (mundium). Si le groupe familial est rompu avec la mort du mari sa veuve reprend sa loi d’origine. La tâche du juge sera facile quand les deux plaideurs sont du même peuple mais s’ils appartiennent à des peuples différents un conflit va surgir entre leurs lois respectives.

II – Conflits de lois entre personnes de races différentes.

Dans les procès on suit en principe la loi du défendeur.

Dans les contrats on va distinguer la forme qui est réglée par le droit romain et le contenu qui est régi par la loi du débiteur.

Pour les successions on suit la loi du défendeur, pour la propriété celle du propriétaire, en matière pénale celle de l’accusé et le délit est puni selon la loi du coupable. Toutes ces solutions sont devenues des règles de droit par la coutume: vite impraticable.

SECTION 2: LA DESTINEE DU PRINCIPE.

Malgré les difficultés qu’il engendre, le système de la personnalité des lois a pu fonctionner tant que la séparation entre les peuples est restée un réalité vivante. Seulement on va assister à un double phénomène de fusion.

I – Fusion entre les races.

Les mariages mixtes se multiplient, par conséquent après plusieurs générations il devient très difficile de retrouver l’ancêtre primitif et de savoir sous quelle loi il vivait. L’unité de religion, de langue, le rapprochement des élites, tout cela débouche sur une société nouvelle dans laquelle les ethnies anciennes sont de moins en moins perceptibles.

II – Fusion des diverses systèmes juridique.

Les diverses lois nationales tendent à perdre leur spécificité pour 3 raisons:

⁃ le développement des modifications des lois personnelles dans un sens unitaire par les capitulaires legibus addenda et par la multiplication des capitula per se scribenda qui s’appliquent à tous les sujets.

⁃ D’autres par, les diverses lois sont appliquées par un tribunal unique, le Mallum, qui va avoir tendance à unifier les règles de procédures.

⁃ Enfin il y a un phénomène général de perte de la culture le nombre d’alphabètes se raréfie donc la tradition orale devient de plus en plus importante. Par conséquent, les juges ignorent de plus en plus souvent le contenu de la loi applicable.

Dès lors on va trancher les procès en se référant aux solutions que l’on connaît. La personnalité des lois se maintient donc théoriquement jusqu’à la fin du VIIIeme siècle mais dans les faits elle tombe en désuétude. On se réfère de plus en plus à un fond commun d’usages accepté par tous.

CONCLUSION:

La loi écrite va céder la place à la coutume, le juge applique la règle de droit coutumier non plus suivant la personne mais il va l’appliquer à tous ceux qui vivent dans le ressort où la coutume s’est dégagée.

Le droit devient territorial mais c’est une territorialité morcelée.

Ce passage est favorisé aux IXeme et Xeme siècles par l’effondrement du pouvoir central et l’apparition de pouvoirs locaux autonomes.

Quant aux coutumes territoriales elles vont se développer en fonction du fond juridique primitif romain ou barbare qui domine dans la région considérée.

CHAPITRE 4: LA RUINE DE L’ORDRE CAROLINGIEN.

Charlemagne avait essayé de mettre en place un pouvoir centralisé mais à sa mort ce pouvoir se disloque. Se met en place la féodalité.

→Le territoire est morcelé en une multitude de seigneuries. Les seigneurs exercent les prérogatives autrefois dévolues à l’État. On assiste à un émiettement territorial.

→Cette nouvelle société est structurée sur la base du lien féodal qui rattache tous les chefs ou presque les uns aux autres.

Cette société féodale est la négation d’un pouvoir central, multitude des centres d’autorité. Cette société trouve largement son origine dans la Politique menée par les carolingiens qui ont mis en place une société déconcentrée (comtes, évêques, les Grands propriétaires) qui exercent leur pouvoir sur des territoires économiquement autonomes et qui tendent à devenir autonomes politiquement. La politique carolingienne vise à affirmer l’autorité du roi d’autant plus que cette autorité décline. Tous les moyens utilisés par les carolingiens vont se retourner contre eux et dès que le pouvoir royal s’affaiblit, on assiste à la dislocation de la société en groupement autonomes dont les membres sont rattachés à d’autres autorités que celle de l’État.

SESTION 1: L’AFFAIBLISSEMENT DU POUVOIR ROYAL.

§1. Les causes internes du régime.

I – Maintien de la conception patrimonial du pouvoir

1). La pratique des partages à la mort du roi.

Le monde carolingien est resté profondément marqué et imprégné par les mentalités germaniques. Il y a eu, certes, la Renaissance Carolingienne, mais l’idée d’État par exemple n’est accessible qu’à une toute petite élite pour la plupart ecclésiastique, les carolingiens gardent la conception barbare de la patrimonialité du pouvoir. Malgré l’idée d’Empire et la notion de fonction royale les carolingiens eux-mêmes restent attachés à la patrimonialité du pouvoir. Il se maintient donc la pratique du partage du territoire à la mort du roi. Charlemagne avait prévu en 806 le partage de l’Empire entre ses fils mais comme un seul a survécu, l’unité de l’empire a été préservée. Louis le Pieux avec l’Ordonnance de l’Empire en 817 a essayé de préserver l’unité de l’empire en léguant le royaume à son fils aîné Lothaire mais ce règlement successoral est remis en question quelques années après, et les luttes familiales autour de sa succession aboutissent au partage de Verdun en 843 qui marque la mort de l’Europe. A l’Est du Rhin c’est le royaume de Louis le Germanique, à l’Ouest c’est celui de Charles le Chauve, et entre les deux, de la France à l’Italie c’est celui de Lothaire. C’est donc un royaume qui n’est pas viable et qui continuera de se morceler.

2). L’épuisement des richesses royales.

La deuxième conséquence de la patrimonialité du pouvoir est l’épuisement des richesses royales, les différents rois sont en rivalité permanente et éprouvent plus fortement le besoin de s’assurer de fidèles et vont donc multiplier les aliénations de terres et de droits régaliens. Lorsqu’il n’auront plus rien à donner, les carolingiens ne pourront plus gagner de nouveaux fidèles ni se garder les anciens. Cet affaissement de l’autorité royale s’accélère sous les effets de causes externes au royaume.

§2. Les causes extérieures.

1). L’action de l’Église.

Les évêques vont tirer parti de la faiblesse du pouvoir impérial pour se proclamer les gardiens de l’ordre carolingien contre le démantèlement du royaume.

Leur force, à la fois sociale et politique, culmine dès le règne de Louis le Pieux. On a parlé à cette époque du « gouvernement des évêques ». C’est ainsi qu’en 822, les évêques contraignent le roi à faire pénitence publique. Et en 831 c’est une nouvelle pénitence publique qui s’abat sur le roi et il est pratiquement obligé de renoncer aux fonctions impériales, l’effet politique est donc désastreux puisque l’empereur se disqualifie comme souverain en espérant se réhabiliter comme chrétien. En même temps le Pape s’immisce dans la politique impériale et dans la vie privée des empereurs et il agite régulièrement la menace de l’excommunication.

→Ce sont les débuts de la suprématie pontificale dans l’action chrétienne.

2). Le choc des invasions.

Reprise des invasions:

Surtout celles des Normands dans la deuxième moitié du IXeme siècle et le roi qui est incapable d’assurer la protection de la population va laisser les comtes et les Grands propriétaires assurer la défense locale. Ils vont construire des châteaux avec la permission du roi (capitulaire en 864: nul ne peut construire des fortifications sans l’autorisation du roi) en théorie. Mais, en fait, le roi ne peut pas faire autrement que de tolérer toutes ces constructions et dès la fin du IXeme son accord n’est même plus demandé. C’est autour de ces châteaux que va s’organiser cette cellule politique et sociale appelée la seigneurie. Ces châteaux deviennent la marque de l’indépendance des groupes locaux, on en arrive à un société atomisée.

SECTION 2: L’ATOMISATION POLITIQUE DE L’ESPACE.

Les carolingiens ont créé un société décentrée, avec des territoires autonomes où les comtes, les ducs, exerçaient l’autorité publique qu’on leur avait déléguée.

§1. L’autonomie du comté.

Le comte dépend du roi, le peut contrôler ces représentants locaux (comtes), il peut révoquer le comte. Le problème est que les comtes vont progressivement s’émanciper de l’autorité du roi.

I – L’irrévocabilité de la fonction comtale.

Cheminement dont on trouve l’origine dès le règne de Louis le Pieux, certains comtes vont résister aux déplacements décidés par le pouvoir royal et ils iront même jusqu’à prendre les armes pour rester dans leur comté. En 843, sous Charles le Chauve, les comtes vont obtenir une garantie: aucun comte ne pourra être révoqué sans de justes motifs. Ces justes motifs seront appréciés dans un jugement préalable rendu par le plaide général. Dans ces conditions, la destitution d’un comte devient quasi impossible. Le comte sera jugé par ses pairs. En 856 les comtes de la Francie Occidentale s’allient et ils vont se promettre assistance mutuelle au cas où le roi voudrait révoquer l’un d’entre eux donc le roi est pratiquement privé de tout pouvoir de contrôle sur ses propres agents.

Dans cette deuxième moitié du IXeme siècle la fonction comtale est devenue inamovible donc le comte s’enracine dans son pagus et il devient impossible de l’en déplacer sans son avis.

II – L’hérédité de la fonction comtale.

Exprimée dans un texte célèbre: le capitulaire de Quierzy-sur-Oise de 877. Charles le Chauve doit partir en campagne en Italie, les Sarrasins menacent les États du pape alors il prend des mesures pour que les comtes viennent avec lui.

– Si un comte qui a suivi le roi en Italie meurt c’est son fils qui le remplacera à la tête du comté.

– Si un comte meurt et que son fils a suivi le roi en Italie, le fils reprendra la charge de son père.

Il s’agit d’une mesure provisoire. Mais cette mesure traduit bien le sens de l’évolution le glissement vers l’hérédité des charges comtales. Ce glissement est d’autant plus significatif qu’à la mort de Charles le Chauve la royauté redevient élective. Donc l’hérédité qui est la base de la stabilité du pouvoir a changé de camp, c’est maintenant la fonction comtale, donc maintenant ce sont les comtes qui détiennent le pouvoir.

Désormais le comte exerce tous les pouvoirs comme auparavant (ban, mallum…) mais maintenant les exerce en son nom propre et nom plus au nom du roi. Ainsi les missi dominici ont disparu. Il exerce ces pouvoirs à sa guise sans pouvoir être révoqué la fonction comtale est donc appropriée par des familles qui se la transmettent de génération en génération. C’est par cette appropriation privée des charges publiques que se prépare le phénomène seigneurial. En 886 les historiens estiment qu’il y aurait une trentaine de comtés indépendants en Francie occidentale ( 1/5°). Pour freiner les ambitions de ses agents le roi va créer une autre institution: l’immunité

§2. Le grand domaine immuniste et l’immunité.

C’est un privilège par lequel un domaine et sa population sont soustraits à l’autorité des agents royaux notamment le comte. Cette institution a été mal comprise il semblerait que le roi renonce à ses prérogatives ce qui n’est pas les cas.

I – La nature du privilège d’immunité.

Le roi interdit à ses comtes de pénétrer dans le domaine du bénéficiaire que l’on appelle l’immuniste. Donc le domaine forme une enclave au sein du comté, donc il est soustrait au régime administratif de droit commun puisque les agents royaux ne peuvent plus y exercer leurs prérogatives normales (ne peuvent plus donner des ordres ni y rendre la justice). L’immunité n’est pas attachée à une personne mais à un domaine donc c’est un privilège qui n’est pas personnel mais c’est un privilège réel (attaché à la chose). C’est donc un privilège perpétuel, il dure autant de temps que la terre qui en bénéficie. Si le domaine est ainsi soustrait à la compétence du comte ce domaine n’en devient pas pour autant indépendant, l’immunité n’est pas une addiction de pouvoir. Au contraire l’immuniste est désormais directement rattaché au roi sans passer par l’intermédiaire du comte. C’est donc une exception à la médiatisation normale du pouvoir que réalise toute l’administration locale. En fait le roi se méfie de ses comtes il cherche à se protéger contre les abus des comtes en s’aménageant des points d’appui au sein des comtés. L’immunité a été systématiquement accordée aux domaines ecclésiastique parce que d’abord se sont les plus riches et qu’ils sont donc plus victimes d’exactions et cela entre dans le plan des carolingiens d’union avec l’Église. L’immunité était devenu le droit commun des domaines d’Église.

II – La portée de ce privilège.

Puisque le comte ne peut plus exercer ses prérogatives sur le domaine immuniste, c’est l’immuniste qui va l’exercer à sa place et donc, cet immuniste, va devenir l’agent du roi sur son domaine. L’immunité est donc la création d’une administration parallèle. Les habitants du domaine doivent toujours le service militaire mais c’est l’immuniste qui les conduira à l’armée royale. C’est lui qui lèvera les impôts au nom du roi et l’immuniste sera presque toujours autorisé à conserver ces impôts (comme ce sont des ecclésiastiques ça va leur permettre de financer leurs actions sociales). Il rendra la justice pour les causes mineures (affaires de simple police et petits procès suivis). Quant aux causes majeures ou procès relatifs à l’état des personnes et la propriété foncière pour le civil et en matière pénal ce sont les quatre crimes passibles de la peine de mort (meurtre, rapt, viol, incendie), elles seront jugées par le comte. La conséquence de cette situation est que le Grand domaine qui était déjà autonome économiquement tend à devenir autonome politiquement sous la direction d’un chef indépendant: l’immuniste. L’immunité devient donc très souvent une seigneurie ecclésiastique. Au IXeme les familles ducales et comtales vont mettre la main sur ces immunistes et elles deviennent donc des seigneuries laïques. Avec l’immunité le roi a créé un nouveau facteur de dissociation de son royaume. En fait les immunistes et les comtes représentent le même danger. C’est ainsi que se met en place une nouvelle organisation de la société au profit d’entités autonomes qu’elles soient laïques ou ecclésiastiques.

Deuxième partie: Le moyen Age: du pouvoir démembré à l’État renaissant.

CHAPITRE PRELIMINAIRE: Introduction sur le monde médiéval.

Section 1: Notions et limites du monde médiéval.

1) Que faut-il entendre par Moyen Age?

Le terme médiéval provient du latin « medium aevum ».

La période qui a précédé le Moyen Age est l’Antiquité et celle qui l’a suivi sont les temps modernes. Pour les historiens des « lettres », c’est le millénaire qui commence par les grandes invasions barbares et qui se termine à la Renaissance. L’historien du droit est à la fois un historien et un juriste, il étudie l’Histoire pour mieux comprendre les sociétés qu’il analyse. Le Moyen Age est pour lui la moitié de ce millénaire.

2) Les limites du monde médiéval.

La période médiévale commence avec l’arrivée au pouvoir de la dynastie des capétiens avec le sacre de Hugues Capet en 987 à Reims.

Cette période se termine en 1483 avec le début des temps modernes.

En 1483: prise de Constantinople par les turques qui marque la fin de l’Empire Romain d’Orient (Empire Byzantin).

A l’échelle de l’Empire français c’est fin de la guerre de 100 ans avec l’émergence de l’Empire français et aussi la fin de la « bataille de Castillon » avec les troupes anglaises mises en déroute par l’armée française et qui aboutit à la fin de l’occupation anglaise qui était présente depuis 3 siècles.

Plan culturel: Gutenberg publie la 1ère bible à Mayence: l’imprimerie permet de faire la démarcation entre le Moyen Age et les temps modernes.

SECTION 2: LES LIGNES D’EVOLUTION DE LA PERIODE MEDIEVALE.

1). Du Xème au XIIème siècle.

Cette période est peu brillante pour l’Histoire de l’État après l’échec de sa restauration par les carolingiens. Le royaume se morcèle, les agents du roi ne lui obéissent plus et s’emparent peu à peu des attributs de la puissance publique. Il se forme aussi une multitude de petites unités politiquement indépendantes du pouvoir: les seigneuries. Mais, les pouvoirs exercés par les Seigneurs sont mal délimités et les frontières du territoire sont mal fixées donc il y a beaucoup de flou et d’incertitudes. Ce qui entraine une très grande diversité locale de la règle de droit.

2). Du XIIème au XVème siècle

A partir du XIIème siècle, on observe un essor démographique important qui s’accompagne d’un élan économique prodigieux. Cela va permettre une remise en cause des structures de la société. La seigneurie rurale n’est plus désormais le seul cadre de vie est va être concurrencée par la ville. Qui dit ville, dit une nouvelle catégorie sociale. Les bourgeois cherchent à accéder à la scène politique.

On assiste donc à une stabilisation de la société avec les frontières des territoires qui se précisent, les pouvoirs des seigneurs vont être fixés dorénavant dans des chartes (actes écrits). D’une façon plus générale, le Droit aussi devient plus raisonné grâce au début du XIIème à la renaissance du droit romain. Ce droit romain va apporter une méthode, un mode de raisonnement et l’approche juridique va s’en trouver profondément changée. Le XIIIème siècle est un point d’équilibre. C’est dans cette société que le pouvoir royal, après une longue éclipse va faire tenir son action. Philippe Auguste (1180 – 1223). Dans une Europe en plein essor, la royauté capétienne va s’affirmer et s’attache à reconstruire l’État.

TITRE 1: L’ÉTAT RELAYE: LA SEIGNEURIE ET LE REGIME FEODAL.

Introduction: Féodalité et seigneurie.

Ce régime se caractérise par deux choses:

– Point de vue social:

La féodalité se scinde en 2 éléments:

D’un coté on trouve les seigneurs qui exercent leurs droits sur les paysans et les terres, on appelle ça le rapport de domination. Et d’un autre les paysans et leurs terres qui sont soumis à la sujétion seigneuriale. Leurs relations basées sur des obligations réciproques forme ce qu’on appelle le rapport de structuration d’une élite. Les paysans sont soumis à la sujétion des seigneurs dont les relations sont dites féodo-vassaliques (c’est un contrat qui les engagent à des obligations réciproques). Ces relations s’établissent à la suite d’un contrat passé entre deux hmmes libres par lequel le plus faible: le vassal, entre au service du plus puissant: le seigneur. En effet le vassal s’engage à obéir à son seigneur et à le servir (militairement et avec la production de ses terres), en contrepartie le seigneur doit protéger le vassal et l’entretenir: il va concéder à celui-ci un fief (terre ou le vassal produira des ressources et ou il pourra vivre avec sa famille). Ce dernier n’est pas propriétaire du fief: une terre plus ou moins étendue dont les revenus permettront au vassal de vivre avec sa famille et de rendre au seigneur les services qu’il a promis. En effet il tient son fief de son seigneur et ce dernier peut le reprendre si le vassal ne remplit pas ses obligations.

– Aspect politique.

La seigneurie s’est substituée à l’État que les carolingiens ont échoué à faire renaitre. Mais elle n’est pas pour autant pleinement autonome. Dans la grande généralité des cas, le seigneur d’un territoire est le vassal d’un seigneur plus puissant, lui-même vassal d’un seigneur plus puissant. La féodalité constitue une pyramide dans laquelle les pouvoirs se superposent. Elle est donc le contraire même de l’anarchie et justement la féodalité est une structure de remplacement qui se met en place spontanément dans toute l’Europe à partir du XXème parce que l’impuissance du pouvoir royal menait tout droit à l’anarchie. La féodalité est aussi la réponse à un besoin de sécurité individuelle qui provient de l’insécurité générale que le roi est devenu incapable d’assurer. La féodalité se présente sous deux aspects:

⁃ Le lien féodo-vassalique qui attache tous les chefs, ou presque, de la société les uns aux autres.

⁃ Le morcellement territorial et la dislocation de l’autorité publique dans une foule de seigneurs.

Durant cette époque la France est divisée en principautés qui se présentent comme de très petits États. Pendant des siècles, la seigneurie va fonder la cellule fondamentale de la société. Le fait d’appartenir à une seigneurie va tenir lieu du fait de la notion moderne de nationalité. Ceux qui ne font pas partie de la seigneurie: les forains ou encore les aubains, sont considérés comme des étrangers.

La seigneurie est un territoire sur lequel le seigneur exerce des droits qui sont liés à la possession de la terre et en partie des droits qui proviennent de l’usurpation de la puissance publique qui appartenait au roi. Celui qui qui possède la terre finit par exercer les droits de commandement sur cette terre et sur tous ceux qui l’habitent:

– Commandement militaire pour assurer la paix à l’extérieur de la seigneurie.

– Commandement judiciaire pour la paix intérieure.

– Il a le droit de lever les impôts

La seigneurie est une cellule d’organisation sociale, économique et politique. On étudiera la seigneurie comme mode d’exercice du pouvoir. On qualifiera cette seigneurie de « seigneurie justicière » car le seigneur possède le pouvoir essentiel de l’État qu’est la justice. On parlera également de seigneurie banale: pouvoir d’ordonner, d’interdire et de punir.

CHAPITRE 1 – LES CARACTERES DU REGIME FEODAL

SECTION 1: LA FORMATION DU REGIME SEIGNEURIAL.

§1. Le démembrement de la puissance carolingienne.

Selon cette première théorie, le régime seigneurial revient à une usurpation des droits régaliens (les droits du roi découlant de sa souveraineté et par extension ceux de l’État souverain) et cette usurpation s’est réalisée en trois étapes qui correspondent aux trois étapes du morcellement territorial. Le royaume carolingien va peu à peu se diviser en une multitude de seigneuries entre la fin du IXe à la fin du XIe siècle.

– 1ère phase: exercée directement au détriment du pouvoir royal lui-même. Dès la fin du IXeme et le début du Xeme siècle, ces personnages que l’on appelle les Ducs et les Comtes, qui étaient des agents royaux se sont transformés en seigneurs. Ils se sont appropriés les charges publiques, ils les ont rendues héréditaires et ils exercent désormais en leur nom propre les droits de puissance politique qu’ils tenaient jadis du Roi. C’est ainsi que se créent les principautés territoriales autonomes (les plus grandes seigneuries):

– dans le Nord le comté de Flandre qui regroupe 5 ou 6 comtés anciens;

– le duché de Bourgogne composé d’une douzaine de comtés;

– le duché de Normandie (dont l’Histoire commence en 911: traité par lequel le Roi accepte de reconnaître un chef normand, Rollon, comme duc de Normandie à condition qu’il se convertisse au christianisme);

– le duché de Bretagne qui a toujours vécu en marge du royaume franc;

– au sud: le duché d’Aquitaine de la Loire à la Garonne;

– le duché de Gascogne de la Garonne aux Pyrénées;

– le comté de Toulouse qui absorbe tout le Languedoc.

Ces principautés sont gouvernées par des princes héréditaires. Certaines tirent leur force de leur caractère ethnique (Exemple: peuplement basque / Celtes en Bretagne). Leur succès vient surtout du fait qu’elles correspondent par leurs dimensions aux possibilités réelles d’exercice du pouvoir au tournant de l’an mil. Pourtant elles vont-elles-même s’avérer fragiles.

– 2ème phase: autour du Xeme siècle, phase d’émancipation de beaucoup de comtes et de vicomtes (personnages auxquels les comtes déléguaient leurs pouvoirs). Ce phénomène est surtout sensible dans la France mineure (petite France) c’est-à-dire les régions comprises entre la Flandre au Nord et l’Aquitaine au Sud, et entre la Normandie à l’Ouest et la Bourgogne à l’Est (= bassin parisien). Dans cette région, beaucoup de comtés vont s’ériger en entités politiques autonomes (Exemple: le Maine, l’Anjou, les comtés de Mâcon, de Nevers, Auxerre).

– 3ème phase: au cours du XIe siècle, le comté résistait jusqu’ici au démembrement. Le comté se disloque alors, les vicomtes et vicaires auxquels les comtes avaient délégué leurs fonctions se rendent à leur tour indépendants. Cette cascade d’émancipation donne naissance aux seigneuries châtelaines (= châtellenies / = nos cantons actuels). La châtellenie devient la cellule politique de base, le cadre d’un nouvel ordre politique où l’autorité est tombée au plus bas. C’est dans ce cadre restreint que se tient l’essentiel de la vie des rapports sociaux.

§2. La théorie du régime domanial.

Régime domanial: on entend quelquefois par-là régime seigneurial, lequel est toujours du domaine du seigneur, et ce que l’on appelle patrimonial.

Les pouvoirs du seigneur ne seraient pas d’origine politique mais domaniale, c’est à dire que ces pouvoirs ne viendraient pas d’en-haut, mais d’en-bas. Ce n’est pas véritablement parce qu’ils ont usurpé le pouvoir au roi mais plutôt à la suite d’une carence du pouvoir royal à la fin de l’époque carolingienne. Chaque fois qu’un pouvoir de droit décline et ne remplit plus sa fonction, il émerge un pouvoir de fait qui est nécessaire au maintien de l’ordre social. Le régime seigneurial s’est aussi formé par une extension du droit des grands propriétaires sur sa terre: les grands propriétaires ont assumé dans leurs domaines les tâches que le Roi était devenu incapable de faire, et les tenants de la théorie domaniale ont fait deux observations:

– Ce transfert du Roi vers les grands propriétaires s’est parfois effectué à la demande du Roi lui-même. Certains grands propriétaires, surtout ecclésiastiques, se sont vus accorder par le Roi une immunité (→un privilège par lequel le domaine et sa population sont soustraits à l’action administrative des agents royaux c’est-à-dire des comtes). Le Roi se méfie du désir d’indépendance de ses propres agents (de ses comtes) et cherche ainsi à réduire leur pouvoir en organisant des enclaves au sein de leur circonscription. Le roi qui se méfie aussi des velléités d’indépendance de ses comtes a voulu ainsi réduire le pouvoir des comtes en organisant des enclaves au sein des comtés, des pagi. →Quelle situation en résulte?

Sur le territoire immunisé, le pouvoir royal va s’exercer par l’intermédiaire du grand propriétaire à qui sont délégués les pouvoirs du comte. C’est le grand propriétaire qui réunira les troupes du domaine et les conduira à l’armée royale, c’est lui qui rendra la justice sur son domaine et percevra les impôts sur son domaine.

C’est aussi le Grand Propriétaire qui lèvera l’impôt (→création d’une sorte d’administration parallèle). Une fois que le roi disparaît, l’immuniste exerce le pouvoir en son nom et non plus au nom du roi. L’institution a manqué son but et l’autonomie administrative reconnue aux grands propriétaires devait fatalement mener à leur indépendance politique et donc se transformer en Seigneurs.

– On constate que ce transfert d’autorité s’est également effectué à la demande des assujettis. Ce pouvoir qu’exerce le seigneur lui a été reconnu par ses hommes eux-mêmes. Devant l’effondrement de l’État, les populations se groupent spontanément autour d’un chef qui est capable de les protéger, peu importe lequel, un grand propriétaire, un immuniste ou un ancien agent du pouvoir royal. Le faible s’appuie sur le fort et il n’hésite pas à lui reconnaître une autorité qu’il espère bien faisante.

Chacune de ces théories ont leur part de vérité. Elles se complètent.

– L’usurpation (S’emparer, par violence ou par ruse, d’un bien, d’une souveraineté, d’une dignité, etc ) est indispensable pour les ducs et pour les comtes.

– La théorie domaniale explique certainement mieux l’apparition des seigneurs locaux.

SECTION 2 – LA COMPLEXITE DU REGIME SEIGNEURIAL.

I – L’émiettement des pouvoirs publics.

Ils sont devenus propriété des seigneurs. Cette époque connait une dispersion du droit de ban et du droit de lever l’impôt que l’on retrouve en surface et en profondeur:

On la retrouve d’abord en surface:

Au XIeme siècle, le Royaume de France est dispersé en une foule de seigneuries de toutes dimensions, les unes englobent un province entière, les autres englobent quelques terres, quelques maisons ou même une rue. Les frontières entre seigneuries sont floues, elles s’imbriquent entre elles et présentent des enclaves.

On la retrouve ensuite en profondeur:

Puisque la puissance publique fait l’objet d’une appropriation privée, le seigneur a pu la concéder en totalité ou en partie à qui bon lui semble. La conséquence est que plusieurs individus peuvent exercer des droits fractionnés: l’un percevra telle redevance et tel autre, une autre redevance. Ou encore, le seigneur garde une partie de la justice, mais il concède au pouvoir royal une autre affaire.

II – L’instabilité des seigneuries.

Le nombre des seigneuries n’est jamais resté stable pas plus que les familles des seigneurs ne l’ont été. Pourquoi?

