Histoire du droit pénal

Histoire du droit pénal et de la procédure pénale

Le droit pénal est l’ensemble des règles juridiques qui régissent la prévention et la répression des infractions. Le droit pénal est à la fois du ressort du droit privé, du fait qu’il concerne le ou les personnes ayant commis une infraction, mais aussi du droit public puisque c’est au nom de la société que s’exerce la sanction. Il s’agit ici d’étudier l’histoire du droit pénal.

 

Introduction

  1. Définition et objet de la matière pénale

Toute société s’organise autour de certaines valeurs qui lui sont propres qu’elle défend en formulant des interdits et tout comportement qui porte atteinte à ces valeurs sociale et donc viole les interdits constitue une violence illicite, une infraction qui fait l’objet d’une sanction. L’ensemble de ces comportements illicites constitue ce que l’on appelle le phénomène criminel, la criminalité contre laquelle la société organise une riposte. Historiquement, les ripostes sociales sont assez diverses, la société française a elle-même connu de grandes évolutions, changements qui expliquent le système pénal actuel qui diffère largement par exemple du système anglo-saxon ou encore du système chinois. Une étude historique du droit pénal implique une compréhension très large de ce qu’est le droit pénal car il faut y intégrer le droit pénal stricto sensu c’est-à-dire le droit pénal général et le droit pénal spécial. Il faut y intégrer également la procédure pénale à travers l’organisation judiciaire (tribunaux). On verra également les modalités d’intervention des institutions publiques dans la recherche, la poursuite et le jugement des délinquants. Enfin, on verra quelques éléments de criminologie avec une étude des causes des infractions parfois.

  1. Les réponses face à la criminalité
  • La vengeance privée

Historiquement, la vengeance privée serait la première réponse face à une violence illicite. Elle serait même initialement illimitée, c’est-à-dire que la victime et son groupe social solidaire (la famille, le clan, la tribu) se vengeraient sur l’auteur du dommage ou l’un de ses proches (un des membres du groupe solidaire de l’auteur). L’inconvénient de ce système de vengeance privée est que cette riposte est perçue par la nouvelle victime comme une agression, comme une violence illicite qui justifiera sa propre riposte d’où « l’enchainement des violences dans un cycle sans fin ». Ce système, modèle semble inconcevable durablement parce que toute société recherche sa propre conservation et pour ne pas disparaitre, elle se charge de canaliser l’exercice de la vengeance, de l’encadrer grâce à des mécanismes régulateurs. Ces mécanismes sont donc présents dans toutes les sociétés.

  • Le contrôle de la vengeance : la justice publique

Ce contrôle de l’exercice de la vengeance prend des formes assez diverses qui sont destinées à limiter le droit à cet exercice. Ce sont par exemple des délais imposés par la coutume pour pouvoir se venger : le droit de se venger serait donc prescrit au-delà de ce délai et une vengeance tardive constituerait une violence illicite. Parfois, il est établi qu’une vengeance licite ne peut justifier une nouvelle riposte. Sinon, il arrive que le recours à la violence, riposte soit simplement interdit et notamment pour les infractions les moins graves ou purement involontaires. A partir de ce dernier critère, on établit une classification des infractions en trois catégories :

  • La première catégorie concerne les infractions mineures. Quand un dommage est causé par une infraction mineure, on le considère comme un appauvrissement de la victime qui doit être compensé par un versement, paiement soit en nature (céréales, bétail) soit en argent. C’est ce que l’on appelle « la composition pécuniaire ». On passe d’une relation conflictuelle à une relation d’échange. L’obligation d’accepter une composition pécuniaire est la première expression d’un droit pénal. Le mot pénal vient d’ailleurs de poena qui désigne à l’origine la composition pécuniaire.
  • La deuxième catégorie : les infractions graves c’est-à-dire lorsqu’il parait impossible de forcer la victime à accepter la composition pécuniaire à la victime. La vengeance est alors admise mais limitée par le principe d’équivalence c’est-à-dire que la victime ne doit pas infliger à l’agresseur un mal supérieur à celui qu’elle a subi. C’est une application de la loi du talion (œil pour œil, dent pour dent).
  • La troisième catégorie concerne les infractions d’une exceptionnelle gravité c’est-à-dire celles qui lèsent et portent atteinte au groupe social tout entier dans ses fondements politiques ou religieux. C’est ce que l’on appelle de manière générique la trahison, traitrise ou le sacrilège. La société toute entière va se venger grâce à l’autorité publique. Il s’agit donc d’une vengeance publique, c’est alors une vengeance publique. Le droit pénal cesse alors d’être purement privé, il devient public.

Les deux premières séries d’infraction constituent ce que l’on appelle les délits privés par opposition à la troisième catégorie que l’on appelle les délits publics.

  1. Les répercussions du choix d’un système pénal

La distinction entre délit privé et délit public conduit à distinguer entre deux types de procédure car en principe, l’autorité publique n’intervient que pour les délits publics c’est-à-dire qu’elle agir d’office, de son propre mouvement, recherche les coupables pour leur infliger des sanctions publiques (normalement la peine de mort). Parallèlement, elle ne connaitra des délits privés que si les parties le souhaitent et le manifestent par une plainte ou une saisine du juge. Le fait d’opter pour un système pénal plutôt privé ou plutôt public aura donc des répercussions sur la procédure mais également sur l’organisation judiciaire.

  • Sur la procédure

Le choix du système pénal conduit à adopter soit une procédure accusatoire soit une procédure inquisitoire.

Dans le système accusatoire, ce sont les particuliers qui jouent un rôle majeur, un particulier saisit la justice au moyen d’un acte d’accusation dans lequel il accuse, désigne comme coupable un autre particulier. Le procès est ouvert et prend la forme d’un duel entre les deux particuliers (l’accusateur et l’accusé) et le juge n’a qu’un rôle arbitral, il n’a pas de rôle actif dans la recherche, manifestation de la vérité. Il se contente de déclarer à la fin du procès quelle partie est dans son droit. Dans un tel système, le recours à la justice est exceptionnel. C’est un ultime recours lorsque les parties ne sont pas parvenues à s’entendre.

Dans le système inquisitoire, le procès est ouvert par un magistrat qui représente la société, la communauté. Il agit d’office dans l’intérêt général (une plainte est accessoire), il recherche le délinquant et les preuves à charge et prononcera à terme une sanction, peine au nom de la société. La victime peut espérer une indemnité accessoire.

Ces deux systèmes, modes procéduraux ne se retrouvent pas dans les sociétés modernes à l’état pur, ils se combinent selon des modalités qui révèlent l’approche du droit pénal par la société. On peut être en présence d’un système plutôt répressif ou alors face à un système plutôt conciliatoire.

  • Sur l’organisation judiciaire :

La distinction entre les deux procédures est révélatrice de la place occupée par l’état au sein de la société. Lorsque l’Etat a une forte emprise sur une société, qu’il est interventionniste, le droit pénal est essentiellement répressif. Alors que si l’Etat n’a qu’une place secondaire, marginale, le droit pénal est en principe conciliatoire. Dans le second système (conciliatoire), une victime peut renoncer à la vengeance privée ou à l’action en justice pour recevoir une compensation. La coutume établit parfois un tarif des compositions pécuniaires (la loi des XII Tables ou la loi Salique) sinon la composition a un montant variable d’une affaire à l’autre et fera l’objet d’une négociation entre les parties adverses (transaction pénale) soit une négociation grâce à l’intervention d’un intermédiaire (arbitrage). La transaction est une sorte de contrat par lequel la victime renonce à la vengeance ou à l’action judiciaire en contrepartie d’une satisfaction économique ou pas (demande de pardon). On appelle ce contrat le pacte de paix ou encore le pacte de concorde. L’arbitrage est en fait une sentence privée prononcée par un particulier institué arbitre par les parties. Dans les Etats développés actuels, ces deux techniques sont assez peu répandues, en France elles ont été fréquemment employées jusqu’au Moyen âge et malgré les interdictions royales jusqu’à la Révolution.

 

Partie 1 : De Rome à la féodalité

Chapitre 1 : L’expérience romaine

Section 1 : L’appareil répressif romain

  • &1 : L’organisation judiciaire première

Le droit appliqué jusqu’au 6ème siècle avant Jésus Christ est archaïque, primitif, il correspond à une société agricole, agraire qui repose institutionnellement sur des organes fermés que l’on appelle les gentes (= la famille au sens large, le clan). Ce sont des petites communautés composées de plusieurs familles et de leurs clients (les dépendants). A la tête de chaque gens, se trouve un pater qui exerce la justice au sein du groupe et il représente la gens face aux autres gentes. Lorsque toutes les gentes vont se fédérer pour des raisons militaires, elles vont opter pour un système monarchique, électif. Ce roi va prendre en charge la défense armée de toute la communauté et également la justice pour les infractions les plus graves.

A) La justice des patres

Il existe deux types d’affaires : les affaires internes à la gens et les affaires externes à la gens.

1) Les affaires internes

Le pater est assisté d’un conseil des chefs de famille pour rendre la justice sur tous les individus, membres qui dépendent de la gens. Il sanctionne la désobéissance aux coutumes de la gens et il punit les crimes et délits. Il a une prison privée qui sert essentiellement de prison pour la détention provisoire. Dans leur système, la prison n’est pas une peine, elle ne sert qu’à détenir jusqu’au jugement. La peine qu’il peut prononcer est essentiellement purificatrice. Cette justice familiale restera longtemps en vigueur et se diffusera aux familias.

2) Les affaires externes

Il faut envisager deux voies : la voie de fait et la voie de droit.

La voie de fait : vengeance ou vendetta

La coutume permet au pater de recourir à la vengeance lorsqu’un membre de sa gens a été victime d’une violence illicite. Ce droit à la vengeance est limité par le principe de la proportionnalité c’est-à-dire que la riposte ne doit pas surpasser le mal subi (application de la loi du Talion). Cette possibilité de se venger a été progressivement abandonnée car s’est développé l’usage du pacte passé entre les deux gentes (de la victime et du coupable). Au départ, c’est une simple faculté, puis cela deviendra obligatoire. Pour la famille de la victime, le pacte présente un intérêt pécuniaire, matériel. Pour le coupable et sa famille, le paiement d’une composition est moins risquée que la vengeance. Le versement de cette poena est un engagement, une obligation qui peut avoir une existence durable dans deux cas : d’une part, lorsque le coupable ne peut pas payer immédiatement et que la victime ou sa famille lui laisse un délai ; d’autre part, lorsque l’engagement pris par le coupable dans le pacte consiste à travailler pour le compte de la victime ou de sa famille.

La voie de droit : les actions noxales

Un pater dispose de plusieurs possibilités lorsqu’un membre de sa gens a été victime d’une violence illicite provenant de l’extérieur mais le pater dont dépend le coupable également car il peut le châtier lui-même et abandonner ou livrer ensuite toute ou partie de son cadavre à la gens de la victime ou bien il peut également l’obliger à verser une composition pécuniaire. Ce système est avéré en matière de vol par exemple dans la loi des XII Tables.

B) La justice royale

Le roi, à l’époque la plus ancienne était compétent pour deux types d’infraction à savoir d’une part le meurtre d’un pater (le parricidium) et d’autre part pour la haute trahison (la perduellio). Ce sont les deux crimes les plus graves qui remettent en cause l’ensemble de la société. Lorsque les Etrusques vont vaincre les Romains et fonder la ville de Rome, ils vont renforcer le pouvoir du roi. Désormais, le roi est titulaire de l’imperium domi à l’intérieur de la ville. Cette puissance est dominée par une grande activité juridictionnelle ce qui fait reculer la justice des patres. A l’extérieur de la ville, ils disposent de l’impérium militiae, qui va au-delà de l’exercice de la simple juridiction. De plus, ces rois Etrusques sont précédés dans tous leurs déplacements par des licteurs qui sont des officiers porteurs de la double hache, qui sont chargés d’écarter la foule et qui peuvent, notamment à l’extérieur de la ville, sanctionner par la peine de mort immédiate, le refus d’obéissance ou toute atteinte à l’autorité du roi. La désobéissance au roi rendait le coupable impur et le soumettait à la malédiction. Et, pour apaiser les divinités offensées, il fallait éliminer le coupable. C’était à la fois expiatoire et empêchait la récidive. Il existe d’autres infractions qui rendaient impurs dans cette société primitive telles que les sévices des enfants sur les parents, le déplacement d’une borne agricole (atteinte au droit de propriété) ou encore l’irrespect de ses obligations par un patron envers son client.

 

 

  • &2 : De la République à l’Empire

Au début de la République, ce sont les magistrats supérieurs (les consuls, prêteurs) qui agissent contre les criminels en vertu de leur pouvoir de contrainte (coercitio). Cette coercitio est illimitée à l’égard des non citoyens. La procédure est alors expéditive. A l’opposé, cette coercitio est limitée pour les citoyens romains car le magistrat doit dire le droit en respectant certaines règles, une procédure qui est placée sous le contrôle final du peuple romain. C’est la procédure comitiale.

  • A) La procédure comitiale

Cette procédure est un véritable appel au peuple dans lequel le magistrat joue un rôle essentiel. Il commence par citer le prévenu en lui fixant un jour pour comparaitre et s’assure de sa comparution par deux moyens : soit la détention préventive, soit la fourniture de cautions (personnes) qui s’engagent à le représenter au magistrat. Ce magistrat va mener une instruction publique sous le contrôle des comices, (du peuple) qui à la fin du procès vote pour ou contre la culpabilité du prévenu. Ce procès devant le magistrat et les comices ne forment qu’une seule instance, c’est le jugement du peuple. Cette procédure est le mode ordinaire du procès pénal public pour les citoyens Romains du début de la République. Sa lourdeur a fait douter certains historiens de sa réalité, de sa mise en œuvre ou de son efficacité. Cependant, il faut observer que cette procédure est réservée aux seuls citoyens et cela ne concerne que les délits publics qui sont très peu nombreux à cette époque-là. En effet, la plupart des délits étaient des délits privés et relevaient donc des tribunaux civils ordinaires. La procédure comitiale était rarement utilisée et l’un des derniers procès de ce type a été celui de Rabirius qui s’est déroulé en -63 qui était accusé d’avoir tué un tribun de la plèbe, ce qui constituait un cas de trahison. C’est un procès exceptionnel car c’est pour des raisons politiques que la procédure comitiale a été ici utilisée. En effet, à l’époque, ce type de crime relevait d’une nouvelle procédure mise en place aux alentours de -101. Cette procédure comitiale a été utilisée pour frapper les esprits du peuple romain. Cette procédure a été progressivement abandonnée car ont été créé de nouvelles juridictions pour les différents crimes.

  • B) Les jurys criminels : les quaestiones perpetuae
  • 1) La diversité des jurys

Les premiers jurys ont été créés en 149 avant J.-C par un tribun de la plèbe qui voulait réprimer les malversations commises par les magistrats et les condamner à restitution. La nouveauté résidait donc dans la mise en place d’un jury permanent présidé par un magistrat et compétent pour un type d’affaire. Cette forme judiciaire a ensuite été reprise par de nouvelles lois pour d’autres délits publics. Chaque loi définissait l’infraction à réprimer, les formes procédurales à suivre et les sanctions à infliger. En tout, il y a eu une dizaine de jurys dont le jury créé aux alentours de -101 pour le crime de haute trahison, spécialement redéfini et qui était habilité à prononcer la peine capitale. A la fin de la République, Sylla et César vont réformer ces jurys. Sylla va réformer les jurys pour étendre le domaine du droit pénal public notamment sur l’homicide avec une loi sur les empoisonnements par exemple. Et il va même créer de nouveaux jurys et incriminer de nouveaux délits. Quelques années plus tard, César fera de même, notamment avec les lois Légès Juliae sur les violences publiques et les violences privées. Sont également créés à côté de ces jurys permanents, des jurys spéciaux temporaires pour des affaires ponctuelles. Ainsi, à la fin de la république, l’organisation judiciaire romaine est assez complexe car il existe différents types de jurys mais il existe tout de même des traits communs. En effet, tous sont présidés par un magistrat et sont composés d’une cinquantaine de membres qui sont tirés au sort le jour de l’audience parmi les notables, l’aristocratie romaine.

