Le Contentieux administratif
Le contentieux administratif est constitué essentiellement des règles applicables au règlement des litiges suscités par l’action administrative. Il permet de remédier aux dysfonctionnements du système administratif, aux abus ou arbitraires publics, de régler les différends que provoque l’action de l’administration, en conciliant le respect de l’intérêt général et des droits des particuliers.
- Le contentieux administratif
- Contentieux administratif et droit européen
- L’instruction de l’instance
- Les procédures d’urgence : les référés du droit administratif
- Règles de formes et délais : conditions de recevabilité du recours
- La règle de la décision préalable, condition de recevabilité du recours
- Qualité et intérêt à agir du requérant en contentieux administratif
- Les principaux types de contentieux administratif
- La prohibition des injonctions du juge administratif
- Les caractères généraux du recours contentieux
- Les conflits de compétences et le tribunal des conflits
- Les questions préjudicielles en contentieux administratif
- Répartition de compétence entre juridiction administrative et civile
- Les règles de compétence des juridictions administratives
- La répartition de compétence des juridictions administratives (conseil d’état, TA, CAA)
- Les juridictions administratives spécialisées
- Tribunal administratif et CAA : fonctionnement, compétence
- Conseil d’État : Composition, compétence, fonctionnement
- Histoire du Contentieux administratif
- L’arbitrage en droit administratif
- Définition et objet du Contentieux administratif
- Cours de contentieux administratif
La définition du contentieux administratif est l’étude du procès administratif. Quel est le juge compétent, quel est son statut ? Le juge administratif est extérieur selon la Constitution à l’autorité judiciaire, mais il est une autorité juridictionnelle. La procédure du contentieux administratif s’est créée contre la procédure judiciaire (des parlements), lente et coûteuse. Pour autant, ces deux types de procédures (judiciaire et administrative) se sont rapprochés. L’exemple type est le rôle de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme :
La CESDH fixe les garanties du procès équitable. Ces garanties valent pour la procédure civile et pour la procédure administrative. (Unification).
Le cours de contentieux administratif a pour objet l’étude des principales branches du contentieux administratif que sont le contentieux de l’annulation, le contentieux de pleine juridiction, le contentieux de l’interprétation et le contentieux de la répression.
Voici la liste des liens relatifs au contentieux administratif
- Cours complet de contentieux administratif
- Histoire du Contentieux administratif
- Définition et objet du Contentieux administratif
- Les principaux types de contentieux administratifs
- Les caractères généraux du recours contentieux
- Les questions préjudicielles en contentieux administratif
- La place de l’arbitrage en droit administratif
- La répartition de compétence des juridictions administratives (conseil d’état, TA, CAA)
- Contentieux administratif et droits européens
- L’instruction de l’instance
- Les règles de compétence des juridictions administratives
- Les procédures d’urgence : les différents référés du droit administratif
- Les juridictions administratives spécialisées
- Qualité et intérêt à agir du requérant en contentieux administratif
- Tribunaux administratifs et cour administrative d’appel : fonctionnement et compétence
- Conseil d’État : Composition, compétence, fonctionnement
- Le fondement de la répartition de compétence entre les juridictions administratives et civiles
- Les conflits de compétences et le tribunal des conflits
- Le principe de prohibition des injonctions du juge administratif
- Règles de formes et délais : conditions de recevabilité du recours
- La règle de la décision préalable, condition de recevabilité du recours
Voici le plan du cours : le juge (partie I) et le procès (partie II)
L’objet du contentieux administratif
- 1/ Objet technique et enjeux fondamentaux (sources du droit, équilibre des pouvoirs, aspects constitutionnels)
- 2/ Du procès au litige contentieux (place des modes non juridictionnels de règlement du contentieux)
- A) La procédure de conciliation
- B) Le contrat de transaction :
- Introduction Générale
- 1/ La décision du conseil constitutionnel du 23 janvier 1987
- 2/ Historique du contentieux administratif
- A) Ancien régime
- B) Révolution et consulat
- C) XIXème siècle
- D) Comparaisons historiques
- 3/ Contentieux administratif et droits européens
- A) Le droit communautaire
- B) Le droit de la convention européenne des droits de l’homme
- PARTIE I : LE JUGE
Introduction A) Éléments quantitatifs B) Réformes acquises et à venir C) Plan
Chapitre 1 : les juridictions administratives
Section 1ère : L’arbitrage
- § 1 : le principe de la prohibition de l’arbitrage
- A) La prohibition organique de l’arbitrage
- B) La jurisprudence AREA de 1989 (clause compromissoire dans les contrats des concessionnaires d’infrastructures routières). Abandon depuis la loi du 15 mai 2001
- § 2 : Aménagements et exceptions au principe de prohibition
- A) la loi du 17avril 1906 (1ère dérogation)
- B) Loi du 9 juillet 75 (art 2060 al 2 C. Civ)
- C) Loi du 19 août 1986
- D) Lois spéciales
- E) Eléments de la pratique
- F) Les conventions internationales
- § 3 : le régime de l’arbitrage administratif
Section 2 : le Conseil d’Etat
- §1er : Historique
- §2 : Formations d’instruction et de jugement du Conseil
Section 3 : Les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel
- §1er : Le Tribunaux administratif
- §2 : Les Cours administratives d’appel
Section 4 : Les autres juridictions administratives
- §1er : Modalités d’intervention
- §2 : Tableau général
Chapitre 2 : Les compétences à l’intérieur de la juridiction administrative
Section 1ère : Les règles de répartition des compétences
Sous-section 1ère : La compétence matérielle
- §1er : La compétence en première instance
- A) La compétence de droit commun des tribunaux administratifs
- B) La compétence « directe » du Conseil d’Etat
- C) La compétence d’attribution des juridictions administratives spécialisées
- §2 : La compétence en appel
- A) La compétence du Conseil d’Etat
B) La compétence des Cours administratives d’appel et son évolution
Sous-section 2 : La compétence territoriale
- §1er : Compétence territoriale des tribunaux administratifs
- A) Critères de principe
- B) Critères dérogatoires
- §2 : Compétence territoriale des C.A.A
Section 2 : La mise en œuvre des règles de compétence à l’intérieur de la juridiction administrative
- §1er : le caractère d’ordre public des règles de compétence
- A) Moyen d’office
- B) Moyen permanent
- C) L’exclusion des dérogations conventionnelles
- §2 : La plénitude de compétence du juge en principal
- A) Portée du principe
- B) L’exclusion des questions préjudicielles au sein de l’ordre administratif
- §3 : L’interdiction des jugements d’incompétence
- A) La règle
- B) Mise en œuvre
Chapitre 3 : La compétence du juge administratif vis-à-vis du juge judiciaire
Section 1ère : Principes et sources
- §1er : La répartition des compétences appartient au législateur
- §2 : Limites constitutionnelles à la compétence du législateur
Section 2 : Collaboration : les questions préjudicielles
- §1er : Le droit des questions préjudicielles
- §2 : Les pratiques contentieuses
- §3 : Evolution et réformes
Section 3 : – Les conflits de compétence
- §1er : Le conflit positif
- A) Conditions
- B) Réglementation
- §2 : Le conflit négatif et sa prévention
- A) Le conflit négatif : condition, régime
- B) Prévention du conflit
- §3 : Le renvoi des difficultés sérieuses de compétence
PARTIE II : LE PROCES
CHAPITRE I : THEORIE GENERALE DES RECOURS CONTENTIEUX
Section 1ère : Les caractères généraux du recours contentieux
- §1er : Recours contentieux et recours administratif
- A) L’alternative recours administratif et recours contentieux
- B) ??
- §2 :
- A) Procédure essentiellement écrite
- B) Le caractère inquisitoire de la procédure administrative contentieuse
- §2 : La pratique de l’injonction
- A) Vocabulaire
- B) Les injonctions
- C) L’acte d’administration active
- D) Systématisation dans le CJA (Code de justice administrative)
- §3 : Limites et survie de l’injonction
Section 3 : Unité ou diversité des contentieux
- §1 : Présentation classique
- §2 : La jurisprudence Lafarge
- §3 : La revanche du plein contentieux
- A) Le contentieux noble est le contentieux de l’excès de pouvoir
- B) Evolution du plein contentieux : enrichissement progressif.
CHAPITRE II : L’INSTANCE
Section 1ère : l’introduction de l’instance
- §1er : Le caractère d’ordre public des règles de recevabilité
- A) Le principe
- B) Les aménagements
- §2 : Conditions tenant à l’objet de la demande
- A) Le principe
- B) Aménagement
- §3 : Conditions tenant à la personne du requérant
- A) La capacité
- B) L’intérêt à agir
- C) La représentation du requérant
- §4 : Conditions de recevabilité tenant à l’acte attaqué : la règle de la décision préalable
- A) La règle de la décision préalable : formulation et origine
- B) La règle de la décision préalable : domaine et exceptions.
- C) La règle de la décision préalable : mécanisme
- §5 : Conditions tenant à la présentation du recours
- A) Règles de forme
- B) Délais
- 1. Principes
- 2. Les recours soustraits à la condition de délai
- 3. Computation du délai
Section 2 : Les procédures d’urgence
- § Préliminaire : Historique (regroupé avec le §1er)
- §1er : Les procédures d’urgence avant la loi du 30 juin 2000
- §2 : Les procédures d’urgence dans la loi du 30 juin 2000
- A) Un juge de l’urgence
- B) Les pouvoirs du juge de l’urgence
- 1. Les référés de droit commun
- 2. Maintient des procédures spécifiques de référé
- C) Les procédures
Section 3 : L’instruction de l’instance
- §1er : les parties (participants) à l’instance
- A) Les parties dans le déclenchement de l’instance
- B) Les parties dans la cessation de l’instance
- 1. Le désistement
- 2. Le non-lieu à statuer
- §2 : Les conclusions
- A) Définition
- B) Classification
- C) Le cas des conclusions reconventionnelles
- §3 : Les moyens
- A) Les moyens des parties
- B) Les moyens écartés par le juge
- C) Les moyens apportés par le juge : les moyens d’ordre public
- §4 : La procédure d’instruction
L’objet du contentieux administratif
1/ Objet technique et enjeux fondamentaux (sources du droit, équilibre des pouvoirs, aspects constitutionnels)
Mais le juge administratif n’est pas seulement un juge, historiquement il est le législateur du droit administratif. Il a utilisé sa compétence de juge pour créer une panoplie de jurisprudence administrative. (Principe de base du droit administratif). Tout au long de la 5ème république, le législateur a repris la main.
Le juge administratif a inventé le recours pour excès de pouvoir. Ce contentieux poursuit un objectif de la légalité. Le juge ne tranche pas un litige entre les parties, mais vérifie que le droit qui se fait est conforme à la réalité. C’est le contentieux administratif au service de la législation. Tous les grands arrêts de la jurisprudence administrative sont des arrêts concernant des REP. Pourtant, il demeure souvent une confusion entre la justice administrative et l’administration elle-même. C’est peut-être parce que juger, c’est administrer.
Qu’entend-on par « contentieux administratif » : s’agit-il du procès administratif ? Est-ce qu’il n’y a pas des contentieux administratifs en dehors du juge ? Pour répondre à cette question, deux perspectives :
— Perspective organique : le contentieux s’organise autour du juge.
— Perspective fonctionnelle : situation où il y a litige avec l’administration.
— Il y a aussi les « MARC ».
— Perspective organique
Quel juge ? Il y a une place à faire à l’arbitre dans le contentieux administratif. Contrat par lequel les parties décident de confier leur litige à une personne choisie selon leur volonté commune.
N’y a il pas aussi le juge judiciaire ? Si, il connaît le contentieux administratif par le biais de la loi : dommages causés par les attroupements, loi de 57 sur les accidents causés par les automobiles.
Plus de 50% des litiges mettant en cause l’administration se règlent devant le juge judiciaire.
Depuis 87, le juge judiciaire a des compétences en matière d’excès de pouvoir. Ces textes ont décidé que les recours en annulation formés contre les décisions administratives de certaines AAI seraient portés devant le juge judiciaire plus précisément la cour d’appel de la Chambre de Paris. Le juge judiciaire va appliquer très largement les règles du contentieux administratif.
— Aspect fonctionnel ou matériel : toute situation litigieuse qui met en présence un administré et l’administration.
Mais comme pour les juridictions judiciaires, l’effort actuel consiste à régler ce contentieux administratif en dehors du juge. C’est la question des MARC, issus de la surcharge des juridictions étatiques. Certains procès n’ont pas d’objet véritable. Ce mouvement est parfois décrit comme la contractualisation de la justice. L’acte de justice est par nature un acte unilatéral. On va essayer de favoriser comme alternative à la juridiction le contrat pour régler le litige entre les parties.
La justice organique peut être mise à contribution à cet effet de plusieurs façons :
— Le juge peut imposer une phase préalable de conciliation
— Elle peut favoriser la conciliation sans la rendre obligatoire : procédure ouverte aux parties dans laquelle le juge interviendra pour favoriser la conciliation débouchant sur une transaction
— Elle peut enfin prendre en compte le mécanisme de conciliation prévu par les parties, le juge respectant cette clause.
2/ Du procès au litige contentieux (place des modes non juridictionnels de règlement du contentieux)
Ces différents modes sont intéressants pour le juge et les justiciables. Le formalisme est moins grand. Cela donne une figure moins sévère au règlement du conflit géré par les parties. Enfin, l’exécution de la décision posera moins de problème.
La loi du 31 décembre 87 qui réforma le contentieux administratif créa les Cours Administratives d’Appel. L’article 13 de cette loi instaura une procédure préalable de conciliation dans le contentieux contractuel et délictuel.
Contrat de transaction : contrat par lequel les parties s’accordent pour mettre fin à un litige. C’est l’alternative à l’acte de juridiction. On lui attache l’autorité de chose jugée. Il faut rechercher ce contrat en mettant en œuvre une procédure de conciliation ou de médiation. Ne pas confondre l’arbitrage avec la transaction qui est un contrat nommé. C’est un contrat qui a autorité de chose jugée. Il ne doit donc pas être confondu non plus avec la conciliation, procédure faite pour accompagner les parties.
A) La procédure de conciliation
En matière administrative on peut distinguer 3 types de procédure de conciliation ou médiation.
— 1/ La conciliation formalisée : des textes ont formalisé une procédure visant à obtenir l’accord des parties.
— 2/ La conciliation par le juge : le juge se met à la disposition des parties avec les instruments matériels qui sont les siens pour favoriser la transaction. C’est rare.
— 3/ Conciliation informelle : conciliation choisie par les parties soit qu’elles aient inscrit dans leur contrat une clause de conciliation, soit qu’elles le décident lors de la naissance du litige. Aujourd’hui, de telles clauses figurent dans tous les contrats importants. Généralement, un organisme conciliateur est mis en place afin de suivre toute l’exécution du contrat. Il doit être saisi en premier au moment d’un litige.
La conciliation formalisée existe depuis assez longtemps pour les marchés publics. Elle consiste en la mise en place d’un comité de règlement amiable des litiges. Ces comités sont réformés périodiquement et ont vocation à accueillir la négociation des parties en vue de déboucher sur une transaction. Ces comités ont développé une procédure trop formalisée de type juridictionnel. Aussi, leur travail débouche sur des décisions dont les parties font ce qu’elles veulent. Cela fait peser sur leur intervention une sorte de pré jugement. Ces comités ont perdu de leur importance et sont de moins en moins utilisées.
Le recours au médiateur
L’article L211-4 du code de la justice administrative reconnaît au président du tribunal administratif une mission de conciliation. Cette mission date d’une loi de 1986, alors même que de nombreux présidents de T.A s’étaient adjugé cette compétence. Il s’agit pour le juge saisi d’un litige de proposer aux parties de différer la phase juridictionnelle et de leur proposer d’apporter son concours à leur négociation pour essayer de les concilier. Le juge va disposer pour ce faire des moyens matériels de la juridiction. Cette décision de conciliation est relativement à l’abri du contentieux. Cette procédure peut apparaître comme une procédure de luxe. Aussi, il y a un risque de confusion car si conciliation aboutit elle va déboucher sur une transaction qui est un contrat administratif. L’acte détachable du contrat est susceptible de recours par tout intéressé. (Ex : décision de signer le contrat).
Concernant la conciliation informelle, elle prend la configuration que les parties choisissent de lui donner. Les parties déterminent librement le contenu de la conciliation, sa durée, le calendrier ; les parties s’y engagent ainsi plus volontiers.
B) Le contrat de transaction :
Le contentieux administratif applique largement à la transaction les principes du code civil. (Article 2052 : La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître).
C’est un contrat écrit. La transaction n’est possible que sur les droits dont on peut disposer. La transaction a entre les parties l’autorité de chose jugée. Une transaction sur un marché public est un contrat administratif. La décision de signer le contrat est un acte distinct de la signature du contrat. Or ces actes sont exposés au contentieux de l’excès de pouvoir et tout intéressé est fondé à contester l’acte détachable de la transaction avec des moyens tirés de l’illégalité de la transaction. La jurisprudence a établi des passerelles entre annulation de l’acte détachable et la transaction.
Autre difficulté : les personnes publiques ne peuvent pas consentir à payer une somme qu’elles ne doivent pas. Les personnes publiques ne peuvent pas faire de cadeaux. Les libéralités sont interdites. Or, dans le contrat de transaction, il s’agit d’abandonner certaines prétentions, l’administration ne va-t-elle pas renoncer à quelque chose qu’elle ne devrait pas ?
Ensuite, le recours à la transaction a été et reste encore partiellement formaliste. Il fallait transiger par décret. Cela a été abandonné pour tout le monde sauf pour les excès de pouvoir. Il faut un décret spécial.
Enfin, le statut de la transaction n’est pas clair dans l’esprit des personnes publiques. On ne peut pas utiliser les procédures que la loi met à disposition des parties. Les comptables publics rechignent à exécuter une transaction et demandent souvent que la transaction soit homologuée par le juge. En effet ils trouvent que l’autorité de chose jugée conférée par le code civil ne suffit pas.
L’arrêt du 6 décembre 2002 apporte des clarifications : Le conseil d’Etat rappelle l’interdiction de l’intention libérale mais fait la différence entre l’abandon d’une créance et l’abandon pur et simple Par cette décision, le Conseil d’Etat fait de l’autorité de chose jugée celle que le Code Civil prévoit et elle s’impose aux parties.
Le contrat de transaction fonctionne bien sur le modèle de celui instauré par le code civil.
Introduction Générale
1/ La décision du conseil constitutionnel du 23 janvier 1987
La décision du conseil constitutionnel du 23 janvier 1987 pose les bases constitutionnelles du contentieux administratif.
Origine de la décision : le 3 juillet 1986, une loi d’habilitation autorisa le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions mettant fin au système de règlementation des prix, fondés sur 2 ordonnances de 1945. Le 1er décembre 1986 est ainsi publiée une ordonnance relative à la liberté des prix et à la concurrence. Cette ordonnance prévoit la création du conseil de la concurrence (qui est une autorité administrative indépendance, AAI). Le Conseil d’Etat est consulté sur l’ordonnance et déclare que les décisions de cette AAI seront portées devant le juge administratif. Mais le ministre de l’époque s’engage à soustraire ce contentieux pour le confier au juge judiciaire, sur l’exemple du droit allemand. L’ordonnance de 1986 est donc modifiée. La loi modificatrice est portée devant le Conseil Constitutionnel.
Question : peut-on, par voie législative, confier au juge judiciaire le contentieux issu des actes d’une autorité administrative indépendante ? Existe-t-il un principe constitutionnel qui interdirait de confier au juge judiciaire la connaissance des actes administratifs et d’évoquer à l’appui de cette thèse la loi de 1790 (défense de connaître de tous les actes administratifs) ?
La décision du 23 janvier 1987 apporte la réponse. Ainsi, le Conseil Constitutionnel déclare que la loi de 1790 sur la séparation des juridictions administratives et judiciaires n’est pas Constitutionnelle, donc réformable.
Puis le Conseil Constitutionnel apporte des précisions : il existerait ainsi un principe fondamental reconnu par les lois de la république (PFRLR) qui voudrait que l’annulation ou la réformation des décisions prises dans l’exercice de prérogatives de puissance publique par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales ou organismes placés sous leur autorité ou contrôle est réservé au juge administratif. Ce principe fondamental est une construction volontariste, mais ne s’appuie pas sur les lois révolutionnaires. Par cette construction, le contentieux des actes unilatéraux est le monopole constitutionnel du juge administratif.
Le Conseil Constitutionnel développe alors deux dérogations à cette exclusivité :
— 1/ Les matières réservées par nature aux autorités judiciaires. (Propriété privée, libertés individuelles)…
— 2/ La bonne administration de la justice
C’est un objectif de valeur constitutionnelle. Cet objectif vise à unifier les règles de compétences au sein d’un ordre institutionnel déterminé pour un contentieux qui constitue un tout. C’est cette argumentation qui est utilisé dans une affaire de 1987, dans deux décisions du conseil de la concurrence sur un contentieux relatif à des ententes entre entreprises. Ce contentieux est en principe judiciaire (concurrence déloyale…) Ce conflit relèvera normalement du juge administratif. Pourtant, on transféra la compétence vers les juridictions judiciaires.
Cette dérogation ne peut jouer que si on retrouve les mêmes garanties que devant la juridiction normalement compétente.
Dès lors, ce transfert ne sera constitutionnel que si l’on dote l’autorité compétente de procédures équivalente à celles en place si le juge normalement compétent avait été saisi.
Cette dérogation s’est avérée assez difficile à gérer. Au fond de lui-même, le Conseil d’Etat ne l’a jamais véritablement admise. Le Conseil d’Etat considère alors que si le comportement économique relève du conseil de la concurrence et le contrôle contentieux du juge judiciaire, les actes qui organisent la vie économique, actes détachables du comportement économique lui-même, sont susceptibles d’un contentieux administratif devant le juge administratif et que ce contentieux relève naturellement des juridictions administratives.
Exemple : l’acte par lequel un propriétaire public (ADP) accorde des autorisations d’occupation du domaine public pour des voitures de location. Cet acte n’est pas un acte de comportement sur le marché. Mais cet acte en privilégiant l’une ou l’autre des entreprises conduit à un abus de domination. Le juge administratif s’est donc déclaré compétent.
Ainsi, alors qu’on voulait unifier le contentieux, il y a eu une sorte de dispersion : les mêmes textes sont appliqués ET par le juge judiciaire contrôlant le conseil de la concurrence ET les juridictions administratives. L’objectif constitutionnel d’unification des compétences au nom de la bonne administration de la justice n’a pas été entièrement réalisé.
Le contentieux administratif est hétérogène
Il en découle que ce contentieux pourrait très bien être entièrement transféré d’un juge à l’autre et inversement du jour au lendemain. Le monopole comme les exceptions sont fondées dans la constitution.
Cette construction est très volontariste. Elle est doctrinale et n’est pas fidèle à l’histoire. Le monopole du juge administratif n’a jamais correspondu à une loi fondamentale du Royaume. La formulation est d’autant plus affaiblie par les exceptions au principe.
2/ Historique du contentieux administratif
Il n’y a pas d’explication logique. La clé de compréhension de la matière est historique. C’est l’histoire qui nous fait comprendre la situation actuelle.
A) Ancien régime
— Il est affirmé que la justice appartient aux parlements et que ces parlements l’exercent par délégation du Roi (le Roi est source de toute justice). Le parlement exerce des compétences de justice mais aussi des compétences d’administration (les arrêts de règlement constituent en quelque sorte nos décrets d’aujourd’hui.
Or, ces parlements ont développé une justice qui n’est pas satisfaisante. Elle est onéreuse, peu compréhensible, et lente. Ainsi, sous Louis XIII et l’impulsion de Richelieu, une nouvelle justice se développe. Richelieu met en place un réseau de maître des requêtes. Il l’envoie dans les province et, de façon pragmatique durant le règne de Louis XIII, prennent progressivement le nom d’Intendant, se voit attribuer des lettre de commission définissant des compétences qu’ils exercent dans un cadre territorial déterminé appelé « généralité ». Généralité car ils ont des compétences administratives générales (comme les préfets). Parmi ces attributions que leurs confèrent ces lettres de commissions, il leur est confié de plus en plus volontiers les « contestations liées à leurs actions ». A ce moment là, (il n’y a pas de texte général), ils prennent la dénomination d’ « Intendant de police, des finances et de justice ».
Nous voyons donc apparaître sous l’impulsion de Richelieu les premiers préfets, envoyés sur un domaine déterminé, ayant des compétences générales, et de régler le contentieux administratif local.
Ce système est systématisé dans l’Edit de Saint Germain, en 1641.
Dès cette époque, apparaissent des conflits. En effet, les parlements qui exercent la justice par délégation du roi font apparaître des conflits de compétence. Il se met alors en place un système d’appel au conseil du Roi. Le Roi, dans une formation particulière de son conseil (conseil des parties) tranche. Il tranche généralement en faveur de ses intendants de police.
Après la mort de Louis XIII (1643), la période politique est difficile. Le conflit apparait. Il commence durant l’enfance de Louis XIV, se poursuit ensuite après sa mort et mène à la révolution. Ce conflit est influencé par les institutions politiques anglaises qui voient dans le parlement les « forces vives de la nation », ainsi qu’un contrepoids nécessaire à la monarchie. Ce conflit est aussi alimenté par les « lumières ».
A partir de la fin du règne de Louis XV, 1756, les parlements et notamment le parlement de Paris protestent par des remontrances adressées au Roi. S’appuyant sur les lois fondamentales du Royaume, ils font valoir que ces lois organisent l’activité juridictionnelle entre les mains du parlement. Ainsi, si le Roi est bien source de toute justice, par les lois fondamentales, il ne peut en déléguer la justice qu’au parlement (et non pas aux intendants). De plus, il est avancé que l’intendant est un mauvais juge : il n’a pas l’extériorité requise à tout juge (il est partie au procès, dont partial). Autre argument encore : le parlement réduit les risques d’arbitraires car il est une justice collégiale (l’intendant étant un juge unique, l’arbitraire augmente). Enfin, les membres du conseil du roi, étant proches des intendants (intendants sortis de charge), il en résulte une confusion.
La confusion est complexe : confusion des genres, confusion de l’administration de la justice, méconnaissance des règles traditionnelles de la justice. Montesquieu, dans l’esprit des lois déclare : « c’est un grand inconvénient dans la monarchie que les ministres des princes jugent eux-mêmes les affaires contentieuses » (Montesquieu parle d’inconvénient juridique).
Ces remontrances sont généralement surmontées par des « Lits de justice ». Ici, le roi reprend le pouvoir délégué au parlement et met fin au conflit. Le lit de justice implique la présence du Roi, et se déroule selon un cérémonial tout à fait organisé. Ces lits de justice sont en quelque sorte des coups de force et il faut un Roi puissant pour tenir fréquemment Lits de justice.
A la fin du règne de Louis XV : coup de force : exile des parlements (le Parlement de Paris part à Pontoise). Puis Louis XVI revient. On rappelle le Parlement et on prépare la réforme :
— Projet de Maupeou. Ce projet vise à constituer différents conseils :
— Le conseil des partis, qui connaîtrait du contentieux des décisions de l’intendant
— Le conseil des intendants et intendants sortis de charge, qui garderait une coordination des activités administratives.
Cette réforme visait à répondre à certaines des critiques en créant sous la souveraineté du roi un organe de type judiciaire contrôlant l’ensemble des activités judiciaire. Cette réforme n’a pas aboutit. (Mais on peut constater qu’elle est celle que l’Etat du Luxembourg a réalisée récemment, à la suite de lourdes critiques de l’Union Européenne). On rappelle donc les parlements… Le conflit n’est finalement pas du tout réglé.
Evolution constitutionnelle
A côté des remontrances, les parlements utilisent une autre arme : refus d’enregistrement des édits royaux (législation royale). Nous sommes à une époque où le JO n’existe pas. Mais l’entrée en vigueur des édits royaux est subordonnée à un régime de publicité. C’est une formalité qui est remplacé ensuite par le système de publicité que nous connaissons.
Ainsi, les parlements vont d’abord s’amuser à retarder l’enregistrement. Ils vont ensuite ajouter les édits de commentaires et enfin, ils refuseront d’enregistrer certains édits qui seraient contraire aux lois fondamentales du royaume. Ils effectuent alors une sorte de « contrôle de constitutionnalité ». Il s’agit déjà d’un contrôle préventif (au moment où la loi se fabrique).
Ce refus d’enregistrement est un système de contrôle de constitutionnalité. Ce refus d’enregistrement n’est pas le fait de la juridiction de l’intendant. L’intendant se déclare serviteur de la loi, il n’y a rien de comparable de sa part. Ces refus d’enregistrement ne peuvent être surmontés que par la tenue d’un lit de justice. Mais il faut comprendre qu’il ne s’agit pas d’un débat de technicien. Les critiques d’un édit sont enregistrées avec l’édit, et donc toute la publicité qui en résulte.
« La justice administrative est une création de l’ancien régime ». (Tocqueville, l’ancien régime et la révolution. L’auteur démontre que l’émanation du pouvoir administratif n’est pas le fait de la révolution, mais plus de l’ancien régime).
B) Révolution et consulat
La révolution va faire ce que la monarchie vieillissante, affaiblie, n’arrivait pas à faire. Elle va mettre les parlements au pas, ce que n’arrivait pas à faire l’ancien régime : lois des 16/24 août 1790. Cette loi est la mise à la porte définitive et péremptoire des parlements. Les parlements sont exclus de l’administration et donc de la possibilité de juger l’administration. Cette loi de 1790 est une loi CONTRE les parlements.
De même, la loi de 1790 interdit les arrêts de règlement. L’arrêt de règlement est une fonction d’administration (les parlements faisaient de l’administration par ces arrêts). Le rôle du parlement se cantonne aux conflits judiciaires.