A la mort du seigneur, la seigneurie a pu être partagée ; une seigneurie a pu être vendue ou donnée en tout ou en partie. Selon l’évènement qui la frappe, sa résistance sera plus ou moins faible. Certaines seigneuries ont pu disparaître parce que leur maître ont été ruiné à la suite des croisades ou tué pendant la Guerre de 100 ans.

III – La diversité des titulaires de seigneuries.

Un seigneur peut être aussi bien un laïque qu’un ecclésiastique. Le seigneur est souvent une personne physique mais on trouve aussi souvent des seigneuries en indivision entre deux ou plusieurs seigneurs (coseigneuries qui existent entre les héritiers du seigneur défunt mais aussi entre des seigneurs qui se sont associés pour administrer une seigneurie / ils ont conclu un contrat, un pariage qui leur donne des droits égaux sur la seigneurie).

Au Moyen Age, ceci était nommé des coseigneuries qui existent en les héritiers du seigneur décédé, elles existent aussi entre seigneurs qui se sont associés pour administrer en même temps une même seigneurie. Ils ont alors fait un « pariage » →Contrat qui leur donne des droits égaux sur la même seigneurie. Fréquent entre laïques et ecclésiastiques. Le seigneur peut être une personne morale, un groupement, une institution: collectivité de moines, une abbaye, ou encore un chapitre cathédral (assemblée de clercs).

Chanoines: clercs qui entouraient l’évêque qui formaient un chapitre et siégeaient dans l’Église où régnait l’évêque sur son cathèdre et dont il est le curé. La seigneurie est alors représentée par le doyen du chapitre.

Enfin, la seigneurie peut aussi être une ville, et donc le maire de la ville (Bordeaux par exemple) représente la seigneurie.

SECTION 3: LA HIERARCHIE DES SEIGNEURIES.

– L’idée de hiérarchie apparaît étrangère au régime seigneurial puisque celui-ci se caractérise par la dispersion de l’autorité au sein de territoires juxtaposés qui se présentent comme de petits États (pas de hiérarchie entre les États, ils détiennent tous la souveraineté). Jusque vers le milieu du XIe siècle avec la diffusion du système seigneurial, on peut considérer que chaque seigneurie est quasiment autonome. Il en résulte un cloisonnement du pouvoir. Chaque seigneur forme un écran, un obstacle, à l’exercice de l’autorité depuis le sommet jusqu’à la base.

Roi

Seigneurs

Sujets

Cette situation est exprimée dans un adage: « Le vassal de mon vassal n’est pas mon vassal ». Dans une relation hiérarchique à 3 personnes, celui qui est au sommet (le suzerain) n’a d’autorité que sur celui qui a une position médiane (le vassal) mais n’a aucune autorité sur celui qu’il y a en-dessous (l’arrière-vassal), il peut encore les sanctionner et les juger. Le seigneur supérieur n’a aucune autorité sur les sujets de ce seigneur qui sont soumis au droit de ban du seigneur et donc échappe à la compétence du seigneur supérieur.

 Seigneur 1 +

 Seigneur 2 ; Vassal 1 +

- Seigneur 3 ; Vassal 2

– Cependant, cette autonomie à peu près complète des seigneurs cependant au début du XIIe siècle grâce au lien féodo-vassalique. Les princes territoriaux vont peu à peu réussir à obtenir l’hommage et les services vassaliques des comtes et des vicomtes à qui ils vont imposer des conditions à l’écart de leur propre clientèle. Ils vont réussir à leur imposer des exigences à l’égard de leurs propres dépendants. Les comtes et les vicomtes vont faire de même à l’égard des seigneurs châtelains.

→Conséquences: les Seigneurs vassaliques et notamment les Seigneurs militaires vont peser aussi bien sur les vassaux que sur les arrière-vassaux. En cas de conflit, le châtelain devra rallier l’armée du Comte avec ses propres troupes et parfois même avec celle du comte rallier celle du prince territorial. Effectivement, dans le domaine judiciaire, chaque fois que le vassal d’un seigneur inférieur estime qu’il a été mal jugé par la Cour de son seigneur, il peut de plus en plus saisir son affaire la Cour de son suzerain et ces recours hiérarchiques vont contribuer à faire prévaloir l’idée d’interdépendance des seigneuries. Ces rattachements ne sont pas uniquement personnels (entre les seigneurs) mais ils sont également réels (entre les seigneuries). Toutes les seigneuries ou presque vont être englobées dans la hiérarchie féodale: le seigneur n’est pas propriétaire de sa seigneurie, il la tient de la concession d’un seigneur féodal (= un fief). On dit alors que la seigneurie du vassal est dans la mouvance de la seigneurie du seigneur auquel il a prêté hommage. Ces hommes qui dépendent les uns des autres et les terres qui dépendent les unes des autres créent une double structuration:

⁃ L’une de matière personnelle rattache les seigneurs par l’intermédiaire du lien vassalique.

⁃ L’autre de nature réelle qui établit une superposition concordante de fiefs ou de seigneuries.

Cette double structuration personnelle et réelle forme la pyramide féodo-vassalique. L’élément essentiel est la châtellenie (seigneurie qui ne comporte qu’un château) dont dépendent plusieurs fiefs de chevaliers (fiefs dont le titulaire, le vassal doit seulement s’équiper et venir à la guerre avec un équipement complet de chevalier). Les châtellenies sont en général groupées en baronnies qui réunissent au moins deux châteaux, au sommet on retrouve les seigneuries titrées: Vicomtés, Comtés et Duchés.

Ce regroupement pyramidal va avoir des conséquences importantes pour le pouvoir royal. Le Roi occupe le sommet de cette pyramide : cette position prééminente ne lui donne pour l’instant qu’une autorité toute théorique. Il suffira au Roi d’épouser une héritière d’une principauté pour se placer du même coup à la tête de la pyramide féodo-vassalique correspondante (cf Louis VII et Aliénor d’Aquitaine) et ainsi il pourra étendre son autorité à un territoire très important.

CHAPITRE 2 – LA SEIGNEURIE BANALE, MODE D’EXERCICE DU POUVOIR

Le pouvoir militaire d’un seigneur se matérialise par la possession d’un château. Ce château est un point d’appui de la Guerre inter-seigneuriale et un refuge. Cependant, il a d’autres fonctions: il est le centre administratif de la seigneurie c’est à dire que le rôle militaire du seigneur va entraîner d’autres attributions comme le pouvoir de rendre la Justice, de percevoir les impôts… Tout seigneur a donc dû organiser des services pour remplir ses fonctions.

La seigneurie banale (seigneurie en tant que territoire sur lequel le seigneur exerce les pouvoirs de prérogatives de puissance publique ou seigneurie justicière) symbolise bien l’effondrement de l’État dont elle représente un véritable succédané (elle remplace l’État). Le seigneur va exercer les prérogatives de puissance publique sur la population qui vit dans sa seigneurie: elle se répartit en deux groupes bien distincts et le seigneur ne commande pas à chacun de ces groupes de la même façon:

– Les uns échappent à l’emprise du droit de ban: ce sont tous ceux qui sont rattachés au seigneur par les liens féodo-vassaliques (→chevaliers qui assurent l’encadrement militaire de la seigneurie et qui sont les vassaux du seigneur). Le seigneur ne peut leur donner des ordres qu’en respectant les clauses (dispositions) du contrat féodo-vassalique. Ils ne doivent au seigneur que les obligations qui résultent de l’hommage et du serment de fidélité prêté à leur seigneur.

– Les autres sont placés sous la puissance banale du seigneur: sous la protestas (puissance) du seigneur. C’est la raison pour laquelle on les appelle: « homines de potestate » = « les hommes de poesté. » Ils sont complètement soumis au ban seigneurial, ce sont les sujets du seigneur. Ce pouvoir de ban fait de la seigneurie une véritable unité de pouvoir à la fois militaire, judiciaire et fiscal. En effet, le seigneur concentre entre ses mains sous le nom de droits seigneuriaux ces 3 pouvoirs.

SECTION 1 – L’ORGANISATION MILITAIRE DE LA SEIGNEURIE.

Le seigneur a le droit de fortifier son château, il a un véritable droit de guerre (application de la notion de guerre privée: notion équivoque parce que les guerres inter-seigneuriales par définition ne sont pas privées la seigneurie étant un organe de droit public; notion polémique, c’est une façon de discréditer le comportement de l’aristocratie militaire; notion poétique, elle renvoie à l’idée que la guerre est une affaire publique, donc réservée aux princes territoriaux et surtout au Roi).

§1. L’armée seigneuriale.

Le seigneur a le droit d’organiser une armée. Le seigneur peut exiger le service militaire des habitants de la seigneurie mais ce dernier n’est absolument pas égalitaire.

a) Le service des vassaux.

Les vassaux sont la 1ère catégorie de la population. (Ils ont reçu un fief du seigneur). Ils doivent leur service en vertu de l’hommage qu’ils ont prêté à leur seigneur: leur service a un caractère contractuel (en vertu des clauses du contrat féodo-vassalique le vassal s’est engagé à servir militairement son seigneur). Ce service vassalique auquel le vassal s’est engagé, on l’appelle le service d’ost. Suivant les clauses du contrat, suivant la période, les vassaux sont soumis à des obligations plus ou moins rigoureuses.

Au début de la féodalité, le vassal doit une aide militaire illimitée. Ce service militaire ne comporte aucune rémunération (car le vassal a été en quelque sorte payé par avance par la concession du fief). Le vassal rend son service en combattant à cheval.

Dès le XIe siècle, les vassaux vont multiplier les pressions sur les seigneurs pour limiter l’étendue de leur service. Ces tractations vont passer en coutume au XIIe siècle (entrer dans le droit). Le Service militaire sera gradué en fonction de l’importance du fief. On va distinguer au bas de l’échelle les simples fiefs de chevaliers (= fiefs de haubert, le chevalier se rend au combat vêtu de son armure appelée haubert) puis on trouve au-dessus les fiefs plus importants, c’est-à-dire les fiefs de châtelains, de barons, de vicomtes, de comtes →les vassaux doivent venir à l’armée du seigneur avec leurs propres vassaux.

L’aide militaire vassalique n’est plus illimitée et au XIIe siècle on y distingue 3 éléments:

– L’ost: service normal de guerre qui oblige le vassal à s’équiper à ses frais, il est limité à 40 jours par an, au-delà le vassal est en droit de se retirer ou il pouvait négocier avec son seigneur le versement d’une solde.

– La chevauchée: expédition militaire courte et se déroule dans un cadre local.

– L’estage: le simple service de garde au château du seigneur. Au XIIe siècle il est limité à 6 mois par an puis il va passer à 3 mois pour tomber à 15 jours par an.

b) Le service des roturiers.

Leur service militaire ne présente aucun caractère contractuel. En effet, ces roturiers servent en application du droit de ban du seigneur (c’est-à-dire le pouvoir de commander qui permet au seigneur de les réquisitionner pour des besoins militaires ou autres). Les roturiers servent en qualité de sujets du seigneur et non de vassaux. Le service des roturiers n’est dû qu’à titre subsidiaire (ce n’est pas un service fondamental) et se limite à des opérations défensives. Le plus souvent ce service est restreint à la garde et à la défense du château du seigneur. Les roturiers assurent le guet et ils sont astreints à ce que l’on appelle des corvées, c’est-à-dire des journées de travail gratuites pour l’édification et l’entretien des fortifications. Ils doivent leur service d’ost, mais ces roturiers n’ont pas droit à l’armement du chevalier, ils rendent le service à pied, armés d’arcs et de lances.

A partir du XIIe siècle, il y a tout un mouvement d’émancipation des classes roturières: grand mouvement qui va se dérouler sur plusieurs siècles et trouvera sa traduction définitive avec la Révolution. Ce mouvement amène les seigneurs à accorder à leurs sujets des chartes de franchise (amélioration de la condition des sujets) qui vont réduire l’importance des obligations militaires des roturiers. Le service militaire est restreint à la fois dans le temps et dans l’espace: les roturiers ne seront plus tenus de se battre qu’à condition de pouvoir rentrer chez eux le soir même ou le lendemain. Leur service est ordinairement renfermé dans les limites de la seigneurie et dès le XIIIe siècle ce service militaire des roturiers tend à disparaître, les seigneurs renoncent au service de leurs sujets. Les seigneurs se sont montrés d’autant plus généreux qu’à leurs yeux ce service militaire n’avait pas une grande valeur. Bien souvent les roturiers ont racheté ce service en versant une taxe en argent (→taille de l’ost). Les roturiers vont payer pour ne pas se battre cela va permettre au seigneur de solder des mercenaires.

§2. Le droit de guerre et ses limitations.

Entre le Xe et le XIIIe siècle, les guerres sont très fréquentes parce qu’à cette époque tout homme libre a la faculté de recourir à la guerre pour faire valoir son droit C’est ce que l’on nomme la voie de fait. C’est-à-dire le recours à la force pour assurer le droit. La voie de fait entraîne une multiplication des conflits armés qui opposent des groupes sociaux entiers. Chaque combattant entraîne avec lui les membres de son lignage (famille), ses vassaux et ses sujets.

a) L’intervention de l’Église.

La fin du Xe siècle correspond à l’avènement et au règne de Hugues Capet (pouvoir royal au plus bas), il n’y a que l’Église qui puisse intervenir avec suffisamment d’autorité. Une série de conciles (réunion d’ecclésiastiques) va établir deux institutions qui visent à restreindre les effets des guerres ou à en limiter la durée: la paix de Dieu et la trêve de Dieu.

1) La paix de Dieu.

Elle résulte d’un mouvement initié avec le concile de Charroux (localité près de Poitiers) en 989. Le pape Urbain II déclare la paix de Dieu universelle au concile de Clermont en 1096: elle a pour but de soustraire à la guerre certaines catégories de personnes (les clercs, les laboureurs, les marchands, les femmes et les enfants) et de biens (les Églises qui sont des lieux d’asile, les monastères, les cimetières, les moulins, les animaux, les instruments agricoles). Cette paix de Dieu était permanente: elle devait être respectée en tout temps à l’égard des personnes et des biens qu’elle prenait sous sa protection.

2) La trêve de Dieu.

Concile de Toulouges en 1027. Cette trêve va se répandre rapidement et elle s’en prend à la guerre elle-même en obligeant les combattants à suspendre les hostilités des combats pendant certains jours ou certaines périodes consacrées par des souvenirs religieux. La guerre est interdite certains jours de la semaine, d’abord le dimanche puis la trêve va être étendue du mercredi soir au samedi matin → rappel de la cène, la passion et la résurrection du christ. La guerre est aussi interdite pendant certaines périodes: la période de l’avent (précède Noël), le carême (ramadan des catholiques), ainsi que le temps de noël et pâques. Pour assurer l’application de ces mesures, l’Église va imposer un serment aux Seigneurs. Ils devront s’y conformer, sinon ils auront des sanctions (ecclésiastiques comme l’excommunication c’est une mesure d’ostracisme). Dans l’ensemble les prescriptions mal respectées.

Au XIIème et XIIIème siècles se sont de nouvelles prescriptions qui arrivent: association de paix qui vont essayer d’imposer les décisions de l’Église, les évêques et les seigneurs laïques de régions données, considérées, forment des tribunaux de paix pour juger les contrevenants (ceux qui ne respectent pas la trève de dieux) et si elle n’est pas respectée l’association de paix déclarerait la guerre au peuple(coupables).

b) L’intervention des laïcs.

Les juristes vont redéfinir la voie de fait dans un sens restrictif, son travail est de définir des coutumes qui prévoient que seuls les nobles peuvent régler leur litige par la guerre, ils ne disposent que du recours judiciaire. La guerre devient donc un privilège nobiliaire. Elle est aussi réglementée: la déclaration de guerre doit résulter d’un défi et il doit viser un motif précis et sérieux de conflit. Les membres de la famille (le lignage) qui sont tenus de participer à la guerre sont réduits, en effet jusque là tous les parents jusqu’au 7 ème degré étaient entrainés dans la guerre. Au début du 13ème siècle seuls les parents jusqu’au 4ème degré étaient entrainés dans la guerre: les juristes essaient de limiter les guerres. Par ailleurs, certains seigneurs voulaient prendre des mesures d’autorités, interdire la guerre à leur sujet. Ils ont essayé de restreindre les voies de fait dans leur juridiction (Guillaume le Conquérant) par des interdictions célèbres. Certains bourgeois d’une cité qui s’organisaient pour former une commune se juraient entre eux paix et amitié et rejetaient de leur groupement ou association ceux qui pratiquaient la vengeance privée. En fait, c’est surtout le pouvoir royal qui a adopté des mesures importantes en introduisant 3 nouvelles institutions:

⁃ La quarantaine-le-roi qui a été imaginée par Philippe Auguste. Lorsque qu’un seigneur déclare la guerre à un autre, chacun peut attaquer tout membre du lignage de son adversaire. Désormais le roi ne permet d’attaquer les parents que quarante jours après la déclaration de guerre.

⁃ L’asseurement: les juristes vont faire admettre qu’il est licite de choisir entre la voie de droit (justice) et la voie de fait (guerre). Mais si un des adversaires a choisi les voies de fait, il ne peut revenir à la voie de droit.

⁃ Exemple: Un seigneur est en conflit avec un autre et il craint la guerre, il va assigner le seigneur devant un juge et il va lui promettre de lui faire droit il s’engage à se soumettre à la voie de droit et en même temps il demande à son adversaire qu’il s’abstiendra de toute violence. Cette promesse, c’est l’asseurement (pacte de non agression). Mais il va connaitre une évolution: c’est une convention consentie par les seigneurs et on constate que certains grands seigneurs et le roi vont imposer cet asseurement dès l’instant qu’ils en seront sollicités par l’une des parties en cause →obligation. La violation de cette promesse c’est une infraction grave qui va relever de la compétence du tribunal qui a prononcé l’asseurement.

⁃ Il a pour mérite d’exclure la guerre seigneuriale.

⁃ Lettres de sauvegardes: le roi mais aussi certains grands seigneurs ont pu apporter à certaines personnes physiques ou morales des lettres de chancelleries (lettre de sauvegarde), ces lettres étendent la protection spéciale du roi sur la personne et sur les biens du bénéficiaire. Ce sont surtout les clercs et les marchands qui vont en bénéficier. En cas d’attaque il y a bris de sauvegardes = délit puni sévèrement par les tribunaux. L’efficacité de ces lettres dépend de la puissance de celui qui les concèdent. Les lettres royales seront les plus recherchées.

Cette série de mesure sera complétée par une ordonnance de St Louis de 1258 qui interdit les guerres seigneuriales dans le domaine royal. Cette interdiction était prématurée mais si les guerres se font plus rares elles ne disparaitront qu’au XVème siècle (fin de la guerre de 100 ans) car le roi a suspendu les guerres privées tant que durera la guerre royale et elle a durée si longtemps que les guerres seigneuriales ne seront plus pratiquées en tant qu’institution juridique.

SECTION 2: L’ORGANISATION JUDICIAIRE DE LA SEIGNEURIE.

Le seigneur exerce sur son territoire le droit de justice qui au Moyen Age est regardé comme la prérogative essentielle du pouvoir politique. Le droit de justice ne donne pas uniquement le droit de juger des procès, c’est aussi le droit de faire des établissements, des règlements pour tout le territoire seigneurial. Le ban permet au seigneur d’assurer la police (règlementation de la vie économique, religieuse) de la seigneurie et parfois même ce sera un pouvoir législatif. La justice publique qui appartenait à l’État a disparu au profit de la justice seigneuriale qui est la justice de droit commun. Le seigneur territorial est souvent appelé seigneur justicier. →Seigneurie banale.

§1. Le contenu du droit de justice.

a) Justice seigneuriale et justice féodale.

La justice seigneuriale ou justice de droit commun. Elle est d’origine étatique. Au Xe et XIe siècle, les seigneurs se sont appropriés la justice exercée jusqu’alors par les représentants de l’Etat. Cette appropriation peut résulter du fait que le seigneur est le descendant d’un ancien agent carolingien ou bien d’une concession faite par le Roi lui-même (privilège que le Roi octroyait aux maîtres de grands domaines: l’immunité) ou bien d’une simple usurpation de la fonction judiciaire. Cette justice d’essence publique est essentiellement territoriale c’est-à-dire que sa compétence s’étend à toutes les causes qui naissent dans le territoire, dans le détroit de la seigneurie. Sont soumis à cette Justice seigneuriale tous les habitants de ce territoire, tous ceux qui y sont « levants ou couchants » (tous à l’exception des clercs qui jouissent du privilège de for (le tribunal spécial).

Justice féodale et justice foncière. La Justice féodale ne dérive pas du tout de l’ancienne Justice publique, elle repose sur le contrat féodo-vassalique conclu entre le vassal et son seigneur féodal. La justice seigneuriale s’exerce sur les sujets du seigneur (tous ceux qui sont soumis à sa puissance en tant que détenteur de l’autorité publique) au contraire la justice féodale ne s’applique qu’au monde des vassaux (→Justice aristocratique). Le seigneur est donc juge des causes qui intéressent le fief: les obligations vassaliques qui sont nées du contrat, la personne même du vassal et les délits qu’il aurait commis. Cette Justice féodale est parfois assimilée à la Justice foncière. Elle repose sur le fait que toute concession de terres donne au concédant une autorité judiciaire pour toutes les causes concernant la terre concédée et celui qui la tient. La Justice foncière englobe la Justice concernant les vassaux et les fiefs (Justice féodale) mais aussi les publiques relatifs aux tenures concédées aux paysans. Cette Justice féodale ou foncière est fondée sur la concession d’une tenure noble ou roturière alors que la Justice seigneuriale est fondée sur l’autorité que le seigneur exerce sur les hommes de sa Seigneurie.

En pratique il y a une confusion, car le même personnage cumule plusieurs qualités, celle de seigneur justicièr et celle de seigneur féodal ou foncier. Et que les deux sortes de justice sont confiés au même tribunal.

b) Haute et basse justice (distinction propre à la justice seigneuriale).

A partir du XIe siècle, distinction entre deux degrés de Justice: la haute et la basse, qui tire son origine de l’époque franque, du clivage entre les causes majeures (jugées par le comte, affaires les plus importantes) et les causes mineures (jugées par le vicaire, subordonné du comte).

La haute justice entraîne plénitude de compétences en matière civile et pénale. Le haut justicier possède la basse justice.

→En pénal, la haute justice s’applique à tous les crimes ou délits susceptibles d’entraîner la mort ou le duel judiciaire (meurtre, rapt, incendie, vol) délits passibles de bannissement (forban), délits punis d’amende de 60 sous (cela vient de l’époque franque)

→En civil, ceux sont tous les procès concernant les conditions des personnes et la propriété des terres. Les marques de la haute justice sont le pilori où on expose le condamné et les fourches patibulaires (c’est-à-dire le gibet).

La basse justice est compétente pour les causes moindres: délits punis d’une amende inférieure à 60 sous (délits ruraux, procès civils peu importants qui ne comportent pas la preuve par bataille –duel judiciaire-…).

Au XIVe siècle apparaît un degré intermédiaire: la moyenne justice, mal définie, variable suivant les régions: moyens de donner à des bas justiciers quelques unes des prérogatives de la haute justice.

§2. Le fonctionnement de la justice seigneuriale.

a) L’organisation de la cour.

La justice est rendue à la Cour du seigneur et cette Cour Seigneuriale est tenue soit par le seigneur soit et, c’est plus souvent le cas, par un de ses officiers (qui porte des noms variables selon la région: sénéchal, prévôt, bayle). Le seigneur ou son représentant ne juge pas seul, d’autres personnes l’assistent, qui vont tantôt voir délibérative, tantôt consultative (on sollicite l’avis ais on n’est pas tenu de le suivre). La composition de la Cour varie selon la qualité de la personne qui comparait comme accusé ou comme défendeur en matière civile. 3 cas.

⁃ Le défendeur est un vassal noble: ce vassal qui a prêté hommage n’est pas soumis à la discrétion de son seigneur et à proprement parlé le seigneur n’est pas son juge. Le vassal est jugé par ses pairs, c’est-à-dire les autres vassaux du seigneur astreints au service de cour, service qui impose au vassal de siéger au tribunal du seigneur. Le seigneur ne convoquait pas tous ses vassaux pour garnir son tribunal quand ils étaient trop nombreux. Les coutumes exigeaient un nombre minimum variant entre 4 et 12. Seuls les pairs rendaient le jugement. Après avoir recueilli leur avis, le seigneur devait prononcer un jugement conforme. Les pairs étaient responsables du jugement.

⁃ Le défendeur est un roturier: (simple sujet du seigneur justicier) en principe il n’a pas le droit au jugement par les pairs.

⁃ Il est jugé par un collège: la composition de ce collège varie selon les régions. Dans le Nord-Est, il est composé de juges professionnels, les échevins. Ailleurs ce collège est remplacé par la Cour des vassaux. Parfois le roturier peut être jugé par un collège de roturiers, c’est alors un privilège accordé par le seigneur. Ce système collégial n’est pas le plus fréquent.

⁃ Il est jugé par un officier du seigneur: cet officier s’entoure parfois d’un conseil qui n’a qu’une voix consultative, l’officier n’est pas tenu de suivre l’avis de ce conseil.

⁃ Le défendeur est un serf: le serf n’est normalement pas jugé par le seigneur justicier. Il est jugé par le seigneur duquel il dépend personnellement même si ce seigneur n’a pas droit de justice (= simple seigneur foncier). Le serf sera renvoyer devant la cour du haut justicier et il sera alors jugé comme les sujets roturiers.

b) La procédure.

Au début de la période féodale, la procédure conserve l’empreinte de l’époque franque. C’est une procédure orale et formaliste: les parties doivent comparaitre en personne et prononcer des paroles et accomplir des gestes qui sont consacrés par l’usage, à peine de perdre le procès. Les tribunaux seigneuriaux utilisent une procédure accusatoire: le juge ne se saisi pas lui-même, il est saisi par la victime ou la famille de celle-ci. La procédure va s’améliorer sous l’influence du droit romain et sous l’exemple des tribunaux d’Église. Cette procédure romano-canonique est une procédure écrite et plus rationnelle que la précédente et devient inquisitoire. Le demandeur n’est plus qu’un simple dénonciateur qui n’est plus engagé par sa plainte. Si l’accusateur ne pouvait pas prouver sa prétention, il était condamné à subir la peine qu’il avait réclamée contre son adversaire. Cette procédure conduit les plaideurs à se faire assister de praticiens.

Les modes de preuve:

Ils évoluent progressivement: les tribunaux seigneuriaux ont adopté les systèmes de preuve irrationnelle de l’époque franque (fondée sur l’intervention de la divinité).

Ces preuves sont des ordalies: jugements de Dieu, épreuves physiques dans lesquelles la divinité est censée intervenir en faveur du plaideur dont la cause est juste. On interroge les éléments naturel pour trouver l’issue du procès, Dieu va faire connaître la solution par le moyen des éléments.

⁃ Ordalies unilatérales que subit le seul défendeur. Il doit serrer un morceau de fer porté au rouge, si la plaie cicatrise normalement c’est qu’il a raison. Le défendeur est jeté à l’eau, s’il surnage c’est qu’il a tort.

⁃ Ordalies bilatérales que les deux parties supportent: le duel judiciaire ou bataille est un combat entre le demandeur et le défendeur dont le vainqueur pour lui est censé avoir le bon droit. L’Église s’est forcée de le remplacer par l’épreuve de la croix (face à face les bras en croix, le premier qui baisse les bras a perdu)

Ou des serments purgatoires: le défendeur est admis à se disculper, à se purger par le serment, c’est que le défendeur va jurer qu’il n’est pas coupable de ce dont on l’accuse, ce serment est soutenu par celui de parents ou d’amis (cojureurs). Ces preuves vont être abandonnées au profit de preuves plus rationnelles: le témoignage, l’aveu, la preuve par écrit, preuves administrées au cours d’une enquête ordonnée par le juge. Le duel judiciaire reste la preuve de droit commun pour tous les procès importants. Il pouvait intervenir de deux façons:

⁃ Le demandeur offre immédiatement le duel;

⁃ Un autre mode de preuve intervient, le témoignage. L’adversaire peut alors fausser cette preuve par la bataille, si le témoin succombe c’est un faux témoin.

Toute personne de franche condition (homme libre) peut recourir au duel et chacun combat avec ses armes (chevalier à cheval, roturier à pied avec un écu et un bâton). Le serf n’a pas droit au duel judiciaire car il ne s’appartient pas. Dès la fin du XIIe siècle, une réaction se forme contre le duel judiciaire, l’Église l’interdit aux clercs, au concile de Latran. Interdiction du duel judiciaire dans le domaine royal par Saint Louis, qui le remplace par une procédure d’enquête dans laquelle la preuve rationnelle doit résulter d’actes écrits ou de témoignages et doit émaner du demandeur. Mais l’esprit public reste favorable au duel. Philippe Le Bel doit le rétablir en 1306 pour les affaires criminelles les plus graves. Ce n’est qu’à la fin du XIVe siècle que la bataille disparaitra de l’arsenal judiciaire.

