DROITS HUMAINS ET LIBERTÉS FONDAMENTALES
Le cours de droit des libertés publiques peut aussi être nommé cours de droit des libertés fondamentales ou de droits de l’homme. La connaissance parfaite de ce cours est indispensable pour les futurs avocats qui doivent passer l’examen de préparation au barreau (crfpa).
La notion de libertés fondamentales traduit la place croissante qu’occupe dans la définition des libertés publiques, la jurisprudence constitutionnelle. La décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 marque un tournant décisif du droit public français, puisqu’elle fait obstacle, pour la première fois, à la promulgation d’une loi en raison de l’atteinte portée à une liberté constitutionnellement garantie (la liberté d’association). En ouvrant à l’opposition (60 députés et 60 sénateurs) la faculté de saisir le Conseil constitution.
Le droit des libertés fondamentales ou des libertés publiques connaît un double élargissement. D’un côté, le fondement juridique des normes ne réside plus seulement dans le socle législatif traditionnel, mais dans des dispositions constitutionnelles, des conventions internationales, des normes de droit européen ou communautaire. D’un autre côté, le champ matériel des libertés est en expansion. L’évolution des mœurs, celle des technologies conduit à revendiquer de nouvelles libertés ou à définir de nouveaux modes de protection. C’est ainsi que le droit est intervenu pour garantir les droits de la personne face aux techniques informatiques ou biomédicale.
- Cours de droit des libertés fondamentales (CRFPA)
- La liberté de la presse
- La liberté de communication
- La liberté de groupement, de manifestation, d’association
- Le droit de disposer de son corps et le droit à l’intégrité physique
- Le secret des correspondances
- Droit à la vie privée, droit à l’image, protection du domicile
On n’a pas attendu les temps moderne pour s’interroger sur la place de l’homme dans la société, sur sa liberté. Le régime juridique des libertés pour être satisfaisant suppose qu’un principe soit proclamé au plus haut niveau de la hiérarchie des normes juridique. C’est un principe supérieur qui doit être mis en œuvre et doté d’un régime juridique. Ce régime peut être préventif (contrôle a priori) ou répressif (contrôle a posteriori).
Voici le plan du cours de droit des libertés publiques :
- INTRODUCTION :
- Section I : L’apparition des droits de l’homme :
- Section II : la théorie classique des libertés publiques :
- Section III : L’enseignement des libertés fondamentales :
- PREMIERE PARTIE : LA NOTION JURIDIQUE DE LIBERTE
- Titre I : le cadre historique
- Chapitre I : L’origine des libertés :
- Section I : les sources intellectuelles :
- §1) Les sources philosophiques :
- §2) Les sources religieuses :
- Section II : Le contexte historique :
- §1) Le contexte politique :
- §2) le contexte économique :
- Chapitre 2 Evolution des sociétés
- SECTION 1 LES DROITS PROCLAMES
- § 1 les droits contestés
- § 2 les droits de l’homme complétés
- SECTION 2 LES PROCLAMATIONS DE DROITS
- § 1 dépassement du cadre étatique
- § 2 l’universalisme des droits de l’homme
- Titre II : cadre juridique des droits de l’homme :
- Chapitre I : Le cadre national :
- Section I : Supériorité de la constitution, la détermination des principes fondamentaux
- §1) La légitimité du contrôle de constitutionnalité :
- §2) le rôle créateur du juge constitutionnel
- Section II : La mise en œuvre des principes fondamentaux
- §1) La nécessité d’une intervention législative
- §2) Le renforcement des garanties juridictionnelles :
- §3) le développement des garanties non juridictionnelles
- Chapitre II : Le cadre supra national des libertés fondamentales :
- Section I le conseil de l’Europe
- § 1 la CEDH
- § 2 la juridiction de la CEDH
- SECTION 2 : LA CONSTITUTION DE L’UNION EUROPEENNE
- § 1 Protection des droits de l’homme en droit communautaire
- § 2 la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
- CONCLUSION PREMIERE PARTIE
- PARTIE 2 : REGIME JURIDIQUE DES LIBERTES
- TITRE 1 : LA LIBERTE INDIVIDUELLE
- CHAPITRE 1 : RECONNAISSANCE DE LA PERSONNE
- SECTION 1 : DROIT A LA VIE
- § 1 proclamation du droit à la vie
- § 2 la portée du droit à la vie
- SECTION 2 LA LIBERTE DE CONSCIENCE
- § 1 la définition de la liberté de conscience
- § 2 la portée de la liberté de conscience
- CHAPITRE 2 : L AUTONOMIE DE L INDIVIDU
- Section 1 la liberté d’aller et de venir
- § 1 un principe peu contesté
- § 2 la circulation automobile
- Section II : la sûreté :
- §1 La régularité du procès pénal
- §2 la détention provisoire
- § 3 La garde à vue
- §4 Les contrôles d’identités
- §5 le droit à la sécurité
- Section 3 : La protection de la vie privée
- § 1 la vie privée stricto sensu
- §2 La protection de l’image
- §3 La protection de domicile
- §4 Secret des correspondances
- § 5 informatique, fichiers et liberté
- CHAPITRE 3 : LA LIBRE DISPOSITION DE SOI
- Section 1 : les principes fondamentaux
- § 1 stabilité des principes dis classiques
- § 2 l’apport des lois bioéthiques
- Section 2 : la mise en œuvre des principes
- § 1 les problèmes liés à la procréation
- §2 Le droit de la protection de la santé
- TITRE II LES LIBERTES COLLECTIVES
- CHAPITRE I : LA LIBERTE DE SE GROUPER
- SECTION I : LES GROUPEMENTS MOMENTANES
- §1 Les réunions publiques
- §2 Les manifestations
- §3 Les attroupements
- SECTION II : LES ASSOCIATIONS, GROUPEMENTS A CARACTERE DURABLE
- §1 Les garanties de la Liberté d’association
- §2 Les limites à la liberté d’association
- CHAPITRE 2 : LA LIBERTE DE COMMUNICATION
- Section 1 : le contexte de la liberté de communication
- § 1 la diversité des données
- § 2 les principes fondamentaux
- Section 2 : le régime juridique de la presse
- § 1 le régime juridique attaché à l’entP de presse
- § 2 La diffusion de la presse
- SECTION III : LE REGIME JURIDIQUE DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE
- §1 Principes généraux applicables
- §2 Les pouvoirs du CSA
- SECTION IV : LA LIBERTE CINEMATOGRAPHIQUE
- §1 La disparition des censures
- § 2 les finalités de la réglementation cinématographique
- Section 5 : les limites de la liberté de communication
- § 1 protection des individus
- § 2 protection de la société
- CHAPITRE III : L’ORGANISATION DE L’ENSEIGNEMENT
- SECTION I : LA LIBERTE DE L’ENSEIGNEMENT
- §1 La reconnaissance de la liberté de l’enseignement
- §2 Mise en œuvre de la liberté
- SECTION II : LA LIBERTE DANS L’ENSEIGNEMENT
- §1 Principes généraux
- CHAPITRE 4 : LA LIBERTE RELIGIEUSE
- Section 1 : religion et Etat
- § 1 souplesse européenne
- § 2 diversité des solutions libérales
- SECTION II : LA LIBERTE DES CULTES EN FRANCE
- §1 La portée du principe de laïcité
- §2 Régime juridique des cultes
- PARTIE TROISIEME : LES DIFFICULTES DE MISE EN ŒUVRE DES LIBERTES
- CHAPITRE I : L’ADAPTATION DES LIBERTES
- §1 La discrimination Positive
- §2 L’adaptation aux titulaires
- CHAPITRE II : L’EVOLUTION DES LIBERTES
- §1 Le perfectionnement des techniques
- §2 La Fragilité des fondements
Le droit des libertés fondamentales s’inscrit dans une histoire profonde qui apparaît profondément marquée par la Révolution. L’objet concret de ces libertés, revêt un caractère juridique : les juristes s’interrogent moins que les moralistes sur les fondements de la liberté.
La liberté juridique est distincte d’autres formes de liberté : on considère depuis le XVIIIe s. qu’elle existe lorsqu’elle est reconnue au plus haut niveau, lorsqu’elle est mise en œuvre par la loi et les règlements et qu’elle est garantie par les juridictions. Pour autant les juristes doivent réfléchir sur ce qui la fonde, pour en prévoir les évolutions.
Ainsi, la matière a fréquemment changé d’intitulé, tout d’abord « droits de l’Homme », puis « libertés publiques », et enfin aujourd’hui « droit des libertés fondamentales » : la matière a évoluée et continue à le faire. Ainsi, il s’agit d’insister sur les droits de l’Homme, puis sur la théorie juridique des libertés publiques qui en découle.
Introduction
Section 1 : L’apparition des droits de l’Homme
Les droits de l’homme ne sont pas apparus au XVIIIe s., mais, au sens juridique, ils sont apparus dans un cadre géographique et culturel déterminé à la fin de ce siècle.
Emergeant en Amérique du nord et en France à la fin du XVIIIe s., ils sont largement inspirés par le modèle britannique.
Ce modèle britannique a profondément inspiré les Lumières : il décrivait une Angleterre respectueuse des libertés, dotée d’une monarchie constitutionnelle et surtout des droits et libertés étaient garantis par de grands textes :
– Magna Carta de 1215
– Petition et Bill of rights de 1628 et 1689
– Habeas Corpus de 1679
– Establishment Act de 1701
Ces textes ont marqué car ils consacrent des droits et des garanties, en matière pénale notamment. Consentis quand les monarques étaient en situation de faiblesse, ils reconnaissent des droits à caractère procédural, au profit des sujets. Peu d’éléments philosophiques ici.
A la fin du XVIIIe s., plusieurs grands textes avec un large écho :
– Déclaration d’Indépendance des USA du 4 juillet 1776 : se présente en partie comme une déclaration de droits ayant plus une valeur politique que juridique. Elle sera suivie dans plusieurs anciennes colonies d’Amérique, suivie par des déclarations de droits, comme la Virginie en 1776.
– La Constitution fédérale de 1787 ne contient pas de déclaration de droits, et n’en est pas précédée. Les constituants craignaient que sans ces déclarations on pense qu’ils n’existaient pas : ces droits étaient préexistants. Cependant, fin 1789, elle est suivie par des amendements, les 10 premiers seront ratifiés en 1791.Tous ces documents proclament des droits et des libertés sur un modèle anglais, car les colons étaient pour beaucoup d’anciens sujets britanniques, mais après indépendance, on se plaint aussi de ce modèle. Le texte garde un profond caractère procédural (influence britannique) et un caractère plus universel. Il se situe à la frontière entre droit britannique et déclarations françaises qui vont suivre. Modèle relatif, car éloigné, peu peuplé, plus Etat fédéral donc multiplication des textes.
– Au contraire, en France la DDHC du 26 août 1789 a vocation universelle.
o Les Etats Généraux transformés en Assemblée Nationale Constituante ont pour première préoccupation de doter le pays d’une Constitution sur laquelle on travaille dès fin juin. La question des droits de l’Homme été posée dès juillet 1789, par plusieurs députés. Des propositions personnelles sont déposées (ex : Lafayette). Les événements interrompent la discussion puis on y revient début août 1789 : faut-il une DDHC qui précède la Constitution ? Plusieurs orateurs répondent, de façon philosophique ou procédural, pour autant le principe est adopté. La nuit du 4 août va dans le même sens avec l’abolition des privilèges. Le projet du 6ème bureau, le plus neutre, sera retenu, le texte adopté en séance publique, contient le préambule et 17 articles. Il était prévu de le revoir au moment de l’adoption de la Constitution, ce qui n’a jamais été fait.
o Ce texte est avant tout le résultat d’une discussion collective, elle n’a pas un auteur, mais une multitude d’auteurs : il est donc difficile de connaître précisément ses sources d’inspiration philosophiques. De même, la discussion a été à la fois philosophique et concrète : plusieurs réflexions sur la société, sur la nécessité de reconnaître des droits et pas des devoirs… . La majorité des députés du tiers étaient des juristes ayant des préoccupations concrètes, désirant mettre fin à des abus. Les députés du clergé ont une formation en droit canonique, de même que ceux de la noblesse sont aussi intéressés de façon personnelle aux questions juridiques. Enfin, la DDHC est adoptée dans un relatif consensus oublié peu de temps après. Jusqu’en octobre 1789, le consensus demeure. S’il y a eu discussion sur l’opportunité de ce texte, il n’y a pas eu d’opposition, ceux favorables ou défavorables appartenaient aux 3 ordres, des progressistes et des réactionnaires, des personnalités diverses… .
o Cette DDHC a eu une influence extrêmement forte en France, même si elle est abandonnée en 1793, et hors de France (ex : la DUDH de 1948 est assez proche).
o La DDHC est à l’origine d’une querelle au début du 20ème entre Jelinek (allemand) et le Français Emile Boutmy, sur les origines de la DDHC de 1789 : Jelinek avait reconnu sa grande influence mais elle n’était pas française dans son inspiration : selon lui, les Français du XVIIIe s. auraient été inspirés par les constitutions américaines et par le protestantisme et la réforme, apparus en Allemagne, à l’origine de la notion moderne de liberté. Boutmy avait répondu que la DDHC n’était pas une copie mais qu’elle était purement française, issue de l’esprit des Lumières qui avait inspiré les constituants américains. La question des origines reste posée, même si cette querelle n’a plus d’intérêt. Il y a une culture commune qui a produit cette formulation qui émerge à différents endroits.
o Ce qui est certain, c’est que la DDHC a eu plus d’influence que les déclarations de droit américaines, pour une raison géopolitique : les USA étaient lointains et peu peuplés, par contre la France était le second état européen après la Russie en population, et le premier du point de vue culturel et économique. Les élites parlaient français, et ne pouvaient ignorer les idées françaises. De plus c’est sa formulation collective qui a donné un éclat percutant (1200 députés + spectateurs et auditeurs bruyant) : seuls pouvaient emporter la conviction des orateurs hors pairs, d’où une qualité formelle supérieure à celle de beaucoup d’autres textes et une portée universelle.
o Elle a les mérites des textes de cette époque, elle pose les droits dits de la 1ère génération : le noyau dur des droits de l’Homme ou des Libertés fondamentales. Elle mentionne quatre droits naturels inaliénables et sacrés :
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- la liberté, qu’elle définit à l’article 4 comme le pouvoir de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Les art.10 et 11 précisent deux facettes de cette liberté : liberté d’opinion même religieuse, et liberté de communication des idées (donc de la presse notamment).
- la sûreté: droit de ne pas voir sa liberté supprimée arbitrairement
- la propriété: énoncée par l’art 2, précisée à l’article 17
- le droit de résistance à l’oppression, que les juristes regardent avec un certain scepticisme.