  • 2) La procédure suivie

Les jurys criminels participent tous d’un même système procédural qui est strictement accusatoire. Selon Cicéron, « un malfaiteur, s’il n’est pas accusé, ne peut être condamné ». Un particulier doit donc soutenir l’accusation devant le jury. Ici, l’accusation est ouverte à n’importe quel citoyen ayant la pleine capacité civique. C’est une institution caractéristique de la République romaine. Chaque citoyen devait se sentir responsable de l’ordre public et toute violation de cet ordre était censée l’atteindre directement. En agissant, ce particulier exerce donc « un ministère public » et d’ailleurs, il n’existe pas de magistrat chargé de poursuivre les délinquants. Si un particulier n’agit pas, il n’y aura donc pas de poursuites contre quelqu’un. Cet accusateur va également se charger de l’instruction préparatoire et le jour de l’audience c’est lui qui procèdera à l’accusation publique. Il cumule les fonctions qui sont aujourd’hui bien distinctes. Il est tenu à des devoirs assez précis : il ne peut pas par exemple abandonner la poursuite en cours de procès sinon il y a désertion. C’est ce que les Romains appellent la « tergiversatio ». Il ne peut pas non plus procéder à un détournement de procédure et permettre au véritable coupable d’échapper aux poursuites. En plus, son accusation doit être sincère car au début du procès, il prête serment, le serment de calomnie par lequel il jure que son accusation est sincère et il va ainsi se soumettre à la peine du calomniateur qui, selon une vieille loi républicaine, consiste à titre principal, à subir la peine encourue par l’accusé (la rétorsion de la peine) et à titre accessoire, la marque de la lettre K sur le front qui était une peine infâmante. C’est une peine qui a été réaffirmée par l’empereur Constantin. Ce système présente de graves inconvénients à cause des risques inhérents à l’accusation qui dissuade les accusateurs, paralysant ainsi la répression. A l’opposé, il arrive parfois que les accusateurs soient très nombreux pour conquérir une popularité, notoriété assez facilement dans une affaire sans danger. L’accusation est un acte solennel, il prend la forme d’une libellé c’est-à-dire un écrit qui est remis soit au prêteur à Rome soit à un gouverneur en Province. Une fois le procès ouvert, la procédure est orale, publique et contradictoire. Le rôle du jury consiste à écouter les plaidoiries puis à voter selon son intime conviction. La sentence rendue est irrévocable car c’est une émanation d’une assemblée populaire. Cependant, le condamné a toujours la possibilité d’échapper à la condamnation en s’exilant. Les Jurys criminels ont eu une efficacité répressive assez faible notamment parce que les lois qui les créaient ne les autorisaient que très rarement à prononcer la peine de mort. Ces lois édictaient seulement des peines d’exils, de perte de la citoyenneté ou de confiscation des biens. De plus, les Jurys criminels ont été victimes de la concurrence des juridictions impériales.

  • C) La justice impériale

Dès le début du principat, Auguste se fait attribué l’exercice de la justice publique qu’il va développer puis déléguer à ses fonctionnaires. Le développement de la justice impériale ne fait pas disparaitre immédiatement les systèmes répressifs précédents, les jurys criminels vont fonctionner encore deux siècles et la vieille coercitio des consuls romains sera réactivé en matière criminelle, au profit de ces consuls, qui collaboreront avec le Sénat (car les comices, assemblées populaires ne sont plus réunies). Les Empereurs, quant à eux, vont développer leurs compétences en matière pénale de deux manières : Soit, en créant de nouvelles incriminations, soit, en se substituant aux instances jusque-là compétentes. A l’époque d’Auguste, l’ensemble des jurys criminels formait ce que l’on appelle «l’Ordo Judiciorum Publicorum». La législation impériale qui intervient en dehors des limites légales de cet ordo est qualifiée d’extra ordinem qui va permettre de désigner ou qualifier le système juridique répressif qui se développe en dehors de l’ordre des jurys républicains. Ces juridictions extraordinaires connaissent initialement des procès dans lesquels sont parties des individus qui ne sont pas considérés comme des sujets de droit ayant la pleine capacité et qui ne peuvent donc être ni accusateurs ni accusés. Ce sont les esclaves, les femmes, les militaires ou encore les provinciaux (ils sont exclus de la justice classique).

  1. Le développement du droit pénal public

Pour développer leur justice, les empereurs vont utiliser toute sorte de textes à savoir soit des actes généraux (édits) soit des réponses particulières à des questions qui leur sont posées par leurs fonctionnaires (rescrits).

  • Les délits privés « publicisés »

Chaque fois qu’un délit privé a pu être considéré comme lésant les intérêts d’une victime mais également comme portant atteinte à l’ordre public, il a été transformé, érigé en délit public c’est-à-dire qu’il était alors justiciable d’un tribunal public alors que les délits privés relevaient des juges civils. On va également rendre ces délits privés passibles d’une peine publique (une amende, sanction physique etc). L’infraction qui offre le meilleur exemple de cette évolution est le vol car de nombreuses décisions impériales ont érigés en délit public tel ou tel vol (le Furtum) affecté de circonstances particulières considérées comme aggravantes c’est-à-dire des vols qualifiés. Ce fut par exemple le cas du vol de bétail, du pillage d’épave, du vol avec effraction, du vol dans les thermes (le Furtum balnearium), du vol nocturne, du vol dans les temples (sacrilégium), du vol de biens appartenant à l’Etat romain (péculatus). A terme, seuls les vols insignifiants resteront des délits privés.

 

  • Les incriminations nouvelles

Les Empereurs vont créer de nouvelles infractions et notamment administratives qui seront de plus en plus nombreuses comme en Egypte avec la répression des dégradations faites aux digues et aux ouvrages du Nil ou encore la répression de la magie, de l’incendie involontaire, l’avortement. Ces infractions nouvelles vont se développer au bas empire en même temps que l’interventionnisme de l’Etat.

  1. L’unification du système répressif

Dès le début de l’Empire, Auguste va juger en personne certains procès criminels qui devaient, en principe, relever d’un jury criminel. Tibère n’hésite pas à siéger parmi les jurys, à côté du président, pour leur rappeler le respect des lois et l’équité. Le plus simple pour l’Empereur reste tout simplement d’évoquer les affaires au Palais Impérial ou d’en confier le règlement à un haut fonctionnaire. Au cours du IIème siècle, la justice impériale devient seule compétente pour les crimes capitaux, puis pour tous les crimes. On ne trouve plus de trace des jurys criminels après septimes sévères (une dynastie impériale, 193-211). Au IIIème siècle, seuls subsistent les tribunaux impériaux, il n’y a plus d’autre juridiction pénale publique compétente.

  1. La dualité des procédures judiciaires ordinaire et extraordinaire

Pour gagner en efficacité, les juges impériaux vont recevoir le pouvoir de rechercher d’office les auteurs des délits publics et c’est ainsi que réapparait la procédure inquisitoire. Cependant, la procédure ne devient pas exclusivement inquisitoire car l’ancienne procédure accusatoire subsiste pour les crimes autrefois réprimés dans le cadre de l’Ordo. Ainsi, soit le juge impérial se saisit d’office pour tous les crimes, soit un particulier le saisit pour un crime ordinaire. Cette dualité de procédure n’est pas visible dans la législation impériale car de nombreux textes portent sur la procédure accusatoire alors que les dispositions sur la procédure inquisitoire sont rares. Ce déséquilibre de sources révèle le souci de l’empereur de contenir l’accusation dans des limites précises alors que parallèlement l’Empereur fait confiance à ses agents pour rechercher et punir les malfaiteurs et ne désire donc pas les entraver avec des règles trop précises ou trop nombreuses. En pratique, l’accusation va rapidement décliner au Bas Empire et la saisine d’office deviendra le mode normal d’ouverture du procès pénal.

 

  • La torture

Sous la République, la torture est réservée aux esclaves non pas pour obtenir un aveu mais un témoignage contre un prévenu. En principe, les esclaves ne peuvent pas être torturés pour obtenir des renseignements sur leur maitre sauf en matière politique notamment en matière de crime de lèse-majesté. Progressivement, la torture des hommes libres sera admise pour de plus en plus d’affaires notamment en matière de faux, de magie, d’empoisonnement, de fausse monnaie. Puis, pour de simples délits d’opinion comme le refus de sacrifier aux statues de l’Empereur (se prosterner devant les statues et les chrétiens sont les premiers visés). Puis, ensuite pour des crimes de droit commun comme l’homicide ou l’adultère. Au bas-Empire, seuls les honestiores échappent à la torture sauf en matière de lèse-majesté. La torture devient donc un procédé général et habituel d’investigation pénale. En 314, l’empereur Constantin fait de l’aveu extorqué, la preuve par excellence du crime. En même temps, le droit règlemente, encadre un peu la torture. Ulpien reconnait lui-même que c’est un procédé fragile, dangereux et qui ne sert pas forcément la vérité. Aussi, la torture ne doit être décidée que sur la base d’indices suffisants qui font apparaitre le prévenu comme suspect et on ne doit torturer à titre de témoin que des personnes fiables.

  • L’appel

La procédure extraordinaire connait l’appel réformatoire notamment parce que l’Empereur a un pouvoir général de juridiction et que les juges ne sont que ses délégués dont il peut toujours réformer les décisions. A partir de Dioclétien, les décisions des gouverneurs de Province nommés par l’Empereur sont susceptibles d’appel devant les vicaires qui sont à la tête des diocèses. Les décisions des vicaires sont susceptibles d’appel devant l’empereur dans tous les domaines. En matière pénale, l’appel est soumis à des conditions très strictes. Au Vème siècle, ceux qui sont condamnés sur des preuves absolument certaines et qui ont avoué leur crime n’ont pas le droit de faire appel.

Section 2 : Les Infractions

  • &1 : Les éléments constitutifs de l’infraction

A) La valeur de l’intention

= L’élément moral de l’infraction. Il a sans doute existé à l’origine, une période de responsabilité purement objective où la seule commission d’un acte suffisait à infliger mécaniquement une sanction notamment en matière de délit religieux, de sacrilège. Ces actes rendaient leurs auteurs impurs même s’ils étaient involontaires. Ils impliquaient toujours une purification même si elle était parfois symbolique. Cependant, dès l’époque royale, on constate que des lois distinguent les infractions selon qu’elles soient volontaires ou pas. Par exemple, pour être homicide, il faut avoir tué «dolo siens» c’est-à-dire en pleine connaissance de cause. Seul cet homicide donnait lieu à une véritable peine alors que l’homicide involontaire impliquait seulement l’offrande d’un bélier (par le coupable à la famille de la victime). Dans la loi des XII Tables, le principe d’une répression subjective l’emporte mais il reste quelques survivances de responsabilité objective. C’est le cas dans trois hypothèses : tout d’abord, en cas de membrum ruptum (le membre rompu, l’amputation d’un membre), puis en cas de Os fractum (fracture d’un os) en enfin dans le cas de l’injuria (les atteintes physiques). Ici, les rédacteurs de la loi des XII Tables ont repris des solutions anciennes. En dehors de ces hypothèses, les infractions sont sanctionnées différemment selon qu’elles ont été commises volontairement ou pas. Parfois, seule l’intention suffit c’est-à-dire que l’infraction est constituée par la seule infraction coupable, c’est le cas en matière de magie ou la sorcellerie, pour le faux témoignage, en matière de vol également.

A l’époque classique (IIème siècle avant JC), l’analyse de l’intention coupable s’approfondit, les juristes utilisent les notions de dol, de fraude. Le dol désigne la malice, un désir de nuire, la fraude désigne plutôt un acte concret (ce n’est pas l’intention coupable qui est désignée).

Sous la République, de nombreuses expressions sont utilisées pour désigner la volonté coupable : l’animus, la culpa qui sont complétées avec des adjectifs comme siens, prudens. Ce vocabulaire permet de désigner la claire conscience (lucidité), la pleine appréciation du méfait accompli. En revanche, ce qui arrive indépendamment de la volonté humaine est précisé grâce au mot casu (par cas fortuit) ou bien par le mot fortuna (le hasard). A l’époque d’Hadrien, les infractions sont définies grâce à deux éléments qui sont le résultat matériel, l’exitus et l’intention de l’auteur, la volontas. Hadrien va affirmer que l’auteur d’un homicide doit être absout s’il a tué sans le vouloir (non occidendi animo). Alors qu’il faut condamner comme meurtrier celui qui a voulu tué mais qui n’y est pas parvenu, ce qui implique une répression très large de la tentative. Le jurisconsulte Marcien distingue le fait arrivé proposito c’est à dire le propos libéré et donc ce qui est voulu, le fait qui est arrivé Casu donc par cas fortuit et enfin le fait qui est arrivé impetu c’est-à-dire ce qui est arrivé sans réflexion, sous le coup de l’ivresse ou de la colère. Toutes ces nuances apparaissent progressivement ou successivement pour définir l’élément moral de l’infraction, ce qui permet au juge de moduler les peines en fonction des circonstances.

Au Bas Empire, les lois impériales sanctionnent de plus en plus souvent de simples négligences grâce au mot culpa (la négligence) ce qui implique seulement l’intention de commettre un acte mais sans avoir désiré toutes ses conséquences nuisibles. Le droit romain tardif est très répressif. L’Etat n’hésite pas à sanctionner lourdement les auteurs de délits purement involontaires. Ainsi, le propriétaire d’un lieu où a été fabriqué de la fausse monnaie subit la confiscation de son bien (donc le lieu) alors même qu’il ignorait cette activité illicite. Autre exemple : Une jeune fille enlevée de force sera privée de la succession de ses parents. Ces dispositions du Bas empire se fondent sur une présomption de faute ou une négligence. L’Etat romain cherche alors à assurer une mobilisation générale, de toute la population de l’Empire contre la délinquance.

B) Les causes de non-imputabilité et non-culpabilité

 

  1. La non-imputabilité

Selon la doctrine actuelle, l’imputabilité consiste dans la volonté libre et l’intelligence lucide au moment de la commission d’une infraction. Les juristes romain ont dégagé quelques cas où l’impossibilité évidente de capacité dolosive rendait le crime non imputable à son auteur.

  • a) Les fous et les impubères

Ulpien considère que ni les fous (furiosi) ni les impubères (impubes) ne peuvent être tenus de fraude capitale. Ulpien compare le dommage causé par un fou au dégât causé par un quadrupède ou par une tuile tombée d’un toit. Marc Aurèle affirme dans un rescrit relatif à un fou meurtrier de sa mère qu’il était suffisamment puni par sa maladie. Mais pour les impubères, la loi des XII Tables ne prévoit qu’une atténuation de peine. Sous la République, on considère qu’un enfant presque pubère est capable de vol. Mais le Jurisconsulte Paul exonère l’impubère de toute imputation de faux. En fait, l’impubère jouit d’une présomption d’innocence et donc d’incapacité de nuire mais c’est une présomption simple, le juge peut démontrer que l’impubère était capable de dol au moment de l’infraction.

  • b) ’erreur

L’erreur de fait :

L’erreur de fait est admise. En effet, une femme n’est pas coupable d’adultère si elle s’est remariée en croyant de bonne foi que son premier mari était décédé. N’est pas non plus coupable de vol, l’individu qui s’empare des biens d’une personne qu’il croit morte et dont il est l’héritier.

L’erreur de droit :

L’erreur de droit quant à elle était admise à l’époque républicaine, on admettait l’ignorance de la norme pénale pour des règles très particulières que l’on pouvait méconnaitre et transgresser de bonne foi mais au Bas empire, toute exception disparait car l’empereur est devenu la source unique du droit et n’admet pas que l’on ignore ses décisions.

  1. La non-culpabilité : la légitime défense

Une infraction peut être constituée et imputable à son auteur mais celui-ci peut avoir eu une bonne raison de la commettre ce que l’on appelle un fait justificatif tel que la légitime défense. Cicéron la considère comme un droit naturel et les jurisconsultes utilisent fréquemment la formule « Il est permis de repousser la violence par la violence ». La loi des XII Tables admet que celui qui tue chez lui un voleur nocturne ou qui tue un voleur armé ne doit pas être puni. Le droit classique a ajouté de nouvelles hypothèses de légitime défense et notamment en cas d’agression sexuelle. L’empereur Hadrien admet qu’on ne doit pas poursuivre celui qui a tué « l’auteur d’un stupre violent perpétré contre lui-même ou ses proches » (agression sexuelle). Dans ses sentences, le jurisconsulte Paul admet que l’on peut tuer pour défendre sa pudeur. Par extension, on assimilera à la légitime défense le cas du père de famille qui tue l’homme qu’il surprend en flagrant délit d’adultère avec sa fille et sa fille aussi. Mais ce droit est refusé au mari qui bénéficiera seulement de larges circonstances atténuantes. Selon un rescrit d’Antonin, il échappe au dernier supplice car « il est très difficile de modérer une juste douleur ».

C) La tentative

A l’époque primitive, la question de la tentative ne se posait pas car seul un délit consommé pouvait constituer un dommage générateur de contrepartie (pas de Talion ou dédommagement). Mais lorsque le droit pénal public se développe, l’Etat réprime des comportements pour lesquels seule l’intention vicieuse compte qu’elle ait abouti ou non. Mais, il n’est pas question, à l’époque classique, de punir une simple intention non suivie d’effets. Ulpien affirme « personne ne peut être puni pour une simple pensée ». Pour Paul, la seule pensée de commettre un vol ne fait pas le voleur. Mais si l’individu a manifesté son intention maligne par des actes positifs, il doit être condamné. C’est pour cela que le droit pénal tardif (du bas empire) érige les actes préparatoires en délit distinct comme le simple fait d’acheter ou de préparer du poison même si on a pas tenté de l’administrer tout comme le fait de recruter des hommes de main pour provoquer une sédition, révolte.