Les voies de recours:

Le propre du jugement de Dieu était de rendre impossible toute voie de recours contre un jugement prononcé par un tribunal seigneurial puisque le résultat de l’ordalie était sensé représenter la volonté divine. Ce qui signifie que l’appel tel que nous le concevons aujourd’hui, c’est-à-dire comme voie de recours contre un jugement était donc impossible.

Mais le droit médiéval connaissait 2 voies de recours spéciales:

⁃ Appel de faux jugement: il suppose qu’une décision judiciaire a été rendue volontairement en violation du droit. La partie perdante peut provoquer le juge en duel devant le tribunal du seigneur supérieur. Selon le résultat, le juge encourt la diffamation et il doit payer les dommages qu’il a causés ou bien le jugement est confirmé.

⁃ Appel pour défaut de droit: il intervient en cas de déni de justice, c’est-à-dire quand le tribunal seigneurial refuse de juger la cause qui lui est présentée. Cet appel sera vidé par bataille devant la Cour du seigneur supérieur.

Dans ces deux cas, le recours n’est pas dirigé contre le jugement, mais bel et bien contre le juge qui a rendu la sentence. Ce n’est donc pas techniquement un appel. Ce système ressemble à ce que l’on appelle la prise à partie: procédure par laquelle un juge peut être personnellement remis en cause s’il a causé par sa faute un préjudice. L’appel proprement dit est la révision du jugement d’un tribunal inférieur par un tribunal supérieur, il ne réapparait qu’au cours du XIIIe siècle. Saint Louis a fortement contribué à cette réapparition de l’appel: en supprimant le duel judiciaire, Saint Louis rend impossible le faussement du jugement. Le demandeur ne peut plus provoquer le juge dont il conteste la décision en bataille. Il devra donc prouver devant la Cour du Roi que le jugement incriminé était mauvais en exposant les arguments qui ont été débattus, en relatant les incidents du procès. L’appel va alors pénétrer dans les plus petites seigneuries car les progrès de la justice royale vont finir par faire admettre une situation qui au départ était inconcevable: les sentences des tribunaux seigneuriaux seront susceptibles d’être frappées d’un recours devant la juridiction royale voisine.

CHAPITRE 3.

SECTION 3. LA FISCALITE SEIGNEURIALE.

§1. Les impôts seigneuriaux.

I – L’impôt direct: La Taille.

C’est le seul impôt direct que le Seigneur lève sur tous les habitants de la Seigneurie en dehors des vassaux et en dehors des clercs. Étymologiquement le mot « taille » provient d’une encoche faite sur des bâtons pour attester le paiement de l’impôt. Cette taille était le prix de la protection que le Seigneur procurait à ses sujets. A l’origine, la taille était en nature, elle consistait en réquisitions de denrées blé, avoine, bétail… que le seigneur faisait pour ses besoins. Et puis, progressivement avec l’ouverture de l’économie à la monnaies ces réquisitions se sont transformées en taxe pécuniaire. Le rythme, l’assiette et le mode perception de la taille varient extraordinairement selon la seigneurie:

⁃ Parfois la taille est levée selon l’étendue des terres possédées par chaque contribuable, la taille s’apparente à une sorte d’impôt foncier.

⁃ Parfois, elle est perçue sur chaque feu, c’est-à-dire sur chaque famille vivant sur le même toit (tous ceux qui vivent autour du même feu). On donne un nom spécifique à la taille: fouage.

⁃ Parfois, la taille est arbitraire. Le seigneur fixe le moment où elle sera levée, il fixe aussi la somme globale qu’il veut obtenir et il fixe enfin la part de chaque contribuable →Le seigneur a toutes les cartes en main. On dit aussi la taille à merci.

⁃ Cependant, le plus souvent la taille est abonnée. C’est-à-dire qu’elle est fixée dans son montant et dans sa périodicité par la coutume et non pas par le Seigneur.

II – Les impôts indirects.

A. La police des échanges.

1). Droits sur la circulation des marchandises.

Beaucoup de taxes frappent les forains (étrangers à la seigneurie). Ces taxes se justifient comme étant le prix de la sécurité que le Seigneur assure à ses forains (commerçants, marchands…) quand ils traversent la seigneurie ou quand ils y séjournent. Parmi ces taxes, il faut faire une place particulière aux péages ou les tonlieux →droits qui sont perçus sur la circulation des marchandises qui transitent sur les routes, le ponts, les rivières de la Seigneurie.

On peut y ajouter les droits qui sont levés à l’occasion des transactions ou sur la vente des marchandises sur les foires ou sur les marchés seigneuriaux.

2). La frappe de la monnaie.

Le seigneur retient pour lui une portion de métal précieux qui constitue son bénéfice (ou la tolérance). Il existe encore au milieu du XIIeme siècle quelques 80 ateliers monétaires seigneuriaux dont les produits concurrencent la monnaie royale.

3). Poids et Mesure.

Chaque Châtellenie a en principe ses propres poids et mesures; les commerçants doivent s’y conformer sous peine d’amende.

B. Les applications économiques du droit de ban.

1). Police économique.

C’est en faveur du droit de ban que le seigneur avait la possibilité de prendre des mesures en police économique: il fixait la date de la moisson et des vendanges. C’est ce que l’on appelait le ban des moissons ou le ban des vendanges. C’est le seigneur qui fixait l’époque les viticulteurs pouvaient vendre leur vin, c’est que appelle le droit de banvin. Avant ces dates, le seigneur avait toute liberté de vendre et de récolter ses produits sans aucune concurrence.

2). Banalités.

Le seigneur fonde sur ses terres des structures d’intérêt commun: fours, moulins, pressoirs… Le seigneur en impose l’usage à ses sujets moyennant redevance. Les habitants sont tenus sous peine d’amendes d’utiliser l’appareillage seigneurial pour moudre leur blé, cuire leur pain, presser leur raisin et il est strictement interdit d’édifier sur le territoire de la seigneurie, un autre fous, un autre moulin ou un autre pressoir. C’est ce que l’on appelle le four banal, le moulin banal, le pressoir banal. Le seigneur se créé lui-même des monopoles économiques et en sa qualité de justicier, le seigneur a droit à des prérogatives spéciales.

§2. Les prérogatives du seigneur justicier.

I – Les profits de justice.

Ces sont les amendes prononcées par le tribunal du seigneur. Ajoutons au produit des amendes la confiscation de biens à la suite des exécutions capitales. Enfin, le droit de sceau était perçu lors de l’apposition du sceau seigneurial sur un acte écrit pour lui conférer le caractère authentique. Cette apposition était faite moyennant finance.

II – Le droit aux biens vacants (les biens sans maitre).

Tout bien situé dans le détroit (ressort territorial) de la justice et qui n’a pas de propriétaire appartient de ce fait au seigneur justicier.

1). Terres incultes.

Ce sont les forêts, ce sont les landes, ce sont les marais qui sont dans le domaine de la Seigneurie. Ces vacants qui n’ont pas de propriétaire appartiennent au seigneur justicier. Tantôt, il en interdit l’usage à ses sujets, la terre interdite est qualifiée de « foresta » parce que le bon du seigneur l’a placée en dehors de l’usage collectif. Ces vacants servent à faire paitre le bétail par exemple, il sert à chasser, ramasser des champignons, couper du bois, des fougères (qui servent de litière)…

Tantôt il concède moyennant finance aux paysans des droits de jouissance en les autorisant à prendre du bois dans ses forêts ou à faire paitre leur bétail sur ses landes.

2). Droit d’épave.

Ce droit du seigneur s’étend aussi sur les meubles. Tout bien mobilier dont on ignore le propriétaire est considéré comme une épave et toute épave appartient au seigneur justicier. Ce droit d’épave est surtout important pour les seigneurs riverains de la mer. Ces seigneurs peuvent approprier à titre d’épave tout ce que la mer apporte sur le rivage, droit de varech. Ce droit s’applique sur les plantes marines mais s’applique aussi à tous les meubles qui viennent de naufrages.

3). Successions en déshérence.

Une succession est dite en déshérence quand il ne se présente pas d’héritier capable de la recueillir. Dans ce cas là, le seigneur se l’approprie par droit de déshérence. Il y avait à l’époque deux catégories de personnes qui ne pouvaient laisser d’héritier:

⁃ Les aubains (les étrangers) ne peuvent pas transmettre leurs biens sauf s’ils ont des enfants nés dans la seigneurie. S’ils n’ont pas d’enfant né dans la seigneurie, la succession est considérée comme vacante est revient au Seigneur en vertu du droit d’aubaine.

⁃ Les bâtards: enfant qui n’est pas né d’un mariage légitime. Ce bâtard n’est pas rattaché à sa famille naturelle et donc il n’a pas d’autres parents aptes à lui succéder que les enfants qu’il peut avoir d’un mariage légitime. Si le bâtard meurt dans la seigneurie sans enfant légitime, sa succession est considérée comme vacante et elle revient au seigneur par droit de bâtardise.

En définitive, le seigneur concentre entre ses mains tous les droits de la puissance publique en matière militaire, en matière judiciaire, en matière fiscale. Les textes contemporains qualifient ces textes de droit de consuetudines, ils sont exercés depuis si longtemps par le seigneur que leur origine publique est oubliée, il s’agirait alors de quelque chose de normal, de régulier, d’habituel… on ne voit dans cet ensemble de droits que des coutumes auxquelles les hommes du seigneur acceptent de se soumettre. Elles regroupent à partir du début du XIeme siècle, l’ensemble des droits et des prérogatives du seigneur.

CHAPITRE 3: LE TRIOMPHE D’UN ORDRE JURIDIQUE DIVERSIFIE.

Selon la conception romaine, le pouvoir de créer le droit appartient à l’État et à ses agents. Au contraire, jusqu’à la fin du XIIeme siècle, l’élaboration du droit n’est plus liée à l’action créatrice de l’État. Elle résulte au contraire d’un ensemble d’habitudes variées, d’un ensemble de pratiques coutumières, qui reflètent l’extrême diversité des seigneuries et des principautés en matière politique. C’est la raison pour laquelle en l’absence d’un pouvoir central fort, c’est-à-dire un pouvoir capable d’édicter et d’imposer des règles générales, se développe un système coutumier morcelé, tandis que la législation écrite n’a qu’une place très secondaire.

SECTION 1: LE MORCELLEMENT COUTUMIER.

Les anciennes lois personnelles de l’époque franque sont tombées dans l’oubli avec la fusion des anciennes ethnies qu’elles régissaient. Et le droit royal subit une éclipse à peu près complète du XX eme au XIIeme siècle. Face à cette disparition un nouveau mode de création du droit va émerger. On constate qu’à l’intérieur de chaque seigneurie s’affirme lentement des pratiques juridiques qui en l’absence de lois, vont finir par s’imposer et vont acquérir une valeur obligatoire. C’est ce qu’on appelle le droit coutumier. La caractéristique fondamentale de ce droit coutumier est d’être issu du groupe qu’il est appelé à régir alors que la loi, elle, résulte toujours d’une décision toujours imposée par l’État. Contrairement à la loi qui vient toujours d’en haut, les coutumes sont issues de la base. Comment se présentent ces coutumes? Quels sont les champs de leur application?

§1. Les caractères constitutifs de la coutume.

La coutume c’est le règne de la diversité. Pourquoi?

→La population qui est livrée à elle-même a fait un choix inconscient parmi les règles juridiques anciennes. Elle a choisi plus ou moins de règles, elle en a éliminées et l’origine ethnique de la population a pesé sur ces choix et selon les régions la coutume sera plus ou moins marquée par les traditions germaniques là où l’influence germanique est forte et inversement avec les traditions franques. L’apparition de la seigneurie a accentué cette diversité alors qu’avec l’insécurité qui règne dans le pays, les relations entre les seigneuries se raréfient. Il y a un cloisonnement de la vie qui débouche sur un cloisonnement du droit, un droit qui en définitive varie d’une seigneurie à l’autre. Malgré cette diversité, la coutume reste unique dans sa définition et dans ses caractères. On peut la définir d’après Jacques Ellul comme une « usage juridique de formation spontanée garanti par une longue durée et accepté par tout un groupe social ».

I – La Coutume est un usage répété et non-écrit.

1). La coutume est un usage répété.

Un usage, c’est le fait d’utiliser quelque chose pour satisfaire un besoin et pour parvenir à un résultat. En l’absence d’un corps de règles écrites, les individus sont spontanément amenés à imaginer des pratiques, des comportements, qui leur donnent les moyens d’atteindre leur objectif. Ces pratiques vont former un cadre juridique dans lequel s’ordonnent les rapports sociaux. Ces usages qui sont faits de convention, de transaction, d’attitudes individuelles ou collectives, ces usages vont peu à peu s’imposer parce qu’ils sont régulièrement répétés, régulièrement imités, régulièrement enrichis. A partir du moment où un certain seuil est franchi dans la répétition, l’usage devient une règle obligatoire. Voilà pourquoi l’usage ne peut être érigé en coutume et donc ne peut prendre de valeur juridique que s’il est répété. Un acte isolé ne peut pas être érigé en coutume: « une fois n’est pas coutume ». Cela explique les précautions prises lorsqu’on ne veut pas qu’un usage devienne une coutume →Lorsqu’un vassal accepte de rendre au seigneur un service exceptionnel, il prend souvent soin de rédiger une charte de non-préjudice: écrit attestant que le service rendu ne vau que pour le présent et n’engage pas l’avenir. Sinon, le seigneur pourrait fort bien imposer toute une série d’obligations à ces sujets, vassaux, tout simplement par l’effet de la répétition.

2). La coutume est un usage oral.

En d’autres termes, la coutume peut être facilement modifiée ou même détournée au moment où elle n’est pas encore complètement fixée. Il est vrai que beaucoup d’usages ont été mis par écrit pour en faciliter la preuve mais ils n’en gardent pas moins leur caractère originel de droit non-écrit. Ce caractère oral de la coutume lui confère une faculté d’adaptation permanente et une souplesse extraordinaire, mais cette plasticité de l’usage ne l’empêche pas d’acquérir force juridique.

II – La coutume est un usage consacré par le temps.

Au Moyen Age ce qui donne l’autorité à la règle de droit, c’est sa durée. L’idée qui préexiste à toute organisation est la suivante: si une organisation quelle qu’elle soit a duré assez longtemps sans qu’elle soit contestée, c’est la preuve que cette organisation est juste. Cette idée a un fondement irrationnel: ce qui a existé vaut la peine d’exister. Et la vraie coutume pour les hommes du Moyen Age, c’est l’usage dont on ignore depuis quand il existe et dont on a constaté toujours l’application. Au XIIIe siècle, les théoriciens du droit (juristes formés à l’étude du droit romain) vont chercher à quantifier ce facteur temps et à poser des délais pour qu’un usage passe en coutume. On finira par exiger un usage prolongé pendant quarante ans, c’est à dire la durée la plus longue de la prescription du droit romain. La véritable coutume c’est celle qui se perd dans la nuit des temps et qui ne se heurte à aucun souvenir d’un usage contraire. C’est de cette ancienneté que la coutume tire sa force obligatoire.

III – La coutume est un usage obligatoire.

Pour qu’un usage devienne coutume, la durée cependant ne suffit pas, sa force obligatoire lui est conférée par le groupe dans lequel elle est née et de ce groupe qui en la répétant lui manifeste son adhésion constante. C’est cette acceptation qui se renouvelle couramment dans les actes de la vie juridique qui lui donne sa force contraignante. Ainsi définie par son caractère obligatoire, la coutume se présente à la fois comme rigide et souple. La coutume est rigide parce qu’elle contraint chaque individu qu’elle régit à la respecter sous peine de sanctions en cas de violation. Cette obligation de respecter les traditions et les coutumes domine toute l’Histoire juridique médiévale. L’homme du Moyen Age déteste tout ce qui est règle nouvelle, il déteste tout comportement propre à introduire une rupture, toute « nouvelleté » est sévèrement condamnée si elle porte atteinte à l’ordre juridique coutumier. Mais, cette rigidité de la coutume disparaît au niveau du groupe et revêt une souplesse remarquable. Puisque le groupe humain est créateur de la coutume, il peut à tout moment en modifier le contenu ou même il peut la faire complètement disparaître si son utilité n’est plus justifiée, il suffira de na pas l’appliquer.

La coutume même obligatoire est avant tout vie et mouvement, elle donne naissance à un ordre juridique qui s’adapte en permanence au besoin de la population concernée. C’est ici qu’on retrouve l’idée de plasticité. C’est merveilleux, oui et non. Cette souplesse de la coutume et l’oralité du droit coutumier vont très vite poser le problème de sa preuve. →Comment prouver une coutume? En cas de doute, le juge va saisir une enquête, il va interroger des témoins et va apprécier leur déclaration. Ce système qui assimile la preuve de la coutume aux autres preuves que tout plaideur doit administrer dans une instance judiciaire s’est maintenu dans le midi. →Enquête, interrogation de témoin…

Dans le Nord au contraire, un système original de preuve de la coutume apparaît au XIIe siècle, on lui donne le nom d’ « enquête par turbe ». Il s’agit d’une sorte de jury (en latin le mot « turba » veut dire la foule) dont les membres sont interrogés et répondent collectivement sur le point de droit litigieux. Cette procédure sera règlementée dans l’ordonnance de Saint Louis de 1270 et au XIVe siècle le nombre des témoins nécessaire pour former la turbe sera fixé à 10. « Les dix font la turbe » selon un adage.

§2. L’aire géographique et le domaine de la coutume.

I – L’aire géographique de la coutume.

La coutume est applicable à un territoire donné qui constitue son « détroit » (→son ressort), et non pas en dehors de ce territoire, l’ensemble des usages suivi dans une région constitue ce que les actes appellent « la coutume du pays ». Ces aires géographiques sont très nombreuses et d’étendue très variable parce qu’elles sont en général calquées sur la géographie seigneuriale et même, elles sont souvent même plus capricieuse. En effet, dans une même seigneurie peuvent même coexister plusieurs coutumes qui s’appliquent à des ressorts différents. Le plus souvent, le détroit de la coutume se confond avec le ressort d’une justice, ce qui montre bien le rôle du juge dans la reconnaissance de la coutume.

Rôle du juge dans le reconnaissance de la coutume: le rôle du juge est capital pour fixer le contenu du droit coutumier pour l’interpréter et pour l’adapter même si le juge n’intervient en rien dans la création de ce droit coutumier, c’est le tribunal qui est compétent pour juger les habitants du ressort qui organisent eux-même la coutume et c’est sur ce même territoire que la coutume est applicable: ressort judiciaire et détroit coutumier vont en général de paire. Conséquence: il en résulte que là où un grand seigneur a réalisé une unification politique est judiciaire, on rencontre une coutume générale applicable à toute une région. Par exemple en Bretagne, en Champagne. Et ailleurs? Le morcellement de la puissance publique a eu pour résultat de multiplier les coutumes locales.

II – Le domaine d’application de la coutume.

La coutume ne crée pas un droit unitaire mais crée un droit parcellaire. La coutume n’est jamais celle du royaume mais elle est celle de multiples seigneuries. La coutume de régit pas la population dans son ensemble, la coutume régit chaque groupe social particulier dont les membres assument la même fonction. Ce qui fait que l’on a des expressions qui sont assez déconcertantes: on parles des « coutumes des églises », des « coutumes des nobles », de la « coutume de tel ou tel lieu », de la « coutume d’un métier », de la « coutume de la forêt, de la rivière »… Elle régit tous les secteurs de la vie juridique, économique et sociale.

1 – En matière de droit privé.

Si on met à part de la mariage et le droit de la famille qui sont largement contrôlés par l’Église et qui relèvent du droit canonique, l’ensemble des statuts personnels relèvent de règles coutumières qui varient parfois d’une région à l’autre, qui reflètent la fonction sociale de chaque individu. Au Moyen Age, chaque homme a une fonction sociale:

Trois fonctions:

⁃ Prier,

⁃ Combattre,

⁃ Travailler.

Tous les membres du groupe qui assurent telle ou telle fonction, les clercs pour la prière, les nobles pour le combat, les roturiers pour le travail, ont une coutume différente. C’est grâce à la coutume que les rapports féodo-vassaliques ont acquis de la rigueur et de la stabilité →Codification des obligations militaires des vassaux.

2 – En matière de droit public.

C’est grâce à la coutume que s’organisent les relations de pouvoirs entre le seigneur et ses sujets. C’est la coutume de la terre qui freine la toute puissance du ban du seigneur et c’est cette coutume qui va établir un équilibre (parfois instable) entre ce que le seigneur peut demander aux sujets et ce que les habitants peuvent réellement concéder. Les impôts, les charges qui pèsent sur les sujets apparaissent comme un équilibre coutumier qui est finement dosé. C’est tellement le cas que les textes emploie l’expression d’« homme coutumier » pour désigner celui qui est soumis à toutes ces charges. Elle donne naissance à des systèmes juridiques qui sont adaptés au monde restreint de la seigneurie.

SECTION 2: LA RARETE DE LA LEGISLATION ECRITE.

Du Xe au milieu du XIIe siècle, le règne de la coutume c’est à la fois la conséquence et la cause de la très faible place tenue par la législation écrite. →Législation écrite: le droit romain et le pouvoir de créer des normes qu’il soit royal ou seigneurial.

§1. Le droit romain oublié.

Le droit romain n’a pas complètement disparu de la culture juridique mais il est tombé dans une profonde décadence et dans certaines régions de l’occident il est quasiment méconnu. Sous la période Franque le droit romain n’est connu qu’à travers le code Thédosien de 438 auquel la loi romaine des Wisigoths, autrement dit le Bréviaire d’Alaric, a fait de larges emprunts au droit romain. Code souvent diffusé et résumé. On ne connait guère le droit romain que dans le midi de la France. Ce n’est plus qu’un droit romain appauvri qui a été altéré par les emprunts au droit germanique. Et, l’influence dominante de la coutume empêchera longtemps la renaissance de ce droit romain. On peut dire que les Xe et XIe siècle sont une période de vide dans la connaissance du droit romain. Il n’y a guère que l’Église qui depuis toujours vivait sous la loi romaine, et qui l’enseignait dans ses écoles.

L’Église a assuré tout au long de cette période, une mission de conservation de l’héritage antique, de l’héritage juridique. Bien entendu, cela ne suffit pas pour permettre une diffusion scientifique et de conservation du droit romain. Cette situation commencera a changer que dans la seconde moitié de XIe siècle, en Italie puis en France au XIIe siècle. Le droit romain va connaître une renaissance. Pour l’instant il est tombé dans l’oubli et le droit romain ne saurait pallier une législation inexistante.

§2. Le pouvoir normatif désarmé.

Il serait anachronique de parler pour la période féodale de pouvoir législatif au sens où l’entend notre droit constitutionnel. Un pouvoir distinct de l’exécutif et du judiciaire. Au Moyen Age, le pouvoir est conçu de manière globale: le ban, le pouvoir de sanctionner, de punir et de contraindre. Qui a le Ban ? Toute autorité qui détient le droit de ban peut bien édicter des normes, prévoir des règles. Donc, ne parlerons plutôt pour la période reculée du Moyen Age de pouvoir normatif que de pouvoir législatif parce que cette expression renvoie à une réalité beaucoup trop technique et moderne pour rendre compte de la réalité médiévale.

Le roi en tant qu’héritier garde bien le pouvoir normatif mais en pratique, le roi rencontre beaucoup de difficultés pour en user réellement, il se heurte au cloisonnement des seigneuries et donc il ne peut imposer ses décisions au royaume. Il doit se contenter de légiférer dans son domaine (Ile de France) comme tout seigneur légifère dans sa Seigneurie.

I – Le pouvoir normatif du roi.

Les actes royaux des X et XIe siècle ne peuvent être considérés comme ayant valeur législative. C’est à dire emportant règle générale et impersonnelle applicable à l’ensemble du royaume et de sa population. La plupart de ces actes royaux ne sont que de simples chartes octroyant des privilèges à des établissements ecclésiastiques. Il faudra attendre le milieu du XIIe siècle pour que la royauté ose avec prudence édicter des mesures à portée générale. C’est parce qu’il est le gardien du royaume et le protecteur de ses sujets que le roi commence à intervenir en matière de police et en matière d’assistance aux plus démunis. Voilà les fondement des premiers essais d’intervention du roi de France. C’est ainsi qu’en 1144 Louis VII règlemente la population. « relaps » (quelqu’un qui retombe dans l’erreur). En 1155, à l’issue d’une assemblée de grands vassaux laïques et ecclésiastiques, Louis VII décide une paix de 10 ans dans tout le royaume. Mais ce texte n’a valeur obligatoire que pour les vassaux qui ont bien voulu l’adopter. Les actes royaux vont être de plus en plus nombreux mais pendant longtemps leur autorité restera contestée.

II – Le pouvoir normatif des seigneurs.

Comme le roi, les seigneurs possèdent eux aussi un pouvoir normatif. Ce pouvoir normatif est une des expressions du droit de ban. Chaque seigneur a une tendance naturelle à s’ériger en législateur dans le territoire qu’il contrôle (sa seigneurie). Mais il rencontre les mêmes difficultés que le roi dans sa seigneurie lorsque le roi veut étendre ses prescriptions à l’ensemble du royaume. Ces obstacles au pouvoir normatif du seigneur sont d’autant plus forts que la seigneurie est grande. Exactement comme le roi, les grands seigneurs ne peuvent prendre de décisions obligeant l’ensemble de leurs vassaux qu’en les consultant et qu’en les associant à la prise de décision. Donc l’acte est alors beaucoup moins l’expression de la volonté du seigneur que le résultat d’un compromis politique parfois très durement négocié entre le grand seigneur et ses vassaux. Ici aussi, les actes d’intérêt général sont rares. Les plus importants régissent les relations du grand seigneur avec ses principaux vassaux ou encore les relations du grand seigneur avec les établissement religieux ou les villes de la seigneurie. Plus souvent ces actes concernent l’organisation de la défense, au maintien de la paix et à l’activité économique. Pendant des siècles, ce pouvoir normatif seigneurial va concurrencer le pouvoir normatif royal et va ainsi freiner sa progression. Cette « législation seigneuriale » renforce l’identité de la seigneurie face à un pouvoir royal qui est encore fragile, même si depuis l’échec des carolingiens elle constitue un remarquable élément de continuité.

TITRE II – LA ROYAUTE ET LA RESTAURATION DE L’ÉTAT.

Après Charlemagne, la dynastie carolingienne est tombée dans une décadence. Bientôt le principe héréditaire est abandonné et le roi est élu par des Grands (membres de l’aristocratie) auxquels de ce fait il ne peut rien imposer ou presque. Et lorsque le 1er Juin 987 lorsqu’une assemblée de Grand choisit un membre de la famille des Robertiens tout laisse penser que la nouvelle dynastie aura un avenir bien médiocre. Et pourtant les capétiens ont complètement retourné cette situation. Le premier siècle est celui de l’installation définitive de la famille Capétienne (cf les morpions). Les quatre premiers rois sont Hugues Capet, Robert le Pieux, Henri Premier et Philippe Premier ont réussi à se maintenir sur le trône et à transmettre la couronne à leurs successeurs parce qu’ils étaient élus. La royauté va véritablement retrouver l’ordre avec Louis VI le Gros (1108 – 1137). Il rétablit l’ordre dans le domaine royal, région comprise entre Paris et Orléans. Louis VII était l’époux d’Aliénor d’Aquitaine et 1152 Aliénor se marie avec Henri Plantagenet. Plantagenet tient tout le Royaume. Il faudra plusieurs générations de roi pour briser cette situation. C’est Philippe Auguste (1180-1223) qui brise l’encerclement du domaine en lui réunissant la Normandie, l’Anjou, le Maine et le Poitou. Philippe Auguste est le vainqueur de Bouvines 1214 où il écrase la coalition germano-flamande soutenue en sous main par le roi d’Angleterre; il ramène le Comte de Flandres en cage. A l’issue de Bouvines, le roi de France est le prince le plus puissant d’occident. Saint Louis () donne à la monarchie une dimension incomparable. A la fin du XIIIe siècle Philippe le Bel (1285 – 1314) va se donner une puissance matérielle et concentre les pouvoirs entre ses mains. La monarchie est devenue assez forte pour affronter des épreuves terribles: la grande crise ouverte par la succession des fils de Philippe le Bel; pour affronter aussi la Guerre de 100 ans (1337 – 1453). La monarchie est sortie de ces épreuves victorieuse et renforcée, dotée d’institutions solides qui vont fonder la trame véritable de notre droit public jusqu’en 1789.