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Il n’est pas fait mention du principe d’égalité pourtant sous-jacent dans la DDHC : les droits naturels sont également reconnus à tout homme et citoyen, qui peuvent également accéder aux fonctions, participer à la confection de la loi, à la force publique etc.… . La loi est omniprésente : elle fixe les bornes et détermine l’étendue des libertés et les articule. Légicentrisme de la DDHC : la loi libératrice est opposée aux actes arbitraires de l’exécutif.
o La DDHC mentionne plusieurs principes d’organisation politique et sociale : principe de responsabilité des agents publics, du consentement à l’impôt, de la nécessité de la force publique, de la participation à la confection de la loi, de la séparation des pouvoirs (fondamentale).
o Ces droits de la 1ère génération autour de l’idée de liberté, supposent garantie des droits et organisation de la société, ont des caractères généraux qui les différencient des droits des générations suivantes :
- la transcendance: les droits de l’Homme n’ont pas été votés, donc pas de valeur législative ou constitutionnelle, ils sont préexistants même à l’Assemblée Constituante, ils sont naturels, inhérents à la qualité d’Homme, d’où leur caractère inaliénable et sacré. Le seul mérite de l’assemblée est de les déclarer : d’où le terme de déclaration, de façon à ne plus les oublier et en informer les citoyens. Ces droits sont à portée universelle : la vocation universelle était présente dans l’esprit des rédacteurs, car ces droits sont naturels. Ils sont déclarés pour les Français, mais aussi pour le monde entier, ce qui confère le sentiment de donner un modèle qui serait repris partout. Influence doublement universelle : religion catholique et philosophie des Lumières.
- DDHC individualiste: seul l’individu est visé. Pas de mention de la famille, ni des paroisses ou des communes, encore moins des corporations. L’individu est seul à constituer collectivement la nation.
- DDHC abstraite: on parle de l’individu en tant que tel, pas d’âge, ni de sexe, ni de nationalité. La DDHC précédait la Constitution qui devait la mettre en œuvre, d’ailleurs en 1791, la Constitution rappelle les garanties de la DDHC : sorte de passerelle entre les idées et principes philosophiques et la Constitution. Sur ce fondement, à partir du 18ème, sera élaboré une théorie de la liberté publique
Section 2 : La théorie des libertés publiques
Le droit positif doit traduire juridiquement cette philosophie des droits de l’Homme. Au XVIIIe s., les droits de l’Homme sont d’abord des libertés que le législateur doit mettre en œuvre en leur donnant un régime juridique : il y a liberté publique quand l’individu se voit reconnaître le droit d’agir librement par le législateur qui assortit ce droit de garanties.
Ainsi, les libertés publiques supposent à la fois une abstention et une intervention de l’Etat car c’est le législateur qui doit garantir ces libertés en les dotant d’un régime juridique.
A cette époque, stabilité des principes constitutionnels alors que l’on est face à une instabilité des institutions politiques. Théorie de Maurice Hauriou. Cette stabilité de la Constitution sociale est moins évidente s’agissant de la stabilité des lois.
Pourtant, la IIIe a beaucoup œuvré : la DDHC a largement servi de source d’inspiration politique au législateur. Duguit et Hauriou voyaient en elle beaucoup plus qu’un simple texte politique. Les grandes lois de la IIIe ont donné un régime juridique libéral aux principales libertés :
– loi de 1881 sur la liberté de la presse et la liberté de réunion
– loi de 1884 relative à la liberté syndicale
– loi de 1901 sur contrats d’association.
Ces lois sont toujours en vigueur, même si elles ont été modifiées depuis. Il faut y ajouter la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat qui demeure incontestée, du moins dans ses grands principes.
La IIIe fait figure d’« age d’or des libertés », expression non dénuée de fondements, mais qui reste excessive car si plusieurs droits sont garantis, le gouvernement et le législateur sont parfois sectaires, ex : loi anti ségrégationniste et anti-anarchique.
Il y a liberté publique quand une liberté est dotée régime législatif protecteur. Analysé par la doctrine, on oppose deux régimes sous la IIIème :
– le régime préventif : quand une autorité publique est appelée à intervenir préalablement à l’exercice d’une liberté, pour délivrer une autorisation. Contrôle a priori. Ex : la censure, on ne peut publier qu’après autorisation. Psychologiquement, ce régime n’est pas favorable à un sentiment de liberté, d’où le CE et le CC ont vu une incompatibilité entre le régime préventif et les libertés publiques.
– régime répressif : beaucoup plus libéral. Quand la loi met en place un tel régime, on peut agir librement quitte à répondre des abus dans les cas déterminés par la loi, selon une procédure mettant en œuvre le juge judiciaire normalement (pénal). Ce régime suppose un contrôle a posteriori, en principe il régit les libertés publiques, ex : loi de 1881 sur la presse pose le principe de liberté de la presse sauf plusieurs infractions.
Cette opposition des régimes est nuancée. Il existe des hypo ou le régime préventif est acceptable, ex : liberté de circulation soumise à l’obtention du permis de conduire, les répartitions de fréquences en matière de communication audio-visuelle. Par contre, pour que le régime répressif soit satisfaisant, il faut que la loi pénale soit précise et que sa mise en œuvre soit le fait de juges indépendants, impartiaux et compétents.
Ainsi, plusieurs interventions préalables sont acceptées quand elles ne sont que des déclarations, ce qui diffère de l’autorisation, ex : assurer une publicité de ce qui va être fait ou réalisé (déclarer un journal, une association pour qu’elle ait la personnalité morale) : ceci n’est pas contraire aux libertés.
Les grandes lois de la IIIe ont déterminé des régimes répressifs, les lois pénales étaient précises, et la mise en œuvre par le juge était satisfaisante. Mais il faut reconnaître qu’il y a eu un point faible au niveau des juridictions qui n’étaient pas toujours indépendance comme le juge de GB. Mais surtout pour les affaires politiques, OK pour affaires privées. De même si l’on pouvait reprocher le manque d’indépendance du Conseil d’Etat en théorie, en pratique il protégeait déjà les citoyens des abus de l’administration. Encore aujourd’hui, le modèle est repris dans certains états du monde : n’hésite pas à annuler des actes ou condamner l’administration en matière de responsabilité.
D’autres traditions nationales ont reposé sur un équilibre différent :
– GB : toujours pas de Constitution écrite ni de déclaration de droits, mais des principes de common law. Le Parlement est le garant principal des libertés. Différence importante avec la France à cette époque : les juges sont plus indépendants du pouvoir politique, mais ont toujours été prudents, réservés, en matière politique, surtout pour condamner l’administration, donc les administrés au final sont moins protégés.
– USA : Constitution stable depuis 1787, objet d’un vrai culte, surtout les 1ers amendements. La Constitution se caractérise comme un droit constitutionnel, plus que législatif. Les lois ont un rôle moins important qu’en France. Les garants sont les juges judiciaires et la Cour Suprême.
Depuis la IIIe et l’époque des libertés publiques, il y a eu beaucoup d’évolutions. Les thèmes abordés st plus nombreux, car préoccupations nouvelles, liées aux techniques. On assiste également à une multiplication des sources, pas seulement la loi et la Constitution, mais aussi les Traités et les conventions régionales (ex :CEDH), d’où passage aux droits et libertés fondamentales.
Section 3 : L’enseignement du droit et des libertés fondamentales
On est passé d’un enseignement diffus à un enseignement indépendant. Jusqu’en 1962, pas d’enseignement spécifique en France de cette matière, diffus, rattaché au droit constitutionnel, abordé dans les disciplines diverses. Enseignement spécifique à partir de 1962, car :
– nécessité de combler des lacunes : plusieurs grandes libertés et leur régime juridique n’étaient pas enseignés (ex : droit de la presse)
– montrer l’unité profonde du système juridique au-delà de la distinction droit public/droit privé, trop accentuée en France. Unité qui se manifeste ici, car le droit des libertés fondamentales le montre, elles st protégées par des règles du droit publique, et du droit privé.
– objectif de mettre en lumière les liens entre le système juridique et des données extra juridiques. Si le droit qui régit plusieurs libertés n’est que du droit, il est inspiré par des données extérieures au système juridique.
Première partie : La notion juridique de liberté
Titre 1 : Un cadre historique
Déterminant, surtout le XVIIIe, période charnière. Il faut opérer une double réflexion :
– Avant le XVIIIe, car libertés ne st pas apparues sans fondements
– Après, évolution des libertés révélant leur consistance
Chapitre 1 : L’origine des libertés
Section 1 Les sources intellectuelles des libertés
- 1 : Les sources philosophiques
Que l’on se réfère à la DDHC ou à d’autres documents de la même époque, la notion de droits naturels est omniprésente à coté de celle de liberté. Il exsite donc un lien. Lors des débats à l’Assemblée Constituante on utilise cette notion.
Ce droit naturel renvoie à la Grèce antique, avec deux écoles :
– Droits naturels subjectifs avec Platon : le sens du juste et de l’injuste est dans l’être humain, dans sa conscience, il peut découvrir ce qui est juste ou injuste au fond de lui-même.
– Droits naturels objectifs avec Aristote : le droit naturel peut être découvert par l’observation de la société, on recherche la finalité des institutions et des règles pour trouver en fonction de cela la règle la plus adaptée.
Deux écoles pas opposées, deux pensées christianisées : St Augustin pour Platon et St Thomas d’Aquin pour Aristote.
A la fin du XVIIIe s., les constituants, cultivés, connaissaient ces théories, mais on ne peut savoir à laquelle ils adhéraient. Ils pouvaient être aussi bien influencés aussi par des thèses plus laïcisées, ex : parmi les Lumières, la théorie du contrat social en vogue explique ce que devrait être l’organisation de la société : état de nature vu différemment selon les auteurs…Donc contrat social n’a pas la même sens (être heureux pour Locke, sécurité et viabilité pour Hobbes. L’organisation de la société qui en découle n’est pas la même. Le droit naturel n’a pas la même portée selon la pensée de ces auteurs.
Le schéma de Locke apparaît comme celui ayant le plus retenu l’attention, mais il a subi l’intervention d’auteurs vulgaires.On retient qu’il y a eu un état de nature, et avec le contrat social on n’a pas renoncé aux droits naturels, que l’on possédait avant le contrat social. Sans doute est-ce la conception majoritaire des constituants.
Idées aussi d’autres penseurs, la loi expression de la volonté générale (Rousseau), donc on retient aussi des idées de Rousseau, mais pas entièrement, car la loi est l’œuvre des représentants, et pas directement du peuple.
De même art.16 de la DDHC se réfère à Montesquieu –> séparation des pouvoirs.
Pourtant il y a une contradiction entre la théorie de Montesquieu et l’idée de la loi comme œuvre du peuple : c’est une œuvre collective, sources philosophiques diffuses, variées et parfois contradictoire.
Epoque des lumières diversifiée, avec modèle anglais et antiquité très idéalisés : thèmes simples, à la mode, auxquels tous se referaient.
- 2 : Les sources religieuses
Le sources religieuses ont été chez nous occultés, hier encore plus qu’aujourd’hui : les Révolutionnaires ne revendiquaient pas ces sources –> sentiment que l’œuvre de la Révolution était neuve, continuité à travers les XIXe et XXe s., la Révolution aurait fondé une nouvelle organisation sociale, distincte des croyances religieuses.
Une autre France, par rapport aux Révolutionnaires, avait tendance a rejeté la Révolution, surtout à cause des persécutions anti-religieuses (dés 1792-93), et du coup rejetaient ses autres apports, ils se référaient à une tradition plus ancienne.
Opposition marquée surtout que la Révolution a provoqué une cassure profonde de la société. Pourtant il y avait consensus en 1789, mais oublié avec les massacres et les persécutions.
D’où les croyants revendiquaient peu les droits de l’H et vice versa.
Pourtant liens étroits entre sources religieuses et droits de l’H : idée d’une loi supérieure, la loi divine de dieu dans l’Ancien testament, la loi évangélique, à laquelle tous sont soumis quelque soit leur rôle social. De même les droits naturels s’imposent à tous et sont utilisables par tous les êtres humains. La DDHC était souvent représentée sous formes de deux pierres gravées dans une arche à l’Assemblée, ce qui évoque les dix commandements, gravés sur deux pierres, placées dans l’arche d’alliance.
Trois mots clefs : liberté, égalité, fraternité :
– liberté : a priori pas de lien entre faire tt ce qui ne nuit pas à autrui et la liberté envisagée par les théologiens (ex pour St Paul : le croyant est libre quand il n’est plus soumis à l’esclavage du pêché). Mais il y a d’autres définitions ex dans le Nouveau Testament, elle apparaît comme la résultante de divers principes, comme la responsabilité individuelle, qui est jugée lors du jugement dernier, mais qui sera différente en fonction de ce que l’on a reçu, chacun doit répondre à un appel spécifique, donc la société doit ménager une part de liberté à chacun pour répondre ou non à l’appel divin, liberté de conscience doit être reconnue à chacun. Il faut la respecter d’autant plus que la responsabilité est individuelle et non pas collective.
– égalité : filiation divine de tous les êtres humains, nécessité de respecter en chacun l’image de dieu, d’où une égalité au moins de valeur entre tous les êtres humains aux yeux de Dieu. St Paul avait dit à son auditoire « il n’y a plus entre vous ni juifs ni grecs, ni hommes libres ni esclaves, ni hommes ni femmes » : il rejetait toute distinction juridique au regard de la foi.
– fraternité : toujours liée à la filiation. Parfois ambiguë, car utilisée aussi par les loges maçonniques. Parfois on y voit le fondement des droits sociaux, de la solidarité.
Enfin apport de la laïcité lié aux sources religieuses, loi de 1905, contexte anti-clérical de la laïcité, mais différent de la séparation du temporelle et du spirituel mêlés dans l’antiquité. Le nouveau testament distingue : des devoirs vis-à-vis de dieu et vis-à-vis de la société dans des domaines différents. La séparation de 1905 n’en serait qu’une mise en œuvre.
Section 2 : Le contexte historique
Les droits de l’Homme apparaissent dans des sociétés déterminées –> ex : société française du XVIIIe : la Révolution a donné le sentiment qu’elle se réalisait contre l’Ancien Régime, qualifié de despotique.
On retient plusieurs symboles, mais cette opposition n’est pas totale, il y a des liens, ainsi que Tocqueville le remarquait. Si les français ont fait cette Révolution, ce n’est pas car ils étaient moins libres et moins égaux que d’autres. Au contraire : on ne revendique la liberté et l’égalité que si l’on en bénéficie déjà un peu, que l’on y a pris goût. Les plus revendicatifs, les bourgeois, étaient déjà favorisés…
L’Ancien Régime avait laissé une grande liberté d’expression, même si une censure souple s’exerçait : beaucoup d’ouvrages étaient tolérés sans autorisation et d’autres non poursuivis Ouvrages non autorisés = 90% de ce qui était diffusé, même à la cour du roi. Donc une liberté supérieure à celle dont ont disposé les dissidents de beaucoup de sociétés au XXe s.
- 1 : Le contexte politique
Il n’a pas toujours été le même. Aujourd’hui, on rattache les droits de l’Homme à la démocratie, même inconsciemment.
La démocratie libérale est le régime qui fait participer le peuple et garantie les libertés, pourtant, il n’y a pas de tradition démocratique et libérale unique.
