Cours de droit constitutionnel français

 DROIT CONSTITUTIONNEL

  Le droit constitutionnel a pour but de décrire les institutions politiques, d’étudier les problèmes juridiques qui les concernent, d’exposer quelles sont les bases constitutionnelles des institutions administratives et juridictionnelles.

Le Droit constitutionnel est le droit qui comprend l’ensemble des normes qui fonde un certain ordre juridique, l’État de Droit, qui intègre toutes les branches du droit.

 

Chapitre introductif : L’étude de la Vème République.

La Vème République a fait preuve d’une longévité remarquable. Elle a dépassé les cinquante années. C’est une longévité remarquable au regard de l’histoire constitutionnelle française qui a été marqué par une alternance évidente de constitution et de régime politique depuis 1789.

On alterne entre République, monarchie et empire : on a une valse politique importante depuis 1789. La seule Constitution qui bénéficie encore aujourd’hui d’une longévité plus importante est la IIIème République (1870-1940).              

Cette Vème République a largement atteint l’objectif pour lequel elle avait été instituée. Elle répond aux attentes initiales. Elle a même trop bien atteint cet objectif initial qui est celui des rédacteurs de la Constitution en 1958 : il s’agit de l’efficacité politique, de doter la France d’un régime politique efficace.

Cet objectif supposait :

 De renforcer le pouvoir exécutif

 Assurer une stabilité gouvernementale.

Les Gouvernements devaient à tout prix pouvoir disposer d’une durée moyenne suffisante pour agir. Lorsqu’un gouvernement se met en place ; il a plein de projet mais il lui faut le temps de les réaliser. Il fallait donc faire en sorte que la durée moyenne de vie d’un gouvernement soit en adéquation avec l’exigence d’un régime politique.

 

L’objectif a ainsi été trop bien atteint ; atteint au-delà des espérances et du nécessaire. Au déséquilibre qui existait sous la IVème République entre l’exécutif et le législatif, on trouve un autre déséquilibre mais cette fois au profit du pouvoir exécutif et non plus législatif.

En effet, les deux chambres du parlement ont été considérées comme des chambres d’enregistrement des volontés de l’exécutif.

Pour y remédier, certaines initiatives ont vu le jour à partir des années 1990. On doit quand même constater que peu en réalité a été fait, les réformes sont restées mineures et cela jusqu’à 2008. Le vrai changement sur ce sujet-là intervient en effet en 2008.

Au cœur de la notion d’équilibre des pouvoirs, il ne faut pas oublier que cela signifie aussi une limite du pouvoir.

Tous les prétendants à la présidence de la République proposent dans leur programme des mesures pour rééquilibrer les pouvoirs. Tout le monde en 2007, tous les candidats ont bien en tête des mesures pour rééquilibrer les pouvoirs. C’est ce que fera Sarkozy par la mise en place d’une commission de réflexion et de proposition sur la modernisation et sur le rééquilibrage des institutions de la Vème République. Cette commission présidée par la commission Balladur a rendu un rapport public le 29 octobre 2007 et sa mission s’achève à ce moment.

Il appartient alors au pouvoir constitutionnel d’intervenir : il s’agissait d’enclencher une procédure de révision constitutionnelle et cela a été fait en 2007 et a abouti le 23 juillet 2008 qui est la dernière révision large de la Constitution de 1958. Elle a repris de très nombreuses propositions qui lui avaient été présentées par la Commission Balladur soit un grand nombre sur 77.

 Le rapport de la Commission Balladur s’inspire très largement du précédent rapport rendu public en 1992 par la Commission Vedel. Cette commission avait la même tâche, ce qui n’a pas donné suite à des réalisations concrètes.

La révision du 23 juillet 2008 comporte trois axes principaux de réformes :

 Un axe concernant le pouvoir exécutif. Il s’agit de prendre en compte la présidentialisation de la Vème République, et d’en tirer des conséquences.

 

 La revalorisation du Parlement dans ses deux fonctions principales :

         Faire la loi.

         Contrôler l’exécutif.

 

 Les droits des citoyens : tel que la QPC mais en tant que justiciable ; l’initiative minoritaire du référendum.

Il faudra faire le bilan de cette réforme par la suite mais pour le moment il est encore trop tôt pour savoir si ses objectifs initiaux ont bien été atteints. En réalité, certaines dispositions constitutionnelles nouvelles ne sont entrées en vigueur qu’en 2009 voir pour certaine en 2010. Car certaines dispositions nécessitaient des lois organiques pour fixer les modalités d’applications des nouvelles réformes.

Tout régime politique est conçu en réaction à l’égard de celui qui l’a précédé, c’est quelque chose d’inévitable même si les éléments de continuité peuvent être importants. La Vème République n’a pas échappée à cette loi de la succession des régimes politiques : ce sont les deux Républiques qui l’ont précédé à l’encontre desquelles la Vème République est conçue, voulue. Ce que veut le constituant, c’est mettre un terme à la toute-puissance du Parlement et il veut assurer la stabilité gouvernementale.

 

Section 1 : IIIème et IVème République ; le parlementarisme à la française.

Ces deux républiques incarnent ce qu’on a appelé le parlementarisme à la française. Il s’agit d’une expression péjorative. Il est caractérisé par une situation d’instabilité gouvernementale et par la toute-puissance du parlement. Ce n’est pas une situation satisfaisante puisqu’il désigne un dysfonctionnement ou un mauvais fonctionnement du régime parlementaire ; dans la mesure où la séparation des pouvoirs qui est pratiqué ne permet pas la limitation du pouvoir. Cette séparation des pouvoirs ne permet donc pas l’efficacité de la machine politique.

§1 : La IIIème République.

Elle est née d’une défaite des armées françaises à Sedan en 1870 contre les prussiens. Ce régime politique va également disparaître par les faits. Elle va aussi naître de la défaite des armées françaises en 1940. L’armistice avec la Prusse est signé en 1870 et le 4 septembre 1870, la IIIème République est proclamée par le gouvernement provisoire soit ceux qui ont pris le pouvoir.

On la dote d’institutions politiques à savoir que les élections législatives sont organisées au mois de février 1871 et surprise : ce sont les monarchistes qui sont majoritaires à la chambre des députés (notre ancienne Assemblée nationale) même s’ils sont divisés entre les orléanistes et les légitimistes.

On va avoir une situation exceptionnelle dans l’Histoire constitutionnelle depuis 1789 car la période qui s’ouvre à partir de 1871 est une période de transition jusqu’à 1875 et elle est marquée par l’absence de Constitution. La France n’a pas de Constitution durant ces quatre années de début de la IIIème République.

A)  Une situation transitoire : 1870 – 1875.

Les monarchistes sont majoritaires. La France a votée. Ils sont pourtant divisés et cette division va empêcher la restauration de la monarchie. On a deux camps dans ces monarchistes.

Le camp des légitimistes est composé par ceux qui soutiennent le prétendant légitime, naturel au trône de France : celui qui doit selon les lois dynastiques de succession au trône accédé. Il s’agit du comte de Chambord qui est le prétendant légitime au trône de France. C’est un bourbon et est dans la trajectoire directe des rois de France. Ces bourbons sont une branche de la famille royale et le premier à accéder est Henry IV. Les Valois et les Capétiens s’éteignent avec Henry III.

 

Le camp des orléanistes est composé de ceux qui appartiennent et soutiennent une branche cadette de la famille royale, à savoir les Orléans. Ils soutiennent ainsi le comte de Paris, descendant des Orléans. En 1814 – 1815, avec la restauration un bourbon, Louis XVIII revient sur le trône de France et un autre bourbon, Charles X lui succédera mais en 1830, une révolution porte un Orléans au trône de France avec la mise en place de la monarchie de juillet avec Philipe d’Orléans.

En 1870, la division porte sur un objet extrêmement précis pouvant paraitre dérisoire : il s’agit du drapeau de la France. Les légitimistes veulent le drapeau avec les fleurs de lys. Les orléanistes défendent le drapeau tricolore car ils ont reconnu la révolution française et on ne peut revenir sur ce drapeau. En fait, le comte de Chambord refuse le drapeau tricolore et les orléanistes refusent de lui apporter leur soutien.

La division fait qu’on ne peut adopter de constitution, restaurer un régime monarchique mais il faut organiser des institutions, un gouvernement provisoire. En conséquence, certains textes vont venir organiser provisoirement les institutions de la République.

Il y a plusieurs étapes :

Première étape : Adolphe Thiers est élu par la chambre des députés comme chef de l’exécutif de la République ; fonction qu’il doit exercer sous le contrôle de la chambre des députés : de l’Assemblée et du Sénat. 

Seconde étape : La loi Rivet du 31 août 1871 lui confie le titre de président de la République à titre personnel : l’institution de président de la République n’est donc pas institutionnalisée ; on ne vise pas sa pérennité, elle n’est pas reconnue car on tente de restaurer la monarchie. Elle est créée à titre provisoire au profit d’une seule personne.

Troisième étape : Thiers est remplacé en mai 1873 parce qu’il est trop républicain par le maréchal de Mac-Mahon, Patrice II qui est un monarchiste et a le soutien des Assemblées.

Quatrième étape : le 20 novembre 1873, la loi du septennat est adoptée, le pouvoir exécutif est donc confié pour sept ans à Mac-Mahon. Cette durée de mandat va durer jusqu’en 1900.  On calcule cette durée compte tenu de l’âge avancé du comte de Chambord : on lui donne encore 7 ans à vivre mais il est mort en 1883 soit bien plus tard.

La transition constitutionnelle ne pouvait durer. Il n’était pas raisonnable de continuer sans Constitution car cela laissait la porte ouverte à n’importe quelle expérience politique. Si on ne fige pas un minimum les choses, tout est ouvert vers la monarchie, la République mais aussi pour l’Empire.  Il faut ainsi aller vers la rédaction d’une Constitution pour figer la situation politique un minimum et éviter ainsi une ouverture à toute expérience constitutionnelle, politique possible.

Exemple : élections législatives partielles entre 1871 et 1875, on remarque deux choses : ceux qui progressent dans les suffrages, soit les républicains et les bonapartistes. Les monarchistes mais aussi les Républicains prennent peur.

On va donc rédiger une Constitution mais il y a trois lois constitutionnelles et non un texte :

 La loi constitutionnelle du 24 février 1875 qui est relative à l’organisation du Sénat.

La loi constitutionnelle du 25 février 1875 relative à l’organisation des pouvoirs publics.

La loi du 16 juillet 1875 qui porte sur les rapports entre pouvoirs publics.

Ce sont ces trois lois qui forment la Constitution de 1875. Elle est courte car pensée pour ne pas durer. Elle ne devait pas durer. Ceux qui l’ont rédigé avaient la ferme intention de revenir dessus. Cela explique le fait qu’il n’y ait pas de déclaration des droits ; pourtant elle va rester en vigueur durant 65 ans.

B)  L’instabilité gouvernementale.

L’Article 6 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 pose le principe selon lequel « Les ministres sont solidairement responsables devant les Chambres de la politique générale du gouvernement ». C’est donc le principe de la responsabilité gouvernementale qui est posée ici. C’est ce qui définit à minima l’origine du régime parlementaire.

Il doit rendre des comptes, expliquer ce qu’il fait, il est contrôler et peut être renvoyé s’il ne convient pas politiquement. Habituellement, le Gouvernement n’est responsable que devant la Chambre basse du Parlement ; soit celle élue au suffrage universel direct et représentant le peuple.

Sous la IIIème République ; il est responsable devant les deux Chambres et c’est un fait unique dans l’histoire constitutionnelle française. C’est la chambre des députés qui est à l’origine des crises gouvernementales : 8 ont été causées par les sénateurs. Ainsi, 8 députés ont été renversés par les Sénateurs.

L’instabilité gouvernementale peut être chiffrée sous la IIIème République et prend tout son sens lorsqu’on évoque la durée moyenne de vie des gouvernements qui est de 8 mois. Il y a à cette instabilité gouvernementale trois explications majeures :

1-    La désuétude du droit de dissolution.

Elle est la conséquence d’une crise politique qui a commencé le 16 mai 1877. Le maréchal de Mac-Mahon désapprouve le président du Conseil des Ministres (premier Ministre) qui est alors Jules Simon. Il le remplace par Albert De Broglie. Ce renvoie, cette désapprobation a une signification politique claire et forte pour les acteurs de l’époque : le président du Conseil n’est pas seulement responsable devant les Chambres du Parlement mais également devant le Président de la République. En conséquence, c’est là la finalité, l’intérêt : le président a un droit de regard sur la politique menée par le gouvernement.  C’est la volonté de contrôler la politique nationale.

Cette crise politique marquera la III° République.

 

Immédiatement, les députés républicains, qui étaient devenus majoritaires à la chambre en mars 1876 vont protester et rédigent un manifeste : « le manifeste des 363 » correspondant aux 363 députés concernés.

 

En 1876, la France change donc politiquement par la victoire des républicains. Le président de la République prononce la dissolution de la chambre des députés en juin 1877, cela s’engendre donc des élections législatives, et c’est de nouveau les républicains qui vont se trouver majoritaire aux chambres. C’est un désaveu populaire manifeste pour le président de la République.