  • &2 : La classification délits publics – délits privés

A) Les délits publics

1) Homicide et Parricide

En droit archaïque, le terme parricidium désigne l’homicide volontaire d’une personne libre. C’est seulement à la fin de la république que le mot parricidium est réservé aux parricides stricto sensu tandis que le meurtre est désigné par le mot homicidium. C’est une loi de Sylla qui frappe de la peine capitale les meurtres commis sur la voie publique et les empoisonnements. Cette loi va ensuite être enrichie de nouveaux chefs d’accusation. Elle servira de fondement général à la répression du meurtre. C’est dans cette loi qu’ont été assimilés le fait d’administrer à autrui des substances vénéneuses ou d’en acheter ou d’en préparer ou encore de porter gravement atteinte corporellement à autrui (castration). Est également assimilé à une tentative de meurtre, le faux témoignage dans un procès capital. La peine encourue à l’époque de Sylla, est considérée comme une peine capitale à savoir l’interdiction de l’eau et du feu, qui consiste dans l’exclusion du groupe social, la privation ou la confiscation du patrimoine et déchéance de la citoyenneté.

Sous le principat, cette peine est remplacée pour les honestiores (les riches) par la déportation et pour les humiliores (les humbles, pauvres) par la peine de mort. Cette peine de la loi de Sylla n’est pas applicable à l’homicide involontaire. Hadrien prévoit par exemple l’application d’une peine adoucie pour celui qui a tué sans le vouloir au cours d’une rixe.

Au bas Empire, la répression des homicides involontaires reposera sur la notion de négligence impardonnable car on estimera que la faute lourde équivaut au dol. Lorsque le parricide se distingue de l’homicide et fait l’objet ou va faire l’objet d’une répression spécifique, il lui est appliqué une peine très symbolique et cruelle à savoir la peine du culeus, (la peine du sac) c’est-à-dire que le condamné est d’abord fouetté jusqu’à effusion de sang puis enfermé dans un sac en compagnie de quatre animaux que les romains considéraient comme particulièrement méchants et hideux c’est-à-dire un chien, un coq, une vipère et un singe. Le sac était alors refermé puis jeté dans la rivière ou la mer la plus proche. Ce parricide était considéré comme un monstre qui devait être expulsé de la cité sans espoir de retour et les romains croyaient que les spectres ne traversaient pas l’eau. Or, ce supplice a été supprimé à la fin de la République et remplacé par la peine de l’homicide ordinaire dans une loi qui a redéfini le parricide comme le meurtre d’un ascendant, d’un descendant, des frères et sœurs, des oncles et tantes, des cousins germains, des conjoints, des beaux parents ou encore des patrons ou patronnes. Mais en pratique, la peine du sac a subsisté pour les parricides les plus graves et en 318 Constantin l’a officiellement rétabli pour tous les parricides.

2) Les crimes contre L’Etat

La perduellio et le crimen majestatis

Le terme perduellio désigne en droit archaïque tout acte commis contre le peuple romain c’est-à-dire la désertion ou la trahison. Sont ensuite apparus les notions de «majestas» et de «crimen majestatis». La notion de crimen majestatis va englober le perduellio. Au 3ème siècle, Ulpien définira le crimen majestatis comme ce qui est commis contre le peuple romain ou contre sa sécurité. Mais, depuis le principat, la notion de majesté s’applique aux magistrats de la ville (consuls, prêteurs) et à l’Empereur. Elle permettra de réprimer par exemple les dégradations volontaires aux statues du prince. Sous le dominat, Dioclétien institue une majesté proprement impériale qui permet de sanctionner toute offense à un membre de la famille de l’empereur. Sous le bas Empire, la moindre manifestation d’hostilité à l’autorité impériale est sévèrement punie. Une constitution de 397 prévoit la confiscation totale des biens du coupable, sa famille est totalement dépouillée.

L’ambitus

L’ambitus est également appelé la brigue électorale, il sert à réprimer les manœuvres dolosives, malhonnêtes telles que celles destinées à obtenir indûment une magistrature, une dignité ou qui seraient destinées à faire pression sur un juge. L’ambitus permet également de réprimer l’exigence illégale d’impôt par un fonctionnaire ou encore les malversations commises par les magistrats dans les provinces. Ce délit d’ambitus est constitué quel que soit son résultat. La seule tentative est condamnable, elle consomme le délit. L’échec n’exonère pas le fraudeur.

Le péculat (peculatus)

C’est le vol d’un bien appartenant à l’Etat, que l’on rapproche fréquemment du sacrilège qui est le vol d’un bien appartenant à un temple. La sanction de ce crime est l’interdiction de l’eau et du feu, forme d’exil forcé, de mort civile. Elle sera remplacée à l’époque classique par la déportation sur une île pour les honestiores et par les travaux forcés pour les pauvres. Pour le sacrilège, Ulpien distingue entre le crime commis de nuit avec effraction qui est sanctionné par la condamnation aux bêtes et le crime perpétré de jour qui était puni de travaux forcés dans les mines.

3) Les autres délits publics

  • a) L’adultère

L’adultère est un crime exclusivement féminin car seule l’infidélité féminine risque d’introduire dans la famille un sang étranger. Il était très sévèrement réprimé à l’époque archaïque mais progressivement cette répression s’est adoucit du fait notamment du relâchement général des mœurs. L’adultère sera beaucoup moins sévèrement réprimé. La seule sanction applicable est alors civile c’est-à-dire que si le divorce est motivé par un adultère, la femme perd 1/6ème de sa dot.

Auguste va tenter d’instaurer un ordre moral minimum en érigeant l’adultère féminin en délit pénal public, relevant d’un jury criminel, sanctionné par l’exil et la confiscation partielle du patrimoine. En cette matière, l’accusation publique est réservée pendant deux mois au mari puis devient vraiment publique pendant quatre mois, après quoi, elle est prescrite (on n’attaque pas l’adultère six mois après les faits).

En 326, Constantin va aggraver la sanction puisque la femme adultère et son complice sont passibles de mort. Mais l’accusation d’adultère est strictement réservée au mari pendant toute la durée du mariage. Les parents les plus proches ne peuvent se porter accusateur qu’après la dissolution du lien conjugal. Et si le mari surprend son épouse en flagrant délit d’adultère, il est alors obligé de la répudier sous peine de devenir son complice. Le droit canonique, qui est en pleine formation, admet cette répudiation mais interdit formellement le remariage du mari car il considère cette répudiation comme une simple séparation de corps et non une dissolution du mariage.

Constantin a créé un délit spécial à savoir l’adultère commis par une femme avec son esclave. Dans ce cas, l’accusation est ouverte à tous y compris aux autres esclaves de la maison et la peine est la mort pour les deux coupables. Le mari a même le droit de tuer l’esclave ou l’affranchi qu’il surprend en flagrant délit d’adultère avec sa femme alors que dans les autres cas, si ce n’est pas un esclave, ce droit est réservé au père de son épouse.

Justinien va adoucir cette législation : en effet, la peine de mort n’est maintenue que pour l’amant tandis que l’épouse encoure le fouet et la réclusion dans un monastère. Pendant deux ans, son mari peut lui pardonner et la reprendre avec lui sinon la réclusion devient définitive.

  • b) La violence criminelle

La violence criminelle est un concept qui s’est dégagé d’une série de lois circonstancielles qui ont soumis divers cas de violence à une répression publique. La notion de violence en elle-même est très large, elle est en fait intermédiaire entre les délits purement privés et les crimes contre l’Etat. La notion de violence publique recouvre des agissements assez divers dont le point commun est d’être soumis à un même régime. Il n’y a pas de critères précis pour distinguer les violences privées ou publiques. Un même acte peut entrer dans l’une ou l’autre de ces catégories selon son degré de gravité, la personnalité du coupable ou de la victime, le lieu ou le temps de l’infraction. Le droit pénal romain est ici essentiellement pragmatique. Le seul acte qui parait avoir toujours été une violence publique est l’abus de pouvoir commis par un magistrat.

  • c) Le faux

Le terme de falsum désigne au sens large la tromperie dont le droit romain fournit une liste d’exemples : la loi des XII Tables édicte déjà la peine de mort contre les faux témoins. Une loi de Sylla sur le faux réprime aussi bien la falsification des testaments, la fausse monnaie, les faux poids et mesures, l’usurpation d’identité et certaines formes de corruption judiciaire. Cette loi a ensuite été enrichie de nouveaux chefs d’accusation. Ce délit est consommé même si la tromperie n’atteint pas son objectif, c’est le cas pour le faux témoignage, le faux témoin ou le calomniateur sera condamné même s’il perd le procès.

 

B) Les délits privés

1) L’injuria

Le mot « injure » a plusieurs sens : Au sens large, il désigne tout acte contraire au droit et dans un sens plus étroit, il est synonyme d’outrage et désigne donc les atteintes aux personnes. Dans la loi des XII Tables, l’injuria désigne trois hypothèses qui sont l’amputation d’un membre (membrum ruptum) et donc toute lésion définitive faite au corps, la fracture d’un os (os fructum) et enfin l’injuria au sens le plus strict c’est-à-dire toutes les atteintes légères à la personne. Rapidement, cette notion d’injure va être redéfinie et élargie par le prêteur romain et englobera donc, outre les atteintes physiques, les injures verbales, les écrits diffamatoires ou encore les outrages à la pudeur. Dans tous ces cas, la victime possède une action estimatoire d’injure afin d’obtenir une réparation proportionnée au dommage subi.

Cependant, à la fin de la République, les injures les plus graves seront érigées en délit public. Sylla défère les blessures majeures et la violation de domicile à un jury criminel qui peut infliger au coupable des châtiments corporels mais l’action publique appartient seulement à la victime.

Sous l’Empire, l’injuria va totalement entrer dans la sphère de la répression publique c’est-à-dire que les poursuites pourront se faire sans intervention de la victime mais la voie privée va subsister, ce qui laissera à la victime le choix entre deux actions : d’une part, elle peut exercer l’action estimatoire d’un juge pour obtenir une poena soit elle peut agir au criminel pour faire impliquer au coupable un châtiment corporel, une peine publique. Au Bas empire, l’unification des juridictions laisse subsister la voie civile (l’action estimatoire) mais en pratique, elle est abandonnée. A terme, c’est la voie criminelle qui va l’emporter.

Il existe un cas particulier d’injuria: le dommage causé aux biens (damnum injuria datum) qui constitue un délit privé distinct de l’injuria proprement dite. Au IIIème siècle, il en existe trois exemples : Tout d’abord, tuer ou blesser l’esclave ou le quadrupède d’autrui ; en second lieu, le fait de détériorer les choses inanimées et enfin le fait de remettre indûment une dette pour un créancier accessoire au détriment des droits du créancier principal. L’action pénale devait assurer la simple réparation du dommage. Pour un esclave ou un animal tué, il fallait payer une somme correspondant à sa valeur maximale au cours de l’année précédente et pour une chose inanimée, c’était la même chose mais pour la valeur maximale au cours des 30 derniers jours. Une simple négligence suffisait à engager la responsabilité de l’auteur.

2) Le furtum (vol)

Dans la loi des XII Tables (en -450), le vol consiste à enlever une chose mobilière. Ce peut être un esclave, une femme mariée avec la main nue (cum manu), un fils de famille ou encore un débiteur addictus c’est celui qui n’a pas pu rembourser et qui a donc été attribué physiquement à son créancier. La loi des XII Tables distingue deux types de vol : d’une part le vol flagrant où le voleur est pris en flagrant délit, sur le fait et d’autre part le vol non flagrant. Le vol flagrant est puni plus sévèrement car la peine est proportionnée au ressentiment de la victime, ressentiment censé être plus fort lorsque le coupable est pris sur le fait. La victime d’un vol a le droit de tuer le voleur dans deux hypothèses : lorsque le vol est commis de nuit ou encore lorsque le voleur est armé. A l’époque classique, les juristes vont redéfinir le vol comme la manipulation frauduleuse de la chose d’autrui en vue de réaliser un profit. Le vol en tant que délit privé, donne lieu à trois sortes d’action devant les juridictions civiles : la première est une action réelle pour récupérer la chose volée, la deuxième est une action personnelle pour obtenir une indemnité et enfin une action pénale pour obtenir une réparation proportionnelle à la valeur de l’objet volé. Pour le vol manifeste, la poena est du quadruple de la valeur de l’objet. Pour le vol non manifeste, elle est du double (le voleur paiera deux fois la valeur de l’objet) et pour le recel, elle est du triple. En cas de pluralité de voleurs, il y a autant d’actions pénales que de voleurs. Par exemple, face à trois voleurs pris en flagrant délit, une victime peut obtenir 12 fois la valeur de l’objet volé à titre de réparation. Il y a ici une confusion entre les différentes fonctions de la peine (la fonction de réparation et la fonction de sanction). A la fin de la République, de nombreux vols qualifiés seront transformés en délit publics.

 

3) La rapina

C’est un délit qui est apparu en 76 avant JC pour réprimer les brigandages commis au moyen d’hommes armés. L’action donnée aux victimes permet seulement d’obtenir une peine pécuniaire du quadruple. Désormais, l’instigateur des rapines est personnellement responsable. Il ne peut se libérer en abandonnant les esclaves dont il s’était servi pour commettre les rapines. Sous le principat, la rapine va désigner un vol commis par plusieurs personnes armées ou bien le vol commis à l’occasion d’un naufrage, d’un incendie, d’un tremblement de terre. L’action privée sera complétée par une action criminelle publique.

En conclusion, la plupart des délits privés ont été publicisés. Le seul délit qui va rester un délit privé est le dommage causé aux biens.

 

Section 3 : Les peines

  • &1 : Les fonctions de la peine
  • A) La vengeance privée (vindicatio)

La vengeance est censée procurer une satisfaction. Le mal infligé doit compenser le mal subi. De plus, en matière d’homicide, la mort du coupable doit satisfaire à la fois la famille de la victime mais également le défunt lui-même dont on assure le repos. Lorsque la vengeance est règlementée par la coutume, la loi du Talion ou par l’obligation d’accepter une poena, la victime accepte de renoncer à se venger le plus souvent en échange d’une somme d’argent. Ce stade de l’évolution du droit pénale est illustré à Rome par la loi des XII Tables qui combine à la fois la loi du Talion et les poenas.

  • B) L’intérêt public : l’exemplarité de la peine

Lorsqu’une infraction lèse les intérêts de la communauté civique, il est nécessaire d’apaiser les dieux protecteurs de la cité pour le bien commun en éliminant le coupable. Du même coup, la défense sociale est assurée car le facteur de désordre disparait.

A l’époque classique, l’ordre public devient une priorité, ce qui se traduit par une répression exemplaire que l’on veut dissuasive. Les magistrats, titulaires du pouvoir de coercitio, sont incités par Cicéron à contraindre les délinquants par des amendes, des chaines, des coups de fouet. A partir de là, le vocabulaire du droit pénal révèle que la peine a une fonction de rétribution mais aussi de prévention, elle permet d’avertir les éventuels délinquants.

Pour Cicéron, la République ne peut pas être gouvernée sans crainte et sévérité, c’est pour cela qu’il faut porter devant les magistrats les faisceaux de licteurs, il faut construire des prisons et infliger des supplices. Pour Sénèque, la peine a trois fonctions : la première est de corriger le délinquant, la deuxième est de rendre les autres meilleurs par l’exemple du châtiment et la troisième est d’assurer l’ordre public en supprimant les délinquants. Le grammairien Aulu-Gelle distingue deux formes de prévention : une prévention spéciale pour les délinquants qui seraient simplement négligeants et une prévention générale pour la population toute entière. C’est pour renforcer la valeur préventive de la peine que la peine de mort et la peine d’élimination (exil) se généralisent sous l’Empire. De plus, de nouvelles peines apparaissent toujours qualifiées de poena. Ainsi, le mot poena servira à désigner les châtiments corporels. L’idée d’une politique criminelle apparait dans la mesure où on module les sanctions des infractions en fonction de leur fréquence, du temps, des lieux etc.

Sous le Bas empire, les empereurs cherchent à intimider les délinquants. Ils prescrivent des peines caractérisées par la severitas ou l’atrocitas. Il faut terroriser les délinquants potentiels pour les détourner du crime.

Sous l’influence du Christianisme, la peine semble parfois envisagée comme une pénitence destinée à l’amendement du coupable (en vue de le corriger, le rendre meilleur) mais c’est assez rare. En général ce droit pénal du Bas Empire est très répressif, il est destiné à éliminer et mettre les délinquants hors d’état de nuire.

  • &2 : L’arsenal répressif : l’éventail des peines

A) Les peines capitales

  1. La mort physique

A l’origine, la peine de mort se pratiquait par pendaison ou décapitation par le biais de la hache, parfois précédé des flagellations (coup de fouet). Mais il existe d’autres types de mise à mort et notamment la précipitation du haut de la Roche Tarpeienne qui sanctionne les actes de trahison (la loi des XII Tables la prévoit également pour des vols manifestes). C’est une peine qui était réservée à tous ceux qui manquaient à leur devoir de Fides c’est-à-dire leur devoir de loyauté. On trouve également l’emmurement vif et on le trouve notamment pour les prêtresses qui manqueraient à leur devoir de chasteté ou encore pour les femmes convaincues d’ivrognerie. Ensuite, on trouve à côté de la peine de mort simple, des formes d’exécution spectaculaire, complexe que l’on appelle les supplicia à savoir la condamnation aux bêtes dans le cirque). C’est un spectacle qui est tombé en désuétude après Constantin à cause de l’hostilité de l’Eglise tout comme le supplice de la croix (le patibulum). Il y a également des condamnations au feu, au bûcher pour les esclaves malveillants (ceux qui dénoncent leur maitre), la désertion, le faux monnayage, l’homosexualité, le rapt de jeunes filles, l’automutilation et certaines formes d’hérésie. Il existe aussi la peine du sac pour les parricides. La nourrice qui n’empêchait pas le rapt de l’enfant dont elle avait la garde subissait le supplice du plomb fondu dans la bouche.