En réalité, il s’agit de deux traditions :
– tradition démocratique : origine en Grèce avant notre ère, Ve siècle AJC, Athènes notamment, même si démocratie limitée aux citoyens athéniens, mais intégrale. Aussi un peu à Rome, puis dans l’histoire européenne. Pour plusieurs, elle n’est viable que dans les petites cités et pas dans les grands états. D’où plusieurs auteurs prônant une monarchie constitutionnelle. Pourtant la DDHC, émergence d’une vision démocratique : on vote la loi ou on y participe par ses représentants. Cependant la Constitution de 1791 distingue citoyens actifs et passifs (environ 1/3 des français). Constitution de 1793, avancée, met pour la première fois en place le suffrage universel masculin, mais limité en pratique, car la démocratie jacobine s’inspire d’une vision de Rousseau déformée : la minorité n’a pas de droits à opposer à la majorité ; il faut se rallier à la volonté générale –> St Just : « pas de liberté pour les ennemis de la liberté » –> filiation avec la pensée marxiste où le prolétariat doit pouvoir transformer la société pour la libérer. Schéma faussé en pratique car il est représenté. Ici les opposants sont des asociaux qui n’oeuvrent pas pour la liberté et s’y opposent.
– tradition libérale : d’autres origines. La cité antique ne reconnaissait pas la liberté individuelle comme on la conçoit. Certes, un goût pour la liberté, mais politique, liberté du citoyen, rien ne permet la notion de liberté de conscience, de la vie privé. On ne peut opposer à la cité sa liberté de conscience ou de croyance. On devait vivre dans sa vie privée conformément aux règles de la cité. Notion de vie privée, plus pensée chrétienne. Liberté de conscience, si apparaît au 11ème disparaît ensuite, puis se développe, vers le 18ème, volonté d’une plus grande autonomie de l’individu se manifeste. On était libre de façon limité, ex : en France les minorités philosophiques et religieuses. Cette conception se manifeste clairement dans DDHC, le droit à une autonomie dans l’usage que l’on fait de sa liberté. Parfois on trouve une tradition libérale dans des régimes non démocratiques, ex : au XIXe s avec la Restauration et la Monarchie de Juillet, pourtant très peu démocratiques.
Ces deux traditions vont se rejoindre comme en 1789, très nettement à partir de la IIIe, où la démocratie française est libérale : l’Homme et le citoyen se voient reconnaître des droits.
Aujourd’hui la démocratie libérale conjugue les deux. Tout serait pour le mieux, mais toute une tradition rappelle que la démocratie n’est viable que si les citoyens font preuve d’esprit civique. De même Tocqueville explique, au sujet de la jeune démocratie américaine, que le citoyen moderne risque de subir une tyrannie de la majorité : le citoyen libre d’un pays libre risque de s’y soumettre. C’est en parti vrai, des effets de modes qui exercent des pressions, mais cela vaut plus au niveau des sous-groupes de la société, ex : des classes d’âges, tyrannie de l’opinion, par peur d’être déconsidéré, on n’ose pas s’affirmer. Inquiétant pour la notion de liberté.
- 2 : Le contexte économique des droits de l’Homme
Les libertés politiques du citoyen, les libertés civiles de l’homme et les libertés économiques ont été évoquées à la fin du XVIIIe s par les constituants français et américains.
Le constituant français reprochait aux institutions de l’Ancien régime leur sclérose et leur arbitraire : s’agissant tant de la liberté politique qu’économique. A la demande de Turgot, Louis XVI avait dénoncé les entraves au droit de propriété : il convenait de proclamer la liberté économique sous toutes ses formes. A cette époque les libertés économiques et le droit de propriété apparaissent comme un prolongement de la liberté individuelle, cette liberté doit se manifester en matière économique et par l’usage des propriétés. Les néo-libéraux contemporains se situent dans cette filiation : la façon de gérer son patrimoine manifeste des choix conscients –> la liberté économique est un prolongement de la liberté individuelle.
Le droit de propriété constitue une garantie contre les atteintes portées à la liberté individuelle. Pour autant, on n’ a pas méconnu l’enjeu des inégalités économiques et de propriété. Au XVIIIe s., lorsque l’on évoque la pauvreté, la misère et les inégalités c’est encore en termes exclusivement moraux : elles sont condamnées au titre d’arguments religieux ou philosophiques –> référence à la doctrine des pères de l’Eglise, des idées de Platon, des idées d’un communisme égalitarisme. Ce n’est qu’à partir de la fin du XVIIIe siècle qu’on pose le problème en termes plus scientifiques, lorsque la pauvreté se masse dans les villes et pourrait disparaître si l’on adoptait des remèdes adéquats.
Le droit de propriété et les droits économiques sont-ils de la même nature que les droits de l’Homme ? Benjamin Constant dans ses Principes de politique répond en admettant une distinction : le droit de propriété ne peut-être qualifié de naturel comme les autres droits de l’Homme, il s’agit d’une liberté sociale. Cependant, il ne faut pas porter atteinte au droit de propriété car il est intimement lié aux autres droits de l’homme. A la fin du XIXe s. et au début du XXe s., les encycliques sociales de l’Eglise, certains courants sociologiques voire juridiques (Léon Duguit) vont insister sur la finalité des droits économiques : les autres droits de l’homme ne sont pas finalisés à la différence des biens économiques qui obéissent à une autre finalité qui est le bien commun et dont la société peut orienter l’usage. Approche politique partant du même constat qu’au XVIIIe s. : il y a toujours une pauvreté même si l’écart des richesses s’est restreint et si le niveau de vie s’est accrût pour tous –> certaines personnes demeurent exclues de la société : SDF, nouveaux pauvres… ils sont également exclus des autres droits de l’homme (il est difficile d’envisager pour ceux qui n’ont rien de jouir des libertés individuelles lorsque l’exercice de ces dernières reste subordonné par l’obtention d’un minimum). Aujourd’hui il n’y a plus beaucoup d’adeptes de collectivisme : discours sur le degré d’interventionnisme souhaitable de l’Eta où il n’en faut pas trop pour ne pas mettre en place une société d’assistance. Si l’on a beaucoup opposé droite/gauche sur la question, les gouvernements qui se succèdent ont des politiques qui ne sont pas très différentes.
Chapitre 2 : L’évolution des libertés
Evolution constante du nombre de droits proclamés depuis le XVIIIe s., également déclarations de droits beaucoup plus nombreuses : déclarations internationales et régionales s’ajoutent aux déclarations nationales.
Section 1 : Les droits proclamés
Les déclaration du XIXe s. en Europe ressemblent beaucoup à la DDHC ou à la déclaration US. Contestés, les droits de l’homme ont été complétés.
- 1 : Des droits contestés
La contestation a été omniprésente, elle subsiste sous des formes différentes, les contestations émanent de familles de pensée diverses. Il faut distinguer trois grandes vagues de contestations suivies par des vagues de constitutionnalisation :
– Contestation des droits de l’Homme du XVIIIe et la DDHC, elle n’est pas homogène :
o Le premier apport de cette contestation est celui des traditionalistes reprochant au droits de l’Homme leur caractère incontestable, transcendant et abstrait. Edmond Burke s’il critique les droits de l’Homme est un homme ouvert au idées de son siècle, Joseph de Maistre, maçon, était partisan d’un certain nombre d’évolutions qu’il va dénoncer, préconisant une évolution monarchique : ils estiment tous deux que le caractère transcendant des droits de l’homme est parfaitement irréel, de plus ces droits ignorent le poids de la tradition : du passé on ne peut faire table rase.
o Cette approche a été indirectement confortée par les prises de positions de l’Eglise : condamnation de la constitution civile du Clergé par le Pape qui, s’il reconnaît le droit des peuples à s’organiser librement, condamne la philosophie Rousseauiste qui croît à un homme naturellement bon qui suit sont instinct, conception sous-tendant en grande partie les droits de l’Homme. Compte tenu de ce qu’on été les évènements révolutionnaires après la proclamation de la DDHC, il va y avoir au XIXe s, jusqu’au début du XXe s., « deux Frances » : la France adepte des principes révolutionnaires et celle qui les rejettes ; la France républicaine et la France monarchique et dans une moindre mesure celle qui prend de la distance d’avec la religion et celle qui reste liée au catholicisme. A cette critique s’ajoute celle des socialistes qui dénonce les droits de l’homme comme étant des droits égoïstes qui ne peuvent être que des droits de l’homme des possédants : inégalité marquante qui se doit d’être corrigée.
o Les penseurs socialistes ont des critiques diverses visant les droits de l’Homme les qualifiant d’abstraits et égoïstes. Karl Marx dans La question juive condamne les droits de l’homme en terme très abstraits : les droits de l’Homme et du citoyen sont séparés de l’homme en tant que personne, séparant l’homme d’avec lui même. La seule solution est la révolution sociale, prolétarienne qui a revêtu quasiment les traits du Christ qui a tout perdu et ressuscitera dans la société socialiste. Marx évoluera dans une approche scientifique : les droits de l’homme sont des droits formels, droits des bourgeois qui ne sont pas pleinement possédés par tous. Il ne pourront l’être qu’une fois l’avènement de la société communiste, après être passé par une phase socialiste de dictature du prolétariat. Après cette période, l’on assiste à une vague de constitutionnalisation : autour de 1848 (Constitution de 1848 en France) qui se poursuit pour certains après WW1 : Constitution de Weimar (1919).
– En dépit des constitutionnalisations, l’on assiste à une deuxième vague de contestation qu’on peut situer entre les deux guerres mondiales.
o Si la première vague est une vague de contestation théorique, cette deuxième vague est une contestation violente qui a des incidences directes. Daniel Halévy, Décadence de la liberté (1930) : le traditionalisme est en perte de vitesse mais le communisme est en pleine expansion : phase socialiste à l’époque en URSS plutôt répressive. Le nazisme apparaît comme une négation totale des droits de l’Homme : il n’y a plus d’Homme mais des groupes d’hommes appartenant à des races différentes, aucun ne dispose de droits de l’Homme : ils sont redevables de tout à leur groupe racial. A cette époque, d’autres mouvements autoritaires, nationalistes valorisant l’Etat et la Nation existent : Franquisme, Fascisme Mussolinien, Lazarisme. Cela a pu donner l’impression que les démocraties étaient en perte de vitesse : qu’elles étaient encerclées par des mouvements autoritaires rejetant la démocratie libérale.
o Il y a également une crise liée au pessimisme libéral : des penseurs d’Europe occidentale font part de cette peur résultant de l’encerclement et du constat que le loup est déjà dans la bergerie : communisme et fascisme. Il y aurait une incompatibilité entre suffrage universel, droits de l’homme et de démocratie libérale : au XIXe, le débat démocratique a été le fait d’une minorité cultivée or tout ceci serait du passé grâce à l’instauration du suffrage universel et le développement de « partis de masse » qui sont parfois des partis autoritaires, pour tenir leur place ils doivent exiger une discipline de vote incompatible avec les droits de l’homme et la démocratie libérale telle qu’on l’avait conçue. Le thème selon lequel il y a une incompatibilité entre la pratique moderne et la protection des libertés fondamentales est développé.
o Parallèlement, il s’agit d’une période où les populations ont une aspiration de plus en plus marquée au bien-être : premiers développements de la sécu, des loisirs… . Or ce bien être suppose un contrôle de l’Etat, cela au détriment des libertés : est-on prêt à sacrifier les libertés sur l’autel de l’égalité ? Certains n’hésitent pas à évoquer les foules de l’empire romain décadent. Ap WWII, grande vague de constitutionnalisation : 1946 (FR), 1947 (Italie), 1949 (All).
– Troisième vague de contestation avec la guerre froide : le stalinisme survit, l’expansionnisme soviétique et les régimes marxistes qui progressent dans certaines zones ont pour conséquence la volonté de contenir cet expansionnisme. Cette crise est plus diffuse que la précédente, elle ne débouche pas sur un mouvement précis de constitutionnalisation dans les vieilles démocraties libérales, par contre elle a un retentissement dans des pays européens encore soumis à la dictature (Espagne, Grèce…), et dans les pays vivant leur indépendance ainsi qu’en Amérique du Sud. Cette crise débouche sur une sorte de consensus autour des droits de l’Homme dans les 1980’s avec pour origine l’action et les propositions de personnalités diverses :
o Jimmy Carter, ancien président américain, a expliqué que les droits de l’Homme doivent inspirer une telle politique aux USA, en reconnaissant les atteintes au-delà de la reconnaissance des droits : lutte idéologique pour justifier cette politique.
o Le pape Jean-Paul II ne manque pas les occasions de dénoncer les atteintes, tranchant ainsi avec le vocabulaire de l’Eglise et son impact
o Sakharov, prix Nobel de la paix
Intérêt de cette époque pour les droits de l’Homme, personnalités diverses + débat international. Beaucoup de prix Nobel de la paix, individuels ou collectifs, sont liés au droits de l’Homme. De plus, on assiste à un ralliement aux droits de l’Homme de groupes qui jusque là les critiquaient : les catholiques et les anciens communistes. Le phénomène culmine après 1989, à cette époque Francis Fukuyama dans La fin de l’histoire et le dernier homme, écrivait qu’il ne restait plus qu’un seul modèle politique pour la première fois dans l’histoire : le modèle libéral, car ceux qui ne respectent pas les droits de l’Homme ne prônent pas d’autre modèles, et sont en transition vers ce modèle unique. Puis désillusions : il ne suffit pas qu’un régime autoritaire s’effondre pour que les droits de l’Homme apparaissent comme par enchantement, de plus problème du terrorisme. Le ralliement apparaît finalement comme partiel et superficiel.
o Ralliement de l’Eglise ? Les discours de la fin des XVIIIe s., XIXe s. et début XXe s., qui sans être hostiles aux droits de l’Homme l’étaient à leur philosophie qui soutenait l’idée d’un homme naturellement bon, mu par un instinct individuel, pouvant devenir collectif pour devenir d’intérêt général. Puis, constat de ce que st les droits de l’Homme et les libertés dans les sociétés qui les pratiquent, finalement on se rallie progressivement. A partir de WW2, le discours officiel change, on revendique alors les droits de la personne et la liberté des consciences individuelles. Le concile de Vatican 2 franchit le pas en proclamant la liberté religieuse comme une liberté première, fondée sur la liberté de conscience, sorte de résultante de la dignité de la personne humaine. Construction philosophique différente de celle des libéraux du XVIIIe s., avec un usage de la liberté qui n’est pas finalisé, toute expression est libre. Pour l’ Eglise, on doit respecter la liberté d’expression car elle est un attribut de la personne humaine, quand elle est un choix de conscience.
o Ralliement euro communiste ? Se fait avec difficulté –> thèses de Marx. Mouvement d’un communisme de l’Europe de l’ouest commencé avec le Printemps de Prague en 1968. Programme d’action du PC Tchécoslovaque : nécessité de reconnaître ces droits. Mêmes idées dans d’autres PC, environ 10 ans plus tard –> ex : déclaration de Madrid, gouvernements espagnols, italiens et français : on est parvenu à un contexte qui doit respecter les droits de l’Homme, même pour le PC qui resté affilié aux thèses de Marx. Pas trop suivi en France au début. Tentative ayant laissé la place à un total pragmatisme après 1989 : absence d’effort de construction théorique, on les considère acquis. Cette ambiguïté a permis de concilier telles quelles deux doctrines opposées, sans expliquer que l’on s’est trompé, par exemple.