CHAPITRE 1. LA ROYAUTE PRESERVEE (Xe – XIIe siècles).

Section I – La monarchie féodale.

La féodalité n’a pas fait disparaître l’institution monarchique, il a toujours existé un roi en France mais pendant longtemps ce roi n’a pas eu d’autorité réelle. La royauté est d’abord le reflet de son époque et à ce titre elle subit le contre coup de la décomposition féodale. En effet elle restera faible tout au long de la 1ère période féodale et ce n’est qu’au début du XIIe siècle qu’elle amorce un redressement. La royauté est d’autre part la continuité du passé, en effet elle prolonge l’ancienne monarchie carolingienne à laquelle elle emprunte son caractère sacré et, envisagée sous cet angle, la royauté constitue une force politique en réserve.

SECTION 1: LA MONARCHIE FEODALE.

En 987, une assemblée de Grands donne la couronne à Hugues Capet mais cette date a été retenue par l’histoire parce que les descendants d’Hugues Capet se maintiendront sur le trône jusqu’en 1792 mais il est probable que pour les contemporains il ne s’agisse que d’un simple changement de roi entre familles qui dure depuis des siècles. Depuis 888, les Grands choisissent alternativement les rois dans la familles de Carolingiens et des Robertiens et cette alternance est le signe que l’élection a triomphé de l’hérédité. Face aux Grands qui l’élisent, le roi est faible. Pour apprécier cette faiblesse il faut remarquer que le roi n’exerce pas partout une égale autorité, il faut en effet distinguer le domaine royal et le royaume parce que le roi n’exerce d’autorité réelle que sur son domaine et soit sur la partie du royaume qui lui est directement soumise (sans l’interposition d’un grand seigneur entre le roi et ses sujets). Le royaume est réparti entre des seigneuries quasi-indépendantes et dirigées par des barons qui sont souvent plus puissants que le roi ce qui suppose l’étude des rapports entre le monde féodal et le roi.

§1: Le domaine et la géographie de la puissance royale.

Sur son domaine le roi a réussi à préserver un pouvoir à peu près intact qu’il exerce comme un quelconque seigneur. Le roi est lui-même un seigneur, son domaine royal se présente comme une seigneurie comme les autres mais à la différence que le roi ne la tient d’aucun seigneur supérieur. Il comprend les restes du patrimoine carolingien autour de la ville de Laon et les possessions des Robertiens comprises entre la région de Senlis et Orléans. Le domaine ne se présente pas comme d’un seul tenant parce que dans ce domaine il existe des seigneuries indépendantes qui sont enclavées comme celle de Montmorency, celle de Monfort-l’Amaury, celle de Monthéry. Si le roi domine dans cette région il aura des difficultés à s’y faire respecter. Ce n’est qu’à partir de Louis VI le Gros que le roi restaurera son autorité sur le domaine royal et pourra ensuite l’étendre à tout le royaume.

Mais pour l’instant le champ d’action du roi est mince. Pour apprécier l’étendue de la puissance royale, le Pr. J.F Lemarignier eut l’idée d’étudier l’implantation géographique des chartes de privilège. La Bretagne, l’Aquitaine et la Gascogne échappent à l’action royale puisqu’on y trouve aucun privilège royal. On constate que l’influence royale disparaît dans toutes les régions du midi. Sous Henri 1er (3° capétien), on remarque que c’est au tour de la Normandie, de la Touraine, et de la Bourgogne de se soustraire à l’action monarchique. Sous Philippe 1er qui régna de 1106 à 1108, enfin, le champ d’influence se limite au domaine royal. Les Travaux du professeur démontrent un rétrécissement constant du champ d’action des Capétiens qui montre la faiblesse royale.

§2 – Les relations du roi et du monde féodal.

I – La France mineure.

C’est la région qu’Hugues Capet avait gouverné avant d’être élu roi. Il a gouverné avec la qualité de Duc des Francs (île de France jusqu’à la Loire, en gros, le bassin parisien actuel). En Île de France on constate que les vassaux recrutés se situent très bas dans l’échelle sociale (recrute ses vassaux jusqu’au niveau des touts petits seigneurs). Le roi en Île de France a une autorité réelle. Au contraire, autour de l’Île de France, on constate que la vassalité du roi pénètre beaucoup moins profondément, dans cette région le plus souvent le recrutement de vassaux royaux s’arrête en général au niveau des comtes (Exemple: les comtes d’Anjou, de Soisson, de Blois). Ces comtes ont une clientèle vassalique qui leur est propre. Ici l’emprise royale est beaucoup moins forte à cause de la pyramide féodo-vassalique (le suzerain qui est le roi ne peut pas pas donner d’ordres à ses arrières vassaux). D’autre part, le roi ne reçoit pas toujours de ses vassaux les services qui lui sont dus en tant que seigneur. Tout de même, il y a une situation juridique favorable (le fait que le roi soit au sommet de la pyramide renforcée par le voisinage) dont le roi saura en tirer profit.

II – Les rapports du roi et des princes territoriaux.

Les princes territoriaux sont-ils ou non les vassaux du roi? la réponse varie au cours des siècles.

1 – Jusqu’au XII siècle.

A cette époque, les princes territoriaux ne sont pas les vassaux du roi. Entre 888 et 987, pendant l’époque où les Robertiens et Carolingiens sont alternativement au pouvoir, les grands seigneurs sont peu à peu gagnés par le vertige de l’indépendance. C’est une époque où les princes ont rendu leurs fonctions héréditaires, alors que la royauté est devenue élective. Les grands seigneurs du Nord ne prêtent plus hommage au roi que tardivement ou à l’occasion d’alliance politique et non plus pendant le sacre comme ce devrait être le cas en théorie. Les princes du midi ignorent complètement le roi. Dans l’anarchie que connaît le royaume au Xeme siècle, les princes territoriaux ne sont plus les vassaux du roi, ou alors leur vassalité, si elle existe, n’est pas significative et n’a pas grande portée. Cette situation initiale va s’aggraver au XIeme siècle. Les princes territoriaux s’éloignent de plus en plus du roi, ceux du midi ne viennent plus à la Cour et donc ne prêtent plus aucun hommage. Cette attitude amènera même à un refus d’hommage à l’avènement de Louis VI. En 1108 les 3 ducs de Normandie, d’Aquitaine et de Bourgogne refusent de se reconnaître les vassaux du roi. Ils veulent bien lui reconnaître une vague supériorité qui tient à ce que par le sacre le roi règne sur le royaume.

2 – A partir du XIIe siècle.

En 1128, Louis VI parvient à obtenir que le nouveau Comte de Flandres lui prête hommage et reçoive de lui l’investiture du Comté. Il lui rendra ainsi les services vassaliques.

Louis VII, le mari d’Aliénor, après 2 ans de discussion va obtenir d’Henri Plantagenet l’hommage pour la Normandie en 1151.

Cette affirmation de la suzeraineté royale qui s’établit au cours du XIIe siècle a été favorisée par deux éléments. D’abord ce renouveau du pouvoir royal a été possible parce que le pouvoir royal n’est jamais resté sans représentant. En effet jusqu’en 1316 la descendance en ligne directe d’un héritier a toujours été possible. C’est tellement extraordinaire que les historiens appellent ça « le miracle Capétien » ou la « Chambre Royale ». Ensuite, le pouvoir royal a toujours profité de l’appui constant de l’Église qui voit dans la royauté un facteur de paix et d’unité. L’Église soutient le Capétien de son influence morale et de ses ressources matérielles. A ce propos, le plus puissant appui de l’Église est fourni sous le règne de Louis VI par le rôle de l’Abbé de Saint Denis qui s’appelait Suger qui a été le conseiller de Louis VI puis de Louis VII et Suger est l’auteur est l’auteur D’une vie de Louis VI où il présente sa doctrine de la prééminence féodale du capétien. Selon cette doctrine, tous les princes tiennent leur territoire en fief du roi et lui doivent donc l’hommage et les services vassaliques. Et, c’est cette doctrine, et aussi la remontée en puissance du capétien qui vont permettre dans la seconde moitié du XIIe siècle un redressement de la royauté reposant sur la suzeraineté royale.

SECTION II – Les caractères non féodaux de la royauté capétienne.

Par le sacre, la royauté capétienne conserve le caractère religieux de la dynastie précédente. Cette tradition se situe en dehors de l’ordre féodal. Elle contribue à faire du roi un personnage à part dans cette société en lui donnant un prestige sans égal.

D’autre part, dès le début même de leur prise du pouvoir, les capétiens vont aménager les règles de dévolution de la couronne pour la mettre en dehors de la disposition des Grands. Et ce faisant, les capétiens vont donner au roi une indépendance qui sera une force supplémentaire de la royauté.

§1. Le sacre et le caractère religieux de la royauté.

Le sacre est un rite dont on peut décrire le déroulement avant d’en dégager les conséquences.

I – Le cérémonial du sacre.

Le sacre revêt une importance capitale. Pendant longtemps on considèrera que c’est le sacre qui créé le roi. Cela signifie, qu’une fois désigné par élection ou par hérédité, le roi ne devient vraiment roi que par la cérémonie du sacre. La coutume s’établit de donner à l’archevêque de Reims de présider à la cérémonie. Ainsi Hugues Capet a été sacré par l’archevêque de Reims à Noyon. A partir de 1027 les rois ont toujours été sacré à Reims. A ce moment là, avec la répétition coutumière, le privilège qui était personnel à l’archevêque devient un privilège réel de l’église de Reims. Cette tradition sera respectée jusqu’au 29 Mai 1825: Sacre de Charles X.

Le sacre est un rite qui s’insère dans la liturgie d’une messe qui s’applique en 4 temps.

1 →La promesse du roi en réponse à la question qui est posée par le prélat consécrateur (l’archevêque de Reims). Question: Le roi promet-il de procurer la paix aux églises et au peuple? Promet-il de faire la guerre aux ennemis de Dieu et de faire régner la Justice? C’est une promesse et non pas un serment. Ce n’est qu’à la fin du XIIe siècle que cette promesse se transformera en serment.

2 →L’élection c’est le vestige de l’ancienne élection par acclamation des rois Francs. Le peuple crie par 3 fois: « Nous voulons que cela soit ».

3 →Au roi ainsi désigné, l’archevêque transfère le caractère religieux par une onction de l’huile sainte. L’oint du Seigneur ou encore le Christ du Seigneur.

4 →On remet au roi les attributs du pouvoir royal: l’anneau en signe d’union avec son peuple. Le glaive (l’épée) pour combattre les ennemis de la foi. La couronne et le sceptre (la main de justice). Qui sont les signes de sa dignité royale et de sa puissance judiciaire.

II – Les conséquences du sacre.

1 – Le caractère sacré de la royauté.

Ils ont conclu que le roi exerce sur Terre un véritable Sacerdoce et le pouvoir du roi participe au pouvoir divin parce qu’il tient son pouvoir du sacre. Le sacre confère à la royauté un prestige sans égal, le sacre élève le roi au dessus de tous les autres et aucun prince territorial même plus puissant que le capétien n’osera se faire sacrer. Donc, le sacre devient en quelque sorte le critère de la royauté, c’est ce qui permet de distinguer le roi. Avec l’aide de Dieu le roi devient un « sur-homme ». A la différence de n’importe quel chef laïque, le roi est seul à posséder le pouvoir de faire des miracles. Les contemporains en effet considèrent leurs rois comme thaumaturges. Ils sont sensés pouvoir guérir une maladie: les écrouelles →Le roi s’approche du malade →« Le roi te touche, Dieu te guérit ». Du sacerdoce royal découle la fonction et les prérogatives du roi.

2 – La fonction et les prérogatives du roi.

La royauté est dans le royaume le seul pouvoir institutionnel parce que ce pouvoir est fondé sur des textes sacrés. Pour les clercs il ne peut y avoir d’institutions que grâce à ce fondement. Une institution est ce qui est établi par la loi de Dieu. Les clercs en déduisent que l’autorité du roi doit donc s’étendre à tout le royaume. Alors, ce n’est pas parce que les clercs l’affirment que ça correspond à la réalité, au moment de l’an mil (au moment de la formulation de la théorie) elle relève de l’utopie car le roi est très faible, on affirme que cela va avoir à un moment donné à un effet. Cette théorie représente un tremplin idéologique donc les capétiens sauront ultérieurement tirer profit.

§2. Les règles de dévolution de la couronne.

C’est effectivement à la dynastie capétienne qu’il revient d’avoir fait triompher définitivement (jusqu’à Louis XVI) le principe héréditaire. Ce résultat est d’autant plus remarquable que le fondateur de cette dynastie ne devait sa couronne qu’à l’élection. Donc, il va falloir étudier de quelle façon s’est établit le principe héréditaire (I) puis le droit d’Enès et de la progéniture (II).

I – Le principe héréditaire.

Juin en 987 l’élection d’Hugues Capet par les Grands, et le principe électif dont on fait usage depuis plus d’un siècle paraît inévitablement établi. D’ailleurs il correspond tout à fait aux conceptions de l’Église qui voit dans l’élection le moyen de désigner le plus dignement possible. Et puis, ce principe électif correspond aussi aux conceptions des Grands puisqu’il donne à chacun le droit de régner un jour. Le vainqueur du suffrage, lui va préférer l’hérédité. Pour atteindre son but, Hugues Capet va utiliser une technique très habile, il na va pas s’opposer au principe électif, c’eût été une faute grave et va utiliser le principe électif pour enraciner la fonction royale dans sa famille. Quelques mois seulement après son sacre, Hugues Capet va prendre prétexte d’un appel au secours du Comte de Barcelone qui lui demande son aide contre les musulmans. Et donc, il demande aux Grands d’élire son fils Robert en qualité de second roi pour le remplacer éventuellement s’il trouve la mort dans l’expédition. Il parvient à surmonter les réticences des Grands et il fait élire et sacrer son fils Robert le Pieux à la Noël 987. Nous sommes dans une situation constitutionnellement complexe parce qu’à proprement parlé il y a deux rois. Robert va être associé à la royauté de son père et pour distinguer ces deux rois, on va donner à Robert le titre de « Rex designatus » (Roi désigné). Par le sacre, Robert a reçu le caractère indélébile (qui ne peut pas s’effacer) et à la mort de son père, Robert lui succède sans aucune difficulté et donc l’hérédité est alors installée. Bien entendu, Robert le Pieux va répéter la manœuvre qui a très bien réussi à son père, on parle alors « d’association au trône », en d’autres termes, le Roi associe son fils au trône de son vivant après l’avoir fait sacré. Et, à la mort du roi, le fils va succéder à son père sans aucun problème. Cette association au trône s’est maintenue jusqu’à la fin du XIIeme siècle, et Philippe Auguste a été le dernier à être associé au trône de son père, il n’a pas associé son fils et à sa mort le fils a succédé sans contestation. La coutume constitutionnelle est établie, le principe héréditaire est définitivement mis en place. Ce passage, très important, de l’élection à l’hérédité, ne s’explique pas seulement par l’habilité politique des Capétiens, ce succès tient également au fait que les premiers capétiens ont toujours laissé à leur mort des fils en âge de leur succéder, on parle de « miracle capétien » ou la « chance royale ». L’hérédité est aussi une tendance générale dans le société du temps, c’est effectivement le moment où s’établit du fief que s’établit l’hérédité de la couronne. Si le roi a plusieurs fils, le problème a été réglé par la règle de primogéniture.

II – La règle de primogéniture ou droit d’aines.

A l’époque Franque, le royaume du roi était partagé par tous ses enfants de sexe masculin. Or, avec les capétiens, les choses vont changer radicalement. Du fait de la pratique du Roi Désigné, il n’y a plus rien de semblable. Le nouveau roi récupère l’ensemble des territoires et des pouvoirs que possédait son père. Et donc cette pratique fonde presque naturellement le principe de l’indivisibilité de la couronne. En d’autres termes, la succession royale n’est pas une simple succession de droits privés, le royaume ne se partage pas. Cela laisse tout de même subsister une question. A quel fils va être livrée la couronne dans le cas où il n’y en a plusieurs. La pratique va aller dans le sens de la désignation de l’aîné pour une raison évidente puisque le soucis des capétiens et de conserver la couronne entre leurs mains, dès qu’un fils est en âge d’être désigné roi, le père le fait désigner roi, or qui est le plus en âge à être désigné roi? C’est donc l’aîné qui est désigné roi. Ce principe a été établi en 1027 par Robert le Pieux par le décès de son fils Hugues. La reine Constance aurait voulu faire sacrer son troisième fils Robert mais sur les instances de l’Église, le roi s’en tient à l’ordre des naissance et il fait élire et sacrer son second fils Henri, qui deviendra Henri Premier à la mort de son père. Cette décision va passer en coutume et donc la couronne se transmet héréditairement par ordre de primogéniture. C’est ainsi que se forgeront les règles de dévolution de la couronne, d’une manière purement empirique. C’est ainsi que tout en ensemble de règles de droit public va se former qui va constituer ce qu’on appelle une véritable « constitution coutumière » de la monarchie que l’on appellera au XVIeme siècle « les lois fondamentales du royaume ». C’est cette hérédité qui va partir à partir du XIIeme siècle le redressement de la monarchie.

CHAPITRE 2: LA RECONTRUCTION DE LA SOUVERAINETE.

(XIIe – XVeme siècle).

Cette reconstruction s’est d’abord faite sur la plan politique. Le roi est parvenu à s’affirmer à l’encontre de deux puissances qui le menaçaient, une puissance intérieure et une puissance extérieure. Elle s’est aussi faite sur un plan juridique autour des deux notions de la couronne et du domaine.

SECTION 1: LA QUETE DE L’INDEPENDANCE POLITIQUE.

Le roi va ici restaurer son autorité dans son royaume et dominer la féodalité. C’est ce que l’on appelle la « restauration de la souveraineté dans l’ordre interne ». Et puis, le roi va également affirmer sa souveraineté à l’extérieur du royaume, dans l’ordre externe, dans l’ordre international à l’égard des deux puissances dominantes du monde médiéval: l’empereur germanique et le Pape. Nous nous limiterons ici à l’examen de l’établissement monarchique dans l’ordre interne. Du milieu du XIIeme siècle à la fin du Xveme la royauté a réalisé l’unité exactement là où à l’époque précédente la féodalité avait crée la dissociation, le morcellement. C’est l’évènement essentiel de l’Histoire Politique de la France qui commence à partir du XIIeme siècle. La féodalité était une tentative d’organisation de la société en dehors d’un pouvoir centralisé, en dehors d’un pouvoir unique. Or, en un peu plus de deux siècles on va assister à une retournement de la conjoncture politique et la croissance du pouvoir royal va aboutir à la ruine des structures politiques de la féodalité. Comment s’est effectué se retournement de la conjoncture? Le roi réussit dans le première moitié du XIIeme siècle le roi a réussit (Louis VI et Louis VII) obtenir l’hommage des grands seigneurs (princes territoriaux) mais cela ne va lui donner qu’une autorité imparfaite, il n’exerce pas d’autorité immédiate sur ses sujets, pour cela il doit conformément aux principes féodaux, passer par l’intermédiaire de ses vassaux pour toucher ses sujets, et donc dès lors ces vassaux constituent une sorte de filtre entre le roi et ses sujets. Or, « le vassal de mon vassal n’est pas mon vassal ». Il est donc difficile pour le roi de faire appliquer son autorité. Les capétiens vont donc mener une politique de dé-médiatisation du pouvoir. C’est-à-dire une politique tendant à la suppression ou au moins au contrôle des intermédiaires entre eux et leurs sujets. Comment vont-ils faire? D’abord, les rois vont utiliser à fond les règles féodales dans son intérêt à lui et réunit les grandes seigneuries à son domaine (§1) et puis la royauté va également affirmer sa suzeraineté mais en sorte qu’elle lui permette de contrôle tous les degrés de la hiérarchie féodale (§3), et puis toute cette politique va mener à un changement de substance monarchique, on va obéir au roi car il détient une puissance supérieure qui soumet chaque sujet: la souveraineté, c’est le passage du roi suzerain au roi souverain.

§1. L’accroissement du domaine par l’annexion des grandes seigneuries.

La grande œuvre des capétiens a été d’avoir cherché à faire coïncider les limites du royaume avec celles du domaine pour restaurer l’autorité royale. Cette politique de regroupement territorial a été considérablement aidé par le renversement de la conjoncture politique à partir du XIIeme siècle. Que se passe-t-il à partir du XIIeme siècle? On assiste à partir du XIIeme siècle à un déclin de la seigneurie banale ou de la seigneurie justicière. Les transformations économiques que connait cette époque vont profiter aux marchands, aux paysans mais ces transformations économiques ne vont pas profiter aux seigneurs. Les seigneurs châtelains voient en même temps leurs ressources diminuer, par contre, leurs besoins s’accroissent puisque avec les croisades, le renouveau commercial, le luxe se développe. On ne va plus au combat sans une épée ornée de pierres rares, d’une armure finement concoctée et du coup ceci amène les petits seigneurs à emprunter. Une fois dans l’engrenage des dettes, ils vendent toute partie de leur seigneurie. Par contre, ce mouvement conjoncturel va profiter aux Grands Seigneurs et surtout au roi. Ces grands seigneurs sont beaucoup mieux armés que les petits pour assurer la protection des échanges commerciaux et quand ils ont des besoins ils bénéficient beaucoup plus facilement des prêts. La conséquence est qu’au cours du XIIeme siècle, les princes territoriaux vont racheter les petites et moyennes seigneuries et ils vont mener une œuvre de concentration politique pour subordonner tous les seigneurs locaux. Ce mouvement de concentration politique aurait pu devenir dangereux pour l’unité nationale, il tendait à créer de fortes et solides unités provinciales risquant de se transformer en États indépendants, mais en fait, ce mouvement a facilité l’œuvre de regroupement menée par le roi puisque le roi en se substituant aux princes territoriaux a non seulement accru son domaine mais le roi est devenu en même temps le seigneur immédiat des pyramides vassaliques constituées par ces princes territoriaux. Quand le roi de France va devenir Duc d’Aquitaine, il va devenir le chef de toutes les pyramides vassaliques que le Duc d’Aquitaine avait constituées. Comment s’est réalisée cette annexion des grands fiefs au domaine royal?

Cette œuvre d’annexion débute avec le règne de Philippe Auguste 1180 et se poursuit sur des siècles. Elle s’est réalisée grâce à des moyens de droit. C’est un point essentiel à mettre en relief: l’unité française ne s’est pas réalisée par la force, il n’y a pas eu d’annexion les armes à la main. Tout de même, parfois, certes, il y a eu guerre, mais ce furent toujours des guerres par lesquelles le roi faisait exécuter des décisions de justice. Ces moyens sont:

⁃ La confiscation des fiefs: l’exemple le plus célèbre date du début du XIIIeme siècle. En 1202 nous avons un jugement de la Cour Royale qui va frapper le roi d’Angleterre Jean Sans Terre et va le priver de tous ses fiefs de France pour ne pas avoir rendu tous les services qu’il devait au seigneur en tant que vassal du roi de France. A la suite de quoi Philippe Auguste occupe la Normandie, le Maine et l’Anjou en 1204. Ce qui fait que Jean Sans Terre ne garde plus en France que deux régions: la Guyane (retour au royaume de France à la fin de la guerre de 100 ans) et puis les île anglo-normandes Gerzé et Guernezé.

⁃ Les rois de France ont également mené une politique matrimoniale importe avec la « dot » →Ensemble de biens que la femme apportait à son mariage pour aider son mari.

⁃ En 1180 Philippe Auguste épouse la nièce du Comte de Flandres. Et cette jeune femme lui apporte en dot deux provinces: l’Artois et le Boulenois.

⁃ En 1229, c’est le mariage d’un frère de Saint Louis: Alphonse de Poitiers, se marie avec la fille du Comte de Toulouse. Le contrat de mariage prévoit que le Comté sera réuni au domaine royal si le couple décède sans enfant. C’est ce qui se produit en 1271.

⁃ C’est encore par mariage que la Champagne a été annexée, Philippe le Bel qui devient roi en 1285 a épousé l’héritière du Comté de Champagne.

⁃ Mariage successif d’Anne de Bretagne et Charles VIII 1488 et puis avec Louis XII en 1498.

⁃ Donc une politique matrimoniale très efficace.

⁃ La politique successorale a aussi jouer un grand rôle:

⁃ En 1183, Philippe Auguste va obtenir de la succession du Comte de Flandres, l’Amiénois et le Vermandois.

⁃ En 1481, la Provence revient Louis XI en vertu du testament du dernier Comte de Provence.

⁃ Hypothèse de la déshérence: lorsqu’un vassal meurt sans héritier. Dans cette hypothèse, le droit féodal prévoit que le fief revienne au seigneur. C’est ainsi que la Bourgogne a été acquise en 1321 par le roi Jean le Bon après la mort de Duc de Bourgogne qui ne laissait point d’héritier.

⁃ Une politique d’achat se développe également. En 1239 Saint Louis achète ainsi le Comté de Mâcon.

⁃ En 1349, le Dauphiné est vendu au roi de France pour le fils de la maison de France qui portera le nom de Dauphin jusqu’à son avènement.

Tous ces procédés relèvent du droit féodal qui ont été systématiquement utilisés pour agrandir le domaine royal. Un dernier principe existe néanmoins: le pariage. C’est une convention du roi un associé d’un autre seigneur. Le roi devient ainsi coseigneur de tel ou tel personnage. Le plus souvent il s’agit d’un ecclésiastique. Cette association offre des avantages matériels qui consistent en le partage des biens et des revenus de la coseigneurie. Mais ces avantages sont aussi de nature politique. Grâce à cette convention, l’influence royale va pouvoir se manifester dans la seigneurie envisagée. Philippe le Bel va mener une politique de pariage avec toutes un flopée de seigneuries du Midi (Puy, Cahors, Lozère), il va désormais pouvoir faire sentir son autorité. Il ne suffit pas au roi d’amener les grands fiefs, il doit être un bon suzerain.

§2. La suzeraineté royale et le contrôle de la hiérarchie féodale.

La suzeraineté royale a été affirmée dès le début du XIIeme siècle par l’abbé de Saint Denis nommé Suger (conseiller de Louis VI). Le doctrine Suger contient deux affirmations:

⁃ Le roi est au sommet de la pyramide féodale →Il lui revient donc toutes les chaines vassaliques.

⁃ Puisque le roi est au sommet de la pyramide, il ne doit lui-même l’hommage à personnes. Cependant, cette supériorité aussi importante fut elle ne donnait au roi qu’une autorité imparfait. Comme tout seigneur féodal, le roi n’a d’autorité que sur ses vassaux direct et non pas sur ses arrières vassaux. Et donc, pour échapper à cette règle, le roi va utiliser deux procédés.

⁃ 1 – Le roi va multiplier ses vassaux directs.

⁃ 2 – Le roi va détourner les règles féodales.

1 – La multiplication des vassaux directs.

Cela va lui donner une emprise directe sur les seigneurs qui échappaient à son autorité.

→Quand le roi réunit les grandes seigneuries à son domaine, il devient du même coup Seigneur direct des anciens vassaux des princes territoriaux.

⁃ Le roi utilise le système du fief-rente: le roi qui a d’importantes ressources financières va concéder à un châtelain appauvri un fief consistant dans le versement d’une rente annuelle.

⁃ Le roi va reconnaître la faculté des vassaux à rendre plusieurs hommages. Ainsi le roi va attirer le vassal d’un autre seigneur dans la vassalité royale en lui imposant un « hommage lige ». Un hommage prioritaire, préférentiel. Un hommage qui l’emporte sur tous les hommages antérieur. Il sape à la base la clientèle des seigneuries concurrentes.

Le roi a réussi en détournant les règles féodales à supprimer le principe de non-emprise du suzerain sur ses arrières vassaux.

2 – Le détournement des règles féodales.