Enfin, il est créé « UNE Cour de Cassation ».
La révolution fait ce que Richelieu avait fait, mais ce que les monarques ultérieurs n’avaient plus la force de maintenir. Elle réduit le rôle du parlement.
La déclaration des Droits de 1789 proclame dans son article 16 que toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de constitution. (On comprend là toute la contradiction) ! La séparation des pouvoirs de l’article 16 n’est pas exactement la séparation des pouvoirs tels qu’elle est conçue dans la constitution américaine. C’est la « conception française de la séparation des pouvoirs », conception française signifiant que ce pouvoir judiciaire n’est pas le pouvoir de juger l’administration. La séparation des pouvoirs passe par un critère organique : le juge et l’administration ; et non pas par un critère matériel (conception anglaise : tout le pouvoir de juger séparé de tous les pouvoir d’administrer). C’est ce que dira le conseil constitutionnel en faisant un principe fondamental reconnu par les lois de la république.
Du côté de l’administration, la révolution n’est en aucune façon l’acte de naissance du contentieux administratif. Cela n’aurait aucune espèce de sens. Il n’y a pas un mot sur l’administration dans la loi de 1790. S’il faut un acte de naissance au contentieux administratif, c’est l’Edit de Saint Germain de 1641.
C) XIXème siècle
Il n’y a pas de rupture. Il y a sous la monarchie de Juillet une critique contre la juridiction administrative qui reprend exactement les arguments de l’ancien régime. Cette critique est libérale et veut une unité du pouvoir de juger, que cette unité soit étendue à l’administration et il veut que devant les juridictions administratives soit une procédure qui en soit une : une procédure de type juridictionnelle. (La Belgique a ainsi réformé son système).
Ainsi, certains penseurs vont jusqu’à déclarer inconstitutionnelle l’autorité administrative devant le juge judiciaire. Et sur le plan législatif, plusieurs propositions de suppression des juridictions administratives furent présentées.
Finalement, le XIXème siècle est plutôt calme. Une loi de 1872 instaure le tribunal des conflits. La jurisprudence du tribunal des conflits est importante :
— Arrêt Blanco : il ouvre le champ de la création du droit administratif. Cet arrêt fait du juge administratif le législateur de principe du droit administratif (c’est le juge, qui par sa jurisprudence va poser les principes).
— Arrêt Pelletier : une des décisions de 1870 avait été de mettre fin au système de la garantie des fonctionnaires. Le tribunal juge que l’on a abrogé la garantie des fonctionnaires, mais que derrière ce texte il y a la loi de 1870 et le décret de l’an III. Que dès lors, si on permettait au juge judiciaire de connaitre les conflits relatifs aux agents administratifs, dès lors, on méconnaîtrait la loi de l’an III. La volonté du législateur était de
En 2001, le code de justice administrative compile l’ensemble des procédures administratives de droit commun.
Ce faisant, pendant le 19ème siècle, la loi de 1790 est une loi de fond. Elle constitue l’autorité judiciaire avec une compétence limitée aux affaires privées. C’est une loi de fond. A partir du moment où l’administration secrète elle-même une juridiction, qui va un peu se séparer de l’administration, la loi de 1790 devient une loi des répartitions des compétences. Ce contentieux doit-il aller devant le juge judiciaire ? Le tribunal des conflits, à travers une jurisprudence qui est d’abord de fond va ensuite devenir un tribunal d’attribution des compétences.
D) Comparaisons historiques
L’évolution ne s’est pas faite dans un contexte national fermé. Elle s’est faite en comparaison avec d’autres systèmes. La spécificité du contentieux administratif a été prise en compte un peu partout. Les personnes administratives ne sont pas des personnes comme les autres : elles sont immortelles, ont des charges particulières (l’intérêt général)… Partout, dans tous les systèmes juridiques, on prend en compte la particularité du contentieux administratif.
Mais, nulle part comme en France, on ne prend en compte cette particularité autrement qu’en terme technique. Les juridictions administratives existent dans de nombreux pays : c’est une spécialisation du pouvoir judiciaire. Cette spécialisation n’affecte pas l’unité du pouvoir judiciaire. En France, cette spécificité est politique. Ainsi, le juge administratif n’est pas une spécialisation du pouvoir judiciaire mais se trouve à l’intérieur même du pouvoir administratif, de par la justification historique qu’on a vu. La juridiction administrative se trouve à l’extérieur du pouvoir de juger.
Critiques :
Cette position française est critiquée. Les auteurs anglais y voyaient le maintient d’un privilège, le plus grave des privilèges : le privilège de juridiction. Ce système de privilège n’existe pas en Angleterre. Le système français est donc condamnable, critiquable.
C’est ce propos libéral qui a conduit de nombreux pays à écarter la solution française.
Ceci étant, la pratique a montré qu’il y avait une sorte de convergence dans le traitement du contentieux administratif.
— 1/ Le système français à évolué. Ainsi, dans le contentieux de la responsabilité et dans le contentieux des contrats, une série de lois successives ont fait glisser le contentieux administratif vers le contentieux judiciaire (plus de la moitié des hypothèses pour le droit de la responsabilité.
— 2/ Du côté du modèle anglais, ou du modèle Belge général : une évolution s’est produite. Le juge eut beaucoup de mal à traiter le contentieux administratif et de plus en plus à mesure que le contentieux correspondait à des activités complexes de l’administration. Ces pays ont créé des mécanismes de règlement des conflits, non pas à l’intérieur de l’administration, mais à côté de l’administration. Ainsi, les anglais ont créé des institutions aptes à recueillir les réclamations des administrés dans un certain nombre de domaine technique. Ils ont donné le nom de « tribunaux administratif », précisant toutefois que ce ne sont pas des tribunaux, mais des bureaux chargés de traiter le contentieux (procédures gracieuse). L’efficacité est recherchée devant ces « tribunaux administratifs ». En 1958, il fut instauré un « conseil des tribunaux administratifs », autorité qui harmonise les règles de procédure devant les différents tribunaux administratifs.
La convergence est réelle : nulle part on ne peut faire l’impasse sur la réalité du contentieux administratif. Nulle part, on ne peut réduite ce contentieux à un aspect purement technique. Les traces de la spécificité du contentieux se trouvent partout. Trace poussée à l’extrême en France, mais qui apparait quasiment partout ailleurs.
QUE RETENIR DE CA ?
— 1/ La France a opté historiquement pour une organisation tout à fait singulière, qui est d’abord une situation d’immunité contentieuse de l’administration. Cette situation d’immunité contentieuse de l’administration n’a été relayée progressivement et par l’administration elle-même, par sa capacité à organiser à l’intérieur d’elle-même les relations administratives. C’est un droit que l’administration se donne à elle-même, en connaissance de cause (elle se connaît).
— 2/ Si ce système peut demeurer critiquables au regard de la séparation stricte de la séparation des pouvoirs, il trouve une justification dans ce qu’on appelle la « conception française de la séparation des pouvoirs », qui fait passer la frontière non pas entre les pouvoirs et les fonctions, mais entre les organes.
3/ Contentieux administratif et droits européens
Le système communautaire et celui de la CEDH sont des systèmes non stabilisés : ils continuent de former du droit ; et ils possèdent leurs propres juridictions. C’est cet ensemble qui vient irriguer et réformer le droit du contentieux administratif.
Ainsi, le droit conventionnel fut très souvent source d’impulsion dans l’évolution du droit du contentieux administratif.
A) Le droit communautaire
Le droit communautaire ne s’occupe pas en principe de droit administratif. On lui reproche de ne pas suffisamment déborder sur le social. C’est un droit qui vise dans un premier temps à établir des formules de libre échange puis qui vise dans un deuxième temps à établir une concurrence sur le marché communautaire : mécanismes communautaire de concurrence. C’est sous cet angle, indirectement, que le droit communautaire eut une influence sur le droit administratif du contentieux. Le droit communautaire a en effet imposé des règles substantielles de mise en concurrence, imposant aux différents Etats d’imposer des mécanismes de procédure (commande publique) qui faisait que toutes les commandes des opérateurs publics devaient être ouvertes à la concurrence communautaire.
Il fut ajouté un principe d’effectivité : il ne suffit pas que ces procédures existent, il faut encore qu’elles soient respectées. Il est un recours ouvert aux opérateurs économiques dans l’hypothèse où ces procédures seraient méconnues : cette idée conduit à la « directive recours ». C’est une directive imposant aux Etats d’inscrire dans leur droit national une procédure contentieuse dont l’objet est d’assurer de façon efficace la sanction de la méconnaissance éventuelle des règles substantielles de passation des marchés. La jurisprudence de la cour du Luxembourg estimait qu’il n’y avait pas cette procédure.
Réforme : naissance du « référé précontractuel ». Il est une nécessité communautaire. Il n’a à être disponible que pour les nécessités du droit communautaire et doit être aménagé pour présenter les caractéristiques d’efficacité requise. C’est pour cela qu’il faut aller vite, c’est pour cela qu’il est instauré une procédure de référé.
B) Le droit de la convention européenne des droits de l’homme
C’est le plus important. Autant le droit communautaire n’a pas pour objet le procès, autant la CESDH, parmi les droits qu’elle garantie, garantie le droit au juge. Le contentieux est l’un des objets de la convention, par l’intermédiaire de deux de ses articles :
— Article 6§1 (chacun a droit à un procès…)
— Article 13 qui consacre le droit à un procès équitable ayant une effectivité.
Certains auteurs s’appuyèrent sur une formulation de l’article 6§1 qui évoque un « caractère civil » des conflits pour dire qu’elle ne s’applique qu’au seul juge civil. Cette interprétation visant à mettre le contentieux administratif hors le champ de la CESDH fut vivement combattue et fut écartée par le juge de la convention lui-même.
Ainsi, du fait de la non distinction entre la procédure civile et la procédure administrative, il en résulte une banalisation du juge administratif. Son office va de moins en moins se personnaliser par rapport au juge judiciaire car ils ont un même dénominateur commun. (Il y a des formes « d’unification » (relative) du contentieux).
Cette unification relative se fait par l’intermédiaire de « standard » qui n’est pas nécessairement de nature franco-française, mais par une évolution progressive de la vision anglo-saxonne du procès. On voit en effet apparaître des éléments marqués par la culture anglo-saxonne (théorie des apparences). L’approche est subjective : c’est le pressentiment de l’opinion qui prévaut.
Exemples
— 1/ Le cumul des fonctions législative et contentieuses du conseil d’Etat. Le Conseil d’Etat est d’abord un organisme législatif, consultatif. On peut dire que sa fonction contentieuse ne se développa que sur ce terrain. (Le contentieux administratif c’est encore administrer). Or, la CESDH pose le principe de l’impartialité. Cela implique que le juge ne découvre les parties seulement lors du procès. Pourtant, le juge administratif connaît bien l’administration. La question fut posée, non pas concernant le Conseil d’Etat français, mais le Luxembourgeois.
o La Cour Européenne condamna le Luxembourg, du fait de sa juridiction administrative, estimant dans une affaire déterminée que dans cette affaire le juge était un juge partial. Mais il a observé que cette partialité venait de ce que dans le cas particulier, le décret en cause, soumis au contentieux, trois des membres participant au jugement avaient pris part à son élaboration. On retrouvait les mêmes personnes dans l’exercice des fonctions législatives que dans l’exercice des fonctions contentieuses.
o Le Conseil d’Etat exposa dans une affaire contentieuse qu’il lui suffisait à lui (assemblée nombreuse) de veiller à ce que ceux qui ses membres ayant pu prendre part aux activités administratives du conseil ne siégeasse point dans la participation des activités contentieuses. Il suffisait d’organiser par voie interne un système de changement. (C.E., syndic. des avocats de France).
o La question fut ensuite posée concernant le Conseil d’Etat des Pays Bas. Le problème posé était le même. La cour fit remarqué : « il est capital que les cours et tribunaux inspirent confiance aux justiciables ». Elle répond ceci à propos d’un litige où était de nouveau en débat l’impartialité du juge. La menace sur le conseil d’Etat dans son organisation empirique demeure. La CESDH n’est pas disposée à rejoindre purement et simplement la jurisprudence du Conseil d’Etat des syndicats des avocats de France.
— 2/ Le cumul des fonctions législatives et contentieuses. Cette dualité de fonction pose un second problème. Non plus celui de l’impartialité, mais celui du contradictoire (ou du respect des droits de la défense, ou finalement, le problème de « l’égalité des armes »). La dualité des fonctions administratives et contentieuses fait que la formation du juge et de chacune des parties doit être la même. Est-ce vraiment le cas lorsque le juge est saisi d’un recours contre un décret pris en conseil d’Etat, c’est-à-dire que les formations administratives ont déjà donné un avis sur le décret et que cet avis a été communiqué au Gouvernement.
— Respect du principe de la contradiction, inscrit à l’article 6§1 de la CESDH. Dans un premier temps, le Conseil d’Etat répondu qu’il n’y avait pas lieu de communiquer l’avis car l’avis était vide. Le commissaire du Gouvernement tira la sonnette d’alarme : si un jour l’avis contient quelque chose, cela posera un problème. Le conseil d’Etat fit savoir que « si la communication de l’avis était demandé par le requérant, le juge serait tenu de communiquer cet avis ». C’est ce qu’il affirma dans un arrêt du 27 octobre 2000 (arrêt Léonard, p.465).
— 3/ Le commissaire du Gouvernement. C’est un ministère public, subordonné au Gouvernement dans l’esprit de ses législateurs de 1930. Ce ministère public va évoluer : il va s’affranchir de toute allégeance et de toute possibilité d’instruction vis-à-vis du Gouvernement. Il va devenir indépendant. Il devient donc inutile pour ce pour quoi il avait été conçu (on n’avait pas besoin d’un représentant de l’Etat de plus devant les juridictions administratives). Pourtant, par ses conclusions, il a une responsabilité qui déborde le procès : il resitue le litige dans la jurisprudence. Il est la mémoire de la jurisprudence. Mais il est attentif à ce que cette jurisprudence évolue. Il est là pour proposer éventuellement une évolution/modification de cette jurisprudence. Il y a un attachement particulier de la juridiction administrative à ce commissaire du Gouvernement. Mais du point de vue des Standards de la CESDH, ce commissaire est un organisme bizarre. Il se comporte comme un créateur, mais il conclu aussi au rejet ou non de l’affaire. Il prend parti, et en plus on ne peut pas lui répondre (car c’est lui qui conclu les débats). Enfin, il est présent aux délibérés (sans doute selon une pure tradition il n’y vote pas ; il ne parle pas sauf si on l’interroge). Cette construction est étrange mais se comprend assez bien : il voit comment se reçoit sa proposition d’évolution jurisprudentielle. Ainsi, la CEDH a mis à mal ce commissaire du Gouvernement dans plusieurs décisions :
o L’arrêt CRESSE, 7 juin 2001. C’est la première attaque de la CEDH sur le commissaire du Gouvernement. Dans cette décision il fut critiqué et censuré, exclusivement au nom de la contradiction : il faut pouvoir répondre au commissaire du Gouvernement. Cela s’est traduit par la possibilité d’émettre des notes en délibérés, après les conclusions du commissaire du Gouvernement. C’est une sorte de mémoire ultime en réponse qui intervient au moment du délibéré. Ce faisant, le Conseil d’Etat eut le sentiment de répondre aux critiques formulées dans l’arrêt CRESSE. Mais l’arrêt CRESSE s’interrogeait sur la participation même du commissaire au délibéré.
o La CEDH critiqua ensuite la participation du commissaire au délibéré. On joua un peu sur les mots. On considéra que la jurisprudence communautaire interdisait sa participation au délibéré mais n’interdisait pas sa présence. Par décret, on affirma que rien n’empêchait sa présence, de même que d’autres personnes qui pouvait y participer.
o L’arrêt MARTINI, 12 avril 2006 : la CEDH se fâcha. Elle déclara qu’il ne fallait pas jouer sur les mots et qu’elle critiquait la présence même du commissaire du Gouvernement au délibéré. En l’état, cette décision n’est exécuté que partiellement. Un décret a prévu que le commissaire du Gouvernement n’assistait plus aux délibérés. Mais le Conseil d’Etat ne s’est pas encore incliné, ce qui est dangereux, car la France risque d’être condamnée à nouveau et deuxièmement car le Conseil d’Etat est singularisé au sein des juridictions administratives, alors même qu’il est déjà menacé par la dualité de ses juridictions administratives.
Plan du cours : le juge (partie I) et le procès (partie II)
PARTIE I : LE JUGE
Cette partie revoie en grande partie ce qui a pu être vu en première année. Il faudra donc privilégier les choses nouvelles de cette partie.
Introduction
A) Eléments quantitatifs
Le nombre de litiges devant les juridictions administratives est important. Tous les litiges ne débouchent pas forcément sur une saisine du juge car on n’attend rien du juge. A partir de 1985, avec une loi de programmation pour la justice, le visage du juge administratif change et il se rapproche alors du juge judiciaire.
En effet, l’un et l’autre doivent aujourd’hui respecter les règles du procès équitable de la CEDH. Cette cour ne reconnait aucune distinction particulière à la juridiction administrative. Il faut donc que le procès soit impartial, qu’il respect des règles de procédures, etc.
Les juridictions spécialisées sont nombreuses. Ce sont des juridictions d’exception. Elles sont généralement créées pour une sorte de litige donné. Elles sont hétérogènes. Certaines ne statuent qu’une seule fois par an quand d’autres sont appelées à rendre des décisions quotidiennement. Ces juridictions n’ont pas été codifiées.
B) Réformes acquises et à venir
— Loi du 24 mai 1872
Le Conseil d’Etat reçoit la justice déléguée. Il n’avait jusque là seulement la justice retenue. En effet, le Conseil d’Etat n’était alors que le conseiller du chef d’Etat qui prenait la décision. La justice retenue étant devenue une fiction, le chef d’Etat se contentait alors juste de signer.
Le vrai préparateur de la loi de 1872 fut le conseil d’Etat. Cette même loi instaure les tribunaux de conflits, mais ne prévoit pas la procédure des conflits qui était déjà organisée par une ordonnance de 1832. C’est donc au tribunal des conflits que reviendra la charge de trancher les conflits de compétences entre deux juridictions.
Le Conseil d’Etat n’est que le juge d’appel de la décision du ministre juge. Cette vision est abandonnée par l’arrêt CADOT de 1884.
— Décret du 6 septembre 1926 : réforme des conseils de préfecture
Dès l’an VIII, les conseils de préfecture ont la justice déléguée. Ils tranchent avec autorité de chose jugée. Ils ont une compétence d’attribution dans certains domaines. Ces conseils de préfecture évolueront dans le sens d’une juridictionnalisation qui aboutit dans un premier temps au décret du 6 septembre 1926 :
— Ce décret donne une certaine autonomie au conseil de préfecture. Il n’est plus présidé par le préfet. Désormais sa composition est stable et non plus variable au gré des affaires. Mais ce qui est plus important, c’est que ces conseils deviennent interdépartementaux : leur compétence devient pluri départementale. Ils sont détachés du préfet. Cette loi constitue le premier facteur d’autonomie des tribunaux administratifs.
Cette réforme de 1923 sera aboutie en 1953.
— Réforme de 1953 (loi du 11 juillet 1953 et décret du 30 septembre 1953) : les tribunaux administratifs deviennent juges de droit commun
Le vocable est modifié : les conseils de préfecture deviennent tribunaux administratifs. Aussi, il leur est attribué une compétence de droit commun : c’est le juge ordinaire. Enfin, ces tribunaux administratifs se voient attribuer leurs propres fonctionnaires, recrutés par la voie de l’ENA. C’est un corps indépendant du corps préfectoral.
Le moteur de la réforme est matériel : encombrement du Conseil d’Etat, qui enregistre chaque année deux fois plus de recours qu’il n’en juge. Il se décharge donc sur le juge administratif. Le conseil d’Etat n’est plus qu’un juge d’appel.
— La « crise » de 1962/1963. Affaire Canal et réforme de 1963 (décret du 30 juillet)
Crise entre le Conseil d’Etat (à la fois dans sa fonction judiciaire et entant que conseiller) et le Chef de l’Etat (le général de Gaulle). Parce que l’opposition du Conseil d’Etat heurte le président, est décidé une réforme, subie par le Conseil d’Etat.
Que s’est-il passé ?
— L’arrêt Canal. Le Conseil d’Etat, saisi d’un recours en annulation contre une disposition d’une ordonnance. Il était prévu dans cette ordonnance des sanctions pénales devant une juridiction spéciale (une cour militaire de justice des délits d’attentats) et il n’y avait aucun recours devant la chambre criminelle de la Cour de Cassation possible. Le recours invoque la méconnaissance du principe selon lequel en matière pénale le recours est un principe général du droit. Le Conseil d’Etat annula donc l’ordonnance.
— Avis sur le référendum : le Conseil d’Etat donne un avis défavorable car il dit que l’article 11 ne peut être invoqué, et qu’il faut utiliser l’article 83.
Ces deux éléments sont ressentis comme un mauvais coup contre le chef d’Etat. Celui-ci engage une réforme dans une conjoncture difficile (accords d’Evian, Guerre d’Algérie, Attentats…) Le Général de Gaulle estime que le Conseil d’Etat est sorti de son rôle. Il décide de réformer le Conseil d’Etat. Cette réforme sera faite en 1963. La commission nommée pour préparée la réforme sera dirigée par M. RIVERO.
Pour autant, la réforme n’affectera pas vraiment le Conseil d’Etat. Plusieurs nouveautés :
— Double affectation des membres du Conseil d’Etat. (Ils sont à la fois et en alternance juges administratifs puis conseillers
— En matière contentieuse, on crée une procédure plus solennelle. (Rapprochement avec les juridictions judiciaires).
— Loi du 31 décembre 1987 : création des Cours Administratives d’Appel ; nouvelles interventions et nouvelles attributions du Conseil d’Etat
Le conseil d’Etat est toujours submergé par le nombre des recours. Cette lenteur pose problème : la France est régulièrement condamnée pour n’avoir pas respectée le délai raisonnable requis dans la CESDH.
La réforme est importante : création des Cours administratives d’appel. Au nombre de 5, avec possibilité d’en créer d’autres. Ces Cours Administratives d’Appel sont des juridictions d’appels des TA. Par ces juridictions d’appel, l’organigramme de la justice administrative se rapproche de celle des juridictions judiciaires. Le Conseil d’Etat ne devient pas pour autant un simple juge de cassation. Il demeure un juge exclusif dans certains domaines. Le but de cette réforme est seulement de limiter sa charge de travail. Dès lors, il peut se concentrer sur les difficultés juridiques, plus que factuelles. (En pratique, cette idée n’a pas eu d’effet dans sa totalité).
La réforme de 1987 crée la procédure d’avis contentieux : circuit court qui permet aux tribunaux administratifs et aux Cour Administrative d’Appel, par une sorte de question préjudicielle interne, de poser une question de droit, sur un problème sérieux. L’avis n’a pas autorité de la chose jugée.
Enfin, le corps des tribunaux administratifs est élargi aux juridictions d’appel. La gestion de ce corps est retirée du ministère de l’intérieur au profit du conseil supérieur des tribunaux administratifs et des Cours Administratives d’Appel, sous la présidence du vice président du Conseil d’Etat.
— La loi du 8 février 1995 : l’injonction
On cherche à mettre le juge administratif en conformité avec les exigences de la CEDH. Cela concerne en outre l’injonction au juge administratif. Le juge avait posé le principe qu’il ne lui appartenait pas de faire de l’administration active ni de faire des injonctions à l’administration. C’était une attitude de prudence qui donnait beaucoup de liberté au juge pour créer le droit car il n’en tirait pas les conséquences à l’égard de l’administration. Ceci était incompatible avec l’effectivité du procès. Ce principe d’injonction, le juge se l’était attribué dans certains contentieux. La loi de 1995 ouvre l’injonction au juge et le juge peut même assortir sa décision d’une astreinte à l’administration.
— La loi du 30 juin 2000 et les procédures d’urgence
Les procédures d’urgence (exemple du référé) n’existaient pas devant le juge administratif. La loi de 2000 crée le juge des référés. C’est une compétence qui appartient au président de la juridiction agissant. Il peut s’entourer d’un collège ou déléguer son pouvoir de référer. Ce juge des référés se trouve doté des pouvoirs d’injonction : dans les 48 heures, le juge peut ordonner le comportement de l’administration, le sanctionner et utiliser l’astreinte pour la contraindre (exemple du référé liberté).
— La codification : le code de la justice administrative applicable au 1er janvier 2001
L’ensemble de ces importantes réformes ont fait l’objet d’une codification : instauration du CODE DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE, applicable au 1er janvier 2001. Il fait masse de l’ensemble des décisions. Il vaut pour l’ensemble des juridictions administratives (TA, Cour Administrative d’Appel, CE). Dans ce code, il fut introduit un titre primaire qui pose des principes qui valent pour l’ensemble des juridictions administratives.
Ce code ouvre la voie vers de nouvelles réformes. Il les facilite… (À suivre.)
— Vers de nouvelles réformes ?
C) Plan
— Chapitre 1er : Les juridictions administratives
— Chapitre 2 : Les compétences à l’intérieur de la juridiction administrative
— Chapitre 3 : La protection de la compétence de la juridiction administrative
Chapitre 1 : les juridictions administratives
— Du point de vue organique, les décisions rendues par les juges sont susceptibles de relever du Conseil d’Etat si les voies de recours interne sont épuisées.
— Du point de vue matériel : l’activité matérielle de juridiction administrative est pour l’essentiel le rôle des juridictions administratives.
— Une partie des litiges n’est pas portée devant le juge administratif mais devant le juge judiciaire : responsabilité des personnes publiques : c’est le cas du contentieux contractuel, contentieux de l’annulation des actes de certaines AAI (décision de 1987).
Dès lors, le Conseil d’Etat apparaît comme la cour suprême de l’ordre administratif.
Section 1ère : L’arbitrage
L’arbitrage est une justice conventionnelle. Ce n’est pas une délégation du pouvoir de juger de l’Etat, mais un contrat au terme duquel les parties accordent leur volonté sur le fait que les litiges ne seront pas portés devant le juge étatique mais devant un tribunal arbitral dont elles déterminent ET la constitution ET les pouvoirs ET les règles de procédure que ce dernier suivra.
Le droit français reconnaît l’arbitrage.
Limite :
— Le juge arbitral a la jurisdictio (il rend une sentence qui a autorité de chose jugée)
— Il n’a pas l’imperium (ne peut pas veiller à l’exécution de la sentence).
— C’est le juge étatique qui rendra exécutoire la décision des arbitres.
L’arbitrage peut prendre 2 formes :
— Soit dans la conclusion d’un contrat : c’est la clause compromissoire ;
— Soit les parties n’ont rien prévu et à la naissance du litige, elles décident de le faire régler par un arbitre : c’est le compromis spécial d’arbitrage.
On peut imaginer le compromis spécial dans tous les contentieux, par exemple en matière de responsabilité : les parties peuvent convenir de régler ce litige à un arbitre ; en matière de contentieux de l’annulation, pourquoi ne pas imaginer que le jour où un syndicat veut obtenir l’annulation d’un décret que l’un et l’autre concluent un compromis spécial ?
L’arbitrage est une manifestation de défiance vis-à-vis du juge étatique. Les parties par hypothèse de nationalités différentes vont chercher une sorte d’extra-territorialité de leur litige.
Le terrain de prédilection de l’arbitrage est le droit international.
Avantage :
— Justice sur mesure. Il y a une connaissance presque subjective des parties. Le juge agira parfois en amiable compositeur (plus qu’en droit).
— La confidentialité : la procédure ne concerne que les parties. Elle n’est pas publique. Il n’y a donc pas de publicité de la sentence.
Quelle place faire à l’arbitrage en droit public ?
Le droit du contentieux administratif est hostile à l’arbitrage. (Le juge craint une irruption de l’arbitre dans ses pouvoirs qui lui sont propre). Pour favorise l’accueil de l’arbitrage, il est nécessaire de développer l’arbitrabilité, c’est-à-dire augmenter les litiges susceptibles d’arbitrage (donc réduire le domaine d’interdiction de l’arbitrage). Mais dès lors que l’on accepte l’arbitre en droit administratif, vient la question du régime
— La jurisprudence administrative a adopté les règles civilistes (CODE DE PROCÉDURE CIVILE).
Les règles du CODE DE PROCÉDURE CIVILE ont très bien organisé la collaboration de l’arbitre et du juge étatique. Le juge étatique a été rendu nécessaire pour :
— Désigner le tribunal arbitral en cas de conflit
— Garantir l’exécution de la décision.
Finalement, le juge étatique a joué le jeu. Il est pour beaucoup dans le succès de l’arbitrage en droit français.
La mentalité du juge administratif n’en fait pas volontiers un juge auxiliaire de l’arbitre. Une loi de simplification a prévu que par voie d’ordonnance le GOUVERNEMENT était autorisé à modifier le droit de l’arbitrage en matière administrative. Cette plus grande dimension est exclue pour le contentieux objectif (contentieux de l’annulation).
§ 1 : le principe de la prohibition de l’arbitrage
A) La prohibition organique de l’arbitrage
On suppose toujours que l’un des justiciables est une personne publique.
— 1/ Avis Disneyland Paris, du 6 mars 1986 (Conseil d’Etat) :
L’avis avait été rendu dans le cadre de la signature des contrats visant à la construction du Parc d’attraction. Les parties sont américaines (Walt Disney) et un département français. Dans les négociations, la partie américaine s’est inquiétée du sort des litiges qui interviendraient dans l’exécution de ce contrat et a demandé que soit inscrite une clause compromissoire avec un arbitrage. Le département, a fait valoir qu’il y avait une difficulté et qu’en droit français, les personnes publiques ne pouvaient pas signer de telles clauses. C’est dans cette circonstance que le Conseil d’Etat est saisi. Il rend son avis le 6 mars 1986.