- 2 : Des droits complétés
Droits de la première génération, constitués de plusieurs caractères qui restent identiques dans les autres déclarations françaises et européennes, voir jusqu’à après WW1. Certes quelques correctifs, avec la naissance de droits à l’éducation ou droits à l’assistance, ex : Constitution de 1848,ou Constitution de Weimar. Egalement consécration des droits de divers groupes à côté de l’individu, ex : la famille, en 1848, influence chrétienne et socialiste et de libertés oubliées en 1789, comme l’enseignement en 1848. Ces droits deviennent moins transcendants et universalistes. Le changement le plus fondamental apparaît après WW2, avec la 2ème vague de constitutionnalisation.
– Apparition des droits de la 2ème génération, à caractère économique et social, qualifiés tantôt de droits-créance donnant lieu à l’accomplissement de prestations par l’Etat ou encore de droits-liberté. Ces droits apparaissent dans les Constitution post-WW2 : Constitution italienne de 1947, mais la loi fondamentale allemande de 1949 insiste plus sur les droits de WWI pour mieux les garantir.
o Pour la France, préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui n’est pas le mieux rédigé de l’époque. La première Assemblée constituante élue, très à gauche, élabore un premier projet avec une déclaration des droits remaniés, contenant des droits de première et de deuxième générations. Rejeté par referendum. La deuxième Assemblée constituante rédige un autre projet adopté par référendum (1/3, 1/3, 1/3, formule de de Gaulle) qui a été plus pragmatique. En effet, absence de déclaration, se contente de rappeler celle de 1789 à laquelle on donne telle quelle force juridique, complétée par un simple préambule dans lequel on déclare des droits nouveaux : « Ils proclament en outre les principes politiques, économiques et sociaux ci après » –> la différence entre les premières et seconde génération de droits est claire. Ces droits de 2ème génération concernent le statut des travailleurs, avec des droits-libertés (grève, syndicat, devoir de travailler et droit d’obtenir un emploi, à défaut assistance, droits de participation, d’autres types aussi : repos, loisir, instruction, formation, santé : droits-créance en plus des 1ers).
o De même, il apparaît à l’époque clairement à l’étranger une relativisation des droits de propriété et des droits économiques et sociaux, ex : Constitution ALL : propriétaire obligé, son usage doit contribuer en même temps au bien de la collectivité, donc il reçoit une finalité sociale, idem pour la Constitution italienne de 1947, où l’Homme apparaît dans un ensemble d’activités et de groupes.L’évolution vers ces droits est + ou – sensible selon les Etats : minutieux Italie, rapide France, succincts en Allemagne. La CEDH reprend la 1 ère génération de droits qui figurent dans sa charte sociale.
o Aux USA, les amendements ne consacrent toujours aujourd’hui que des droits de la 1 ère génération, ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas intervention de l’Etat, mais elle n’a pas le même fondement constitutionnel . D’où peut-être la réticence des USA à ratifier des documents internationaux qui consacrent des droits de la 3 ème génération.
– Ces droits de la troisième génération sont flous et résultent de constructions doctrinales, à partir de documents juridiques dans les années 1970. On les trouves dans des déclarations politiques, des dispositions constitutionnelles ou internationales, et dans débat post-décolonisation et accès à l’indépendance. On évoque la notion de solidarité entre les peuples, pour défense de divers intérêts communs. Des auteurs ont essayé de dresser des listes de cette 3 ème génération. Plusieurs de ces droits se situent dans le prolongement de droits économiques et sociaux, ex : droit au logement, droits économiques et sociaux non reconnus en même temps que les autres, droit à l’information, droit à un niveau de vie décent qui se traduit par diverses mesures législatives comme le RMI, droit à l’enfant, et de façon plus flou le droit à l’épanouissement individuel. D’autres droits ont un caractère plus globale et plus collectifs : droits des peuples à disposer d’eux-mêmes, droit de propriété sur le patrimoine commun de l’humanité, apparaissant avec l’évolution du droit de la mer, concernant la richesse de la haute mer et du sous sol, droit au développement et droit à l’environnement.
Cette troisième génération a suscité dans les 1980s les réserves de plusieurs auteurs, pour qui ces droits sont intéressants quant aux aspiration qu’ils traduisent, mais ce ne sont pas vraiment des droits, car ils n’ont pas de titulaires ni d’objet précis, on ne sait pas à qui ils sont opposables, de plus ils ne sont pas l’objet de recours et de procédures. Cela incite à distinguer ce qui relève du programme juridique et du programme politique car il faut éviter que les droits classique perdent leur valeur.
Cependant le Constituant français, a intégré en 2004 dans la Constitution la charte de l’environnement par le biais du préambule, au même titre que DDHC et le Préambule de la Constitution de 1946. Elle illustre ce que sont les droits de la 3é génération, notamment par environnement. L’origine de la charte et diverse : conclusion des grandes conférences internationales sur l’environnement, ex : sommet de la terre à Rio de Janeiro, adoption de déclaration et de projet de convention et également une volonté politique de Jacques Chirac qui avait fait de ce vœux un objectif politique personnel, volonté que France soit exemplaire pour environnement, d’où insertion constitutionnelle des éléments fondamentaux pour montrer que la France est prête à agir. Difficultés de la majorité parlementaire, mais la loi constitutionnelle a fini par être adoptée.
Le contenu est novateur, il reprend le droit de l’environnement, mais il est également différent des droits des premières et deuxième génération. Il s’agit des droits et aussi des devoirs incombant aux individus, aux nations, et à l’Humanité. Leur titulaire peut-être un individu, une nation, voire l’humanité : il ne s’agit pas du titulaire classique des droits de l’Homme. Ces derniers sont droits subjectifs, comme les droits de l’Homme, mais aussi objectifs : droit à un environnement sain, par exemple. Suppose aussi des politiques publiques, en plus des comportements individuels. Beaucoup de définition des mots clef de ce texte sont incertaine. Ex : l’environnement, point de vue juridique ? Équilibre naturel ? Développement durable ? Principe de précaution (a suscité des réserves en France crainte que l’on ne fasse plus rien, ex en matière médicale et scientifique), jusqu’où doit il aller? Ce texte, s’il a une valeur constitutionnelle laisse toujours des questions en suspens. Certains objectifs à valeur constitutionnelle ne peuvent être réalisés qu’avec la conclusions d’accords internationaux : nécessité de coordination et de conciliation.
Section 2 : Les proclamations de droits
- 1 : Le dépassement du cadre étatique
Internationalisation des droits de l’Homme : DUDH du 10 décembre 1948 issue de l’AG de l’ONU réunie à Paris, ex : Eléonore Roosevelt, René Cassin, DUDH censée « exprimer la foi en la dignité de la personne humaine en réaction à des actes de barbarie qui révoltent la conscience »
Pour l’essentiel le DUDH s’inscrit dans la filiation des déclarations libérales : dignité inhérente à tout les membres de la famille humaine ayant des droits égaux et inviolables. Cependant, il faut nuancer le propos pour tenir compte des exigences des Etats marxistes : idéal commun à atteindre par des mesures progressives, volonté de faire des concessions pour les états soviétiques, quant à la question de la réalisation de ces droits… contradiction avec le fait que ces derniers sont naturels.
Pour les droits de l’Homme classiques, personnels et collectifs : famille, élément fondamental de la société. Ici aussi, concessions au profit de l’Union Soviétique, droit de propriété reconnu aux individus seuls ou en collectivité, de même droit de grève pas mentionné. Donc plusieurs limites liées à cette tentative de conciliation entre les conceptions marxistes et libérales des droits. Pourtant cela n’a pas eu l’effet escompté : même si la DUDH a été votée a l’unanimité, il y a eu six abstentions : Union soviétique, Arabie saoudite et Afrique du sud (apartheid a l’époque). La DUDH à ce point était dépourvue de valeur juridique, pour y remédier il a fallu deux pactes en 1966 :
– droits civiques et politiques
– droits économiques, sociaux et culturels
Ces 2 pactes sont ouverts à la ratification des états membres, même ambiguïté entre droit naturel et idéal. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes serait le droit de déterminer librement le statut politique et le développement économique, social et culturel : danger car c’est souvent au nom des spécificités que l’on refuse plusieurs droits de l’Homme.
D’où la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme dans cadre du Conseil de l’Europe, pour donner une portée plus juridique et concrète aux droits ainsi reconnus. Les formations régionales (Union Européenne, Amérique, Afrique) ne veulent pas contredire les droits internationaux, mais leur assurer plus d’effectivité. Partout des organes juridictionnels, législatifs, exécutifs. Pourquoi ce besoin ?
- 2 : L’universalisme des droits de l’homme
Ils sont l’objet de proclamations et de déclarations aussi vigoureuses qu’enthousiastes correspondant à une conviction, un acte de foi plus qu’à un constat scientifique.
L’universalisme des droits de l’Homme a pu être combattu au nom d’autres convictions, ils sont contestés peut-être pas ouvertement, mais on fait valoir qui si ils sont universels, ils auraient toujours été proclamé. Or ils ne l’ont été qu’à partir du XVIIIe s., dans une certaine partie du globe, avec une certaine culture. Depuis la fin de la guerre froide, l’idée est que si les droits de l’Homme sont bafoués en pratique ils ne sont pas contestés théoriquement et pourtant il existe des résistances à leur universalisme :
– Au sein du monde musulman : expression trop globale car souvent on vise les Etats dont la majorité professe islam. Idée d’unité de la communauté des croyants (Umma), mais aussi des divisions, car il existe des régimes politiques extrêmement divers, certains de types féodaux (Arabie), dictatoriaux, démocratiques, laïques (Turquie), voire théocratiques. Egalement, diversité d’opinion encore plus grande, au sujet de l’ensemble de la communauté des musulmans : dans l’islam il n’y a pas d’autorité régulatrice pour imposer une interprétation plus qu’une autre, chaque croyant peut retenir la sienne (pas tout à fait exact), rien qui ne corresponde au pape. Pour les droits de l’Homme, il y a des point de vue distincts. La majorité estime qu’il n’y a pas d’incompatibilité, car ces droits sont reconnus par le Coran. A l’opposé, d’autres peuvent expliquer que les droits de l’Homme sont un produit de la civilisation occidentale matérialiste, qui méprise les valeurs religieuses. Personne ne peut trancher et imposer la doctrine, vaut également pour le DJihad. De plus, le principe de séparation du temporel et du spirituel n’a pas de signification pour la plupart des musulmans, les deux étant liés, ils ne peuvent donner lieu à un Etat laïc donnant par là même un pouvoir de fait aux autorité politiques en matière religieuse (et vice-versa). En ce qui concerne les droits de l’Homme, il y a un problème de compatibilité entre conception musulmane et DUDH, ex : statut de la femme qui a dans le monde musulman des droits reconnus par le Coran, mais qui ne sont pas égaux à ceux de l’homme –> polygamie, et partage des biens dans le cadre de l’héritage. Presque partout pour héritage, pas pour polygamie, certains la refuse, parfois depuis longtemps, car on peut en faire deux interprétations :
o rigide : la loi religieuse permet d’avoir jusqu’à 4 femmes, le Coran ne peut être remis en cause par une loi, sinon on va a l’encontre d’un règle religieuse –> interdit.
o souple : le Coran donne des droits aux femmes, l’époux doit être équitable avec ses épouses, le seul moyen de le faire est de n’avoir qu’une épouse.
Cas également de la liberté de conscience et de religion, avoir ou ne pas avoir de religion, liberté d’en changer. Interprétation des textes internationaux. Dans le monde musulman, il existe également une liberté proclamée mais à sens unique : liberté d’adopter la vrai foi ; l’islam, de se convertir a Islam. On ne peut pas être athée, ni adhérer a n’importe quelle religion, seuls les juifs et les chrétiens se st vus reconnaître un statut dans le monde musulman (dhimmis). Les Bâas en Iran st hors-la-loi. Quant aux juifs et chrétiens, ils avaient le statut de dhimmis ; soumis mais possibilité d’exercer leur religion, en échange de devoirs, notamment fiscaux….variablement appliqué, parfois bien traités, pas toujours.
L’Arabie, qui est la terre sacrée par définition, est une terre où seul l’Islam peut-être pratiqué, les autres st prohibées, comme l’athéisme : aucune liberté religieuse officielle, sauf immunité aux ambassades, les travailleurs immigrés n’ont pas de liberté, car terre sacrée ; sorte de grande mosquée. Droit de changer de religion ouvert si l’on désire adhérer à l’Islam, par contre un musulman ne peut changer de religion, ni devenir athée, sinon il devient un renégat passible de la peine de mort : soit il dissimule sa conversion, soit il quitte son pays.
Application parfois délicate dans le cadre des mariages mixtes. S’il est recommandé qu’un musulman épouse une musulmane, il peut épouser une juive ou une chrétienne, mais les enfants ne peuvent être que musulman, d’où il peut y avoir conflit entre loi civile et loi religieuse, quand ils ne vivent pas dans un pays musulman, en cas de séparation. Ces problèmes ont juridiquement des applications par rapport à conception onusienne.
– Asie : beaucoup de pays asiatiques admettent les droits de l’Homme tels que formulés par l’ ONU (Japon, Philippines, Corée du Sud). Les réticences viennent discrètement de différents Etats, plus ou moins officiellement. L’Inde dit respecter les droits de l’Homme –> efforts de Gandhi, mais le système des caste en théorie aboli en 1947 subsiste en pratique, également, intolérance religieuse de divers groupes hindous (sikhs).
Depuis de nombreuses années les dirigeants chinois essaient d’associer marxisme et capitalisme, attitude évolutive selon l’époque. Pas de discours de rejet de principe contre les droits de l’Homme, parfois cependant explique que c’est un luxe de l’Occident, qui n’a pas a être imposé à la Chine : différence de la culture chinoise, il faut au moins les adapter a la réalité culturelle. Argument tiré des nécessités du développement du pays. On le retrouve ailleurs, comme en Thaïlande il y a peu de temps, cependant, il n’a jamais été prouvé que le non respect des droits de l’Homme permettait un développement plus rapide. Rien dans la culture chinoise pré marxiste ne s’oppose a la reconnaissance des droits de l’Homme, peut-être adaptation future, car le bouddhisme et le confucianisme y st compatibles.
Les droits de l’Homme sont essentiellement liés à un cadre historique, permettant de comprendre ce qu’ils sont et quel sera leur avenir. Les clivages de notre époque ne sont pas nouveaux et existaient déjà au XVIIIe s.
Titre 2 : Le cadre juridique des droits de l’Homme
A partir de l’évolution des droits de l’Homme dans les démocraties libérales, on va situer les libertés dans le cadre national et supranational.
Chapitre 1 : Le cadre national
Ce cadre est celui de l’Etat-nation, de la démocratie libérale mais surtout celui de l’Etat de droit supposant l’existence d’une hiérarchie des normes au sein de laquelle la Constitution joue un rôle fondamental car elle détermine les principes fondamentaux qui doivent être mis en œuvre en offrant des garanties effectives.