Avant de suivre leur seigneur à la guerre, les vassaux doivent vérifier que le seigneur est en tort avec le roi. Ce prince rend les arrières vassaux juges de l’opportunité de la guerre entre seigneur et suzerain. Ceci aboutit à une véritable démobilisation des armées seigneuriales. Au XIIIeme siècle, les liens de fidélité se sont distendus et le vassaux sont devenus beaucoup plus soucieux de leurs intérêts propres que de la cohésion du groupe féodo-vassalique auquel ils appartiennent. Et donc, les arrières vassaux auront beau jeu d’invoquer ce principe pour se soustraire des obligations envers leur seigneur. Par ce biais on en arrive au renversement pur et simple de la règle « le vassal de mon vassal n’est pas mon vassal ». Il est admis que les rapports féodo-vassaliques ne peuvent jouer contre le roi. En d’autres termes tous les membres de la hiérarchie féodale, des plus haut jusqu’au plus bas, sont soumis à l’emprise royale. Le roi a affirmé son autorité jusqu’aux degrés les plus bas de la hiérarchie féodale. Dans la mesure où il y est parvenu, la suzeraineté royale est pleinement établie et de là, on passe à la souveraineté.

§3. De la suzeraineté à la souveraineté.

I – L’émergence de la Souveraineté.

1 – Distinction entre souveraineté et suzeraineté.

La suzeraineté et la souveraineté sont deux notions qui sont très différentes. LA première, la suzeraineté, c’est une notion de droit féodal, elle fait reposer le droit de commander sur l’hommage, c’est-à-dire sur le lien personnel qui unit le vassal à son chef à la suite du contrat féodo-vassalique. En d’autres termes, le vassal obéity à son seigneur car il est son homme. Et donc, si on applique la suzeraineté au roi, elle n’entraine de supériorité royale que sur les vassaux des différents degrés de la hiérarchie. La souveraineté est une notion de droit public qui repose sur l’idée abstraite d’un pouvoir qui s’exerce sur un territoire et un pouvoir qui remplit normalement une fonction. La souveraineté est la puissance suprême que le roi exerce sur tous les habitants de son royaume qu’ils soient liés ou non au roi par la vassalité. Cette souveraineté sera dégagée pleinement par les « légistes » (juristes) dans les années 1260 sous le coup d’une double influence.

2 – Les influences qui ont pesé sur la souveraineté.

a) L’influence anglo-normande.

Dans l’État anglo-normand, la féodalité a des caractères qui la différencient du système français. La féodalité présente des structures plus cohérentes qui tiennent à l’existence d’une autorité supérieure qui s’est constamment maintenue. Tous les habitants doivent au roi, en Angleterre ou au duc, en Normandie, une fidélité prioritaire qui s’appuie en Angleterre sur un serment. Et bien sûr, cette fidélité prioritaire implique un service prioritaire d’aide et de conseil. En 1204, la Normandie se réunit au domaine capétien à l’issue de la confiscation des terres de Jean Sans Terres.

b) L’influence du droit romain.

Les légistes du XIIIeme siècle ont été frappé par la conception toute romaine d’une autorité territoriale très forte du prince, le prince étant le détenteur de la puissance publique. Alors, imbus de l’influence du droit romain, les légistes vont imaginer vers 1260, le roi est empereur en son royaume. Cette formule sera utilisée pour combattre les prétentions hégémoniques de l’empereur germanique. D’ailleurs Philippe va s’appeler Auguste, et Auguste c’est le nom des empereurs romains. On va utiliser cette formule pour combattre les prétentions de l’empereur germanique à dominer le roi de droit. Elle servira aussi à affirmer la souveraineté interne du roi de France. Dans son royaume le roi a une autorité territoriale exactement comparable à celle qu’avait l’empereur dans l’empire romain. Et d’ailleurs cette référence au pouvoir impérial romain n’a fait qu’accélérer le passage de la suzeraineté royale à la souveraineté. Ce glissement de la suzeraineté à la souveraineté est en quelque sorte inscrit dans la réalité politico-sociale du XIIIeme siècle. →La suzeraineté donne au roi une emprise sur toutes la hiérarchie féodale jusqu’à ses degrés les plus bas. Alors, que manque-t-il au roi pour être souverain? Il lui suffit d’étendre son emprise sur les villes et sur le monde rural. Or, les villes sont le plus solides soutien du capétien contre le monde seigneurial. Et le paysans ne jouent aucun rôle dans la vie politique. Donc, dans ces conditions on peut comprendre que la principale difficulté a été de faire triompher sa suzeraineté. Une fois la suzeraineté royale reconnue, le passage à la souveraineté n’a soulevé aucun problème particulier. C’est justement au XIIIeme siècle, les habitants sont sujets du roi. Cela signifie que tous les habitants du royaume doivent obéir au roi mais non pas pour des raisons féodales, et non pas par l’intermédiaire de l’autorité d’un seigneur interposé entre le roi et les sujets, être sujet du roi veut dire que tous les habitants du royaume doivent obéir au roi car le roi exerce sur ses sujets une autorité immédiate du seul fait qu’ils sont habitants du royaume. C’est-à-dire du seul fait qu’ils vivent dans le territoire sur lequel le roi exerce sa souveraineté.

II – Les attributs de la souveraineté.

A l’époque que nous étudions, la conception que l’on a de la royauté est une conception révélatrice. Elle conduit moins à donner au roi des droits et des pouvoir qu’à le considérer comme titulaire d’une fonction. Être souverain veut dire exercer une fonction qui lui a été dévolue par Dieu à l’occasion du sacre. Et cette fonction doit s’exercer dans l’intérêt du peuple qui lui a été confié. Selon l’expression de Suger, « le roi est le vicaire de Dieu ». Le roi a une mission qui implique certains devoirs. Et parmi ces devoirs, il en est deux qui s’imposent à lui tout particulière dont il saura d’ailleurs tirer profit pour consolider son autorité.

1 – La protection du royaume et des églises.

Il revient donc au roi de protéger le royaume contre l’ennemi extérieur et on remarquera à ce propos que le capétien n’est pas un conquérant mais un défenseur, cela est en conformité avec le principe canonique que seule la guerre défensive est légitime. Alors pour faire face à ce devoir de défense le roi peut non seulement lever l’armée féodale en vertu du principe d’ost, mais il peut également proclamer ce que l’on appelle le « ban » et « l’arrière ban », c’est-à-dire le levée en masse de tous les hommes libres du royaume. C’est ainsi qu’en 1214 la bataille de Bouvines est un triomphe de l’arrière ban royal contre la coalition étrangère, de l’empereur d’Allemagne, du Comte de Flandres et du Roi d’Angleterre. Le roi assume aussi la défense des églises. D’ailleurs, lors du sacre le roi s’est engagé à respecter les droits et les privilèges des églises et à les protéger contre les usurpateur. Bien entendu, ce devoir de protection ne vise pas seulement l’ennemi extérieur, il englobe aussi bien la protection des faibles à l’intérieur du royaume. De là, le devoir de paix qui incombe au roi. Et, la première ordonnance royale promulguée par Louis VII en 1155 à le demande du clergé établissait la paix pour 10 ans dans tout le royaume. Au XVeme siècle les guerres privées disparaissent, le droit de guerre est désormais un droit royal. Mais la paix ne peut être observée efficacement que si chacun est traité avec justice.

2 – Le devoir de rendre la justice.

Dans son sacre le roi s’est engagé « à interdire toutes les violences et les iniquités ». Dans le jugement il doit garder équité et miséricorde. La fonction justicière c’est la fonction royale royale par excellence. Et d’ailleurs lors du sacre du roi la main de justice lui est remise avant l’épée pour bien marquer que la force incarnée par le glaive doit servir la justice. Et si l’on quitte le sacre pour se tourner vers le sceau du roi représente le roi non pas en guerrier à cheval comme les grands féodaux mais il est représenté assis en robe longue tenant la main de justice. Cela veut dire que le roi est un justicier avant d’être un guerrier. C’est cette fonction de justicier qui a fait l’immense popularité du capétien.

Pour réaliser la fonction du justice, il a était nécessaire au roi d’acquérir le monopole de la justice et pour cela les légistes vont proclamer au XIIIeme siècle un nouvel adage « toute justice émane du roi ». En vertu de cet adage, tout seigneur justicier est sensé tenir sa justice par le roi et le seigneur n’ayant donc qu’une justice concédée, il revient au roi de surveiller la manière dont le seigneur juge et éventuellement il revient au roi de lui retirer ses pouvoirs justiciers en cas de défaillance. Effectivement, toute l’action royale, monarchique, va tendre à vider les justices seigneuriales de la compétence et à les rendre incompétentes.

SECTION 2: L’ELABORATION D’UN STATUT COUTUMIER DE LA MONARCHIE.

Nous abordons ici l’aspect non plus politique mais désormais juridique de la reconstruction de la souveraineté qui s’appuie sur deux attributs. La couronne et le domaine.

§1. La couronne et sa transmission.

Dès le XIVeme siècle, cette couronne représente, incarne, la permanence de la royauté. Plus précisément la couronne de France est regardée comme un être mystique, elle est regardée presque comme une personne qui reste immuable tandis que le roi se succède. Donc, la couronne est un symbole de continuité et de durée. Elle est au-dessus de la personne du roi régnant, ce roi qui doit la transmettre intégralement à son successeur, avec les prérogatives qui s’attachent à la couronne. Au début du XIVeme siècle, il est admis que la couronne passe par droit héréditaire au fils aîné du roi défunt. Mais de nouveaux problèmes vont se poser au XIV et XV eme siècle et vont donner naissance à 3 nouvelles règles:

⁃ Principe de masculinité;

⁃ Principe de l’indisponibilité;

⁃ Principe de continuité.

I – Principe de masculinité.

C’est le principe d’après lequel la couronne se transmet de mâle en mâle à l’exclusion des femmes et des descendants par les femmes. Et ce principe de masculinité s’est affirmé au XIVeme siècle en deux temps.

A. L’exclusion des femmes.

Jusqu’en 1316 la question ne s’est pas posée parce que les capétiens ont toujours eu un fils pour leur succéder mais la succession des fils de Philippe le Bel marque la fin du « Miracle Capétien ». L’exclusion de l’héritier féminin s’est posée à deux reprises:

⁃ En 1316, Louis X (fils aîné de Philippe le Bel) meurt en laissant une fille. Mais, sa veuve est enceinte. Le cas où la reine accoucherait d’un fils ne fait pas de difficulté, l’hérédité profitera à un fils posthume. La question est beaucoup plus délicate si la reine accouche d’une fille. Alors, en attendant il faut prendre des mesures d’urgence alors Philippe le Long qui était l’aîné des frères de feu Louis X (2nd fils de Philippe le Bel), se proclame régent et il convoque une assemblée de prélats et de barons (grands seigneurs ecclésiastiques et laïques).

⁃ Cette assemblée décide que Philippe assurera la régence jusqu’à l’accouchement de la reine. Si la reine a un fils, Philippe conservera la garde du royaume jusqu’à la majorité de l’enfant qui sera alors roi. Au contraire, si la reine a une fille, Philippe sera proclamé roi. La reine accouche, l’enfant fut bien un fils, Jean Ier mais il mourut au bout de 8 jours. Aussitôt, Philippe se fait sacrer roi à Reims et devient Philippe V. Mais l’oncle maternel de la fille de Louis X, le duc de Bourgogne, soutient que la couronne doit revenir à sa nièce. En février 1317, Philippe V convoque une nouvelle assemblée de prélats, de barons et de bourgeois qui déclare « femme ne succède point à la couronne de France ».Pour justifier cette exclusion des femmes ont a invoqué des arguments juridiques et surtout des arguments politiques.

⁃ Arguments juridiques: « Jamais une femme n’a régné en France ». Argument de poids à l’époque où c’est la coutume qui créé le droit. Inversement, il existait des arguments pour accepter l’hérédité féminine, en effet, on a toujours admis qu’une fille pouvait toujours succédait à un grand fief. D’autre part, à l’étranger des femmes peuvent régner: Constantinople.

⁃ Arguments politiques: Une femme a-t-on décidé ne peut avoir la main assez ferme pour gouverner le royaume dans des circonstances troublées. Et puis, on craint aussi que par son mariage une femme ne fasse passer la couronne dans une famille étrangère.

⁃ A la mort de Philippe V, en 1322. Le geste de Philippe V en 1316 avait créé un précédent et lui aussi meurt en ne laissant que des filles. Et donc, il a eu pour successeur son frère, le troisième fils de Philippe le Bel, Charles IV le Bel. La coutume est désormais fixée, les femmes sont exclues de la succession à la couronne.

B. L’exclusion des descendants mâles par les femmes.

Cette nouvelle règle trouve son origine dans le problème de la succession de Charles IV. Le dernier fils de Philippe le Bel meurt en ne laissant que des filles. Et avec lui s’éteint la descendance directe des mâles. La couronne doit-elle revenir au fils de la fille de Philippe le Bel, Édouard III d’Angleterre? Quels sont les liens de parentés entre Édouard III d’Angleterre et de Charles IV, or Édouard III est le parent au troisième degré de Charles IV, il est le neveu de Charles IV. La couronne doit-elle revenir au fils du frère de Philippe le Bel? Charles de Valois, le frère de Philippe le Bel, donc l’oncle de Charles IV possède un fils qui s’appelle Philippe VI. Ce qui fait donc 4 degrés de parenté entre le cousin germain Philippe VI et Charles IV. La question est soumise à une assemblée de prélats et de barons. Ils vont choisir Charles VI pour successeur à la couronne car il est né du royaume. Philippe VI le Valois devient roi en 1326 et un an plus tard, Édouard III le prête hommage pour ses fiefs de Guyenne.

Si le roi d’Angleterre, Duc de Guyenne, prête hommage pour ses fiefs de Guyenne reconnaît Philippe VI pour roi de France. Et quelques années plus tard, Édouard III renouvelle ses prétentions à la couronne de France et de proclame roi France et d’Angleterre en 1337 (début de la guerre de 100 ans).

Les adversaires multiplient les arguments pour justifier leur position. Or, on va ainsi tirer argument de l’évangile de Saint Matthieu (Chapitre VI, verset 28) « Les lys ne filent point ». Or le royaume de France est le royaume des Lys et filer (propre des femmes), de là est tirée cette maxime: « Le royaume de France ne peut tomber en Quenouille ». On a également tiré argument de la loi salique, la vieille loi des Francs Saliens qui excluait les femmes de la succession à la terre des ancêtres que ne se partageaient les seuls fils du défunt. Ce n’était qu’une disposition de droit privé qui était propre aux Francs Saliens et on l’applique au royaume et devient une règle de droit publique. Désormais on appellera loi salique, la loi excluant les femmes et leurs descendants de la succession à la couronne de France.

II – La règle de l’indisponibilité de la couronne.

Le roi peut-il modifier l’ordre des successibles? Elle s’est historiquement posée le 21 Mai 1420, c’est le traité de Troyes. Par le traité de Troyes, le Roi de France Charles VI, il déclare que son fils, le dauphin Charles est exclu du trône. Et par le même texte Charles VI institue pour héritier le roi d’Angleterre Henri V pour et lui donne son fils en mariage. Charles VI a disposé de la couronne, il a décidé que la couronne reviendrait au roi d’Angleterre. En 1422, Henri V et Charles VI meurent. A ce moment là, le fils d’Henri V qui s’appelait Henri VI, âgé d’un an à peine, est proclamé roi mais sous la régence de son oncle qui s’appelait le duc de Bedford. Quant au dauphin Charles, il prend lui aussi le titre de Roi sous le nom de Charles VII. La lutte reste imprécise jusqu’au jour où en 1429, Jeanne D’arc conduit Charles à Reims pour se faire sacrer. Elle rallie au roi sacré l’opinion populaire et annule les effets du traité de Troyes. Ce traité de Troyes avait dès sa signature été critiqué, ces critiques sont résumées dans l’œuvre d’un légiste méridional Jean de Terre Vermeil qui affirme que le traité est nul parce qu’on ne peut pas assimiler la succession à la couronne par une simple succession d’un particulier. Il ajoute que le roi ne jouit de la fonction royale qu’à titre viager et tient sa couronne non pas de son père mais de la coutume. Par conséquent, il ne peut donc pas exhéréder son fils car la couronne n’appartient pas au roi. Cette couronne, le roi n’en est que le gardien, que l’usufruitier. La couronne est indisponible entre ces mains.

III – La continuité de la fonction royale.

1. Instantanéité de la succession.

A quel moment l’héritier royal devient-il véritablement roi?

→Jusque là c’était le sacre qui marquait ce moment. En effet pendant le temps, c’était le sacre qui faisait le roi. Tant que le roi n’est pas sacré, il n’est pas roi. Cette conception reste profondément ancrée dans les mentalités populaires. La preuve on la trouve dans l’attitude de Jeanne d’Arc qui appelle Charles VII « Gentil dauphin » .Ça veut dire que Charles VII n’est pas roi tant qu’il n’est pas sacré.

A cette conception populaire va s’opposer celle des légistes qui veulent supprimer toutes vacances entre le mort du roi et le sacre de son successeur. Pour éviter cet inconvénient, deux ordonnances du règne de Charles VI de 1403 et de 1407 établissent l’instantanéité de la succession royale, le fils ainé devient roi immédiatement après la mort de son père avant même qu’il ait été sacré. Ce n’est plus le sacre qui fait le roi. C’est ce principe d’instantanéité de la succession qu’exprime un adage: « Le roi ne meurt pas en France ». Et d’ailleurs, la continuité de la fonction royale se manifeste par un rituel. A la mort du roi, un officier vient proclamer devant la foule « Le roi est mort, vive le roi ». Un problème reste posé c’est la minorité du fils ainé à la mort de sont père. Puisque cette minorité entraine pour lui l’incapacité de gouverner.

2. Minorités et régences.

En 1374 l’âge de la majorité royale est fixée par Charles V à 13 ans révolus. Et en 1403, dans une des deux ordonnances de Charles VI, on décide en outre que même si le nouveau roi est mineur, c’est lui qui s’inscrit dans la succession, ceci donne un nouvel adage: « Le roi de France est toujours majeur ».

§2. L’inaliénabilité du domaine royal.

C’est le roi qui a utilisé tous les moyens de droit pour dilater son domaine royal par le droit féodal. Mais ce droit féodal peut tout aussi bien servir à dilapider le domaine royal, le roi pourrait perdre d’un coté ce qu’il a gagné de l’autre. Le roi n’est pas un seigneur comme les autres. Son domaine va être peu à peu soumis à un statut particulier qui le rend inaliénable.

I – L’émergence du principe de l’inaliénabilité.

Ce principe émerge, jusqu’au XIVeme siècle le roi a pu disposer sans contrainte du domaine royal. Il continue les pratiques de la monarchie franque et il gouverne par ses largesses, il fait des cadeaux. D’abord, il récompense ceux qui l’ont bien servi en leur donnant des terres et des seigneuries. Il cherche aussi à assurer le salut de son âme par de pieuses libéralités. Si cet usage avait continué la monarchie capétienne aurait eu le même sort que les monarchies précédentes et se serait ruinée. Seulement au début du XIVeme siècle avec les premières tentatives d’établissement d’un impôt royal on constate un changement. Jusqu’ici le roi avait vécu du produit de ses domaines. Mais les besoins de la royauté se sont accrus soit pour les dépenses personnelles du roi, soit surtout, pour soutenir la guerre contre l’Angleterre. Dans ces conditions, on comprend que le peuple et les juristes aient lutté contre les aliénations domaniales qui conduisaient le roi à rechercher des ressources extraordinaires dans l’impôt. C’est Philippe V Le Long qui réagit le premier contre ces pratiques, il va par une ordonnance de 1318, il révoque les aliénations faites depuis la mort de Saint-Louis. On va invoquer soit le caractère excessif de la libéralité, ou un vice du consentement. Alors, les successeurs de Philippe V vont suivre cet exemple et ces révocations multipliées et répétées vont conduire peu à peu à l’idée que le domaine royal est d’une nature différente d’un domaine féodal. Le domaine royal est inaliénable. Au milieu du XIVeme, Charles V va poser clairement les règles de l’inaliénabilité mais il devait la rendre pérenne. Afin de lui ses successeurs, Charles V va introduire une close relative à l’inaliénabilité du domaine dans la formule d’engagement du sacre qui depuis le XIIeme siècle, n’est plus une simple promesse mais un serment. En d’autre termes, tout nouveau roi depuis cette réforme doit jurer de garder, de conserver inviolablement les droits de la couronne. C’est justement à cette époque que le terme de domaine va s’élargir et va désigner non seulement les territoires qui le composent mais aussi les droits et les prérogatives du souverain. On voit qu’à cet époque là, le sens féodal primitif est perdu de vue, et le domaine désigne l’ensemble de ce qui appartient à la couronne. Désormais, on parle du « domaine de la couronne » plutôt que le domaine du roi. Cette expression est riche de contenu. La couronne, cet être mystique qui ne meurt jamais a un patrimoine qui lui est affecté en permanence, ce patrimoine n’est pas la propriété du roi. Puisque le roi n’est pas propriétaire du domaine, il ne peut pas l’aliéner.

Le roi n’est que l’usufruitier, il n’est que l’administrateur du domaine exactement comme il est l’usufruitier de la couronne elle-même. L’inaliénabilité du domaine et le principe de l’indisponibilité de la couronne sont donc liés, dans lesquels on y aperçoit l’idée moderne de l’État.

II – La pratique des apanages et ses dangers.

A. La Notion.

Cette notion d’apanage est étroitement liée aux règles de dévolution de la couronne. Puisque la couronne est héréditaire de mâle en mâle par ordre de primogéniture, il en résulte que l’ainé a tout, et les puinés n’ont rien. D’où la pratique des apanages « ad panem ». Il s’agit d’une dotation faite aux enfants du roi qui n’ont pu accéder à la couronne en compensation des droits reconnus au fils ainé. Cette pratique n’est pas réservée à la royauté, en effet, l’intérêt des grandes familles territoriales exige d’éviter tout partage qui réduirait l’influence politique de la famille et donc, au XIIIeme siècle alors que le partage des fiefs est devenu la règle, les grands ensembles territoriaux restent indivisibles pour des raisons politiques. Mais si l’ainé prend toute la succession il paraît équitable d’assurer aux puinés un moyen de subsistance, un apanage. Cet apanage sera l’attribution d’une terre, source de richesse et de prestige. Le problème s’est posé dès Robert le Pieux puisqu’on le voit donner le duché de Bourgogne à son fils cadet. Mais la question va apparaitre dans le testament de Louis VIII en 1225 dans lequel il est prévu que le roi donne la Province d’Artois à son second fils, l’Anjou au troisième, le Poitou au quatrième. Les apanages est une pratique qui a ses intérêts. Les apanages consolident le principe de primogéniture en détournant les puinés de toute révolte contre leur frère ainé. Ces apanages ont aussi permis d’introduire progressivement les institutions royales dans les provinces nouvellement rattachées à la couronne. L’apanage a constitué une étape préparatoire à un rattachement définitif à la couronne. Exemple: action du frère de Saint Louis, Alphonse de Poitiers dans son apanage du Poitou. Les apanages créent une féodalité apanagiste qui a vocation à monter sur le trône si la branche régnante s’éteint. La Bourgogne a été constituée en apanage par le roi Jean le Bon, au profit de son fils cadet. Les ducs de Bourgogne vont abuser de leur situation pendant la guerre de 100 ans, ils vont s’allier aux anglais.

B. Les limitations.

Les légistes ont limité la pratique d’apanages. Ils vont mettre au point une théorie d’apanages qui contient deux séries de restrictions.

1. Restrictions de l’importance des apanages.

D’abord les légistes font admettre que l’apanage n’est pas un droit acquis. L’apanage est une pure générosité du roi et donc, un puiné peut en être privé sans pouvoir faire de réclamation. D’autre part, l’apanage n’est pas forcément une terre, les filles sont ainsi apanagées en argent, elles reçoivent de l’argent et non des terres pour éviter que par leur mariage, les seigneuries qu’elles auraient reçues ne sortent du domaine royal. Louis VIII dans sont testament va livrer une somme de 20.000 livres.

2. Restriction des droits des apanagistes.

Ici on peut faire trois remarques qui vont toutes dans le même sens.

Remarque 1: Relation entre l’ainé et les frères. Les apanagistes sont placés dans une subordination féodale. En d’autres termes, ils doivent l’hommage à leur frère ainé et puisqu’ils sont vassaux, s’ils ne respectent pas les devoirs vassaliques, ils encourent de sanctions féodales, en particulier la confiscation de l’apanage.

Remarque 2: Les apanagistes se voient également privés de certains droits seigneuriaux qui avec la reconstructions de la souveraineté royale sont devenus des droits régaliens. Ils se trouvent ainsi privés dès le règne de Saint Louis le droit de Régale, c’est-à-dire le droit de percevoir les revenus des évêchés vacants. Lorsqu’un évêché devient vacant, l’évêque une fois disparu, les revenus qu’ils percevaient restent toujours, les personnes mal intentionnées peuvent essayer de s’en emparer, du coup le roi, veille à ce que ces revenus soient protégés, et le roi se réserve le droit de les percevoir. Droit de monnaie, droit de justice, droit de foire et de marché. L’apanagiste a bien la jouissance et les revenus de son apanage mais il n’a plus l’autorité véritable sur son apanage, il est devenu un simple usager et ne peut pas disposer de son apanage.

Remarque 3: La restriction du droit d’apanagiste est restrictive en ce sens où il ne peut pas disposer de son apanage. L’apanage a vocation à faire retour au domaine royal. En effet la constitution d’un apanage est assortie du leurre de révision si l’apanagiste meurt sans héritier. Cette notion va être entendue dans un sens restrictif. Dans un premier temps il s’agira d’un héritier quelconque. Puis, au XIIIeme siècle, l’héritier sera pris au sens de descendant en ligne directe, ce qui va exclure les collatéraux. Enfin au XIVeme siècle on va exclure de la succession aux apanages les descendants de sexe féminin. Désormais, le retour au domaine vassalique, au décès de l’apanagiste sans héritier mâle en ligne directe est sans descendant.

Il ressort que les légistes ont ainsi forgé une théorie cohérente de l’apanage conforme aux intérêts de la couronne. On aboutit au fait que l’apanage est devenu un patrimoine indivisible inaliénable et réversible de plein droit au domaine royal si l’apanagiste meurt sans héritier direct du sexe masculin. Il est d’ailleurs significatif de souligner que c’est justement au XIVeme siècle que l’on exclut la succession aux apanages les individus féminins comme à la succession de la couronne. De là l’idée que l’apanage ne cesse de faire partie du domaine de la couronne qui par nature est incommunicable aux femmes.

La théorie de l’apanage est concomitante à la théorie générale du droit. Cette théorie trouvera son expression définitive dans l’édit de Moulins de 1566. En effet, l’apanagiste n’a qu’un simple droit de jouissance et l’apanage reste à la couronne.

CHAPITRE III – LA RESTAURATION DES PREROGATIVES PUBLIQUES.

SECTION 1 – LES EFFORTS POUR INSTAURER UN ORDRE JURIDIQUE UNITAIRE.

§1. Le reconquête du pouvoir royal de légiférer.

I – La situation initiale.

Le roi avant auparavant la faculté de légiférer grâce aux capitulaires. Avec la dislocation du pouvoir royal en une foule de seigneurie, cette prérogative royale disparaît au Xeme siècle, et pendant un siècle et demi il n’y a plus de pouvoir législatif royal. Alors, si le roi promulgue encore parfois une ordonnance ou un établissement, il le fait dans les mêmes conditions de n’importe quel seigneur local. En d’autres termes cet établissement ne sera applicable que là où le roi détient la justice, c’est-à-dire dans son domaine. En effet, chaque seigneur justicier est législateur dans sa seigneurie. Par conséquent, il est inconcevable que le roi puisse rendre une ordonnance pour tout le royaume. C’est d’ailleurs ce qu’affirme à la fin du XIIIeme siècle un coutumier (recueil de coutumes) de Tourennes: « Le baron a toute justice dans sa terre et le roi ne peut mettre ban en la terre du baron sans son consentement. ». Cependant à l’époque où ce recueil a été écrit, cette phrase n’est plus vraie parce qu’à partir du milieu du XIIeme siècle, la royauté dont l’autorité progresse constamment cherche à reconquérir le pouvoir de faire la loi. Et, ce sere l’objet d’une longue évolution qui se terminera seulement au XIVeme siècle.

II – L’émergence d’un droit royal.