 

 

 

 

Albert de Broglie démissionne à la suite de ce résultat électoral et Mac Mahon le remplace par RochebouëtI pour présider le conseil des ministres : c’est un monarchiste. De cette façon, le président ne considère pas le résultat des urnes, il fait donc de la résistance en nommant une nouvelle fois un monarchiste comme Rochebouët, il ne sera pas soutenu par les députés républicains.

 

Albert de Broglie : Jacques Victor Albert, duc de Broglie (se prononce de Breuil), né à Paris le13 juin 1821 et mort à Paris le 19 janvier 1901, fils d’Achille Victor, duc de Broglie, est un historien, diplomate et homme d’État français, monarchiste et orléaniste.

 

Mac Mahon : Patrice de Mac Mahon, comte de Mac Mahon, duc de Magenta, né le 13 juillet 1808, mort le 17 octobre 1893  fut un homme d’Etat français, maréchal de France, et le 3ème  président de la République française, fonction qu’il a occupée du 24 mai 1873 au 30 janvier 1879.

 

Rochebouët : Gaëtan de Grimaudet de Rochebouët né à Angers le 16 mars 1813 décédé à Paris le 23 février 1899 est un général et homme politique français.

 

Les députés républicains font d’ailleurs savoir au président du conseil qu’ils n’entreront pas en contact avec le nouveau gouvernement et refuseront les moyens de sa politique : or ils sont majoritaires, et donc le gouvernement ne pourra rien faire puisqu’il ne pourra pas compter sur eux pour adopter des lois.

 

De fait, le président de la République finit par choisir de se soumettre, car en effet, il n’avait plus le choix face à la majorité républicaine. Il fait appel en décembre 1877 à Jules Du Faure pour siéger au conseil qui est républicain.

 

Jules Du Faure : Jules-Armand-Stanislas Du Faure, né le 4 décembre 1798 et mort le 27 juin 1881, est un homme politique français.

C’est en tant que Garde des Sceaux qu’il a contribué à la création du droit administratif français : lors d’une séance du Tribunal des conflits durant laquelle les voix se partageaient, il a dû voter et a choisi la compétence du Conseil d’État et non de la Cdc.


L’arrêt en question est aujourd’hui connu sous le nom d’arrêt Blanco rendu le 8 février 1873, il est considéré comme l’arrêt fondateur du droit administratif français.

Du Faure est nommé président du Conseil — il est le premier sous la Troisième République à porter ce titre de mars à décembre 1876 puis de nouveau en décembre 1877 après la crise du 16 mai avec le triomphe de la coalition républicaine.

Après la mort de Thiers, Du Faur devient le leader du parti Centre Gauche, aile modérée du bloc des gauches qui oblige Mac Mahon à « se soumettre ». Avec son Gouvernement il assurera encore l’intérim de ce dernier le 30 janvier 1879, jour de l’élection du président Jules Grévy.

Thiers : Adolphe Thiers, né le 15 avril 1797  et mort le 3 septembre 1877  est un avocat, journaliste, historien et homme d’État français. Il symbolise par son exemple l’évolution des classes dirigeantes françaises, à la recherche d’un nouveau régime politique stable après l’effondrement de la monarchie absolue en 1789. Deux fois président du Conseil sous la monarchie de Juillet, il est un acteur majeur dans la mise en place des régimes politiques qui ont suivi l’échec de la restauration en 1830. Partisan d’une monarchie constitutionnelle, il critique l’intransigeance des membres de la famille royale et se rallie enfin à la République.

En 1871, après la chute du Second Empire lors de la guerre contre la Prusse, il devient le premier président de la Troisième République. En mai de la même année, son gouvernement ordonne l’écrasement de la Commune de Paris. En mai 1873, sa mise en minorité face aux monarchistes entraîne sa démission de la présidence de la République.

Jules Grévy : Jules Grévy, né le 15 août 1807 et mort le 9 septembre 1891 dans la même commune, est un homme d’État français. Avocat de profession, parlementaire engagé aux côtés des républicains, il est arrêté lors du coup d’État de 1851. À la tête de l’Assemblée nationale de 1871 à1873, il préside ensuite la Chambre des députés. Quatrième président de la République française du 30 janvier 1879 au 2 décembre 1887, il démissionne suite au scandale des décorations.

 

En conséquence :

Cette crise a été déterminante quant à la manière dont la III° République va fonctionner pour des décennies. Elle a montré que le président de la République ne pouvait pas imposer un président du conseil ni mettre en cause sa responsabilité, le révoquer contre l’avis des assemblées. Le régime parlementaire sera moniste, et non pas dualiste : en ce sens, le gouvernement est responsable devant le parlement mais uniquement devant le parlement et non pas également devant le président de la République. Il n’y a pas de double responsabilité du gouvernement devant le parlement et à la fois devant le président.

 

Jules Grévy qui va remplacer Mac Mahon, va entériner un retrait définitif du président de la République, un effacement de sa fonction. Le président de la République ne tentera plus d’imposer un conseil et une politique nationale car cela relève du gouvernement. Il va accepter un rôle plus modeste que celui auquel prétendait Mac Mahon : Jules Grévy va le déclarer dans une lettre qui sera nommée de «constitution Grévy» constitution informelle qui fixe le mode de fonctionnement de la III° République.

 

Le droit de dissolution du gouvernement envers la chambre des députés va tomber en désuétude à partir de cette crise, à partir de 1877. On ne l’utilisera plus jamais, car elle sera connotée définitivement comme un instrument antirépublicain. Car en effet, la seule fois où il sera utilisé sera lors d’un coup de force des monarchistes. Or, les républicains seront définitivement majoritaires à partir de la fin des années 1879 dans les deux chambres.

→ On peut même dire que la République devient Républicaine à partir de 1879 car les majorités politiques seront républicaines.

 

Le problème est que la dissolution est la contrepartie dissuasive de la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement. En effet, elle devait dissuader les députés de renverser inconsidérément le gouvernement et obliger le parlement à être en concordance avec l’exécutif. Une dissolution entraînant des élections législatives, présente alors un risque pour les députés de ne pas être réélus, c’est ce qui était dissuasif.

 

Cet équilibre des pouvoirs est essentiel pour la stabilité gouvernementale.

Le droit de dissolution n’est plus jamais utilisé et donc les députés n’ont plus crainte de ne plus être réélu par les électeurs.

 

 

 

2-     L’absence de procédure de mise en jeu de la responsabilité du gouvernement.

 

Le principe de la responsabilité du gouvernement est posé par l’article 6 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 mais aucune procédure n’est établie pour poser ce principe et encadrer cet «instrument».

 

La mise en jeu de la responsabilité du gouvernement a été déterminée essentiellement par la pratique, cela a engendré des dérives. Par exemple : il est arrivé qu’un président du conseil apprenne que son gouvernement est été renversé durant la nuit, sans qu’il en soit informé auparavant. L’un de ses ministres présentait un projet de loi devant la chambre des députés puis, confronté à l’hostilité des députés, ce ministre finit par déclarer, sous la fatigue, «qu’il n’ont qu’à renverser le gouvernement puisqu’ils n’arrivent pas à se mettre en accord».

La responsabilité du gouvernement suppose, par la loi constitutionnelle, une procédure d’élaboration.

 

Le jeu des partis.

 

Malgré le scrutin majoritaire à deux tours, pour l’élection des députés, il n’y a pas de majorité stable au sein des chambres, en raison du jeu des partis. Un mode de scrutin n’a pas de conséquences mécaniques : il n’y a pas d’automaticité, tout dépend de facteurs évolutifs.

 

Il y a à la chambre des députés, de nombreux partis politiques représentés, ce sont des majorités de coalitions qui permettent de mettre en place des gouvernements. Or, elles ne tiennent pas et éclatent lorsqu’elles rencontrent des difficultés particulières.  Il faut dire que la culture politique, son contexte, est particulier, on peut avoir l’impression que les hommes politiques abordent parfois la politique comme un «jeu» au détriment du sens des responsabilités et de l’intérêt général.

 

Les ambitions et les amitiés politiques l’emportent souvent sur cet intérêt général. Renverser un gouvernement permet de créer l’occasion de devenir un ministre à son tour.

 

Mais, l’instabilité gouvernementale sous la III° République n’a pas de conséquences dramatiques, elles sont moins importantes que celles qu’elle engendrera plus tard.

Il faut se confronter au contexte historique de la III° République, les moyens de communications étaient moins importants et le rythme de la vie politique voir nationale était bien moins importants, les États sont encore repliés sur eux -mêmes…

 

Lorsque les circonstances nécessites la vitesse d’action et de décision, on s’en remet à l’exécutif sous la III° République, notamment lorsque la France se trouve dans des situations graves telle que la guerre de 1914.

 

Les conséquences de l’instabilité ne sont pas négligeables, mais leurs conséquences sont moins importantes que ce qu’elles pourraient être aujourd’hui.

 

§2. La IV° République.

 

L’assemblée constituante a été élue en octobre 1945 et la constitution a été rejetée par référendum le 5 mai 1946. L’assemblée constituante était très marquée à gauche compte tenue du régime de vichy et donc, le programme était trop orienté à gauche ce qui explique son rejet en 1946.

 

Une nouvelle assemblée est élue le 2 juin 1946, et un référendum a été organisé le 13 octobre 1946 dont le résultat fut positif. La constitution a donc été promulguée le 27 octobre 1946. Les constituants ont voulu rationaliser le régime parlementaire et remédier à un certain nombre de dysfonctionnement pour le rendre plus efficace et en particulier, ils ont œuvré pour assurer la stabilité gouvernementale.

 

La constitution de 1946 encadre la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement. Pour fixer des règles de majorité, de délais quant au vote, les conditions de renversement du gouvernement… 3 procédures sont prévues, elles fixent des délais.

 

·Article 45, investiture du président du conseil, cette procédure est obligatoire, elle est mise en œuvre à la suite de la formation d’un gouvernement : tout nouveau gouvernement doit demander aux députés l’investiture, leur soutien.

 

·Article 49, la question de confiance, il organise sa procédure. Ici, s’est une mise en jeu de la responsabilité du gouvernement au moment qu’il juge opportun.

 

·Article 50, la notion de censure, c’est la procédure par laquelle, la chambre des députés devenue assemblée nationale, met en cause la responsabilité du gouvernement lorsqu’elle le juge opportun.

 

Parallèlement, le constituant a souhaité réhabilité le droit de dissolution pour établir une partie dissuasive, certainement car il y a un reste de méfiance face à l’opposition mais il n’est pas allé au bout de cette logique de réhabilitation. Les conditions de la dissolution sont très restrictives et elle en sera quasiment impraticable. Il n’y en a eu qu’une en 1875 par Edgar Faure.

 

Edgar Faure : Edgar Faure, né le 18 août 1908 et mort le 30 mars 1988 à Paris, est un homme politique français. Plusieurs fois ministre, il est président du Conseil à deux reprises et président de l’Assemblée nationale de 1973 à 1978.

 

On a imaginé que durant les 18 premiers mois on ne pouvait pas dissoudre l’assemblée car les crises nationales paraissaient normales puisque ce n’était que le début de l’organisation des chambres. Les différentes procédures avaient pour but de faire de la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement un acte réfléchit et donc rare de la vie politique. Hélas, les partis politiques vont parvenir à contourner les contraintes des procédures et y échapper par les combinaisons procédurales.

 

La tentative de rationalisation a été un échec car l’existence de procédure est nécessaire mais loin d’être suffisante pour empêcher l’instabilité gouvernementale.  Ce qui est déterminant et difficile à susciter est l’existence d’une majorité parlementaire unie et donc durable et stable. Au fond, pour les députés, il fallait éviter d’être constitutionnellement responsable d’un renversement du gouvernement pour pouvoir parvenir à détourner la procédure : il ne fallait pas renverser le gouvernement par les conditions prévues par la constitution. 

 

→ On fait comprendre au gouvernement qu’il ne pourra plus gouverner sans pour autant le renverser pour l’emmener de lui-même à la démission pour qu’ainsi le député ne soit pas reconnu comme juridiquement responsable du gouvernement. Les députés vont s’abstenir de voter les lois pour faire pression face au gouvernement et le conduire à la démission de façon implicite. 

Les gouvernements sous la IV° République, souvent démissionnaient sous la conséquence d’une dissolution politique. Les procédures sont donc nécessaires mais insuffisantes.

 

Il y a eu 25 gouvernements sous la IV° République en 12 ans mais il faut en éliminer 6. En effet, en réalité, le gouvernement de Blum n’a duré que 2 mois et 5 autres n’ont pas obtenu l’investiture qui conditionne son existence.

→ La durée moyenne de vie d’un gouvernement sous la IV° République est donc de 7 mois.

 

La IV° République a été affectée par l’instabilité gouvernementale car elle entraîne l’incapacité à décider et la faiblesse de l’État : les gouvernements ne sont pas en situation de mener des politiques nationales d’envergures. Le pouvoir est entre les mains de l’assemblée nationale ; c’est ce qui est caractéristique d’un «régime d’assemblée», mais c’est en réalité un pouvoir qui est faible et quasi négatif : il empêche d’agir et ne permet pas d’agir : En changeant de politique tous les 7 mois, l’assemblée ne dispose pas de pouvoir.