— Idée : le principe de prohibition de l’arbitrage pour les personnes publiques résulte des principes généraux du droit public français, principe qui veut que, sous réserve de dispositions législatives expresses ou encore de conventions internationales, « les personnes publiques ne peuvent pas se soustraire aux règles qui déterminent la compétence des juridictions nationales en remettant à la décision d’un arbitre la solution des litiges auxquelles elles sont parties et qui se rattachent à des rapports relevant de l’ordre juridique interne ». Aussi, une clause d’arbitrage sera nulle et la nullité sera d’ordre publique : si un compromis est souscrit, le juge pourra invoquer d’office ce moyen.
Cette solution est une grande clarification par rapport au droit antérieur. Avant un argument de texte était invoqué, il était fondé sur des textes de procédure civile de 1806 qui n’existaient plus mais disaient que « les causes qui sont transmises au ministère public ne sont pas susceptibles d’arbitrage et les litiges administratifs sont susceptibles d’être transmis au ministère public ». Mais ces textes n’existaient plus depuis longtemps.
Ainsi, la vraie prohibition de l’arbitrage nous vient des principes généraux du droit français. Ce principe est tiré de l’interdiction faite au juge judiciaire de se mêler des affaires de l’administration. L’idée que l’on ne doit pas troubler l’administration. C’est donc un fondement solide qui fait partie de la tradition.
Simplement les choses ont changé et les personnes publiques se sont diversifiées à partir des années 30 puis 50. Des personnes publiques sont apparues mais sous une dimension économique (les établissements publics)… or les textes disent que ce sont des commerçants. La question s’est posée sous un jour nouveau et il y a eu un grand débat pour savoir si l’inarbitrabilité des personnes publiques devait être mécaniquement étendu à de nouvelles personnes publiques dont la vocation explicite était de se comporter comme tout le monde.
— Décision du 13 décembre 57, société nationale de vente des surplus : le conseil d’Etat, au contentieux, déclare nulle les clauses compromissoires signées par des EPIC. Il déclare que ce sont des autorités administratives qui ne peuvent pas signer de telles clauses, quand bien même leur activité est « économique et commerciale ». Cette jurisprudence fut lourdement critiquée à l’époque…
— Loi du 9 juillet 1975, et article 2060 du code civil : le législateur entend les critiques de 1957 et dit que des décrets pourront intervenir pour autoriser spécialement certaines catégories d’EPIC à compromettre. Il n’y a pas eu de décret jusqu’à une période récente.
— Décret du 8 janvier 2002. Il désigne certains EP (EDF, GDF, les houillères de bassin) compétant pour compromettre. Pour autant, ce ne sont plus vraiment des établissements publics. La portée donc portée de ce décret est donc très faible. Le décret ne permet même pas la clause compromissoire mais juste le compromis. Or ce qui est important c’est la clause compromissoire.
Sous réserve de dérogation législative ou de conventions internationales, le principe s’applique à toutes les personnes publiques.
B) La jurisprudence AREA de 1989 (clause compromissoire dans les contrats des concessionnaires d’infrastructures routières). Abandon depuis la loi du 15 mai 2001
La jurisprudence a tranché dans le sens de l’inarbitrabilité.
— 1/ Arrêt du 3 mars 89 : il met en présence une société privée concessionnaire d’autoroute à capitaux exclusivement privés, et une entreprise de travaux publics. Le contrat intègre une clause compromissoire. Le tribunal arbitral rend une sentence et condamne la société concessionnaire à une indemnité importante. Recours de la société devant le Conseil d’Etat. Ce dernier se comporte ici comme un juge d’appel. Il estime que la décision des arbitres ne vaut rien et condamne la société à une indemnité 100 fois moins importante. L’attitude du Conseil d’Etat est très curieuse.
— 2/ Jurisprudence Pérot : on est encore dans un contrat de travaux routiers. Cette fois, le Conseil d’Etat considère que les contrats passés pour faire de la route avec des sociétés publiques sont des contrats privés ! Dès lors, la clause compromissoire dans un contrat routier devient possible.
L’arbitrabilité n’est possible que s’il s’agit d’un contrat commercial.
En droit civil, l’article 2061 interdit la clause compromissoire sauf s’il en est disposé autrement par la loi (article 631 du code de commerce qui autorise le compromis entre 2 sociétés commerciales). Pour autant, le conseil d’Etat dit que le contrat n’est pas passé entre deux entreprises commerciales.
Loi du 15 mai 2001 : modification de l’article 2061 du code civil. L’article dispose désormais que « sous réserve des dispositions législatives particulières dans les contrats conclus à raison d’une activité professionnelle ». Fin de la jurisprudence AREA.
§ 2 : Aménagements et exceptions au principe de prohibition
Il a bien fallu établir des exceptions, pour de simple raisons de nécessité. Comme on l’a vu plus haut, seule la loi peut autoriser l’arbitrage. La question de l’arbitrabilité des litiges administratifs est une question qui n’est pas très difficile à résoudre. Les textes interviennent là où on avait besoin de ces dérogations et surtout en matière d’EPIC. Ces hypothèses de dérogation ont été codifiées (L’article L331-6 du code de justice administrative établit une liste de ces dérogations).
A) la loi du 17avril 1906 (1ère dérogation)
Le législateur intervient pour dire que les difficultés de règlement des marchés de travaux et de fournitures peuvent faire l’objet d’un arbitrage tel que prévu par le code de procédure civile. Cela a été repris par les codes des marchés publics successifs. Le code de 2006 reproduit encore cette disposition de la loi de 1906.
Ce texte est important. Il est le seul qui nous donne une indication sur le régime de l’arbitrage. Elle signifie que si le même contrat n’a pas de clauses compromissoires, il ira devant l’arbitre. Le juge est le juge judiciaire.
Cette disposition ne concerne pas les EP car il n’y en avait pas à l’époque. Pourtant, un arbitrage rendu sur la base de ce texte concernant les EP a été rendu.
— Tribunal Administratif Strasbourg 24 janvier 1997 : concerne un recours fait par un conseiller communautaire contre la décision de la communauté urbaine de recourir à l’arbitrage. Une communauté urbaine est l’équivalent d’une collectivité territoriale.
B) Loi du 9 juillet 75 (art 2060 al 2 C. Civ)
Loi qui fait suite à la jurisprudence vente de surplus.
C) Loi du 19 août 1986
C’est une loi particulière. Nous voilà revenu à l’affaire Disneyland Paris.
On appellera cette loi la « loi Mickey ». Le principe est le suivant : L’Etat, les collectivités territoriales et les Etablissements Publics qui concluent des contrats avec des sociétés étrangères dans un but d’intérêt général peuvent insérer dans les contrats des clauses compromissoire et recourir à l’arbitrage ».
Cette loi est votée pour les circonstances de la cause. Personne n’en doute.
D) Lois spéciales
Ce sont des lois de création des Etablissements Publics. Dans le texte législatif, on inscrit la possibilité de transiger et de compromettre.
De la même manière, cette possibilité fut inscrite dans le statut de réseau ferré de France.
E) Eléments de la pratique
Il est arrivé que des clauses compromissoires fonctionnent alors que ce n’était pas possible. (Ex : convention passée en 1951 entre 2 EPIC (EDF et GDF). Cela a fonctionné).
F) Les conventions internationales
Il y a toute une série de conventions internationales auxquelles la France est partie et qui prévoient la possibilité pour les parties de souscrire les clauses compromissoires. L’état renonce à se prévaloir de leur immunité d’arbitrage, et sont traitées comme des entreprises de droit privé. La France est signataire de ces conventions. Ces conventions visent des litiges du commerce international : dès lors que l’on est dans un acte du commerce international l’Etat ne devrait pas pouvoir soutenir que le litige ne peut être arbitral.
— C’est l’avis de la Cour de Cassation depuis un arrêt de 1966 : « la règle de la prohibition édictée pour les contrats de droit interne n’est pas applicable à un contrat passé pour les besoins et dans des conditions conformes au besoin du commerce maritime international ».
Définition du contrat international par l’article 1492 code de procédure civile : « Est international l’arbitrage qui met en cause des intérêts du commerce international ». C’est donc un contrat qui comporte des flux transfrontières des biens, de personnes, de savoir faire. L’inarbitrabilité n’est pas opposable dans ce cas, selon la Cour de Cassation.
— Le conseil d’Etat considère que le contrat qui intéresse le commerce international est celui qui s’exécute à l’étranger mais dès lors qu’on est en France, ça n’intéresse pas le commerce international. La position du Conseil d’Etat est contestable.
§ 3 : le régime de l’arbitrage administratif
— Modèle de la loi de 1906 : il s’agit de dire que c’est la CODE DE PROCÉDURE CIVILE qui contient les dispositions relatives au régime de l’arbitrage.
— Modèle n° 2 : construire un droit de l’arbitrage pour voie législative.
Solution intermédiaire :
Compétence des arbitres et contentieux de l’acte administratif unilatéral : les actes détachables
— La délibération de signer est détachable du contrat. Cela fragilise la technique arbitrale. Elle ne fait pas partie de la culture du juge administratif.
— L’exécution de la sentence suppose l’exequatur de la sanction, où il est fait un contrôle de la sentence. Pourrait-il dire que la clause compromissoire est nulle et donc finalement faire un contrôle d’ordre public.
On le voit, le régime de l’arbitrage en droit administratif est fragile. Quand bien même l’arbitre intervient légalement, sa décision sera toujours limité et pourra encore être contrôlé, si l’acte à l’origine du contrat, détachable, et contrôlable par le Conseil d’Etat est annulé…
Section 2 : le Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat est l’institution centrale du système administratif. Il est la source de la jurisprudence des bases du droit administratif français. Il est au sommet de l’ordre juridictionnel administratif.
Alors que le la Cour de Cassation a une organisation pyramidale, l’organisation du Conseil d’Etat est concentrique.
Mais le Conseil d’Etat n’est pas qu’une cour suprême :
— Il possède des compétences directes
— Il peut être juge d’appel
— Et enfin il sera juge de cassation.
L’organisation du Conseil d’Etat est aussi unitaire :
— La cour de Cassation est structurée en différente chambres.
— Le conseil d’Etat n’a pas de chambre spécialisée.
§1er : Historique
Le conseil d’Etat prend racine dans l’institution du « conseil du roi ». C’est la constitution de l’an VIII et le règlement général de l’an VIII qui prévoyaient un tel conseil.
Les crises du Conseil d’Etat (3 périodes) :
— 1/ La restauration : le Conseil d’Etat fut l’objet de vives critiques. C’est sont existence même qui fut contestée. Des réformes substantielles sont alors entreprises pour en faire plus visiblement une juridiction :
— Plus grande participation au contentieux
— L’Assemblée générale tient séance publiques,
— Création des commissaires du gouvernement. Ces commissaires deviennent outil de la jurisprudence : ils veillent au respect et à la cohérence de cette jurisprudence (au sein de la juridiction administrative).
— 2/ Loi 24 mai 1872 : Fin de la justice retenue, remplacée par la justice déléguée : pas vraiment perçue comme une victoire par le CE (PFLR : contentieux de l’annulation et réformation acte administratif ne peut être confié qu’aux juridictions administratives) : EVOL IMP
— 3/ Crise 1962/1963 : (cf. infra).
§2 : Formations d’instruction et de jugement du Conseil
Dans cette formation, le Conseil d’Etat est organisé comme un ministère, avec des sections rattachées aux différents ministères et qui donnent conseil aux administrations de rattachement.
— Règlement de procédure : ce règlement régit le Conseil d’Etat jusqu’en 1945 : apparition section contentieuse, l’instruction revenant aux différentes sections.
Le dualisme du conseil d’Etat apparaît nettement par la suite des organisations des sections administratives et du contentieux.
Les membres du conseil d’état alternent dans les fonctions administratives et contentieuses : le 2nd Empire fonctionnera comme ça
Le système actuel enfin, est celui de : « la double appartenance », système renforcé par la réforme de 1963 :
— Quand on juge, il ne faut pas oublier qu’on juge l’administration (les membres appartiennent aux deux formations)
— Mais cette double appartenance n’est pas complète car on estime que le contentieux est une bonne formation : ainsi, les jeunes juges commenceront ils par le contentieux ?
Principe : une affaire est instruite par une sous section à une époque spécialisée, aujourd’hui moins, jugement fait par des formations différentes selon l’importance de l’affaire et la difficulté juridique qu’elle pose (caractère de principe, ou d’espèce)
— Possible une sous section, voire 2 réunies (celle ayant fait l’instruction avec une autre). Parfois trois sections sont réunies : formation ordinaire de jugement
— Si l’affaire est d’importance :
o Juridique (revirement/infléchissement de la jurisprudence). Dans ce cas, la section sera composée avec deux conseillers d’Etat affectés à titre principal à la section administrative, le commissaire Gouvernement et le président de sections
o Politique. Alors on déroule le tapi rouge et on se place devant l’assemblée du contentieux (on cherche à établir une présence équilibré entre les membres appartenant à la section du contentieux et ceux qui appartiennent plus aux sections administratives. 12 membres : vice président du Conseil d’Etat (sa voix est prépondérante), président de la section contentieux accompagné de trois président adjoints (président de sous section, d’instruction , de section d’affaire…) viennent s’y ajouter les président des cinq section administratives du Conseil d’Etat
Réforme législative insérant une juridiction des référés :
C’est une formation particulière, à juge unique qui a toujours la possibilité de statuer en formation collégiale (s’il préfère).
L’urgence est prévue structurellement : permanence organisée, la procédure est essentiellement orale (intervention de parties/avocats)
— Résultat : succès. Le référé a bien fonctionné. Le juge n’a pas eu peur d’effectuer sa compétence notamment contre l’administration et le Conseil d’Etat a donné beaucoup de vigueur à cette procédure. Dès lors, c’est toute l’organisation du contentieux administratif qui s’en est trouvé modifiée, et aujourd’hui il y a presque plus de procédures en référé que de procédure « normale ».
Section 3 : Les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel
Ces juridictions territoriales jugent environ 150 000 affaires par an. Elles sont nées du souci de Conseil d’Etat de se désengorger (4-5 ans d’affaires de retard) !
Ces créations furent des succès. Elles donnèrent à l’ordre administratif une physionomie plus conforme au standard conventionnel (CEDH). Par ces réformes, le juge administratif ressemble plus à un juge. Le souci immédiat de désencombrer le Conseil d’Etat débouche aujourd’hui dans une situation de nouvel encombrement ET du Conseil d’Etat et des Cours Administratives d’Appel. En effet, toute réforme qui donne plus d’efficacité à la juridiction administrative appel à plus de contentieux. Des recours et pourvois sont introduits qui ne le seraient pas lorsque la juridiction administrative était inefficace. Le Cour Administrative d’Appel au nombre de 5 en 1987 sont désormais 8 et on prévoit d’en créer plus… (Mais ça coute cher…)
§1er : Le Tribunaux administratif
Décret loi du 30 septembre 1953, complété par un décret ordinaire, entré en vigueur le 1er janvier 1954.
Il s’agit avant tout une réforme de dénomination. Elles n’ont de nouveau que le nom : ce sont les conseils de préfecture qui changent le nom et qui s’appellent Tribunaux administratifs. Ces conseils de préfecture, depuis 1926, étaient devenus interdépartementaux.
Au lendemain de la Grande Guerre, on avait établit à Strasbourg un véritable tribunal administratif sur le modèle allemand. Ce tribunal administratif de Strasbourg a gardé ce nom.
Mais la réforme est formelle aussi : le terme de conseil de préfecture marquait le rattachement de l’administration au préfet. On se sépare de ce nom pour adopter le vocabulaire de juridiction.
Réforme du personnel :
La réforme de 1953 décide que le corps des tribunaux administratif sera pourvu par la voie de l’école d’administration. C’est à la sortie de l’ENA que les élèves choisiront leur attribution. C’est donc un personnel spécialisé : le métier est de devenir juge, et non pas administrateur. Cette réforme a réussie, en cela que la qualité de la justice administrative en 1er ressort s’en est trouvée améliorée, tandis que la crédibilité a été ressentie d’avantage.
Les jugements des tribunaux administratifs ne font l’objet d’appel que dans 15 à 20 % des cas. Un appel sur cinq infirme la décision du juge. On peut donc affirmer que dans 90% des cas, la décision de la Cour d’Appel est la bonne décision.
Le dernier Tribunal Administratif fut créé par une ordonnance du 26 septembre 2003 : Tribunal Administratif de Mata Hutu, à Wallis et Futuna. Jusqu’à cette date, il n’existait pas là bas de Tribunal administratif mais un « conseil du contentieux administratif ». C’est désormais le même modèle sur l’ensemble du territoire métropolitain et sur les DOM et TOM.
Ces tribunaux administratifs sont desservis par un personnel recruté à l’ENA, mais très rapidement il y eut une insuffisance. Dès 1875, on créa un recrutement complémentaire, institué de façon « limité dans le temps ». Ce recrutement se fit par un concours spécial. Ce recrutement complémentaire fut reconduit par des textes successifs et depuis une loi de 2002, cette voie est permanente.
Ce concours spécial a été largement ouvert : aujourd’hui, un peu moins d’un quart des conseiller administratif provient de l’ENA, les ¾ proviennent de ce concours spécial ; concours exclusivement juridique (ce qui n’est pas le cas de l’ENA).
Organisation :
— « Corps des conseillers des tribunaux administratifs et Cour Administrative d’Appel ». A l’origine, il n’y avait pas vraiment de corps de ces conseillers. Un des objets de la réforme fut de donner une lisibilité à ce corps et une autonomie relative : bien que soumis au statut général de la fonction publique, ils ont toutefois des juges et doivent avoir une certaine autonomie. C’est le décret de 1953 qui dote ce corps d’un statut particulier.
— Dans un premier temps, la réforme de 1987 a détaché le rattachement de ce corps de ministère de l’intérieur. Un décret du 28 septembre 1988 a donné un nouveau statut, sur la base d’une loi du 6 janvier 1986, qui modifie substantiellement le statuts des tribunaux administratifs et Cour Administrative d’Appel. La loi ne soumet pas les conseillers au statut de la magistrature judiciaire. Mais elle importe au nouveau statut des éléments qui nous rappellent étroitement des éléments visant à garantir l’indépendance des magistrats judiciaire. La loi n’affirme pas l’inamovibilité des magistrats du siège dans l’ordre judiciaire. Mais elle l’affirme substantiellement : elle affirme que les membres des tribunaux administratifs ne peuvent pas recevoir une nouvelle affection, même en avancement, sans leur consentement.
— 2nd aménagement : la loi de 1986 n’apporte pas une sorte de conseil de la magistrature. Mais elle crée une institution spécifique : le Conseil Supérieur des tribunaux administratifs et Cour Administrative d’Appel (CSTACAA), présidé par le vice président du Conseil d’Etat, qui comprend des personnalités nommées par le président de la république et des deux chambres, des représentants du corps, dont le secrétariat est rattaché au Conseil d’Etat. Ce conseil peut connaître la question relative à la carrière, à l’avancement, à la discipline, sans pour cela que les membres soient des magistrats.
Fonctionnement des T.A
— Formations de jugements, divisés en chambre. (Le Tribunal Administratif de Paris comprend 17 chambres).
— Le juge unique : il a pris une importance avec les T.A. Le juge unique est le président du T.A ou le magistrat qu’il délègue.
§2 : Les Cours administratives d’appel
Les Cours Administratives d’Appel sont une complète nouveauté (à la différence des TA). C’est la loi du 31 décembre 1987 qui décide la création de 5 Cour Administrative d’Appel (d’autres pouvant être crées par décret). Cette réforme n’entra en vigueur que le 1er janvier 1989.
Depuis cette date, de nouveaux Cour Administrative d’Appel furent créés par décrets, d’autres le seront prochainement. Ils ont pris une place importante.
Ce qui est intéressant ici, c’est que le contentieux de l’appel a été transféré pas par pas (pour voir comment ça se passe. Ce transfert n’est pas achevé.
Le corps du Cour Administrative d’Appel n’est pas un corps unique : il est lié au corps des tribunaux administratif puisque c’est le corps des conseillers des tribunaux administratifs et Cour Administrative d’Appel. (C’est le Corps du Conseil d’Etat qui est différent).
L’institution des Cours Administratives d’Appel fait se rapprocher la juridiction administrative de la juridiction judiciaire. En droit comparé, elle se rapproche également de l’organisation des pays voisins. L’ordre administratif, avec la réforme de 1987 se rapproche de ce schéma (sans le rejoindre tout à fait). Cependant, ces Cours Administratives d’Appel ne deviennent pas le juge d’appel de droit commun des jugements des TA. En effet, au lendemain de la réforme de 1987, le Conseil d’Etat demeure le juge d’appel de droit commun des TA. C’est le juge d’appel ordinaire, celui qui a la compétence de principe.
Mais les exceptions ne sont pas déterminées strictement : l’idée est d’opérer un premier transfert du contentieux et de voir comment ça se passe. Si tout se passe bien (bonnes décisions, efficacité), alors on peut transférer d’avantage… Ainsi, le transfert s’est généralisé en 1995, mais n’est pas total.
Aujourd’hui :
— Le Conseil d’Etat est le juge d’appel de droit commun
— Il y a tellement de textes pour donner compétence au juge des Cours Administratives d’Appel, que quantitativement (et de loin), le juge d’appel le plus fréquemment saisi (à 90%) est le juge des Cours Administratives d’Appel.
Dans ce schéma, le Conseil d’Etat devient alors juge de cassation des arrêts rendus par les Cours Administratives d’Appel. On doit parler en langage strict de :
— Jugement des tribunaux administratifs
— D’Arrêt des Cours administratives d’appel
— Décision du Conseil d’Etat
Le conseil d’Etat affirma que toutes les formations ont vocation à assurer tout le contentieux.
Concernant la cassation des arrêts des Cours Administratives d’Appel, par le Conseil d’Etat :
Mais le Conseil d’Etat, habitué à juger en premier ressort (et comme juge d’appel), a usé de la faculté de casser sans renvoi : il s’est comporté comme un 2nd juge d’appel. En effet, s’il cassait la décision, il substituait sa décision d’appel à celle de la Cour administrative d’appel. Il y a dans le mécanisme de la cassation une grande différence d’avec celle de la Cour de Cassation. Il pourrait renvoyer, mais il ne le fait pas volontiers, beaucoup moins que la Cour de Cassation qui pourtant a cette faculté de casser sans renvoi. S’il le fait, c’est parce que le Conseil d’Etat est habitué à être juge de fond (ce qui n’est pas le cas de la Cour de Cassation).
L’avis contentieux
La réforme de 1987 a introduit une chose étrange : l’avis contentieux. C’est la possibilité pour une Cour administrative d’appel ou un tribunal administratif d’interroger le Conseil d’Etat sur une question de droit « nouvelle et répétitive », afin que celui-ci rende un avis sur la décision (sur sa portée et la régularité du texte. L’avis ne lie pas la juridiction qui a interrogé, mais c’est un avis contentieux (donné dans une procédure juridictionnelle, à l’occasion d’un procès, et que devant le Conseil d’Etat saisi pour avis, ce sont les formations contentieuses qui vont donner l’avis. Il sera rendu dans la forme juridictionnelle.
Cet avis a une autorité de fait tout à fait particulière. Pourtant, le Conseil d’Etat a toujours décidé de la publication de son avis au JO. L’avis n’est pas lié, mais pour autant, le juge est lié car au final, s’il va à l’encontre de l’avis, le juge du dernier ressort, le Conseil d’Etat ne prendra pas un avis différent…
Origine de cette procédure ?
Les organismes fiscaux, qui ne pouvaient pas attendre 5/6 ans de jurisprudence, avec des effets rétroactifs dévastateurs. Ce service avait besoin d’un circuit court. Cet avis contentieux tient pour origine la législation fiscale. Cet avis est une bizarrerie, c’est une configuration pragmatique mais étrange.
Réussite ?
— L’avis contentieux fut un succès : il est largement utilisé. D’autant plus que le Conseil d’Etat est dynamique. Quand le conseil d’Etat voit qu’une question se pose dans beaucoup de juridiction, le Conseil d’Etat sait faire pression pour se faire interroger. Il sait aussi faire pression pour se faire interroger pour des lois nouvelles.
— Ce succès de la procédure d’avis fit des jaloux et des envieux. La Cour de Cassation souhaita bénéficier de la même procédure. Ca se fit par la loi, qui institua une procédure d’avis sur un modèle un peu près identique, mais cette institution ne fonctionne pas de la même façon : la Cour de Cassation n’a jamais soufflé l’idée de se faire interroger ; la Cour de Cassation n’est pas du tout en position de supérieur hiérarchique. Donc la Cour de Cassation n’a pas suscité l’avis et d’autre part, par une stricte application de la loi, elle rejeta les demandes d’avis lorsque les conditions n’étaient pas satisfaites (problème de droit nouveau).
Section 4 : Les autres juridictions administratives
Ces juridictions sont nombreuses. Instituées par la loi, elles sont chargées de connaître une situation particulière. Il existe une trentaine de catégorie de juridiction administratives spécialisées, se sont multipliées tout au long du siècle dernier et font généralement l’objet de vives critiques :
— Parce que ce sont des juridictions d’exception
— Parce que ça augmente les risques de conflits de compétence à l’intérieur de la juridiction administrative
— Parce qu’elles n’ont pas de professionnalisme (certaines de ces juridictions sont occupées de « juges occasionnels »).
— Certaines de ces juridiction sont construits sur un modèle corporatif (risque que le jugement soit faussé par l’appartenance au corps : règlement de compte et/ou solidarité).
Si ces critiques sont générales, elles doivent être nuancées selon les juridictions administratives spéciales :
— Elles sont d’une extrême variété,
o quant à leur composition : certaines ont pour membre de véritables magistrats
o quant à leur caractère permanent ou non
o quant à leur condition de fonctionnement (quelques unes ont un greffe ou un secrétariat permanent, d’autre n’en on pas et sont gérées par le président du tribunal d’exception.
— Certains de ces juridictions aussi sont à l’intérieur d’une autorité administrative indépendante (ainsi, la commission bancaire est un donneur d’avis : fonction consultative ; elle a la qualité d’autorité administrative indépendante parce qu’elle participe à la réglementation bancaire et prend des mesures administrative et enfin, elle agit comme une juridiction répressives, administrative.
— Certaines de ces juridictions ont parfois plusieurs degrés : première instance et appel, le tout étant emporté en cassation devant le Conseil d’Etat.
— Il ne faut d’ailleurs pas oublier que la plupart de ces juridictions relèvent de la cassation du Conseil d’Etat. Quelques une relèvent même de l’appel devant le Conseil d’Etat.
D’une façon générale, ces JAS ne relèvent pas du ?
Il reste que les principes généraux du droit administratif s’appliquent aux juridictions administratives spécialisées. Ces JAS peuvent intervenir de 4 façons (§1)
§1er : Modalités d’intervention
On peut distinguer 4 types d’intervention.
— 1/ Juger un recours formé contre une décision administrative.
On se trouve dans le contentieux de l’excès de pouvoir. Ce contentieux présente une certaine technicité, ou un certain caractère répétitif. Pour cette raison, plutôt que de reconnaître la juridiction de droit commun du Tribunal administratif, on crée une commission spéciale.
— Exemple des commissions d’aide social, pour le refus d’autorisation d’aides sociales).
— De la même façon, les décisions en matière de tarification sanitaire et social relèvent d’une commission spécialisée.
— Exemple encore de la commission des réfugiés et apatrides.
Ces juridictions ont vocation à juger une décision présentant une certaine technicité. Ils ont pour principe vocation à disparaître lorsque le sujet qu’il suscite disparait lui-même. (Exemple de la commission sur les dommages de guerre).
— 2/ Juridictions administratives spécialisées qui infligent des sanctions.
Le Conseil Constitutionnel admet que les sanctions administratives soient prononcées par d’autres que le juge pénal, pourvu qu’il s’agisse toujours de sanctions non privatives de libertés et pourvu que soit assuré dans ces juridictions autre que le juge pénal des garanties équivalentes à celle qui entourent le juge pénal : garanties de fond : présomption d’innocence, rétroactivité de la loi répressive plus douce ; et garanties de procédure : respect des droits de la défense.
— Des juridictions administratives spécialisées ont reçu ce pouvoir de sanction. Le législateur a juridictionalisée la répression :
— Le supérieur hiérarchique, vis-à-vis de ses subordonnés (pouvoir disciplinaire). Dans certains domaines, on a choisi de juridictionaliser ce pouvoir disciplinaire. C’est bien le pouvoir disciplinaire de l’administration qui s’exerce, mais on voulu que les destinataires de ce pouvoir disciplinaire aient plus de garanties. Exemple : le pouvoir disciplinaire en matière universitaire se fait par l’intermédiaire d’une juridiction administrative spécialisée, occasionnelle, rassemblant les membres universitaire, subordonné en appel au CNESER.
— Exemple du Conseil supérieur de la magistrature. Pour ce conseil, c’était moins évident : le CSM juge de la discipline des magistrats judiciaire. Il est composé pour une part d’élus qui sont des magistrats judiciaires. Il y a là une formation du monde judiciaire pour juger le monde judiciaire. Le Conseil d’Etat a considéré qu’on était en présence d’une juridiction administrative spécialisée, ayant vocation disciplinaire et qu’il était juge en cassation des décisions du CSM. Ce qui conduit à une formation particulière à l’intérieur du CSM en matière disciplinaire
— 3/ Le cas de la Cour des Comptes
C’est un héritage historique, encore contesté aujourd’hui. C’est un juge, en dehors de tout procès. La cour des comptes juge les comptes en la forme juridictionnelle. On crée artificiellement des parties et sa décision a autorité de chose jugée. Un pouvoir en cassation est possible devant le Conseil d’Etat. C’est ici un cas particulier : à travers le compte, on juge quelque peu le comptable. Juridiquement, le pourvoi en cassation se fait sur le jugement sur les comptes et non pas sur un litige.