Section 1 : La détermination des principes fondamentaux
La supériorité de la Constitution est acquise depuis le XVIIIe s : on est passé d’une supériorité théorique à une supériorité effective par le contrôle de constitutionnalité des lois. Contrôle à posteriori par la Cour suprême des USA, en Europe la constitution autrichienne sous l’influence de Kelsen avait mis en place un contrôle spécifique de constitutionnalité des lois confié à une institution spécifique. L’Allemagne en 1949, l’Italie en 1946 ont elles aussi adopté un contrôle de constitutionalité des lois de même que la France à partir de 1958 mais surtout pleinement à partir de 1971 et 1974.
- 1 : La légitimité du contrôle de constitutionnalité
– la légitimité du juge s’envisage d’un point de vue externe : deux débats sur la composition de la juridiction, recherche d’un consensus avec les risques de compromis y afférant, procède d’une désignation comme en France. Il n’y a pas de mode parfait : la composition de la juridiction doit elle celle de personnels politique qui en assume la responsabilité. Le Conseil constitutionnel est aujourd’hui reconnu comme une juridiction établissant une jurisprudence. Risque de gouvernement des juges –> Edouard Lambert, Le gouvernement des juges dès 1921 s’interrogeait à propos de la jurisprudence de la Cour suprême des USA : le juge ne devrait pas pouvoir s’opposer à une réforme voulue du peuple. Il est difficile de définir le gouvernement des juges : il y aurait gouvernement des juges lorsque ces derniers abusent de leur pouvoir, lorsque leur appréciation subjective vient remplacer l’interprétation donnée par le législateur. Il y aurait gouvernement des juges lorsque ceux-ci pratiquent un « activisme judiciaire », lorsqu’il impose une certaine conception des droits et libertés qui peut être un activisme conservateur ou progressiste : les références faites par la Cour suprême montre que celle-ci a toujours peut être toujours pratiqué un gouvernement des juges en évoluant du conservatisme au progressisme qu’il s’agit des droits civiques ou des réformes économiques du New Deal. On a également accusé le Conseil constitutionnel d’activisme judiciaire : les évolutions de ce dernier montre qu’il existe un certain nombre de mécanismes permettant d’éviter le gouvernement des juges. Lorsqu’il pratiqué un contrôle au fond de constitutionnalité des lois, le Conseil constitutionnel était très laconique, leurs décisions ressemblant aux arrêts du Conseil d’Etat, formulés de la même façon (vis-cons-dis). Si ces décisions se sont ressemblées, à partir de 1980 les décisions sont plus longues, le conseil se fondant beaucoup plus sur des principes écrits, raisonnement beaucoup plus long évolution devant largement à la présence du Doyen Vedel. Certains garde-fous permettent de donner une légitimité au juge en se fondant sur un texte écrit et précis même s’il dégage des PFRLR. Le juge constitutionnel argumente et motive, il explique pourquoi tel texte peut avoir tel porté : CC, 1982, Loi de nationalisation –> évolution du droit de propriété depuis 1789. Lorsque l’on veut s’en prendre à une décision du Conseil constitutionnel, il est possible de passer outre en modifiant la Constitution : difficile aux USA, plus simple en France dès lors que l’on a une majorité parlementaire : certaines jurisprudences du Conseil constitutionnel ont été surmontées par des révisions de la Constitution.
– La légitimité de la Constitution : on se trouve devant un fait politique majeur. La Constitution est un document résultant le plus souvent d’une période de crise. La légitimité de la Constitution a peut-être quelques justifications : notamment celle de la logique normative (si l’on éprouve le besoin d’établir une hiérarchie des normes il faut qu’elle ait une portée) et l’idée d’un pacte social, sorte de consensus social qui réside dans la Constitution : adoption au suffrage universel. Le droit n’est digne d’être qualifié en tant que tel que s’il est raisonnable. Montesquieu « la loi en générale est la raison humaine en tant qu’elle gouverne tous les peuples de la terre », Rousseau n’était pas ignorant de ce que la loi devait être raisonnable « il faudrait des dieux pour donner des lois aux hommes » : Rousseau fondait la volonté générale sur la raison. Le droit doit apparaître comme une règle de raison : elle doit avoir une certaine solennité, stabilité et généralité notamment lorsqu’elle pose les fondements de l’organisation sociale et de vie sociale, en particulier en matière de liberté fondamentale. Ces caractères se trouvent surtout au niveau du texte constitutionnel qui conserve (peut-être le seul) ces caractères. L’opinion publique admet qu’il faut les imposer au législateur
- 2 : Le rôle créateur du juge constitutionnel
Même s’il est prudent pour ne voir se qualifier de juge qu’il gouverne, le Conseil constitutionnel français a un rôle créateur majeur depuis 1958 et plus particulièrement 1971.
– Le juge constitutionnel détermine les principes constitutionnels en en précisant le contenu et la portée. Il existe quatre catégories de normes constitutionnelles, figurant soit dans le texte même de la constitution, dans son renvoyant au préambule de la Constitution de 1946 qui renvoie à la DDHC. Il faut également mentionner les PFRLR et enfin, depuis 2004, la charte de l’environnement.
Les principes juridiques ont tous la même portée, ce qui n’était pas évident : certains auteurs avaient demandé d’accorder une valeur plus grande aux textes les plus anciens et d’autres soutenaient le contraire. Le Conseil constitutionnel a tranché : les principes ont même valeur car ils sont tous insérés dans la même norme juridique et ont été adoptés par le peuple se prononçant par référendum en 1958. Il résulte de certaines décisions ou de certains propos tenus par des membres et d’anciens membres du Conseil constitutionnel que le juge constitutionnel estime que certains droits ou libertés ont peut-être un caractère plus fondamental que d’autres : s’agissant de la liberté de la presse « fondement de la démocratie », également remarque que le juge ne pouvait pas ne pas introduire une certaine part de pragmatisme. Cela signifie aussi que le juge constitutionnel se lie par sa propre jurisprudence en élaborant un raisonnement profond : il peut évidemment opérer un revirement ce qui l’obligerait à se justifier. Depuis 1981, pas de revirement.
– En dégageant des principes et objectifs à valeur constitutionnelle, il doit les concilier avec les libertés fondamentales. Les principes dégagés sont nombreux : principe de continuité des services publics, protection de la sécurité et des personnes et des biens, principes liés au besoin de la recherche des auteurs d’infraction prévention des atteintes à l’ordre public et notamment à la sauvegarde des personnes et des biens (OVC). D’autres objectifs comme celui de disposer d’un logement, clarté et accessibilité des dispositions législatives ont été dégagés au fil de la jurisprudence et des nécessités. Le juge se reconnaît le droit de concilier ces principes avec les droits et libertés fondamentaux. Cette conciliation se fait dans un esprit de liberté : la notion d’ordre public ne signifie pas qu’il faut limiter arbitrairement les libertés mais que sans celui-ci il ne pourrait y avoir de droits et libertés.
– Le juge contrôle la répartition des compétences : c’est l’objet initial de sa création –> répartition art. 34/ 37. Le juge continue à opérer cette répartition, dans une optique favorable à la loi : dès lors qu’un droit fondamental est mis en cause, cela relève de la compétence législative. Les fondements de la compétence législative ne se trouvent pas simplement dans l’art.34 mais dans d’autres dispositions de la Constitution : le Conseil constitutionnel a élargi les fondements de la compétence législative, la mise en œuvre relevant du pouvoir règlementaire. Le Conseil constitutionnel veille également à la répartition entre le domaine législatif et réglementaire d’une part et le domaine juridictionnel d’autre part.
Le juge constitutionnel s’inspire d’une certaine philosophie : les organes constitutionnels ne doivent exercer que les compétences conférées par le texte constitutionnel mais toutes les compétences. Les juges administratifs et judiciaires étaient trop prudents : le juge judiciaire ne souhaitait pas contrôler un certain nombre d’actes sous les IIIe et IVe République : le juge constitutionnel les a enjoint d’exercer leur contrôle.
– Le juge constitutionnel précise les caractères juridiques d’un régime de liberté : jusqu’en 1958, le législateur formulait les lois comme il le voulait, certaines du fait de leur flou ont pu être considérées comme liberticides. Le Conseil constitutionnel a beaucoup contribué à préciser ce que devaient être les caractères juridiques d’un régime de liberté :
o le législateur s’est vu reconnaître un pouvoir discrétionnaire y compris par le juge constitutionnel mais il exerce une fonction. Il ne peut et ne doit intervenir que pour concilier les libertés entre elles et avec d’autres principes fondamentaux. CC, 20 janvier 1984, Liberté universitaire : on ne peut supprimer des garanties existantes sans les remplacer par des garanties au moins équivalentes, réaffirmé par CC, 10-11 octobre 1984, Entreprise de presse : effet « cliquet » –> à partir d’un certain seuil de garanties, on ne peut plus l’abaisser. Dans d’autres décisions en matière de communication audiovisuelle, le Conseil constitutionnel avait précisé que le législateur ne pouvait priver de garantie légale une liberté fondamentale : certains auteurs ont pu parler récemment de la fin de l’effet « cliquet », cependant pragmatisme du juge constitutionnel qui ne peut imposer au législateur de toujours protéger « mieux » mais de ne pas priver de garantie légale, peut-être est-il plus exigeant en ce qu’il considère comme libertés plus essentielles.
o Il y aurait incompatibilité entre un régime de liberté et un régime d’autorisation préalable. Dans certaines décisions (Liberté d’association et Entreprise de presse) le juge avait été audacieux en admettant qu’il y aurait incompatibilité entre un régime de liberté et un régime d’autorisation préalable même s’il s’agit de l’intervention du pouvoir judiciaire (1971) ou d’une AAI (1984) même si l’on ne met en place que l’équivalent d’une régime d’autorisation préalable. Il y a réticence d’admettre un régime d’autorisation préalable justifié par un motif sérieux sous le contrôle du Conseil constitutionnel.
o Lorsqu’une sanction est prise par une autorité publique ou une AAI, le juge constitutionnel veille à ce que certains principes de procédure pénale soient respectés : respect des droits de la défense, du principe de légalité, de non rétroactivité de la loi plus sévère, de la nécessité de toute peine.
o Lorsque le législateur intervient pour règlementer l’exercice d’une liberté, pour la limiter il ne peut le faire qu’à certaines conditions qui lui sont imposées par le juge constitutionnel, en matière de perquisitions domiciliaires ou de fouilles et de contrôles d’identité. Le législateur doit préciser le but qu’il souhaite atteindre, et l’autorité qui prendra la décision. Selon les cas le juge constitutionnel vérifiera si l’autorité a un pouvoir qui se justifie. Les procédures mises en place sont-elles adaptées et donnent-elles des garanties suffisantes ? Le législateur doit prévoir des possibilités de recours et de contrôle qui, de plus en plus souvent, doit être juridictionnel ; le Conseil constitutionnel incitant le juge judiciaire et le juge administratif à effectuer pleinement son contrôle. Ces exigences ont eu un effet capital en droit positif : notamment à propos de lois d’exceptions votées sous la IIIe et la IVe République.
Section 2 : La mise en œuvre des principes fondamentaux
- 1 : La nécessité d’une intervention législative
Mythe de la loi « expression de la volonté générale » ne pouvant que protéger les libertés, ce mythe a duré sous la IIIe où la loi était LA garantie des libertés publiques. La confiance dans la loi a décliné, en découvrant que la loi n’était que l’expression d’une majorité politique parfois sous la pression des circonstances, souvent adoptées selon les règles du parlementarisme rationalisé, permettant à l’exécutif de faire pression sur la parlement. L’opposition et la seconde chambre ne sont pas écoutées.
Le Conseil d’Etat s’était fait l’écho du manque de lisibilité de loi dans son rapport public de 1991 : « lorsque le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite ». Le droit législatif n’a plus les caractères qu’on était en droit d’attendre. Le Conseil constitutionnel a rappelé l’exigence de clarté, d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi –> OVC. Une circulaire du 19 janvier 2006 a été signée pour rappeler un certain nombre de principes sur ce que doit être la législation : on reproche le nombre de lois non normatives, incorrectement rédigées et celles procédant à un simple effet d’annonce. Actuellement, 222 lois ne sont pas appliquées du tout (34) ou que très partiellement, la plupart du temps avec un retard considérable. La loi conserve et doit conserver un rôle majeur en matière de protection des libertés : la loi est nécessaire car aux termes de l’art.34, le législateur dispose d’une compétence constitutionnelle. Le régime juridique qu’elle pose est indispensable. La loi est nécessaire politiquement, il y a des raisons d’avoir confiance plus dans le parlement que dans le pouvoir règlementaire : le parlement est un organe délibératif et représentatif. La loi a un caractère de généralité et d’impersonnalité que n’ont pas toujours les règlements. C’est pour cette raison que le Conseil constitutionnel s’est fait le défenseur de la loi et il rappelle qu’il n’est pas une troisième chambre du parlement. Le Conseil constitutionnel censure lorsque le législateur commet une violation de dispositions constitutionnelles et contrôle de l’erreur manifeste de l’appréciation. Le législateur possède donc un pouvoir discrétionnaire, il y a probablement plus un déclin politique de la loi plus que juridique.
Afin de rehausser le rôle de la loi, on pourrait penser :
– à recourir à des lois référendaires : au moment de la réforme de l’enseignement privé en 1984, des parlementaires avaient demandé la mise en place d’un référendum. Le débat a été repris par des juristes pour l’extension de l’art.11. La réforme ne permet que de consulter le peuple que sur des réformes relatives à la politique économique et social du gouvernement. Le référendum ne concerne toujours pas les droits fondamentaux ou les libertés fondamentales. Puisque les droits et libertés fondamentaux sont essentiels pour la vie des citoyens, il serait démocratique que ces derniers puissent décider des lois fixant le régime juridique des lois et libertés. Risque de voir le référendum se transformer plébiscite, souvenirs historiques du 1er et 2nd empire et problème d’équilibre des pouvoirs publics : le président de la République verra son pouvoir renforcé et s’il est désavoué par le vote il devra partir ou voir son pouvoir amoindri. Un autre argument présenté devant le comité consultatif pour la révision de la Constitution présidé par le Doyen Vedel : il était reproché d’utiliser le référendum pour faire échapper la loi au contrôle du Conseil constitutionnel. D’où la proposition d’effectuer un contrôle du projet de loi référendaire par le Conseil constitutionnel avant de recourir au référendum. Ces questions ne sont pas typiquement françaises, le choix du référendum n’est pas toujours admis, parfois il est fréquemment pratique (Irlande, Italie). En revanche si les USA admettent des référendums au niveau des états fédérés, ils ne sont pas prévus au niveau fédéral, la démocratie britannique n’a quasiment pas recours au référendum.
– à recourir à des lois organiques : lois mettant en œuvre directement les dispositions constitutionnelles, soit des droits ou libertés mentionnés dans le préambule ou le titre I de la Constitution. Or l’art.36 ne prévoit pas la possibilité de procéder à l’adoption de lois organiques dans cette matière.
- 2 : Le renforcement des garanties juridictionnelles
La Constitution comporte un titre « de l’autorité judiciaire » et non pas « du pouvoir judiciaire ». Evolution : indépendance des juridictions affirmée par CC, 22 juillet 1980, Lois de validation –> indépendance fondée sur des principes constitutionnels.