 

Tant qu’aucun problème grave ne s’est posé, la IV° République a pu fonctionner et s’accommoder, mais à partir de 1954 en particulier, un problème surgit et va s’aggraver qui est : le devenir de l’Algérie, une guerre se met en place.

 

Les gouvernements ne sont pas en mesure de mener des politiques globales puisqu’ils changent. La guerre d’Algérie va conduire à la disparition de la IV° République. La IV° République est dite la « mal aimée ». Mais les institutions ne sont jamais que ce que les Hommes en font.

 

SECTION 2 : La loi constitutionnelle du 3 juin 1958, le passage d’une république à une autre.

C’est le passage d’une République à une autre. Ce texte est dans la vie de tous les étudiants en première année de droit : il est incontournable, c’est un acte juridique qui a permis la transition juridique entre la IVème et la Vème République. Ce texte habilite le Gouvernement du général De Gaulle a élaboré une nouvelle Constitution. Ce sera la Constitution de la Vème République.

§1 : Le contexte historique.

C’est un contexte qu’on retrouve : il est évoqué par De Gaulle dans sa déclaration d’investiture du 1er juin 1958. Il dresse un tableau de manière assez concise mais très riche de ce qu’est le contexte politique et historique international

Il est rappelé par De Gaulle et pour le résumer, la situation s’est nettement dégradée au cours du premier semestre 1958 au point d’entraîner la disparition de la IVème République : il y a deux évènements majeurs qui vont précipiter les choses :

Le bombardement du village de Sakhiet-Sidi-Youssef par l’aviation française de ce village tunisien qui est situé à la frontière entre l’Algérie et la Tunisie. L’armée française pense qu’il abrite des combattants du Front de Libération National algérien et qui entreprend des actions militaires en Algérie. L’armée française va frapper ces combattants dans leur abri en venant bombarder ce village : c’est la motivation. Elle entreprend ce bombardement de sa propre initiative car il semblerait que le pouvoir politique n’est pas ordonné ce bombardement.

 

On compte 70 morts civils : l’opinion publique internationale s’indigne et la France est mise en cause par la Tunisie sur la question des droits de l’Homme devant l’ONU. 

 

Jusque-là, il faut dire que la France avait opposé le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats. Il est une conséquence de la souveraineté de l’Etat et les Etats tiers ou Organisations Internationales n’ont pas à s’ingérer dans les affaires intérieures d’un autre Etat.

La France s’est défendu en montrant que l’Algérie était française d’où un conflit interne.

 

Avec ce bombardement, à l’heure de la décolonisation, compte tenue de cette faute politique cela n’est plus possible : les Américains qui sont d’importants bailleurs de fond à la France, lui empruntent beaucoup, veulent internationaliser le conflit algérien et lui trouver une issue politique au plan internationale : ainsi ce problème doit être gérer par d’autres Etats.

Ils proposent donc en ce sens, leurs « bons offices » ; de participer à une médiation, une conciliation entre la France et la Tunisie.

C’est ce que va décider l’ONU qui décide de créer une mission anglo-américaine que la France est obligée d’accepter. La mission américaine a pour mission la reprise des relations diplomatiques entre la Tunisie et la France.

 

Le Gouvernement de Félix Gaillard tombe le 15 avril 1958 des suites de cette affaire. Il tombe dans un contexte un peu compliqué : il est obligé d’accepter cette mission et va être conduit à accepter la conclusion de cette mission qui est la reprise des relations diplomatiques entre la Tunisie et la France : c’est cela qui va l’obliger, le contraindre à la démission par des pressions militaires, politiques … pour avoir accepté ces conclusions. 

 

C’est un autre responsable politique qui est amené à présider le Conseil des Ministres : il s’agit de Pierre Pflimlin : il est appelé par le Président de la République René Coty.

C’est un modéré qui annonce maladroitement sans doute le temps des « pour parler » avec le FLN ; de quoi mettre le feu aux poudres. Cette annonce qui envisage une discussion avec ceux qu’on appelle les terroristes (FLN), le reconnaître et accepter la discussion avec eux.

 

Félix Gaillard : Félix Gaillard, est un homme politique français né le 5 novembre 1919 à Paris et mort le 10 juillet 1970 en mer, au large de Jersey.

 

Pierre Pflimlin : Pierre Eugène Jean Pflimlin, né le 5 février 1907 et mort le 27 juin 2000 est un avocat et homme politique français, président du Conseil sous la IVe République et maire de Strasbourg de 1959 à1983. 

 

René Coty : Jules Gustave René Coty, dit René Coty, né le 20 mars 1882  et décédé le 22 novembre 1962 dans la même ville, est un homme d’État français. Député de la Seine-Inférieure de 1923 à 1935, puis de 1945 à 1948, sénateur de la Seine-Inférieure  de 1936 à 1944 puis de 1948 à 1953, il occupa les fonctions de ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme. 

De 1947 à 1948 dans le cabinet de Robert Schuman puis d’André Marie, il devient ensuite vice-président du Conseil de la République jusqu’en décembre 1953, date à laquelle il est élu à la présidence de la République, au 13e tour de scrutin. Son mandat est marqué par l’arrivée à la présidence du Conseil des ministres de Pierre Mendès France, la fin de la guerre d’Indochine, le début de la guerre d’Algérie et le retour du général de Gaulle au pouvoir, qui entraîna la fondation de la Ve République et son départ volontaire, en janvier 1959 de la présidence de la République pour laisser place à de Gaulle, « le plus illustre des Français », comme l’appelait le président Coty.

 

René Coty est le second et dernier président de la IVe République.

 

 

On appelle cela les évènements du 13 mai 1958 à Alger : il y a deux manifestations, une de partisans hostiles à l’indépendance de l’Algérie qui dégénère et s’empare de la résidence du gouvernement général. Il s’agit du bâtiment qui abrite le représentant de l’Etat français.

C’est un coup de force. Des Gaullistes ont prêté la main à l’organisation, un certain nombre de hauts dignitaires gaullistes ont fait part au général de Gaulle ce qu’ils envisageaient de faire en Algérie et celui-ci ne les a pas dissuadé.

 

L’armée française a laissé faire et finalement s’est même ralliée à cette manifestation et à la prise pouvoir qui est en train de se réaliser. Les armées françaises ont perdu pendant la Seconde Guerre Mondiale un territoire : l’Indochine en 1954 : cela fait beaucoup pour l’armée française qui ne veut pas abandonner ce terrain où ils sont majeurs.

 

Un comité de salut public est mis en place et c’est le général Massu, le plus haut gradé en Algérie qui est placé à sa tête. Il demande solennellement au général de Gaulle de bien vouloir « rompre le silence » et de revenir au pouvoir pour éviter que Pflimlin ne brade l’Algérie.

 

Massu : Jacques Massu (5 mai 1908 26 octobre 2002), est un militaire, officier général. Compagnon de la Libération et ancien commandant en chef des Forces françaises en Allemagne, il s’illustra notamment dans la colonne Leclerc durant la Seconde Guerre mondiale et durant les deux conflits coloniaux d’Indochine et d’Algérie.

 

De Gaulle est resté pendant quelques années en marge de la vie politique française et Massu et les autres voient comme issu dans ces relations tendues le retour de De Gaulle qui répond le 15 mai par un communiqué de presse qu’il se tient prêt à assurer les pouvoirs de la République. S’ouvre alors une période de crispation : les ralliements politiques à l’égard de De Gaulle s’amplifient : une sorte d’emballement s’empare à la fois du monde politique mais aussi de la société française.

 

 

On comprend qu’on est dans un moment clé de l’Histoire de France. Cette crispation est accentuée par la menace d’un coup d’Etat militaire dont les français prennent connaissance : il y a en effet un plan qui s’appelle « résurrection » et qui consisterait pour les militaires à s’emparer des leviers du pouvoir à Paris. On a connaissance d’une menace réelle, de coup d’Etat militaire qui plane sur la capitale.

 

De Gaulle ne prend pas la tête de la rébellion militaire en Algérie car il veut que son retour au pouvoir se fasse dans la légalité ; au moins en apparence.

Pour autant, il ne la condamne pas et s’en sert comme un moyen de pression objectif.

Plus cette pression est forte, plus il y a des tensions et des risques et plus son rappel se présente comme une évidence, une nécessité.

C’est ce qui va se passer : Pflimlin démissionne le 28 mai et le 29 mai, le Président de la République René Coty informe l’Assemblée nationale qu’il a décidé de « faire appel au plus illustre des français » pour présider le Conseil des ministres » :

 

De Gaulle et il menace l’Assemblée nationale en cas de refus par sa démission.

Il est amené à indiquer cela à l’Assemblée nationale car il y a une procédure à respecter :

procédure de l’Article 45 de la Constitution de 1946 : « Au début de chaque législature, le président de la République, après les consultations d’usage, désigne le président du Conseil. Celui-ci soumet à l’Assemblée nationale le programme et la politique du cabinet qu’il se propose de constituer. Le président du Conseil et les ministres ne peuvent être nommés qu’après que le président du Conseil ait été investi de la confiance de l’Assemblée au scrutin public et à la majorité absolue des députés, sauf cas de force majeure empêchant la réunion de l’Assemblée nationale. Il en est de même au cours de la législature, en cas de vacance par décès, démission ou toute autre cause, sauf en ce qui est dit à l’article 52 ci-dessous.  Aucune crise ministérielle intervenant dans le délai de quinze jours de la nomination des ministres ne compte pour l’application de l’article 51 ». 

 

De Gaulle qui vient d’être désigné par le Président de la République doit se présenter devant l’Assemblée nationale pour obtenir l’investiture.  Il ne sera pas président du Conseil sans cette investiture.

 

On imagine l’effort qu’a du faire sur lui-même De Gaulle qui a une telle répulsion de cette classe politique de la IVème République. Pourtant, le 1er juin, il est obligé de se rendre devant eux pour leur demander l’investiture. Cela étant, même chose de l’autre côté, les députés lui accordent l’investiture mais seulement parce qu’ils n’ont pas vraiment le choix. Il est l’homme providentiel et apparaît comme le seul en mesure de trouver une issu à la crise et d’éviter le coup d’Etat militaire.

 

 

En plus de l’investiture, De Gaulle demande également aux députés deux autres choses :

 

Il demande à l’Assemblée nationale d’adopter une loi ordinaire qui lui confère les pleins pouvoirs pendant six mois. Il demande d’être habiliter des pleins pouvoirs pour prendre les premières mesures d’urgence nécessaire.

 

On trouve l’équivalent à l’Article 16 sous la forme des pouvoirs exceptionnels qui permettent au pouvoir exécutif de décider à la place du Parlement et de prendre également toute décision administrative utile au règlement de la situation indépendamment de la répartition habituelle des compétences entre les autorités administratives. La limite des pleins pouvoirs, c’est qu’on ne peut réviser la Constitution.

La loi ordinaire des pleins pouvoirs est adoptée le 2 juin et promulguée le 3 juin.

 

Il demande aux députés d’habiliter son Gouvernement à élaborer une nouvelle Constitution.

Pour se faire, il demande une révision constitutionnelle. L’habilitation en question exige cette révision.

 ATTENTION : De Gaulle a été premier ministre et en fait le dernier président du Conseil de la IVème République.

 

En effet, lorsqu’un système politique fonctionne mal, ne permet plus de gouverner, il faut en changer et De Gaulle a toujours été très critique depuis le début à l’égard de la IVème République et de sa Constitution de 1946 qu’il a dénoncée comme étant une mauvaise.            Constitution mettant en place un mauvais système politique en laissant trop de place au jeu politique des partis. Il rencontre enfin l’occasion de la changer, d’y mettre un terme et c’est pour cette raison qu’il revient au pouvoir principalement.

C’est précisément la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 qui habilite le Gouvernement du général de Gaulle a élaboré une nouvelle Constitution.

§2 : Le vote de la loi constitutionnelle du 3 juin 1958

A)   La délégation au gouvernement du pouvoir d’élaborer une nouvelle Constitution.

Il faut expliquer deux choses : pourquoi les révisions constitutionnelles étaient nécessaires et en quoi il s’agit d’une révision de la procédure de révision. 

Ensuite, il faudra envisager le débat qui a eu lieu sur la régularité juridique de cette révision constitutionnelle.

1.    Une révision de la procédure de révision.

Charles de Gaulle veut changer de Constitution et conséquemment de République. On a un ordre constitutionnel en vigueur et on veut changer de Constitution : pour cela De Gaulle devra s’il veut rester dans le cadre de l’ordre constitutionnel en place mettre en ordre le pouvoir de révision de façon globale, la conséquence serait de remplacer la constitution par une autre sauf cas exceptionnel si le texte en dispose expressément autrement.

Pour changer de Constitution, il était donc nécessaire de réviser la Constitution de 1946 et donc de recourir à la procédure de révision constitutionnelle régit par l’Article 90 de la Constitution de 1946.

Or, cette procédure détermine les autorités habilitées à intervenir dans le cadre d’une révision : le Parlement, les chambres du Parlement sont compétentes avec la possibilité d’une intervention populaire (référendum) mais on n’y trouve pas le Gouvernement. De Gaule ne veut pas que ces parlementaires décident de cette Constitution.

De Gaulle est dans une impasse et il faut modifier la procédure de révision constitutionnelle. Il faut prévoir un rôle particulier du Gouvernement.