— 4/ Le conseil des prises
Il a conservé le principe de justice retenue : c’est le Chef de l’Etat qui constitue la juridiction des prises. Ce conseil est saisi d’office pour juger les prises maritimes réalisées en temps de guerre (dans un sens large). Il statut en la forme juridictionnel. Il statut en droit et en équité. La décision prend la forme d’un décret du conseil d’Etat qui n’est pas susceptible de recours. Nous sommes en présence d’une juridiction administrative spécialisée sans que cette décision puisse finir devant le conseil d’Etat. Le chef de l’Etat ne peut pas revenir devant un autre juge.
§2 : Tableau général
A) Juridiction relevant en appel du Conseil d’Etat et des Cour administrative d’appel
Cette compétence d’appel a pratiquement disparu. Elle n’existait guerre que pour l’ancien conseil du contentieux de Wallis et Futuna. Ce conseil a été transformé en TA.
B) Juridiction relevant du contrôle de cassation du Conseil d’Etat
C’est donc là, que le Conseil d’Etat a exercé sa première compétence de cassation (ces situations étaient antérieures à 1987). Il exerça cette compétence de telle façon qu’il s’est comporté largement comme un juge d’appel. On fit même observé dans de fines études de la jurisprudence du Conseil d’Etat (par M. Chapus) que :
— Plus la JAS en cause était fragile, peu crédible, peu professionnelle, plus le contrôle du Conseil d’Etat était un contrôle approfondi (allant jusqu’à une véritable juridiction d’appel).
— Au contraire, pour les juridictions dignes d’intention, le recours en cassation était un vrai recours en cassation, en cela que le Conseil d’Etat ne contrôlera que le droit
Chapitre 2 : Les compétences à l’intérieur de la juridiction administrative
Qui fait quoi ? C’est le Conseil d’Etat qui détermine tout ça. Pourquoi ? 2 raisons :
— 1/ Le Conseil d’Etat a lui-même une compétence qui le fait participer à tous les types de juridiction. « Il est chez lui dans tous les contentieux » : il est juge de 1ère instance ; juge d’appel ; juge de cassation des juridictions administratives spécialisées. Et enfin, il a depuis 1987 l’outil d’organisation du contentieux qu’est l’avis contentieux.
— Le Conseil d’Etat traverse l’organigramme de la compétence administrative.
— 2/ En second lieu, en cas de conflit de compétence, il y a un mécanisme qui fait intervenir le conseil d’état pour orienter vers le juge compétant
Section 1ère : Les règles de répartition des compétences
Sous-section 1ère : La compétence matérielle
§1er : La compétence en première instance
A) La compétence de droit commun des tribunaux administratifs
Rappel historique :
— En l’An VIII, il existe déjà par l’intermédiaire de la justice déléguée. Le juge administratif de droit commun c’est le ministre (théorie du ministre juge). Le recours pour excès de pouvoir est considéré comme allant directement devant le Conseil d’Etat. On distingue entre le contentieux de l’administration courante et le contentieux plus grave où on demande l’annulation rétroactive. Le juge de droit commun est le ministre. Le Conseil d’Etat développe l’étendu de son pouvoir par étape.
— La loi de 1872. Elle donne justice déléguée. On pense alors que cette loi a pour conséquence qu’il deviendrait juge de droit commun, et bien non.
— Arrêt CADOT de 1889 : Le conseil d’Etat se reconnaît comme juge de droit commun : il admet de connaître directement des litiges qui ne sont pas passés exclusivement devant le ministre. Cette compétence directe est tout à fait considérable et importante car elle porte sur les affaires les plus importantes. La création des Cours Administratives d’Appel reste en dehors de cela.
— Ce n’est donc que dans un troisième temps que la compétence de droit commun sera accordée aux tribunaux administratifs, dans la réforme de 1953. On revient aux sources, en quelque sorte, sauf que l’évolution du Tribunal Administratif a été considérable : il est devenu entre temps en véritable juge et non plus un simple représentant du ministre juge (ex conseils de préfecture).
Idée : les tribunaux administratifs sont inscrits dans un organigramme administratif.
B) La compétence « directe » du Conseil d’Etat
Le conseil d’Etat, tout en délaissant la compétence de droit commun aux TA, a conservé des compétences de première instance primordiales.
1. La « juridiction de haute administration
La juridiction de haute administration correspond à l’idée que ce sont des affaires dont seul le Conseil d’Etat peut connaître, en raison de l’auteur de l’acte ou de la nature de l’acte ou encore de ses caractéristiques. Ces chefs de compétence sont énoncés dans le décret loi de 1953.
— 1/ Les recours contre les décrets. Qu’ils soient des actes réglementaires ou individuels, qu’ils émanent du Président ou du premier ministre, ces actes doivent être spécialement étudiés en raison de leur auteur. Il peut y avoir annulation rétroactive de l’acte. Il en va de même pour les ordonnances qui sont des actes administratifs tant qu’elles n’ont pas été ratifiées.
Le mobile est politique. Ce chef de compétence vaut quelle que soit la nature du décret.
(Exemple : dans l’hypothèse d’un refus d’abroger un décret, le demandeur a alors la possibilité de demander l’abrogation sans condition de délai. C’est le conseil d’Etat qui sera compétant pour étudier la légalité de ce refus. Inversement, le refus de prendre une mesure qui, si elle avait été prise aurait été un décret, n’est pas susceptible de recours direct devant le conseil d’Etat.
— 2/ Les recours contre certaines décisions ministérielles : décisions ministérielles à caractère réglementaire (certaines ont une portée générale), décisions ministérielles prises après avis du Conseil d’Etat.
— Ici, il y a un parallélisme entre la confection de l’acte (Le conseil d’Etat donne son avis) et le régime du contentieux de l’acte (CE compétent)
La jurisprudence a dit que ces actes doivent être pris après consultation du Conseil d’Etat (même les actes du ministre pris après avis du Conseil d’Etat, quand c’est facultatif)
— 3/ Recours en Excès de Pouvoir contre les décisions des organismes collégiaux à compétence nationale (Organismes collégiaux d’ordre professionnel, organismes sportifs, jurys d’examen et de concours).
— Le Conseil d’Etat a souvent une interprétation extensive. (Cf. : pour les actes non pris à proprement parler par le jury. Par exemple, la liste des candidats est une décision individuelle du ministre.
— Le Conseil d’Etat a jugé que cette décision n’est pas détachable des opérations du concours, et que donc elle n’entrait pas dans l’attribution de compétence, comme si elle avait été le fruit d’une instance collégiale.
— Le Conseil d’Etat a jugé que certaines décisions ne relèvent pas de cette compétence : celles de l’office national des anciens combattants par exemple (compétence du TA. CE, 13 mai 1991, arrêt Pelletier)
— 4/ Recours en Excès de Pouvoir d’ordre individuel concernant les fonctionnaires nommés par décret du président de la république :
— Tant en vertu de la constitution que ceux en vertu d’ordonnance organique du 28 novembre 1958. La jurisprudence a tendance à interpréter largement. Un grand nombre d’hypothèses peuvent concerner cette catégorie. Il a même été jugé que le refus de nommer un agent est de la compétence du Conseil d’Etat
— Pour les litiges postérieurs au service : (attribution de l’honorariat, refus de nommer officié de réserve, décision concernant la pension de retraite, etc.). Ces litiges sont considérés comme inclus dans ce chef de compétence.
— Enfin, les litiges sur le refus de communiquer un document à un agent n’est pas de la compétence du Conseil d’Etat.
— 5/ Contentieux de la composition de certains organismes : La loi a donné compétence au CE en 1er et dernier ressort. C’est le cas du conseil supérieur français de l’étranger, du conseil supérieur des tribunaux administratifs et des Cours Administratives d’Appel, des conseils régionaux
Interprétation extensive : sa compétence s’étend à la composition du conseil régional, et à la désignation du bureau
Elections au parlement européens : compétence du Conseil d’Etat (loi du 17 juillet 1977)
2. La bonne administration de la justice
Le CTA nomme tous les TA. Répartition géographique qui couvre tout le territoire métropolitain et même d’outre mer. Mais il est possible d’un litige naisse en dehors du ressort du Tribunal administratif, et que le rattachement à un Tribunal Administratif ne puisse pas être fait.
Décisions prises par les autorités françaises qui exercent à l’étranger : diplomates etc. Peuvent être contestées car sont des décisions administratives.
Marchés et contrats signés par les autorités administratives françaises à l’étranger, et qui sont exécutées à l’étranger (pour construire une ambassade)
Litiges naissant en haute mer du fait d’une autorité administrative française
Cas où le champ d’application s’étend au-delà du ressort d’un seul Tribunal Administratif : méthode utilisée pour les tiers, ils distinguent entre les effets directs et les effets indirects de l’acte. Le juge prend donc en compte les effets de l’acte : si sont concentrés dans le champ territorial d’un TA, celui-ci sera compétent, peu importe si les effets indirects sont au-delà du ressort du TA. Cette méthode n’est pas sûre. Ainsi, le CE peut retenir sa compétence, c’est pour ça qu’il adopte cette méthode
Il a été jugé qu’un arrêté qui prononce l’expulsion d’un étranger a des effets directs concentrés là où il se trouve, donc dans le ressort d’un Tribunal Administratif (mais on ne sait pas lequel)
Décision règlementant les médicaments remboursés : n’a d’effets directs qu’à l’égard des laboratoires pharmaceutiques, et donc le Tribunal Administratif du siège du labo.
Idem en matière de visa : refus d’un visa ou retrait de visa est une mesure individuelle. N’a d’effets directs que dans le ressort d’un TA.
Mais l’inscription d’un film porno sur une liste a des effets sur tout le territoire : compétence du Conseil d’Etat.
C) La compétence d’attribution des juridictions administratives spécialisées
C’est le texte qui la créé qui détermine sa compétence.
Compétence d’attribution, donc restrictive.
Doit être nuancée car il existe un grand principe dans le contentieux administrative : pas de question préjudicielle à l’intérieur de l’ordre administratif, c’est-à-dire que quand une juridiction spécialisée, dans une affaire, rencontre une question qui n’est pas naturellement de sa compétence (celle de la légalité d’un décret par exemple), elle devra se prononcer sur la légalité du décret.
Donc compétence des juridictions administratives spécialisées ne se trouve pas étendue quand au dispositif, mais quand à la motivation.
§2 : La compétence en appel
Pour les juridictions spécialisées : souvent il y a une juridiction d’appel à l’intérieur d’elle-même. Quand il n’y en a pas, l’appel ne va pas devant la Cour Administrative d’Appel, sauf si la loi en dispose autrement. Le Conseil d’Etat ne sera saisi que par la voie de la cassation : juge en dernier ressort.
A) La compétence du Conseil d’Etat
Question posée en 1987 du transfert du contentieux de l’appel du Conseil d’Etat vers les C.A.A. Le principe de ce transfert est dans la loi de 1987, mais ce transfert est imaginé par la loi, et déterminé. A été progressif en fonction de la capacité des Cours Administratives d’Appel.
La loi de 1987 donne aux Cour administrative d’appel le contentieux de l’appel pour la pleine juridiction.
Pour les excès de pouvoirs, la loi ne donne aux Cour Administrative d’Appel le contentieux d’appel que pour les Recours en Excès de Pouvoir contre les actes individuels.
La loi se prolonge par une habilitation à transférer progressivement le contentieux en appel pour les Recours en Excès de Pouvoir contre les actes réglementaires. Elle l’a fait en 3 étapes :
Loi du 8 février 1995 : donne une pleine compétence aux Cour Administrative d’Appel pour le contentieux de l’excès de pouvoir dans son ensemble. Que reste t il au CE en appel ? Le contentieux électoral, les décisions rendues sur renvoi devant l’autorité judiciaire, certaines compétences d’appel rendues par la section du contentieux pour les mesures d’urgence…
B) La compétence des Cours administratives d’appel et son évolution
Son évolution, avec les différents décrets jusqu’en 1995, aboutissant à un transfert très large de la compétence administrative d’appel aux cours administratives d’appel.
Sous-section 2 : La compétence territoriale
§1er : Compétence territoriale des tribunaux administratifs
Cette compétence territoriale fait l’objet de développements assez long du Code de justice administrative (CJA) : articles R312-1 et suivants.
Eléments communs
— 1/ Ces règles de compétences territoriales sont d’ordre public (comme l’est la compétence matérielle). On ne peut donc pas y déroger conventionnellement. On ne peut pas faire élection de juridiction, exceptions étant faite pour le contentieux contractuel.
— 2/ Règle négative de l’indifférence des contentieux, qu’il s’agisse du contentieux de l’excès de pouvoir, du contentieux contractuel ou délictuel… Ces règles ne sont pas déterminées par référence aux différents types de contentieux (de recours) ; ce qui les distingue des règles de compétences matérielle des Cours Administratives d’Appel.
— 3/ Le recours en appréciation de légalité relève du juge principalement compétant.
Les critères sont faits de principes simples et d’une série de dérogation, nombreux, à ce critère de principe.
A) Critères de principe
— La compétence du tribunal est déterminée par le lieu de la localisation du défendeur. (Celui qui agit doit agir devant le tribunal du lieu du défendeur). C’est la même règle en procédure civile, c’est une règle ancienne issue du droit romain.
Dans le cadre du contentieux administratif, l’application mécanique de ce critère a des effets de distorsion du contentieux. En effet, compte tenu du privilège du préalable, c’est presque toujours l’administration qui est en position de défenderesse. Et l’administration est, malgré d’innombrable réformes, centralisée à Paris (tous les actes administratifs important sont localisés à Paris). L’application de ce critère de compétence territorial a pour effet de surcharger le tribunal administratif de Paris (son ressort étant le siège de la plupart des autorités administratives.
Ainsi, toutes les dérogations qui écartent ce critère de principe proposent d’autres critères de compétence territoriale, dont l’objectif est de trouver des solutions visant à écarter la compétence du tribunal administratif de Paris.
En cas de délégation de compétences, s’il s’agit d’une délégation de pouvoir, qui transfert la compétence au délégataire, alors c’est le lieu de compétence du délégataire qui sera retenu comme critère de compétence. S’il ne s’agit que d’une délégation de signature, c’est le lieu de délégation du délégant qui est le critère de l’application de la compétence territoriale.
Lorsque l’acte qui va être contesté a fait l’objet d’un recours administratif avant d’aller au contentieux (recours gracieux ou recours hiérarchique). Ce qui détermine la compétence territoriale, c’est la compétence de l’auteur de l’acte initialement contesté. Le destinataire ne modifie pas la compétence territoriale, que le recours soit préalable (obligatoire) ou accessoire.
B) Critères dérogatoires
Des litiges relatifs à la reconnaissance de certaines qualités
Des litiges relatifs à l’attribution de décoration.
— 1/ Exception relatives à certaines qualités du demandeur (résistant ou évadé) ou litige relatifs à l’attribution de décorations :
— La compétence est déterminée par le lieu de résidence du bénéficiaire.
— 2/ Les litiges relatifs à des décisions individuelles de police (décisions prises à l’encontre de personnes (physiques)). Ce sont des décisions qui organisent, affectent ou compromettent les libertés individuelles.
— Ces mesures seront de la compétence territoriale du tribunal du demandeur.
— 3/ Les litiges concernant les immeubles (de l’administration).
— Dès lors qu’un immeuble est dans l’horizon du procès, c’est le lieu de cet immeuble qui déterminera la compétence territoriale.
— 4/ Les litiges relatifs à la désignation (constitution/élection/nomination) des membres des organismes collégiaux, par des actes administratifs.
— C’est le siège de l’organisme en question qui déterminera la compétence territoriale.
— 5/ Les litiges nés de l’exécution ou de la conclusion des marchés, contrats, concessions ou quasi contrats… Dirons-nous de tous les contrats administratifs.
— Le texte distingue deux hypothèses :
— Le marché ne s’exécute que sur le ressort d’un seul tribunal administratif : ce sera ce tribunal administratif qui sera compétant.
— Le marché s’exécute dans le ressort de plusieurs tribunal administratif (construction d’un TGV ; concession d’autoroute). La compétence territoriale sera déterminée par le lieu de résidence de l’autorité administrative qui a signé le contrat.
— 6/ Litige d’ordre individuel concernant les fonctionnaires (dans le sens large : on inclut les agents publics n’ayant pas la qualité de fonctionnaire)
— La compétence territoriale sera le lieu dans lequel ce fonctionnaire exerce ses fonctions.
§2 : Compétence territoriale des C.A.A
La compétence des Cour administrative d’appel est réglée par la loi (article R221-7 du code de justice administrative, laquelle rattache tous les tribunaux administratifs à une Cour administrative d’appel territorialement compétant (cf. : l’article R221-7)
Section 2 : La mise en œuvre des règles de compétence à l’intérieur de la juridiction administrative
La priorité des règles de compétence
— 1/ Le juge, juge de sa compétence. La question de compétence est la première qu’une juridiction saisie doit examiner. Avant d’examiner le litige au fond, elle doit, compte tenu de la qualité du demandeur, du défendeur et de l’objet du litige, elle doit nécessairement examiner sa compétence.
A cette démarche logique, il y a une petite exception : elle permet au juge, s’il discerne une irrecevabilité manifeste (exemple d’un Recours en Excès de Pouvoir dont le délai de recours est manifestement dépassé), alors le juge, même incompétent, peut trancher l’affaire immédiatement.
— 2/ Application immédiate des règles de compétence
— Les règles de compétences, quand elles sont modifiées, s’appliquent immédiatement, même au litige en cours.
§1er : le caractère d’ordre public des règles de compétence
Les règles de compétence ne peuvent pas faire l’objet d’aménagement conventionnel : la possibilité pour les parties de faire élection de juridiction est très limité, plus encore qu’en droit privé.
A) Moyen d’office
Arrêt TRANI, 4 oct. 1977 : « la détermination de la compétence est une question d’ordre public qu’il appartient au juge de soulever d’office ». (Quand bien même aucune des parties ne contestent le tribunal saisi, le juge doit donc soulever son incompétence d’office.
Le nouveau code de procédure civile est moins contraignant : le juge a la faculté de relever d’office son incompétence. Sur la base de la jurisprudence et de ce texte, on considéra qu’en matière d’incompétence territoriale, il n’avait même pas cette faculté si les parties ne contestaient pas cette compétence. (C’est plus souple).
B) Moyen permanent
L’arrêt Trani poursuit en nous indiquant que l’incompétence peut être invoquée par les parties à tout moment de la procédure : en première instance, en appel, en cassation, tant que l’instruction n’est pas clause.
S’agissant d’un moyen d’office, le juge peut, dans le délibérer, soulever par lui-même le moyen pour rejeter le recours.
Là encore, la procédure civile est plus libérale : l’exception d’incompétence doit être soulevée à certains moments du procès uniquement. Cette position prévaut également
C) L’exclusion des dérogations conventionnelles
— 1/ Règles de compétence matérielle
Il n’est pas possible, par voie d’accord, de déroger aux règles de compétences administratives. Cette règle est absolue s’agissant des compétences matérielles (exception étant faite concernant l’arbitrage).
— 2/ Règles de compétence territoriale
Pour les tribunaux administratifs, il y a une possibilité, une exception à l’interdiction conventionnelle des règles de compétence : article R312-2. Cet article permet en matière de marché, contrat ou concession de déroger aux règles de compétences territoriales
§2 : La plénitude de compétence du juge en principal
Le juge saisi a une plénitude de juridiction (ceci n’est pas singulier dans le contentieux administratif). Le principe repose sur une considération de bonne administration de la justice (il ne faut pas qu’il soit réparti entre différentes juridiction parce que les sous-questions reposent de la compétence d’une autre juridiction).
A) Portée du principe
— Dès lors que le juge est compétant sur le principal, il doit vider le litige de toutes les questions qui s’y attachent (il ne faut pas multiplier les juges, mais un seul interlocuteur pour les justiciables).
Ceci dit, il se développe sur deux registres, dans la mesure où il doit s’appliquer aux conclusions des parties mais également aux moyens invoqués par les parties.
1. Quant aux conclusions
Dans les conclusions,
— il peut y avoir une conclusion principale et des conclusions subordonnées.
— Il peut y avoir une conclusion du demandeur, mais aussi une conclusion reconventionnelle du défendeur.
— Il existe donc une possibilité de conclusions périphériques.
2. Quant aux moyens
La conclusion découle des moyens apportés, donc c’est la même chose que pour les conclusions.
Le juge est compétant, de la même chose qu’il est compétant pour le principal, pour analyser toutes les demandes additionnelles, reconventionnelles, quand bien même ces conclusions relèvent par elles même d’une autre juridiction administrative. (C’est la prorogation de compétence territoriale).
Le juge de l’action, c’est-à-dire le juge des conclusions, examine tous les moyens présentés à l’appui, même si ces moyens ne sont pas de sa compétence naturelle. (Exemple : un litige en matière de loyer, or, un des moyens avancé par les parties est que l’augmentation découle de l’application d’un décret et que ce décret est illégal : un des éléments de la discussion est celui de l’interprétation du décret : le juge sera compétant pour juger ce décret).
Cette plénitude conduit à l’exclusion des questions préjudicielles au sein de l’ordre administratif.
B) L’exclusion des questions préjudicielles au sein de l’ordre administratif
1. La règle
Règle : il n’y a pas de renvoie préjudiciel. Toutes les questions sont des « questions préalables ». Cette règle est posée par l’article R312-3. Ce qui est intéressant, c’est que cette absence, bien que prévue pour les seules juridictions ordinaires, s’applique également aux juridictions administratives spécialisées.
Reste que, comme toujours, des aménagements sont à introduire :
2. Le recours en interprétation de l’article 177 CEE.
Le renvoi préjudiciel à la cours des communautés (droit conventionnel : le traité prévoit, dans la perceptivité d’une bonne application des règles communautaires, que le renvoie à la CJCE est possible. Ceci étant, le Conseil d’Etat n’en n’a pas abusé, sous prétexte de l’exception de « l’acte clair ». Le Conseil d’Etat prétendait que l’acte était clair.
3. L’avis contentieux (article 12 de la loi de 1987)
C’est bien une juridiction administrative qui renvoie au Conseil d’Etat pour demander son interprétation sur une question de droit qui se pose au Tribunal Administratif ou à la Cour Administrative d’Appel. Il y a bien ici une sorte de renvoi préjudiciel.
A l’exception de ces deux règles, on peut considérer qu’il n’existe pas de question préjudicielle à l’intérieur des juridictions administratives.
§3 : L’interdiction des jugements d’incompétence
A) La règle
Règle : les tribunaux administratifs ne doivent jamais rendre de jugement d’incompétence. Ils peuvent se prononcer sur leur compétence. Mais cela ne doit pas déboucher sur un jugement d’incompétence, prononcé en la forme.
Si une juridiction s’estime incompétente, parce qu’elle considère que c’est une autre juridiction administrative qui est compétente, alors le Président doit réorienter le dossier selon une procédure qui va permettre de faire passer le dossier matériellement devant la bonne juridiction (la juridiction véritablement compétente). Le justiciable, qui s’est donc trompé, sera simplement informé du transfert de son dossier (l’incompétence se règle en interne).
Cette procédure provient d’un décret de 1972, se retrouve aux articles R351-1 du CJA. Elle existe pour les Tribunaux administratifs, Cour Administrative d’Appel et le Conseil d’Etat.
Cette procédure doit permettre de corriger l’erreur de compétence, sans l’initiative du requérant, et d’assurer la continuité de l’instance, devant la juridiction désignée comme compétente.
B) Mise en œuvre
Le système, en 1972, est centralisé entre les mains du président du contentieux du Conseil d’Etat. Si un tribunal administratif, une Cour administrative d’appel, voire le Conseil d’Etat lui-même, il saisi alors le Président de la section du contentieux, qui est le grand distributeur des dossiers selon les règles de compétence. Il statue par voie d’ordonnance, insusceptible d’appel. C’est donc un grand organisateur.
Ce schéma initial a été aménagé par un décret du 19 avril 2002, sous forme d’une certaine déconcentration de la procédure.
— Dans le cas où il y a un problème de compétence territoriale : c’est le président du tribunal administratif qui s’estime incompétent qui réorientera vers le bon tribunal administratif ; étant admis que si ce Président a des doutes, il consultera le Président de la section du contentieux du Conseil d’Etat.
Ce mécanisme est révélateur d’une conception particulière du contentieux administratif : tout est organisé de façon unitaire, avec au sommet le Conseil d’Etat. Ce système est performant, et présente des avantages. L’erreur n’est pas catastrophique. Mais cela n’est pas sans effets pervers. (Exemple : en matière de permis de construire : le contentieux est un moyen de pression : dans ces hypothèses, le requérant cherche à gagner du temps. Il a tout intérêt à déposer sa requête devant un tribunal administratif incompétent).
Chapitre 3 : La compétence du juge administratif vis-à-vis du juge judiciaire
Question : quels sont les mécanismes visant à régler les conflits de compétence entre deux ordres de juridiction ?
— Considérations importantes :
— 1/ D’un point de vue pratique. Le justiciable peut se tromper. Son droit au juge peut se trouver affecté par l’incertitude du juge. Mais dans 99% des cas, le doute sur la compétence du juge n’existe pas.
— 2/ Mais derrière tout cela, il y a aussi une donne politique considérable (mise à l’écart du juge véritable, judiciaire, consacré par la constitution, de tout le contentieux de l’administration).
— Ce ne sont pas des rapports entre deux juridiction, mais des rapports de deux forces politiques (le judiciaire et l’administratif).
Les règles de répartition de compétence ont un fondement politique. Son texte fondateur est un texte d’organisation et de séparation des pouvoirs dans le cadre de la juridiction française.
Section 1ère : Principes et sources
§1er : La répartition des compétences appartient au législateur
A) Avant 1958
— Le domaine de la loi était illimité : elle avait naturellement vocation à intervenir dans ce domaine. Avant 1958, tous les textes qui ont redistribué compétence dans les deux ordres de juridiction (exemple les accidents causés par des véhicules de l’administration) sont des lois. On l’a fait par la loi dans les deux sens : qu’il s’agisse d’élargir la compétence du juge administratif ou du juge judiciaire.
B) Depuis 1958
— La constitution de 1958 donne à la loi un domaine limitatif. Lorsqu’on parcourt cette liste, on ne voit aucune attribution de compétence à la loi pour la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Il y a donc à priori une compétence réglementaire pour la répartition de la compétence.
Il y a donc une rupture historique avec ce qui se passait avant 1958 !
Mais la jurisprudence a confirmé la compétence du législateur, que l’on ressentait comme une nécessité.
— Après 1958, comme avant 1958, le pouvoir de la répartition des compétences appartient au législateur.
Sur quelles bases légales ?
— 1/ On retient une disposition de l’article 34 de la constitution selon laquelle « la loi fixe les règles concernant la création de nouveaux ordres de juridiction.
— La création, qu’est-ce que c’est ? à C’est n’est pas seulement la création initiale. La création c’est bien sur l’apparition, mais c’est aussi l’évolution et les modifications de toutes les règles constitutives de la catégorie.
Arrêt du 30 mai 1962. « La loi fixe les règles des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». Par application de ce principe, « c’est au législateur qu’il appartient de fixer les limites et compétences des tribunaux.
Le juge considère que le droit d’être jugé serait une liberté individuelle, une liberté publique. Lorsqu’on définit les règles de compétences entre les deux ordres de juridiction, on toucherait aux garanties d’exercice de cette liberté publique.
Par ce raisonnement, la solution est la même qu’avant 1958.
C) Le rôle supplétif de la jurisprudence
Mais lorsque la loi n’intervient pas, la place pour la jurisprudence demeure. La jurisprudence, sur la base de quelques textes, a élaborée des règles de répartition des compétences : les blocs de compétences ; qui n’ont pas de consécration dans la loi, mais qui sont la détermination par la jurisprudence des règles répartitrices de compétence entre les deux ordres de juridiction.
Exemple : le Tribunal des conflits décida
§2 : Limites constitutionnelles à la compétence du législateur
— Les limites sont venues de la jurisprudence du conseil constitutionnel. Celui-ci procéda en deux temps.
A) Silence de l’article 34 de la constitution
B) La décision du conseil constitutionnel de 1980
Cf. : Conseil constitutionnel, 22 décembre 1980
— Le conseil constitutionnel était saisi de validations législatives. Il s’agissait de revenir sur la décision d’un juge pour anticiper sur une décision que l’on pense d’annulation pour rendre inaccessible un acte que le juge voudrait annuler.
Cette pratique est fréquente. Mais on évitait de saisir le conseil constitutionnel. Pour la première fois, le conseil constitutionnel est saisi de la validité d’une loi de validation ! Il est saisi « au nom de la séparation des pouvoirs (articles 16 de la CEDH) ».
— Il est reproché au législateur de se comporter en tant que juge d’appel : il y a confusion des pouvoirs, son action est inconstitutionnelle.
Réponse : « Il résulte de l’article 64 de la constitution, en ce qui concerne l’autorité judiciaire, et, des PFRLR en ce qui concerne la juridiction administrative, ainsi que du caractère spécifique de leur fonction, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur, ni le Gouvernement ».
C) La décision du conseil constitutionnel de 1987
Décision du 23 janvier 1987
— La compétence de la juridiction administrative est réservée à un domaine particulier : le domaine de la réformation et l’annulation des actes administratifs unilatéraux. Dans ce domaine là, le législateur trouve une limite constitutionnelle à une attribution de compétence.