– Il résulte des dispositions constitutionnelles de l’art 64, en ce qui concerne l’autorité judiciaire, et d’un PFRLR pour les juridictions administratives « l’indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leur fonction ». Par deux décisions : CC, 23 janvier 1987 et CC, 28 juillet 1989, le Conseil constitutionnel précise que le principe de dualité des juridictions a lui -même valeur constitutionnelle en vertu de la conception française de séparation des pouvoirs. La répartition des compétences entre elles doit être globalement respectée. Le Conseil constitutionnel est venu préciser la portée de ces principes par deux décisions récentes :
o CC, 29 décembre 2005, Loi de finances rectificative pour 2005 : un article avait pour objet de priver d’effet de la décision juridictionnelle de la CEDH et du CE : déclaré non-conforme à la Constitution car porte atteinte à la séparation des pouvoirs et à la garantie des droits.
o CC, 19 janvier 2006 : lié au terrorisme et aux contrôles de sécurité : Loi prévoyant des réquisitions de données électronique au profit d’autorités avec un pouvoir de police administrative. Le Conseil constitutionnel prévoit que cela ne peut être mis en place que dans un but préventif et non répressif (car police judiciaire et non police administrative).
– Problème de l’indépendance des juges : celle de fait du Conseil d’Etat constitue une garantie majeure au-delà de celle fondée juridiquement, pas de soucis. Plus délicat, indépendance des magistrats de l’ordre judiciaire, garantie partiellement par la Constitution qui prévoit la principe de l’ inamovibilité des magistrats, limité quant au magistrat, au recrutement et à l’avancement. Dès que l’on parle de recrutement, solutions trouvées par les concours. Si cela donne des garanties effectives, on peut se demander si le système est satisfaisant. Par contre, la discipline n’est pas suffisamment garantie, de même que l’avancement des magistrats, qui faisaient intervenir le pouvoir exécutif sous la IIIe. Depuis la IVe, le rôle en revient au CSM même s’il reste présidé par le président de la République. Critiques répétées depuis cette époque : les juges seraient trop dépendants du pouvoir politique, demande de réforme : l’opposition du début de la Ve en fait son cheval de bataille, Mitterrand attend 1991 pour se pencher sur la question, pourtant si un projet de réforme du CSM lui a été présenté, ce dernier n’a pas eu le temps d’aboutir avant la défaite de la gauche en 1993. Pour autant, le gouvernement de cohabitation d’Edouard Balladur reprend le projet : Loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 adoptée par le Congrès 833 c/34 voix (majorité consensuelle). Cette loi modifie le titre 8 de la Constitution et met en place un CSM largement indépendant, garant de l’indépendance des magistrats.
o Le CSM reste présidé par le président de la République, présidence à caractère symbolique. Son vice-président est toujours le garde des Sceaux. Deux formations de dix membres, pour les magistrats du siège et du parquet. Quatre membres communs : un membre du CE, trois personnalités qualifiées nommées ( une par le président de la République, une par le président de l’Assemblée Nationale, une par le président du Sénat). Les six autres st élus par les magistrats : 5 représentent ceux qui sont concernés par la formation en question plus un qui représente un magistrat dont s’occupe l’autre formation. L’ensemble du corps est représenté, tout en respectant hiérarchie.
o En matière disciplinaire, le CSM est présidé par le 1er président de la cour de Cassation : indépendant du pouvoir politique. Les sanctions peuvent aller jusqu’à la révocation. Dans ce cas, contrôle du Conseil d’Etat.
o En matière d’avancement pour les magistrat du siège, le CSM qui fait des propositions pour désignations des plus hauts magistrats. Pour les autres, il ne donne qu’un avis conforme, l’initiative appartenant à des commissions : pas d’intervention politique.
o Pour les membres du parquet, nomination en Conseil des ministres pour les plus importants, pour les autres avis simple, donc moins indépendants, car placés sous la responsabilité politique du garde des sceaux, mais le plus souvent les avis sont suivis, car dans le cas contraire il faut se justifier, ce qui limite le choix du politicien.
o Suffisant pour les magistrats du siège ? Critiques : trop de corporatisme : une nouvelle réforme est lancée en 1998, à l’initiative du gouvernement Jospin, avec l’accord de Chirac. Elle était sur le point d’aboutir en 2000 mais les réticences des députés de l’actuelle majorité ont fait échec : on n’a pas réuni le congrès. Cette réforme proposait une composition du CSM dans laquelle les magistrats n’étaient plus majoritaires. Mais si on veut moins de corporatisme, alors plus de prise du pouvoir politique…
o Pour le parquet, volonté de plus d’indépendance : le pouvoir politique ne devrait plus donner d’instructions. Par contre, cela ne fait pas consensus, faut-il les laisser indépendants dans la manière de mener l’instruction et la procédure ? Trop de risques, d’où le souhait d’une politique pénale générale et cohérente du garde des sceaux correspondant au souhait du législateur.
Systèmes différents ailleurs : dans les autres démocraties libérales, un peu comme chez nous. En Italie avant plus d’indépendance, mais il a pu y avoir dissensions entre le pouvoir politique et l’opinion publique. Exigence d’indépendance globalement réalisées : l’art 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la CJCE ont sans doute joué un rôle dans le réforme.
Aucune démocratie libérale n’a trouvé un équilibre parfait pour que leur indépendance soit totalement garantie librement dans le respect de la loi et de la démocratie. Il ne faut pas oublier que ce sont les juges qui garantissent les libertés, mais aussi l’autorité judiciaire qui suppose une régulation et sur laquelle repose le fonctionnement de l’ensemble du système, collectivement et individuellement. Si l’ opinion publique n’est pas satisfaite globalement du fonctionnement de la justice tout en lui reconnaissant des mérites, une justice rapide peut être un danger, la longueur présente donc des avantages. Problème de l’incohérence entre sa mission et les exigences que l’on attend d’elle. Plusieurs procédures comme le référé-liberté ont correspondu à de meilleurs garanties en matière de libertés fondamentales, résultant d’un équilibre global et complexe.
- 3 : Le développement des garanties non juridictionnelles
A la fin du XIXe s., on s’attachait à des garantie non juridictionnelles : droit de pétition dans les constitutions européennes et la doctrine, l’opinion publique et son droit de résistance à l’oppression que l’on assimile aujourd’hui aux médias, ce qui présente des avantages et des inconvénients.
Autre exemple : Hauriou a montré qu’a coté de la tradition de la séparation des pouvoirs, il en existait d’autres qui étaient protectrices des libertés, entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux, civil et militaire, politique et économique et entre pouvoir central et locaux.
Depuis les années 1970, on a vu se multiplier les AAI dont beaucoup interviennent en matière de droits et de libertés fondamentales. Cette conception correspond à des réalités diverses :
– La plupart des AAI, notamment les 1ères, sont conçues en France sur des modèles étrangers : les médiateur de la République fondée sur le modèle de l’Ombudsman suédois qui existait depuis la fin du XIXe s., du fait de l’absence de juge administratif. On retient l’idée de justice à visage humain, pouvant intervenir au-delà du droit permettant de faire respecter les décisions. Soit le législateur les qualifie d’AAI d’office, soit le CE le fait ou bien le CC ou la doctrine. Flou relatif quant à ce qu’elles sont véritablement. Elles protégent les individus dans des secteurs sensibles, organismes publics non juridictionnels dépourvu de la personnalité morale, exerçant une activité de caractère administratif. Elles ont une autonomie liée à l’indépendance de leur membres et de l’AAI : elles échappent au pouvoir hiérarchique et politique.
– Elles sont très diverse, par leur domaine d’intervention : économique (Commission des opérations de bourse), relation administration/administré (CADA) et communication (CSA, CNIL).
– Des pouvoirs variés : elles ont toutes un pouvoir consultatif au minimum. Puis, plus ou moins de pouvoir, parfois règlementaire, de mise en application des décrets, de nomination de personnes, voire de sanctions…
– Désignation de leurs membres : pas de modèle unique, varie selon les AAI, plusieurs sont unipersonnelles comme le médiateur, d’autres sont plus nombreuses, en général on essaie de faire en sorte que la représentativité soit proportionnelle aux matières à traiter. on essaie alors d’associer une représentativité.
– Intérêt pour les libertés ? L’administration française, depuis la Révolution, a toujours été centralisée, ce qui lui confère de nombreuses lourdeurs, parfois des effet positifs, ce qui serait en adéquation avec le principe de la démocratie, l’administration étant contrôlée par un gouvernement responsable devant le parlement désigné par les électeurs. Mais dans plusieurs domaines, par rapport à l’opinion, ou l’étranger, on ne peut que difficilement faire voir l’absence de politique orientée, car sous le contrôle du gouvernement. Nécessité de renforcer une certaine crédibilité, d’où mis en place d’AAI par rapport au pouvoir politique, non par rapport au droit, sous le contrôle soit du juge judiciaire, le plus souvent du Conseil d’Etat. Même conçus sur un modèle étranger, leur soumission au droit administratif leur donne un caractère typiquement français, elles peuvent ainsi apparaître comme garantes des libertés. Le Conseil d’Etat exerce un plein-contrôle en la matière : il vérifie que le principe de proportionnalité a été bien mis en oeuvre.
– Sous l’influence de la CEDH, quand les AAI prennent des sanctions administratives, le Conseil d’Etat et la Cour de cassation leur impose de fonctionner sur un mode quasi juridictionnel. Si l’on veut éviter la sanction de la CEDH, les sanctions doivent être prises selon la procédure juridictionnelle, garantie pour les administrés, mais qui implique également une certaine lourdeur.
Chapitre 2 : Le cadre supranational
Titre Introductif
Le droit international des droits de l’Homme est protégé à l’ONU et une commission des droits de l’Homme, fonctionnement bloqué pendant toute la guerre froide, plus ouverte depuis 1989, mais pas toujours satisfaisante : alliance entre des Etats qui ne veulent pas que l’on parle de leur situation intérieure. Les Etats font des obstructions multiples, la réforme est en cours.
Plus satisfaisant, les garanties offertes par divers traités, comme le comité des droits de l’Homme mis en place dans le cadre du pacte sur les droits civils et politiques en 1966, ou lié à la convention sur les droits de l’enfant. Ces organes se préoccupent de la mise en œuvre du traité, parfois il peuvent recevoir des plaintes individuelles, pour les traiter de façon quasi juridictionnelle, possibilité de faire en sorte que les constatations, qui ne s’imposent pas, soient prises en compte. Droit international variable : les Etats les plus démocratiques et libéraux admettent le plus de traités, ce qui n’est pas le cas des autres, ainsi l’on ne risque pas grand chose, sauf cas trop grave : le Conseil de sécurité depuis 1989 commence à considérer que plusieurs situations déplorables en matière de droits de l’Homme peut constituer une menace pour la paix (Somalie).
Garantie plus concrète, celle du Conseil de l’Europe et la construction du traité établissant une Constitution pour l’Union.
Section 1 : Le développement du Conseil de l’Europe
Cette organisation régionale protectrice des droits de l’Homme est considérée comme le modèle le plus élaboré de protection de ces droits. L’initiative a été prise après WW2 lors du Congrès de La Haye en 1948 sous l’influence d’un mouvement européen post WW2 pour une paix durable en Europe, réunissant les formations politiques. Ce Congrès a émise le souhait de voir se réaliser un instrument qui pouvant permettre de se rapprocher d’une organisation institutionnelle de l’Europe qui incluait déjà des garanties juridiques.
Repris par les six premiers membres, puis d’autres, le Conseil de l’Europe a progressivement rassemblé presque toutes les démocraties libérales européennes. La Russie est aussi finalement entrée ! Aujourd’hui 46 membres réunissant presque tous les états européens et d’autres états extra européens, sauf plusieurs issus de l’ancienne république de Yougoslavie.
Grande diversité : Russie Monaco, ainsi que des observateurs extérieurs.
Les statuts du Conseil de l’Europe ont été adoptés à Londres en 1949. Ils font référence aux principes essentiels de cette organisation, visant les valeurs morales et spirituelles des peuples, à l’origine des principes de liberté et de prééminence du droit ; ces notions sur lesquelles se fondent toute démocratie véritable. L’ objectif initial des fondateurs étaient fédératif : on voulait des Etats-Unis d’Europe, vieux rêve du XIXe s., dans l’immédiat, moins ambitieux.
Pluralité d’ institutions et d’organes, activité nombreuses : ce qui le caractérise le plus, en dehors d’une multitude de traités , c’est une norme : la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme est une garantie.
- 1 : La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme
Signée en 1950, en vigueur en 1953, ratifié en 1974 par France, ouverte aux recours individuels en France en 1981 ainsi que d’autres garanties.
Ces premiers articles, correspondent à ce que l’on peut attendre d’une déclaration de droits.
Elle contient surtout des droits de première génération, mais aussi des droits collectifs : mention de groupes tels que la famille (les droits de deuxième génération sont dans la charte sociale européenne).
La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme met beaucoup plus l’accent , à l’instar de beaucoup de déclarations nationales, sur l’intérêt pour la protection des droits que constitue l’Etat de droit. Le rôle du juge est absolument primordial : les art.5 et 6 le prouvent : très long et minutieux, il ne s’agit pas d’une protection générale. Protection classique des libertés individuelles avec un accent sur la dignité de la personne, d’où les premiers articles font mention d’un « droit à la vie », droit à ne pas être réduit en esclavage : autant de sous droits auxquels on ne peut déroger, même en cas de circonstances exceptionnelles. Egalement, protection de droits collectifs classiques, avec un accent sur leur lien avec la démocratie, faisant de la démocratie pluraliste la seule véritablement garante des droits collectifs.
La Conv.EDH est d’applicabilité directe, tous les Etats qui l’ont ratifiée doivent la mettre en œuvre par l’intermédiaire de leur juridictions. L’application est uniforme : les exigences sont les même partout. Pourtant, elles peuvent faire l’objet de limites qui devant faire l’objet de lois, de même les états ont pu émettre des réserves (plus pour les anciens membres). Pas d’obligation de ratifier les protocoles additionnels qui ajoutent des droits.
- 2 : La Cour européenne des droits de l’Homme
Elle est la garantie par excellence du respect de la convention. Aujourd’hui, depuis le 1er novembre 1998, entrée en vigueur du 11e protocole modifiant la procédure : avant, mécanisme plus complexe de garantie, saisine d’une commission européenne des droits de l’Homme, para juridictionnelle, qui rendait un rapport, décision relevant soit du comite des ministres, soit de la CEDH. Volonté alors de concilier des procédures juridictionnelles, politiques et para juridictionnelles. De plus en plus anachronique, voire certaines décisions choquantes. La lourdeur des institutions faisait apparaître des retards sérieux : presque 6 ans à la fin, paradoxal, car la CEDH condamne les états qui ne respectent pas un délai raisonnable de jugement. Avec l’adoption du 11e protocole, la procédure devient exclusivement juridictionnelle : les requérants, après épuisement des voies de recours internes saisissent directement dans les 6 mois la CEDH où trois juges font le tri.