On modifie l’Article 90 qui définit la procédure de révision en le mettant en œuvre. Il faut réformer la procédure de révision et c’est ce que fait la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 selon laquelle « Par dérogation aux dispositions de l’Article 90, la Constitution sera révisée par le Gouvernement ».  

Remarques pour corriger cette manière de dire du pouvoir de révision constitutionnelle :

         La formule est excessive dans la mesure où le Gouvernement n’est pas habilité à réviser la Constitution mais à élaborer une nouvelle Constitution.

En effet, il ne révise pas dans la mesure où ce n’est pas le Gouvernement qui adoptera la révision, la nouvelle Constitution mais le peuple. La limite de son pouvoir est d’élaborer un projet de Constitution.

 

         Il ne s’agit pas d’une simple révision constitutionnelle mais d’une révision globale, c’est-à-dire de remplacer une Constitution par une autre.

 

2.    Le débat autour de la régularité de cette révision du 3 juin.

Le débat est vif suite aux instabilités d’Alger. Il est tel que De Gaulle dira : « Croyez vois qu’à 65 ans on est en mesure d’établir une dictature ? »

Il y a eu principalement deux critiques formulées :

 La révision de la Constitution a-t-elle été adoptée dans le respect de la procédure de révision.

La question se pose car l’Article 90 organise une procédure de révision très lourde qui peut nécessiter des votes successifs de confirmation de la part des Assemblées, qui peut déboucher éventuellement sur un référendum, des conditions de majorité renforcée. 

La rigidité de la Constitution de 1946 est très complexe et nécessite un minimum de temps. Or le 1er juin De Gaulle demande, le 2 juin l’Assemblée adopte et le 3 juin, que en 2 jours, elle est promulguée : cela est très rapide, trop rapide. Comment a-t-on fait ?

 

L’Assemblée nationale a repris un projet de révision qui avait été suspendu en 1955. A cette date, les Assemblées avaient adoptés une résolution. Il y avait eu un projet, une révision entamée mais qu’on a interrompue.

Ce projet de révision présentait deux intérêts manifestes pour l’Assemblée nationale en 1958 et pour le Gouvernement du général de Gaulle :

         Elle avait déjà été adoptée par les deux assemblées ; ce qui permettait de gagner du temps sur une partie de procédure

         Elle portait notamment sur l’Article 90 donc sur la procédure de révision : précisément sur ce que l’on voulait faire. Il était envisagé de modifier cet article.

Cependant, il ne s’agissait en aucun cas en 1955 de confier au gouvernement du général De Gaulle le pouvoir d’élaborer une nouvelle constitution puisqu’il n’existait pas à l’époque.

On voulait seulement alléger la procédure de révision constitutionnelle. On pouvait attribuer à De Gaulle ce pouvoir, mais on ne peut modifier l’objet sur quoi porte la révision car son objectif ne pourrait alors pas être confronté à la procédure.  Il y a là un détournement de procédure. On a modifié l’objet de la révision.

Le Parlement pouvait-il confier le pouvoir de révision constitutionnelle au Gouvernement ? Pouvoir qui lui a été confié par le peuple à travers la Constitution. Il y a ici deux points de vue :

         Ceux qui répondent non, et qui se basent sur un adage latin : « Delegata potestats non potest delegari » : « un pouvoir délégué ne peut être subdélégué ».

 

On vient expliquer alors que le Parlement n’est pas propriétaire du pouvoir de révision constitutionnelle et n’est qu’un dépositaire : le pouvoir là appartient au peuple souverain.

Il ne peut donc pas en disposer à sa guise et seul le peuple souverain pouvait le faire.

Ceux qui défendent cet argument s’appuient sur un argument de texte : l’Article 13 de la Constitution de 1946 selon lequel « L’Assemblée nationale vote seul la loi, elle ne peut déléguer ce droit » ; cet argument est contestable car cet article 13 avait un objectif précis qui visait à interdire une pratique : celle des « décrets lois » qui avait court sous la IIIème République ne concernait pas l’exercice du pouvoir constituant. C’est une pratique qui consiste pour le Parlement à habiliter le Gouvernement au domaine législatif quand il fallait aller vite.

 

         Ceux qui défendent la possibilité d’une subdélégation du pouvoir constitutionnelle  et il se base sur le fait que cela n’est pas expressément interdit par la Constitution ; Ils ajoutent que le Gouvernement ne s’est pas vu déléguer le pouvoir de révision : il a simplement obtenu le pouvoir d’élaborer une nouvelle Constitution mais ce n’est pas lui qui va l’adopter.

On l’habilite seulement à élaborer une nouvelle Constitution qui sera ou non adopter par le Parlement.

 

 Ils ajoutent enfin que même en admettant que la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 était irrégulière « ab initio » : au départ ; on doit considérer que le peuple français en adoptant la Constitution en 1958, il a rétro valider la procédure, il l’a purgé de ses éventuels vices : « vox populi, vox dei ». 

 

 

B)   Les limites fixées au pouvoir de révision du Gouvernement.

Il y a dans cette loi constitutionnelle 5 principes de fond qui encadre, limitent la liberté de rédaction de la future Constitution et on trouve également dans cette loi constitutionnelle du 3 juin 1958, les règles à observer quant à l’organisation et à l’adoption du travail constituant. On a donc des choses sur le fond et sur la forme

 

1.    Les limites de fond encadrant la rédaction de la nouvelle Constitution : l’objet est d’assurer la continuité républicaine. 

On trouve dans ces limites le principe de la démocratie, à savoir que le suffrage universel est la source de tout pouvoir ; la séparation des pouvoirs, plus précisément il s’agit de mettre un terme à la domination de l’Assemblée nationale et rétablir un équilibre entre le législatif et l’exécutif.

Cette séparation n’a pas été réelle sous la IVème République ; un autre principe est celui de la responsabilité politique du Gouvernement devant le Parlement. Ce principe est le pilier même du régime parlementaire.

Ensuite un quatrième principe est celui de l’indépendance de l’autorité judiciaire de manière à assurer la protection des droits et libertés consacré par la Déclaration de 1789 et le Préambule de la Constitution de 1946.

On évoque ici l’application, le respect des grands textes : la grande question ici est de savoir si ces textes ont valeur constitutionnelle. On va se rendre compte de cela et lorsqu’on rédige la Constitution certains vont poser la question au cours de l’été 1958 pendant les travaux préparatoires à cette nouvelle Constitution.

Il est répondu que non mais pour se sortir de cette impasse, en réalité on introduit l’Article 66 de la Constitution pour donner au juge judiciaire le rôle de gardien des droits et libertés des individus. 

Le dernier principe ; c’est que la nouvelle Constitution doit organiser les rapports entre la République française et les peuples qui lui sont associés. En 1958, il faut songer à organiser d’un point de vue institutionnel les rapports entre la République et un certain nombre de peuples dont certains sont en cours d’acquisition de leur indépendance.

C’est là la continuité républicaine du pouvoir qui encadre les libertés de rédaction de la nouvelle Constitution.

2.    On trouve également des limites de formes

Il s’agit de la procédure à suivre pour l’élaboration et l’adoption de la nouvelle Constitution. Le Gouvernement du général De Gaulle est chargé d’élaborer un projet de constitution, et pour cela, on met en place un comité interministériel présidé par De Gaulle en tant que président du Conseil.

On y trouve également le garde des sceaux, ministre de la justice qui est Michel Debré et qui jouera un rôle important dans l’élaboration de la Constitution.

Michel Debré : Michel Debré, né le 15 janvier 1912  et mort le 2 août 1996  est un homme d’État français. Résistant et gaulliste, il est garde des Sceaux dans le gouvernement de Gaulle, à partir de 1958 ; il contribue à l’écriture de la Constitution de la Ve République. Premier ministre de la République française à partir de janvier 1959, il démissionne en avril 1962, à la suite d’un désaccord avec le président Charles de Gaulle concernant l’Algérie française. Il occupe par la suite les fonctions de ministre de l’Économie et des Finances, de 1966 à 1968, puis des Affaires étrangères, de 1968 à 1969, et enfin de la Défense nationale, de 1969 à 1973.

 

On y trouve le vice-président du Conseil d’Etat : c’est l’un des plus grands juristes français du XXème siècle qui va aussi contribuer à la rédaction de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Il s’agit de René Cassin. On y trouve également un certain nombre de ministres du gouvernement qui sont en fait les chefs des principaux partis politiques comme à la tête de la SFIO (parti socialiste) Guy Mollet, Pierre Pflimlin qui est le dirigeant du MRP (parti centriste).

René Cassin : René Samuel Cassin (5 octobre 188720 février 1976 ), était un juriste, diplomate et homme politique français. Membre du gouvernement de la France libre pendant la seconde Guerre mondiale, un des auteurs de la déclaration universelle des droits de l’homme en 1948, vice-président du Conseil d’État de 1944 à 1959, président de la Cour européenne des droits de l’homme de 1965 à 1968, il reçut le prix Nobel de la paix en1968, et aussi le prix des droits de l’homme des Nations unies la même année.

Guy Mollet : Guy Mollet, né le 31 décembre 1905  et mort le 3 octobre 1975, était un homme politique français, dont la carrière culmina avec son passage à la présidence du Conseil sous la Quatrième République (février 1956-juin 1957).Il fut secrétaire général du Parti socialiste (SFIO) de 1946 à 1969.

 

On veut ainsi associer ces partis politiques à l’élaboration de la nouvelle Constitution.  La volonté de De Gaulle était de faire en sorte que le Président de la République puise gouverner.

On a les principaux responsables politiques qui s’opposent à cela. Finalement dans la Constitution, le président de la République gouverne même si certains ministres ont été en mesure de ne pas tout accepter de De Gaulle.

Le projet de constitution a ensuite été soumis au Comité consultatif constitutionnel : cet organe disparaît une fois la Constitution accomplit : il est composé de 26 parlementaires pour les 2/3 avec les responsables politiques de la IVème République.

On a donc des parlementaires, des députés et on veut associer ce personnel politique à cette élaboration pour le rallier. Le dernier tiers comprend des personnes qualifiées au nombre de 13, choisies par le Gouvernement soit des personnes pouvant utilement contribuer à cette élaboration.

 

Ce Comité Consultatif Constitutionnel était chargé de formuler un avis politique. Des débats vont se succéder et les représentants du Général de Gaulle vont venir tour à tour présenter la nouvelle Constitution ; le principal est Raymond Jeannot. Ils vont présenter et expliquer la Constitution pour formuler un avis en opportunité politique : que pensez-vous de la nouvelle Constitution et de l’efficacité de l’exécutif ?

Une fois cet avis formulé, le texte est transmis devant l’Assemblé générale du Conseil d’Etat, devant Michel Debré le 27 août 1958, où il expliquera toute la philosophie de la constitution, c’est un discours important. Ici le Conseil d’Etat intervient comme conseiller politique au niveau juridique : il doit répondre à la question qui est de savoir si le texte est juridiquement bien rédigé et cohérent.

La dernière étape sera un référendum : le texte de la Constitution est définitivement arrêté le 3 septembre 1958 par le Gouvernement lors d’un Conseil des Ministres ; et est soumis au français le 28 septembre 1958. Les français vont très largement l’adopter : 80,1 % des suffrages exprimés avec une participation de 84.9%.

Les opposants sont pour l’essentiel l’extrême droite et l’extrême gauche et quelques personnalités politiques importantes, ou ayant eu une action importante sous la Vème République : comme François Mitterrand et Pierre Mandes France : c’est celui qui mettra un terme à la guerre d’Indochine en 1954 et celui dont vont se revendiquer les gauches modérés.

Il y a deux significations à ce oui au référendum :

Sur un plan juridique, cela se résume par le fait que le peuple a juridiquement validé toute la procédure élaborée. Met un terme à la polémique.

 

Une signification politique : large manifestation de confiance à l’égard de la personnalité de De Gaulle pour rétablir l’autorité de l’Etat, sortir la France de la crise et mettre un terme à la crise algérienne.

 

D’un point de vue concret, c’est René Coty qui promulgue la Constitution le 4 octobre 1958, la publication au journal officielle se fait le 5 octobre 1958.

 

Cette Constitution de 1958 prévoyait une phase transitoire de mise en place des nouvelles institutions. Ce sont les Articles 90 à 92 qui n’existent plus car ils ne servaient plus et ils prévoyaient que Pendant quatre mois le Gouvernement de De Gaulle pouvait adopter des ordonnances pour faire deux choses : pour adopter les textes nécessaires à l’installation des nouvelles institutions. 

 

(Ce sont des lois organiques qui sont concernées et adoptées par le Gouvernement par voie d’ordonnance : il s’agit de préciser la Constitution de 1958 et 18 seront adoptées ; on parle « d’ordonnance portant loi organique » et il en existe toujours).

 

Et les mesures législatives ordinaires nécessaires à la vie de la nation : il est habilité à gouverner pendant quatre mois concernant la vie de la nation, la politique nationale … Les élections législatives ont lieu le 3 novembre. Le président de la République sera élu en décembre, les institutions de la République vont donc se mettre en place progressivement.

ATTENTION : pour la loi constitutionnelle du 3 juin de 1958 : ce n’est pas le gouvernement de De Gaulle qui l’adopte mais l’Assemblée nationale ; elle n’est pas la loi des pleins pouvoirs mais intervient la même année.