Conclusion :
L’enjeu de ce débat est la détermination du juge compétant. C’est important, d’autant plus qu’il n’existe pas de mécanisme de régulation, de sorte que le justiciable peut hésiter sur le juge compétant. Mais cette question de compétence emporte des enjeux importants.
Le droit administratif n’est pas le droit privé. C’est un autre droit, un droit jurisprudentiel. A priori, l’attribution de compétence va commander l’application du droit applicable : la compétence précède le fond. Il arrive, certes, que le juge administratif applique le droit privé, quelques fois à la lettre (en visant les dispositions du code civil : exemple pour l’arbitrage).
Il arrive aussi que le juge administratif, applique des principes du droit privé (exemple pour les grossesses des femmes qui travaillent).
Symétriquement, le juge judiciaire applique parfois le droit administratif. C’est d’autant plus intéressant que le juge administratif n’a pas beaucoup de mérite à appliquer le droit privé (le droit privé est écrit). Quand le juge judiciaire veut appliquer le droit administratif, il doit appliquer un droit écrit. Le juge l’a fait pour les dommages causé à des tiers (Dans l’arrêt GIRY, la Cour de Cassation a posé le principe que le juge judiciaire a le pouvoir et le devoir de se référer aux règles du droit public, donc des opérations de police judiciaire).
Section 2 : Collaboration : les questions préjudicielles
La question préjudicielle Lorsqu’une juridiction compétemment saisie d’un litige estime que celui-ci l’amène à trancher une question qui ne relève pas de sa compétence elle doit surseoir à statuer jusqu’à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur la question préjudicielle, énoncée dans les motifs de cette décision de sursis à statuer.
§1er : Le droit des questions préjudicielles
A) Domaine
Distinction entre les questions préalables que le juge règle lui-même et les questions préjudicielles (renvoi à un autre ordre de juridiction).
Le mécanisme des questions préjudicielles est symétriques : juge administratif renvoi des questions au juge judiciaire et inversement.
Ces questions ne sont pas l’objet, la demande du litige, mais elles sont nécessaires pour répondre à la demande.
B) Conditions
Devant le juge judiciaire, sont considérées comme préjudicielles, les questions relatives à :
– l’interprétation, à la légalité des actes administratifs (unilatéraux ou contractuels),
– à la domanialité publique,
Pour le juge administratif :
– questions sur l’état des personnes,
– sur la capacité, nationalité
– sur le droit de propriété : il s’agit de la propriété des personnes privées, mais aussi celle des personnes publiques.
Une évolution s’est produite concernant l’acte administratif :
La présence d’un acte administratif ne peut pas en soit constitué un renvoi préjudiciel : le juge judiciaire applique des actes administratifs, tout le temps.
Ex : interprétation des règlements
Il faut donc faire un tri.
Devant le juge pénal :
Le juge pénal a une plénitude de juridiction, l’interprétation, l’appréciation de la légalité des actes administratifs, actes individuels ou réglementaires : ne constituent qu’une question préalable, qu’il va régler lui-même.
Il devient un juge de la légalité administrative. Il peut le faire en contradiction avec le juge administratif.
Ex : une disposition règlementaire qui impose le port de la ceinture de sécurité, par décret .
Le juge pénal, saisi par des contrevenants, faisant valoir que le décret est illégal, atteinte à la liberté individuelle. Le juge pénal va trancher. Mais tout intéressé peut aussi attaquer le décret devant les TA, le juge administratif peut considérer que le décret est légal et rejette le recours.
Tandis que le juge pénal, relaxe, considérant que le décret est illégal.
Devant le juge civil :
Le principe est que la présence d’un acte administratif constitue une question préjudicielle quelque soit la nature de cet acte (individuel ou règlementaire), dès lors qu’il s’agit d’en apprécier la légalité, ainsi que l’interprétation de l’acte administratif individuel.
Mais pas pour les règlements.
C) Mécanisme
Le juge administratif et judiciaire constate que la question soulevée devant lui est préjudicielle.
Il ne saisi pas le juge compétent, ni ne fixe aucun délai, ni de saisine automatique.
Pour les actes règlementaires, l’exception de la légalité est permanente, à tout moment, on peut l’invoquer.
Mais l’absence de délai, lorsque le renvoi porte sur un acte administratif individuel, est surprenante, ici, l’exception est enfermée dans les mêmes délais que le REP, pour des raisons de sécurité juridique.
Si renvoi par le juge judiciaire : pas de délai (exception permanente), si devant administratif : délai.
CE ; 27/09/1985 société Usinor.
D) Autorité des déclarations d’illégalité
Le juge administratif est saisi sur renvoi, d’une demande de déclaration d’illégalité ou de légalité de l’acte.
Son office n’est pas celui du juge pour excès de pouvoir (pas annulation de l’acte).
CE ; 3/07/1996, ministre de l’équipement contre société APC in generi :
Cette déclaration d’illégalité n’est pas revêtue de l’autorité absolue de la chose jugée, qui se serait attachée à l’annulation du même acte, dans la voie du REP.
Cette autorité est donc limitée aux parties au litige.
Le juge judiciaire sera, en principe, tenu au renvoi si l’acte se présente à nouveau devant lui, et le juge administratif devra à nouveau déclarer l’illégalité de l’acte.
En effet, les dispositions déclarées illégales ne disparaissent pas de l’ordonnancement juridique. Elles ne sont juste pas appliquées dans le litige en question.
Après une déclaration d’illégalité du juge administratif, on peut faire une demande d’abrogation de cet acte, pour illégalité (recevabilité de cette demande d’abrogation).
Mais CCass a une approche différente :
En matière criminelle, puis pour l’ensemble des juridictions civiles (Soci ; 7/12/1993) :
Toute déclaration d’illégalité par le juge administratif, fût elle décidée à l’occasion d’une autre instance, s’impose au juge civil, qui ne peut plus faire application du texte jugé illégal.
Mais elle vise à donner un effet absolu (autorité absolue de chose jugée) à la déclaration d’illégalité, si l’affaire vient devant le juge. Mais l’acte n’est pas abrogé, ni annulé rétroactivement, juste dans l’avenir.
→ Justification pratique, « bonne administration de la Justice », possibilité d’invoquer CESDH, sur le délai raisonnable (mais elle ne l’a pas encore fait).
En pratique :
Dès lors que le juge judiciaire ne renvoie plus, la véritable portée de l’acte est celle de la CCass, une déclaration d’illégalité d’un acte administratif, interdit de se prévaloir de l’acte illégal, devant le juge civil (moyen réputé inopérant).
De plus, il n’y a aucun effet rétroactif.
§2 : Les pratiques contentieuses
Les questions préjudicielles créent des situations de complexité, pouvant être utilisées par certains plaideurs, ou au détriment d’autres plaideurs.
Ces situations sont fréquentes : les activités économiques privées, dont le contentieux relève du juge judiciaire (contrat), mais toutes ces activités privées, sont conditionnées par un réseau d’actes administratifs (règlementées).
Ces procédures qui ont leur unité, sont amputées des questions relevant de la juridiction administrative.
A) Les pratiques préjudicielles « emboitées »
Un juge, saisi compétemment, doit renvoyer une question préjudicielle, devant la juridiction administrative, mais celle-ci pour y répondre doit aussi renvoyer une question devant la juridiction judiciaire.
Ex : licenciement d’un salarié protégé et conteste son licenciement, allant devant les Prud’hommes. Le juge civil considère que l’autorisation de l’inspecteur du travail est en cause.
Renvoi devant le juge administratif, pour déclarer légale ou non, l’autorisation de l’inspecteur du travail. Mais question concerne la légalité de sa nomination, d’où renvoi vers le juge civil.
Le juge administratif répond en général de manière alternative, si l’acte est légal : solution, si ne l’est pas : autre solution.
B) La bonne administration de la Justice
L’incompétence en question préjudicielle : un requérant assigné devant le juge compétent, prend l’initiative d’un recours autonome devant le juge administratif, pour contester l’acte administratif sur lequel repose l’opération litigieuse portée devant le juge civil (procès parallèle).
Il opposera l’existence du second procès, au principal, le juge civil doit donc attendre que le juge administratif statue.
§3 : Evolution et réformes
Réforme possible que si une loi clarifie les choses.
Le législateur peut le faire, mais même une obligation : principe constitutionnel de bonne administration de la justice. Elle est aussi souhaitable pour la CESDH.
Cette réforme a été tentée par une loi du 18/01/1979, lorsque soumis à autorisation administrative, le licenciement pour motif économique.
Les salariés contestaient leur licenciement systématique : renvoi devant le juge administratif.
Le législateur est intervenu :
– la juridiction judiciaire des prud’hommes, doit lui-même saisir le juge administratif ;
– le délai doit être rapide (1 à 3 mois).
– procédure d’urgence devant le CE, à cette époque (pas de CAA).
Puis en 1986, on supprime cette exigence d’autorisation.
Mais il suffirait de donner à cette solution un champ général :
– saisie automatique
– délais incitatifs du juge de renvoi, pour limiter les inconvénients de la question préjudicielle.
Section 3 : – Les conflits de compétence
Le tribunal des conflits
Ces procédures sont confiées pour l’essentiel à une juridiction particulière : le tribunal des conflits (de compétence). Il constitue à lui tout seul un ordre de juridiction : tout ce qui se rattache à l’organisation et à la compétence de ce tribunal relève de la loi. (Article 34 de la constitution).
Composition paritaire : 3 membres du Conseil d’Etat et 3 membres de la Cour de Cassation. Il existe aussi un commissaire du Gouvernement auprès du Conseil d’Etat. On peut imaginer que les magistrats de l’ordre judiciaire revendiquent plutôt en faveur de l’ordre judiciaire, et inversement.
Ce partage de voix est concevable. On a prévu une présidence : le garde des sceaux. Il ne siège jamais, sauf lorsqu’un partage des voix intervient : il intervient alors comme un juge d’appel unique. C’est critiqué, car ça ne répond ni à la discrétion judiciaire, ni au principe de séparation des pouvoirs car le garde des sceaux. On fit aussi part du fait que le garde des sceaux était partial et risquait de favoriser le Conseil d’Etat. Mais la portée de cette critique théorique est limitée dans les faits : les cas de partages sont rares, les décisions sont mesurées.
On est, avec le tribunal des conflits en présence d’une juridiction. Cependant, l’appel n’est pas possible, il n’existe aucun recours possible face à une décision de ce tribunal, ni l’appel, ni le pourvoi, ni même le recours en rectification d’erreur matériel.
§1er : Le conflit positif
Le Conseil d’Etat n’est pas juridiction (justice retenue). Le conflit positif est un conflit entre le juge judiciaire et l’administration active.
Le conflit positif est le bras armé de la loi de 1790. Le juge judiciaire hors de l’administration : défense de troubler les opérations du corps administratif. C’est une règle de fond. Encore faut-il que les sanctions de la règle soient posées
Le conflit positif est une procédure de surveillance du juge judiciaire, qui permet à l’administration active de dessaisir le juge judiciaire si précisément il vient troubler les opérations du corps administratif, c’est-à-dire s’il méconnait la loi de 1790.
Ce n’est pas un conflit d’ordre contentieux, mais c’est une règle qui se rattache à la conception française de la séparation des pouvoirs. C’est au préfet qu’il appartient de surveiller les tribunaux, de les dessaisir si les juges judiciaire empiètent sur la compétence de l’administration.
A l’époque, le conflit positif a été utilisé très systématiquement. Car le juge judiciaire n’avait pas oublié le parlement (les membres étaient les mêmes). Ceux-ci n’avaient pas oublié leurs bonnes vieilles méthodes. La mise à l’écart du juge judiciaire ne s’est pas faite d’elle-même.
L’administration, historiquement, a créé l’administration. Ainsi, quand l’administration revendique une affaire devant le juge judiciaire, c’est pour réaffirmer la compétence de sa juridiction : la dessaisine du juge judiciaire débouche sur la compétence du juge administratif.
Mais cette dessaisine peut s’étendre plus loin : cette procédure a été utilisée pour des activités purement administratives, c’est-à-dire sans attribution de compétence au juge administratif, sur des actes purement administratifs (TC. 2 février 1950, Radiocommunication française)
A) Conditions
Il existe un formalisme tout à fait rigoureux, qui rend l’instance nulle si elle n’est pas respectée. Cette réglementation provient d’une ordonnance royale de 1828. En même temps, cette procédure est évidemment une agression vis-à-vis du juge judiciaire : on vient le rappeler aux limites de sa compétence.
Autorités compétente pour mener la procédure de conflit :
— C’est au préfet qu’il appartient de mener cette procédure. Il est la SEULE autorité compétente. Il peut déléguer cette fonction au secrétaire général de la préfecture. Il ne peut pas déléguer au sous préfet.
— Le ministre est incompétent pour mener la procédure. Ils ne peuvent pas évoquer et prendre la décision eux-mêmes, mais n’oublions pas que le ministre possède le pouvoir hiérarchique.
— Intérêt du justiciable ? Il peut arriver que le justiciable demande au préfet d’élever le conflit. Il se peut qu’une partie ayant intérêt à agir demande au préfet d’élever le conflit.
— Si le préfet donne suite
— Si le préfet refuse (implicitement). L’administré est donc devant une décision de refus opposé devant une autorité administrative. Peut-il contester cette annulation, contestation complétée par une injonction d’élever le conflit.
— Les actes positifs, le déclinatoire de compétence et l’arrêté de conflit : ces deux actes ne sont pas susceptibles de recours.
— En revanche, les refus, à l’un ou l’autre stade, sont considérés comme détachable à la procédure de conflit. Ils sont considérés comme des actes négatifs. Ils peuvent faire l’objet d’un Recours en Excès de Pouvoir (TA Strasbourg, 12 juillet 1979, Stephani). Cette même décision consacre le contrôle minimum sur une décision d’un préfet.
Juridictions devant lesquelles le conflit peut être élevé ?
— Les juridictions judiciaire (la ; toute les ; rien que). Problème : principe de l’impossibilité d’élever le conflit des juridictions dépourvues de ministère public. Or, le tribunal de commerce est dépourvu d’un tel ministère public.
Délai
— A tout moment de la procédure, tant que le juge judiciaire n’a pas statué par un jugement définitif sur sa compétence. Il arrive que, avant de statuer au fond, le juge décide sur sa compétence. Dès lors que le juge a décidé explicitement sur sa compétence, le conflit n’est plus possible.
B) Réglementation
La procédure proprement dite :
Deux étapes :
— Le déclinatoire de compétence
— L’arrêté de conflit (l’élévation du conflit).
Cette réglementation est sanctionnée par la nullité des actes qui ne respecteraient pas cette forme.
— 1/ Le déclinatoire de compétence :
— Le préfet fait irruption dans une salle où il n’a pas compétence, s’adresse au juge, et l’invite à se déclarer incompétent : il l’invite à décliner sa compétence au nom du principe de séparation des pouvoirs à la française. Il l’invite de façon explicite. (Si le préfet est partie au procès et qu’il conteste la compétence, ce n’est pas un déclinatoire de compétence) : il faut un acte formel pour que soient satisfaites les formes de l’ordonnance de 1928.
— Effets du déclinatoire de compétence : obligation pour le tribunal de répondre. Il doit se prononcer spécialement sur sa compétence. Il doit prendre un jugement express sur sa compétence qui consiste à rejeter le déclinatoire (ou au contraire à y faire droit). Mais le commandement de 1928 n’est pas suivi d’effet. (Le juge continue au fond et statut au fond). Dans cette situation, le TC jugea que l’absence de décision explicite de compétence n’empêche pas de passer à la 2nde étape du conflit de compétence.
— 2/ L’arrêté de conflit.
— Cet acte doit intervenir dans les 15 jours du jugement par lequel le juge judiciaire (implicitement par sa décision sur le fond) ou explicitement a affirmé sa compétence. Ce délai ne peut être ni prolongé ni prorogé.
— Dans ce délai, le préfet doit prendre un arrêté qu’il va adresser à la juridiction et au tribunal des conflits.
— Effets : le juge judiciaire qui reçoit l’arrêté de saisie doit sursoir à statuer dans un délai de trois mois. Il reste saisi de l’affaire. Simplement, il ne peut pas juger pendant trois mois. En même temps, le tribunal des conflits est saisi. Ce n’est pas les parties qui sont à l’origine de cette saisie, mais le préfet. Si le TC a statué à l’échéance, c’est très bien.
— Souvent, le TC n’a pas statué dans le délai de 3 mois. Cette procédure, en 1928 était rapide. Mais l’augmentation des pouvoirs donnés à la défense, l’intervention des avocats, les délicates questions de droit qui se nouent, n’ont fait qu’augmenter le délai.
— A la fin du délai de trois mois, le juge du fond peut juger
— Mais le tribunal des conflits n’est pas dessaisi.
— On pourrait imaginer une course de vitesse. Mais ce n’est pas le cas. C’est en fait une course de lenteur : le juge judiciaire ne se bouscule pas pour juger. Il attend patiemment que la décision du TC lui soit adressée.
— Si l’arrêté de conflit est annulé (par un TA) : l’affaire reprend devant le juge judiciaire.
— Si l’arrêté de conflit n’est pas annulé : alors le juge judiciaire est dessaisi.
Au lendemain d’une décision de conflit positif, l’affaire est à reprendre, à l’initiative des parties. Cet arrêté n’a aucune lisibilité en direction de la juridiction administrative. Cette décision est insusceptible de recours.
Il n’existe pas de procédure symétrique au bénéfice du juge judiciaire. Le conflit négatif n’est pas le symétrique du conflit positif. Il n’existe pas de procédure qui permettrait à l’administration de revendiquer devant le juge administratif son incompétence au profit du tribunal judiciaire.
Il existe un texte : loi de 1872. Mais cette loi n’a jamais été utilisée. On pense que cette procédure pourrait être utilisée pour faire venir devant le Tribunal des conflits le contentieux au Gouvernement. Mais pourquoi, à ce moment, faire venir ces actes devant le TC, alors que cet acte est insusceptible de tout recours ?
— La loi de 1870 fut faite contre le juge judiciaire.
§2 : Le conflit négatif et sa prévention
A) Le conflit négatif : condition, régime
— Ici, les parties, avec les mêmes conflits, ont successivement rendues des décisions d’incompétence à caractère définitif.
Jusqu’en 1960, ce conflit consistait à être saisi, à l’initiative des parties, non pas pour faire juger son affaire, mais pour décider du juge compétent. Mais c’était long, fastidieux ! QUID DU RESPECT DU DROIT AU JUGE ? DE LA PROCEDURE RAPIDE ?
B) Prévention du conflit
— Décret du 25 juillet 1960 : il adopte une solution de bon sens. « Lorsqu’un juge va dans une décision d’incompétence au bénéfice de l’autre ordre de juridiction, e qu’il y a déjà eu incompétence dans l’autre ordre judiciaire, alors le tribunal ne doit pas rendre de décision d’incompétence mais doit lui-même saisir le tribunal des conflits. C’est le tribunal de conflit qui décidera. On évite que la saisine du TC soit laissée à la charge des parties.
— Légalité du décret ? (N’aurait-il pas fallu une loi ? On laisse cette question de côté).
— Problème de l’information : comment le juge peut-il être au courant d’une décision d’incompétence de l’autre ordre de juridiction. La vieille procédure existe toujours.
§3 : Le renvoi des difficultés sérieuses de compétence
— Les difficultés sérieuses de compétence. Ce même décret de 1960 a institué une procédure de renvoi pour les difficultés sérieuses de compétence. C’est une procédure facultative, qui donne la faculté aux deux ordres de juridiction suprême (CE et Cour de Cassation), de renvoyer au TC, que les parties l’aient demandé ou non. Il y a une pleine liberté d’user de cette procédure, étant entendu que la décision du TC s’impose ensuite aux deux ordres de juridiction.
Cette procédure a été bien accueillie. Elle a permis de dégager une ligne de compétence claire.
PARTIE II : LE PROCES
Le juge est là pour conduire le procès (administratif).
4 chapitres :
— Théorie générale sur le recours contentieux
— Chronologie du procès (l’instance)
— La décision (chose jugée, exécution)
— Les voies de rétractation
CHAPITRE I : THEORIE GENERALE DES RECOURS CONTENTIEUX
Section 1ère : Les caractères généraux du recours contentieux
§1er : Recours contentieux et recours administratif
C’est une des grandes particularités du contentieux administratif : les liens entre les deux forts. Le recours contentieux est contentieux parce qu’il est porté devant le juge administratif
Le recours administratif est administratif parce qu’il est porté devant l’administration active.
Mais pendant longtemps, ces deux recours étaient contentieux : le recours devant le ministre juge, longtemps juge administratif du droit commun, était-il un recours contentieux ou un recours administratif ? Pendant longtemps, le recours contentieux est né du recours administratif.
On l’a vu aussi : les délais sont parfois alignés (exemple : l’alignement du retrait sur le recours contentieux. Pendant longtemps, le retrait était possible tant que le recours contentieux était possible. Le détachement récent est peut être regrettable).
De ceci, on a gardé aujourd’hui l’alternative, toujours possible, entre le recours administratif et le recours contentieux.
A) L’alternative recours administratif et recours contentieux
Le principe du droit français est qu’un requérant, quelque soit la nature de sa réclamation, a toujours le choix entre un recours administratif et un recours contentieux.
Cette solution n’est ni évidente, ni générale. En Allemagne, le principe est inverse (il faut faire un recours administratif avant de saisir le juge).
Recours administratif obligatoire
En France, il n’y a par exception au principe des hypothèses ou la loi impose un recours administratif avant le recours contentieux. (Article 13 de la loi de 1987). Ce recours obligatoire a plusieurs visées comme celle de désengorger le juge. Il y eut au moment de cette loi de 1987 un débat doctrinal sur la généralisation de ce recours obligatoire. Ce n’est pas la solution qui fut retenue, mais les exceptions ont été de plus en plus nombreuses.
Distinction entre l’alternative et la règle de la décision administrative préalable
— La règle de la décision administrative préalable tient au fait que le juge administratif n’est jamais directement saisi sur des faits : le juge administratif ne peut être saisi que d’une décision.
— Ou bien la décision existe : la règle est satisfaite d’elle-même (elle n’a pas de portée utile).
— Ou bien cette décision n’existe pas (responsabilité délictuelle). Il faudra donc, pour pouvoir saisir le juge, susciter de l’administration une décision ; et donc s’adresser d’abord à l’administration et lui demander réparation. Sur la base de cette décision, on pourra saisir le juge.
Effets de cette règle à valeur législative
Le recours administratif proroge le recours contentieux (il conserve le délai du recours contentieux)
Ce recours administratif prend deux formes : recours gracieux (devant l’auteur de l’acte) ou recours hiérarchique (devant son supérieur).
Conditions :
-> Vrai recours (pas demande d’explication), indiquant clairement l’acte contesté et quelle partie fait l’objet d’un REP.
-> Une seule prorogation de délais possible (si 2 RA pas de prolongation / Ex : recours gracieux, puis hiérarchique : le second, pas prorogation de délai.)
-> Le délai de recours contentieux, n’est conservé que pour l’auteur du recours (un tiers ne peut s’en prévaloir)
-> Ce délai n’est conservé que pour la réclamation : c’est-à-dire que pour la partie de l’acte contesté (mais les moyens peuvent être changés).
B)Principe de l’effet non suspensif du recours – règle fondamentale du droit public (CE, 2 juillet 1982, Huglo et autres)
Principe : Le recours devant jur° adm n’est pas suspensif. La décision administrative dont il est demandé l’annulation continue à s’appliquer après le dépôt de la requête et jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours.( (Cela s’explique par la volonté de prévenir un risque de trop large paralysie de l’action publique qui se traduirait par des recours exercés contre des décisions régulières dont la seule fin serait d’empêcher leur exécution)
Exception : Toutefois il peut-être ordonné, à titre exceptionnel, et à la requête expresse du demandeur, le sursis à exécution de la décision administrative contestée. Cette mesure a le caractère provisoire. Une fois prononcé le sursis à exécution d’une décision, l’administration a l’obligation de ne pas exécuter cette décision et ce, jusqu’à ce que la demande soit jugée au fond.
Conditions de la suspension (très limitatives) : suspicion d’illégalité de l’acte, l’exécution de l’acte doit entrainer un préjudice irréparable (interprété restrictivement)
Effets : le sursis est très rarement décidé ; il conduit généralement à statuer plus vite sur le fond.
Nouveaux textes : suspension modifiée : le sursis n’est plus prescrit à titre exceptionnel, accordé plus facilement que l’ancien sursis (en effet maintenant action est recevable contre les règlements)
Ces décisions concernent exclusivement des actes administratifs individuels.
§2 : caractères généraux de la procédure administrative contentieuse:
La procédure administrative contentieuse, du domaine réglementaire, à la différence de la procédure civile, est organisée différemment. Dans cette organisation, il y a les traces de l’histoire : les traces d’une procédure administrative.
A) Procédure essentiellement écrite
Elle était beaucoup moins chère que la procédure du parlement (représentation des parties, avocats…) Ces derniers ont vu la procédure écrite d’un mauvais œil.
Mais c’est « essentiellement ». Ca ne l’est donc pas totalement.
Il y a des éléments d’oralité dans la procédure administrative :
— Les témoins peuvent être interrogés.
— Les parties peuvent intervenir, et les avocats peuvent intervenir oralement
— Les conclusions du commissaire au Gouvernement sont lues (même si elles sont écrites)
Éléments d’oralité
– témoins
– parties pouvant être interrogées.
– leurs avocats peuvent intervenir oralement
– les conclusions du commissaire au gouvernement sont lues.
Conséquences de cette procédure essentiellement écrite
– L’instruction doit contenir l’expression écrite des parties, leurs conclusions et leurs moyens.
– Les conclusions présentées oralement par les parties ou leurs avocats, doivent être confirmées par un écrit sinon la juridiction administrative considère qu’elle n’en est pas saisit.
– Les parties ne sont entendues que si la juridiction l’y autorise.
– pas des plaidoiries mais de brèves observations.
– les observations orales ne sont pas visées par le jugement.
– le CE : pas tenu de convoquer les parties à l’audience .
Nuance : dans les procédures d’urgence la place de l’oralité est plus importante.
B) Le caractère inquisitoire de la procédure administrative contentieuse
Le juge administratif dirige l’instruction. Il la dirige seul (CAA Paris, Société BOUYGUES et autres, n° 99PA01016).
Ce pouvoir se manifeste dans trois types d’actions :
- Il fixe des délais impartis aux parties pour qu’elles produisent leurs mémoires en défense ou en réplique ainsi qu’il vient d’être dit.
- Il invite les parties à fournir des documents ou des pièces qui lui paraissent nécessaires pour qu’il se détermine et qu’elles n’auraient pas spontanément joints à leurs mémoires.
- Il fixe la date d’audience lorsque la décision juridictionnelle doit être prise après qu’une audience publique ait été tenue.
Évolutions
- au civil : Le juge prend largement en main la procédure.
- administration contentieuse : Introduction progressive d’éléments accusatoires en 1979, CJA, R411-7 en matière de droit de l’urbanisme où parfois le bénéficiaire de l’action contestée n’est pas le défenseur. (ex : Permis de construire, un voisin attaque l’État).
Le requérant (individu lambda, préfet…), à peine d’irrecevabilité de sa requête, doit notifier son recours au bénéficiaire. Même chose pour le recours adm, il faut appliquer R114-7 sous peine d’irrecevabilité (du fait du rapprochement entre le recours administratif et contentieux.)
=> pas encore de généralisation de cette notification, uniquement pour le contentieux de l’urbanisme.
A) Une procédure contradictoire
Le principe du contradictoire est affirmé par l’article L.5 cja
Le juge administratif l’a érigé au rang de principe général du droit. Voir par exemple, pour citer un arrêt récent :
– C.E. 18 février 2004, Ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, n°250707
L’instruction d’une affaire est, d’abord, l’organisation d’un dialogue entre les parties. La requête introductive d’instance est, par les soins du greffe, communiquée à l’administration chargée de la défense. Il lui est imparti un délai, en général deux mois; pour produire un mémoire en défense. Celui-ci, une fois reçu par le greffe, est communiqué au requérant qui va pouvoir produire un mémoire en réplique. Si ce mémoire contient des éléments nouveaux il sera transmis à la partie défenderesse qui pourra répliquer; ainsi de suite tant que le juge estime que le débat n’est pas épuisé. Dés que le juge estime que le débat est épuisé, il interrompt la circulation des mémoires : l’affaire est dite en état d’être jugée.
Le juge ne se prononcera pas sur un moyen, sur un argument, sur un document sans que chaque partie ait pris connaissance de cet élément; que chaque partie ait connaissance de sa présence dans le dossier du tribunal; que chaque partie ait eu le temps de disputer sur cet élément. Lorsque le juge se propose de s’emparer d’office d’un moyen d’ordre public il en prévient lui même les parties et les invite à réagir sur ce moyen d’ordre public.
Section 2 : La prohibition de l’injonction (ordre du juge adressé à une partie au procès, faire ou de s’abstenir de faire quelque chose)
§1 : Critique de cette prohibition
Repose sur le principe de séparation juridictionnelle et administrative (= il n’appartient pas au juge d’adresser des injonctions à l’administration, ni de faire acte d’administration active)
=> interdiction fondée sur aucun texte, car fondée sur doctrine (= le JA n’exerce pas l’imperium)
A) Sur le plan organique
On a permis au juge d’imposer une injonction et une astreinte, par une construction jurisprudentielle dont le fondement était fortement teinté de politique. (=> La ferrière : cette prohibition n’était pas, par nature, étrangère au juge administratif, cette construction était nécessaire.)