  1. La « mort civile »

C’est à partir du IIème siècle après JC que la peine de mort est parfois remplacée par des peines d’élimination qui varient selon le rang social des condamnés. Les humbles (humiliores) et les esclaves sont condamnés aux travaux forcés sous la forme de l’ouvrage public (opus publicum) ou sous une forme plus pénible, celle du travail dans les mines. Constantin va l’adoucir en supprimant la marque au visage pour les condamnés. Dans les mêmes cas, les honestiores sont condamnés à l’exil. A l’origine, c’était l’interdiction de l’eau et du feu, cette peine sera concurrencée dans le cas de la procédure extraordinaire par la déportation, le plus souvent sur une île. C’est une sanction perpétuelle qui entraine la perte de la citoyenneté et de toutes les dignités (y compris celle des paters familias), il y a donc dissolution du mariage et confiscation des biens.

B) Les peines non capitales

  1. Les peines physiques

La prison n’est pas conçue comme une véritable peine, c’est seulement un moyen de s’assurer de la présence d’un prévenu jusqu’à son procès ou son exécution. Selon le Digeste, « la prison doit être considérée comme un moyen de contenir les hommes, non de les punir ». Les Romains préfèrent appliquer la relégation qui est une peine plus douce que la déportation car elle est temporaire et n’emporte pas de perte de la citoyenneté ou du patrimoine. Le condamné est parfois interné dans un lieu fixé (monastère) ou bien se voit interdire la fréquentation de certains lieux.

  1. Les peines patrimoniales

Le droit du Bas Empire se présente en ce domaine, comme une juxtaposition de systèmes très différents qui témoignent de l’évolution du droit pénal romain. On y trouve notamment le vieux système des compensations pécuniaires versées aux victimes, comme par exemple la peine du quadruple pour le vol manifeste. Il existe également le système de l’amende (la multa) qui était due au FISC et qui intervient dans des hypothèses de plus en plus nombreuses et notamment pour les infractions au règlement administratif. Enfin, il existe des peines de confiscation avec soit une confiscation générale des biens soit une confiscation spéciale (qui ne porte que sur un bien).

  1. L’infamie

En droit classique, le prêteur romain a attaché à certaines condamnations publiques un ensemble de conséquences juridiques automatiques qui sont des interdictions de droit privé (exemple : privation de la dignité de paters familias) mais ce sont aussi des incapacités de droit public (privation du droit d’agir en justice, d’être tuteur) qui sont regroupées sous le terme générique d’infamie. A côté de cette infamie classique, le droit du Bas Empire a expressément prévu une série de cas, de situations ou un condamné subit des déchéances : Par exemple, un condamné peut être déchu d’une dignité comme l’appartenance au Sénat ou pouvait être frappé également d’une interdiction professionnelle précise (avocats malhonnêtes renvoyés de leur ordre par exemple). En droit postclassique, l’infamie sera même parfois considérée comme une peine principale. On dit alors que le condamné est « noté d’infamie ».

  • &3 : Le choix des peines (arbitraire ou peines fixes ?)

Sous le Principat, les peines applicables par les juges impériaux (que l’on qualifie d’extraordinaires) n’étaient en général pas fixées avec précision par les textes d’incrimination, alors que les lois de l’ordo de l’époque républicaine prévoyaient en général des sanctions précises. Le prince fait confiance à ses délégués et dans ses décisions, il laisse toujours une marge de manœuvre, une marge d’appréciation à ces juges que l’on appelle l’arbitrium. Selon Ulpien, « Si aucune peine spéciale n’est imposée par les rescrits des princes, celui qui juge la cause détermine la sanction à son libre arbitre ». Il admet même que le juge impérial peut, dans le cadre d’une procédure extraordinaire, « prononcer la sentence qu’il veut, plus lourde ou plus légère, à condition que dans l’un ou l’autre sens il ne dépasse pas la mesure ». Parfois, le rescrit fixe seulement une peine maximale.

Sous le dominat, l’évolution s’inverse car le pouvoir impérial se renforce. A partir de Constantin, les peines fixes se multiplient et le Code Théodosien de 438 ne mentionne pratiquement pas l’arbitrium du juge. L’empereur est devenu le seul maitre de la peine, en effet, lui seul peut la moduler.

  • &4 : La grâce

A l’époque Républicaine, le droit d’interrompre une poursuite (abolitio) ou de dispenser un condamné de l’exécution de sa peine (venia) appartenait aux comices (assemblées populaires).

Au IIème siècle après JC (le Principat) le droit de gracier revient à l’empereur notamment parce que les comices ne sont plus réunis mais aussi car le pouvoir de dispenser de la peine est lié à celui de l’édicter.

Cette idée se renforce sous le Bas Empire notamment parce que l’empereur chrétien réunit deux attributs divins : la justice et la miséricorde. Les jurisconsultes rattachent la grâce à l’équité car selon eux, elle permet d’écarter la stricte application du droit au nom d’un principe supérieur afin d’attendre la solution la plus juste. Le droit romain ne distingue pas entre l’amnistie et la grâce. La grâce entraine une véritable restitutio in integrum c’est-à-dire que le gracié recouvre intégralement tout ce qu’il a perdu, de manière rétroactive.

 

Chapitre 2 : La justice germanique

Section 1 : Le système répressif franc

  • &1 : Les juridictions

A) Le tribunal du palais

Ce tribunal du palais est aussi appelé le plaid du palais, il est formé par le roi et ses proches conseillers appelés aussi les Grands Officiers. Il connait des affaires qui touchent à la personne du roi, à sa famille, ses prérogatives appelées les droits régaliens, ses compagnons et tous ceux qui bénéficient de sa protection spéciale. Ce tribunal du roi pouvait être saisi par voie d’accusation ou par le roi d’office. C’est ainsi que le roi pouvait agir contre des juges qui n’auraient pas appliqué la loi de manière rigoureuse, juste. Ce n’était pas un appel mais un procès dirigé contre le juge et même contre ses assesseurs qui auraient mal jugé.

B) Le Mallus

C’est la juridiction qui siège dans la circonscription administrative de base, c’est la centaine, c’est une subdivision du comté. Elle siège en plein air, sur une colline. Tous les hommes libres de la centaine ont l’obligation d’assister aux cessions du mallus avec leurs armes. Il semblerait qu’ils participaient au procès par des huées ou des acclamations. En pratique, le rôle de cette assemblée était réduit, le mallus était présidé par un «judex publicus » (en général le centenier ou le viguier). Il était assisté par des assesseurs qui étaient des notables locaux que l’on appelle souvent les prud’hommes. Ces assesseurs étaient en nombre variable et étaient en fait des conseillers juridiques qui représentaient les ethnies locales et qui en connaissaient les coutumes. Ces assesseurs occasionnels seront plus tard remplacés par des juges permanents (que l’on appellera des échevins) notamment avec la renaissance urbaine.

C) Les missi dominici

Ces envoyés du maitre sont des agents itinérants généralisés en 802 par Charlemagne. Ils étaient toujours au nombre de deux : un laïc et un ecclésiastique et il procédait à des tournées d’inspection. Leur mission consiste à mener des enquêtes et à tenir des assises publiques dans les villages où ils étaient chargés de rendre et rétablir la justice en sanctionnant les agents locaux et leurs abus et en punissant parfois directement certains malfaiteurs. C’est à leur retour de tournée qu’ils faisaient un rapport qui pouvait donner lieu à l’adoption d’un capitulaire pour corriger, sanctionner les actes illicites constatés.

En 811, Charlemagne va établir une distinction fondamentale entre deux types d’affaires, opérant ainsi une répartition de compétences entre deux types de juridiction : D’une part, le mallus du comté est désormais compétent pour les affaires criminelles les plus graves, celles que l’on appelle les causes majeures qui sont l’homicide, l’incendie, le vol et le rapt. D’autre part, le mallus de la centaine reste compétent pour les causes ordinaires, mineures c’est-à-dire pour toutes les autres infractions.

  • &2 : La procédure

A) La coexistence de deux procédures

En droit franc, la même procédure est suivie que ce soit en matière civile ou pénale car le procès a toujours un rôle pacificateur. La procédure suivie devant le mallus est à l’origine exclusivement accusatoire. La procédure inquisitoire réapparait véritablement sous Charlemagne.

  • Le système accusatoire initial

Chez les Francs, pour qu’un procès soit ouvert, un acte d’accusation de la victime ou de sa famille qui précise le nom du coupable est obligatoire. En effet, les peuples germaniques pratiquaient plus facilement la vengeance privée (la faida) ou bien renoncer à se venger en échange d’une composition pécuniaire. La rédaction de la loi salique, sous Clovis, a sans doute eu pour but de rendre le paiement des compositions obligatoire (afin d’éviter la violence). Mais dans les mentalités germaniques, la voie des armes était la plus honorable. Grégoire de Tours rapporte cette formule : « Si je ne venge pas mes parents tués, on ne m’appellera plus homme, mais une faible femme ». La voie de l’indemnisation (composition pécuniaire) n’impliquait pas de pacte judiciaire, les parties ennemies pouvaient s’entendre dans le cadre d’un pacte de paix (ou pacte de concorde). La voie judiciaire était l’ultime recours. Charlemagne a tenté lui aussi de mettre fin à l’enchainement des violences, c’est-à-dire aux guerres privées dans un capitulaire de 802 en interdisant toute violence après un homicide et en imposant l’acceptation de la composition convenable à payer sans retard.

  • Le développement de la procédure inquisitoire

A l’origine, ce système inquisitoire n’est utilisé que devant le tribunal du palais (du roi) puis il a été étendu aux crimes les plus graves et donc aux juges publics. Cette évolution se serait produit en 801 lorsque Charlemagne a édicté un capitulaire applicable à Barcelone qu’il vient de conquérir. Il prévoit que nul homme ne peut être contraint par un juge ou comte si ce n’est dans le cas d’un homicide, du rapt ou d’un incendie. A contrario, cela signifie que le juge public peut, pour ses trois causes majeures, recourir à la procédure inquisitoire. C’est à cette même époque que Charlemagne généralise les missi dominici qui disposaient de l’inquisitio c’est-à-dire du pouvoir de mener des enquêtes et donc de juger certains malfaiteurs et agents publics. Cette procédure reste très mal connue car elle était exceptionnelle et peu formaliste.

B) Le déroulement du procès accusatoire

  • L’introduction du procès

Il débute par l’ajournement qui est l’acte par lequel l’accusateur informe son adversaire qu’il l’attend à une session déterminée du mallus pour régler leurs différends. A l’époque mérovingienne, c’est une citation directe faite personnellement en présence de témoins en prononçant une formule rituelle. On la désigne par le mot «ad mallatio». A partir du 9ème siècle, c’est le président du mallus qui organisera l’ajournement sur demande de l’accusateur. Le jour du procès, les deux parties doivent être physiquement présentes. Aucune représentation n’est autorisée. En cas d’absence, l’accusé était condamné à une amende et ajourné à la prochaine session. Et au bout de trois absences, il était condamné par défaut. Lorsque les deux parties étaient présentes l’accusateur exposait sa requête et demandait au juge de juger selon la loi et l’accusé répondait par une formule symétrique pour avouer ou nier l’infraction. Et en cas d’opposition, le juge demandait à l’accusé de prouver son innocence. C’est une présomption de culpabilité qui pèse sur lui.

  • Les modes de preuves

En droit franc, il existe deux catégories de preuve : certaines sont des preuves rationnelles comme l’écrit, le témoignage, l’aveu et d’autres sont des preuves irrationnelles qui sont de nature religieuse puisqu’elles en appellent au jugement divin et elles sont de deux sortes à savoir le serment et l’ordalie.

  • Les serments

Prêter serment consiste tout simplement à prendre dieu comme témoin de la véracité de ses allégations, de la justesse de sa cause. Prêter un faux serment expose son auteur à la damnation éternelle voire une punition divine immédiate. Les chroniques franques relatent de nombreux cas de parjures foudroyés sur place. De plus, les lois Barbares établissent des peines d’amende pour sanctionner les parjures, peines que Charlemagne a aggravé en prescrivant l’amputation de la main droite pour les parjures et les faux témoins car c’est la main qu’ils avaient posé sur les objets sains en prêtant serment.

Il existe deux types de serment : le serment ordinaire qui est prêté par les témoins qui sont requis par l’accusé, l’accusateur ou le judex et le serment purgatoire qui est prêté par l’accusé (et seulement par lui) pour se disculper. Pour ce serment, il se fait assister par des cojureurs que l’on appelle parfois les fidéjusseurs qui sont choisis parmi les parents et amis et qui, par serment, se portent garants de la sincérité, bonne foi de l’accusé. Mais ce ne sont pas des témoins. Le nombre de ces cojureurs est variable selon la gravité des affaires voire selon les lois applicables. Par exemple, la loi Salique en prévoit 12 ou 25. Cependant, en pratique, dans des affaires d’une exceptionnelle importance, ces seuils pouvaient être largement dépassés. Ainsi, Grégoire de Tours rapporte l’exemple du procès de la Reine Frédégonde, soupçonnée d’adultère par son mari le roi Chilpéric. Elle est venue se disculper par serment en présence de 300 cojureurs choisis parmi l’aristocratie du Royaume et les évêques. Cependant, quel que soit le nombre de cojureurs ou de témoins, un serment pouvait être combattu par un autre serment. Et le juge se trouvait donc en présence de preuves contraires d’égale valeur. Il fallait alors recourir au jugement de Dieu proprement dit c’est-à-dire l’ordalie.

  • Les ordalies

C’est un mode de preuve irrationnel dont on trouve des exemples dans les civilisations anciennes (la Bible, certaines coutumes africaines). Les ordalies sont des épreuves physiques subies par les parties au procès, elles sont destinées à manifester de manière incontestable leur pureté ou impureté grâce à l’intervention divine. Il existe deux catégories d’ordalies : certaines sont unilatérales → elles sont infligées à l’accusé seulement ; d’autres sont bilatérales → elles opposent les deux parties (ou leur champion). La plupart des ordalies mettent en œuvre des éléments purificateurs comme l’eau ou le feu qui doivent révéler si « le patient » a menti ou pas lorsqu’il a prêté serment. C’est un test de pureté qui s’est développé à partir du 8ème siècle, partiellement sous le contrôle de l’église, du fait de la multiplication des parjures. Avant de subir l’épreuve, « le patient » était dévêtu puis habillé de vêtements religieux. L’épreuve se déroulait à l’issue d’une messe où les instruments utilisés étaient bénis.

Il existe 6 types d’ordalies que l’on peut recenser avec dans un premier temps les ordalies unilatérales :

→ L’ordalie de l’eau bouillante: elle consistait à plonger la main du patient dans un chaudron d’eau portée à ébullition pour en retirer une pierre ou un anneau. Sa main était ensuite enfermée dans un sac en cuir par les juges puis ouvert trois jours après. Si la main avait un bel aspect et était en voie de guérison, il était déclaré pur ; mais si la main avait mauvais aspect et était infectée, le patient était déclaré impur et donc parjure.

→ S’en rapproche l’ordalie du fer rouge : Elle consistait à tenir dans sa main un morceau de fer rougi au feu et de poursuivre ainsi comme pour l’ordalie de l’eau bouillante.

→ L’ordalie de l’eau froide : Elle consistait à immerger le patient avec les genoux et les bras repliés et liés contre la poitrine dans un lac, une rivière qui avait été bénie. Si le corps du patient était accueilli par cette eau, il était pur alors que s’il était rejeté par ce corps pur, s’il flottait c’est qu’il était impur.

→ L’ordalie du pain et du fromage : Elle consistait à faire manger du pain et du fromage béni par un prêtre. Si le patient ne pouvait rien avaler ou s’il était malade, il était déclaré impur. S’il finit son repas tranquillement, il est considéré comme pur.

Il existe deux autres ordalies qui sont des ordalies bilatérales:

→ La première est l’ordalie de la croix qui s’est développée notamment sous Charlemagne. Elle mettait en présence les deux parties qui étaient débout, l’une en face de l’autre avec les bras tendus horizontalement, le parjure était celui qui « baissait les bras ». Elle a été interdite par Louis Le Pieux en 819 car elle était contraire au respect dû à la passion du Christ.

→ La dernière est le duel judiciaire qui consiste en un combat singulier entre les deux parties au procès. C’est à la fois un mode de preuve et une sanction car le vaincu est normalement tué. L‘église a toujours refusé de cautionner ce mode de preuve et elle l’a même interdit à plusieurs reprises, établissant que le combattant tué serait considéré comme un suicidé et le vainqueur serait considéré comme un meurtrier. Cependant, le duel fut le mode de preuve par excellence jusqu’au 12ème, 13ème siècle.

Ces modes de preuves irrationnels permettaient d’arriver à une solution. Dès lors, il suffisait au juge de prononcer une sanction.