Formation normale : chambre de 7 juges. Une formation plus solennelle est prévue : la grande chambre, composée de17 juges, qui se réunit pour les affaires posant des questions de principe ou supposent des revirements. Pas de formation plénière car 46 juges, un par état membre.
Ces deux formations rendent des arrêts avec autorité de chose jugée, mais qui ne se prononce que par rapport à l’espèce. Mais l’effet va au-delà car l’état est tenu d’en tirer les conséquences : il devra revoir sa législation, ou sa jurisprudence. Quant aux autres Etats, ils doivent le faire aussi. La portée va bien au-delà du cas d’espèce et de l’affaire soumise. 703 arrêts seulement avant 1998. Aujourd’hui, plusieurs centaines d’arrêts par an.
La cour actuelle se situe dans la lignée des orientations des institutions précédentes : du point de vue procédurale, elle se situe dans la ligne de ce qui était prévu avant 1998 : ouverture des requêtes reste très large : on ne peut déférer une législation ou une jurisprudence in abstracto –> il faut être victime. Qualité largement entendue : qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale, les ressortissante des états membres, mais aussi d’ états tiers sur le territoire des états membres. La victime peut ne pas disposer de la capacité juridique (mineurs, aliénés), elle peut également être potentielle, pas encore victime mais du fait de sa situation de sa personnalité, elle peut saisir les instances européennes. Elle doit avant avoir épuisé les recours internes. La CEDH invite les juges interne à mettre en oeuvre la CEDH.
Au fond, elle a interprété le droit de la Conv.EDH de façon audacieuse, ces droits devant être effectifs et concrets, condition qui marque toutes les jurisprudences. L’interprétation est évolutive : on ne doit pas les interpréter par rapport au contexte de l’adoption dans les 1950’s, mais par rapport au contexte actuel. Toutefois, il existe des domaines de prédilection : le fonctionnement des appareils judiciaire, art 5 et 6, un peu plus de la moitié des condamnations concernent ce domaine. Les exigences d’un caractère équitable, impartial, sont conçues de façon stricte. Egalement, l’ art 8 protégeant la vie privée et familiale, est entendu de manière tellement évolutive qu’il sert de fondement pour garantir le retour d’immigrés de la deuxième génération, voire de la troisième ! Il est également le fondement des droits des transsexuels à changer de sexe. Enfin l’art 10 relatif à la liberté d’expression : lorsqu’un intérêt général est en cause elle l’interprète de façon large : il n’a presque plus de limite.
Lorsque la CEDH examine une requête, elle se demande d’abord s’il y a eu ingérence de l’Etat dans les droits du requérant. Si, oui, avait-elle un but légitime au regard des objectifs de la CEDH ? Même dans ce cas, était-ce nécessaire dans une société démocratique ( question de proportionnalité) ? Il s’agit d’une jurisprudence audacieuse à l’origine d’évolutions utiles et positives des droits de l’Homme dans beaucoup de domaines.
Egalement, aspects plus contestables : un manque de rigueur dans la motivation, beaucoup d’arrêts sont mal rédigés. Il est parfois difficile de trouver le principe au nom duquel la décision a été dégagée.
Jurisprudence non dégagée de toute subjectivité, interprétation évolutive qui va parfois très loin, enfin problème lié au succès : un engorgement d’avant la réforme. Ainsi, il est prévu une autre réforme : confier le tri à un juge et ne statuer dans certains cas qu’ à trois juges. Peut-être vaudrait-il mieux exercer un tri plus efficace et mieux rédiger les décisions, pour ne rendre que des arrêts de principe sur des points de droit complexes, et donc mieux suivis car mieux rédigés.
Section 2 : La construction de l’Union Européenne
La finalité au départ n’était au départ qu’économique, la protection des droits de l’Homme est arrivée après. Dans la fin des 1960s-1970s, les cours constitutionnelles italiennes et allemandes ont paru remettre en cause la primauté du droit communautaire dans certaines hypothèses : ces cours ont estimé garantir les droits fondamentaux de leurs ressortissants en n’hésitant pas à déclarer l’anticonstitutionnelle du droit communautaire (cas principalement pour l’Allemagne). La CJCE a tout d’abord réaffirmé le principe de primauté du droit communautaire tout en jugeant qu’il lui incombait de protéger les droits fondamentaux, PGD communautaire (CJCE, 1969, Stauber), traditions constitutionnelles communes (CJCE, 1970, Handelgesellschaft) et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme : CJCE, 1974, Nold. Les traités de Maastricht et d’Amsterdam ont « codifié » la jurisprudence de la CJCE –> art.6 TUE (version Amsterdam) : l’Union affirme la volonté de respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales(le déficit de principe est en quelque sorte comblé) tels qu’ils sont garantis par la Conv.EDH et tels qu’ils résultent des PGD communautaires et des traditions constitutionnelles communes aux états membres. L’Union Européenne n’a pas encore adhéré à la Conv.EDH. Avant la Traité constitutionnel, élaboration de la CDFU (conseil de Cologne, juin 1999) : figure au traité de Nice. Charte élaborée par une convention, assez longue, codifie pour l’essentiel les droits issus de le Conv.EDH, ceux issus de la Charte sociale de l’Union Européenne, de traités ratifiés et certains issus de la jurisprudence et des traditions constitutionnelles communes. Cette codification pouvait laisser perplexe quant au double usage avec les textes existants, d’autant plus que des conflits sont possibles : en cas de conflit entre plusieurs normes, il conviendra d’évoquer la notion de « meilleure protection ». La CDFU avait le mérite d’exister, elle a eue la possibilité d’être placé en tête du traité établissant une Constitution pour l’Europe…or le traité a été rejeté. Au niveau de l’Union Européenne, toujours PGD communautaires dégagés par la CJCE et la CDFU dans sa version Nice mais qui n’a pas de valeur juridique. Cette charte, en ne faisant que codifier le droit existant peut faire office de source d’inspiration pour la CJCE ou les organes de l’Union mais seulement par rapport aux dispositions pouvant devenir des PGD communautaires.
On a donc une surabondance européenne de protection des droits fondamentaux : un justiciable française voit ses droits protégés par les juridictions nationales, la CJCE et la Cour Européenne des droits de l’Homme. Tout ceci introduit un certain désordre juridique : problème de hiérarchie entre les normes. En France, la Constitution est toujours la norme suprême pour le Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation. La primauté du droit communautaire s’impose sur le droit national , mais dans les deux ordres européens, il n’y pas de raison de faire primer un ordre sur un ordre : la CEDH a estimé qu’il y avait une base constitutionnelle européenne qui était la Conv.EDH et dont la CEDH était la mieux à même de faire appliquer cette base constitutionnelle. Les états membres de l’Union Européenne ne peuvent se délier de leurs applications envers le Conseil de l’Europe en faisant valoir l’application d’une norme communautaire.
Conclusion 1ère partie : Les libertés publiques, tradition d’une philosophie des droits de l’Homme, également garantie de ces derniers. Depuis les débuts de la Ve République, évolution rapide : si la norme constitutionnelle prévalait, la loi gardait une grande place –> avec les développements du contrôle de constitutionnalité, de conventionalité, la place des contrôles européens, voire même le développement des AAI –> tout ceci permet de dire que les droits et libertés fondamentaux nécessitent pour exister la reconnaissance d’un principe par une norme constitutionnelle ou supranationale, notamment par le Conv.EDH. L’existence d’une liberté fondamentale suppose une mise en œuvre par le législateur et l’administration qui reste, en pratique, et pour la vie quotidienne, une exigence importance. Cette existence suppose également des garanties données par des instances supranationales : CEDH et CJCE et par les juridictions nationales (Conseil constitutionnel, Conseil d’Etat, Cour de Cassation). On peut mettre l’accent sur l’un ou l’autre de ces éléments, c’est ce qu’il s’est chronologiquement passé : au XVIIIe, on s’est beaucoup plus attaché aux déclarations de principes qu’au garanties effectives, au XIXe on s’est intéressé à la mise en œuvre législative : il n’y a de liberté qui si une loi en permet l’exercice. Au XXe et au XXIe s., suraffirmation des garanties dans l’ordre nationale et supranationale : le Conseil constitutionnel a peut-être éclipsé un peu trop le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, certains auteurs ne parlent des libertés fondamentales qu’à travers la CEDH, or s’il n’y avait que cette dernière, la garantie des droits ne serait pas assurée. Il n’est pas satisfaisant que des garanties se multiplient et que l’interprétation des mêmes normes puissent donner des solutions différentes, voire opposées même si théoriquement, il n’y a pas de conflit entre CEDH/Constitution française et européennes. Le problème n’est pas le conflit entre sources écrites mais entre interprétations juridictionnelles : grande prudence du juge nécessaire.
– Aux USA : le droit des libertés fondamentales est voisin mais sensiblement différent. Il est voisin car on y trouve à peu près les mêmes droits et les mêmes interprétations. La protection des droits fondamentaux aux USA est avant tout une protection constitutionnelle, protection assurée par l’interprétation qu’en fait la Cour suprême : avortement, liberté d’expression, droits civiques. Le droit américain des droits de l’homme peut être préféré au droit européen ou français des droits de l’homme, sur certains points sensibles les USA seraient probablement condamnés par la CEDH s’ils avaient adhéré à la Conv.EDH : absence de respect d’un délai raisonnable, peine de mort, application de la peine de mort après des années de détention (considéré par la CEDH comme un traitement inhumain ou dégradant : CEDH interdit d’extrader des personnes susceptibles d’être soumis à la peine de mort).
– GB : membre de l’Union Européenne et du Conseil de l’Europe. Mais GB ne possède toujours pas de Constitution écrite : cette dernière reste coutumière. Il y a pourtant eu un débat dans cet état dans les années 1970-80 sur la nécessité d’adopter une déclaration écrite des droits de l’homme. Ce n’est pas la voie qui a été choisie : loi adoptée en 1998 sur les droits de l’homme, ayant pour objectif d’assurer une meilleure insertion de la Conv.EDH en droit britannique et l’interprétation qu’il faut en faire. Cette loi incite les juges GB à interpréter les lois britanniques de façon à les rendre conforme à la Conv.EDH . Lorsque cela n’est pas possible, les juges doivent surseoir à statuer et le gouvernement dispose d’une délégation permanente pour modifier les législations non conformes à la Conv.EDH. La loi de 1998 est juste une loi sur laquelle le Parlement pourrait sans difficultés revenir.
– L’Allemagne : la loi fondamentale de 1949 a dégagé la notion de droits fondamentaux et a donné à ceux-ci une portée considérable. Les juristes avaient dégagé la notion d’Etat de droit, notion d’autolimitation permettant de protéger les libertés, ayant trouvé ses limites au IIIe Reich. Le constituant de 1949 a mis l’accent sur les droits fondamentaux, nécessité de fonder un nouvel ordre juridique et démocratique ; des droits qui apparaissent intangibles –> impossible de réformer certains articles de la loi fondamentale comme l’art.1 qui fonde la dignité de la personne. Il y a une sorte de lien profond entre la norme constitutionnelle et des principes de droit naturel. La cour constitutionnelle s’estime la gardienne de l’ordre constitutionnel et démocratique ; d’un ordre de valeur qui a une unité et qui doit être interprété par rapport à cette notion de valeurs supérieurs. Nous avons en France, moins que les allemands, mis l’accent sur l’unité constitutionnelle et les valeurs qui le sous-tendent : art.1 de la loi fondamentale.
Rien ne distingue libertés fondamentales, droits de l’homme ou libertés publiques. Chronologiquement, les droits de l’Homme renvoient à des valeurs philosophiques, les libertés renvoient à des consécrations législatives, quant aux libertés fondamentales elles ont pris un grand essor grâce au droit européen et à la consécration que l’on connaît à partir de la Ve République.
Deuxième Partie : Le régime juridique des libertés
Une classification délicate : les libertés forment un bloc, il est très difficile de les dissocier. Il faut distinguer libertés individuelles et libertés collectives, distinction faisant ressortir le caractère très individualiste de notre ordre juridique
Titre 1 : La liberté individuelle
Repose sur le principe de liberté de la personne et de dignité de la personne humaine : deux principes parmi lesquelles on peut distinguer. Privilégier l’un ou l’autre de ces fondements a des conséquences sur les principes énoncés et sur la définition du titulaire de la liberté individuelle, la « personne humaine », une personne qui est autonome et qui dispose librement d’elle-même.
Chapitre 1 : La reconnaissance de la personne
Renvoi à des débats philosophiques : l’Homme est à la fois corps et âme, vie et conscience. Pour les juristes : droit à la vie (physique) et liberté de conscience.
Section 1 : Le droit à la vie
Pendant fort longtemps, ce droit n’a pas été de mention explicite dans les déclarations de droits et les déclarations nationales. C’est après la seconde guerre mondiale que le droit à la vie est apparu dans certaines déclarations : il est proclamé sans hésitation et manière ferme, cependant il est variable dans sa portée.
- 1 : La proclamation du droit à la vie
On trouve ce droit à l’art.3 de la DUDH, Pacte sur les droits civils et politiques, art.2 de la Conv.EDH, charte africaine des droits de l’homme.
Dans les Constitutions nationales : d’anciens textes ne comprennent pas ce droit (DDHC, déclaration américaine) alors que les textes récents les mentionnent : art.9 loi fondamentale, art.24 de la Constitution portugaise. Ces textes ne vont pas plus loin que cette proclamation, sauf exception : Constitution irlandaise reconnaît le droit à la vie de l’enfant à naître, le projet de constitution d’avril 1946 dans son art.23 garantissait à tous la garantie de la santé dès la conception.
Le droit à la vie, au-delà des textes constitutionnels, ne fait pas de divergence sur la vie humaine mais sur ce que l’on doit protéger. Rapport du professeur Mattéi, lois bioéthiques de 1994 : on se trouve en présence d’une seule et même vie qui commence à la fécondation jusqu’au décès –> unité de la vie, processus continu. Scientifiquement, cette unité montre que toutes les étapes ont leur importance, mais aucune en elle-même n’est déterminante. La naissance est une étape parmi d’autres, comme d’autre : l’enfant n’est pas autonome dès sa naissance, le seuil de viabilité varie en fonction du développement des techniques médicales.
La signification attribuée à la vie humaine varie selon les points de vues religieux et philosophiques : conception de l’Eglise catholique, la vie doit être respectée car il s’agit d’un don de D.ieu. A l’opposé de cette position, certains courants de pensée philosophique explique qu’il existe des étapes et que la conception de la vie humaine varie selon les étapes de la vie, de même que sa protection. Ce courant de pensée existait déjà depuis l’antiquité : le pater familias avait un droit de vie et de mort sur les nouveaux-nés –> le recours à l’avortement reprend cette attitude au profit de la mère à laquelle est conférée ce droit de vie et de mort.
- 2 : La portée du droit à la vie
Avant la naissance, la portée du droit à la vie résulte, selon les régimes juridiques, du pouvoir constituant, de l’interprétation donnée par le juge constitutionnelle, du législateur sous le contrôle du juge constitutionnel ou du législateur tout court (GB).
Si le texte constitutionnel était précis, il n’y aurait guère de doutes. Il revient le plus souvent aux juges d’en définir la portée.