– Le CE a permis l’utilisation de l’imperium : CE ; 10/05/1974 : la faculté du juge d’imposer une injonction et une astreinte pour l’exécution des mesures d’instruction, s’applique uniquement pour les décisions de fond, faculté reconnue au juge en vertu d’un principe général du droit.
– introduction de nombreuses AAI dotées du pouvoir d’injonction envers l’administration. C’est donc contradictoire de reconnaitre à l’administration ce pouvoir, et non au juge.
– Le juge judiciaire ne s’est jamais gêné pour en adresser à l’administration.
Ex : voie de fait, le juge judiciaire, compétent même pour réparer (injonction à l’administration).
=> Peu de cohérence : c’est une construction historico-politique.
B) Sur le plan pratique (isolement du système français)
– La France isolée dans cette autolimitation du JA : juge anglais a toujours eu un pouvoir d’injonction contre l’administration, sauf contre la couronne ; juge allemand admet l’injonction générale à l’administration.
– Isolée aussi avec au moment de la CESDH dans les 80’s
– évolution du droit communautaire en 1990 : le juge national exerce des pouvoirs d’injonction, auprès de l’administration, chaque fois du moins qu’on applique le droit communautaire.
ð On comprend de moins en moins cette interdiction, surtout avec l’influence du droit communautaire : peu cohérent de limiter le juge administratif. D’où évolution.
§2 : La pratique de l’injonction
La pratique de l’injonction est un acte d’administration active.
A) Vocabulaire
L’histoire de l’injonction s’est développée de façon un peu curieuse. En réalité, plusieurs situations sont envisageables :
— 1/ L’injonction proprement dite : c’est un ordre fait à l’administration de faire quelque chose (accomplir un acte, produire un document, avoir un comportement…)
— 2/ Il y a ensuite l’astreinte. C’est la sanction d’une injonction. L’astreinte n’est pas en soit un ordre, mais une sentence qui s’exécute si l’ordre n’est pas exécuté. (Peine procédurale).
— 3/ l’acte d’administration active : le juge reprend la plume à l’administration et le reprend à sa place.
— 4/ L’acte en déclaration de droit qui consiste non pas à prendre l’acte lui-même mais de terminer la déclaration de compétence liée pour autorité administrative.
B) Les injonctions
L’injonction, sous ses différentes formes, a été et est pratiquée depuis longtemps.
— 1/ Les injonctions de procédure
Ce sont des ordres formulés par le juge en cours de procédure (de litige) en direction de l’administration pour demander la communication de pièces, la comparution d’une personne… Il s’agit d’injonction d’ordre à l’administration. Ces injonctions ont toujours existé.
Ces injonctions sont sanctionnées. Non pas par une astreinte, mais sur le terrain de la preuve : si l’administration ne défère pas à l’injonction, la sanction est réputée acquise. La sanction est donc un renversement de la charge de la preuve. Ces injonctions de procédure ont pris une importance particulière dès lors que s’est développée l’injonction de référée.
En matière de référé : il faut aller vite. Dans le cadre de cette procédure accélérée, le juge demandera souvent à l’administration de présenter des documents.
— 2/ Le sursis à exécution (suspension depuis loi de juillet 2000).
Cela correspond au renversement non suspensif du recours. CE sursis correspond à un ordre à l’administration de ne plus appliquer l’acte en question : suspendre son exécution. C’est donc un ordre ; une injonction de procédure.
Pour autant, l’acte n’est pas plus illégal qu’il ne l’était antérieurement. Ces procédure de sursis devenues suspension sont devenues nombreuses.
— 3/ Injonction pour assurer les mesures d’exécution. (Loi du 16 juillet 1980).
Il fut créé une procédure d’exécution qui, à l’époque, était remise exclusivement au Conseil d’Etat. Par la suite (clairement depuis le Code de justice administrative), les tribunaux administratifs et Cour Administrative d’Appel ont les mêmes compétences pour l’exécution de leurs décisions.
Il peut s’agir de demande d’information sur une exécution d’une décision. Mais il peut ensuite être ordonné l’exécution d’un jugement. Le pouvoir d’astreinte a aussi été rendu. Le juge a récupéré ce pouvoir. Mais ce n’est que si l’administration n’exécute pas que le jugement est complété par la procédure d’injonction à exécution.
C) L’acte d’administration active
Ce sont les hypothèses où le juge surmonte son interdiction de faire des actes d’administration active, sur la base de textes particuliers. L’interdiction s’est déduite de ces autorisations ! Cette interdiction est même en contradiction avec l’essence du juge (puisque l’imperium est normalement la base même de son pouvoir).
Ces textes sont nombreux, ils ont été en se multipliant.
— 1/ Loi de 1917, sur les établissements dangereux, incommodes ou insalubres. Loi modifiée par la loi de 1976 sur les établissements classés pour la protection de l’environnement.
Pour le contentieux de ces établissements classés, la loi de 1917 met en place un système original : les uns sont soumis à autorisation administrative préalable (les plus dangereux) ; les autres sont soumis à un régime de déclaration. L’autorisation appartient au préfet. L’autorisation peut comporter des prescriptions spéciales sur les conditions d’exploitation. C’est une réalité assez complexe qui encadre l’administration.
Les recours : la loi de 1917 et celle de 1976 ont classé ce recours dans le registre du plein contentieux : le juge a le pouvoir d’annulation et il a aussi le pouvoir de réformer l’acte, de le corriger, de le compléter. Le juge fait acte d’administration.
— 2/ La loi de 1980 pour les immeubles menacés de ruine
Le maire peut ordonner d’office des travaux aux propriétaires si l’immeuble constitue un danger pour le public. Le maire agit par voie d’arrêté. Le juge administratif, en cas de recours, peut également refaire l’arrêté, le corriger, le compléter ou l’annuler en tout ou partie.
— 3/ Le contentieux électoral (élections locales, ordinales…)
Le juge a des pouvoirs considérables. Il est une sorte d’instance ayant la capacité de se substituer au bureau de vote pour proclamer les résultats. Ses pouvoirs sont étendus : il peut réformer les décisions de l’organe de recensement (qui a recensé la participation au vote), il a un plein pouvoir sur le mécanisme électoral qui l’amène à se substituer à l’autorité administrative (le bureau de vote) pour proclamer les résultats.
— C’est ici un contentieux réaliste. Les irrégularités commises dans le scrutin, la campagne, la propagande et les opérations électorales, sont prises en compte que si elles sont susceptibles d’avoir eu une influence sur le résultat du scrutin. (Attention : on peut sanctionner autrement, pénalement ou civilement… Mais sur le terrain du droit électoral, le juge administratif est réaliste : peu importe l’illégalité, dès lors que le résultat est tel que cela n’aurait pas changé l’issu du scrutin, on doit conserver le résultat).
— 4/ Le contentieux fiscal
Le juge administratif peut modifier les évaluations faites par l’administration fiscale : il peut diminuer ou augmenter l’imposition ; il peut prononcer la décharge des droits auquel le contribuable était assujetti par l’administration.
— Dans toutes ces hypothèse, il y a pratique d’acte administratif. Il y a des textes.
— Mais dans le contentieux fiscal, le juge s’est donné de lui-même ce pouvoir.
— Dans le contentieux électoral, le juge a élargi le porté des textes.
D) Systématisation dans le CJA (Code de justice administrative)
Loi du 8 février 1995 : trois articles rangés sous le titre « exécution des décisions » (du juge administratif). Cette loi consacre et généralise les actes d’injonction et les actes d’administration active.
— 1/ L’article L911-1 : lorsqu’une décision de justice implique nécessairement que des mesures d’exécution soient prises par l’administration, et si le juge est saisi de conclusions en ce sens par le requérant, il peut prescrire à l’administration de prendre la mesure dans un délai fixé l’injonction.
— Désormais, l’injonction peut se prendre dès la décision.
— 2/ L’article L911-2. Concerne ici l’hypothèse dans laquelle la décision annulée est une décision de refus. L’annulation d’un refus crée une situation dans laquelle l’acte de refus annulé ne donne aucune décision positive. Le juge, saisi de conclusions en ce sens, pourra prescrire à l’administration de prendre une autorisation positive dans un délai déterminé.
— Injonction sur un acte prescrit (initialement refusé).
— 3/ L’article L911-3. Cet article complète les deux premiers en indiquant que le juge peut assortir l’injonction de 911-1 et de 911-2 d’une astreinte dont elle fixe l’effet. Ce n’est pas automatique (comme les antibiotiques).
Nous sommes ici dans un dispositif complet du droit commun : il touche tous les contentieux. Il ne remet toutefois pas en cause l’utilité des règles particulières vues ci-dessus qui vont plus loin.
— Le juge a retrouvé son imperium (pouvoir de commandement). Ceci en fait de plus en plus un vrai juge, au regard de la CEDH, mais aussi au regard de la CJCE.
§3 : Limites et survie de l’injonction
Elle doit être demandée et même si c’est le cas le juge prendra ces mesures si les textes nécessitent qu’ils les prennent. Il n’y a pas une suite logique de toute annulation suivie de l’injonction.
(Arrêt Migot, 14 mars 2003. M. Migot attaque l’abandon du mécanisme de le TIPP flottante. Migot est député. Il n’attaque pas en tant que député mais en tant qu’utilisateur de voiture. Il demande l’annulation de cette « non décision » de faire flotter la TIPP et il demande l’injonction de rétablir rétroactivement cette TIPP et en tirer les conséquences financière. Double conclusion : annulation et injonction sur la base de 911-1. Le Conseil d’Etat accueille les prétentions de MIGOT : injonction est faite à l’Etat, dans un délai de deux mois, de prendre les arrêtés rétroactifs, pour la période intermédiaire, et sur la base de ces arrêtés, de rembourser aux contribuables le trop perçu du fait du non flottement de la TIPP).
Sur le plan théorique, faut-il apprécier de la même façon l’intérêt à agir pour demander l’injonction et l’injonction elle-même ? En tout état de cause, l’intérêt à agir était en l’espèce demandé par M. Migot, député. Son préjudice n’est ni direct, ni important.
Autre piste dans le pouvoir d’injonction : distinguer le contentieux des actes individuels du contentieux des actes réglementaires :
— Dans le contentieux des actes individuels, l’acte concerne une personne seule qui se bat contre l’administration.
— Dans l’acte réglementaire, l’intérêt à agir est facile à obtenir. Mais l’intérêt d’obtenir une mesure d’annulation qui concernerait tout le monde semble large. Cette piste était fermée car le Conseil d’Etat, antérieurement à l’arrêt MIGOT avait admis le contentieux de l’injonction sur la base d’acte réglementaire.
— La division ne peut pas passer par là.
Toutefois, la jurisprudence Migot doit être rejetée. Il doit y avoir une appréciation différente, distinguée de la pure théorie de l’intérêt à agir.
Section 3 : Unité ou diversité des contentieux
(Typologie des contentieux).
§1 : Présentation classique
Les actions contentieuses sont apparues historiquement à des moments différents. Elles relèvent de régimes différents. Ces actions, au départ, étaient des autorisations données par le prêteur de porter l’affaire devant le juge selon une action donnée au requérant.
La comparaison a ses limites, mais c’est vrai que les actions, le recours, sont apparus à des époques historiquement différentes. Il n’y a pas encore d’unité et il est aussi vrai que ces différents recours relèvent de régimes procéduraux différents.
Laférieire, dans un traité de 1896, classe les recours administratifs en fonction des pouvoirs reconnus au juge. Il distingue quatre hypothèses :
— 1/ Les pouvoirs du juge sont des pouvoirs de pleine juridiction : pouvoir d’exercer un arbitrage sur tous les éléments du litige, et de fait et de droit. Un juge de cassation n’est jamais un juge de pleine juridiction.
— 2/ Le juge a des pouvoirs d’annulation. Laférieire précise : « limité au droit d’annuler les actes entaché d’illégalité ». Les pouvoir sont exclusivement un pouvoir de légalité (de droit) et ils ne débouchent que sur l’annulation ou le retrait (le juge ne peut pas allouer une indemnité).
— 3/ Le juge a des pouvoirs d’interprétation : cela consiste à déterminer le sens et la portée d’un acte administratif, ou à apprécier sa légalité, sans faire l’application de l’acte aux parties intéressées. Ces pouvoirs sont exercés sur renvoi du juge judiciaire.
— 4/ Le juge a des pouvoirs de répression. Le juge administratif est, sur une petite échelle, un juge pénal : il réprime des infractions commises aux lois et règlement qui régissent le domaine public (contraventions de grande voirie).
Duguit, en 1928, présenta une seconde qualification. Il utilise non plus les pouvoirs du juge, mais la question posée aux juges. Duguit est plus fidèle à la démarche du droit romain. Cela conduit Duguit à opposer la juridiction subjective et la juridiction objective.
— 1/ La juridiction subjective : elle apparaît toute les fois que le juge est appelé à résoudre une question de droit subjectif. Cela va se rencontrer essentiellement dans deux domaines :
— Les contrats ; les droits et obligations de chaque partie confrontés à ceux des autres
— Le droit délictuel et quasi-délictuel, en réparation d’un dommage causé sur une personne.
— 2/ Le droit objectif : on ne se bat pas ici contre l’administration, ni contre une autre personne. On se bat ici contre un acte de l’administration. Il fut soutenu pendant longtemps que dans le Recours en Excès de Pouvoir il n’y avait pas de partie. Le bénéficiaire d’un acte individuel n’est pas parti au litige. Mais Duguit ne limite pas ce droit objectif au REP. Il y inclut le contentieux de l’annulation (demande d’annuler un acte, de le faire disparaître rétroactivement… Mais il inclut aussi les modifications de l’objet (le contentieux de réformation). Il y inclut même des éléments de réparation, dès lors que c’est bien un acte administratif et qu’il s’agit de réparer les effets qu’il a pu produire.
Il n’y a pas incohérence dans cette démarche. Duguit laissa de côté le contentieux de répression.
Observations :
— 1/ Spécificité du débat : il est franco-français, administrativo-franco-français.
— 2/ Ce débat apparaît du jour ou le Recours en Excès de Pouvoir affirme son autonomie. Il affirme son autonomie alors que, au départ, il est mal distingué du recours en cassation et de l’appel administratif proprement dit. Le Recours en Excès de Pouvoir est paradoxal : c’est un instrument de libéralisme juridique. Cela apparaît sous le 2nd empire. Or, le recours pour l’excès de pouvoir, est toutefois peu agressif (pas de procédé d’urgence, pas d’indemnités…). Peu agressif mais dont les conséquences morales sont fortes. Ce recours est d’utilité envers l’administration pour l’avenir, plus que contre le justiciable. Le Recours en Excès de Pouvoir est largement ouvert et il acquiert une autonomie avec l’idée qu’il est très largement ouvert et peu formaliste (absence du ministère d’avocats).
— 3/ Dès le second empire, cette classification se brouille car le législateur en rien lié aménage sous la troisième république une classification qui loge le contentieux objectif dans le plein contentieux. Il recherche une organisation particulière du contentieux. Les frontières éclatent car il s’agit d’un contentieux de l’annulation et on trouve un contentieux hétérogène : il n’y a plus d’unité comme avec Laférieire
— 4/ Le droit communautaire peut ne pas s’accommoder du contentieux de l’annulation pur et dur, au nom de l’exigence d’effectivité des droits contentieux.
§2 : La jurisprudence Lafarge
— Il s’agissait d’un recours tel que le Conseil d’Etat les aime bien. Cela ressemble à une requête administrative, sans qu’on sache vraiment ce que veut le requérant. Ce dernier avait été privé d’un certain nombre d’avantage qu’il estimait lui être du en raison de sa qualité d’officier ; et qu’il en avait été privé par « les règlements en vigueurs ». Il débarque tout gringalet et dit « je ne suis pas content ». Le Conseil d’Etat est très content : il peut faire ce qu’il veut de cette déclaration. Le Conseil d’Etat considère qu’il y a Recours en Excès de Pouvoir et que le justiciable demande annulation des règlements illégaux.
Le Conseil d’Etat se trouvait en présence d’une autre jurisprudence : celle selon laquelle les réclamations pécuniaires relèvent non pas du Recours en Excès de Pouvoir mais du plein contentieux. Sur le fond, le justiciable réclamait une compensation pécuniaire. La conclusion du commissaire au Gouvernement (PICHAT) est grande et met en valeur toute la question qui se pose sur la nature de la procédure (plein contentieux ou REP).
Le Conseil d’Etat retient que c’est un REP, alors même qu’il s’agit d’un recours en réclamation pécuniaire. Le Recours en Excès de Pouvoir présent l’avantage d’être moins formaliste et plus rapide. Mais le justiciable aurait aussi pu agir par la voie du plein contentieux.
— Par la suite, le Conseil d’Etat verrouillera la situation en fermant cette option : il faut agir par la voie du Recours en Excès de Pouvoir puis, en exécution de l’annulation, demander l’allocation d’une indemnité. Mais cette jurisprudence eut une prospérité dans le domaine de la fonction publique, mais aussi en dehors dans le domaine du contentieux des Etats exécutoires.
La jurisprudence Lafarge a perdu de son intérêt aujourd’hui.
§3 : La revanche du plein contentieux
A) Le contentieux noble est le contentieux de l’excès de pouvoir
Découvert et ciselé par le Conseil d’Etat, comportant une filiation assez proche par rapport au recours administratif. Il a été l’outil de fabrication du droit administratif.
La noblesse du Recours en Excès de Pouvoir explique son importance particulière :
— C’est le contentieux du Conseil d’Etat.
— Ce n’est qu’en 1953, quand les conseils de préfecture deviennent Tribunal Administratif qu’ils vont avoir un contentieux de pouvoir : mais cela laisse subsister le contentieux d’excès de pouvoir important entre les mains du Conseil d’Etat.
— Lors de la réforme de 1987 et de la création des Cours Administratives d’Appel, il leur fut confié le plein contentieux, mais celui de l’excès de pouvoir se fit avec précaution.
— Le conseil constitutionnel, dans sa décision de 1987, a désigne la contentieux de la légalité comme réservé par la constitution au juge administratif (par un PFRLR). Le Recours en Excès de Pouvoir a un statut constitutionnel spécifique.
B) Evolution du plein contentieux : enrichissement progressif.
— 1/ Supériorité quantitative du REP.
Le plein contentieux s’est enrichi des actes de certaines AAI. On a voulu que ces autorités administratives indépendantes, dans l’exercice de leurs pouvoirs (de sanction ou autres), parce qu’elles étaient indépendantes, fassent l’objet d’un contentieux plus poussé que le contentieux d’excès de pouvoir. On a compris cela comme une exigence dans certaines décisions de la CEDH.
— 2/ Supériorité technique du REP
Ce plein contentieux manifeste aussi une supériorité technique par rapport au REP. Le rejet ne signifie pas nécessairement que l’acte est légal.
17/11/2006
Inversement, l’annulation, dans le cadre du REP, ne signifie pas que l’administration pourra reprendre l’acte légalement. Enfin, l’appréciation de la légalité de l’acte se fait au moment ou l’acte est pris, et non pas au moment où le juge statut.
Autrement dit, le Recours en Excès de Pouvoir est un diagnostic approximatif de la légalité de l’acte. Il laisse passer des actes illégaux parce que mal critiqués et annule des actes possiblement légaux, mais qui simplement résultent d’une procédure irrégulière. Cela donne au Recours en Excès de Pouvoir un caractère approximatif comme outil juridictionnel. Le requérant peut être insatisfait de cette procédure. L’information donnée par le Recours en Excès de Pouvoir est une information incomplète. Cela explique pourquoi les problèmes liés à l’exécution du juge administratif sont liés à cette approximation.
Le plein contentieux, sur le plan technique
Son évolution fait désormais apparaître une supériorité :
— Le juge se prononce directement sur la demande des parties
— Il peut réformer et compléter l’acte, ou même substituer un acte nouveau à l’acte qu’il estime illégal. (Exemple en matière fiscal : il substitue sa propre évaluation sans annuler l’acte).
— Les délais sont moins sévères. Le délai général est celui de la prescription quadriennale (donc quinquennale). Les délais sont tous plus long que le REP.
— Supériorité encore parce que le juge statut dans l’actualité : il tient compte des éléments de faits et de droits au jour de sa décision (exemple : arrêt BRUTUS, 1993. Le Conseil d’Etat décide que si des circonstances nouvelles sont révélées entre l’audience et le jour du jugement, il doit en tenir compte.
— Par contre, le plein contentieux est en principe soumis au ministère d’avocat (plus formaliste et plus couteux. Mais l’amplification du plein contentieux a réduit le champ du ministère d’avocat obligatoire.
Conclusion :
— Aujourd’hui, la classification du contentieux apparaît comme un peu dépassé (cf. : article de Michel Bernard). Il ne faut pas croire que le Recours en Excès de Pouvoir soit frappé à mort. Mais il apparaît qu’on peut, sans inconvénient et avec même quelques avantages loger dans le plein contentieux des contentieux de même nature que le Recours en Excès de Pouvoir (procès faits à un acte).
Le Recours en Excès de Pouvoir va rester sans doute et pour longtemps disponible pour la défense des libertés : pour l’administration classique. Mais on peut penser que dans le domaine de l’administration économique ou technique, sur le modèle de ce qui s’est passé avec la loi de 2006, on ira de plus en plus vers un plein contentieux objectif : vers les pouvoirs de pleine juridiction du juge administratif.
Ceci d’autant plus que : quand on regarde l’autre branche de la juridiction : le juge de l’excès de pouvoir n’est plus seulement juge de l’excès de pouvoir. Il a reçu des pouvoirs d’injonction. Quand il enjoint à la suite de l’annulation, il passe sur le plein contentieux.
CHAPITRE II : L’INSTANCE
L’instance commence par un recours : c’est l’introduction de l’instance (Section 1ère). Vient ensuite l’instruction (section 2).
Section 1ère : l’introduction de l’instance
— Le recours. C’est le premier acte de procédure qui porte un litige en premier ressort devant un juge pour obtenir une décision dont les termes sont exposés dans ce recours. Chaque mot a son importance. Un acte de procédure est un acte juridique, soumis à un régime juridique.
Cet acte est un acte qui s’adresse à un juge. Deux observations : on s’adresse à un juge et non pas à un administrateur : on demande au juge de déclencher ses pouvoirs d’inquisition et de juridiction pour demander satisfaction.
Cet acte vise à obtenir une décision, qui aura autorité de choses jugée, présentant certaines caractéristiques distinctes du procès judiciaire.
La décision est une décision dont les termes sont précisés dans le recours : le juge n’est saisi que de ce dont on le saisi. C’est l’interdiction pour le juge de statuer ultrapétita : l’office du juge est borné à la demande des parties.
Cette définition montre bien ce qu’est le recours initial, qui se distingue des voies de recours : l’appel, la cassation…
Recevabilité du recours
Pour que le juge ouvre le dossier, l’acte est soumis à un régime juridique : celui de sa recevabilité. La recevabilité est le régime qui permettra d’ouvrir le recours proprement dit.
4 conditions :
— Conditions d’objet
— Conditions de qualité du requérant
— Conditions tenant à l’acte attaqué
— Conditions tenant à la présentation du recours et de délai.
§1er : Le caractère d’ordre public des règles de recevabilité
A) Le principe
Principe : les règles de recevabilités sont d’ordre public.
— Elles constituent donc un moyen d’office pour le juge.
— Les parties peuvent l’invoquer et le juge le relever à tout moment de l’instance.
— Le juge a l’obligation d’office d’examiner la recevabilité du recours
— Lorsque l’irrecevabilité est observée, le juge parlera de « fin de non recevoir ».
Il y a une jurisprudence constante, abondante.
On se souviendra que le juge matériellement incompétent, peut relever l’irrecevabilité manifeste.
Dans un certain nombre d’hypothèse, le requérant, qui s’expose à une fin de non recevoir, va se voir accorder un délai pour régulariser son recours, pour compléter la formalité, et, dont son recours sera recevable. Ca ne veut pas dire qu’on écarte le caractère d’ordre public. On opposera l’irrecevabilité. C’est un moyen d’ordre public. Pour certaines irrecevabilités, le juge va aider le requérant.
B) Les aménagements
Il y a toutefois des irrégularités dont la nature même s’oppose à toute régularisation (exemple du délai. Aucune régularisation possible. Hypothèses aussi dans lesquelles la saisine du juge est conditionnée à un recours administratif obligatoire. Si ce recours n’a pas eu lieu, on ne peut pas le ressusciter). Les régularisations ne couvrent pas toutes les irrégularités.
Certaines régularisations sont limitées dans le temps, au délai de recours. Ce qui veut dire par exemple que si un requérant a saisi d’un recours non motivé (non recevable) mais qu’il apporte sa motivation dans le délai du recours contentieux, sa demande sera recevable. S’il l’apporte après le délai, ça sera trop tard. Cette possibilité de régularisation est utile car souvent le recours premier n’est pas motivé et ne parvient qu’ensuite.
C’est la même chose pour des recours qui ne satisfont pas au critère de la langue. Les recours introduit en breton deviendront recevable si une traduction est apportée dans le délai du recours.
Il se peut aussi que le requérant oublie de signer son recours : il régularisera en signant les réclamations obligatoires. De même que la constitution de l’avocat en cours de procédure rend le recours recevable. De même que le mandat produit en cours d’instance rendra le recours recevable. On va plus loin encore : il a été jugé que le recours formé par quelqu’un n’ayant pas la capacité d’ester en justice : son recours est irrecevable. Le temps de l’instruction dure et il devient majeur : le recours devient recevable) à Les conditions de recevabilité ne s’analysent pas toujours au moment où est formé le recours.
La jurisprudence a été plus loin : le juge a été impliqué dans la régularisation :
— 1/ Elle a dit que le juge, au nom de la procédure inquisitoire, avait toujours la faculté de signaler les difficultés au requérant pour lui permettre de régulariser.
— 2/ Elle a jugé que pour certaines régularisations, le juge avait l’obligation d’aider le requérant à régulariser. Et si le juge ne le fait pas, dans les cas où il est tenu de le faire, il ne peut plus soulever cette recevabilité.
— Au début, cela ne concernait que des hypothèses ou des textes spéciaux.
— A partir de 1959, le Conseil d’Etat a créé une extension de ces textes qui couvrent un assez grand nombre d’hypothèses : des hypothèses où le juge est obligé d’informer de l’irrecevabilité du recours (absence de signature du recours, requête non rédigée en langue française, requête qui ne comprend pas l’exposé des faits et des moyens, requête qui ne comprend pas les actes attaqués)…
§2 : Conditions tenant à l’objet de la demande
(Ou l’impossibilité pour l’administration de demander au juge des mesures qu’elle peut prendre elle-même).
Nous sommes ici en présence d’une irrecevabilité qui concerne des hypothèses où l’administration est demandeur. (Lorsqu’elle agit par voie reconventionnelle). Ce n’est pas l’hypothèse la plus fréquente. Dans cette hypothèse, l’administration est irrecevable à demander au juge de prendre des mesures qu’elle pourrait prendre elle-même (privilège du préalable) : elle peut – sinon se faire justice elle-même – arriver au même résultat sans passer par le juge (Arrêt Préfet de l’Eure, 30 mai 1913, qui considère en terme de recevabilité que l’administration ne peut jamais aller trouver le juge pour prendre des mesures qu’elle peut prendre elle-même.
Conséquence :
Le recours en annulation d’une administration par une autre administration ne peut avoir lieu, si l’administration qui demande l’annulation a dans ses pouvoirs propres la capacité d’annuler (exemple du pouvoir hiérarchique).
De la même façon : irrecevabilité des demandes pécuniaires si l’administration peut se rendre créancière. Si elle peut émettre un titre exécutoire (titre comportant un montant, une créance, dont elle rend quelqu’un désigner dans l’acte débiteur) : elle ne peut pas aller devant le juge pour faire condamner la personne à payer cette somme.
La jurisprudence préfet de l’Eure est générale, couvre l’ensemble des contentieux, est une conséquence de la séparation et du juge, apparaît comme une économie de moyen mais est un peu gênante dans certaines hypothèses où on aurait besoin de la garantie du juge…
RATTRAPER LE COURS
A) Le principe
— 1/ Recours en annulation
— 2/ Recours pour une condamnation pécuniaire
— 3/ Recours pour condamner à faire
B) Aménagement
— 1/ Pour les établissements publics
— Pouvant agir par voie d’état exécutoire
— Ne pouvant pas agir par voie d’état exécutoire
— 2/ Dans le contentieux contractuel
— 3/ Dans les cas où l’administration dispose de l’exécution forcée
§3 : Conditions tenant à la personne du requérant
A) La capacité
Le recours contentieux devant le juge administratif ne peut être introduit que par une personne ayant une capacité d’ester en justice ce qui exclu donc les mineurs et les incapables majeurs qui doivent se faire représenter
B) L’intérêt à agir
— Un intérêt direct : c’est-à-dire que le lien entre la personne et le litige doit être suffisamment direct. Cet intérêt direct est facile à vérifier dans le contentieux du droit subjectif. Ce lien direct s’établit car c’est un droit subjectif qui est affecté. En revanche, en matière d’excès de pouvoir l’acte n’affecte pas directement les droits subjectifs. L’intérêt direct sera analysé de manière plus souple : le juge met en place une stratégie jurisprudentielle en admettant de manière plus ou moins direct l’intérêt à agir.
— L’intérêt doit être lésé de manière plus ou moins certaine. Ainsi, une personne qui a 40 ans d’âge et 15 ans d’ancienneté dans la fonction publique, ne sera pas recevable simplement parce qu’elle remplit les conditions de contester la nomination d’autres personnes à la cour des comptes. (16 janvier 1944). En revanche, la jurisprudence admet que les agents appartenant à un corps de la fonction publique soit recevables à attaquer des nominations, même à des postes dont ils ne peuvent prétendre à l’accès. Le seul fait de l’appartenance au même corps suffit.