Section 2 : Infractions et sanctions

  • &1 : Les infractions

La plupart des lois germaniques rédigées intéressent principalement le droit pénal. Ainsi, la loi Salique comporte 340 articles relatifs au droit pénal et 65 sur d’autres matières. 150 de ces articles concernent le vol, 110 concernent les violences contre les personnes. Malgré le nombre de dispositions de droit pénal, les éléments constitutifs des infractions ne sont pas détaillés, si ce n’est à travers quelques circonstances aggravantes liées à la qualité des victimes ou aux dommages subis.

A) Les atteintes aux personnes

  • L’homicide

Il est réprimé qu’il soit commis par un homme libre ou un esclave et que la victime soit un gomme libre ou un esclave. C’est par exemple dans la loi Burgonde au titre 2 et titre 10. La tentative d’homicide est réprimée au titre des blessures par une composition même si aucune blessure n’a été infligée (une flèche empoisonnée ratant sa cible, autrement dit l’infraction manquée par maladresse). Certains cas d’homicide sont spécialement visés par les lois germaniques, c’est le cas de l’empoisonnement et de la noyade.

 

  • Les coups et blessures

Ils sont également répréhensibles et donne lieu en principe au paiement d’une composition pécuniaire qui est versée au prorata du nombre de coups donnés. On le trouve dans la loi Burgonde au titre 5. Elle varie également en fonction des blessures infligées (l’amputation ou la fracture d’un membre, la perte d’une dent). Cela dépend également de la partie du corps où on porte des coups. Est également sanctionné le fait de saisir une personne par les cheveux voire le fait de lui arracher des cheveux ou de la trainer par les cheveux notamment si c’est une femme libre. Le fait d’utiliser une arme comme un glaive, un bâton, un fouet pour tenter de frapper quelqu’un est également punissable.

  • Les agressions sexuelles

Le crime de rapt est plus sévèrement réprimé lorsque la victime est une femme libre que s’il s’agit d’une esclave. Il existe d’ailleurs un mariage par rapt chez les germains, c’est une pratique qui peut être admise par les parents. Les relations sexuelles consenties hors mariage (fornication) d’une fille non mariée donne lieu au paiement d’une composition par le complice et expose la jeune fille à l’infamie si l’homme ne veut pas l’épouser ou si ce complice est d’un statut inférieur. Il existe dans la loi Burgonde des dispositions spécifiques à l’inceste. Enfin, l’adultère est sévèrement réprimé par la loi Burgonde qui prévoit la peine de mort pour les deux coupables alors que la loi Salique ne prévoit que des compositions pécuniaires.

B) Les atteintes aux biens

  • Le vol

Le vol peut porter sur un esclave, on parle à ce moment-là d’embauchage ou d’enlèvement de serviteurs. Le fait de dépouiller un cadavre est également répréhensible, qu’il soit enterré ou pas. La plupart des textes en matière de vol évoquent le vol d’animaux.
Dans la loi Burgonde, on établit une distinction entre le vol de chevaux, juments, bœufs ou vaches qui est passible de la peine de mort et le vol de brebis, moutons, cochons, chèvres (ovins notamment) ou encore de ruches d’abeille qui est passible d’une composition pécuniaire (le triple de la valeur de l’animal) et d’une amende pour les hommes libres mais de la peine de mort pour les esclaves.
La loi Salique est très précise et prévoit des compositions différentes pour chaque type d’animal. Chaque catégorie d’animal fait l’objet d’un titre différent, et il y a des subdivisions au sein de chaque catégorie. On distingue également selon le nombre de bêtes volées. Il y a même un titre particulier consacré au vol d’oiseaux (en distinguant épervier, poule, tourterelles etc). On trouve également le vol d’arbres fruitiers, de ceps de vigne ou de bois de construction. On prévoit également des sanctions contre la famille des voleurs ou contre les complices également. Le vol peut être aggravé par l’usage de la violence, d’une arme ou par une effraction. Il existe aussi des infractions connexes au vol qui peuvent être des actes préparatoires du vol, comme par exemple le vol de clochette pendue au cou d’un cheval ou d’un bœuf ou encore le vol des entraves. Est également incriminé le vol d’usage, on interdit par exemple de monter le cheval d’autrui ou de faire travailler le bœuf d’autrui, utiliser la barque d’autrui etc.

  • L’incendie

Seul l’incendie volontaire est réprimé. Elle est réprimée différemment selon le type de bien visé. C’est le titre 18 de la loi Salique. Quand on parle de biens, il peut s’agir d’une maison d’habitation, une grange, une étable ou même une haie. La peine consistera dans une composition pécuniaire ou une amende.

  • Les dégradations

Elles sont assez diverses : ce sont par exemple les dégradations faites aux champs de culture (blé), faites aux enclos notamment lorsqu’ils sont le fait de troupeaux dont on a la garde. Sont également punis les attaques d’habitation, les dommages causés aux animaux par négligence et les violences volontaires aux animaux trouvés sur son champ.

C) Les atteintes à la puissance publique

Sont réprimées les atteintes à l’autorité royale ou à celles de ses proches comme ses compagnons, les comtes appelés aussi les graphions. Sont également sanctionnées les atteintes à l’autorité des juges comme le refus de comparution ou comme le fait de détacher un homme pendu à un arbre ou une potence sans autorisation du juge, le faux témoignage ou encore la calomnie. La loi Burgonde sanctionne le fait de transiger en matière de vol.

  • &2 : Les sanctions : répression et réparation

A) La composition pécuniaire

Elle représente le prix de la renonciation à la vengeance. Son montant était sans doute au départ librement négocié. Puis la coutume l’a fixé, la loi Salique se présente ainsi comme un tarif des compositions. En outre, cette composition est également une contrepartie du dommage subi, ce que les germains appellent « le prix du sang » parce que le tarif de base est constitué par la composition pour meurtre (le Wergeld). Le montant de cette composition varie ensuite selon le dommage causé, la qualité (race, rang social, sexe, l’âge et la fonction). Cela varie également en fonction des circonstances aggravantes. Ainsi, par exemple, la loi Salique prévoit que le meurtre d’un franc coute deux fois plus cher que le meurtre d’un gallo-romain.
En matière de vol, la loi Salique prévoit, à titre de composition, la restitution du prix de la chose volée ainsi qu’une pénalité que l’on appelle Dilatura → Elle correspond à la période au cours de laquelle la victime a été privée de l’usage du bien (pour la dédommager des frais engagés).
Cette composition devait être payée par le coupable lui-même ou un membre de sa famille. Le droit pénal franc prévoit une solidarité familiale passive et active c’est-à-dire qu’un insolvable transmettait sa dette à son père, ses frères, ses cousins etc. mais si personne ne payait pour lui, au bout de 4 sessions du mallus (à peu près 1an), ce coupable devait « composer de son corps » c’est-à-dire qu’il devenait l’esclave de la victime ou de sa famille ou alors un tiers pouvait payer pour lui (le redemptor) ou enfin il est mis à mort.

B) Les peines

Les droits germaniques connaissent quelques hypothèses de châtiments publics. En droit franc, ces hypothèses étaient assez rares. Mais progressivement, elles se sont répandues. Les compositions pécuniaires recelaient déjà une certaine forme de sanction publique dans la mesure où 1/3 des compositions revenaient au roi, c’est ce que l’on appelait le Friedgeld. En dehors de cette amende, les véritables peines publiques seront les peines capitales infligées pour des actes non rachetables tels que la trahison, la désertion, la lâcheté au combat ou les atteintes à l’autorité du roi. La peine de mort était rarement prononcée contre les hommes libres. Cependant, la législation royale franque a étendu l’application de cette peine par le biais d’un édit, dit édit de Childebert II de 596 et qui rend la peine de mort obligatoire en cas d’homicide volontaire injustifié. Charlemagne et Louis le Pieux ont multiplié les hypothèses de peines de mort et ont également élargi l’éventail des peines. On voit apparaitre notamment l’exil, la confiscation des biens ou encore les mutilations. Ces peines sont généralement afflictives et infamantes, elles portent atteinte à l’honneur. Elles se veulent sévères et dissuasives. On peut par exemple citer un capitulaire datant de 744 qui établit que « à la première fois, le voleur ne mourra pas, mais il perdra un œil ; à la deuxième fois, on lui coupera le nez ; à la troisième faute s’il ne s’est pas racheté, il mourra ». Ce texte sera repris plusieurs fois sous les Carolingiens.

 

 

Chapitre 3 : Les temps féodaux : La domination seigneuriale

Section 1 : L’émergence de la justice seigneuriale

(cf fiche)

Section 2 : Le procès pénal

Il existe deux types de justice qui coexistent :

La première est la justice que les nobles appliquent entre eux car ils considèrent que la vengeance est un droit et même un devoir qui engage la victime et le coupable mais aussi leur famille (lignage) et également tous leurs fidèles (les vassaux). Les litiges dégénèrent souvent en guerre privée. Ainsi, lorsqu’un litige entre nobles est porté devant une cour seigneuriale, elle conserve un rôle arbitral. Le seigneur va tenter de concilier les parties dans le respect du code d’honneur (celui de la chevalerie). Ici, la procédure est accusatoire et les modes de preuve sont ceux de l’époque Carolingienne et notamment le duel.

La deuxième est la justice que les nobles imposent aux paysans. C’est un moyen de contrainte physique et financier. C’est une justice arbitraire. Les peines consistent en des châtiments corporels rachetables par les familles.

Section 3 : La procédure

  • 1 : Les caractères généraux

Cette procédure suivie devant les cours seigneuriales est accusatoire, orale et publique.
Le droit d’accusation appartient à la victime ou un membre de son lignage (sa famille) c’est ce qu’on appelle l’accusation par partie formée. Le juge ne peut pas se saisir d’office. Au cours du procès, les parties sont placées sur un pied d’égalité, elles sont parfois toutes les deux emprisonnées jusqu’au jour du procès. Certaines coutumes prévoient la rétorsion de la peine.

  • L’instruction est donc ici orale et publique c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’enquête, il n’y a pas de secret. Les parties doivent être physiquement présentes car aucune représentation n’est possible. Elles entendent ainsi les témoignages à charge et à décharge et elles peuvent y répondre.
  • En principe, dans ce type de procès, les hommes sont jugés par leurs pairs c’est à dire des juges qui ont le même statut qu’eux. Mais, en pratique seuls les nobles et les clercs (plus tard les bourgeois des villes) bénéficient de ce privilège de juridiction.

 

  • 2 : L’administration des preuves

En principe, la charge de la preuve pèse sur l’accusé, la preuve est établie en cas d’aveu de l’accusé ou s’il garde le silence. Les parties peuvent sinon produire des témoins qui vont déposer publiquement en leur présence. Les modes de preuves irrationnels comme les ordalies sont progressivement abandonné au XIIème et XIIIème siècle. Seul le duel judiciaire subsiste et va même se répandre. En principe, le vaincu au cours d’un duel se verra appliquer la peine de mort.
St Louis a tenté d’interdire le duel par deux ordonnances : la première de 1254 en matière civile n’a posé aucune difficulté car on ne pratiquait pas le duel en matière civile ; la seconde de 1258 en matière criminelle n’a jamais été appliquée car elle s’est heurtée aux mœurs féodales. Deux raisons expliquent cet échec : d’une part le penchant naturel des nobles pour les duels, d’autre part du fait des profits de justice escomptés par le juge (qui pouvait recueillir la monture, les armes, l’armure du vaincu).
Philippe Le Bel (IV) sera obligé de légaliser le duel judiciaire mais seulement pour les crimes de sang dans une ordonnance de 1306 à condition que le crime soit constant (un crime dont on est sûr), qu’il n’y ait pas de témoins, et qu’il existe de graves présomptions contre l’accusé.
Le Parlement de Paris a tenté ensuite de limiter le recours au duel au moyen de la procédure d’enquête créée par St Louis. Mais, en pratique, le duel a reculé lorsque la procédure d’enquête a permis de recourir à la torture.

  • 3 : Les voies de recours

En principe, les décisions des cours seigneuriales sont définitives parce qu’il n’existe pas de hiérarchie entre les cours qui sont juxtaposées les unes à côté des autres. Il existe seulement quelques actions abusivement désignées comme « appel ».

  • L’appel de défaute de droit

Il sanctionne un déni de justice. Il intervient en matière féodale, lorsqu’un seigneur refuse de rendre justice à son vassal, ce dernier peut porter l’affaire devant le seigneur suzerain, le seigneur supérieur.

  • L’appel de faux jugement

C’est une prise à parti, c’est lorsqu’un condamné considère que le juge a rendu un jugement faux et mauvais. Il le provoque en duel devant le seigneur supérieur. C’est une procédure réservée aux nobles.

 

  • L’appel par remise des errements de plaid

C’est au XIIIème siècle que cet appel apparait en Normandie. C’est un appel hiérarchique car il existe en Normandie deux degrés de juridiction. Cet appel ne suppose pas un dol c’est-à-dire une volonté de la part du premier juge de rendre un mauvais jugement mais l’action est toujours dirigée contre le premier juge. En appel, la partie adverse du premier procès est seulement « intimée ».

  • 4 : Les procédures particulières

 

  • La procédure de flagrance (flagrant délit)

C’est lorsqu’une infraction est notoire et à perte (apparent). Le seigneur peut l’instruire d’office ou attendre une accusation, la procédure est alors simplifiée car il n’y a pas besoin d’administrer la preuve de l’infraction. Un coupable pris en flagrant délit ou poursuivi par la clameur publique peut être jugé sans accusateur.

  • La procédure de l’aprise

Cette procédure intervient lorsqu’une personne est désignée comme coupable par un dénonciateur, par la rumeur publique ou la victime avant de mourir. Il n’existe donc pas d’accusateur dans cette procédure. Dans ces hypothèses, le seigneur peut se saisir du suspect, l’interroger puis inviter d’éventuels accusateurs à se présenter en publiant à plusieurs reprises qu’un individu a été arrêté et qu’il a été soupçonné d’un crime précis. Si aucun accusateur ne se présente dans un délai coutumier (1 an et 1 jour), le juge peut seulement bannir le suspect. Mais le juge peut contourner cette règle en faisant comparaitre de nombreux témoins affirmant que le suspect est coupable car l’infraction devient alors notoire et le procès peut se dérouler comme pour le flagrant délit. Sinon, le juge peut demander au suspect s‘il accepte d’être jugé sans accusateur grâce à l’enquête de pays.

  • L’enquête de pays

Un suspect peut accepter d’être jugé en suivant l’enquête de pays c’est-à-dire sans accusateur en recueillant des témoignages sur lui et sur l’infraction. On dit que le suspect « se met en l’enquête ». Les personnes interrogées donnent juste leur opinion sur l’individu, sur sa réputation, culpabilité éventuelle. Les suspects acceptaient ce genre de procédure lorsqu’ils étaient sûrs d’échapper à une condamnation mais surtout pour échapper aux mauvaises conditions de détention. Cette procédure va avoir des effets très tardifs car elle doit être acceptée par le suspect.

  • La procédure de contumace

Au moyen âge, le jugement rendu par contumace, lorsque le condamné est absent du procès, n’est pas destiné à infliger une peine à un individu absent du procès pour des faits qu’il aurait commis mais seulement à le déclarer hors la loi. Le contumax est seulement déclaré for banni (mis hors la loi, hors du ban). Il est interdit de lui donner asile dans une maison de la seigneurie, de lui donner à boire, à manger et en principe, ses biens sont saisis. Un for banni peut seulement espérer obtenir du roi ou du seigneur des lettres de rappel de ban, qui peuvent lui accorder un pardon complet ou seulement lui ouvrir le droit de subir un procès pour purger la contumace.

 

Partie 2 : Du moyen âge à la Révolution française

Introduction : les réactions face à l’injustice féodale

Au cours du XIIème siècle, le droit pénal se renouvèle notamment grâce à la renaissance du droit romain mais pas seulement car plusieurs phénomènes se produisent, qui sont pour l’essentiel des réactions face à l’injustice féodale ou seigneuriale. Ainsi, on constate que l’Eglise construit une justice plus rationnelle, une justice orientée vers la pacification de la société comme l’ensemble des institutions chrétiennes telles que la chevalerie, la paix de Dieu etc. La justice d’Eglise est plus rationnelle. Se produit un autre phénomène à savoir le phénomène urbain qui va permettre d’attribuer des garanties judiciaires aux bourgeois, quelle que soit l’organisation de la ville ou le statut de chaque ville. Enfin, un troisième phénomène se produit à savoir la restauration d’une véritable justice pénale publique par la monarchie.

Chapitre 1 : La mutation médiévale

Section 1 : La procédure

  • &1 : L’exemple donné par la justice d’Eglise (procédure canonique)

L’Eglise exerce plusieurs justices et sa justice spirituelle englobe ce que l’on appelle le for interne et le for externe. Le for interne a pour matière le péché qui conduit le chrétien devant un prêtre pour recevoir le sacrement de pénitence. La juridiction for externe suscite quant à elle des difficultés de délimitation de compétences avec les justices laïques, séculières car il existe des matières mixtes ou des questions mixtes revendiquées par les deux justices. En cas de conflit de compétence, les parties optent le plus souvent pour la justice d’Eglise car à l’époque, elle bénéficie d’une grande autorité. Elle possède un droit écrit, complet et sûr. Les juges d’Eglise sont mieux formés, les juridictions d’Eglise sont bien organisées, l’appel hiérarchique est possible, la procédure est rationnelle et les sanctions sont plus « correctionnelles » que les peines laïques. En principe, le juge ordinaire est l’évêque mais en pratique, il recourt à un auxiliaire spécialisé que l’on appelle l’official.