A. Les étapes.

1. Du milieu du XIIeme siècle à la fin du règne de Philippe Auguste (1223).

Pour essayer de faire appliquer ses établissements en dehors de son domaine, le roi réunit des Cours de Barons: des assemblées féodales de vassaux. Il leur soumet le texte qu’il veut voir promulguer et il demande aux barons de le souscrire, c’est-à-dire d’apposer leurs noms au bas du texte. Donc, l’ordonnance sera alors applicable dans les seigneuries de ceux qui ont adhéré au texte proposé. Par contre, elle n’est pas applicable ni chez ceux qui ont refusé de souscrire, ni chez ceux qui ne sont pas venus à la convocation du roi. L’exemple le plus ancien c’est l’ordonnance de Louis VII de 1155 qui prescrit le respect de la « Paix de Dieu » dans tout le royaume. Elle comporte les souscriptions de toute une série de grands seigneurs parmi lesquels le Duc de Bourgogne, le Comte de Flandres, le Comte de Champagne.

2. De 1223 au début du règne de Philippe le Bel.

Le roi progresse bien que ce soit parfois insensible. En apparence, le roi recherche toujours l’accord de ses vassaux mais il se contente maintenant de la majorité d’entre eux. Le roi tend à faire admettre un nouveau principe selon lequel si l’ordonnance a été approuvée par un certain nombre de vassaux, elle les oblige tous même ceux qui n’y ont pas souscrit. Exemple: Ordonnance de Louis VIII 1223 qui interdit à un seigneur de retenir les juifs d’un autre seigneur. Dans ce texte on trouve la disposition suivante: « l’ordonnance s’appliquera tant à ceux qui l’ont jurée qu’à ceux qui ne l’ont pas jurée ». Si ceux qui ne l’ont pas jurée s’y opposent, ils y seront contraints à la fois par le roi et par tous ceux qui ont approuvé le texte et, au besoin, par les armes.

3. Du 1285 au début du XIVeme siècle.

Le roi continue toujours à formuler le principe de l’adhésion expresse des vassaux aux ordonnances. Ce n’est plus qu’une façade. On observe que les vassaux ne souscrivent plus les ordonnances. Les ordonnances de Philippe le Bel, mentionnent que « le texte a été promulgué avec les consentement des barons » mais en réalité l’intervention de ces barons (vassaux royaux) pour autant qu’ils aient été consultés, n’a plus guère d’importance, le roi a recouvré la plénitude du pouvoir législatif. Au milieu du XIVeme siècle, le roi va cesser de faire mention de l’approbation de ses vassaux, il va simplement dire dans l’ordonnance, qu’il « a pris l’avis de son conseil ». La seule limite à l’autorité législative du roi réside ainsi dans le principe que l’ordonnance doit être prise à grand conseil. Ce conseil n’a néanmoins qu’une voie consultative. Le roi doit le solliciter mais il n’est pas tenu par l’avis de son conseil.

B. La justification théorique.

1. L’influence du droit romain.

Le développement des prérogatives royales a été fortement aidé par la diffusion des études du droit romain. Jusqu’au XIIeme siècle, l’Occident ne connaissait du droit romain que le code Théodosien qui a été rédigé par l’empereur Théodose en 438 puis il connaissait aussi les extraits qui figuraient dans la loi romaine des Wisigoths. Les compilations du droit Justinien, le Corpus Juris Civilis. Au XIIeme siècle, ce droit romain redécouvert est étudié dans les premières universités médiévales. Ils vont trouvé toute une série de texte qui exalte l’omnipotence de l’empereur, qui exalte la puissance législative de l’empereur et en particulier la formule suivante: « Quod Principi Placuit Legis Habet Vigorem ». Ce qui veut dire: « Ce qui a plu au prince a force de loi. ». Les légistes vont alors transposer cette formule au profit du roi. Le raisonnement est un raisonnement parfaitement juridique. Le roi affirment les légistes: « Le roi est empereur dans son royaume ».

Le roi dispose donc dans son royaume les mêmes pouvoirs que l’empereur romain et notamment il dispose donc dans son royaume un droit de légiférer qui est absolu et sans partage. C’est ce que les légistes vont exprimer dans l’adage: « Si veut le roi si veut la loi ». En d’autres termes, ce que veut le roi c’est la loi. Cette formule figure déjà dans un recueil de coutumes du XIIIeme siècle, les coutumes de Beauvaisis de Philippe de Beaumanoir qu’on date de 1283. Beaumanoir est un légiste qui a exercé les fonctions de bailli royal, il est à la fois juge, administrateur, responsable militaire, percepteur d’impôts. Beaumanoir est le premier a avoir formulé une théorie du pouvoir législatif du roi.

2. La théorie de Beaumanoir (fin XIIIeme siècle).

« Le roi est souverain parmi tous et a la garde générale du royaume. ». Le roi représente l’intérêt collectif et donc à ce titre, en sa qualité de représentant de l’autorité générale il lui appartient de faire touts les ordonnances nécessaires au bien commun du royaume. Mais son pouvoir législatif est soumis à des règles. D’abord l’ordonnance royale doit être faite « par Grand Conseil ». Ce qui signifie que le roi ne peut prendre une décision sans son conseil, c’est-à-dire une large consultation de ses officiers et des barons. Dès l’époque de Beaumanoir, l’élément féodal qui compose le conseil décline au profit de l’élément professionnel. Ce sont les légistes qui sont tout dévoués au roi. Ensuite, l’ordonnance doit être faite pour le commun profit, c’est-à-dire pour l’utilité générale. C’est une notion qui a été empruntée à Aristote et elle a été développée par le Théologiens, surtout par Saint Thomas D’Aquin. Précisément c’est cette utilité commune qui doit inspirer les décisions royales. Enfin, l’ordonnance doit être raisonnable. C’est-à-dire qu’elle doit être conforme aux lois divines et morales. Beaumanoir précise que ces conditions ne sont cependant requises qu’en temps de paix, en effet, en temps de guerre ou de calamité publique (circonstances exceptionnelles), le roi a tes les pouvoirs pour légiférer pourvu que ses ordonnances respectent le commun profit. Quant aux barons Beaumanoir leur reconnaît bien le pouvoir de légiférer dans leur seigneurie mais il leur connait se droit d’une manière extrêmement restrictive. En effet, d’après Beaumanoir ce droit ne peut s’exercer qu’en temps de guerre ou de nécessité alors que le roi, lui, légifère en tout temps. Beaumanoir ajoute que ce pouvoir ne peut s’exercer que sous l’autorité royale. Par ailleurs chaque baron doit faire respecter sur ses terres les ordonnances générales de la royauté. Cette théorie présente une large part d’anticipation. A l’époque où Beaumanoir écrit, les grands seigneurs comme les ducs de Bretagne ou de Bourgogne ne se gênent pas pour légiférer dans leur domaine. Cependant cette théorie va venir soutenir les transformations que Philippe le Bel va introduire dans les pratiques gouvernementales. L’évolution se termine à la fin du Moyen Age au XVeme siècle: l’autorité législative du roi est indiscutée.

§2. Le contrôle progressif de la coutume.

La coutume était la source dominante du droit à l’époque féodale, elle le restera jusqu’à la fin du Moyen Age avec ses caractères: la flexibilité qui lui permet de s’adapter en permanence et sa diversité selon les différents ressorts coutumiers. Cette diversité coutumière va à l’encontre de l’ordre juridique unitaire que le roi cherche à instaurer. Le roi ne peut pas maitriser l’ensemble du droit coutumier mais il va profiter de sa position pour réguler le contenu de ce droit coutumier (I), et cette politique va s’accentuer avec la rédaction des coutumes (II).

I – La régulation des coutumes.

Jusqu’au règne de Saint-Louis, le roi agit avec prudence parce que le roi ne dispose encore ni des pouvoirs ni de l’assise territoriale pour intervenir d’une façon autoritaire. D’autre part, le roi se heurte aux prescriptions du droit romain et du droit canonique et en l’occurrence ces deux droits affirment que « toute coutume raisonnable et approuvée par le prince doit être respectée par lui ». Mais puisque le roi doit respecter les coutumes raisonnables, cela suppose que le roi supprime celles qui ne le sont pas. Bien entendu, cela suppose aussi que le roi puisse confirmer celles qui sont raisonnables. C’est à ce double niveau qu’intervient la régulation royale des coutumes.

1. L’abolition des mauvaises coutumes.

C’est une pratique ancienne, elle remonte au moins au milieu du XIeme siècle. Effectivement, le roi en sa qualité du responsable du bien commun, se juge qualifié pour supprimer les coutumes contraires à l’équité. D’autre part, le sacre l’oblige à faire régner partout la justice. Cela inclut l’abolition d’une coutume qui s’avèrerait injuste. A partir du XIIeme siècle, les décisions royales d’abolition de coutume considérée comme mauvaise se multiplient. D’ailleurs le vocabulaire employé est toujours le même. Si la coutume est approuvée c’est parce qu’elle est « bonne », « juste », « légitime ». Au contraire, si la coutume est abolie c’est qu’elle est « mauvaise », « inique », « perverse ». Évidemment, à qui appartient le soin, la prérogative, d’apprécier la rationalité de la coutume, à qui appartient le soin de dire le droit et de l’appliquer à un groupe? On pourrait penser que le juge puisse évaluer la valeur de la règle coutumière, et certes, le juge est compétent pour trancher les conflits relatifs à l’existence d’une coutume dont le contenu est contesté. La décision du juge n’aurait cependant avoir une portée générale. Abolir une mauvaise coutume c’est une prérogative essentiellement royale. Une prérogative qui est appelée à s’exercer chaque fois que l’équité n’est pas respectée. Cette prérogative doit s’appliquer partout, non seulement dans le domaine royal et aussi et de plus en plus, sur les terres du seigneur.

Cela implique que réciproquement peut confirmer les coutumes qu’il juge bonnes et équitables.

Comment fait-il? Le roi peut alors agir de sa propre initiative ou il peut agir sur la demande du groupe régi par la coutume contestée. Dans les deux cas, c’est une occasion nouvelle pour le roi d’affirmer sa suprématie. Puis, c’est aussi un moyen de contrôler les coutumes en les coulant sous prétexte de les confirmer dans le moule de l’ordre juridique que le roi est entrain d’élaborer. C’est ainsi que beaucoup d’actes royaux disent que le roi confirme mais aussi qu’il concède. L’idée de concession, donc de création, l’emporte alors sur celle de simple confirmation.

2. La confirmation des bonnes coutumes.

Ces confirmations se multiplient à partir de la fin du XIIeme siècle surtout en faveur des établissements ecclésiastiques. Le roi reconnaît leurs coutumes en insistant sur leur caractère raisonnable et légitime. Elles doivent être donc confirmées et maintenues. De la même façon les villes qui renaissent à partir de la fin du XIIeme siècle vont demander au roi de confirmer ou octroyer de nouvelles coutumes. Ces demandes seront pour le roi l’occasion d’orienter l’évolution des libertés municipales dans le sens voulu par le pouvoir. Dans tous les cas qu’il s’agisse d’abolition, de confirmation, de concession, la royauté mène toujours une politique de régulation. Cela permet qu’il n’y ait pas un trop grand fossé entre la coutume et l’ordre juridique que la royauté essaie d’organiser.

II – La première rédaction des coutumes: les coutumiers privés.

Depuis le règne de Saint-Louis, la royauté ne cesse pas d’encourager la rédaction des coutumes mais elle n’interviendra que d’une manière indirecte tout en étant souvent à l’origine de ces coutumiers privés qui se multiplient à la fin du XIIeme siècle. Ce sont des recueils de coutumes qui ont été établis par des praticiens qui relèvent les usages appliqués dans leur pays. Il faut souligner à ce propos que ce sont des œuvres qui sont établies sur simple initiative privée et donc elles sont dépourvues de valeur officielle. Il faut observer que ces coutumiers se rencontrent dans le Nord de la France et il faut insister sur le rôle officieux qu’a joué en sous-main le pouvoir royal dans la rédaction de ces coutumiers. Ces praticiens se sont bien souvent des agents royaux, en général des bailli que le roi a vivement encouragé dans leur entreprise. Pourquoi? Parce que c’était en effet une occasion inespérée de consigner par écrit tout en ensemble coutumier sous la responsabilité d’un agent du roi. Et, à cette occasion, cela a pu permettre de supprimer une disposition contraire au droit royal, ou à l’inverse on a pu introduire une disposition favorable à la royauté. Donc, vu sous cet angle, la rédaction de ces coutumiers se présente comme un véritable plan d’équipement juridique du royaume, c’est le résultat de la volonté du roi, de contrôler un droit coutumier qui lui échappé largement à l’origine. Cette rédaction des coutumiers débite à l’extrême fin du XIIeme siècle pour se clore à la fin du XIVeme siècle.

1. Les coutumiers Normands.

Ce sont les plus anciens. Il y a d’une part le très ancien coutumier de Normandie qui a été rédigé par un auteur inconnu à la fin du XIIeme siècle, avant le rattachement de la Normandie à la couronne (1204). Et puis il y a le grand coutumier de Normandie qui est postérieur au précédent d’un peu plus d’un demi-siècle, milieu du XIIIeme siècle.

2. Ile de France et régions voisines.

Il y a tout un mouvement de rédaction dans ces régions avec une réussite inégale puisque dans certains de ces coutumiers, le droit coutumier est assez mal dégagé par l’auteur qui altère souvent ce droit coutumier à travers un droit romain mal compris. C’est l’époque où les études du droit romain se développe. Le premier de ces recueils est « Le Conseil à un Ami » 1250, par Pierre de Fontaines, bailli de Vermandois. Et le second est le livre de « Jostice et Plet » (Justice et plaidoirie) qui a été rédigé vers le milieu du XIIIeme siècle, son auteur est inconnu est c’est une mise par écrit des coutumes de l’Orléanais. A l’opposé, il y a deux œuvres maitresses de la seconde moitié du XIIIeme siècle dont les auteurs vont utiliser discrètement le droit romain pour compléter le droit coutumier présenté dans les recueils. Le premier de ces recueils est « Les établissements de Saint-Louis », recueil rédigé vers 1270, malgré son titre trompeur, cet ouvrage n’a rien à voir avec Saint-Louis, cet ouvrage, en réalité, expose les coutumes de l’Anjou et de la Tourenne. Puis, le plus célèbre de ces recueils est le recueil qui est dû à Philippe de Beaumanoir en 1280, au moment où il est bailli de Clermont-en-Beauvaisis, il rédige « Coutumes de la Comtée de Clermont-en-Beauvaisis. Beaumanoir est né en 1247 dans une famille noble, et il a reçu une solide formation de juriste. Il a séjourné plusieurs fois en Angleterre. Il a été successivement bailli en Beauvaisis, en Poitou, en Cintonge, en Vermand, en Tourenne, et enfin à Senlis. C’est un proche de Saint-Louis. C’est un homme de culture et aussi de pratique, Dans son ouvrage il se veut à la fois savant et concrêt. Voilà pourquoi il ne se contente pas d’une simple transcription de la coutume, il l’analyse, l’interprète, la commente, en s’appuyant sur des exemples qui sont puisés dans d’autres systèmes juridiques: droit romain, droit canonique, coutumes voisines, et encore la jurisprudence du parlement de Paris. L’ouvrage de Beaumanoir déborde largement le Beauvaisis et sa coutume, Beaumanoir traite même en détail de la souveraineté et du droit du roi. Beaumanoir illustre bien la méthode qui a présidé à la rédaction de ces coutumiers, une méthode efficace, souhaitée, peut-être imposée, par la royauté.

3. Les coutumiers du XIVeme siècle.

Au début du XIVeme siècle, dans un contexte difficile de crises politiques et économiques, le mouvement de rédaction des coutumiers perd sa force et sa qualité. « La très ancienne coutume de Bretagne », rédigée vers 1330, fait transparaître fortement l’infuence du droit romain. « Le grand coutumier de France », fin du XIVeme, par Jacques d’Ableiges, bailli d’Evreux, rapporte les coutumes de l’Ile de France et des usages en matière de procédure devant les Cours royales. « La Somme Rural » par Jean Boutillier qui lui aussi était bailli royal, cet ouvrage est un essai de synthèse en le droit coutumier, le droit romain et le droit canonique.

Toutes ces œuvres bien qu’elles soient présentées comme des rédactions privées, sont liées à la politique royale en matière de source du droit. Ce qui le prouve clairement, c’est que sont presque toutes rédigées par des Baillis ou encore des praticiens au près de tribunaux royaux. Donc, cela montre bien la volonté de la royauté de maîtriser la coutume de mieux la connaître, de mieux la contrôler. Il y a là comme l’annonce d’une rédaction officielle, prescrite par le roi par l’ordonnance de Montils-les-Tours en 1454.

§3. La renaissance du droit romain.

En 530 et 534, l’empereur Byzantin Justinien, fait rédiger une œuvre remarquable qui est une véritable Somme de droit romain. Elle se développe sous la forme de plusieurs recueils. Le premier s’appelle le « Code ». Ce recueil regroupe les Constitutions impériales, c’est-à-dire, les lois des empereurs, depuis le milieu du second siècle. Le second recueil est appelé le « Digeste », c’est une encyclopédie de droit romain. C’est un recueil de fragments de droit romain qui sont groupés selon un ordre méthodique, c’est une œuvre de doctrines. Le troisième ouvrage s’appelle les « Institutes », manuel de droit destiné aux étudiants. A ces trois recueils vont s’en ajouter un peu plus tard un quatrième, les « Novelles » → « Novelae Constitutiones », recueil qui rassemble les constitutions impériales rédigées après le « Code ». Le « Corpus Juris Civilis », est resté ignoré de l’Occident jusqu’à la fin du XVIeme siècle, jusque là l’Occident ne connaissait que le droit romain par le code Théodosien du Veme siècle et le droit des Wisigoths.

I – Les circonstances.

Jusqu’à la fin XIIeme siècle, le climat économique et social ne se prêtait guère à l’influence d’un droit évolué comme le droit romain. En effet, le Haut Moyen Age se définit comme une économie fermée, un formalisme oral, une culture exclusivement religieuse, les situations juridiques se nouent et se dénouent. Ces trois traits rendent l’Occident imperméable à un droit savant. Or, la société occidentale change radicalement à partir du XIIeme siècle, l’économie s’ouvre aux échanges autour de la Méditerranée. Une économie d’affaire se met en place et se détourne au formalisme oral qui ne supporte pas l’économie d’affaire, on va affiner des techniques juridiques plus adaptées. Les mentalités évoluent, la culture et la connaissance ne sont plus exclusivement religieuses, elles commencent à se laïciser. Bref, voici autant de circonstances favorables à une renaissance du droit romain. Cette renaissance s’est produite grâce à la découverte de compilations du Justinien. La légende rapporte que au cours d’une guerre autour de la ville de Pise. Un soldat Bizan au rapporté de fameux manuscrits. Les « Littera Pisana », transporté à Florence en 1406, on l’appelle depuis la Florentine. En vérité, cette découverte est le résultat d’un véritable travail de fourmis des clercs qui ont animé la réforme Grégorienne grâce à laquelle l’Église a réussi dès le XI eme siècle à s’arracher à l’emprise des laïcs. Nommée Grégorienne parce que le principale animateur de cette réforme est le Pape Grégoire VII. Ces clercs ont lancé de vastes recherches dans les bibliothèques italiennes pour réunir tous les textes établissant la primauté du Pape. C’est à cette occasion que on a découvert le droit du Justinien dans les années 1060 – 1080 sans qu’on sache exactement où et quand.

II – La méthode.

A. Les glossateurs.

Le plus ancien des maîtres Bolonais (Bologne), est Irmerius (fin du XI eme, début du XIIeme). Bologne devient la plus importante université juridique de l’Europe médiévale. On les appelle les glossateurs parce que tous les maîtres adoptent le même système d’enseignement: la glose. Elle consiste à faire l’exégèse complète des textes en les expliquant de la façon la plus littérale possible. Encore une fois le droit romain était pour eux une matière à peu près inconnue. Leur travail est axé sur trois préoccupations essentielles. D’abord, des explications de mots par des comparaisons et des rapprochements. Ces notes explicatives étaient inscrites dans la marge du texte commenté. Les glossateurs procèdent ensuite à des études de cas qui permettent d’examiner la question d’espèce posée par chaque texte. Enfin, ils établissent des Sommes, des résumés donnant l’analyse succincte d’une œuvre du Justinien titre par titre. A partir du milieu du XIIeme siècle, les glossateurs bolonais introduisent en Europe … Placentin va s’installer à Montpellier où il enseigne à partir de 1170, il y mourra en 1192. L’enseignement du droit romain se répand alors dans le midi de la France tandis qu’au Nord il est enseigné à Paris vers le milieu du XIIeme siècle avant que cet enseignement soit interdit au début du XIIIeme siècle. Il est enseigné ensuite à l’université d’Orléans en 1235. Au début du XIIIeme siècle, l’école des glossateurs atteint son apogée avec deux grands noms: Azon a rédigé une somme sur les institutes et une somme sur le code qui éclipsent les travaux antérieurs. Le deuxième nom est celui d’Accurse, qui réunit au milieu du XIIIeme siècle toutes les gloses de ses prédécesseurs sur le « Digeste » et sur le « Code » pour former un recueil destiné à faciliter la compréhension du droit romain nommé la « Grande Glose » ou la « Glose Ordinaire ».

B. Les Postglossateurs.

Ils utilisent une nouvelle méthode: la scolastique. Cette nouvelle méthode se caractérise par un raisonnement logique et déductif dans lequel on ne se permet par d’avancer une idée sans la prouver et sans réfuter en même temps tous les arguments en faveur de l’idée contraire. Cette méthode remplace l’étude littérale des textes, c’est-à-dire, les gloses, et les analyses qui résultaient de ces études littérales, les sommes, sont ainsi remplacées par des débats de doctrine et des exposés systématiques. Une fois les principes dégagés, ils cherchent par déduction à en tirer les solutions applicables aux problèmes contemporains. Cette nouvelle école à des objectifs plus utilitaristes que la précédente, les glossateurs se forcent en se dégageant des textes anciens, d’élaborer une synthèse directement applicable par la pratique de son temps. Deux noms sont à retenir ici: Jacques de Révigny (mort en 1296), professeur à Toulouse et Orléans, puis, Pierre de Belleperche, (mort en 1308) qui enseignait lui aussi à Toulouse et Orléans, avant de devenir conseiller de Philippe le Bel et Chancelier de France. Puis, juste retour des choses, la méthode française séduit le italiens. Bartole qui enseignait à Pise et à Pérouse.

II – Les conséquences du droit romain.

Il a sur la coutume une supériorité technique indiscutable. Il a l’avantage de l’unité et il forme un tout, complet, tandis que les coutumes sont diverses et fragmentaires. D’autre part, le droit romain est fixé et écrit alors que la coutume est orale et incertaine. Le droit romain jouit donc d’un prestige incomparable.

A. Pays de coutumes et pays de droit écrit.

Tout simplement, l’invasion du droit romain n’a pas eu la même ampleur dans le royaume. Elle a été plus rapide et aussi plus sûre dans le midi même si elle y a rencontré des obstacles, que dans le Nord où le droit romain a buté sur une infrastructure coutumière. Au milieu du XIIIeme siècle, la France se divise en deux zones. Au Midi celle des pays de droit écrit qui sont les pays de Langue d’Oc. Et puis, au Nord les pays de coutumes qui sont les pays de Langue d’Oïl.

Cette frontière part de l’île d’Oléron, elle passe au de la Saintonge et du Limousin, elle coupe l’Auvergne, elle passe au Nord du Lyonnais et du Macônais et elle aboutit au lac Léman. L’opposition Nord/Sud n’est pas nette.

1. Le Midi.

Il ne faut pas croire que les coutumes vont s’effacer devant le droit romain. Plus précisément, la romanisation va même susciter, soulever des résistances. On a constaté que de nombreuses villes, par exemple, Toulouse ou Montpellier, vont mettre par écrit leur coutume dès la fin du XIIeme siècle. Cette rédaction exprime la volonté de garder face à la loi romaine, une certaine identité. Mais, au-dessus de ces coutumes locales le droit romain apparaît comme une sorte de dénominateur juridique commun. En effet, il acquiert dès le XIIIeme siècle valeur de coutume générale. C’est-à-dire à laquelle on se réfère dans le silence de la coutume locale.

2. Les pays de coutumes.

Dans le Nord, le droit romain exerce son influence beaucoup plus sur les savants et sur les juges que sur les usages populaires. Comment cela se traduit dans la vie du roi? La procédure et le droit du contrat se romanise. Au contraire, le droit des biens et le statut familial échappent au droit romain. D’ailleurs la loi romaine n’aura jamais dans le Nord l’autorité supplétoire qu’elle a acquise dans le Midi. C’est ainsi que dans le silence de la coutume locale, c’est à la coutume voisine qu’on fera appel pour trancher un litige et non pas au droit romain. De là, l’adage « Coutume passe droit ». La résistance des pays du Nord s’explique par des raisons politiques.

B. Le roi de France et le droit romain.

Le roi de France se méfie du droit romain car c’était le droit de l’empire romain. Or, s’il n’y a plus d’empire romain, il y a du moins un Empire qui cherche à se faire passer pour tel. C’est le Saint Empire romain germanique qui étendait sa domination sur l’Allemagne et l’Italie mais qui prétendait héritier des César de Rome et portait le titre d’Empereur des romains. Or, l’école de Bologne enseignait à partir du droit romain que l’empereur était le maître du monde. Dès lors les rois devaient être soumis à l’Empereur ou être ses vassaux. Philippe Auguste comprend très vite le danger de subordination et Philippe Auguste obtient du Pape que le droit romain ne soit pas enseignait à l’université de Paris. Une ordonnance de Philippe le Hardi, de 1278, fait même défense aux avocats d’invoquer le droit romain à l’encontre des coutumes. Mais, l’enseignement du droit romain va continuer dans les autres universités du royaume et même à Orléans qui est pourtant une ville royale. Mais cette hostilité du roi de France pour le droit romain va finir par disparaitre. En effet, sous règne de Philippe le Bel (1285-1314) les légistes royaux vont inventer une formule permettant d’accepter le droit romain sans regretter la suprématie de l’empereur par la formule « Le roi est empereur dans son royaume ». Le roi comme jadis l’empereur a la plénitude de puissance, et il n’a donc pas de supérieur. Dans ces conditions, il n’y a plus de raison de se méfier du droit romain et les légistes vont utiliser ce droit romain systématiquement au profit du roi et vont s’en servir pour développer les prérogatives royales. Pourtant la suspicion est toujours existante, puisque la prohibition officielle de son enseignement ne sera levée que par un édit de Louis XIV de 1679.

TROISIEME PARTIE – L’ANCIEN REGIME: L’ÉTAT TRIOMPHANT (milieu XV eme – fin XVIIIeme siècle).

Introduction.

I – Limites chronologiques (1453 – 1792).

Le point d’arrivée de l’Ancien régime et le Jeudi 21 Septembre 1792, date du décret par lequel la Convention abolit la royauté. Cette période est qualifiée selon une formule d’Alexis de Tocqueville

II – Monarchie tempérée et monarchie absolue.

Monarchie tempérée jusqu’au règne personnel de Louis XIV et Monarchie absolue à partir de ce règne, c’est à dire en 1653 à l’issue de la crise politique « Le fronde » et au terme de la minorité du roi. Règne de Louis XIV 1653 – 1715. Ce clivage se justifie d’abord dans les faits et ensuite dans les idées. La monarchie devient véritablement absolue avec Louis XIV et Bossuet (Évêque de Meaux), qui a formulé la doctrine de la Monarchie de droit divin. Il y a existé des freins capables de balancer l’autorité royale, il y a eu pendant longtemps les États-Généraux auxquels la royauté devait recourir pour le vote des impôts. Il y a eu également les Cours souveraines, en particulier, des parlements qui s’étaient attribué le droit de refuser l’enregistrement des ordonnances royales. Or, sous le règne de Louis XIV, il n’y a plus eu de réunion des États-Généraux et le droit de faire des remontrances a été retiré aux Cours souveraines.

TITRE UNIQUE – LE REGIME POLITIQUE DE L’ANCIENNE FRANCE.

Il peut y avoir la méritocratie (un seul au pouvoir), l’aristocratie (gouvernement à plusieurs), la ploutocratie (gouvernement des riches), la gérontocratie (gouvernement des anciens). Le régime de l’ancienne France est une monarchie. Que signifie absolu? Dans l’exercice de son pouvoir, le roi n’est soumis à aucun contrôle et il n’a pas de limite dans les moyens d’action. Il ne faut pas confondre l’absolutisme monarchique avec le despotisme ou encore avec le gouvernement arbitraire. L’absolutisme comporte diverses règles d’organisation que le monarque doit respecter.

CHAPITRE 1 – LES EXPRESSIONS DE L’ABSOLUTISME MONARCHIQUE.

SECTION 1 – LA CONCENTRATION OU LA CONFUSION DES POUVOIRS.