— Il y a tout un arsenal autour de la notion d’intérêt à agir qui met en évidence un certain arbitraire du juge. Cet arbitraire est corrigé par ce qu’on appelle les « blocs d’intérêt à agir ».
3. Les blocs d’intérêt à agir
Il existe une jurisprudence de principe qui tire du rapport entre la situation du requérant et l’acte attaqué la conséquence objective de l’intérêt à agir. La jurisprudence a donc multipliée ces blocs (éléments de sécurité juridique).
Exemples :
— 1/ lorsqu’on demande à l’administration de prendre un acte, ou d’abroger un acte… Plus simplement, lorsqu’on demande une autorisation administrative, la qualité de demandeur à l’administration donne automatiquement qualité pour contester le refus. Le demandeur n’a rien d’autre à établir que cette qualité de demandeur (Conseil d’Etat, 27 juin 1986, association SOS Défense).
— 2/ Les contribuables. On a admis l’action du contribuable communal : celui là est recevable de plein droit à contester toutes les mesures financières émanant de la commune. La qualité de contribuable communal donne bloc d’intérêt à agir. La solution fut étendue au contribuable départemental (27 janvier 1911, arrêt Richmond). Un peu plus tard, la solution est étendue au contribuable coloniale (24 juin 1932), elle a été étendue plus largement.
— 3/ Les groupements ou usagers du service public : ils ont qualité pour contester n’importe quelle mesure d’organisation du service public. (Arrêt du 21 décembre 1906 : l’usager d’un service public de transport a automatiquement un intérêt à contester les mesures d’organisation et de fonctionnement du service).
— 4/ Les électeurs : tout électeur, qu’il ait voté ou non, peut contester les opérations électorales dans sa circonscription. Solution qui a été retenue d’abord par la jurisprudence, reprise ensuite par le droit écrit qui figure de façon explicite dans le code électoral.
C) La représentation du requérant
— 1/ Le ministère d’avocat : le recours n’est recevable que formé par le ministère d’avocat. L’avocat n’a pas à justifier d’un mandat spécifique (car il est titulaire d’un mandat spécial, de par la loi). Cette disposition, vieux principe du droit français, a été critiquée devant la CEDH. On y a vu une entrave au droit au recours. La cour a répondu avec sagesse en décidant que « le droit de se défendre soit même n’existe qu’en matière pénale ».
Application du principe en matière administrative ?
— Devant le Conseil d’Etat : mise en place d’un ordre particulier d’avocats : les avocats au conseil, corps ancien (son origine remonte à St. Louis). Il a le monopole de la juridiction devant les cours suprême du pays. Ce corps est organisé différemment que devant les avocats à la cour. L’ordre est unique, et il est constitué par des personnalités titulaires de leur charge. Ils ont donc un statut d’officier ministériel. Le nombre des charges est de 60. Ce nombre fut fixé sous la restauration. Toutefois, ces avocats n’ont pas le monopole devant la CEDH. Ces avocats au conseil peuvent représenter les parties devant les juridictions ordinaires, en vertu de leur mandat légal.
— Devant les juridictions ordinaires : les avocats bénéficient du mandat légal.
Ce principe bénéficie de nombreux recours :
— Le REP. Le législateur, en 1964, dispense les requérants du ministère d’avocat. L’idée est donc bien une action disponible, ouverte… Une action de contrôle de la légalité, mais non onéreuse du fait de l’absence du ministère d’avocat.
— Les recours fait au nom de l’Etat. L’Etat peut être requérant. Il n’a pas besoin du ministère d’avocat.
— La dispense du ministère d’avocat est ensuite étendue pour toute une série de cas devant le TA.
— La dispense du ministère d’avocat, devant les cours d’appel, ne concerne que le contentieux fiscal, électoral, des pensions et des aides sociales.
— Devant le Conseil d’Etat, les dérogations ne concernent plus que le contentieux des pensions, des élections, le contentieux de certains domaines tout à fait particulier, mais pour l’essentiel, en dehors de la matière de l’excès de pouvoir, le monopole des avocats au conseil s’exerce.
En dehors de ces hypothèses, le requérant peut choisir de se faire représenter par un mandataire.
— 2/ La représentation par un mandataire
— Devant les tribunaux administratifs et Cour Administrative d’Appel. Mandat ad litem. Ne peut être confié qu’à un avocat ou à un avoué. En matière fiscale, ou électoral, il peut être donné à une autre personne.
— Devant le Conseil d’Etat : le principe est celui du libre choix. Les parties ont toujours qualité (sauf lorsque la représentation par un avocat au conseil est obligatoire). C’est-à-dire que les parties sont libres de désigner qui elles veulent.
— 3/ La représentation des personnes morales
— Personnes privées. La représentation est assurée conformément aux dispositions légales ou statutaires qui régissent ces personnes morales de droit privé. La loi donne à l’exécutif de cette personne de droit privé qualité pour agir en justice sur la base d’une autorisation (d’une habilitation) de l’organe délibérant. Le juge administratif vérifiera que ces dispositions ont bien été respectées.
Théorie du mandat apparent. Idée selon laquelle on prend acte de la situation du requérant dans l’organigramme de la personne morale qui agit. Cette construction est admise pour la représentation des personnes privée, dans le contentieux judiciaire.
— Personnes publiques : c’est l’administration (elle n’est faite que de personnes morales).
o Collectivité locales et établissements public. Ici, l’autorité exécutive représente la personne morale, en demande ou en défense, sur la base d’une autorisation/délibération de l’organisme collégial. On admet cependant que dans le cas d’urgence, l’autorité exécutive puisse agir sans cette délibération. Dans l’application de ces règles, le juge fait preuve d’un relatif libéralisme. Il a admis que le maire ne requiert pas une autorisation spécifique lorsqu’il présente une demande reconventionnelle (en défense).
o L’Etat. Les choses sont un peu plus compliquées. Il est en principe représenté par les ministres. C’est le ministre intéressé qui a qualité pour représenter l’Etat. La solution vaut pour toutes les tribunaux administratifs. Cependant, les ministres disposent d’une large délégation de signature (pas de pouvoir). Cette délégation intervient au cas par cas. La représentation du CSA est assurée par le prédisent du CSA, alors qu’il n’y a pas de personnalité juridique distincte de l’Etat. Et puis, on a déconcentré toute une partie de la représentation de l’Etat entre les mains du préfet. Ceci vaut pour tous les litiges concernant la police des étrangers. Il en est de même pour tous les litiges liés à l’action des services déconcentrés de l’Etat dans le département. La représentation de l’Etat est confiée à un service qui s’appelait « l’agent judiciaire du trésor ». Cet agent judiciaire, service du ministère des finances, aujourd’hui fondu dans sa direction juridique, a le monopole de la représentation de l’Etat devant les juridictions judiciaire.
— L’exercice de l’action du contribuable communal. Article L2132-5 du code communal. Il s’agit du droit pour le contribuable communal d’exercer, notamment devant les juridictions administratives les actions qu’il croit devoir être exercé par la commune et que la commune néglige ou refuse d’exercer. C’est donc une action supplétive qui intervient en cas de carence de la commune, mais c’est une action de la commune : c’est la commune qui va plaider. C’est donc le mandataire qui supporte le cout de l’exercice du mandat et ceci signifie qu’il supportera les frais de la procédure (et éventuellement une peine d’amende si elle est imposée par le juge). Deux conditions :
o Une condition de fond : carence de la commune. Cela peut être du fait que le maire n’a pas eu l’autorisation d’agir, que le maire néglige de le faire en dépit d’une condamnation, ou bien qu’elle refuse explicitement d’agir, soit en demande soit en défense.
o Condition de forme : il faut une autorisation de plaider. Elle sera donnée par le tribunal administratif. Elle sera donnée sur la base d’un mémoire développé et qui débouchera sur une autorisation ou un refus d’autorisation. Ces autorisations n’ont pas de caractère juridictionnel. Le contribuable peut former un pourvoi de la décision. Mais ce n’est pas un recours juridictionnel (car les décisions d’autorisation ne sont pas des décisions de justice). Au sein du Conseil d’Etat, l’instruction du recours contre le refus d’autorisation n’est pas menée par la section du contentieux mais par une section administrative. La décision du Conseil d’Etat prend la forme d’un décret. Ce décret, est lui-même susceptible d’un REP. Cette solution permet donc au contribuable communal de s’emparer de l’intérêt communal.
— Pendant longtemps, la formule fut très peut utilisée. Elle fut ensuite utilisée pour la première fois afin de faire apparaître les défauts et la mauvaise gestion de l’équipe en place. Cette procédure fut utilisée à des fins électorales. (Cf. : arrêt du 29 juillet 1994, arrêt GHIS).
— 4/ L’aide juridictionnelle
L’aide juridictionnelle conduit à certains aménagements dans la représentation des parties. Les justiciables peuvent demander le bénéfice de cette aide, lorsque les ressources sont inférieures à certains plafonds (l’aide n’est généralement accordée qu’à des personnes physiques). Une loi de 1991 souleva, sous l’intitulé d’aide juridique, deux éléments :
— L’aide à l’accès au droit
— L’aide juridictionnelle proprement dite.
L’aide juridictionnelle est accordée sous conditions de ressources. Ces plafonds sont réévalués régulièrement
— 800 / mois pour une aide complète
— 1 200 / mois pour une aide partielle
Les personnes physiques peuvent bénéficier de l’aide juridictionnelle, sans condition de nationalité, mais à condition qu’ils résident habituellement en France. Les associations et les personnes morales ne peuvent obtenir le bénéfice de l’aide juridictionnelle qu’exceptionnellement et encore, si elles sont des personnes morales à but non lucratif. Cela veut dire qu’elles n’ont pas de droit à l’aide juridictionnelle (on retrouve ici un arrêt SOS Défense du 24 novembre 1982).
Les demandes se font auprès de bureaux rattachés au TGI. Il y a des sections administratives qui traitent les demandes devant les juridictions administratives. Il existe un bureau auprès du Conseil d’Etat pour l’aide pour les conflits devant le Conseil d’Etat.
La demande d’aide juridictionnelle est interruptive du délai du recours contentieux.
§4 : Conditions de recevabilité tenant à l’acte attaqué : la règle de la décision préalable
Il s’agit d’examiner ici la règle de la décision administrative préalable. Cette règle de décision préalable doit être distinguée.
A) La règle de la décision préalable : formulation et origine
La règle de la décision préalable est formulée par l’article R421-1 du code de la justice administrative : « la juridiction administrative ne peut être saisie que par la voie d’un recours formée contre une décision. On ne peut pas arriver devant elle sans mettre sur le bureau du juge une décision prise par l’administration et une décision exécutoire ». La sanction est l’irrecevabilité de la demande n’ayant pas rempli cette condition de recevabilité.
Lorsqu’on se bat contre un acte de l’administration, la règle est remplie d’elle-même. On ne peut pas dire que la règle n’existe pas. Ce que l’on peut dire c’est que la condition est satisfaire d’elle-même.
Lorsqu’on défend des droits subjectifs, lorsqu’on est victime d’un fait de l’administration qui cause un dommage, et bien on ne peut pas aller devant le juge sans une décision de l’administration. Dans le contentieux du droit subjectif, ou le droit froissé ne s’exprime pas par une décision administrative, là, il va falloir faire naître la décision administrative préalable, la provoquer en faisant une première demande à l’administration, une demande chiffrée. C’est sur la base d’un refus de l’administration qu’on pourra ensuite saisir le juge.
Historique de la règle
Cette règle n’a pas de logique. Elle ne se comprend que par l’histoire.
Le Conseil d’Etat qui a reçu la justice déléguée en 1872 n’est jamais saisie que de recours contre des décisions :
— Ou bien il statut en appel sur une décision du ministre (le ministre juge)
— Ou bien il statut en appel du conseil de préfecture.
Après l’arrêt Cadot, le Conseil d’Etat confirme l’exigence de la décision administrative préalable. Le Conseil d’Etat le fait sans raison, mais il le fait. Ce n’est qu’après que la jurisprudence ait posé cette condition que le législateur, par la loi du 19 juillet 1900 consacre indirectement cette règle. Il ne dit pas expressément que c’est une condition de recevabilité.
On arrive à la réforme de 1953 : généralisation aux TA. Cela prive la règle de son explication historique. En effet, la réforme de 1953 créé ces Tribunaux administratifs. Permet que la requête soit claire. Cela permet aussi à l’administration de consentir à la demande et cela offre à l’administration la possibilité d’éviter naissance d’un litige.
Généralisation à toutes les juridictions administratives : en 1987, on avait prévu d’étendre cette règle à des contentieux dérogatoires à cette règle.
Lorsque cette décision n’est pas nécessaire, elle peut cependant intervenir.
B) La règle de la décision préalable : domaine et exceptions.
— Domaine. La règle vaut pour tous : aussi biens pour les personnes publiques que privées. Dans l’hypothèse où il s’agit d’un recours d’une personne publique contre une personne privée, la dite personne publique ne peut agir que sur la base d’un recours préalable. (Cf. : arrêt du 1er juin 1984. La commune fut jugée irrecevable pour n’avoir pas fait naître une décision préalable de l’Etat). Cela vaut même pour des recours de personnes publiques dirigées contre des personnes privées investies de prérogatives de personnes publiques. Un tel recours n’est recevable que si cette personne privée a rendu une décision préalable. Il y a là-dessus un contentieux abondant.
Exceptions :
— 1/ La décision préalable se conçoit mal dans un recours de l’administration contre une personne privée ne disposant par de prérogatives de personnes publiques.
— 2/ Dans le cas des référés, du fait de la nature de l’urgence.
— 3/ En matière de travaux publics. Cela se comprend pour des raisons historiques. C’est la coïncidence de ce contentieux avec les conseils de préfecture qui explique que la règle ne s’applique pas : ils avaient un contentieux direct, et la règle fut reprise. Cette exception a bien failli disparaître en 1987. Finalement, rien ne fut fait. Ce pourrait être fait par voie réglementaire, ce n’est plus aujourd’hui à l’ordre du jour. Mais cette exception est considérable. Elle est attractive : en effet, on eut tendance à rattacher à cette matière toute une série de contentieux qui n’ont qu’un lien ténu, indirect, avec la matière des travaux publics. (La clé de la compréhension se situe dans l’histoire).
C) La règle de la décision préalable : mécanisme
— 1/ Décision écrite ou verbale
La décision préalable peut être une décision écrite (le plus souvent), implicite (silence de l’administration) ou verbale (plus rare)
Arrêt Sande, 25 juillet 1981 : recevabilité de la requête d’un conseiller municipal auquel le refus d’enregistrement fut signifié verbalement
Certaines décisions ne peuvent être que verbales : élections dans les académies pour l’institut de France : proposition au président de la république, et nomination suite aux visites d’académiciens.
— 2/ Décision « formalisée » ou non : Circulaires, avis, échanges de lettres… peu importe. C’est le contenu qui est décisoire.
— 3/ Décision explicite ou implicite
Quelque soit la nature de la décision, la décision administrative peut être constituée par le silence (pendant 4 mois). Depuis loi du 12 avril 2000, ce délai de silence a été porté à 2 mois.
Question : quand commence à courir ce délai ?
— 1/ Une demande. Il est parfois difficile de distinguer entre la véritable demande et les simples doléances faites à l’administration. Or, seule une demande véritable fera courir le délai. La jurisprudence a interprété cette condition de manière assez libérale :
La demande est réputée exister dès lors qu’on en trouve la substance : l’administration doit comprendre facilement si quelque chose lui est demandé, et ce qu’on doit lui demander.
— 2/ … adressée à l’administration. Cette demande doit être faite à l’autorité compétente. Or, il est parfois difficile de savoir quelle est l’autorité compétente. Il y a un risque que si la demande n’est pas faite à la bonne autorité compétente : le délai ne court pas. L’intéressé ne peut pas ensuite saisir le juge.
La jurisprudence a eu conscience de cette difficulté, et a été libérale : ainsi, il fut jugé que l’autorité non compétente a l’obligation de transmettre une demande à l’autorité compétente. Cette obligation de transmission existe à l’intérieur d’une personne publique (le maire doit transmettre au conseil municipal). Mais cette obligation va au-delà de la même personne publique, dans la seule limite que cette obligation ne vaut que lorsqu’il y a des liens de collaboration entre les deux autorités. (Ex : le maire devra communiquer aux établissements publics de coopération intercommunaux).
Le décret de 1983, article 7, fait peser une obligation de transmission de caractère général, sur les autorités de l’Etat seulement. Si une autorité de l’Etat est saisie (le préfet par exemple), il a une obligation générale de transmission, que ce soit à l’intérieur de l’appareil de l’Etat ou en direction d’autres personnes publiques.
Cas particulier : lorsque l’intéressé a négligé la règle de la décision préalable, et a saisi directement le juge. En principe, cette requête est irrecevable. Mais si le juge ne relève pas d’office cette irrégularité et que la procédure se poursuit, quid ?
o Si l’administration se défend en disant que la requête est irrecevable : le juge devra alors valider l’irrecevabilité
o Si l’administration défend au fond : cette défense au fond dans la procédure est considérée comme une décision, qui couvre l’irrecevabilité.
— 3/ Et expiration du délai de deux mois. La date qui constitue le point de départ du délai de 2 mois est celle de la saisine de l’autorité administrative, même incompétente. Le délai commence à courir, pendant que l’autorité incompétente réoriente le dossier. Ce délai de 2 mois ne peut être ni prolongé, ni prorogé, ni interrompu. Donc si l’administration envoie une lettre disant qu’elle a bien reçu la demande, qu’elle va l’étudier (etc.). Tout cela ne suspend pas le délai. Les comportements internes de l’administration ne sont pas opposables à l’administré pour retarder l’exercice de ses droits contentieux.
§5 : Conditions tenant à la présentation du recours
A) Règles de forme
— 1/ Le timbre. Le timbre fiscal qui doit être apposé par le requérant sur sa requête. En lui-même, ce timbre pose la question de la gratuité de la justice. Il a été exigé de façon générale pour l’ensemble des procédures. Mais loi du 30 décembre 1977 et le décret du 20 janvier 1978 a posé le principe de la gratuité des actes de justice. Le droit de timbre a donc disparu.
Puis la loi de finance pour 1994 (loi du 30 décembre 1993) a réintroduit un droit de timbre de 100 francs par requête enregistrée devant les juridictions administratives. Il y eut un débat sur l’opportunité de cette réintroduction, car les gains financiers sont très faibles (un timbre par requête, alors qu’avant 1977, un timbre par document). La loi fut soumise au Conseil constitutionnel qui valida la réintroduction du droit de timbre (décision du 29 décembre 1993).
Exceptions à cette obligation de timbre
— Instruction de l’administration des dépôts : ce droit de timbre n’est pas exigé devant les juridictions administratives spécialisées
— Ca ne vaut pas pour le contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière
— Ca ne vaut pas pour les procédures d’urgence (art L522-2 CJA)
— La jurisprudence a donné une interprétation peu contraignante de cette obligation. Ainsi, si la loi prévoit que le timbre est une condition de recevabilité de la requête, alors l’absence de timbre doit conduire à l’irrecevabilité. Mais le Conseil d’Etat, dans une série d’avis contentieux, a considéré que cette exigence était de celles qui peuvent faire l’objet d’une régularisation. Et la demande de régularisation est obligatoire pour le juge. C’est seulement si cette indication n’est pas suivie d’effet que la requête devient irrecevable.
— 2/ Langue française : Ordonnance de Villers-Cotterêts et loi du 25 juin 1992 qui a inscrit à l’article 2 de la Constitution : la langue française est la langue de la république.
— 3/ Identité de l’auteur du recours : Il faut connaître son nom, son adresse, le recours doit être signé. Si PM, il faut déposer les statuts.
— 4/ Conclusions et moyens :
— Conclusions : c’est la demande faite au juge. Elles se retrouvent dans le dispositif du juge. Elles déterminent la nature du contentieux, la compétence du tribunal, fixent le cadre de la discussion. Ce cadre s’impose au juge, il ne peut pas statuer ultra petita. Le but des conclusions n’est autre que la clarté du procès.
— Moyens : ce sont les arguments invoqués par le requérant à l’appui de ses conclusions. Dans la décision de justice, les moyens se retrouvent dans la motivation du juge. Autant les conclusions lient le débat judiciaire, autant les moyens peuvent consister en un « exposé sommaire ». Ils peuvent être complétés par un mémoire complémentaire par la suite : ce mémoire ne peut pas sortir des conclusions, mais peut développer l’argumentation.
— 5/ Documents annexes
Ils varient selon les contentieux.
On exige normalement la décision attaquée (de l’administration) : s’il s’agit d’une décision implicite, on doit alors produire la demande qui a fait courir le délai.
Il faut produire des copies du recours. Ces documents varient selon les contentieux
B) Délais
1. Principes
a) Le délai
— Délai ordinaire. Est en principe de 2 mois : délai de droit commun. (Article R421-1 CJA).
— Délais spéciaux :
— Il y a des délais majorés : pour le contentieux des établissements classés pour la protection de l’environnement, le délai est de 4 ans pour les recours des tiers. Le délai est également majoré d’un mois pour les DOM-TOM (1+2), et de 2 mois (2+2) lorsque le gouvernement est à l’étranger.
— Il y a des délais minorés, notamment concernant le contentieux électoral (5 jours pour les élections municipales et cantonales, 10 jours pour les élections régionales, 6 jours pour les élections universitaires) et concernant le contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière (24 heures après la notification de l’arrêté)
b) Conditions pour que le délai court
Ces conditions ont été modifiées très sensiblement par le décret du 28 novembre 1983, complété par loi du 12 avril 2000.
Principe : les délais de recours contentieux ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. La sanction est que le délai ne court pas.
Mais cette disposition ne peut pas avoir une portée générale : elle ne concerne que les décisions administratives individuelles (puisqu’il faut notifier). Cela ne concerne ni les décisions réglementaires (dans le décret il y a écrit comment contester), ni celles mixtes, ni les décisions implicites.
2. Les recours soustraits à la condition de délai
a) Recours en matière de travaux publics
Ce contentieux est soustrait à la règle de la décision préalable, le délai n’existe pas donc le recours est soustrait à la condition de délai. C’est une exception importante car la matière de travaux publics est interprétée largement par le juge. Est ainsi inclus tous le contentieux des travaux publics, dont celui de la responsabilité des contrats, mais aussi celui de l’excès de pouvoir. (Arrêt du 15 février 1989 : le recours dans contentieux des travaux publics est soustraire à condition de délai).
b) Certains recours contre les décisions implicites de rejet
Lorsqu’il y a une décision implicite, cela suppose une initiative de l’administré pour obtenir une décision. Si l’administration ne répond pas, il peut saisir le juge ou préférer ne pas le saisir tout de suite.
— En matière de plein contentieux : la décision implicite de refus ne fait pas courir le délai mais donne à l’administré tous ses droits contentieux, il peut aller devant le juge, pour cela il n’a pas de délai.
— Décision implicite d’une autorité collégiale ou tenue de consulter un organisme collégial. L’article R421-3 du CJA a étendu cette solution dans l’hypothèse d’une décision implicite de refus prise par une autorité collégiale ou encore prise après avis obligatoire d’une autorité collégiale. Le temps doit s’inscrire dans l’instruction de la demande préalable et souvent cette instruction ne peut pas se faire dans le délai dans lequel se formera la décision implicite de rejet. On considère donc qu’elle est acquise mais ne fait pas courir le délai de recours. La vraisemblance et que l’on peut encore obtenir satisfaction quant la délibération aura eu lieue.
c) Les recours contre des décisions inexistantes
Il s’agit de décisions juridiquement inexistantes, c’est-à-dire atteinte d’un vice tellement grave qu’elles sont envoyées en dehors de l’existence juridique. Ca se rapproche de la voie de fait.
Le droit administratif sanctionne surtout l’incompétence, ex une autorité prend une décision à la place d’une autre. Cette illégalité est tellement grande que l’on ne veut pas enserrer le recours dans des conditions de délai donc ces actes obtenus par fraude, juridiquement inexistant peuvent être attaqués sans condition de délai.
3. Computation du délai
a) Un délai franc
Le premier jour du délai est le lendemain du jour du fait générateur et il expire le lendemain de la fin du délai. Le délai doit tenir entièrement entre ces deux extrémités. Si le dernier jour du délai n’est pas un jour ouvrable, le délai sera prolongé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
b) Point de départ
— La Solution générale repose sur l’idée que c’est la connaissance de l’acte qui déclenche le délai. Cette connaissance s’est évidemment trouvée renouvelée par l’apparition de nouveaux moyens d’information. Cette question n’est toujours pas réglée de façon générale.
Il y a des solutions particulières :
— Pour les décrets réglementaires : la connaissance est réputée acquise du jour de la publication au Journal Officiel.
— Le permis de construire, autorisation administrative est réputé être connu quand il a fait l’objet de l’affichage sur le chantier et l’affichage en mairie.
— En l’absence de texte général, la jurisprudence exige une publicité suffisante et précise en disant que la publicité qui va faire courir le délai (rien à voir avec la légalité) doit être appropriée à son objet, à l’objet de l’acte. C’est à dire que l’on considère l’objet de l’acte et l’administration doit trouver un mode de publicité qui correspond à l’objet de l’acte. L’administration a bien évidemment intérêt à chercher la publicité la plus large.
— Quand un texte existe et prévoit une modalité de publicité, le Conseil d’Etat considère que l’on peut procéder autrement que ce qui est prévu si cela assure une publicité équivalente. Quand un texte existe mais que le Conseil d’Etat ne le trouve pas suffisant, il peut imposer une publicité supplémentaire.
— Pour les actes réglementaires ou les non réglementaires le principe est celui d’une publication anonyme ou un affichage anonyme qui porte dans l’information générale l’existence de l’AA avec ses principales caractéristiques.
— Pour les décisions individuelles, le principe est celui de la notification, démarche personnalisée consistant à adresser en des formes adaptées la mesure concernant la personne comme les délais de recours ou le tribunal compétent pour en connaître. Cette notification n’est pas toujours exclusive de formalité de publicité pour faire courir le délai à l’égard des tiers. Cela signifie donc que le point de départ du délai de recours n’est pas le même pour tout intéressé.
— Pour les mesures non réglementaires, la publication complétée par des notifications en direction de ceux pour lesquels les mesures non réglementaires comportent des effets individuels.
— Le déféré préfectoral dans la durée de 2 mois a pour point de départ la transmission de l’acte à la préfecture. Le tampon de la préfecture rend l’acte exécutoire mais cette transmission ne correspond pas toujours avec la date d’adoption de l’acte. Avant leur transmission il n’existe pas en tant qu’acte susceptible d’exécution. Cette solution est que les décisions sont souvent incomplètes, or le tampon ne peut à priori pas être refusé mais pourtant il faut contrôler.
Le Conseil d’Etat a jugé qu’une transmission complète marquait le point de départ du délai.
Quand il s’agit d’actes simples pas de problème mais pour le contentieux des contrats, c’est plus compliqué.
— Théorie de la connaissance acquise : si l’intéressé de son propre mouvement montre qu’il avait connaissance de l’acte, c’est à partir de ce moment que court le délai, quand bien même cette connaissance soit acquise avant qu’ait eu lieu les modalités générales de publicité.
La jurisprudence a assez largement admis cette connaissance acquise, par exemple quand un membre d’une assemblée délibérante, par sa participation à l’assemblée, peut être légitiment considéré comme ayant connaissance de l’acte. Idem quand un requérant fait un recours administratif contre un acte même si les modalités de publicité sont accomplies ultérieurement.
Le décret du 28 novembre 1983, article 7 de la loi de 2000, dit que le délai du recours court à partir du moment de la connaissance de l’acte, mais, pour les décisions individuelles, il ne court qu’à partir de la notification, à condition que celle-ci comporte le délai de recours et le tribunal compétent. Dans ces hypothèses la théorie de la connaissance acquise n’est pas appliquée :
— La jurisprudence l’a d’abord refusée tant qu’il s’agissait de dispositions réglementaires.
— Puis, par arrêt du 13 mai 1998 elle a changé d’avis Mme Mauline présenté comme la mort de la théorie de la connaissance acquise mais c’est excessif. En effet, cet arrêt n’écarte la théorie que dans le champ du décret de 1982.
c) Prorogation
Attention, ce n’est pas la prolongation. La prorogation est l’interruption conservatrice de la totalité du délai, le délai recommence à courir en entier. La règle est qu’il y a plus de prorogation que de prolongation.
Quels sont les faits de prorogation du délai ?
— L‘exercice d’un recours administratif (hiérarchique ou gracieux) exercé dans le délai du recours contentieux. Attention ce ne proroge qu’une seule fois. « Recours administratif sur recours administratif ne vaut ».
— La demande de déférer : la prorogation peut aussi, s’agissant du déféré préfectoral, être un recours administratif à l’envers, le préfet peut lorsqu’il envisage de déféré demander gracieusement à l’auteur de l’acte de réexaminé sa mesure.
— La saisine d’une juridiction incompétente peut aussi proroger le délai si une juridiction judiciaire est saisie au lieu d’une administrative.
— Cas particulier : l’arrêt BRASSEUR de 1991. Le Conseil d’Etat, par voie jurisprudentielle admis qu’un intéressé puisse faire une demande de déféré au préfet. Pour le demandeur du référé, son propre délai de recours contentieux est prorogé jusqu’à la réponse du préfet. Cette jurisprudence est saine, un peu retourné comme un piège car incite beaucoup d’administré à demander au préfet de déférer. Si le préfet donne suite, déféré commence mais si il se désisté, le demandeur n’a plus son droit contentieux… Il vaut mieux donc demander au préfet de déférer et effectuer en même temps son propre recours.
d) Expiration du délai
Question : quelles conséquences comportent l’expiration du délai ?