 

 

Titre 1 : La conception générale du système politique.

(Le système élaboré par les constituants)

Quel système politique le constituant a voulu mettre en place ?

Il y a un fil rouge, une ligne directrice qui est que de retour au pouvoir, De Gaulle veut rétablir l’autorité de l’Etat qui n’était pas respecté, pour cela il faut rétablir l’autorité de l’exécutif. C’est Michel Debré qui présente l’esprit du nouveau système politique devant le conseil d’état le 27 aout 1958.

Michel Debré expose l’architecture générale de la Constitution devant le Conseil d’Etat en 1958.

Il explique pourquoi le régime présidentiel est écarté : il rappelle que la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 impose un régime parlementaire car le régime présidentiel n’est pas adapté à la France : c’est un régime qui pourrait conduire en France à une paralysie institutionnelle, un blocage des institutions en cas de conflits intenses entre l’exécutif et le législatif.

La Constitution n’offrirait aucun moyen de s’en sortir puisque lorsqu’on a un régime présidentiel, il n’y a ni possibilité de renverser le Gouvernement et l’exécutif ne peut dissoudre l’Assemblée. Il n’y a donc pas d’issu politique possible.

Tandis que dans un régime parlementaire, on peut dissoudre le parlement ou renversé le gouvernement pour faire appel au peuple qui décide à qui donner raison. Cela permet de sortir d’une situation de blocage. En France on constate une fracture intense entre la droite et la gauche qui impose un régime parlementaire contrairement aux Etats Unis.

Pour autant, Michel Debré rejette également le régime d’Assemblée : régime conventionnel. C’est une dérive du régime parlementaire comme on en a connu sous la IIIème et IVème République : dysfonctionnement du régime parlementaire caractérisé par une domination sans partage, sans contre poids de la Chambre basse du Parlement. La Convention nationale va avoir ce comportement d’une assemblée monopolistique, s’accaparent du pouvoir et réduisant l’exécutif au rôle de commis précaire.

Il poursuit et arrive à la conclusion : il faut refaire le régime parlementaire. Voilà l’état d’esprit qui anime la nouvelle Constitution. On parle de rationalisation du régime parlementaire en 1958 dans le sens où on veut le réformer, le rendre efficace.

Pour parvenir à cet objectif, le système politique est organisé autour de deux axes forts :

L’essentiel est le rééquilibrage des rapports entre gouvernement et parlement. Plus précisément, la politique nationale ne doit plus être déterminée par l’Assemblée nationale et mise en œuvre par le Gouvernement comme elle l’était sous la IVème République mais au contraire ; être déterminée par le Gouvernement et mise en œuvre par lui et avec la collaboration du Parlement. C’est principalement Michel Debré qui va s’attacher à cela et De Gaulle va superviser.

 

La rénovation de la fonction présidentielle : il ne s’agit pas de faire du président un gouvernant : il ne va pas être le patron de la politique nationale ; on veut rénover cette fonction et surtout faire du président un arbitre du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, un arbitre de la vie politique et il doit aussi être pour l’essentiel un garant de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire. Ce n’est pas lui qui décide de la manière de gouverner.

 

CHAPITRE 1 : L’équilibre institutionnel voulut par le constituant entre le Parlement et le Gouvernement.

En vue de cet équilibre, il faut à la fois restaurer l’autorité du Gouvernement et briser la domination, l’hégémonie du régime parlementaire en vue d’un équilibre. C’est ce qu’on tente de faire à travers la Constitution ; c’est ce que le Constituant s’emploie à faire à travers elle.

La notion d’équilibre des pouvoirs est très ambiguë et on la retrouve en 2008 au cœur de la révision constitutionnelle.

Il ne s’agit pas de parvenir à un partage égal du pouvoir entre le législatif et l’exécutif. En aucun cas, il ne s’agit de parvenir à un partage égal du pouvoir entre l’exécutif et le législatif.

De plus ce serait non souhaitable car il ne s’agit en aucun cas de permettre aux institutions de se neutraliser, de se bloquer dans un jeu d’équilibre à somme nulle. On veut éviter la paralysie institutionnelle.

 

L’objectif, c’est un processus ou un mouvement de rééquilibrage entre les pouvoirs exécutif et législatif, en l’occurrence le mouvement, c’est un accroissement du pouvoir de l’exécutif et un abaissement du pouvoir législatif.

On veut indiquer qu’on met en place un processus, un mouvement pour rétablir l’équilibre mais s’en rapprocher car celui-ci est impossible, non souhaitable.

L’intention principale des rédacteurs de la Constitution est de rééquilibrer les rapports entre l’exécutif et législatif et non faire du président un gouvernant ! C’est l’idée d’un mouvement qui rééquilibre les rapports.

SECTION 1 : Le rétablissement de l’autorité gouvernementale.

Pour rétablir cette autorité, il fallait impérativement d’abord asseoir l’autorité même du premier Ministre sur le Gouvernement. 

Il fallait également tenter d’assurer la stabilité gouvernementale et agir à cet effectif.

Il était également nécessaire de donner au gouvernement les moyens de sa politique : c’est en ce sens qu’on a confié au gouvernement la maîtrise de la procédure législative ; en effet, cette procédure d’élaboration de la loi voit à toutes ses étapes le gouvernement qui a les moyens d’impulser de contraindre, de freiner … Il est maître de toutes les étapes de cette élaboration de la loi.

Ce qui est en jeu, c’est que ce gouvernement puisse appliquer sa politique car une politique nationale doit être transformée en loi pour devenir effective. Ce sont des textes législatifs qui permettent à une politique nationale de devenir réalité. Il faut lui assurer que sa politique soit transformée en texte législatif.

Enfin, il faut garantir au gouvernement les moyens de sa politique.

§1 Etablir et assurer l’autorité du Premier Ministre sur le Gouvernement.

A)   L’affirmation de son rôle de direction du gouvernement.

Ce sont trois mesures principales qui seront retenues en 1958 pour asseoir cette autorité. La première de ces mesures est déclarative, symbolique : c’est l’Affirmation de son rôle de direction du Gouvernement.

Ce rôle de direction, pour la première fois est clairement consacré, reconnu par la Constitution elle-même. Il faut se reporter en cela aux Articles 20 et 21 de la Constitution.

         L’Article 20 prévoit que « Le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ». 

         L’Article 21 dispose que « Le Premier Ministre dirige l’action du Gouvernement ». On a à la fois le chef de l’organe et l’organe qui dirige la politique nationale.

Dans les Constitutions antérieures, pour indiquer ; préciser la fonction du président du Conseil était beaucoup plus neutre puisque le président du Conseil était censé animer le Conseil des ministres, coordonner l’activité de ministères mais en aucun cas il était consacré comme un dirigeant de ce Conseil des Ministres.

Pour la première fois en 1958, on va dire que le premier ministre dirige l’action du Gouvernement. Tout cela a une trace historique : cette fonction de Premier Ministre ou de président du Conseil n’était pas considérée dans la Constitution auparavant ou alors son rôle n’était pas clair. Cette fonction est née par la pratique.

B)   Le choix et la révocation des Ministres.

On va développer ici l’idée que le Constituant souhaite en 1958 veut permettre au Premier Ministre de maîtriser la composition du Gouvernement de sorte que l’ensemble des membres du gouvernement (les ministres) se soumettent à son autorité et agissent en vue de la politique gouvernementale arrêté par ce premier Ministre.

L’objectif est que le gouvernement avec à sa tête un premier Ministre gouverne et il faut que ce chef ait les moyens de contraindre tout le monde à œuvrer en vue de la politique gouvernementale : ce qui est en jeu c’est l’unité, la cohésion et l’efficacité de la politique gouvernementale, de l’action du gouvernement.

Le choix des Ministres

Sous la IVème République, le choix des ministres dépendait principalement des partis politiques. Le Président du Conseil, une fois désigné par le Président de la République s’employaient à former un Gouvernement qui devait ensuite obtenir l’investiture de l’Assemblée nationale.

Ce n’est qu’après que l’ensemble des membres du Gouvernement était officiellement nommé par le président de la République (le choix appartient au Premier Ministre et le Président nomme).

La procédure que prévoit la Constitution de 1946 permet au Président du Conseil de choisir ses Ministres.

En réalité, le choix du président de Conseil ; la liberté de choix était très restreint. Ce choix était limité car il était obligé de négocier la composition du Gouvernement, la formation du Gouvernement avec les partis politiques de sa propre majorité parlementaire. Le régime parlementaire veut que le président du Conseil considère la majorité de l’Assemblée en fonction des leaders des partis politique pour soutenir son gouvernement.

Ce choix était limité car il était contraint de négocier avec des partis politiques qui disposaient d’un portefeuille ministériel. De fait, les ministres devaient leur portefeuille, leur ministère, leur nomination à leur propre parti politique : ils en étaient redevables.

On comprend dès lors pourquoi ces ministres obéissaient d’avantage à la ligne politique de leur parti plutôt qu’à la ligne politique du Gouvernement. Ils n’hésitaient pas à démissionner du Gouvernement lorsque la position politique de leur parti était en désaccord la politique gouvernementale.

Ils savent aussi que les Gouvernements ont une durée de vie relativement brève. Pour une éventuelle nouvelle nomination à un ministère, ils ne peuvent compter que sur leur parti politique. Ils ne sont tributaires de leur parti que pour un futur ministère. 

Lorsqu’ils démissionnent cela n’a pas de conséquence sur leur vie privée car dans l’immense majorité, ils conservent le mandat de député dont ils disposaient avant de devenir ministre et retrouve ce titre lorsqu’ils cessent leur fonction ministérielle.

Tout cela fait que l’autorité du Premier Ministre sur les membres du Gouvernement est battu en brèche, fragile voire impossible dans certain cas. Très souvent, le Premier Ministre, président du Conseil à l’époque en est réduit à essayer de trouver un compromis entre les différentes composante politiques de son gouvernement.

Le constituant en 1958 a voulu rompre avec ce schéma et la Constitution donne en effet au Premier Ministre le pouvoir de choisir les Ministres mais le Premier Ministre doit tenir compte des différentes composantes politiques de sa majorité parlementaire.

Le Premier Ministre ne peut faire autrement que de tenir compte de la pluralité politique de sa majorité parlementaire. Néanmoins, selon l’Article 8 de la Constitution « C’est sur la proposition du Premier Ministre et avec son contreseing que le président de la République nomme les ministres ».

Le Premier Ministre n’a pas l’obligation de demander l’investiture de l’Assemblée nationale à la différence de la IVème République.

Le Premier Ministre peut engager la responsabilité de son gouvernement, il peut demander à l’Assemblée nationale un vote de confiance, prévue par l’article 49 alinéa 1 de la Constitution mais en toute hypothèse, cela ne conditionne pas la nomination des Ministres qui est réalisée avant contrairement au schéma de la IVème République.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale peut prendre l’initiative d’une motion de censure, prévue par l’Article 49-2 de la Constitution et renverser le Gouvernement. C’est à elle d’en prendre l’initiative.

On voit ici qu’on reste dans le cadre d’un régime parlementaire et le Premier Ministre ne peut faire abstraction de l’Assemblée nationale : il a besoin d’une majorité qui le soutienne.

Simplement, on a voulu en 1958 instillé, suscité un autre état d’esprit au moment de la composition du Gouvernement. Il faut que les comportements, un état d’esprit soit différent. On permet au Premier Ministre de faire son gouvernement et il est nommé avant même qu’il y est un vote de confiance. On lui permet en s’extrayant des « marchandages » d’induire le vote d’investiture prévu en 1946.

Non seulement, le premier ministre pourra choisir son équipe sans avoir besoin de la négocier mais de plus la Constitution lui reconnaît un pouvoir de révocation des ministres. 

L’Article 8 prévoit cela : « Le président de la République met fin aux fonctions des ministres sur proposition du premier Ministre ». 

Ce pouvoir de révocation contraint les ministres à se soumettre à l’autorité du Premier Ministre et à œuvrer dans le sens de la politique arrêté par ce Premier Ministre, à agir pour la satisfaction de la politique arrêtée par le Premier Ministre.  On veut couper le lien existant entre les ministres et leur parti politique.

C’est bien tout à la fois l’unité, la cohésion et l’efficacité du gouvernement qui sont en jeu parce que l’autorité du Premier Ministre deviendra elle-même effective.

Le gouvernement n’est pas un « assemblage de partis politiques » De Gaulle sous la IVème République.

C)   Un pouvoir de décision étendu.

Le Premier Ministre dispose d’attributions prévues par la Constitution qui ne sont pas nouvelles en 1958. Les présidents des conseils des ministres sous la IVème République en disposaient déjà, il n’en est pas très différent. Ce qui est différents ce sont les conditions d’exercice de ces pouvoirs.

La différence, en réalité, c’est qu’à partir de 1958 le premier Ministre va pouvoir exercer ces pouvoirs de prérogative, en faire usage comme un véritable chef de gouvernement. Le premier Ministre dispose d’un « pouvoir réglementaire d’application des lois »: il prend par décret les mesures nécessaires à l’application des lois.

De la même manière, la Constitution renvoie à des lois organiques le soin de la compléter, de la préciser de manière à permettre son application.