L’Ancien Régime ignore totalement la suppression des pouvoirs, au contraire, il connait une concentration des pouvoirs. Le roi exerce sans limite les trois grands pouvoirs de l’État.

§1. Le pouvoir législatif.

A l’époque on préfère parler des lois du roi ou que le roi fait la loi au lieu de parler du pouvoir législatif.

I – Le roi détient la plénitude du pouvoir législatif.

A la fin du XVIeme siècle, le droit de légiférer est unanimement reconnu comme la marque essentielle, comme l’attribut essentiel, de la souveraineté. Il y a donc ici une valorisation, cette valorisation du pouvoir législatif mérite d’être soulignée, surtout si on la compare à la période précédente. Les légistes au Moyen Age mettaient l’accent sur les prérogatives judiciaires du roi. Au contraire, à la fin du XVIeme siècle les théoriciens donnent la priorité au pouvoir législatif du monarque, le roi est désormais et avant tout le souverain législateur. Jean Bodin, 1530-1596 est l’auteur d’un traité de Sciences Politiques paru en 1576 « Les Six Livres de la République », dans cet ouvrage Jean Bodin observe que le critère de la souveraineté est « la puissance de donner et de casser la loi ». Cette valorisation s’explique par le contexte et résulte d’une influence. Bodin écrit en 1576, c’est-à-dire en plein crise d’autorité monarchique. Et, Bodin souhaite voir s’établir un pouvoir royal renforcé après les troubles nés des guerres de religieux. L’influence on doit la rechercher dans les principes du droit public romain.

En effet, l’expression de Bodin traduit et adapte les formules romaines « Quod Principi Placuit, Legis Habet Vigorem », « Princeps Legibus Solutus » (Le prince est dispensé des lois, le prince est libre de suivre les lois ou non). Le roi est d’abord le maitre de la loi. On dit que le roi est la loi vivante. En d’autres termes, il détient le pouvoir législatif sans partage avec quiconque. C’est ce qu’exprime l’adage « Qui veut le roi, si veut la loi » de Loysel dans « Institutions Coutumières », →« la loi n’est que l’expression de la volonté royale ». Le roi est également libre vis à vis des lois, ce qui veut dire qu’il peut non seulement créer ou abroger la loi mais il peut aussi dispenser telle ou telle personne, de l’application de cette loi. Le roi n’est lié ni par les lois de ses prédécesseurs ni par les siennes propres. Donc, il peut accorder à ses sujet des privilèges, des lois particulières qui les exemptent du droit commun. Il peut gracier les condamner des peines qui les frappent, il peut modifier les coutumes générales et particulières. Précisons cependant que si le roi est affranchi des lois ordinaires, il ne peut pas porter atteinte aux lois fondamentales parce celles-ci sont les lois de l’État et non pas les lois du roi. Il ne peut pas davantage violer les lois.

II – L’élaboration des lois du roi.

Les Ordonnances au sens strict, les édits, les déclarations.

A. Préparation et délibération des ordonnances.

C’est le roi ou un de ses ministres qui interviennent, en général le Chancelier. Il soumet un projet au Conseil du Roi qui l’examine, qui le corrige, le complète sous la présidence du roi ou du chancelier. Le Conseil n’a qu’une voix consultative, en d’autres termes; le roi reste seul maître de la décision. Enfin, le projet, une fois arrêté, il est envoyé par commandement du roi à la Chancellerie pour y être mis en forme et pour y être scellé.

B. La formalité du sceau.

Les ordonnances sont rédigées à la Chancellerie par des notaires (rédacteurs d’acte) et secrétaires du roi, et elles sont expédiées dans la forme de lettres patentes. Les lettres patentes sont des lettres ouvertes, munies d’adresse générale, scellées du sceau du royaume de France. Par opposition à une autre catégorie d’actes royaux, les lettres closes que l’on appelle souvent des lettres de cachet. Elle étaient envoyées fermées et scellées par le sceau personnel du roi. Le Chancelier devait sceller ces lettres patentes en y apposant le sceau du royaume à l’audience du sceau. Auparavant le chancelier regardait ce qu’on lui demandait de faire, il vérifiait la régularité des lettres et il peut refuser de sceller les lettres qui lui semblent contraires aux ordonnances antérieures ou, qui lui sembleraient susceptibles de causer du tort au royaume. Ce refus de sceller est un danger pour l’indépendance de la couronne puisque la puissance législative du roi peut s’en trouver paralysée.

Devant ce danger, le roi a trouvé une double riposte, ou bien il reprend lui-même les sceaux au Chancelier ou bien après avoir repris les sceaux au Chancelier (officier inamovible), le roi les transfère à un nouveau personnage qui lui est amovible, donc plus docile que le Chancelier, ce nouveau personnage au statut de commissaire révocable est nommé le Garde des Sceaux. En dehors de cet incident, une ordonnance même si elle a été scellée n’est pas pour autant applicable, une dernière formalité est nécessaire pour qu’elle soit applicable.

C. La publication et l’enregistrement des ordonnances.

Ces ordonnances sont adressées aux Cours souveraines de justice, c’est-à-dire aux différents parlements du royaume pour y être publiées. Cette publication résulte de la lecture de l’ordonnance à l’audience publique de la Cour pour la notifier des populations. Aussitôt après cette lecture, l’enregistrement est fait sur un registre du greffe sur la réquisition des gens du roi. D’ailleurs, cette transcription va assurer la conservation matérielle de l’ordonnance sous forme d’archives. Les parlements peuvent refuser d’enregistrer l’ordonnance. Ils vont motiver leur refus par des remontrances qui sont adressées au roi. Ce refus a des conséquences importantes comparables à celles du refus de sceller de la par du Chancelier car un texte non enregistré n’est pas exécutoire dans le ressort du Parlement qui a refusé l’enregistrement. Dans ce cas la royauté a pu recourir à un enregistrement forcé. Si le roi maintient l’ordonnance il va en requérir l’enregistrement par des lettres de « Jussion , c’est-à-dire un ordre donné par écrit. Mais le parlement peut persister dans son refus, la Cour reçoit une lettre de Jussion et va présenter au roi des itératives (renouveler). Le roi peut alors imposer l’enregistrement à la suite d’un lit du justice. C’est une séance solennelle du parlement à laquelle le roi assiste en personne. Le roi est assis sur un trône surmonté d’un baldaquin analogue à un ciel de lit, il ordonne l’enregistrement et le parlement est obligé de s’y soumettre. On voit donc que le roi a le dernier mot en matière législative.

§2. Le pouvoir exécutif ou administratif.

(gouvernement par commissaires).

Les ministres ne sont que des commissaires, c’est-à-dire que leurs pouvoirs leur ont été délégués par des lettres de commission octroyées par le roi. Ces ministres agissent au nom du roi et ils sont nommés et révoqués à la volonté du roi. Il y a néanmoins des exceptions, le Chancelier est irrévocable, il est le dernier des grands officiers de la Couronne, il est nommé à vie, il est inamovible. Ces ministres sont souvent choisis dans la petite noblesse ou dans la bourgeoisie ce qui permet au roi de les contrôler. Sont également des commissaires, les principaux agents de l’administration royale, qu’il s’agisse des gouverneurs de province, qu’il s’agisse aussi des intendants des généralités (circonscriptions territoriales où les intendants exercent leur autorité, ancêtres des préfets modernes).

§3. Le pouvoir judiciaire.

Effectivement le roi détient également la plénitude du pouvoir judiciaire. Depuis le XIV siècle, les légistes ont popularisé l’adage « Toute justice émane du roi ». D’ailleurs la justice a toujours été regardée comme un attribut essentiel du pouvoir monarchique, cela se confirme dès lors qu’on s’attache à l’examen de la représentation de la royauté, c’est la main de justice qui apparaît avec le plus de netteté. Alors, cette souveraineté judiciaire du roi s’est affirmée à l’égard des justices seigneuriales. Celles-ci sont considérées comme tenues en fief du roi. Si un seigneur a des droits justiciers, il les tient en fief du roi. Le roi s’est attaché à réduire la compétence de ces justices seigneuriales et les a surplombées de sont autorité. Cette souveraineté ce manifeste a fortiori à l’égard des justices royales. En principe, le roi ne rend pas le justice en personne, il la délègue à des tribunaux qui rendent la justice au nom du roi. Mais, s’il a délégué ses pouvoirs de justice, le roi ne s’en est pas pour autant dé-saisi. Au dessus de la justice déléguée, le roi garde, conserve sa justice personnelle que l’on appelle sa « Justice retenue ». Donc le roi puisqu’il garde la justice retenue, il est toujours fondé à reprendre la délégation qu’il a consentie soit pour exercer lui-même la justice (fait exceptionnel) soit pour la faire exercer par des juges de son choix (assez fréquent). En vertu de sa justice retenue le roi peut intervenir à tout moment dans le déroulement d’un procès. Le roi d’abord peut interrompre le cours d’un procès par l’« évocation » qui lui permet d’enlever une affaire aux juges ordinaires pour la remettre à d’autres juges. Le plus souvent l’affaire évoquée est jugée par le Conseil du Roi. Le roi peut aussi abolir les résultats d’un procès par ce que l’on appelle des « lettres de grâce » ou des « lettres de rémission ». Surtout, le roi peut agir par « lettres de cachet », ce sont des lettres qui sont signées du roi et qui sont closes de son cachet personnel. Ces lettres ont servi notamment au roi à faire emprisonner tout individu supposée dangereux pour la sûreté de l’État et cela sans limite de temps et sans jugement préalable (Voltaire par exemple). Si on ajoute que le roi dispose de la plénitude du droit de guerre et donc de paix, le roi détient aussi le pouvoir d’imposer, de lever l’impôt, certes, au Moyen Age le roi a dû réduire ses assemblées (États-Généraux) pour établir sa fiscalité sur tout le royaume mais au XVII et au XVIIIeme siècle, de nombreux impôts furent établis par la volonté du roi. La royauté oriente l’économie dans une large mesure.

SECTION 2 – LA SUBORDONNATION DE LA SOCIETE.

I – La subordination de la noblesse

Sous l’ancien régime il y a des progrès importants, la monarchie a réussi à mettre au pas une noblesse souvent restée indocile et turbulente. Dans la première moitié du XVIIeme siècle, la noblesse reste un danger pour le pouvoir royal. Les grands seigneurs continuent à se comporter en seigneur féodaux et, dans les moments d’affaiblissement de la royauté, ils cherchent à s’emparer du pouvoir, l’idée de concurrence jamais disparue. Puis à l’époque de la minorité de Louis XIV avec la fronde des princes. Tout cela montre que la féodalité n’a pas complètement désarmé. Louis XIV va tirer la leçon de ces évènements, il a été très vigoureusement frappé parce qu’il lui est arrivé à 5 ans, il va priver la noblesse de ces élites en les attirant à la Cour dans ce que l’on a pu appeler une domesticité dorée. La Cour, surtout celle de Versailles a été un excellent élément politique contre le nobles. Le roi procure à la haute noblesse des honneurs et des moyens d’existence sous la forme de faveurs, de pensions, de titres, des postes. Le roi domestique cette haute noblesse en l’utilisant à son service personnel. Il la ruine par le vie extrêmement onéreuse de la Cour, il la stérilise par le jeu,les fêtes, l’oisiveté et surtout il la fait vivre en vase clos en la coupant du reste de la nation. Cette haute noblesse cesse d’être un danger politique, elle n’est plus qu’une prisonnière inoffensive.

II – La subordination du clergé.

A. Le concordat de Bologne de 1516.

Au début du XVIeme siècle, les relations de l’Église et de l’État étaient régies par un texte nommé la Pragmatique Sanction de Bourges, promulgué par Charles VII en 1438. Cet acte a été pris unilatéralement par la royauté, c’est-à-dire qu’il n’y a aucune entente avec la papauté. Elle règlementait la désignation à ce que l’on appelait les bénéfices majeurs (évêchés, abbayes). Elle prévoyait que les évêques seraient élus par les chapitres (assemblée composée de chanoines qui constituent le conseil de la l’évêque) mais que ceux-ci devaient tenir compte des recommandations faites par le roi. En clair, le roi disait au chapitre qui il fallait élire. Ce texte n’avait pas été reconnu par le Pape, de là, des relations tendues avec le Pape jusqu’en 1516. Le Concordat (traité passé entre un État et l’Église catholique) de Bologne de 1516 a été signé par François Premier et le Pape Léon X. Ce texte est intéressant parce qu’il sera appliqué jusqu’à la Révolution. Beaucoup de ses dispositions seront d’ailleurs reprises dans le Concordat de 1801 conclu entre Napoléon et Pie VII. Le Concordat de 1516 prévoit un régime de nomination aux bénéfices majeurs qui est fondé sur une concertation du roi et du Pape mais où la meilleure part revient au roi.

Lorsqu’un évêché ou une Abbaye est vacant, le roi présente un candidat de son choix au Pape, si ce candidat satisfait aux conditions requises (âge, moralité, compétence), le Pape doit l’accepter, et il doit lui conférer ce que l’on appelle l’investiture canonique (les pouvoirs religieux). A ce moment là, le nouvel évêque ou le nouvel Abbé prête ensuite serment de fidélité au roi qui lui remet alors son « temporel », c’est-à-dire l’ensemble des biens qui sont attachés à l’évêché ou à l’abbaye. Donc, au terme de ce texte, il ressort que le roi est donc le maitre du recrutement du Haut Clergé. Cette subordination de l’Église au roi va s’accompagner de l’établissement progressif des libertés de l’Église Gallicane.

B. L’établissement du Gallicanisme.

C’est une doctrine soutenant que l’Église de France doit jouir au sein se l’Église universelle, de libertés qui lui sont propres. De ce point de vue, la pragmatique sanction de Bourges de 1438 était déjà une expression de ce gallicanisme. Ce gallicanisme peut prendre deux formes, il y a un gallicanisme religieux, puis un gallicanisme plus politique. Il y a un gallicanisme religieux qui tend à limiter l’autorité du Pape au sein de l’Église. Puis, un gallicanisme politique qui est véritablement la doctrine des légistes qui cherche à limiter l’emprise du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel. Ces thèses gallicanes vont être élaborées en corps de doctrine à la fin du XVIeme et au cours du XVIIeme siècle mais cette doctrine ne sera officiellement proclamée qu’en 1682. A cette date, Louis XIV est en conflit avec la Papauté. Il réunit une assemblée du Clergé qui élabore une déclaration en quatre articles le 19 Mars 1682. Ce texte a été rédigé par l’évêque de Meaux et comprend deux parties. L’article premier de la déclaration reprend le principe du gallicanisme politique, il affirme l’indépendance complète du roi sur le plan temporel, le Pape ne peut pas déposer un roi ou délier ses sujets de leur serment de fidélité. Les articles 2, 3, et 4 reprennent les thèses du gallicanisme religieux proclament la supériorité du Concile Œcuménique au Pape. Ils proclament l’assentiment de l’Église pour rendre infaillibles les décisions du Pape. Enfin ,ils affirment que les usages de l’Église gallicane doivent être conservés, ce qui signifie que cette Église Gallicane est donc soumise au roi en matière de temporel et de discipline. Louis XIV fera promulguer la déclaration des 4 articles comme loi de l’État et il ordonnera son enseignement dans les facultés et dans les séminaires. Précisément la déclaration des 4 articles sera reprise par Bonaparte dans les « Articles Organique », texte ajouté unilatéralement dans le Concordat de 1801, elle restera la Charte de Gallicanisme jusqu’à la condamnation formelle de sa doctrine en 1870 par le Concile Vatican I.

C. L’appel comme d’abus.

Il s’agit d’une voie de recours que l’on peut intenter contre toutes les autorités ecclésiastiques. Si la décision est regardée comme abusive, c’est-à-dire si elle porte atteinte aux libertés de l’Église gallicane, ou encore si elle porte atteinte aux prérogatives du pouvoir temporel, elle pourra faire l’objet d’un appel comme d’abus porté devant les parlements, et les parlements sont seuls compétents pour en juger. Si le parlement accepte l’appel, à ce moment là la décision prise par l’autorité ecclésiastique sera cassée pour cause d’abus. Si l’ecclésiastique ne cède pas, il risquerait une amende telle que la saisie de son temporel. Si le Clergé est exempté d’impôts, il n’en dois pas moins participer financièrement aux charges du royaume. Il le fait depuis la seconde moitié du XVIeme siècle un « don gratuit ». Cette expression montre bien que la contribution du Clergé n’a pas de caractère fiscal, c’est une simple libéralité de se part, c’est par ce qu’il le veut bien. Mais dans les faits il s’agit bel et bien d’une sorte d’impôt que le Clergé décide lui-même et lève sur ses membres pour le verser au trésor royal.

III – La bourgeoisie et les offices.

La bourgeoisie elle aussi est tombée l’orbite royale, en effet elle a été attirée aux services du roi par la vénalité des offices, c’est-à-dire la vénalité des fonctions publiques. Cette vénalité des offices a permis aux bourgeois d’entrer dans l’administration. L’accès aux offices dont les plus importants confèrent la noblesse, est le couronnement d’une ascension sociale dont la bourgeoisie a largement profité.

La société féodale du Moyen Age a bien été remplacée par une société aristocratique contrôlée par la royauté.

CHAPITRE II – LES FONDEMENTS DE L’ABSOLUTISME.

SECTION 1 – LE FONDEMENT DYNASTIQUE.

Le titre de monarque se transmet par les liens du sang mais cette transmission suit tout un ensemble de règles qui se sont fixées progressivement par répétition coutumière.

I – Établissement du principe héréditaire.

Hugues Capet a été élu roi par une assemblée de Grands du royaume. Le premier souci des capétiens a été de se débarrasser de l’élection pour instaurer à leur profit l’hérédité. Les capétiens y sont parvenus par la technique de l’association de trône. Le roi va associer son fils au trône de son vivant après l’avoir fait élire par les grands et sacré. A la mort du père, le fils lui succède sans difficulté puisqu’il était déjà Rex Designatus depuis un certain nombre d’années. Les circonstances ont considérablement servi les capétiens, ce glissement vers l’hérédité a été facilité par le fait que pendant trois siècles les rois capétiens ont eu la bonne fortune d’avoir un fils pour leur succéder. C’est ce que l’on appelle la « chance royale » ou encore « le miracle capétien ». Quand le système s’est implanté dans les mœurs à force d’être répété, on en est arrivé à une hérédité pure et simple c’est à dire une hérédité sans aucune association du fils au trône. C’est Philippe Auguste qui va rompre avec la tradition et qui négligera de faire sacré son fils de son vivant et de l’associer au trône. Pourtant, la succession de Louis VIII s’est faite sans difficulté en 1223.

II – Conséquences du principe héréditaire.

1. La primogéniture.

Elle réserve le royaume tout entier à l’aîné des fils de roi défunt. On a rejeté la pratique germanique ancienne des partages du royaume qui avaient mis à mal les dynasties précédentes.

2. La masculinité.

La masculinité qui exclut de la succession à la couronne non seulement les femmes mais aussi les représentants par les femmes. C’est ce dernier principe qui a servi à écarter les prétentions au trône de France le roi d’Angleterre, Édouard III, en 1338.

SECTION 2 – LE FONDEMENT DOCTRINAL.

§1. L’émergence des idées absolutistes.

Nous savons que les XVII et les XVIIIeme siècles, ont été les siècles de l’absolutisme dans les faits, mais, les idées absolutistes apparaissent dès le dernier quart du XVIeme siècle, c’est à dire avant même que l’absolutisme de soi réalisé. La doctrine anticipe sur les faits. Cette doctrine représente l’aboutissement d’un long mouvement de restauration du pouvoir royal. L’essor des idées absolutiste représente aussi un mouvement de réaction. Mais, réaction contre quoi, qui et de la part de qui?

1. Une réaction contre les troubles des guerres de religion.

Ces guerres de religion ont engendré entre 1555 et 1589 plus de 30 ans de lutte entre les factions et de révoltes contre une royauté qui était alors en pleine crise. Ces années de violence et d’insécurité ont conduit les esprits les plus clairvoyants à souhaiter le rétablissement d’un pouvoir fort, un pouvoir capable d’imposer une paix durable. En ce sens on peut dire que l’absolutisme s’explique par la crise royale du XVIeme siècle, une crise qui a fait non seulement souhaiter mais aussi concevoir une royauté renforcée. Pour atteindre ce but, il faut en avoir les moyens et disposer d’une doctrine de s’opposer aux thèses de ceux qui combattent la royauté.

2. Une réaction contre les thèses des Monarchomaques.

L’opposition protestante à l’autorité royale s’est exprimée dans les écrits de ce que l’on appelle les « Monarchomaques ». C’est-à-dire ceux qui combattent le monarque , en d’autres termes les adversaires du pouvoir concentré entre les mains d’un seul. Le premier s’appelle Théodore de Bèze, qui est le successeur de Calvin (chef protestant) et qui publie en 1575 son maître ouvrage intitulé « Du droit des magistrats sur leurs sujets ». Le second est François Hotman (professeur de droit), et qui est auteur d’un ouvrage intitulé « Franco-Gallia » en 1573. Les thèses de ces monarchomaques sont corrosives. Le roi n’exerce pas une autorité autonome. Cette autorité a été déléguée au roi par le peuple dans une sorte de contrat politique. C’est un accord tacite, et donc le roi n’est roi que par le consentement de son peuple. Le contrat qui le lie à ses sujets repose sur la bonne foi, la raison, l’équité naturelle. Si le roi ne respecte pas ces principes, il rompt le contrat et devient un tyran et contre ce tyran, la révolte est légitime. Cette théorie débauche sur la conception d’un pouvoir partagé entre le roi et des assemblées représentatives du peuple. Le roi peut se voir priver de son pouvoir en cas d’abus. En face des protestants, il y a les catholiques extrémistes groupés au sein de La Ligue, ils présentent à peu près les mêmes thèses.

Le roi peut être déposé, et les écrits à la révolte, à l’assassinat des mauvais princes et font une véritable apologie du tyrannicide, et de la violence. Le résultat de cette fermentation, c’est la multiplication, les assassinats politiques se multiplient, assassinat de François et du Duc de Guise 1588, c’est l’assassinat de Henri III en 1589, et aussi celui de Henri IV en 1610. De ce point de vue, les thèses absolutistes sont une réaction contre ces idéologies d’un pouvoir royal limité qui sont génératrices de troubles et de désordre.

3. Une réaction émanant du Tiers État.

Rôle de la bourgeoisie dont les membres sont entrés dans l’administration et les affaires commerciales, ce sont eux qui ont le plus à perdre dans la continuation des troubles. Cette bourgeoisie détient les moyens intellectuels qui lui permettent d’élaborer la théorie d’un pouvoir royal renforcé. C’est au sein de cette bourgeoisie que se recrutent les grands doctrinaires de l’absolutisme, lesquels Jean Bodin à la fin du XVIeme siècle et Cardin Le Bret qui écrit sous le règne de Louis XIII ou encore le Chantre de la monarchie de droit divin, l’évêque de Meaux Bossuet qui est un prélat d’origine roturière. Le renforcement de la royauté est également souhaité par le peuple, attaché à roi un sacré capable de guérison miraculeuse, un peuple aussi attaché à un roi fort qui soit capable d’imposer sa royauté.

§2. La doctrine absolutiste.

I – La monarchie absolue est une monarchie pure.

Pour les théoriciens des XVIeme et XVIIeme siècles une monarchie absolue est une monarchie pure qui ne s’allie avec aucun autre forme de gouvernement qu’il soit aristocratique ou populaire. C’est donc le rejet du gouvernement mixte que défendait les monarchomaques. Le roi dans la monarchie absolu est seul à détenir le pouvoir, le roi est seul à détenir au nom de l’État monarchique une souveraineté pleine et entière. C’est justement ce qu’exprime la formule d’un jurisconsulte Gui Coquille dans un ouvrage « Institutions du droit français » publié en 1607, il dit « le roi est monarque et n’a point de compagnon en sa majesté royale ». Le roi détient sans partage et sans contrôle l’autorité de l’État. En d’autres termes le roi et l’arbitre suprême, ce qui signifie que c’est à lui qu’appartient le dernier mot., celui à qui appartient le pouvoir de trancher en dernier ressort, et cela dans tous les domaine puisqu’il concentre entre ses mains tous les pouvoirs. C’est à cette idée que se rattache une idée une formule souvent mal comprise: « Car tel est notre plaisir ». Cette formule ne formule par l’arbitraire royal, elle signifie « tel est notre manière de voir, à nous, arbitre suprême et unique » ; ce que le roi estime bon a force de loi parce que le roi ayant le dernier mot, c’est lui qui tranche en dernier ressort.

II – La théorie de la monarchie de droit divin.

Cette théorie se rattache au sacre, elle a reçu sa formulation définitive de la part de Bossuet, évêque de Meaux. Il a été le précepteur du dauphin de 1670 à 1680. C’est dans ces dix années que Bossuet a écrit « La politique tirée des propres paroles de l’écriture sainte ». Bossuet démontre dans cet ouvrage que les principes de la politique sont contenus dans l’écriture et c’est en s’appuyant sur l’écriture que Bossuet formule sa théorie du droit divin. L’essentiel de la doctrine tient en deux propositions. Première: Dieu établit les rois comme ses ministres et règne par eux sur les peuples. Deuxième: Le trône royal n’est pas le trône d’un homme mais le trône de Dieu même.

Il résulte de cela le principe que le roi reçoit son pouvoir directement et immédiatement de Dieu. Le roi est le ministre de Dieu, le roi est son lieutenant, c’est à dire son représentant sur terre, il ne doit donc rendre de comptes à personne sauf à Dieu. Cela signifie deux choses:

⁃ Cette théorie écarte d’abord tout contrôle du Pape sur l’exercice du pouvoir royal. Certes le Pape tient son pouvoir de Dieu, mais le roi n’est pas subordonné au Pape. Elle sert a fondé le pouvoir du roi dans le domaine temporel et de la politique. →Gallicanisme.

⁃ Le peuple est également privé de tout domaine d’action sur le roi. En effet, en affirmant que le roi tient directement son pouvoir directement de Dieu, la théorie de Bossuet rejette les sujets. Les sujets doivent être soumis au roi comme ils le sont envers Dieu. L’obéissance au monarque est un devoir sacré.

La théorie du droit divin justifie la justification religieuse du pouvoir absolue du roi.

§3. La portée de la doctrine absolutiste.

I – Le roi n’y gagne rien.

1. Car la théorie du droit divin n’ajoute rien à la dimension traditionnelle de la royauté.

Le droit divin donne le droit au roi de faire des miracles.

2. Car l’absolutisme n’attribue au roi aucune prérogative nouvelle.

L’absolutisme est le pouvoir du roi de décider seul et en dernier ressort. Or, ce n’est pas là non plus une nouveauté car les rois du Moyen Age le faisaient et n’acceptaient pas de partager l’autorité. Le droit divin est une théorie efficace d’autant plus que la société est animée par une foi profonde.

II – L’État, grand gagnant de la doctrine absolutiste.

Mise au point de la notion d’État.

Les auteurs tels que Bodin, Coquillen, le Bret, ont dégagé la notion d’un État qui présente trois caractères.

1. L’État est autonome.

Il est indépendant des formes de gouvernement qu’il peut prendre:

La monarchie, l’aristocratie, la démocratie, l’État existe indépendamment de ses formes de gouvernement. Cela a conduit en France à détacher la notion d’État de la forme historique de son gouvernement, c’est-à-dire de la monarchie.

Il est indépendant du prince qui le gère:

L’État n’appartient pas au roi, celui-ci n’en a que la responsabilité pendant son règne. Le roi n’est que le premier serviteur de l’État mais les rois passent tandis passent tandis que l’État demeure. Louis XIV aurait dit « L’État c’est moi ». Or, Louis XIV n’a jamais vraisemblablement prononcé cette phrase. Or, sa dernière parole montre bien qu’elle était sa conception de l’État: « Je m’en vais mais l’État demeurera toujours ».

2. L’État est indivisible.

C’est à l’État et non pas au roi que la souveraineté est rattachée. Certes, on qualifie le roi de souverain mais en réalité cette souveraineté appartient à l’État, le roi ne fait qu’exercer au nom de l’État l’autorité souveraine. Jurisconsulte Charles Loisaut qui écrivait: « La souveraineté est inséparable de l’État ».