— L’irrecevabilité du recours : on dira de façon approximative que la mesure est définitive. Cela ne veut pas dire que l’acte devient légal. Cet effet absolu de l’expiration du délai, seul le législateur peut en relever le requérant, c’est un relevé de forclusion et il est arrivé que le législateur le fasse (exemple de la loi du 31 juillet 1968. Elle relève de forclusion un certain nombre de requérant car les modalités n’avaient pas pu être faites efficacement. En 1974, grave grève de PTT donc loi de décembre 1974 relève aussi des forclusions).
— L’irrecevabilité du recours contre les décisions confirmatives
En cas de décision confirmative d’une première décision, elle est d’emblée définitive si les recours contre la première sont expirés. Il n’y a pas de résurrection possible.
Il faut que se soient des décisions ayant le même objet mais surtout intervenant dans un contexte de fait et de droit identique à celui de la première décision. Droit pouvant être exercé à tous moment (Exemple : à propos des demandes d’information à l’administration).
L’expiration du délai marque la cristallisation du débat contentieux c’est à dire qu’il est fixé en ses éléments. Hypothèses où on respecte bien le délai de recours mais lors même qu’il est respecté, l’expiration du délai de recours à des effets sur le requérant, et conduit à la fermeture du débat juridictionnel.
— L’irrecevabilité des conclusions et moyens nouveaux : une fois le délai expiré, on ne peut pas changer la nature du recours.
— On ne peut pas présenter des conclusions nouvelles : on peut retrancher des parties de ses conclusions en revanche. Dans le plein contentieux, ce pose un problème sur les recours indemnitaires. En effet, en ces cas, en général, la décision administrative préalable invoquée par une demande chiffrée à l’administration. Dès lors, est-ce que ce chiffre lie ensuite au contentieux une fois les délais du recours contentieux expirés ? En principe oui, ce qui conduit à présenter dans la demande administrative des demandes ouvertes (sous réserve d’une expertise, d’une consolidation du préjudice…)
— On ne peut pas présenter des moyens nouveaux : les termes de l’argumentation sont aussi cristallisés. Tout ceci émane de la jurisprudence.
En matière d’excès de pouvoir, arrêt du 20 février 1983 « Société intercopie ». Les moyens sont rangés en moyens de légalité externe (incompétence et vice de forme) et la légalité interne c’est à dire le détournement de pouvoir, la violation de la loi. Chacune de ces deux catégories de moyen constitue une cause de légalité distincte. Ce veut donc dire qu’un recours qui serait présenté en invoquant par ex que des griefs de légalité interne, les externes invoqués après la fin du recours, sont toujours recevables.
Arrêt du 16 mai 1924 « Jourda de Vaux » : pose des principes valables pour l’ensemble du plein contentieux. On peut en déduire que le passage de la responsabilité contractuelle à délictuelle constitue un moyen fondé sur une cause juridique différente (on ne peut donc pas changer une fois le délai exclu). La responsabilité délictuelle pour faute et sans faute sont aussi fondées sur des causes juridiques distinctes. La responsabilité pour faute est un moyen d’office pour le juge. Inversement, si on se place exclusivement sur le terrain de la responsabilité sans faute, le juge, ne le réintroduira pas dans le recours.
Le passage dans la discussion de la responsabilité contractuelle d’une demande d’indemnité plus résolution du contrat, cause nouvelle, on ne peut pas le faire si le délai est expiré.
— L’irrecevabilité de l’exception d’illégalité des décisions non réglementaires
L’expiration du délai du recours contentieux a pour conséquence l’irrecevabilité de l’exception d’illégalité contre les actes non réglementaires.
— Le recours en annulation est enfermé dans des délais.
— L’exception d’illégalité est en principe permanente. En effet, l’exception d’illégalité n’aboutit pas à la disparition de l’acte mais à sa non application. Ce principe peut être considéré comme un élément rattaché à la garantie des droits de 1789. (En 1994, petite loi sur l’urbanisme, considérant le nombre de contentieux en cette matière et les formes requises, le législateur a considéré que les griefs de légalité externe contre les POS étaient limités dans le temps. Le conseil constitutionnel n’a pas censuré la loi dans sa décision du 21 janvier 1994 : il estime que, compte tenu du caractère bien délimité de l’exception, il n’y a pas atteinte à un droit substantiel.
— Pour les actes individuels : le principe est que pour les actes individuels, le délai pour soulever l’exception d’illégalité est le même que celui qui existe en matière d’excès de pouvoir. L’expiration du délai de recours marque aussi l’impossibilité d’invoquer l’exception d’illégalité. De ce point de vue, l’expiration du délai est aussi irrecevabilité que l’exception d’illégalité invoquée dans un autre contentieux. (Il existe deux exceptions à ce principe :
o L’exception d’illégalité pourra être invoqué à l’appuie d’une demande indemnitaire sans condition de délai si elle vise à réparer le préjudice que la décision a causé).
o Concernant les opérations complexes (opération qui font se succéder des actes individuels). Le lien qui s’inscrit entre eux font que l’expiration du délai pour contester l’un n’interdit pas de contester l’autre. (Exemple en matière d’expropriation : la déclaration d’Utilité Publique est un acte non réglementaire ; l’acte de cessibilité un acte individuel. On peut invoquer par voie d’exception l’illégalité de la déclaration d’Utilité Publique même si c’est plus dans le délai à l’appuie de la contestation l’acte de cessibilité.
— Quand l’exception d’illégalité est sur renvoie du juge judiciaire, il y aura donc renvoie au juge administratif qui va être amené à se prononcer sur une exception d’illégalité portant sur un acte individuel alors que le délai pour contestation par voie d’action sera expiré. 27 septembre 1985 « Société USINORD ».
Section 2 : Les procédures d’urgence
§ Préliminaire : Historique (regroupé avec le §1er)
— Les données du problème
— Normalement le demandeur est l’administré.
— Le temps est une espèce d’allié objectif de l’administration.
— D’un autre côté l’administration ce sont des personnes morales traversées par des liens hiérarchiques de contrôles donc dans l’organisation de sa défense, elle a besoin de temps. De plus, la procédure administrative est inquisitoire, le juge dirige le procès, il lui appartient donc d’assigner des délais et de tirer les conséquences du non respect de celles-ci.
La distance qui sépare le litige de la solution, le temps, donne beaucoup de liberté au juge. Le juge administratif a certainement une fonction juridictionnelle éminente. La fonction de juger du juge est soumise à des impératifs conventionnels. Ce droit exige un vrai comportement juridictionnel c’est à dire l’existence de mesures donnant l’effectivité au recours.
Pendant longtemps les procédures d’urgence n’étaient pas très efficace et en plus lourdes à mettre en route. D’où la loi du 30 juin 2000 d’ouverture dont l’auteur est l’ancien président du Conseil d’Etat Marceau Long et dont l’auteur actuel est Chapus sous la présidence de Labetoulle avec Pacteau.
Pendant longtemps les procédures d’urgence étaient organisées par la loi du 22 juillet 1889 : procédure du constat d’urgence, exclusivement dans le cadre d’une instruction qui permettait de faire constater par un expert désigné des faits quand il y avait un risque de dépérissement des faits. Une ordonnance du 31 juillet 1945 sur le Conseil d’Etat place à la procédure de sursis à exécution mesure d’urgence qui doit être demandée au juge qui suppose l’introduction d’une requête en annulation et par une requête satellite, demande de sursis à exécution pendant l’instruction. A condition qu’il y ait urgence, qu’il y ait une illégalité manifeste de l’acte et condition enfin que l’exécution immédiate de l’acte risque de causer un préjudice irréparable. Dans des conditions très strictes (préjudice pécuniaire n’est jamais irréparable).
Enfin, il existait des tentatives pour des procédures de référés, procédures indifférenciées justifiées par l’urgence qui permettent souvent l’économie d’une procédure au fond. Il faut attendre la loi du 26 novembre 1955 pour la création d’une forme de référé administratif. Ce référé est amélioré par un décret de 1988 y ajoutant le référé-provision (possibilité dans le contentieux indemnitaire d’obtenir dans l’urgence une provision sur l’indemnité à venir). Dans les années 70-80, il y eut un développement de procédures particulières (sursis particulier pour le préfet, sursis de 48h, création du référé audiovisuel pour le contentieux du CSA, contentieux spécial en matière de publicité).
Le Conseil d’Etat gardait une jurisprudence restrictive et considère que lors même que les conditions du sursis à exécution sont réunies, il n’était pas tout de même tenu de prononcer le sursis (Huglot 1982) et à propos du référé-provision, il juge la même chose.
§1er : Les procédures d’urgence avant la loi du 30 juin 2000
Avant la loi du 30 juin 2000, les procédures d’urgence prévues devant le juge administratif étaient peu nombreuses et concernaient des domaines restreints :
- depuis la décentralisation de 1982, le préfet peut faire juger par le tribunal administratif, dans un délai de 48 heures, un acte d’une collectivité locale lui semblant compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle ;
- la loi a par ailleurs prévu en 1988 l’instauration d’un « référé provision » permettant au juge d’accorder une provision au demandeur d’une indemnité dont la créance n’est pas sérieusement contestable, et en 1990 la création d’un « référé précontractuel » autorisant le juge à suspendre la passation d’un contrat en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
Cependant, ces procédures n’étaient en rien comparables à celles permettant au juge judiciaire de gérer les situations d’urgence. La loi du 30 juin 2000 a pallié ce manque, dotant le juge des référés administratifs d’un statut et créant deux nouvelles procédures
§2 : Les procédures d’urgence dans la loi du 30 juin 2000
Aujourd’hui, plus de la moitié des décisions rendues le sont dans le cadre des procédures d’urgence ne nécessitant pas la présence d’un commissaire du gouvernement.
A) Un juge de l’urgence
C’est le juge de l’urgence administrative, formation juridictionnelle particulière, qui sera compétent pour les référés de droit commun. La réforme laisse en effet certaines procédures particulières relevant de juridictions spécifiques.
1. Un juge unique
Ce juge est normalement un juge unique. Il y a là une rupture nette avec la tradition de la juridiction administrative, traditionnellement très hostile à cela. En effet de la collégialité tire une force vis-à-vis de l’administration.
Toutefois, rien n’interdit au juge des référés, quand il le souhaite, de faire intervenir une formation collégiale notamment si la question est difficile. Ce juge unique peut aussi statuer sans commissaire du gouvernement.
Qui est ce juge unique ?
— Le président de la juridiction ou selon le texte, le magistrat qui délègue c’est à dire un magistrat de la cours qui délègue sa compétence de juge unique. Le principe est que ces mesures d’urgence ne sont pas susceptibles de voies de recours, sauf la cassation.
2. Un juge qui « suit » la mesure d’urgence
Enfin, le juge unique, juge des référés est un juge qui suit la mesure d’urgence c’est à dire qu’elle n’est pas définitive, il en suit l’application, peut la compléter, ajouter des dispositions. Il peut mettre fin à la suspension, gestion de l’urgence et de la mesure d’urgence dans la limite de ses pouvoirs de juge.
Entre les mains de ce juge des référés, sont confiées des procédures.
B) Les pouvoirs du juge de l’urgence
Le pouvoir du juge de l’urgence est de mettre en œuvre, à la demande des parties, des mesures que justifie l’urgence.
La réforme met de l’ordre en créant ou reprenant trois types de référés. Ce sont là des créations législatives, alors même que normalement la procédure administrative contentieuse est du domaine du règlement.
La loi a donc réorganisé les référés préexistants. Mais concernant la procédure, elle est du domaine du règlement. La procédure est réglée par le décret du 22 novembre 2000 mais laisse subsister des procédures de référés hors du CJA (des procédures spéciales).
1. Les référés de droit commun
Ils sont tous dans le Code de justice administrative.
a) Les référés de la loi du 30 juin 2000
— Le référé suspension (ancienne procédure de sursis à exécution améliorée).
Il s’agit ici de demander au juge, pour une certaine durée, de suspendre l’application de l’acte, le recours en lui-même ne l’étant jamais. C’est une contestation de l’acte dans le contentieux de l’excès de pouvoir. Le juge est saisi d’une requête en annulation ou réformation de l’acte.
C’est à l’article L 521-1 du CJA. C’est amélioré car une jurisprudence estimait qu’on ne pouvait demander la suspension d’une mesure négative. Suspendre un refus reviendrait à obliger l’administration… Cette analyse est pourtant inexacte car il ne s’agit pas de suspendre la mesure mais ses effets. La jurisprudence essayait de faire la distinction. La loi de 2000 tranche : « même de rejet, le référé-suspension est possible ».
Les conditions de l’ancien sursis étaient très sévères et avaient pour conséquence que le sursis était rare. Ces conditions ont été réécrites sur un mode mineur, l’idée étant que ce soit plus facile.
Conditions du référé suspension
— L’urgence. Un moyen propre à créer en l’état de l’instruction un doute sérieux quant à la légalité de cette décision (suspicion d’illégalité),
— Disparition de la condition du préjudice irréparable. Toutefois, le juge peut en tenir compte. La jurisprudence Huglot n’oblige jamais à prononcer le sursis quand bien même les conditions seraient réalisées.
— La suspension peut être partielle et ne porter que sur certains effets de l’acte comme la rétroactivité par exemple, ou encore limiter dans le temps les effets de cette suspension.
— Enfin quand la suspension est prononcée, la procédure au fond doit être réglée dans les meilleurs délais.
Ce référé fonctionne bien. Depuis la loi, son développement est important et le juge n’hésite pas à les combiner avec des procédures d’injonction.
— Le référé liberté ou référé injonction (article L521-2, il correspond à la reprise d’une institution qui était autrefois réservée au préfet).
Dans le contrôle de légalité, le référé peut mettre en œuvre la procédure des 48h c’est à dire qu’en matière de privation de liberté, de contrôle de légalité renforcé et depuis 1982, le préfet peut les déférer au Tribunal Administratif qui statut dans les 48 heures.
Le juge des référés va pouvoir ordonner toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale si cette atteinte
— est le fait d’une personne publique
— est grave
— est manifestement illégale.
En ce cas, le juge des référés, s’il est saisi de conclusions en ce sens, peut ordonner toutes les mesures nécessaires. Il le fait dans un délai de 48 heures. Le sursis 48h quitte le contrôle de légalité et le référé-liberté. Il a désormais une portée générale. Attention le juge n’est pas dessaisi s’il est plus long que 48h.
Largement admis par le juge administratif qui estime que la notion de liberté fondamentale est une conception large. De plus, ce référé-liberté avait une finalité précise, celle de récupérer le contentieux de la voie de fait car normalement quand l’administration porte une atteinte grave à une liberté fondamentale l’acte n’est plus du droit mais du fait et le juge judiciaire devient alors compétent pour adresser une injonction à fin de réparer. Le but de la loi est ainsi de permettre au juge administratif de rapatrier cette voie dans le contentieux administratif.
Le Conseil d’Etat a eu connaissance effectivement d’affaires qui sinon auraient été devant le juge judiciaire mais le Tribunal des Conflits rappelle que la voie de fait dans son principe n’a pas disparue : arrêt du 12 mai 1997 : « Préfet de police ». Ici, laissant entendre que si le juge administratif devenait compétent au titre du référé liberté pour des atteintes manifestement illégales à une liberté fondamentales, quand il s’agit du droit de propriété ce reste de la compétence du juge judiciaire.
— Le référé mesure conservatoire (article L521-3. Permet d’ordonner en référé toutes les mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative, d’où la distinction du référé-suspension et liberté).
Ici, l’exigence de la décision administrative préalable est abandonnée. Ce référé sert dans deux domaines :
— Pour assurer la communication de documents nécessaires à l’instruction du litige
— En matière d’expulsion d’occupants sans titre du domaine public.
b) Les référés du décret du 22 novembre 2000
— Le référé constatation est possibilité en référé de commettre un expert pour constater des faits périssables dans l’urgence.
— Le référé instruction, proche du précédent, signifie que toutes les décisions d’instruction d’un dosser peuvent être décidées par le juge des référés.
— Le référé provision, article R541-1 du CJA, permet sous certaines conditions, avant de statuer au fond, d’accorder un avaloir sur la créance dont elle réclame le bénéfice. Apparut en 1988 où on exigeait qu’il y ait auparavant une décision au fond.
2. Maintient des procédures spécifiques de référé
— Exemple du déféré préfectoral
Le déféré préfectoral peut passer par des procédures de référés spécifiques et le sursis 48h n’a pas disparut. Le référé audio visuel persiste également, procédure spéciale permettant au président de la section du contentieux d’en disposer.
— L’aménagement du référé pré contractuel
Enfin le référé précontractuel, d’origine communautaire, repris au titre de la transposition de directive sur les marchés publics et à ce titre, voie de droit spéciale devant le juge des référés qui lui permet, avant la conclusion du contrat d’ordonner un certains nombres de mesures pour faire respecter les règles de concurrence dans la passation du contrat. Il est à R 521-2 en consacre le principe, améliore le dispositif en permettant au magistrat d’empêcher la conclusion du contrat
C) Les procédures
La procédure du référé se déroule devant juge unique.
Calendrier inamovible selon date des décisions. La procédure sera orale ou écrite. Le magistrat juge des référés convoque dans son bureau les parties pour une discussion. La requête est dispensée de timbre, de décision administrative préalable et le juge garde la mesure de l’urgence tant que pas décision au fond.
Problème des voies de recours, logique aurait été que cassation mais pour le référé-liberté, il y a un appel possible mais devant le CE.
a. Un tri de l’urgence
En premier lieu, on met en place un tri de l’urgence à l’arrivée des requêtes. Le principe est que, à l’arrivée de la requête, il faut trier entre l’urgent, le très urgent et l’extrêmement urgent. A ce stade que le magistrat peut rejeter la requête pour « irrecevabilité d’urgence ». Le calendrier est inamovible selon la date des décisions.
b. Procédure orale ou écrite : La procédure sera orale ou écrite. Le magistrat juge des référés convoque dans son bureau les parties pour une discussion.
c. Dispense du timbre : La requête est dispensée de timbre,
d. Les voies de recours : La requête est dispensée d’une décision administrative préalable.
e. La « surveillance » des mesures d’urgence : Le juge garde la mesure de l’urgence tant que pas décision au fond. Problème des voies de recours : la logique aurait été la cassation. Mais pour le référé-liberté, il y a un appel possible mais devant le Conseil d’Etat.
Section 3 : L’instruction de l’instance
L’instruction se déroule devant le juge. C’est un débat judiciaire.
Le conseil constitutionnel, lorsqu’il est saisi d’une réclamation parlementaire, cette réclamation porte sur un certain nombre de dispositions de la loi votée mais non promulguée que les Sénateurs critique. Le Conseil Constitutionnel considère qu’il est saisi de l’ensemble de la loi, ce qui le conduit à répondre à des questions qui ne lui sont pas posés et à pouvoir déclarer des articles de la loi que personne n’a critiqué. Lorsqu’il fait cela, le Conseil Constitutionnel dit qu’il soulève un moyen d’office. Cette terminologie est inexacte : le moyen d’office consiste à amener un argument dans le débat, sans sortir du débat. Mais ce que fait en réalité le conseil constitutionnel est un recours objectif sur l’ensemble du texte.
Hors, le juge du conseil d’Etat ne peut pas sortir de ce qu’on lui demande. Aucun juge n’a le pouvoir de statuer ultra petita.
Le débat judiciaire appartient aux parties. Il appartient aussi au juge. Il peut dans le cadre de ce qui lui est demandé apporter des argumentations nouvelles (les moyens d’ordre public). Ce qui nous conduit à distinguer entre les conclusions et les moyens
— Les conclusions : c’est la décision qu’on demande au juge. C’est la conclusion formelle des mémoires présentés.
— Les moyens sont les arguments, de fait et de droit, que les parties vont invoquer à l’appui de leurs prétentions (de leurs conclusions). Sur ces moyens, le juge a des pouvoirs qu’il n’a pas sur les conclusions. Il a le pouvoir d’en écarter certains (sans déni de justice).
Dans le débat judiciaire, le juge a plus de pouvoir que le juge judiciaire, car il est le chef d’orchestre de ce débat judiciaire. C’est le chef d’orchestre. C’est lui qui mène l’affaire. Dans l’illustration, la démonstration des preuves, le juge a des pouvoirs que n’a pas le juge judiciaire. (Cf. : théorie de la preuve devant le juge judiciaire). Hors, devant le juge administratif, la preuve est libre. C’est le juge qui décide de ce caractère.
Finalement, le débat judiciaire est un jeu à quatre :
— Le demandeur
— Le défendeur (avec la possibilité d’une demande reconventionnelle)
— Les intervenants
— Le juge
Mais dans ce « théâtre » qui se joue à quatre, seuls ont des pouvoirs sur les conclusions : le demandeur et le défendeur dans le cadre de la demande reconventionnelle.
L’office du juge : c’est son travail dans le cadre du débat judiciaire pour l’instruction de l’instance. L’office du juge n’inclut donc pas le prononcé du jugement
§1er : les parties (participants) à l’instance
A) Les parties dans le déclenchement de l’instance
Le principe, c’est que le demandeur détermine les éléments de l’instance à titre principal. Cela veut dire qu’il détermine :
— L’identité du défendeur (même s’il n’y a pas assignation, la demande doit permettre au juge d’identifier le défendeur).
— L’objet de sa demande
— Les arguments : les moyens de droit et de fait, qu’il porte dans le débat, dans son mémoire, dans sa requête (et éventuellement dans des mémoires complémentaires).
Joue alors le principe d’immutabilité de l’instance : le demandeur ne peut pas corriger sa copie. Il ne peut le faire que dans le cadre d’une régularisation (ou dans le délai du recours). Les éléments de l’instance ne peuvent plus être changé.
C’est le demandeur qui fixe l’instance. Il faut distinguer les parties principales des intervenants.
1. Les parties principales
Les parties principales fixent l’instance.
— C’est le demandeur
— C’est le défendeur lorsqu’il se fait demandeur reconventionnel : il ajoute au litige à l’instance. Le défendeur ajoute aux moyens. Il ajoute à la discussion. Il apporte des éléments de contradiction. Mais le défendeur peut aussi ajouter aux conclusions dans le cadre d’une demande reconventionnelle. (Il peut élargir le débat judiciaire).
2. Les intervenants
Le cas des intervenants est un peu plus complexe. Les intervenants ne sont pas des parties à l’instance pour parler rigoureusement mais des participants. Ce sont des personnes qui trouvent un intérêt à faire irruption dans le débat judiciaire, parce que l’issu du débat judiciaire leur importe d’une façon ou d’une autre. Ce sont des personnes qui veulent prendre part à la discussion. Il s’agit d’alimenter le débat en l’élargissant. D’alimenter de nouveaux moyens.
Pour autant, les intervenants sont liés au débat judiciaire : ils ne peuvent pas prendre de nouvelles conclusions.
Mais d’autre part, il est des intervenants qui sont plus ou moins forcés dans le procès. Des personnes que l’on va chercher. C’est le juge, de son pouvoir impérial, qui met ces parties dans le procès.
a) Intervention volontaire
Il s’agit d’un tiers au procès, qui n’est pas partie, qui n’est pas représenté. Qui a connaissance du litige entre les parties principales. Ce tiers estime qu’il a un intérêt personnel (propre) à participer au débat et à y faire valoir ses arguments. Cet intérêt est donc un intérêt de l’intervenant : il y a un intérêt à agir de l’intervenant. Il y a une appréciation de l’intérêt à agir de l’intervenant.
— La première question que se pose le juge est de savoir si c’est un simple agitateur ou s’il peut établir un intérêt à agir.
Mais cet intérêt peut être lié à l’intérêt du demandeur principal. On est dans la même sphère d’intérêt mais il y a une exigence d’un intérêt propre. La jurisprudence a précisé qu’il n’y avait pas de condition de délai dans l’intervention, sauf à ne pas retarder le jugement de l’affaire : il ne faut pas que l’intervention soit un procédé utilisé par celui qui craint de perdre pour relancer le débat judiciaire et faire durer. Sinon, il est possible que cette intervention soit possible à tout moment, car il ne s’agit pas d’élargir le débat judiciaire.
Il est alors habituel de distinguer entre l’intervention accessoire et l’intervention principale.
— L’intervention accessoire : c’est la situation la plus fréquente. L’intervenant vient soutenir l’argumentation du demandeur ou de défendeur. Il s’associe aux conclusions de l’une ou de l’autre partie et entend appuyer des argumentations supplémentaires.
Cette intervention accessoire est présentée par une requête distincte, sans condition de délai, elle peut intervenir en appel (nouvelle argumentation dans le procès).
De la même façon, cette argumentation accessoire est dans le dépendance des conclusion principales : si le requérant se désiste, l’intervention tombe d’elle-même…
Le juge a même été plus loin dans ce caractère accessoire. La jurisprudence a exigé que l’intervenant ne puisse pas introduire dans le débat judiciaire, par son intervention, des moyens reposant sur une cause juridique différente de celles sur laquelle repose les conclusions principales. Cette crise d’argumentation lie l’intervenant.
Dans le plein contentieux, il faut que le droit froissé dont se prévaut l’intervenant soit distinct de celui invoqué par la partie principale.
— Intervention principale : le terme jure de lui-même. L’essence même d’une intervention est d’être accessoire. Il y a les parties et il y a ceux qui ne sont que participants. Pourtant, la jurisprudence a admis dans un certain cas l’intervention principale.
Ici, l’intervenant soumet au juge une prétention qui lui est propre, et qui se rapproche donc de conclusions supplémentaires : c’est une demande qui s’ajoutent à celles qui ont cristallisées le débat judiciaire.
— L’intervention principale n’est pas possible en appel. (On déplace les termes du litige).
— L’intervention principale n’est admise que si elle a un caractère « non innovatoire ». C’est-à-dire qu’il y a bien une intervention propre, mais que cette intervention propre se situe dans le cadre et les limites des questions posées au juge.
Exemple : Conseil d’Etat, 6 novembre 1959, Mme POMMAR. Cet arrêt admet la recevabilité d’une innovation qualifiée de principale « non innovatoire ». Les circonstances de l’espèce sont simples : explosion d’une conduite de gaz, cause des dommages à un fond de commerce. Le propriétaire agit et demande des DI pour réparer son préjudice. Mme POMMAR ne prétend pas que la société de Gaz ne doit rien payer. Elle fait irruption dans le procès : elle apporte sa qualité de propriété réelle du fond de commerce. Le propriétaire apparent demande de l’argent et subsidiairement, du jour où Mme Bonnard apparaît que lui soit dénier sa qualité de propriétaire. La société de Gaz demande de renvoyer devant le juge judiciaire sur la question de propriété. Mme POMMAR demande de renvoyer au juge judiciaire pour trancher la question de propriété.
— Mme POMMAR fait une intervention principale, parce que cette intervention ne s’inscrit pas au côté d’une des parties principales. Elle est une intervention propre, introduite à titre principale mais n’apporte pas d’éclatement du débat judiciaire (elle n’élargit pas le débat).
Dans ce cas de figure, l’intervention de Mme POMMAR fut jugée recevable. Cette configuration n’est pas fréquente.
b) Intervention forcée
Certains intervenants ne souhaitent pas l’être, mais sont inscrits dans le débat judiciaire pour que la solution soit complète. Ici, le juge ordonne la mise en cause de tiers pour les rendre parties au procès, pour que la décision leur soit opposable. Il s’agira pratiquement toujours de parties défenderesses.
Conditions restrictives :
— Cette intervention forcée est exclue en matière d’excès de pouvoir.
— Là où elle est possible, elle ne peut être ordonnée que si elle est demandée par l’une des parties (le juge ne peut pas le soulever d’office).
— Si le juge peut mettre en cause à tout moment de l’instruction, il ne peut pas le faire pour la première fois en appel.
Lorsqu’elle est possible, cette intervention forcée, qui émane du demandeur, consiste à mettre dans la cause un tiers, parce qu’il apparaît que le débiteur n’est pas seulement le demandeur. (Cas de figure de l’appel en garantie), par exemple en matière de travaux publics : l’appel en garantie de l’assureur). C’est la forme la plus fréquente de l’intervention forcée : les débiteurs organisent la couverture des créances que l’on a contre eux.
L’appel en déclaration de jugement commun est ouvert à l’égard de toute personne au droit de laquelle le jugement pourrait préjudicier. C’est exactement la formule qui rend recevable la tierce opposition. Il s’agit de prévenir la tierce opposition en faisant venir ce tiers et lui demandant de s’expliquer afin que la décision lui soit opposable.
B) Les parties dans la cessation de l’instance
La question qui se pose ici est de savoir si les parties conservent la maîtrise de la procédure dont elles ont eu l’initiative.
1. Le désistement
C’est ici les questions de désistement et de non lieu que nous devons analyser. Le désistement correspond à l’hypothèse dans laquelle l’auteur du recours renonce à sa prétention. Le désistement doit être admis. Il comporte une disparition de l’instance (ruine de l’instruction déjà faite et pourvue de toute conséquence juridique).
Les choses, en réalité sont un peu plus compliquées quant à la formation du désistement et quant à ses effets.
a) Catégories
— Désistement volontaire. C’est la volonté du requérant, qui choisit de mettre fin à l’instance. Ce désistement est libre, il est ouvert à tout moment de l’instance et peut être justifié par toute considération de fait ou de droit, ce qui veut dire en particulier que des éléments de fait conduisent à considérer que même si le recours était fondé en droit il serait maintenu. Ce n’est pas nécessaire que cette illégalité ait disparu pour qu’il se désiste.
Grande ouverture du désistement. La jurisprudence exige que les conditions du désistement soient explicites. Les termes du désistement doivent figurer et ne peuvent pas être suppléés par des manifestations de volonté équivoque.