C’est un pouvoir important car l’application de la loi est l’application de la politique nationale et déterminer les modalités de l’application de la politique nationale ; ce n’est pas négligeable.

Le Premier Ministre en vertu de l’Article 21 de la Constitution « dispose du pouvoir réglementaire général » : il est l’autorité de droit commun habilité à prendre ces mesures d’application des lois, qui en principe est compétente.

Le président de la République dispose quant à lui une compétence d’attribution, c’est-à-dire subsidiaire, résiduel que lui reconnaît l’Article 13 de la Constitution.

En pratique, 95% des décrets d’application des lois sont édictés par le Premier Ministre et donc 5% par le président de la République.

A ce pouvoir des décrets d’application des lois s’ajoutent un pouvoir administratif, en ce sens que selon l’Article 20 alinéa 2 « Le premier Ministre dispose de l’administration ». 

Il a autorité sur l’administration française à la fois par son pouvoir réglementaire par un pouvoir de nomination qui se combine avec celui détenu par le président de la République (Article 13 : préfet, recteur, ambassadeur, officiers généraux…) aux emplois publics relativement étendu et également un pouvoir disciplinaire.

 

§2 : Assurer la stabilité gouvernementale.

La stabilité gouvernementale ne se décrète pas, ne se décide pas par une simple décision. Elle ne peut être créée ex nihilo. C’est quelque chose de compliquer à obtenir. Le constituant s’emploie à forger les mécanismes ou à créer des règles qui sont de nature à favoriser cette stabilité gouvernementale. Le constituant retient un certain nombre de règles, de mécanismes pouvant favoriser son émergence.

Ces mécanismes, règles ont vocation à créer les conditions de la stabilité gouvernementale :

A)   Le mode de scrutin législatif.

Les députés étaient sous la IVème République élus à la représentation proportionnelle. Cela conduisait à un éclatement de la représentation parlementaire. Il était nécessaire de mettre en place des majorités parlementaires de coalition entre plusieurs partis pour pouvoir soutenir un gouvernement, une politique …

En 1958, on veut changer de système et on décide d’instaurer ; ou plutôt de rétablir le scrutin majoritaire à deux tours qui était pratiqué sous la IIIème République :

il s’agit d’une loi ordinaire qui fixe le mode de scrutin pour la désignation des députés en souhaitant qu’il favorise l’émergence de majorité parlementaire suffisamment homogène, unie et durable. 

Michel Debré dans son discours du 27 août 1958 explique que le Royaume Uni fonctionne bien avec son majoritaire à un tour mais là-bas, le scrutin majoritaire dégage des majorités parlementaires durables.  Il n’y croit pas et ne se fait pas d’illusion de ce scrutin majoritaire pour la France.

Même si on n’y croit pas, il faut essayer et ce qui est décisif, c’est l’existence de majorité parlementaire durable et cela on ne peut le décider : c’est ce qui va conditionner radicalement le fonctionnement d’un système.

En 1958, on espère qu’on pourra obtenir cette stabilité gouvernementale mais on a conscience que cela va être compliqué. Ils l’auront en 1962.

B)   Les incompatibilités de l’Article 23 de la Constitution.

Cet Article 23 pose un principe d’incompatibilité entre les fonctions de ministre et toute une série d’autres fonctions de même, incompatibilité avec un mandat parlementaire : c’est ce qui est le plus intéressant pour nous.

Article 23 : « Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle.

Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles il est pourvu au remplacement des titulaires de tels mandats, fonctions ou emplois ».

 

L’incompatibilité va avoir une conséquence immédiate : si on devient ministre on perd son mandat de député. Ce régime d’incompatibilité a pour objectif d’asseoir l’autorité du Premier Ministre et assurer la stabilité gouvernementale.

L’idée est que les personnalités qui entrent au gouvernement doivent s’engager pleinement, elles doivent rompre avec leur métier ou leur mandat politique et doivent en conséquence se battre pour la survie du gouvernement. En effet, si l’on renonce à un emploi, à un mandat de député par exemple ; on va tout faire pour que notre gouvernement se maintienne car on n’a plus de mandat parlementaire.

            C’est à cela que sert ce régime d’incompatibilité car la plus importante est celle entre ministre et parlementaire. Sous la IVème République en revanche, on ne perdait pas son mandat et cela explique en parti que les membres du gouvernement démissionnaient facilement. Ils avaient cette voie de sorti et donc ne livraient pas le même combat, la même intensité.

En 2008, sur ce point des incompatibilités on a trouvé un changement. On a rompu avec la rigueur du régime d’incompatibilité qui avait été celui de 1958. Lorsqu’on devient ministre, désormais on ne renonce pas définitivement à son mandat de parlementaire mais à l’exercer durant le temps des fonctions ministérielles comme c’était le cas avant sous la IVème République.

Celui qui cesse les fonctions de ministre peut donc retrouver un mandat de député. On est revenu sur ce mécanisme car on s’est aperçu que compte tenu de ce qu’était devenu la Vème République, il n’y avait plus de risque que les ministres renouent avec un comportement irresponsable comme sous la IVème République et qui consistait à démissionner du gouvernement lorsque leur parti politique le demandait.

De plus, on s’est rendu compte que la perte du mandat de parlementaire était factice car lorsque le ministre cessait ces fonctions, celui qui était député à sa place ; son suppléant démissionnait de son mandat de député pour permettre au ministre de revenir à l’Assemblée nationale.

 

C)   La rationalisation des procédures de mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement.

Cet acte politique très fort, de mise en jeu de la responsabilité du gouvernement fait l’objet de différentes procédures que l’on retrouve à l’Article 49. Ces dernières visent à faire de la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement, un acte rare de la vie politique, un acte politique rare réfléchit.

C’est ce que le Constituant en 1946 avait déjà tenté de faire et d’encadrer ces mécanismes par différentes procédures. Cela est utile et le constituant le fait en 1958 mais cela n’est pas suffisant. 

On a ainsi un certain nombre de procédures visant différentes hypothèses ; soit le gouvernement met en jeu sa responsabilité, soit le parlement met en cause la responsabilité du gouvernement : motion de censure.

Les parlementaires avaient réussi à échapper aux contraintes procédurales pour neutraliser le droit de dissolution ; cette procédure était donc nécessaire.

D)   La réhabilitation du droit de dissolution.

Il doit jouer pleinement son rôle dans le cadre d’un régime parlementaire d’instrument d’équilibre des pouvoirs et plus précisément, il doit jouer son rôle dissuasif à l’égard des députés. La dissolution est donc un instrument préventif, dissuasif à l’égard des députés : il permet de lutter contre l’instabilité gouvernementale.

En 1958, les conditions de dissolution de l’assemblée nationale sont très peu contraignantes et figurent à l’Article 12 de la Constitution : « Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des Présidents des Assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale. Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution. L’Assemblée nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection. Si cette réunion à lieu en dehors de la période prévue pour la session ordinaire, une session est ouverte de droit pour une durée de quinze jours. Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit ces élections ».

 

§3 : La maîtrise gouvernementale de la procédure législative.

L’objectif fondamental est de confier au gouvernement la maîtrise du processus d’adoption de la loi de manière à ce qu’il puisse mettre en œuvre sa politique, de manière à ce qu’il puisse véritablement gouverner.

La première étape est l’initiative : il apparaît dans la Constitution que le gouvernement maîtrise l’initiative de la loi car c’est lui qui décide de l’ordre du jour prioritaire des Assemblées : c’est l’Article 48 de la Constitution. Le gouvernement va fixer par priorité les textes qui doivent être examinés par l’Assemblée. C’est lui qui va dire qu’il y a des projets de loi, des propositions de loi et il va fixer sur cet ordre du jour les textes qui seront examinés. C’est un instrument qui lui permet de donner la majorité à ses textes.

La seconde chose est que le gouvernement dispose de moyens d’éviter que ces projets de loi ne soient dénaturés par les Assemblées(les commissions parlementaires). Une fois que le projet de loi arrive sur le bureau de l’Assemblée : elles vont proposer des modifications soit des amendements article 43 alinéa 3.

Il y a donc un risque que l’intention législative soit modifiée par les Parlementaires or le gouvernement dispose de moyens pour éviter que ces textes soient bouleversés par les Assemblées. Il peut à la fois empêcher que ces textes ne soient dénaturés par les commissions parlementaires mais aussi par l’Assemblée plénière.

Une fois le projet du gouvernement déposé sur le bureau d’une Assemblée, il est envoyé à un organe de travail interne parlementaire qui va réaliser des débats, des examens, des propositions sur le texte. Une fois ce travail terminé, le texte peut arriver en Assemblée plénière. Le gouvernement peut donc éviter qu’on ne touche trop à son texte.

La troisième chose est qu’il peut s’appuyer sur sa majorité à l’Assemblée nationale pour imposer ses textes, ses points de vue en cas de désaccord avec le Sénat.

Il y a une procédure figurant à l’Article 45 de la Constitution qui est une procédure de conciliation entre les Assemblées et lorsque la conciliation échoue, l’Article 45 permet au gouvernement de donner à l‘Assemblée nationale le dernier mot.

Le gouvernement va inviter les députés et leur demander s’il le souhaite d’adopter définitivement le texte même si le Sénat n’est pas d’accord. Des textes de lois doivent être adoptés en terme identiques, mais ici, il y a un bicamérisme parlementaire.

La quatrième chose est qu’on n’a prévu le cas où l’Assemblée nationale fait obstacle à l’adoption d’un projet de loi. Ici, le gouvernement peut lui imposer le texte : c’est l’Article 49 alinéa 3 qui est un instrument politiquement sensible car il met fin à toute discussion et il permet au gouvernement de se passer du vote des députés.

Article 49 alinéa 3 : « Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session ».

La Constitution a prévu que le Gouvernement puisse aller au bout de ses intentions. Plus de 5000 amendements pour le mariage pour tous : cela est beaucoup. Le record est une dizaine de milliers d’amendements avec une exception en 2006 : 137 665 amendements.

Les amendements permettent de prendre position sur les débats publics pour l’opposition au sein de la chambre. Il pouvait avant parvenir à l’adoption de la loi, mais cela ne marche plus aujourd’hui. Ces amendements ont une chance d’être pris en considération : on ne peut faire objection de l’opposition politique car on est en démocratie.

Le gouvernement peut lui-même être en difficulté au sein des Chambres et ainsi avoir du mal à imposer le texte : majorité étroite, incertaine. Dans ce cas, pour faire apparaître une majorité d’adoption le gouvernement peut être conduit à un certain nombre d’amendements pour que les parlementaires votent ce texte. Les sénateurs socialistes par exemple ne sont pas majoritaires : ils ont besoin des autres qui ne votent pas forcément le texte.

Ces moyens sont encore renforcés lorsqu’il s’agit d’adopter une loi ordinaire qui est la loi de finance : dépenses et recette de l’Etat. Dans cette loi de finance on sait de quels moyens financiers va disposer le gouvernement. C’est un acte essentiel de la vie politique. Il y a un délai pour son adoption car on a besoin de cet argent. Cette loi dure deux mois (décembre à octobre) et si les députés et sénateurs n’ont pas adopté du budget, le gouvernement peut le mettre en application par voie d’ordonnance.

 

Section 2 : L’abaissement du Parlement.

Le Parlement a été abaissé dans l’exercice de ses deux grandes fonctions :

Adoption de la loi dont le budget.

Contrôle de l’activité de l’exécutif ; plus précisément l’activité gouvernementale.

C’est sur ces deux plans là qu’il a été abaissé.

Dans l’exercice de sa fonction de contrôle :

         L’organisation du travail parlementaire est modifiée pour réduire l’efficacité du contrôle parlementaire.

o   Sous la IVème République, les commissions étaient de véritables instruments de contrôle de ce que faisait le gouvernement.

o   On a alors réorganisé la manière dont les sénateurs et députés travaillent.

o   On a réduit le temps des sessions parlementaires.

o   On a également limité le nombre de commissions parlementaires (organes internes aux Assemblées). Elles deviennent beaucoup moins spécialisées et sont moins performantes.

         La rationalisation de procédure des mises en jeu de la responsabilité gouvernementale. (en 58)

Sur la fonction proprement législative, l’abaissement est abaissé dans l’exercice de sa fonction législative, dans l’adoption de la loi :

         La maîtrise de la procédure législative lui échappe au profit du Gouvernement. Cette réforme est drastique et on n’en est pas resté là.

         Les domaines de la loi ont été limités, par l’Article 34 de la Constitution énumérant les compétences du Parlement. On a déclaré au législateur qu’il ne pourra plus légiférer sur tout, et qu’il ne pourra alors plus adopter de loi. On réduit sa compétence. Ce fut une véritable révolution. 

         L’adoption de la loi va échapper au Parlement dans un certain nombre de cas ; soit au profit du peuple (Article 11) ; soit au profit du Gouvernement qui prendra les décisions dans des domaines législatifs à la place du parlement par voie d’ordonnance (Article 38 prévoit le procédé des ordonnances) : cela n’a été prévu que pour des cas exceptionnels.

         Un bicamérisme quasi égalitaire est rétablit en 1958. Il ne l’est pas en matière d’adoption de la loi. Il va affaiblir le parlement ou faire de sorte que les Assemblées puissent s’opposer efficacement l’une à l’autre.