3. L’État est perpétuel.

Cela entraine la continuité des traités, des loi et des ordonnances. Tant que la souveraineté a été rattachée au roi, ce qui était le cas au Moyen Age, où la souveraineté exprimée alors la supériorité du roi. Tant que l’on est resté dans cette logique médiévale, on n’a pas posé clairement le principe que les actes du roi engage son successeur. Même si dans les faits, dans la pratique, c’était généralement le cas. Cette règle, ce principe de la continuité des décisions royales va apparaître quand sera dégagée l’idée d’une souveraineté rattachée à un État distinct de la personne du roi. Les décisions du roi qui n’est que le gestionnaire provisoire d’un État perpétuel, doivent engager son successeur puisqu’elles sont prises au nom de l’État seul souverain.

L’État n’est pas seulement distinct de la royauté mais bien plus, la royauté va se retrouvée absorbée par l’État. Le roi ne s’appartient pas, le roi n’a pas de vie privée, il nait, il vit, il meurt en public. Le roi n’a pas davantage de patrimoine privé, tout ce qu’il possède à vocation à tomber dans le domaine de la couronne. Sa personne comme ses bien sont la « chose » de l’État.

Cette notion d’État a été utile à la monarchie. Elle lui a servi à légitimer son pouvoir et à le défendre contre les contestations idéologiques, contre les révoltes, mais, inversement, en développant l’idée d’État le roi a développé la puissance d’une entité distincte de sa personne, d’une entité permanente et autonome, qui existe indépendamment de la forme monarchique du gouvernement.

Le roi ne peut pas se passer de l’État tandis que l’État peut se passer du roi. L’État peut changer de serviteur et c’est ce qu’il se passe à la Révolution. Ce qui caractérise l’absolutisme sont les progrès de la notion d’État et l’emprise de celui sur la nation et non pas le développement des pouvoirs royaux.

CHAPITRE III – LES LIMITES DE L’ABSOLUTISME.

SECTION 1 – LES LIMITES A CARACTERE CONSTITUTIONNEL: LES LOIS FONDAMENTALES.

On appelle lois fondamentales du royaume un certain nombre de règles coutumière relatives à la constitution du royaume et forment une norme juridique supérieure établie au-dessus du roi.

Leurs caractères:

1. Elles sont constitutionnelles.

On les qualifie d’ailleurs parfois de « Constitution Monarchique ». Il faut souligner que, en effet, sous l’ancienne France il n’existe à aucun moment un texte d’ensemble qui définisse l’organisation, les attributions, et les rapports de pouvoirs publics. En ce sens, un ministre de Louis XVI Turgot, « Sire votre royaume n’a point de Constitution ». Mais, un certain nombre se sont dégagées au cours de circonstances historiques, elles ont été peu à peu fixées par la coutume constitutionnelle. Ces règles forment une véritable constitution coutumière sous le nom de « Lois fondamentales du royaume ».

2. Elles sont traditionnelles.

Ces lois fondamentales sont traditionnelles parce que l’idée d’une norme supérieure est une idée très ancienne. Elle remonte au Serment du Sacre par lequel le roi s’engage à conserver les droits de la couronne.

3. Elles limitent l’autorité royale.

Le roi est libre vis à vis des lois ordinaires. Par contre le roi est lié par les lois fondamentales car se sont les lois du royaume et non pas les lois du roi, elles s’imposent donc au monarque qui ne peut leur porter atteinte. On pourra noter à ce propos que la garde de ces lois fondamentales est confiée au parlement de Paris qui est intervenu à plusieurs reprises pour sanctionner les actes royaux qui ont été pris en violation de ces lois fondamentales.

§1. Les lois relatives à la dévolution de la couronne.

I – La loi « salique ».

La couronne se transmet de mâle en mâle dans la lignée de Hugues Capet par ordre de primogéniture avec exclusion des femmes et des parents par les femmes et représentation à l’infini.

1. Hérédité.

Mise en place par Hugues Capet par le phénomène d’association.

2. Masculinité.

Cette règle exclu donc les femmes (1316) mais aussi et par extension, les parents par les femmes, ce qui a permis en 1328 de rejeter les prétentions du roi d’Angleterre à la couronne de France.

3. Primogéniture avec représentation à l’infini.

A la mort du roi, son fils aîné est appelé à lui succéder. Si le fils aîné est mort avant son père, il est représenté par l’aîné de ses propres fils et ainsi de suite. Si la branche régnante s’éteint faute de descendant mâle la couronne est dévolue au prince qui représente l’aîné des branches collatérales.

L’Hérédité et ses corolaires ne sont pas les moyens de déterminer quel est le successeur du roi. En effet la succession au trône présente des caractères particuliers qui la distingue complètement d’une simple succession de droits privés. Ces caractères ont été précisés dans la théorie statutaire.

II – La théorie statutaire.

Elle a été élaborée par les légistes en particulier Jean de Terre Vermeil pour soutenir les droits du dauphin Charles à l’encontre du Traité de Troyes en 1420 (Charles VI avait déshérité son fils Charles VII au profit du roi d’Angleterre Henri V). cette théorie affirme que la dévolution de la couronne est statutaire ou légitime, c’est à dire qu’elle obéit à un statut, à une coutume fondamentale établie dans l’intérêt du royaume. Le nouveau roi n’est pas à proprement parlé l’héritier de son prédécesseur. L’héritier est celui qui recueille le patrimoine d’un mort, or, le royaume n’est pas un bien patrimonial, le royaume n’est pas la propriété du roi mais bien celle de l’État. Les règles du droit privé ne s’applique donc pas à la succession à la couronne. Ce qui veut dire que le nouveau roi tient sa couronne non pas de la volonté de son prédécesseur mais de la coutume du royaume. Et, c’est cette coutume qui désigne impérativement et par avance le plus proche héritier mâle pour recueillir la couronne.

A. La couronne est indisponible.

L’État est distinct de la personne du roi. Le roi a reçu la souveraineté en dépôt d’après des règles qui le dépassent et contre lesquelles il ne peut rien. Ce dépôt, le roi doit le transmettre intact à son successeur. De là, plusieurs impossibilités.

1. Le roi ne peut abdiquer.

Car il ne peut pas se soustraire à son devoir de régner. Le cas s’est présenté en 1525, sous le règne de François Premier (Vainqueur de Marignan en 1515), mais il est battu à Bavie et mené à Madrid et il a voulu renoncer à la couronne. Le Parlement de Paris lui a fait savoir qu’une abdication serait irrecevable, comme contraire aux lois du royaume.

2. Les successeurs à la couronne ne peuvent renoncer à leur droit éventuel à régner.

La coutume précise l’ordre des successions, et les successeurs ne peuvent renoncer à cet ordre. On appelle ces successeurs les successeurs nécessaires. En 1700, un petit fils de Louis XIV, Duc d’Anjou est choisi comme roi d’Espagne. Or, entre 1711 et 1714, tous les autres héritiers directs de Louis XIV vont disparaître sauf un arrière petit-fils qui deviendra Louis XV. En cas de mort du futur Louis XV, la France et l’Espagne aurait avoir le même roi. Mais les puissances étrangères vont s’opposer à cette éventualité, d’où une guerre qui sera close par le traité d’Utrecht en 1713, Philippe V d’Espagne renonce à ses droits au trône de France mais, les juristes français ont toujours considéré cette renonciation comme nulle, donc de nul effet.

3. Le roi ne peut modifier l’ordre des successibles.

Il ne peut pas écarter du trône son successeur légitime comme Charles VI avait tenté de le faire par le traité de Troyes. Le roi ne peut pas non plus habiliter à régner des personnes que n’appelle pas la coutume du royaume. Cette affaire a été posée lors de l’affaire dite « des princes légitimés ». Louis XIV avait vu disparaître les uns après les autres ses descendants légitimes. Alors, il promulgue l’édit de Juillet 1714. Ce texte habilite à succéder à la couronne à défaut de princes du sang légitimes, les deux bâtards que Louis XIV avait eu de Mme. De Montespan. Le duc de Maine et le Comte de Toulouse. Après la mort de Louis XIV (1715), ces dispositions ont été annulées par un édit de 1717. Cet édit de Juillet 1717 a une formule intéressante, il rappelle que les lois fondamentales place le roi dans « l’heureuse impuissance de disposer de la couronne ».

B. La succession est instantanée.

1. « Le roi ne meurt pas en France ».

C’est une fiction juridique destinée à supprimer les inter-règnes. Ce sont des périodes toujours dangereuses pour toutes politiques et surtout pour les monarchies. L’idée est de supprimer cette période. Selon l’adage, le successeur devient roi au moment précis de la mort de son prédécesseur. C’est ce qu’ont établi deux ordonnances de 1403 et 1407. Ce principe selon lequel « le roi ne meurt pas en France » entraine une dévaluation du rôle du sacre puisque contrairement à la monarchie médiévale, ce n’est plus le sacre qui fait le roi. Cette idée s’exprime dès que le roi a rendu le dernier soupir et au moment où sa dépouille est descendue dans l’Abbaye de Saint Denis, le Grand Maitre de France (officier de la Maison Royale) annonce: « Le roi est mort, vive le roi ». A la mort du roi, le Chancelier est le seul à ne pas prendre le deuil, manifestant ainsi que l’autorité royale se perpétue sans interruption. Ce principe est lié depuis le XVIeme siècle au principe de la continuité de l’État, selon les théoriciens du pouvoir royal, à l’État continu doit correspondre un exercice continu de la souveraineté.

2. « Le roi de France est toujours majeur ». Problème de régence:

C’est une autre fiction juridique impliquant que le nouveau roi jouit de ses prérogatives même s’il est mineur. La majorité des rois a été fixée à 13 ans révolus par une ordonnance de Charles V de 1374. Mais, si le nouveau roi est plus jeune, il faut organiser une régence pour que le royaume soit gouverné.

a). A qui revient la régence?

Il faut distinguer plusieurs hypothèses.

⁃ La régence a été prévue dans le testament du roi défunt. A ce moment là, la régence est attribuée à la personne désignée. Louis XI qui lors de la minorité de son fils Charles VIII va confier la régence à sa fille et au mari de celle-ci c’est-à-dire à la sœur et au beau-frère du nouveau roi.

⁃ En l’absence de testament, la régence a été confiée à la reine mère en raison de l’affection qu’elle est sensée avoir pour le nouveau roi. Catherine de Médicis a été ainsi régente au nom de son fils Charles IX. Et Marie de Médicis au nom de Louis XIII.

⁃ A défaut de reine mère, la régence est dévolue au premier prince du sang, c’est-à-dire au plus proche parent mâle, majeur, du roi. Le Grand Oncle de Louis XV, Philippe d’Orléans a été régent pendant la minorité de Louis XV.

b). Quels sont les pouvoirs du régent?

Il faut reconnaître que ces pouvoirs ont beaucoup varié d’une régence à une autre parce que tout dépendait concrètement d’abord de l’existence d’un Conseil de Régence, et bien sûr, tout dépendait de la composition de ce Conseil. Les pouvoirs du régent pouvaient être considérables lorsqu’il pouvait composer ce Conseil à sa guise. Il faut dire que sur ce point, aucune coutume constitutionnelle n’a réellement règlementé les pouvoirs du régent. Tout de même, on admet que le régent ne se substitue pas au roi, il assiste seulement le roi. Le roi est donc sensé gouverné à travers le régent, on constatera que les actes sont toujours rédigés au nom du jeune roi. La conséquence est qu’une fois le roi devenu majeur, il ne pourra donc les contester puisqu’il les a pris en son nom.

III – La catholicité du titulaire de la couronne.

Sur ce point, on admettait coutumièrement le principe de l’orthodoxie du roi qui devait appartenir à la religion catholique. Puis, l’édit de l’Union de Juillet 1588, solennellement accepté par le roi Henri III et les États-Généraux exclut par avance toute éventualité d’un prince hérétique. La loi fondamentale de catholicité qui est ainsi formulée par l’édit, était jusqu’ici restée implicite, il n’était pas concevable que le roi n’appartienne pas à la religion catholique. Le sacre faisait du roi une personne quasi-ecclésiastique et le serment qu’il prêté à l’occasion du sacre comportait depuis le XIIIeme siècle, l’engagement de lutter contre l’hérésie. Or, au XVIeme siècle, le milieu religieux a été profondément troublé par la réforme protestante. Elle a même gagné la famille royale puisque les princes de la maison de Bourbon qui sont les plus proches parents du roi ont adhéré à la réforme.

La mort d’Henri III, assassiné par le moine Jacques Clément en 1589, va mettre en conflit deux lois fondamentales. Le principe héréditaire d’un côté, et l’orthodoxie royale de l’autre parce que Henri de Bourbon qui était désigné comme successeur par la coutume du royaume était protestant. Ce conflit a été résolu grâce à l’abjuration par Henri IV de la religion réformée.

Au XVIIeme siècle, les règles de dévolution de la couronne sont parfaitement fixées, il n’y a aucune ambiguïtés sur la succession au trône. Cette certitude exclut tout calcul ambitieux chez les collatéraux du pouvoir royal. Cette transmission ne connait que des difficultés de fait qui résultent des régences et des minorités royales.

§2. Les lois relatives au domaine de la couronne.

L’Edit de Moulins de Février de 1566:

Cet édit a fixé par écrit la condition juridique de ce domaine de la couronne t plus précisément c’est cet édit de Moulins qui a proclamé l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité du domaine de la couronne.

1. Il n’innove pas quant aux principes.

Puisque l’inaliénabilité du domaine a été fortement dégagée dès le XIVeme siècle. En effet, dès cette époque les rois se sont efforcés de limiter, de restreindre les donations ou les aliénations partielles du domaine et de revenir par des révocations sur ces aliénations. Puis, ils ont établi également tout une réglementation des apanages constitués au profit des membres de la famille royale. Par conséquent l’Édit de Moulins de présente pas ce principe comme nouveau mais ce texte pose les bases juridiques qui vont se substituer à l’empirisme.

2. Il illustre la pratique du gouvernement par conseil.

Son préambule illustre de manière révélatrice le grand principe de la royauté, celui du gouvernement par Conseil. Charles IX 1560/1574. Charles IX a 16 ans en 1566, il est majeur mais avant de décider il va procéder à une consultation préalable, il va prendre Conseil, c’est-à-dire qu’il va consulter un certain nombre d’instances et de personnes. L’Edit commence par « De la vie de notre très honorée dame et mère, des princes de notre sang, officiers principaux de notre couronne et autres de notre Conseil ». Le chef de famille avant de prendre une grave décision ne manquait pas de consulter ses proches, le roi a également pris l’avis des principaux officiers de la couronne parmi lesquels il faut faire une place de premier plan au Chancelier de France. Enfin, « les autres personnes », il s’agit là de ce que l’on appelle le Conseil du Roi, formation qui est issue de l’ancienne Cour Féodale de la royauté.

Le roi a pu ainsi demander conseil aux États-Généraux, le roi a pu demander conseil aux États Provinciaux, à des assemblées… cette pratique du gouvernement par conseil peut s’exprimer par des doléances ou des remontrances. Cette pratique a permis de tempérer l’autoritarisme royal.

3. Il fixe les règles de la domanialité publique.

C’est de ce texte que sont issus les règles de la domanialité publique, c’est-à-dire que toutes le prétentions postérieures à l’édit sont nulles. Au contraire, les concessions faites antérieurement à 1566 sont reconnues.

I – Le principe de l’inaliénabilité du domaine de la couronne.

Article 1: « Le domaine de notre couronne ne peut être aliéné. ».

A. Les raisons d’être du principe.

1. L’engagement du sacre.

L’Édit de Moulins s’exprime: « Comme à notre sacre, nous avons promis et juré de garder le domaine de notre couronne. ». Il s’agit ici d’un allusion à la modification du serment du sacre qui a été introduite au milieu du XIVeme siècle, Charles V avait en effet inséré dans le serment du sacre une clause spéciale interdisant d’aliéné le domaine, et cette clause figurera dans le serment du sacre jusqu’en 1566, date à laquelle elle sera supprimée pour cause de double emploi avec l’Édit de Moulins.

2. L’argument fiscal.

L’Edit de Moulins présente l’inaliénabilité du domaine comme seul moyen pour soulager notre peuple. Dans la conception médiévale, les charges du royaume doivent être couvertes par ce que l’on appelle les charges ordinaires. Le roi est sensé vivre comme un seigneur. On ne peut recourir aux recettes extraordinaires, c’est-à-dire à l’impôt, que pour faire face à des besoins exceptionnels (Exemple: guerre). Dans ces conditions, toute diminution du domaine rend par conséquent la charge de l’impôt plus menaçante pour les sujets. C’est pour éviter l’impôt ou en tout cas ses augmentations que le peuple et les juristes ont lutté contre la possibilité des aliénations du domaine.

3. L’argument juridique.

L’Édit de Moulins proclame: « Le domaine de la couronne est l’un des principaux nerfs de l’État. ». C’est dire que le domaine a une nature particulière, il appartient à la couronne (être mystique qui personnifie l’État), et de même que le roi ne peut pas disposer de la couronne, il ne peut pas non plus disposer du domaine de celle-ci. Le roi, d’ailleurs, disent les juristes, n’est que l’usufruitier du domaine. Ça veut dire que le roi n’a pas le pouvoir d’aliéner ce domaine. Cette théorie va être assortie d’un complément qui va encore étendre la règle de l’inaliénabilité. Le roi ne peut rien posséder en propre, tout ce que possède le roi avant de devenir roi tombe dans le domaine de la couronne et devient donc inaliénable. Cette idée a été formulée à l’avènement d’Henri IV. Il possédait des biens personnels importants dont le Béarne et la Navarre. Il était hostile à la réunion de ses biens à la couronne. Alors pour vaincre pour sa résistance, on a évoqué l’idée d’un mariage mystique entre le roi et la couronne. « L’union du roi est de la couronne, c’est comme un mariage, et le patrimoine antérieur du roi est comme une dot qu’il doit apporter à sa nouvelle épouse ».

B. La portée du principe.

1. Domaine fixe.

Il est formé par les biens et par les droits appartenant à la couronne.

2. Domaine casuel.

Il représente les biens acquis par le roi pendant son règne par succession, par achat, par confiscation. Sauf si ses biens ont été incorporés, administrés pendant dix ans par les officiers domaniaux. On va dire que c’est tacitement que ses biens font partie du domaine fixe. Mais dans tous les cas, le droit de disposition du roi sur le domaine casuel disparaît au bout de 10 ans. Quant à ce domaine fixe il est inaliénable et imprescriptible. D’ailleurs toute allusion qui serait faite est considérée comme nulle. D’autre part, personne ne peut acquérir un bien du domaine fixe par voie de prescription. Même pour un bien supérieur à 100 ans!

II – Les exceptions au principe de l’inaliénabilité.

A. Les apanages.

Rappel des restrictions apportées à cette pratique.

1. Apanages en argent pour les filles.

Les filles sont tout le temps apanagées en argent et non en terre.

2. Clause de réversion.

Retour de l’apanage au domaine de la couronne, ceci devait avoir lieu si l’apanagiste venait à mourir sans héritier pris au sens large. Cette clause va être interprétée restrictivement, c’est ainsi que 1258, le mot héritier est entendu au sens de descendant en ligne directe. De plus, si l’apanagiste vient à mourir sans héritier en ligne directe de sexe masculin, la réversion jour automatiquement.

3. Diminution des prérogatives de l’apanagiste.

Le roi a diminué les prérogatives de l’apanagiste en lui retirant tous les droits qui ressortissent à l’idée de souveraineté. C’est ainsi que le roi a privé l’apanagiste de ce que l’on appelle le droit de régale →Prise en main du temporel d’un évêché vacant, perception des revenus de ce temporel pendant la vacance de l’évêché.

Le roi prive l’apanagiste de la frappe de la monnaie, de la levée des impôts, du droit de justice, et donc l’apanagiste a seulement la jouissance et les revenus du domaine apanagé mais il n’a plus l’autorité sur ce domaine apanagé. C’est ainsi que les droits de l’apanagiste sont analysés comme des droits de jouissance ou encore des droits d’usufruit. La propriété de l’apanage reste à la couronne. L’apanagiste ne peut ni disposer de son apanage ni l’aliéner d’une façon quelconque.

B. Les engagements du domaine de la couronne.

Aliénation temporaire d’une partie du domaine de la couronne. L’engagement est l’opération par laquelle le roi emprunte de l’argent en remettant au préteur (l’engagiste) la jouissance d’un élément du domaine de la couronne pour garantir le remboursement de la dette. Cette portion du domaine remise au préteur est engagée, remise en gage. Cette opération est soumise à des condition précises par l’édit de 1566.

Conditions prévues par l’édit:

1. Des circonstances exceptionnelles.

Comme la guerre par exemple.

2. Versement comptant des sommes prêtées au roi.

3. Conditions de forme.

Engagement constaté dans des lettres patentes (lettre avec adresse générale), publiées et vérifiées par les parlements. Bien entendu, les parlements vérifient à l’occasion de l’enregistrement des lettres patentes si les conditions sont bien remplies (circonstance exceptionnelle et sommes versées au roi au comptant).

4. Faculté de rachat perpétuel du domaine engagé.

Le roi peut racheter la portion du domaine engagé à condition de rembourser la dette au préteur. Cette exception à l’inaliénabilité s’explique par le besoin de ménager le crédit du pouvoir royal pour rassurer les créanciers. Ces engagements n’ont pas toujours respecté les clauses de l’édit de Moulins et ils ont joué en quelque sorte un rôle d’expédient au déficit monétaire de la monarchie.

SECTION 2 – LES LIMITES A CARACTERE INSTITUTIONNEL.

§1. Les privilèges.

Ce mot est un mot qui désigne à la fois le régime juridique particulier, la loi privée, s’appliquant à un individu ou à un groupe, et, il désigne aussi les avantages que retiennent les intéressés de la situation. Jusqu’à la Révolution, on peut dire que la France est restée « hérissée de privilèges », des privilèges qui au moins dans les faits, tempèrent l’absolutisme. La plupart de ces privilèges sont excessivement anciens, ils résultent d’un possession immémoriale (qui se perd dans la nuit des temps). D’autres privilèges proviennent de lettres parentes du roi. C’est ainsi que tantôt le roi a pu confirmer d’anciens privilèges, tantôt il a pu en accorder de nouveaux (puisqu’il est le maitre de la loi), le plus souvent moyennant finances.

I – Les privilèges collectifs.

1. Les Ordres.

La Nation Française est divisée en trois ordres: le Clergé, la Noblesse et le Tiers-Etat. Chaque ordre à une fonction sociale: prier pour le clergé, combattre pour la noblesse, et travailler pour le Tiers-État. Chaque ordre possède donc un statut juridique particulier.

2. Les États ou provinces.

Ce sont ce que l’on appelle les Pays d’États, c’est-à-dire les pays qui ont conservé leurs États provinciaux, par exemple la Bretagne, le Languedoc, le Béarn. Et, ces pays jouissent de privilèges, notamment en matière fiscale.

3. Les corps intermédiaires.

Ces corps sont dotés de la personnalité morale ce qui les rend titulaires de droits et d’obligations. Bien entendu, cela leur permet de participer à la vie juridique par l’intermédiaire de leurs représentants. Il peut s’agir de corps ecclésiastiques: des chapitres, des monastères… Il peut s’agir aussi de corps laïques: des villes, des communautés d’habitants, des communautés de métiers, des universités, des collèges d’avocats… Tous ces corps avaient leur part d’autonomie et ils constituaient face à la centralisation monarchique des forces de décentralisation.

II – Les privilèges individuels.

1. Modifiant l’état des personnes.

Le roi peut ainsi accorder à un individu ce que l’on appelle des lettres de naturalité qui vont transformer un étranger en régnicole. Ou encore, des lettres de légitimation qui donnent à un bâtard le statut d’enfant légitime. Ou bien, des lettres d’anoblissement qui transforment un roturier en noble.

2. Autorisant une activité économique.

Un privilège pour la création d’une manufacture, privilège pour la création d’une compagnie de commerce, privilège pour imprimer des livres ou encore pour ouvrir un salle de spectacle.

En droit tous ces privilèges ne sauraient limiter la plénitude du pouvoir législatif du roi. Le roi qui détient la toute puissance législative peut théoriquement supprimer comme bon lui semble tous les privilèges. En fait, le roi n’aurait pas pu les faire disparaître sans soulever l’opposition, les résistances du corps social. A la fin de l’Ancien Régime, la société française garde encore les privilèges qui sont apparus au Moyen-Age et cet obstacle social limite considérablement l’emprise de l’État Monarchique sur la nation. Ce système de privilèges a été abolit lors de la Révolution la nuit du 4 Aout 1789, désormais la loi est la même pour tous mais pas complètement quand même, à la longue le système de droit commun a montré ses inconvénients. On s’est aperçu que des situations différentes convenaient des règles différentes. Le droit moderne en est revenu à un régime de statut particulier pour les commerçants, les agriculteurs…

§2. La dualité de la fonction publique.

Statut des administrateurs est très original.

1. Les commissaires.

Ce sont des agents amovibles et révocables à la volonté du roi. Donc leur statut répond aux besoins de la monarchie absolue et on comprend que les agents les plus importants de la royauté soient des commissaires.

2. Les officiers.

La grande majorité des agents d’exécution de la royauté a un statut d’officiers qui les rend pratiquement indépendants du pouvoir royal. Effectivement, le nombre de commissaires est toujours resté limité. Au contraire, les offices se sont multipliées dans tous les domaines de la vie publique. C’est ainsi qu’à peu près toutes les charges de justice, de finances, d’administration ont été constituées à titre d’office. C’est dans ces conditions que l’office est devenu une sorte de droit commun de la fonction publique alors que la commission serait l’exception. L’office est une fonction permanente et stable qui est devenue d’abord aliénable entre vifs, c’est-à-dire qu’on pourra le vendre et l’acheter puis, l’office est devenu héréditaire, c’est-à-dire transmissible à la mort de l’officier à son hériter. La combinaison de ces deux aspects constitue ce que l’on appelle la patrimonialité des offices.

Sous l’ancien-régime, la plus grande partie de la fonction publique est aux mains de particuliers qui ont le sentiment d’être propriétaires de leur charge. Ceci développe un corps qui sera une force d’opposition au pouvoir royal.

SECTION 3 – LES OBSTACLES MATERIELS.

1. Les structures économiques.

a). La diversité des poids et mesures.

En Bordelais, l’unité de superficie s’appelle le journal (quantité de terre qu’on peut labourer en jour), selon cette superficie varie du simple au double selon la position où l’on se trouve dans la région. Le pouvoir royal n’a pas réussi à imposer une métrologie, c’est-à-dire un système de mesure unique, pas plus d’ailleurs qu’il ait réussi à imposer une monnaie uniforme. Plusieurs monnaies circulent dont le cours varie considérablement.

b). Les difficultés des communications.

Les moyens d’action de la royauté sont bien limités sachant qu’il faut compter deux jours pour relier Paris à Rouen ou Orléans. Il faut 8 à 10 jours pour aller de Paris à Toulouse. A cause de ces difficultés de transmission des ordres royaux apparaît d’autant plus légère qu’elle est d’autant plus lointaine.

2. Les structures juridiques (pays de coutumes et pays de droit écrit).

En effet, sauf quelques ordonnances concernant le droit privé prises sous Louis XIV et Louis XV, le roi a laissé subsister les droits des particuliers qui s’expriment dans les coutumes locales ou régionales. A la fin de l’Ancien Régime, la France est divisée en Pays de Coutumes (Langue d’Oil), et les Pays de droit écrit (Langue d’Oc). La monarchie absolue n’a pas réalisé l’unification du droit. Pour que celle-ci se réalise, il faudra attendre Bonaparte et le Code Civil.

3. Les structures administratives.

Ces structures sont tellement complexes que les contemporains eux-mêmes ont parfois du mal à se reconnaître. Aujourd’hui, toutes les administrations sont organisées dans le cadre du département qui est un circonscription de base en matière de police, justice, finance, militaire… Au contraire sous l’ancien régime, la France connait un découpage différent pour chacun ou presque des secteurs de l’administration. Il est est exceptionnel que les circonscriptions judiciaires coïncident avec les circonscriptions financières, militaires, religieuses… C’est en matière de fiscalité que l’incompréhension est la plus grande.

La perception et la méthode fiscale varie selon la région considérée mais cette extrême diversité a été un élément de dispersion et donc de faiblesse peu compatible avec l’absolutisme monarchique.

En raison des obstacles de toute nature, venus limiter l’institution monarchique, on peut estimer sans crainte de se tromper, que le gouvernement de Louis XIV peut être considéré comme bien peu autoritaire à côté des pouvoirs immenses que détient un gouvernement moderne même démocratique et cela d’autant plus que sous l’ancien régime les fonctions de l’État était beaucoup plus limitées que celles d’un État moderne.