A) La compétence des cours d’Eglise

Cette compétence est soit exclusive soit concurrente avec les juridictions séculières. Lorsqu’elle est exclusive, seule la cour d’Eglise (l’officialité) peut être saisie. Lorsqu’elle est concurrente, les deux types de juridiction peuvent être saisis. Mais les tribunaux d’Eglise sont compétents au regard de deux critères : soit au regard de la qualité de la personne poursuivie, soit au regard de l’objet du procès.

  • La compétence ratione personae

Les Cours d’Eglise ont donc une compétence :

Concurrente pour les procès qui concernent ce que l’on appelle les miserabiles personae (ce sont les veuves, les orphelins, les pauvres, les croisés et pour les écoliers).

Exclusivepour les clercs, ils sont titulaires du privilège du for. Un clerc poursuivi par un juge laïc peut demander à être rendu à son évêque. Si ce juge refuse de le rendre, l’évêque interviendra directement. En cas de doute sur le statut clérical, seul le juge d’Eglise est compétent. Ce privilège ne vaut que pour le clerc défendeur et le clerc ne peut y renoncer car c’est un moyen d’assurer la discipline au sein de l’Eglise.

  • La compétence ratione materiae

En matière criminelle, c’est une compétence :

Exclusive pour les crimes contre la foi tels que l’hérésie, la sorcellerie, la simonie, les crimes commis dans les lieux sacrés (église ou cimetière) ou encore les infractions à la trêve de Dieu.

Concurrente pour les autres affaires criminelles qui touchent à la religion comme le sacrilège, le blasphème, l’adultère ou encore l’usure. Il existe des cas de collaboration entre les deux justices. L’Eglise en appelle à la justice séculière parce qu’elle ne peut pas prononcer de peine de sang. De son côté, le juge laïc ne peut faire arrêter certaines personnes réfugiées dans des lieux d’asile (Eglises, cimetières, monastères et même les universités). Pour les délinquants en fuite, il demandait au juge d’église une excommunication.

  • Les limites royales

La royauté a tenté de limiter l’influence des Cours d’Eglise :

– Dans une ordonnance de 1204, elle a donné aux veuves de recourir au Roi.
– En 1215, elle a suspendu de manière provisoire le privilège des croisés en matière criminelle.
– Elle a donné la possibilité aux juges laïcs d’arrêter et de juger un clerc pris en flagrant délit.

En parallèle, la royauté a empêché le développement de la justice d’Eglise en matière féodale et en matière contractuelle.

 

B) Le procès

  • 1) La procédure accusatoire initiale

Elle s’inspire de la procédure ordinaire romaine ou de la procédure germanique. On la qualifie à l’époque de procédure romano-canonique.

  • L’introduction du procès

Selon le droit commun, un accusateur est nécessaire. Il doit apporter la preuve du crime et s’expose à la rétorsion de la peine. Mais il existe quelques cas où un accusateur n’est pas nécessaire, exigé :

Le premier est bien évidemment en cas de flagrant délit, lorsque le crime est notoire ou manifeste c’est-à-dire que le peuple le tient pour certain. Dans ce cas, le juge peut se saisir d’office sans avoir à faire la preuve du crime évident.

Puis, aucun accusateur n’est nécessaire en cas de dénonciation dont il existe plusieurs variantes : il existe une dénonciation évangélique qui ne relève pas du droit pénal, c’est celle que fait un chrétien à la communauté religieuse d’une faute grave commise par l’un de ses membres et qui refuse de se repentir. C’est donc un acte de charité car l’objectif est de lui imposer une pénitence et permettre donc son amendement et lui permettre d’accéder à son salut ; Il existe également une dénonciation judiciaire qui est destinée à infliger une peine au coupable. Elle peut être publique c’est-à-dire faite par un dignitaire religieux, ce qui oblige le juge d’Eglise à poursuivre ; elle peut aussi être privée faite par un particulier dont les intérêts ont été lésés par un délit privée (vol, injures verbales). Le juge conserve la liberté de pouvoir engager ou non des poursuites.

  • Le déroulement du procès

Lorsque le juge est saisi par un particulier, une victime ou sa famille, au moyen d’un libellé écrit, il garde un rôle passif c’est-à-dire qu’il cite les parties devant son tribunal et les invite à administrer leurs preuves. Les preuves reçues sont l’aveu, le serment, le témoignage et l’écrit.

  • L’issue du procès

Les peines qui peuvent être prononcées tendent au repentir du pêcheur. Elles sont là pour le corriger, l’amender, le racheter. Cependant, si le condamné refuse de faire pénitence publique, il est excommunié c’est-à-dire rejeté de la communauté chrétienne. Cette excommunication n’est pas une peine en soi, c’est un moyen de pression. L’excommunié a un délai d’un an pour se faire absoudre, sinon il subit ce que l’on appelle « l’aggrave » qui consiste en différentes incapacités (impossibilité de témoigner en justice etc) et aussi la possibilité pour le juge de saisir ses biens. Si l’excommunié s’entête, il subira « la réaggrave » c’est-à-dire qu’il va être privé de tous ses droits civils et canoniques. En pratique, les pénitences sont tombées en désuétude et l’excommunication a perdu de son efficacité. Les juges d’Eglise ont donc préféré infliger des amendes, prononcer des pèlerinages voire condamner parfois à l’emprisonnement mais sans jamais prononcer de peine de sang.

  • 2) La procédure inquisitoire nouvelle

C’est une enquête menée par le juge, contradictoirement avec le suspect, au terme de laquelle il va rendre une sentence. Cette procédure a été mise en place par le pape Innocent III pour pouvoir réprimer plus efficacement les délits commis par les clercs. Cette procédure a progressivement pris forme à travers différentes décrétales entre 1198 et 1213. Elle est consacrée par un texte du Concile de Latran de 1215. Cette procédure est venue s’ajouter aux anciennes formes procédurales.

  • Le déclenchement des poursuites

Le juge peut se saisir d’office et faire arrêter un suspect sans accusateur ni dénonciateur en cas de diffamatio c’est-à-dire lorsque l’opinion publique attribue un crime grave à une personne déterminée. Un crime grave est constitué par la simonie, l’adultère, le concubinage notoire un prêtre, l’inceste, le parjure ou encore l’hérésie. Un juge doit mener une enquête préparatoire lorsqu’un crime est certain mais qu’aucun accusateur ne se présente, par exemple lorsqu’on découvre le cadavre d’un homicidé dans un lieu sain sans aucun indice quant à son meurtrier. Les éléments découverts lors de cette enquête doivent permettre d’ouvrir une nouvelle enquête (inquisitio specialis) contre un individu déterminé. A ce moment-là, le juge invite d’éventuels accusateurs à se manifester pour administrer la preuve. A défaut d’accusateur, le juge pourra proposer au suspect de se disculper en prêtant serment (purgation canonique) qu’il est innocent ou bien il peut procéder à l’instruction.

  • L’instruction de la sentence

Le suspect est cité à comparaitre et au besoin incarcéré après avoir été informé des délits qui lui sont reprochés. Les témoins à charge vont déposer en sa présence. Il produit également ses témoins et ses éventuels « faits justificatifs ». Le juge va lui-même susciter des témoignages, ordonner des expertises et des transports sur les lieux. Au terme de cette instruction, si le juge n’est pas convaincu de la culpabilité du suspect, sa sentence absout le suspect. Mais en cas de condamnation, le coupable ne doit pas subir la peine prévue par les textes qui sont prévues pour la procédure accusatoire, mais une peine plus douce qui sera arbitrée par le juge en fonction des circonstances. Cette peine modérée est en fait considérée comme médicinale. Il n’y a que pour les cas de simonie et d’homicide que les juges ne doivent faire preuve d’aucune mansuétude.

 

  • 3) L’inquisition
    • Le principe de l’inquisition

Du 13ème au 15ème siècle, les papes ont utilisés la procédure inquisitoire pour lutter contre un phénomène d’ampleur à savoir l’hérésie albigeoise ou l’hérésie des Cathares. Le terme d’inquisition a alors servi à désigner les juridictions spécialement chargées de protéger la foi chrétienne.
Cette dénomination d’inquisition a servi encore deux fois :
→ La première fois en Espagne avec l’inquisition espagnole créée par les rois catholiques en 1478 pour poursuivre les juifs et les musulmans relaps (récidivistes c’est-à-dire retombés dans l’Islam ou le judaïsme après s’être officiellement convertis). La Reconquista qui s’est achevée avec l’expulsion des juifs et musulmans d’Espagne en 1492. Mais, en réalité l’inquisition a véritablement disparu en 1820.
→ La deuxième fois, pour le protestantisme a été établi la suprême congrégation de l’inquisition établie en 1542 pour lutter contre le protestantisme.

  • Les droits du suspect

Ces droits du suspect ont été progressivement réduits par rapport à la procédure inquisitoire classique. Ainsi, le suspect au cours du procès ignore le nom des témoins à charge. Peuvent témoigner contre lui-même des personnes excommuniées (rejetées de la communauté religieuse). Il n’a pas d’avocat et peut être soumis à la question (la torture) à cause de la gravité du péril que constitue l’hérésie. Dans un premier temps, ce sont des laïques qui ont « donné la question » sur demande des inquisiteurs puis ce sont les inquisiteurs eux-mêmes qui tortureront. En principe, la torture n’intervient qu’à titre subsidiaire et il doit exister des indices graves contre le suspect ou il doit avoir vacillé dans ses réponses. L’aveu extorqué doit être ensuite réitéré, une fois le suspect retiré du tourment. Comme en droit romain, cette torture ne devait pas mettre la vie du patient en danger ou risquer de lui porter une atteinte définitive physiquement.

  • Le déroulement du procès

Le tribunal d’inquisition était composé par un juge inquisiteur assisté d’un jury de 25 à 51 personnes. La procédure commence par ce que l’on appelle un temps de grâce c’est-à-dire à peu près un mois au cours duquel l’inquisiteur assisté de son jury fait une tournée en tenant des assises dans chaque communauté au cours desquelles il prêche contre l’hérésie. Les hérétiques sont invités à venir se repentir pour obtenir leur pardon. Au terme de ce temps de grâce, les poursuites débutent car les chrétiens sont invités à dénoncer les hérétiques. Tous ceux qui sont dénoncés par les chrétiens ou la rumeur, sont cités à comparaitre devant le tribunal qui cherche à obtenir leur aveu. En cas de déni, le juge peut utiliser des moyens de pression, la vexatio (prison, le jeûne forcé voire la question). Une fois cette instruction achevée, une sentence sera prononcée au cours d’une véritable cérémonie officielle que l’on appelle « l’acte de foi », à laquelle tous les fidèles sont tenus d’assister. Les hérétiques portent des robes d’infamie rouges et jaunes. Les absolutions étaient nombreuses et les peines qui étaient prononcées étaient en général très légères. Ils étaient condamnés à des prières, des pèlerinages, parfois des amendes ou encore le port de vêtement d’infamie. Pour les cas les plus graves étaient prévues des peines de prison, que l’on appelle la peine du mur dont il existe trois variantes :

– Le murus largus: C’est un emprisonnement en commun dont le condamné est parfois dispensé la journée pour aller travailler.
– Le murus strictus: L’emprisonnement cellulaire classique.
– Le murus Stricticimus: C’était la réclusion dans l’obscurité et entravée par les fers.

Sont aussi prononcées des flagellations à titre accessoire. La peine de mort quant à elle, est plutôt rare voire exceptionnelle. Seuls les hérétiques relaps risquent la peine du bûcher. Les relaps sont ceux qui sont retombés dans l’hérésie après l’avoir abjuré (les récidivistes). Les corps des hérétiques morts dans l’hérésie pouvaient être exhumés et jetés sur la voirie. Cette sentence était irrévocable car l’appel au pape n’était possible qu’avant la fin du procès.

  • &2 : Les progrès réalisés du XIIIème au XVème siècle

A) Les aspects inquisitoires introduits aux XIIIème et XIVème siècles

1) L’enquête de St Louis

  • Le principe

Saint Louis a officiellement prohibé le duel en matière pénale dans une ordonnance de 1258 alors que c’était le mode de preuve le plus répandu. Il souhaitait remplacer « la procédure par bataille » par une procédure d’enquête imitant la procédure suivie devant les Cours d’église. Cette enquête de Saint Louis était une procédure d’office, (le juge peut donc se saisir lui-même) reposant sur l’audition des témoins et pouvait conduire à une condamnation sur la seule foi des témoignages, sans que cette procédure ait été acceptée par le suspect. Saint Louis a fixé la forme des témoignages et du procès. En principe, au cours de ce procès, c’était les parties qui devaient désigner des témoins qui prêtaient serment en présence des parties qui pouvaient leur adresser des reproches. Les reproches dont il s’agit sont des reproches personnels. Ces témoins ne vont pas comparaitre en pleine audience, ils vont déposer séparément, en l’absence des parties et en général devant des enquêteurs désignés par le juge. Les dépositions sont enregistrées par écrit et on procède ensuite à la publication des témoignages, c’est-à-dire qu’ils sont transmis, communiqués aux parties. Un débat contradictoire peut alors avoir lieu entre les parties et leurs représentants. Le jugement sera rendu à terme en audience publique.

 

  • La pratique

Cette procédure n’a pas été appliquée en matière criminelle jusqu’au XIVème siècle. Les juges ont continué à utiliser la procédure de duel. On proposait seulement aux personnes jugées de se soumettre à une information, « de se coucher en l’enquête », c’est-à-dire accepter la procédure sans accusateur. Mêmes les juges royaux et les Parlements de Paris ont continué à pratiquer la torture, concurremment avec l’enquête de Saint Louis.

2) Les caractères inquisitoires nouveaux

  • La dénonciation

Elle permet de signaler des faits délictueux à l’autorité judiciaire ou publique et d’abandonner ensuite le soin de la poursuite au juge ou à l’autorité publique (aux Seigneurs). Elle sera facilitée et va se développer parce qu’apparait le ministère public. Elle s’est également développée du fait de la crainte du duel judiciaire et de l’emprisonnement.

  • L’institution du ministère public

La première ordonnance royale qui évoque « les gens du roi » date de 1302. Auparavant, au XIIIème siècle, on sait qu’il existe des auxiliaires de justice, des procureurs qui représentent les parties, sauf pour le lancement des poursuites criminelles. C’est par exception que le Roi et les seigneurs peuvent « demander par procureur » (lancer des poursuites par l’intermédiaire d’un avocat ou d’un procureur). Les avocats, procureurs seigneuriaux ou royaux sont spécialisés dans la défense des droits des seigneurs ou du Roi et surtout ils assurent le recouvrement des amendes et des profits de justice. Puis, ils ont été chargés de dénoncer les crimes pour provoquer une saisine d’office du juge. Leurs prérogatives ont évolué en fonction des besoins de la justice. Au milieu du XIVème siècle, l’institution est bien établie. Ils dénoncent tous les crimes et délits et interviennent dans tous les procès comme partie principale ou partie jointe. En tant que partie jointe, ils veillent alors au bon déroulement du procès. Ils sont devenus des « fonctionnaires » lorsque leurs missions sont devenues nombreuses et permanentes.
Ce ministère public reste cependant dans une position secondaire parce qu’il est contrôlé par le juge dans ses actions et parce qu’il est concurrencé par le juge lorsqu’il s’agit de lancer des poursuites (« Tout juge est procureur général ») ainsi que par les dénonciateurs privés ou les accusateurs.

  • Le recours à la torture

La torture a été introduite dans le droit pénal pour rendre la répression plus efficace, notamment en l’absence d’accusateurs car pendant longtemps, le refus du suspect de subir l’enquête a paralysé la justice. Aussi, au XIIIème siècle, pour obtenir un aveu, les juges ont utilisé la contrainte physique. Au XIVème siècle, l’enquête ne sera plus proposée, elle commencera à être imposée et intègrera la torture. Les interventions royales qui ont pour but de limiter le recours à la torture se multiplient à partir du XIIIème siècle. Une ordonnance de 1254 défend de soumettre à la torture des personnes honnêtes, de bonne renommée, sur la déposition d’un seul témoin.
Cette torture va se généraliser au XIVème siècle, en même temps que la procédure inquisitoire. Au Châtelet à Paris, elle est quasi automatique au XIVème siècle et indéfiniment réitérée.

B) La fixation de la procédure aux XIVème et XVème siècles

1) La saisine du juge

De manière générale, il y a quatre types de saisine du juge pénal :

 L’accusation de partie formée : Elle demeure parce que lorsque le juge est saisi par un accusateur, il est obligé de poursuivre l’accusé. Elle tombera en désuétude au cours du 16ème siècle parce qu’une autre technique se répand, à savoir la dénonciation.