On rejoint ici la logique de Montesquieu. En 1946, on a appelé le Sénat Conseil de la République ; ce n’était plus une chambre dotée de pouvoir législatif, ils donnaient seulement des avis.

Il fallait faire en sorte que cette seconde chambre redevienne législative et deviendra le « Sénat », car on lui donnera des prérogatives de l’assemblée législative tel que l’initiative de la loi « Le texte n’est adopté que si les deux chambres sont en accord », mais dans certain cas, l’Assemblée nationale pourra avoir le dernier mot. On affaiblit aussi le Parlement.

         Un organe de contrôle est mis en place : pour veiller à ce que les Assemblées n’échappent pas aux mesures de rationalisation, mesures qui abaissent le Parlement. Il faut veiller à ce qu’ils ne contournent pas ces dispositions. Ainsi, le Conseil constitutionnel est créé à cette fin et pour veiller que le Parlement ne légifère pas dans des domaines ne relevant pas de l’Article 34.

On a ici l’axe central du projet constitutionnel de 1958 : on veut abaisser le Parlement : cela est le cœur du projet et faire du président le chef du gouvernement.

 

 

CHAPITRE 2 : Une conception nouvelle de la fonction présidentielle.

Avant 1958, sous les deux Républiques précédentes, le Président de la République dispose de pouvoirs et d’un rôle limités. Il est un chef d’Etat au rôle effacé. Il dispose de diverses prérogatives constitutionnelles.

A première vue, certains de ses pouvoirs sont modestes comme l’acte de promulgation des lois, le droit de grâce (envers certains détenus), le pouvoir de nomination, le pouvoir de solennité nationale.

Des pouvoirs plus significatifs : le Président de la République signe et ratifie les traités internationaux, il dissout l’Assemblée nationale, il préside le Conseil des Ministres. Il y a là des marges d’action, de manœuvre beaucoup plus considérables.

Il faut également que le contexte politique de rapports de forces permettant d’utiliser ces prérogatives. Or sous la IVème République, tous les actes, toutes les décisions du président sont contresignés ; soit par le président du Conseil ; soit par le ministre compétent.

Le véritable auteur de la décision est ce contresignataire car dans le cadre parlementaire de la IVème République, c’est le contresignataire qui assume la responsabilité politique de ces décisions devant l’Assemblée nationale. Ce contrôle politique peut aller jusqu’au renvoie. Ceux qui assument les décisions politiques du président sont donc ces contresignataires et ils accordent ce contreseing que s’ils sont d’accord avec la décision.

Dans ce cadre, le Président de la République se contente de formaliser un acte juridique, une décision qui lui est proposée très souvent par le Président du Conseil des ministres.  Le Président formalise la décision mais n’en est pas l’auteur. Par exemple : c’est le cas des actes de la reine d’Angleterre.

Le président a des prérogatives mais sa liberté de décision est très réduite car il n’en est pas l’auteur. Dans le meilleur des cas, il peut influencer les décisions du Président du Conseil. Ce président a essentiellement un rôle de représentation de l’Etat et de gardien, garant de la continuité de l’Etat. C’est lui qui préside les solennités nationales. De Gaulle disait de lui qu’il « inaugurait les chrysanthèmes ».

Le président est en fonction pour sept ans indépendamment de l’instabilité gouvernementale. C’est à lui que renvoie le soin de nommer un nouveau président du Conseil. Il est « chef d’Etat » de la même façon que la reine d’Angleterre mais non le chef de l’exécutif : il ne gouverne pas. C’est un titre symbolique. Sous la IVème République, il est chef de l’Etat et chef de l’exécutif contrairement à la Vème République.

En 1958, il s’agit de rénover cette fonction.

Section 1 : La rénovation de la fonction présidentielle.

Pour les constituants, le rôle général du président est de défendre les intérêts supérieurs de la nation. Il a en charge ces intérêts, ce rôle a voulu être traduit dans le texte de la Constitution pour en arriver à des missions institutionnelles.

§1. La conception générale du rôle présidentiel: défendre les intérêts supérieurs de la nation.

Ce statut du profil du président, se trouve dans un discours de Charles De Gaulle ; « Le discours de Bayeux » du 16 juin 1946. La Vème République y trouve ses racines où on voit comment sera constitué le président.

Il constate que le jeu des partis, les divisions partisanes ; se sont réalisés au détriment des intérêts supérieurs de la nation. Elles ont eu pour conséquence l’affaiblissement de l’autorité de l’Etat et l’instabilité gouvernementale. Charles De Gaulle parle de la IIIème République. Ce discours peut être appliqué 10 ans plus tard car sous la IVème République, les divisions partisanes vont reproduire ce schéma. Certes, il est normal dans une démocratie que les partis politiques s’affrontent, mais il y a une limite à cela : l’intérêt général. Ces limites ont été dépassées.

Il considère qu’une institution doit exister précisément pour faire prévaloir ces intérêts supérieurs de la nation ; aussi bien en temps ordinaire qu’en situation de crise. Pour lui, cette institution est le président de la République : voilà le sens que doit avoir ce rôle nouveau du président de la République : personne qui est au-dessus de la contingence partisane, des divisions politiques et qui a en charge de veiller à l’intérêt général de la nation.

On retrouve ce vocabulaire en 1958 : Pour de Gaulle, le président de la République doit être un arbitre du fonctionnement régulier des pouvoirs publics ; une sorte d’arbitre de la vie politique.

Par ailleurs, il doit être aussi un garant de l’indépendance nationale en situation de crise ; qui vise plusieurs hypothèses comme l’atteinte à l’intégrité du territoire. A priori, l’arbitre n’est pas une personne qui est dans la mêlée : il n’est pas gouvernant, il est au contraire un dirigeant mais seulement en situation extrême.

Michel Debré dans son discours du 27 août 1958 devant l’Assemblée générale du Conseil d’Etat évoque quant à lui un juge supérieur de l’intérêt national et il évoque aussi la clé de voute du régime parlementaire pour qualifier ce président de la République. On est proche du discours de De Gaulle.

Le président qu’il s’agit d’instituer n’est pas un gouvernant mais il est en dehors, en retrait de l’action politique, de la mêlé politique. Il n’est pas un acteur politique direct. Il ne doit pas être l’homme d’un parti politique mais doit incarner l’intérêt général.

 

§2 : La définition constitutionnelle des rôles présidentiels.

C’est l’Article 5    Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités et qui définit de manière général quels sont les différents rôles du Président de la République sous la Vème République.

C’est la première fois que le rôle du Président de la République est définit même si la définition reste assez général. Les articles qui suivent précisent quels sont les attributions dont il dispose pour l’accomplissement de ces différents rôles.

Le titre consacré au Président de la République dans la Constitution de 1958 est le Titre II. C’est le premier titre de la Constitution consacré au président de la République et en soit, cela est une nouveauté car auparavant c’était le parlement qui définissait son rôle.

Ainsi, selon l’Article 5, le Président est un gardien, un arbitre, un garant.

A)  Le président, gardien de la Constitution.

Il veille au respect de la Constitution par les différents pouvoirs publics (autres institutions). Comment va-t-il pouvoir contribuer au respect de la constitution par les autres pouvoirs publics ? Quels sont ses moyens ?

La Constitution prévoit des prérogatives pour cela :

L’Article 10 lui donne la possibilité de demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi. Nous sommes dans l’hypothèse où la procédure législative est terminée : elle a été adoptée par les deux Chambres et on alors dans la promulgation de cette loi.

 

C’est le Président qui le fait par décret sous 15 jours. Il peut demander au Parlement dans ce temps-là de procéder à une nouvelle délibération de la loi. Précisément, il pourra attirer l’attention des Chambres sur un risque d’inconstitutionnalité de la loi. Il peut aussi attirer leur intention par d’autres motifs. Mais les parlementaires peuvent ou ,non maintenir leur texte, ils ne sont pas tenu de le suivre

Il peut saisir le Conseil constitutionnel sur deux fondements différents selon qu’il s’agit de contrôler

§  la constitutionnalité d’un Traité internationale : Article 54 ;

§  contrôler la constitutionnalité d’une loi : Article 61.

Ce n’est pas le Président de la République qui tranche la question de constitutionnalité. Il se contente de saisir et le véritable gardien de la Constitution est le Conseil constitutionnel. Le président de la République est une sorte d’auxiliaire de la justice constitutionnelle.

Le Président de la République est amené également à signer un certain nombre de décret et des ordonnances du Premier Ministre (Article 13). C’est un instrument qui permet au Parlement d’habiliter le Gouvernement, et ce gouvernement intervenant dans le domaine législatif prend des ordonnances qui sont des décisions du Premier Ministre. Or le Président de la République signe ces ordonnances, et il trouve là une occasion de veiller au respect de la Constitution.

L’Article 16 permet au Président de la République de disposer de pouvoirs exceptionnels dans des situations de crise pour protéger non pas une disposition de la Constitution mais l’ordre constitutionnel global (ordre politique tel que la Constitution le met en place). Le Président de la République devient alors une sorte de protecteur providentiel de cet ordre politique. Son rôle est celui de gardien.

B)  Le président est un arbitre.

Article 5 : « Il assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat ». Il est ainsi chargé de veiller au bon fonctionnement du système politique ; à la bonne marche des institutions. On comprend alors qu’il est chargé de lutter contre l’instabilité gouvernementale, qui affectait ce bon fonctionnement régulier.

Il est aussi chargé de veiller à la continuité de l’Etat.

Ces deux objectifs sont très liés et au titre de la continuité de l’Etat, le Président de la République a le pouvoir de désigner le Premier Ministre et assure la continuité de l’Etat en ces sens, évite la carence du pouvoir.

S’agissant du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le Président dispose de deux prérogatives qui figurent à l’Article 11 : « Il peut décider d’appeler les français à référendum dès lors que la proposition lui est faite … » lorsque par exemple ; le gouvernement le lui demande alors qu’il est confronté à un refus des assemblées. « Le «gouvernement est chargé de déterminer et de mettre en œuvre la politique de la Nation » (Article 20) : dans ce cas, on peut imaginer qu’il demande au Président de la République de se faire prononcer le peuple français sur la question (adoption ou rejet du projet de loi gouvernemental) et à l’Article 12 qui autorise le Président de la République à dissoudre l’Assemblée nationale.

Dans cette hypothèse également, il s’agit de solliciter un arbitrage populaire. L’Article 12 est la contrepartie de la responsabilité politique du gouvernement. S’il y a dissolution celui qui va arbitrer la crise politique qui vient de survenir est le peuple. On organise nécessairement de nouvelles élections législatives : soit le corps électoral renvoi la même majorité politique à l’Assemblé nationale et dans ce cas les français donnent raison aux députés ou alors ils envoient une autre majorité politique à l’Assemblée nationale et désapprouve celle-ci qui a renversé le gouvernement.

En réalité le Président ne tanche pas mais déclenche l’intervention du décideur soit le peuple qui va donner raison à une ou l’autre partie comme le prévoit les articles 11 et 12. Le président ne va pas diriger, ne va pas gouverner car ses prérogatives aussi importantes soient elles ne vont pas lui permettre de prendre les décisions de façon directe. Il pourra se prévaloir de l’approbation du peuple français pour légitimer la politique qu’il met en œuvre.

C)  Le Président de la République, garant.

Le Président de la République est selon l’Article 5 garant de plusieurs choses :

L’indépendance nationale

L‘intégrité du territoire

Le respect des accords internationaux ratifiés par la France.

Cela recoupe 2 domaines principaux qui sont ceux de

         la défense nationale

         la politique étrangère.

Si l’on poursuit la lecture de la Constitution, on remarque qu’il a dans ces deux domaines distincts des attributions distinctes.

Par exemple, au titre de la défense nationale, « Le Président de la République est le chef des armées » (Article 15).  Il dispose également d’un important pouvoir de domination (Article 13) : il nomme les officiers supérieurs.

Pour ce qui est de la politique étrangère, la Constitution lui reconnait également des prérogatives particulières :

         il accrédite les ambassadeurs français à l’étranger (Article 13), de la même manière qu’il accrédite les ambassadeurs étrangers en France. Les ambassadeurs et les Consuls sont les voix de la politique et de la diplomatie française à travers le monde. C’est également le Président de la République qui accueille et reçoit les ambassadeurs en France : il reconnaît leur titre.

         Une autre prérogative constitutionnelle très importante figure à l’Article 52 de la Constitution est qu’il « négocie et ratifie les traités internationaux ».

         Le Président de la République dispose aussi en situation de crise de pouvoirs exceptionnels et cela rejoint son rôle de gardien. Ces pouvoirs lui sont confiés par l’Article 16 ; cette disposition est symbolique. Il y a deux choses à distinguer si l’on veut comprendre cette disposition :

 

La décision du Président de recourir aux pouvoirs exceptionnels. Cette décision est subordonnée par la réunion de deux conditions cumulatives : il faut que « l’intégrité du territoire, l’indépendance de la nation ou l’exécution des engagements internationaux de la France soient menacés de manière grave et immédiate » et « il faut que le fonctionnement régulier de pouvoirs publics constitutionnels soit interrompu ». On est dans une hypothèse grave, d’interruption des pouvoirs publics.