 La dénonciation ou complainte : Elle ne peut émaner que de la victime ou d’un proche qui va mentionner les témoins. Ici, le juge n’est pas obligé de poursuivre car il doit vérifier le crédit à accorder à la plainte, dénonciation. En principe, elle doit être réitérée au moment du procès en audience publique.

 La saisine d’office : Le juge peut se saisir d’office en cas de flagrant délit, elle permet au juge d’infliger une peine sans information préalable.

 La saisine par commune renommée ou prise par soupçon : Elle est assez fréquente. C’est par exemple le cas lorsque des sergents royaux arrêtent un individu suspect au regard de sa conduite ou de la situation dans laquelle il se trouve.

2) L’instruction de la sentence

En principe, les captures et les emprisonnements ont lieu après une information qui porte sur deux choses : la première porte sur l’avis, la renommée et l’état du suspect ; la deuxième porte sur les circonstances et dépendances du fait et accusation. Le juge procède ou fait procéder à une information secrète, aux vues de laquelle il va ensuite adopter un décret de prise de corps. Dès lors, deux voies s’ouvrent à lui : la voie ordinaire et la voie extraordinaire.

  • a) La procédure ordinaire

C’est tout simplement la procédure civile, c’est-à-dire l’enquête, c’est une audience publique où chacune des parties produit ses preuves, fournit la liste des témoins etc. Cette procédure est suivie en matière pénale dans deux types d’hypothèses :

La première situation concerne les infractions légères c’est-à-dire celles qui n’emportent pas de peines afflictives, notamment lorsque la vie de la victime est sauve. Le procès est donc plaidé civilement, même si l’auteur du procès est condamné à une amende. C’est ce que l’on appelle une « civilisation du procès ».

La deuxième situation concerne le cas où en cas d’accusation, deux parties formées ou de poursuite d’office, le suspect se soumet volontairement à l’enquête, ce qui est impossible lorsque le crime est grave.

  • b) La procédure extraordinaire
    • L’introduction du secret

A l’origine, les témoignages n’étaient pas secrets, ils devaient être publiés. Le secret s’est introduit dans la procédure laïque après s’être introduit dans la procédure canonique. Au début du XVème siècle, le secret apparait. Désormais, le suspect ne connait plus que le nom des témoins et pas le contenu des dépositions. L’enquête lui est totalement dissimulée. Finalement, comme l’information et l’enquête sont toutes deux secrètes, la distinction entre les deux disparait. Tous les actes sont secrets, l’enquête est en fait absorbée par l’information.
Cette fusion entraine deux usages nouveaux :

– Le premier est le récolement des témoins, il consiste pour le juge à entendre des témoins qui ont déjà déposé au cours de l’information. Il intervient parce que l’information est menée par des enquêteurs et que le témoin ne comparait plus à l’audience et le juge veut et doit l’entendre. Il va donc le faire déposer à nouveau.

– Le deuxième est la confrontation qui résulte du fait que le suspect ne reçoit plus de copies des témoignages et qu’il faut le confronter aux témoins, qui ne déposent pas en audience, pour qu’il adresse ses reproches.

  • Le recours à la torture

Presque aucun suspect n’échappe à la torture, pour obtenir son aveu, la confession d’éventuels autres crimes et la dénonciation des complices. Le juge la justifie par des variations, des hésitations ou encore par la condition sociale ou la renommée. Elle est réitérée jusqu’à cinq fois au XVème siècle. L’aveu extorqué doit être réitéré. A défaut d’aveu, l’accusation peut se trouver purgée. Le juge ne pourra alors que bannir le suspect.

3) L’appel

Les jurisconsultes du Moyen Age affirment que l’on ne peut fausser les sentences capitales dans le cadre d’une poursuite d’office ou d’une aprise car ce ne serait finalement qu’une mesure dilatoire. L’avocat Jean Lecoq explique que l’appel n’est pas reçu en matière criminelle dans les procès extraordinaires. C’est une doctrine conforme à la jurisprudence. Philippe IV va dans une ordonnance de 1286, autoriser les appels en matière criminelle pour les sentences de condamnation ou d’acquittement, sauf lorsque le coupable a été condamné sur son aveu ou lorsqu’il a été pris en flagrant délit. Or, une condamnation ne peut intervenir qu’en cas d’aveu voire d’aveu extorqué, ce qui interdit l’appel contre les sentences de condamnation. L’appel hiérarchique est réapparu dans la pratique judiciaire, d’abord dans les pays de droit écrit puis dans les pays de coutume, sous l’influence du droit Romain et de la pratique canonique. Finalement, c’est au XVème siècle que le Parlement de Paris devient juge d’appel des sentences définitives de condamnation, ce que confirmera l’ordonnance Montils-lès-Tours en 1453.

Section 2 : Les Infractions et les peines

  • &1 : Les Infractions

A) Le vocabulaire

Le mot « crime » est apparu au 12ème siècle. Il s’écrit alors « crimne » qui est un héritage du latin « crimen ». Il ne désigne pas au départ l’infraction mais l’accusation, le grief. Ainsi, par exemple le « crimen adulteri » est l’accusation d’adultère.
Le sens du mot va ensuite évoluer pour désigner la faute, le manquement à la loi, une infraction punie d’une peine afflictive ou infamante. Cette évolution est consacrée par les ordonnances royales du 14ème siècle qui évoquent par exemple les crimes et excès, les crimes capitaux également. On utilisait jusque-là d’autres termes pour désigner les infractions comme le terme de forfait qui vient du latin « foris factum » qui relevait du vocabulaire féodal. Cela désignait en fait la trahison du vassal envers son seigneur. On utilise également d’autres termes comme méfait, maléfice, malfaçon qui ont une connotation morale ou religieuse. On utilise encore des expressions comme « vilain œuvre ». On emploie encore les mots délit, excès ou injure pour désigner les infractions. En fait, il n’y a aucune rigueur dans l’utilisation de ce vocabulaire mais le terme de crime permet de distinguer entre les causes qui relèvent de la haute justice criminelle (justice du sang) et les infractions qui relèvent de la Basse justice criminelle ou civile. Les traités criminels réservent le terme de « crime » aux grandes causes (les causes majeures) et parmi lesquelles figurent les ravissements de femme (rapt), les meurtres, les bouteurs de feux (incendiaires), les espieurs de chemin, les faux monnayeurs. Les textes littéraires et religieux classent les crimes parmi les horribles cas, les péchés mortels : on y trouve le vol, l’homicide, le sacrilège, les incendies, péchés contre nature (homosexualité, zoophilie, sodomie), la défloration de femmes vierges, le concubinage avec des personnes du clergé, les incestes, les coups portés contre les parents mais également la négligence des parents qui perdent leurs enfants, le sortilège, le parjure, la simonie, l’adultère, l’hérésie, l’apostasie (renier sa religion) ou encore les grands blasphèmes.

B) Les critères de gravité

  • La préméditation

Cela permet de distinguer entre les différentes actions qui entrainent la mort et donc de les qualifier soit d’homicide volontaire, de meurtre de guet-apens (assassinat aujourd’hui) ou de simple homicide voire l’homicide accidentel. Dans ce dernier cas, les coutumes prévoient un adoucissement de la peine qui consiste en des amendes ou des compositions pécuniaires. Le principe de classement des crimes de violences réside davantage dans les motivations de l’acte que dans le résultat obtenu. La préméditation reste le critère essentiel pour évaluer la gravité d’un acte criminel. Les crimes qui se caractérisent par la préméditation (comme le vol, le viol, la fausse monnaie) figurent parmi les crimes de Haute justice.

  • L’acharnement et l’excès

En matière de violences, c’est la quantité de sang versé qui permet de classer l’infraction, soit parmi les crimes soit parmi les simples délits. C’est pour cela que les procédures évoquent la quantité de sang versé avec plus ou moins de précision. En général, on utilise les formules « petite », « moyenne » ou « grosse » effusion de sang. Cela permet d’évaluer les dommages subis mais aussi de cerner davantage la personnalité de l’agresseur qui aura révélé, par son acte de violence, sa nature plus ou moins perverse, son acharnement dans le mal. Ce critère de la gravité sert aussi en matière d’injure verbale, également en matière de blasphème. En matière de vol, on distingue également le furtum (le vol furtif) et la rapine (vol commis publiquement et avec violence dont fait partie le vol avec effraction).

  • L’irrévérence

Ce critère consiste dans l’appréciation du crime au regard de ce qu’il révèle : un irrespect pour la hiérarchie notamment sociale et de ce que l’infraction constitue, à savoir un scandale (le mauvais exemple qu’on donne). Ainsi, par exemple, au sein de la famille, la soumission requise de la part des domestiques, des valets, servantes, épouses et enfants envers le chef de famille, justifie le droit de correction du chef de famille, ce qui constitue également des injures réelles (atteintes physiques). On exige la même soumission de la part des administrés et des sujets envers les autorités publiques. Certaines infractions sont ainsi considérées comme des actes de rébellion contre les autorités municipales ou contre le Roi et peuvent prendre une dimension politique, jusqu’à atteindre le crime de lèse-majesté. Des paroles, critiques prononcées sous le coup de la colère peuvent être considérées comme des actes de sédition (trouble à l’ordre public), comme des remises en cause de l’ordre établi (politico-religieux), ce qui permet de les qualifier de crime de lèse-majesté, de blasphème et de les sanctionner durement.

  • Le dommage causé

Au cours des enquêtes, on s’intéresse à l’âge, à la condition sociale et au statut de la victime ainsi qu’à l’ensemble des dommages qu’elle a subi. Cela permet de sanctionner plus sévèrement les coups portés à un enfant, une femme enceinte, un vieillard, un noble, un clerc. Le patrimoine de la victime de même que l’écart social entre le délinquant et la victime sont également pris en compte. L’exercice d’une fonction, la détention d’un titre qui symbolise l’autorité locale donnent une dimension politique aux infractions.

Le crime de lèse-majesté regroupe à lui tout seul tous les critères de gravité. Cependant, sa gravité est telle qu’il constitue une infraction particulière, un cas à part, on ne cherche pas à démontrer que tous ces critères sont remplis. Le simple fait de s’en prendre à l’autorité royale est suffisant pour appliquer la peine capitale, quelles que soit les motivations de l’acte.

  • &2 : Les Peines

A) Les peines pécuniaires

Pour les crimes les plus graves, les amendes sont assez rares. Les amendes servent surtout à compenser les atteintes à l’honneur en cas d’injure par exemple. En général, elles s’ajoutent à une autre peine, qui peut être une peine physique telle que l’exposition ou des peines de mutilations avec lesquelles elles se combinent. Elles interviennent également pour compenser les agressions physiques c’est-à-dire, qu’elles servent de composition pécuniaire et certaines chartes urbaines comportent des tarifs d’amende pour les agressions sans effusion de sang mais les juges ont finalement une grande liberté d’appréciation pour fixer l’amende, ils ont ce que l’on appelle un arbitraire qui leur permet de réduire le montant de l’amende. Les tarifs ne sont donc que des plafonds. Les juges tiennent compte notamment des facultés financières du coupable pour fixer cette amende.

B) La prison

Elle ne constitue que très rarement une peine, notamment parce qu’elle coûte cher. Elle se pratique en général lorsque le condamné est insolvable, avec l’idée qu’un tiers pourra payer pour lui. Le plus souvent, la prison est préventive et destinée à s’assurer de la comparution du délinquant, notamment lorsque c’est un étranger qui ne présente aucune garantie de solvabilité ou de stabilité. La prison est un ultime recours, elle oblige le détenu à pourvoir à son entretien. Il doit rembourser le joliet des frais de son séjour et payer ce que l’on appelle le droit d’écrou. Le tarif de cet entretien et de ce droit varie en fonction du statut social, ce qui révèle que le régime carcéral varie en fonction du statut social, ce qui incite les personnes poursuivies à payer une amende ou à fournir une caution pour échapper à la prison. Les condamnations à la prison sont donc rares, elles sont le plus souvent l’œuvre des juridictions d’église qui prononcent parfois la prison perpétuelle ou des peines de très longue durée pour des clercs criminels.

C) Les peines d’infamie

  1. L’amende honorable

L’amende honorable est la formulation publique de la culpabilité. Le condamné reconnait face à la foule qu’il a mal agi, au cours d’un cérémonial humiliant. Il se soumet donc à la justice des hommes et à celle de Dieu. En principe, il est tête nue, en chemise blanche, sans ceinture, tient un cierge ou une torche ardente dans la main et parfois, il a la corde au cou. Il fait alors le tour accoutumé dans la ville et s’arrête devant l’église, devant le siège de la juridiction, le siège de l’autorité municipale et parfois sur les lieux de commission de l’infraction pour, à chaque fois, avouer sa faute et demander pardon pour celle-ci. Il doit se repentir, manifester ses regrets, demander pardon à Dieu, aux hommes et plus particulièrement à ses victimes. Cette peine est généralement une simple modalité, un préalable à une peine plus grave tel qu’un bannissement ou une peine corporelle qui peut aller jusqu’à la peine de mort.

  1. La perte de la réputation

Il existe une gradation des peines. Les plus légères exposent le criminel à l’humiliation publique à la vindicte de la foule mais elles ménagent l’avis et l’intégrité corporelle du condamné. La punition est une souffrance morale uniquement. D’autres peines touchant à l’honneur s’accompagnent parfois de supplices ou de mutilations. Enfin, certaines sont destinées à empêcher tout sentiment de pitié à l‘égard du criminel. Elles s’appliquent soit du vivant du condamné soit à sa dépouille. Ces peines sont nombreuses parce que la « fama » est essentielle au Moyen âge car elle ancre un individu dans le tissu social, elle conditionne sa crédibilité dans tous ses actes. Une personne mal famée, un infâme a donc perdu sa réputation et son crédit. L’infamie rend publics les vices secrets d’une personne.

  • L’exposition

Elle se pratique au Moyen âge soit au pilori soit sur une échelle. L’échelle était un instrument soit en forme d’échelle soit en forme d’escalier qui permet de placer le criminel en hauteur. Parfois, elle est placée au pied d’un gibet, d’une potence. L’exposition est utilisée pour les faux serments, les tromperies, les mal façons. En principe, l’exposition peut durer plusieurs heures voire plusieurs jours. On expose également les voleurs, les femmes de mauvaise vie (prostituées), parfois les mégères (problème de voisinage). Ainsi, les exposés sont livrés au peuple.
L’exposition est en fait une distraction pour la population qui peut jeter des ordures ou de la boue.

  • La publication du crime

Les sergents publient le crime grâce à des panneaux qui sont cloués sur le pilori ou à des écriteaux suspendus au cou des condamnés, grâce également à un mitre d’infamie (chapeau pointu en papier sur lequel le crime est décrit avec des mots ou des dessins). Sinon ce sont les crieurs publics qui viennent raconter le crime. Cette publication se déroule en principe en même temps que les peines physiques comme les flagellations. La non-publication est considérée comme un adoucissement de la peine (pas d’humiliation publique).

  • La charrette d’infamie

C’est le moyen de transport utilisé pour conduire un condamné du tribunal ou de la prison jusqu’au lieu de l’exécution, c’est une charrette sale qui sert habituellement à ramasser les mendiants et les vagabonds ou encore les ordures, la boue, elle sert à nettoyer la ville. Quand le condamné est d’une condition sociale élevée, on lui laisse ses vêtements propres et clairs pour bien marquer le contraste avec la charrette et donc sa déchéance. Il faut parfois contenir le peuple pour qu’il ne lynche pas le condamné. En revanche, le condamné est souvent mis sur une planche pour ne pas échapper à la vue du public.

  • La claie

Certains criminels avérés ont parfois les mains liées devant eux puis sont trainés sur une claie (planche ou tresse) derrière un cheval ou une charrette, jusqu’au lieu d’exécution. Les juges modulent cette peine en supprimant la claie ou bien en les trainant par les pieds.

  • La course des adultères

Cela consiste pour les couples adultères (épouse infidèle et amant) à parcourir les rues de la ville, nus, sous les sarcasmes de la foule, au son des trompes ou des cris des crieurs publics qui publient leurs noms.

  • L’humiliation du cadavre

Parfois, le corps des condamnés restent pendus sans sépulture chrétienne jusqu’à consomption. Les corps sont en fait suspendus par les aisselles. En général on les suspend sur un gibet qui est à l’extérieur de la ville, en principe sur un lieu en hauteur que l’on peut voir depuis la route principale. Les restes des condamnés écartelés sont parfois mis dans un sac qui sera lui-même suspendu. Les têtes des décapités, les mains des amputés sont également parfois exposés au bout de lances, pics en fer, dans des cages, sur les remparts des villes, les places des marchés ou encore aux portes des villes.

D) Le bannissement

Il est fréquemment employé notamment par l’église qui ne peut prononcer de peines de sang. Cela permet aussi d’économiser les frais d’exécution. Le juge peut également prononcer cette sanction pour remplacer une peine infamante. Les contumaces tombent automatiquement sous cette peine. Les voleurs occasionnels, les coupeurs de bourse, les insoumis, les rebelles, les maquerelles et prostituées sont également soumis à cette peine. La durée du bannissement varie, elle peut aller jusqu’à la perpétuité. Elle est toujours accompagnée d’une peine complémentaire comme l’exposition, la flagellation, la charrette d’infamie etc.

E) Les mutilations

  • La flétrissure

C’est la marque au fer rouge, ce peut être la marque d’une fleur de lys ou d’une lettre qui désigne le crime (V pour le voleur, M pour le mendiant), à l’épaule droite, le front ou la joue. La marque est à la fois une douleur infligée au coupable mais c’est aussi une façon de le désigner au reste de la population et aux juges en cas de récidive.

  • La mutilation de la langue

Cela consiste soit à couper soit à percer la langue. En général, c’est un acte précédé d’un cérémonial important, et notamment de l’amende honorable, et qui est généralement suivi du bannissement. C’est une modalité d’une peine plus importante. Cette amputation sanctionne les blasphémateurs récidivistes, ceux qui ont injurié ou critiqué le Roi, les calomniateurs, les faux dénonciateurs en justice etc.

  • Les amputations de membres

Il existe une gamme assez variée de ce type de peine pratiquée sur des hommes ou des femmes. On pratique par exemple au Moyen âge, l’essorillement pour les voleurs avec des variantes : parfois on coupe une oreille et une main ; pour les récidivistes, on coupe les deux mains et les deux oreilles etc. On pratique également l’ablation du poing pour les violeurs et de manière accessoire pour les régicides. Dans d’autres coutumes, pour les mêmes faits, les coupables subissent des amendes. Le juge dispose d’une marge d’appréciation, c’est-à-dire que si l’individu ne peut pas payer l’amende, il sera amputé.

  • L’aveuglement

L’aveuglement consiste généralement à arracher les yeux, c’est l’énucléation. Elle était pratiquée en Orient et elle apparait au 14ème, 15ème siècle en Occident. On trouve des exemples de cette pratique à Metz en 1466. Elle était pratiquée sur un étranger qui était accusé d’avoir crevé les yeux d’un prêtre. On la voit également pratiquée en 1476 en Bourgogne contre un gallois qui projetait d’emprisonner le dauphin, le futur Charles VIII.

F) La peine de mort

  • La pendaison

C’est une peine réservée aux roturiers car elle est plus humiliante. Les roturiers sont pendus là où les nobles sont décapités. Mais les corps des nobles décapités peuvent être suspendus. Les gibiers de potence sont les voleurs récidivistes, les crocheteurs, les larrons, les coupeurs de bourse (pickpocket). La peine de pendaison s’applique aux autochtones et aux étrangers. On condamne également à la pendaison les meurtriers et les voleurs qui ont généralement un lourd passé judiciaire, parfois les auteurs d’actes de rébellion, les bourgeois, les clercs, les femmes (ex en 1461 à Dijon) elles sont condamnées le plus souvent pour infanticide. En générale les meurtrières et les voleuses ne sont pas condamnées à la pendaison pour ne pas exposer leurs corps, on préfère dans ces cas-là le bûcher, la noyade ou encore l’enfouissement.
Les décisions de justice qui condamnent à la pendaison précisent que les condamnés doivent être pendus et étranglés, notamment parce qu’ils ne meurent pas sur le coup lors de la chute. Les soubresauts des corps ajoutent à l’humiliation, au ridicule du supplicier. Parfois les bourreaux favorisent une mort rapide en montant sur les épaules des condamnés ou en retirant l’échelle rapidement. La pendaison ne conduit pas nécessairement à une mort immédiate, il faut attendre qu’une mort naturelle arrive, séparer l’âme et le corps. Les corps des pendus étaient ensuite mis aux fourches patibulaires jusqu’à consomption, ce qui permettait de les priver de sépulture chrétienne.

  • La décapitation ou décollation

C’est une exécution digne des nobles, des seigneurs, des officiers royaux condamnés pour trahison, complot contre le Roi et parfois les bourgeois condamnés pour les mêmes faits subissaient la même peine. Sont également passibles de cette sanction, les soldats, les messagers qui transmettent des informations aux ennemis ou encore les déserteurs. Parmi les rebelles, les roturiers sont pendus et les nobles sont décapités. Les corps décapités étaient ensuite parfois exposés, les têtes placées en haut d’une pique ou dans une cage. Elle se pratiquait en général à la hache et plus rarement l’épée.

  • L’écartèlement

L’écartèlement accompagne parfois la décapitation au regard de la gravité du crime notamment lorsque la trahison est très grave. Le cadavre peut être mis en quartier et on procède parfois à la castration. Les restes du cadavre sont ensuite exposés à différents endroits de la ville ou aux fourches patibulaires où ils resteront jusqu’à consomption.

  • La noyade

Elle intervient lorsqu’un acte de traitrise est plus crapuleux que politique. La sanction doit alors être moins honorable. Par exemple, à Metz, en 1438, un soldat a déserté son poste de guet toute une nuit pour aller boire et jouer aux dés et qui a commis en plus des actes de vol dans la maison où il a passé la nuit, il a donc été condamné à la noyade. Cette peine est parfois pratiquée sur les femmes et dans certaines coutumes, on pratique encore la peine du sac pour les femmes infanticides et les parricides. Elles sont alors liées et enfermées dans un sac avec un chien, un coq, un serpent ou une guenon pour être ensuite noyé.

  • L’enfouissement

Jusqu’au XVème siècle, cette peine est appliquée par quelques coutumes aux larronnesses c’est-à-dire les voleuses récidivistes. La condamnée est enfouie vivante. D’abord, elle est présentée devant une fausse ou un trou avec les bras et les jambes liées parce qu’elle doit faire un aveu public de ses crimes puis le bourreau la pousse dans la fausse et ensuite la recouvrir de terre progressivement en finissant par la tête. Il finira en se livrant à un piétinement frénétique pour l’étouffer plus rapidement. Dans certaines coutumes, cette peine est également appliquée à des hommes pour vol ou meurtre. Au XIIème siècle, à Laon, on pratique un enfouissement partiel préventif pour ceux qui ont rompu leur ban (les bannis revenus avant la fin du délai) ; ils sont enfouis jusqu’au torse, trois samedi de suite ou jours de marché et qui sont donc exposés à la foule pendant une demi-journée, ils sont ensuite expulsés sous la menace d’être totalement enfouis en cas de récidive.

  • Le bûcher

Cette peine s’applique aux crimes qui semblent exiger une purification extrême, obtenue grâce à l’élimination totale du corps. Ce sont par exemple les relations sexuelles contre nature ou interdites (sodomie, bestialité, inceste) l’infanticide, les sacrilèges, l’avortement, l’hérésie etc. Ici, le condamné est attaché à un poteau, parfois en hauteur avec un collier de fer autour du cou puis entouré de fagots auxquels on met le feu. Le corps du condamné n’est pas toujours brulé car en général le condamné meurt asphyxié. Parfois, les bourreaux reçoivent l’ordre d’étrangler discrètement le condamné avant de mettre le feu. Une fois le condamné asphyxié, le bourreau en profitait alors pour éteindre le feu, retirer les fagots puis exposer le corps. Puis le bourreau peut remettre le feu surtout lorsque la sentence précise que le condamné doit être « brulé et mis en cendre ».

  • La roue

Ce supplice est infligé aux auteurs de meurtres très crapuleux. Par exemple, à Metz en 1364, la roue est appliquée aux auteurs de l’homicide de deux femmes commis de nuit avec effraction de leur domicile pour leur voler de l’or, de l’argent, des bijoux. Ce supplice intervient après que les corps des condamnés aient été trainés dans les rues puis exposés au pilori. Cette peine s’est surtout répandu au XVIème siècle, elle consiste à attacher à une condamnée, sur une roue de charrette, placée horizontalement sur un axe assez élevée ce qui est une façon d’exposer le corps.
Puis on fait tourner cette roue et le bourreau doit lui briser les bras et les jambes avec un bât et provoquer une mort lente par hémorragie interne.

  • La peine des faussaires

Le crime de faux porte atteinte à toute la communauté mais aussi à l’autorité qui est garante de l’authenticité des objets, actes falsifiés comme par exemple les lettres et les seaux falsifiés bafouent l’autorité des Cours de justice. Les pièces de monnaie altérées portent atteinte à l’autorité royale. Cette peine est toujours sévère contre les faux monnayeurs. Les textes prévoient qu’ils devaient être bouillis dans un chaudron mais cette peine est rarement appliquée, on préfère la pendaison. Les faux témoins quant à eux sont aussi sévèrement punis car ils ajoutent le sacrilège aux faux qu’ils ont commis. Ils subissent généralement le pilori avec les pièces falsifiées attachées autour du cou, la langue percée, la rétorsion de la peine ou encore l’amputation de la main droite.

 

 

 

COnclusion : Mouvements sociologiques et doctrinaux du 20eme siecle concernant le droit pénal

A) la défense sociale nouvelle

Marc Ancel, vers 1935, défense sociale nouvelle : Envisage le délinquant comme un être humain « récupérable »

procès en 2 phases :

  • déclaration de culpabilité
  • la peine individualisée visant à la résinsertion

Les conséquences: expertises psy, enquêtes sociales

On humanise le dossier pénal, pas juste un criminel, c’est un homme

Mesure de resocialisation : sursis (qui permet d’éviter de trop longues peines de prison), mesures de désintoxication, injonction thérapeutique, sursis avec mise à l’épreuve (SME)

Juge d’application des peines (création qui a 50 ans) : importance de plus en plus important aujourd’hui.

La pensée post-pénale se développe

la société a beaucoup d’armes à son actif

Auj, cette doctrine est relayée par l’Ecole des droits de l’homme, illustré par Robert Badinter et madame Delmas-Marty, Christine Lazergue. C’est en procédure pénale que les enjeux se trouvent aujourd’hui (plus qu’en droit pénal).

A inspirée des réformes récentes

Note : la procédure pénale

Mais l’école de la défense sociale nouvelle est aujourd’hui plutôt agonisante

Il y a eu des critiques très fortes de Marc Ancel.

B) L’idéologie sécuritaire

A partie des années 80, retour en force

Réclame une restauration de l’idée d’expiation, de sanction exemplaire : le droit pénal doit faire peur

seule une punition sévère fait peur, inspire la crainte du crime et protège al société, rassure les honnêtes gens.

3 ouvrages :

– Mme Michèle-Laure Rassat : pour une politique criminelle du bon sens, 1983 (le titre fait peur)

– M. Peyrefite : les chevaux du lac Ladoga (1981)
Il paraît qu’il y a des chevaux qui de temps en temps suivent le chef et se précipitent dans le lac

– M Jean-Claude Soyer : Justice en perdition (1982)

Les 3 s’emploient à discréditer les idées de prévention, d’individualisation et de réinsertion : tous les acquis de la défense sociale nouvelle. Soyer les qualifient de « 3 sœurs abusives du droit pénal »

Ils estiment que la sanction soit privilégiée.

Badinter qualifiera : idéologie sécuritaire

Pour rassurer les citoyens, pour assurer la loi : il faut être dur

C) Les chiffres de la criminalité

Criminalité réelle

Celle qui se constate sur le terrain (crimes, délits, contraventions) qu’elles soient ou non constatées; chiffre impossible à mesurer (stationnement interdit, fraudes fiscales….)

C’est ce que ressentent les citoyens

Ces chiffres inconnus sont estimés : ex pour les viols estimés: 10000 alors que plaintes pour plaintes pour viol : 5000

Mais personne ne sait

criminalité apparente ou policière

Criminalité apparente : celle que donne les statistiques policières; La police enregistre plaintes, dénonciations et ses propres constations

70 % des affaires sont de la dénonciation

Pout 63 millions d’habitants, le nombre de crimes et délits : environ 3,5 M en 1985 contre 3,6 M en 1995. De 95 à 2002, progression : 2001 : cap des 4 M passé. D’ou une augmentation du sentiment d’insécurité (d’autant plus que les vols avec violence progressaient beaucoup)

Les chiffres de la police sont faux, mais de manière structurelle (car chiffres difficilement manipulables)

Selon GVT, régression de 4 % en 2004. Mais cela a augmenté dans les agressions corporelles (coups et blessures volontaires)

finalement, est-ce qu’on ce sent plus en sécurités

plaintes et dénonciations, bonne indication

Mais dans les années 80, les femmes dénonçaient peu les viols, et le font beaucoup plus à partir des années 90.

Viols : 50 % des arrêts de cour d’assise

criminalité légale

Criminalité légale : les condamnations prononcées

Année

crimes

délits

Contraventions

1973

1463

376.000

8.200.000

1985

2375

546.200

10.400.000

2003

3117

(hausse viols)

384.664

(dépénalisation des chèques sans provision)

14.000.000

On voit qu’il y a une grosse déperdition (seulement 1 crime/délit sur 10 qui aboutit à une condamnation)

les lois

Loi 2 février 1981 sécurité liberté

loi sécurité liberté (Peyrefitte)

sévérité en cas de récidive

raidissement de l’octroi du sursis (dans la loi)

circonstances aggravantes nouvelles

renformcenent de la période de surêté

1981

Abrogation de la loi sécurité liberté par la gauche

Loi 9 sept 86 lois Pasqua

Lois Pasqua (inspiration sécuritaire)

terrorisme

application des peines

conditions de séjour des étrangers en France

Loi 15 nov 2001 sur la sécurtié quotidienne

Sécurité quotidienne

terrorisme

Loi 18 mars 2003, dite Sarkozy

Loi dite « Sarkozy » sur la sécurité intérieure

Note : les lois Perben I et II : procédure pénale

Tendance lourde de plus en plus sécuritaire

D) le code pénal de 1994

Code pénal de 1810 : vieux, mal fichu

très compliqué à réformer : décision de réforme prise par Mitterrand en 1981

premier projet de réforme en 1986 (mais il existait déjà un autre projet : projet taitinger-lecanuet de 1974) : pas de différences énormes entre les 2 projets. C’est pourquoi cette réforme a pu se faire.

Qualifications ont été renommées : attentats à la pudeur, atteinte aux moeurs

4 lois du 22 juillet 92 qui ont adopté le Code Pénal, en repoussant sa date d’entrée au vigueur au 1er mars 1994 (date clé).

Le code a fait l’objet d’une loi d’adaptation en 1992 : procédure pénale, code de la route, code forestier…

C’est un sérieux monument législatif

la forme

Très bien écrit, et assez bien construit

6 livres :

  • – livre I : dispositions générales
    seules parties qui seront traités dans ce cours
  • – livre II : les infractions contre les personnes
    meurtre, viol, agressions sexuelles, coups et blessures volontaires,
  • – livre III : crimes et délits contre les biens
    vol, abus de biens sociaux..
  • – Livre IV : infractions contre la Nation, l’Etat et la République
    Terrorisme, fausse monnaie, corruption
  • – Livre V (vide) : autres crimes et délits
  • – Livre VI : les contraventions
    Partie réglementaire du Code Pénal

originalité par rapport à l’ancien code : la numérotation

Avant: 1,2,3,4…

Maintenant : numérotation décimale à 3 chiffres : LIVRE.TITRE.CHAPITRE

Ex : 123-2 : Livre 1,

idée : ajouter des articles sans avoir des numéros insérés (bis, ter…)

mais cela pose problème : 122-2-1

c’est quand même une numérotation désastreuse pour les dyslexiques

le fond

il se caractérise par le changement dans la continuité

Changement :

resp pénale des personnes morales (séance TD n° 6)

Nouvelles incriminations :

Exhibitions sexuelles, trafic de stupéfiant (devient criminel), introduction de la notion de bande organisée (remplace un peu association de malfaiteurs), le viol a beaucoup changé de contenu…

Modifications de certaines notions classiques :

la démence n’existe plus (devient troubles psychiques),

Infractions qui vont disparaître :

Vagabondage, mendicité, attentat à la pudeur (remplacé par pornographie accessible aux mineurs), relations sexuelles entre mineurs

Modifications :

Suppression des circonstances atténuantes, plus de peines minimum (le juge dans son pouvoir peut aller jusqu’à la dispense de peine) : on passe « de 2 à 4 ans » à « jusqu’à 4 ans ».

Commentaire de la doctrine

Globalement : le nouveau code est plus sévère que l’ancien

Mme Rassart, m Robert le trouve trop mou

  1. Compte, Mestre de Chambon : le trouve incohérent (car mélange répression accrue et dépénalisation). Et alors ?

Delmas Marty : il est dans la bonne moyenne des codes pénaux actuellement en vigueur

Desportes, Legunec (a participé a l’élaboration) : plus expressif et plus efficace : et c’est vrai

Exprime mieux la hiérarchie des valeurs protégées par la loi (personnes avant les biens)

Meilleure répression des formes modernes de criminalité :

  • mise en danger de la vie d’autrui (chauffards) : très subtil
  • bande organisée : correspond à une réalité
  • responsabilité pénale des personnes morales : sanctionné des personnes morales (ex : Total); la société peut avoir un casier judiciaire.

Depuis 94, cela bouge encore, mais pire, cela bouge encore en droit pénal général !

On tripote les principes généraux du Code Pénal à peine adopté

Ex :

  • Modification de la faute pénale non intentionnelle : nouvelle catégorie de faute pénale
  • Nouveau plancher des peines d’emprisonnement correctionnelle : de 6 mois à 2 mois
  • Responsabilité pénale des personnes morales : étendues à tout le Code Pénal