Cela étant, la décision du Président est ce qu’on appelle un pouvoir propre c’est-à-dire que c’est une décision qui est dispensée du contreseing ministériel.   C’est un pouvoir propre. La seule obligation qui pèse sur le président de la République est de consulter pour avis « le Premier Ministre, chef du Gouvernement, les présidents des Assemblés, (les autorités principales de la République) et le Conseil constitutionnel ». 

C’est cela qui conditionne juridiquement sa décision. Ces avis une fois donné n’ont pas de caractère contraignant.

En réalité, c’est bien lui qui interprète, apprécie la réunion des deux conditions. Les avis qu’il recueille, il ne peut pas vraiment les ignorer. Il ne peut pas faire comme si ces avis n’avaient pas été donnés même si juridiquement il peut se doter des pouvoirs exceptionnels.

Les décisions qu’il va prendre en vertu de ce pouvoirs exceptionnels : Le président de la République dispose de tous les pouvoirs nécessaires pour rétablir le fonctionnement normal des pouvoirs publics ; de l’ordre constitutionnel.

C’est un objectif qui à la fois détermine l’étendu mais aussi les limites du pouvoir du Président. L’étendue des pouvoirs du président de la République : il est habilité à décider la place du Parlement. Il peut décider à la place du Parlemente et prendre toute décision administrative nécessaire au rétablissement de la normalité. Les limites des pouvoirs du président de la République sont de deux ordres :

         une limite matérielle : les pouvoirs exceptionnels doivent servir à rétablir le fonctionnement normal des institutions et en aucun cas de les modifier, de modifier leur fonctionnement normal. On a ici une limite qui veut dire que le président de la République fait ce qui est utile mais ne peut réviser la Constitution ou adopter un texte relatif à l’organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics. 

         Une limite temporelle qui découle de cet objectif de rétablissement de la normalité constitutionnelle : cela signifie la fin des pouvoirs exceptionnels. Dès lors que ce fonctionnement normal est acquis, le président doit se dessaisir de ces pouvoirs exceptionnels de l’Article 16. 

Cet Article 16 trouve son origine dans l’histoire de France, il s’agit de l’incapacité du pouvoir politique à réagir en 1940 au moment de la débâcle. Les armées françaises ont été défaites en quelques semaines et les divisions allemandes ont foncé sur Paris. Le pouvoir politique ; les institutions de la République se déplace dans le sud puis à vichy. Ainsi les pouvoirs publics constitutionnels pour les temps normaux ne sont pas adaptés pour cette situation de crise.

Le fonctionnement normal des pouvoirs publics est inadapté : il faut donc organiser les pouvoirs publics en situation de crise et c’est à cela que sert l’Article 16. On a une vraie parenthèse dans la constitutionnalité : c’est une sorte de fêlure dans la constitutionnalité qui est ouverte : on se trouve dans une situation de dictature au sens technique du terme : c’est une même autorité qui cumule les pouvoirs de la République.

Il a utilisé une fois par De Gaulle entre avril et septembre 1961 pour le putsch des généraux qui est une tentative de coup d’Etat.

Quatre généraux supérieurs de l’Armée française, commandant en Algérie se rebelle contre l’autorité civile et veulent rallier derrière eux l’ensemble des troupes basées en Algérie. Il y a eu un discours de De Gaulle le 11 Avril 1961 dans lequel il a laissé entendre l’indépendance de l’Algérie d’où cette réaction. La situation a été rétablit en quelques jours. La menace a été éliminée en très peu de temps or De Gaulle a conservé les pouvoirs exceptionnels pendant plusieurs mois. Les conditions d’exercice des pouvoirs exceptionnels n’étaient plus réunies.

C’est aussi pour cela que l’Article 16 a été modifié par la révision du 23 juillet 2008 : le Conseil constitutionnel peut émettre un avis sur le maintien des pouvoirs exceptionnels au bout de 30 jours s’il est saisit par 60 députés ou 60 sénateurs ou il formule un avis de son propre chef au bout de deux mois sans qu’il soit nécessaire de le saisir.

On peut dire que c’est un résumé, une tonalité de ce qu’est la profondeur de la mission présidentielle telle qu’elle est envisagée en 1958. Les pouvoirs du Président consistent à nommer (Article 13), ou à saisir une autre autorité, soit déclencher l’intervention d’un autre organe ; le Parlement (Article 10, Article 18) : droit de message au parlement, il peut solliciter l’intervention du peuple (Article 12) et le Conseil constitutionnel (Article 54, 61).

Section 2 : Les moyens de sa tâche.

Il ne suffit pas en 1958 de donner au Président des pouvoirs, des prérogatives, encore faut-il qu’il ait la liberté de les utiliser. On touche de près à son indépendance. De manière à ce qu’il fasse pleinement usage de ses pouvoirs.

§1 : Les pouvoirs propres du Président.

Les pouvoirs traditionnels du président sont tous ceux qui sont contresignés par les ministres et par le Premier Ministre en général. Les pouvoirs qualifiés de propres sont dispensés de ce contreseing ministériel et vont permettre en cela une réelle liberté de décision.

Le président de la République pourra par sa seule signature décidé. Ce sont les prérogatives présidentielles les plus importants dont la liste est donnée par l’Article 19 ;

– la nomination du Premier Ministre (Article 8),

– d’organiser un référendum (Article 11),

– décision de dissoudre l’Assemblée nationale (Article 12),

– recours au pouvoir exceptionnel (Article 16),

– le droit de message au Parlement (Article 18),

– la saisine du Conseil constitutionnel (Articles 54 – 61)

  l’Article 56 pour la nomination de trois membres du Conseil constitutionnel.

 

Toutes ces dispositions sont dispensées du contreseing. Ces pouvoirs propres sont significatifs de la rénovation de la fonction présidentielle. Ils doivent lui permettre une liberté de décision, une liberté d’action.

Encore faut-il pour cela que l’indépendance du Président soit assurée vis-à-vis des autres institutions politiques, des autres pouvoirs publics. Nombre de ces pouvoirs propres lui permettent d’agir le cas échéant contre ces institutions.

Il ne doit pas en être dissuadé d’utiliser ses pouvoirs propres contre les autres institutions et doit être indépendant.

§2 : L’indépendance du Président de la République.

A)  Le mode de désignation.

L’élection au suffrage universel direct aurait assuré une indépendance totale au Président vis-à-vis des autres institutions mais ce mode de désignation n’était pas à l’ordre du jour en 1958. On lui a confié des rôles nouveaux mais il doit pouvoir les assurer.

Sur le plan du mode de désignation du président de la République qu’on retrouve à l’Article 7, l’élection au suffrage universel direct lui a donné une grande indépendance et d’une légitimité populaire directe.

Mais ce mode d’élection n’est pas à l’ordre du jour pour quatre raisons :

Il existe un unique et lourd précédent historique dans l’histoire constitutionnelle française : élection en 1848 d’un président de la République au suffrage universel direct. On a procédé à cette élection qui a élue Louis Napoléon Bonaparte. En décembre 1851, celui-ci réalise un coup d’Etat et instaure le second Empire. Cette expérience est lourde de souvenir.

Ce qui est craint, c’est la désignation d’une seule personne par l’ensemble de la nation et avec cela l’instauration d’un exécutif trop fort.

Le poids électoral du parti communiste dans les années 1950 : 20 et 25% : il s’agit ainsi d’un des plus grands partis. On ne veut pas qu’il puisse être en mesure d’arbitrer l’élection présidentielle en penchant d’un côté ou de l’autre : en faveur d’un candidat plutôt que d’un autre. On ne veut pas qu’il décide in fine l’élu en appelant à voter pour lui.

Le président de la République est aussi président de la Communauté française (organisation de type quasi fédérale). Cette organisation rassemble l’Etat français et les Etats associés qui étaient d’anciennes colonies françaises. Le président connaissait ainsi une sorte de dédoublement fonctionnel. Il était élu par tous les nationaux des Etats de la Communauté.

La dernière raison est que ce mode de désignation était en décalage avec la fonction qui était confiée en 1958 au Président. Le mode de désignation d’une institution va souvent être décisif sur la manière dont l’Institution va pouvoir se comporter ; exercer ses prérogatives. Il est question de légitimité à exercer ces compétences.

 

Ce mode de désignation n’aurait pas été appropriée car certes, la fonction présidentielle est en 1958 rénovée et entendue différemment mais il ne s’agit pas de faire du président un gouvernant.

 Il ne faut pas qu’il y ait une légitimité démocratique trop forte. Pour qu’il puisse se placer au-dessus des partis, il est un arbitre de la politique nationale : rôle très important : il peut déclencher la dissolution, faire des référendums …Il est extérieur à la mêlé politique. Il ne doit pas ainsi pas être élu au suffrage universel direct car il se présenterait à l’élection en tant que chef de parti et il serait élu sur la base d’un programme politique à mettre en œuvre. Il doit être un observateur de la vie politique nationale, un gardien de la Constitution. Il y a un décalage évident entre sa désignation et son rôle.

Il n’est pas question en 1958 que le Président de la République soit élu par les seuls parlementaires comme cela l’était sous la IIIème et la IVème République ; de manière à poser les bases de son indépendance politique : question de séparation des pouvoirs et les parlementaires ont plutôt tendance à choisir des personnalités consensuels, effacés. Le Président doit être une personnalité politique d’envergure.

           Il existe un « juste milieu » : celui qui est retenu en 1958, c’est l’élection du Président de la République par un collège électoral d’élus, élargit : 80 000 élus environ. On y retrouve les mêmes personnes que dans le collège électoral sénatorial : les délégués des Conseils municipaux ; les conseillers généraux ; les membres des Assemblées des territoires d’Outre-Mer et les députés et sénateurs : parlementaires.

àOn retient un suffrage universel indirect en 1958.

 

B) Le principe de l’irresponsabilité politique du président de la République.

            Ce principe est posé à l’Article 68 de la Constitution mais qui a été modifié en 2007. En 1958, l’Article 68 pose le principe selon lequel « Le président de la République n’est pas responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions, ne peut être destitué sauf cas de haute trahison ». 

            Une haute cours de justice est mise en place en cas de haute trahison. On ne peut pas destituer un président pour des raisons de désaccord politique en lui reprochant une décision qu’il aurait prise dans l’exercice de ses fonctions.

            Il n’est pas comptable de ce qu’il fait en tant que Président de la République : n’a pas de compte à rendre sur les actes et décisions qu’il prend.

            Dans la tradition du régime parlementaire, les actes du Président de la République sont tous contresignés. C’est celui qui contresigne qui est le véritable auteur de la décision et qui en assume la responsabilité politique devant le Parlement. Ce sont les ministres et souvent le premier d’entre eux soit le Président du Conseil sous la IVème République.

En 1958, le Président de la République est doté de pouvoir propre, précisément dispensé du contreseing. Il y a ici une sorte d’entorse à la tradition parlementaire : qui va assurer la responsabilité politique de ces actes-là ? Il y a là une exception qui veut que décision = responsabilité.

            Il est vrai que les pouvoirs propres ne lui permettent pas véritablement de décider mais d’en appeler, solliciter un autre pouvoir (peuple, parlement, conseil constitutionnel…) et l’entorse est donc relative car in fine il ne prend pas la décision politique ;

            Ce principe d’irresponsabilité politique est indispensable si l’on souhaite que le Président puisse accomplir pleinement ses trois nouveaux rôles. Son indépendance est en jeu : il va être amené éventuellement à intervenir contre une autre institution. Il faut qu’il ait la liberté, l’indépendance suffisante pour intervenir contre une autre institution. On ne doit pas pouvoir lui reprocher ses actes et le destituer pour cela.

C)  La question de la durée du mandat présidentiel.

            Le septennat est reconduit car il permet la continuité. C’est une durée qui permet de distinguer dans le temps l’élection présidentielle (tous les 7 ans) et les élections législatives (tous les 5 ans). Leur élection n’aura pas lieu en même temps car il ne faut pas que le chef de l’Etat puisse apparaître comme le leader de la majorité parlementaire. Il ne faut pas qu’il y ait de lien logique et politique entre le chef de l’Etat et les députés.

            Par exemple, aujourd’hui : pour l’élection présidentielle de 2012, François Hollande est élu puis quelques mois après les députés, élus comme candidat se présentant sous les couleurs de l’UMP ou des verts. La gauche sort vainqueur de ces élections législatives : les députés élus l’ont été sur le nom et le programme de François Hollande. Le véritable leader de la majorité parlementaire est le président de la République, il qu’est en position de gouverner car la majorité nationale va transformer son programme en loi or en 1958, ce n’est pas ce qu’on veut.

C’est pour des raisons inverses qu’on a voulu en 2000 passer au quinquennat et faire élire le président avant les députés.

            L’intention du Constituant est de remédier aux déséquilibres qui existaient entre le Parlement et le Gouvernement pour que ce dernier soit le véritable auteur, détermine la politique nationale et ne doit pas un simple exécutant. Il s’agit de l’axe majeur. C’EST LE CŒUR DU REACTEUR.

A côté de ces relations gouvernement/parlement, le constituant a prévu un « observateur mécanicien » : quelqu’un qui puisse trouver une solution. Il s’agit du Président de la République.

La Vème République va être l’histoire d’un autre déséquilibre : on passe d’un déséquilibre à un autre avec cette nouvelle République.

 

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