– Aux USA, la question du droit à la vie a été posée à la Cour suprême qui a été l’une des pionnières : 1973, Roe v. Wade–> contexte d’Etat fédéral, législation relative à l’avortement dépend des états fédérés, une loi du Texas restreignait le recours à l’avortement, elle a été déferrée à la Cour suprême. Cette dernière énonce tout d’abord que le droit à la vie privée inclut le droit pour une femme d’interrompre, si elle le souhaite, sa grossesse. Toutefois, l’état fédéré a le droit de défendre des intérêts importants : la vie de la femme ainsi que celle de l’être humain potentiel qu’est l’embryon ou le fœtus. La Cour suprême distinguait en 1973 trois périodes : pendant les 3 premiers mois, le choix de l’avortement est libre sans que les états puissent intervenir, dans les 3 mois suivants, les états peuvent intervenir pour protéger la femme et pendant les 3 derniers mois de la grossesse pour protéger les droits de l’enfant à naître. Cet arrêt a suscité une émotion considérable, le débat sur l’avortement n’a pas cessé aux USA, avec des positions beaucoup plus tranchées : débat au niveau de la Cour suprême –> les nominations des juges à la Cour suprême sont un enjeu considérable concernant la question du droit à la vie. Cependant, la position de la Cour suprême n’a pas radicalement évoluée : la Cour a tenu à ce que le droit qu’elle avait proclamé appartienne effectivement à la femme qui n’a pas à recueillir le consentement du père de l’enfant ni à l’informer de cet avortement. S’agissant des femmes mineures, elles doivent normalement obtenir le consentement de l’un des deux parents, si il y a opposition il est possible de passer outre si une décision de justice autorise la femme mineure à avorter. La distinction entre trois périodes a été portée à deux périodes, la frontière étant fixée au seuil de viabilité (6e mois de grossesse), au-delà duquel les Etats peuvent intervenir.
– En Allemagne, Cour constitutionnelle, 25 février 1975 : loi qui admettait le recours à l’avortement en dérogation au droit à la vie (art.2), la Cour s’est opposée à cette loi au nom des principe contenus dans la constitution allemande –> l’embryon n’est pas une simple partie de l’organe maternel mais un être humain distinct constitutionnellement protégé. Cependant, il était possible de protéger la vie de la mère : entendu largement (vie physique et psychique). Les questions se sont reposées à l’occasion de la réunification : l’Allemagne de l’Est autorisait le recours à l’avortement. La cour constitutionnelle dans un arrêt du 28 mai 1993 maintenait sa position de principe, mais la cour admet que l’on puisse dépénaliser le recours à l’avortement : il reste illégitime mais ne sera pas pénalement sanctionné –> loi de 1995. Cette attitude correspond à des positions de principes, la plupart des autres cours constitutionnelles on été beaucoup plus prudentes : elles ont rappelé le principe du droit à la vie tout en admettant des exceptions plus ou moins larges.
– En droit français : loi Veil (1975 + 1979), rappelle le principe du droit à la vie dès le commencement de sa vie. La loi de 1979 rappelle ce principe et ajoute qu’il correspond à un objectif national d’enseignement. La loi prévoit par exception dans des cas déterminés : détresse de la mère, possibilité pour celle-ci de procéder à l’avortement dans les premières semaines de la grossesse.
Le Conseil constitutionnel a pris acte de ce que le principe du droit à la vie était protégé, de même pour le Conseil d’Etat : les deux juridictions ont pris acte d’une clause de conscience permettant aux médecins de ne pas procéder à l’avortement. Le juge constitutionnel est resté prudent : il prend acte des principes et se retranche derrière le pouvoir discrétionnaire d’appréciation du législateur. En fait, la possibilité de recourir à l’avortement est laissé à la seule liberté d’appréciation de la femme enceinte qui a toute liberté pour procéder à l’avortement. Aucune différence entre les procédés contraceptifs et les procédés contragestifs pour le droit français. L’enfant à naître n’est pas le plus souvent l’objet de droits : infans conceptus, idem en matière d’assurances : la police est souscrite autant pour les enfants nés ou à naître. La responsabilité peut-être engagé en cas de préjudice causé à l’enfant à naître. En revanche, l’atteinte à la vie de l’enfant à naître ne peut pas être considéré comme un homicide involontaire : coups et blessures donnés à sa mère, la mère peut-être indemnisé dans toutes les branches du préjudice mais l’individu ne peut-être poursuivi pour le décès de l’enfant à naître. Pour remédier à cet état du droit, amendement Garrot permettait de sanctionner l’homicide involontaire (imprudence ou négligence coupable) : amendement finalement retiré. La CEDH a été saisie de cette situation française et de la non protection de l’enfant à naître CEDH, 8 juillet 2004, Vaulx c. France : une femme enceinte d’origine vietnamienne parlant mal français avait consulté à Lyon, une autre femme d’origine vietnamienne parlant également mal français avec un nom similaire venait pour se faire retirer son stérilet : le médecin a causé la mort de l’enfant (6e mois de grossesse !! il était bourré, ou quoi ? ) –> la Cour d’appel de Lyon avait admis la notion d’homicide involontaire, Cour de cassation l’a rejeté, la CEDH rejette la requête se retranchant derrière la marge d’appréciation de l’Etat. Ainsi, on obtient des situations surprenantes : les parents d’un prématuré à 6 mois victime d’une maladresse grave pourraient intenter une action alors que ceux d’un enfant de 9 mois parfaitement viable ne le pourrait pas.
Le droit à la vie change après la naissance : les états ont une obligation active de veiller à la vie –> lorsqu’une personne décède à l’occasion d’une opération de police ou en garde à vue ou en établissement pénitentiaire, l’Etat doit procéder à une enquête impartiale et ne peut se contenter de dire qu’il n’y a aucun élément prouvant la faute d’un agent public. La Conv.EDH réservait la possibilité de la peine de mort, en ratifiant le protocole n°6, les Etats s’engagent à ne pas remettre en cause la suppression de la peine de mort. Lorsque la mort relève d’une opération de police ou d’une opération militaire légitime : la CEDH contrôle la proportionnalité de l’usage de la force à l’exigence des circonstances CEDH, 27 décembre 1995 –> suivi par Cass.Crim, 18 février 2003 a restreint les cas où les gendarmes peuvent user de leurs armes. Sous l’empire du décret de 1903, les gendarmes pouvaient user de leurs armes dès qu’une opération légitime était engagée alors que les policiers ne pouvaient le faire qu’en cas de légitime défense. La Cour de cassation souligne que l’usage doit se rapprocher de la légitime défense.
La fin de la vie humaine pose d’autres problèmes spécifiques : droit à mourir ? Il n’y a pas dans notre droit un droit au suicide, simplement le suicide ne fait l’objet d’aucune réglementation. L’utilisation de ce mode de fin de vie n’est pas considéré par la plupart des spécialistes comme une manifestation de liberté : le recours au suicide est une forme d’appel au secours, la grande majorité des suicidés ratés ne recommencent jamais. Le suicide relève d’une marge de liberté laissée aux individus. Problème de la grève de la faim : relève de la libre appréciation de l’individu tant qu’il est conscient. Art D-390 du CPP permet de recourir à une alimentation forcée sous assistance médicale pour les prisonniers grévistes de la faim car la personne est privée de sa liberté. Lorsque ce n’est pas le cas, on ne peut rien faire tant que la personne est consciente : lorsqu’elle est inconsciente on considère qu’elle n’est plus susceptible de dire si elle souhaite poursuivre ou interrompre la grève de la faim. Droit au suicide assisté ? Tolérances dans certains états européens, le législateur néerlandais est plus loin : l’assistance au suicide est admise lorsqu’il existe une souffrance insupportable subie par le patient, aucun espoir de guérison en l’état actuel des traitements médicaux, une volonté exprimée par un individu sain d’esprit et conscient de sa demande + examen par deux médecins :une commission doit vérifier que les circonstances étaient bien celles prévues par la loi, si ce n’est pas le cas, possibilité de renvoyer devant les juridictions pénales. Problème : peut-on participer directement à la mort d’autrui ? Notions floues : souffrance insupportable, individu sain d’esprit –> il est arrivé que des cas d’assistance au suicide sortent de l’hypothèse de la loi : suicide d’handicapés mentaux, de nouveaux-nés malformés, d’un vieux qui veut crever. Risques d’abus et peut être aussi un risque de transformer les données éthiques : il n’y aurait plus un droit de vivre mais une sorte de droit à mourir qui pourrait se transformer en « devoir de mourir » lorsque l’on devient un poids pour la société. Une législation belge a été dans le même sens en acceptant l’assistance au suicide dans des cas particuliers : débat relancé par le suicide assisté de Vincent Humbert.
Le Premier ministre avait souligné qu’il ne fallait pas légiférer rapidement : mission parlementaire présidée par le député Léonetti qui s’est orientée vers la recherche d’un consensus –> il n’existe pas de droit à mourir et il serait dangereux de consacrer un tel droit, ceci dit il faudrait prendre en considération la volonté du patient à tout moment, par un tiers de confiance désigné auparavant par le patient (un parent proche ou une personne étrangère à la famille) –> L.22 avril 2005 relative aux droits des malades en fin de vie. Les médecins doivent assister les personnes, soulager dans toute la mesure du possible la souffrance, peuvent se dispenser de donner des soins inutiles ou déraisonnables. Mise en place par deux décrets du 6 février 2006 : on peut exprimer souplement ce que l’on souhaite, les médecins doivent prendre collégialement la décision d’arrêter les soins, les médecins doivent consulter un confrère, les directives du tiers de confiance, des proches….on n’est lié par aucun de ces avis. La décision consiste simplement à utiliser le traitement adéquat pour alléger les souffrances même si l’usage de ces substances a pour conséquence indirecte d’abréger la durée de la vie. L’arrêt des traitements consiste simplement à arrêter ce qui est inutile est déraisonnable : art. R.4127-1 du CSP –> en toutes circonstances, le médecin doit soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état, le médecin doit s’abstenir de toute obstination déraisonnable et peut renoncer à des traitements inutiles ou disproportionnées n’ayant pour effet que de maintenir artificiellement la vie. Pour certains, ces traitements inutiles ne sont pas suffisants, pour d’autres il y a un risque d’abus. Depuis plusieurs années, les établissement hospitaliers s’étaient orientés vers le recours aux soins palliatifs : débat remontant aux années 1970s et 1980s, dénonciation des acharnements thérapeutiques, tendance dans les milieux médicaux à ne pas laisser mourir quelqu’un tant qu’on n’a pas fait le maximum. Les personnes en fin de vie doivent être prises en charge soit par leurs familles, soit dans des services de soins palliatifs : avec du personnel plus d’assistance morale, soulager les souffrances et entourer la personne de façon à lui montrer qu’elle n’est pas abandonnée. La loi du 9 juin 1999 garantit le droit à l’accès aux soins palliatifs. CEDH, 29 avril 2002, Pretty c/ R-U : la cour n’a pas reconnu un droit à mourir « il n’est pas possible de déduire de l’art.2 de la Conv.EDH un droit à mourir » de même Cour suprême des USA, 26 juin 1997 : ce droit n’a pas de place même au niveau constitutionnel.
Le droit à la vie est à la fois un droit fondamental et intangible, un droit protégé mais aux contours un peu flous : avant la naissance et au moment de la fin de la vie humaine. Egalement, il existe un respect du corps après la mort : flou pour le corps des embryons ou des fœtus –> affaire de l’hôpital publique Saint-Vincent de Paul : beaucoup de corps d’embryons conservés sans aucune finalité. Le comité national d’éthique a été saisi de la question avis du 22 septembre 2005 fait le point sur la situation juridique des embryons fœtus : aux termes de la loi du 6 août 2004, l’autorisation expresse des parents est indispensable lorsqu’on souhaite utiliser le corps d’un embryon ou d’un fœtus. Quant aux corps non utilisés, L.8 janvier 1993 prévoit quelques principes, des circulaires en déterminent la portée. Lorsqu’un enfant né et meurt peu après, la naissance et le décès sont inscrits à l’Etat civil : dans ce cas, une inhumation ou une incinération est un devoir et un droit pour les parents qui en ont la charge. Si l’enfant est mort à la naissance mais s’il était viable (+ 22 semaines et + 500g), il y a un acte d’enfant mort-né. Les parents ont dix jours pour demander une incinération ou une inhumation. Sinon, il revient à l’institution hospitalière de procéder à l’incinération du corps. Lorsque le fœtus est mort à la naissance ou résulte d’une IVG, s’il a moins de 22 semaines et pèse moins de 500g, la règle est que l’hôpital procède à l’incinération, les parents peuvent récupérer le corps et faire inhumer le corps si la commune l’accepte. Le comité nationale d’éthique estime que les corps doivent être respectés : on ne peut les conserver sans raisons car il s’agit de corps de ce qui a été une vie humaine. Au-delà de ce respect, il convient de toujours respecter la volonté des parents en leur permettant de faire inscrire à l’état-civil un embryon ou un fœtus et de faire procéder à une inhumation ou à une incinération.
Section 2 : La liberté de conscience
Contraste frappant entre la valeur juridique de celle-ci et les incertitudes tenant à sa définition et à sa portée. La liberté de conscience est reconnue par de nombreux textes du DIP : pactes des droits civils et politiques, art.9 Conv.EDH, valeur constitutionnelle reconnue par le Conseil constitutionnel : art.10 DDHC + PFRLR.
1 : Définition de la liberté de conscience
Nombreuses incertitudes terminologiques : si la plupart des auteurs montrent ces liens avec la liberté de culte, d’expression, ils la qualifient de façon variable : liberté intellectuelle, liberté de croyance, liberté de religion. A l’ONU on parle plus volontiers de liberté de conviction. Les juristes ont mis en valeur la fragilité et la complexité de la notion. Maurice Hauriou explique que l’on a d’abord reconnu les libertés physiques « le statut de l’homme libre dans l’antiquité » puis l’on a après reconnu les libertés d’opinion. M.Rivero situait cette liberté de conscience au cœur même des libertés de la pensée : la liberté de conscience étant la liberté d’opinion en matière morale et d’opinion. La liberté de conscience serait une liberté stratifiée :
– liberté de croyance ou d’incroyance
– liberté de conviction en matière morale ou philosophique
– liberté d’opinion ou de pensée
Cette présentation répond à une certaine logique car la liberté de conscience inclut bon nombre de libertés, cependant un Etat laïque n’a qu’à prendre en compte sans les hiérarchiser ces libertés de croyance, de conviction ou d’opinion : la liberté de conscience recouvre des libertés fondamentalement différents, sphère dans laquelle l’état n’intervient pas. Cependant, on le sentiment que la liberté de conscience échappe au juriste : les théologiens y voient un sanctuaire inviolable, les philosophes un attribut de l’être humain. De plus, cette liberté est relativement hors d’atteinte des autorités publiques : « on peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’asseoir dessus » (Napoléon) –> la plupart des régimes totalitaires ont tenté de parvenir à l’homme sans âme, faire perdre conscience à l’être humain sa personnalité : aboutissement de la dépersonnalisation au sein du camp de concentration (Hannah Arendt). Le pacte sur les droits civils et politiques consacre la liberté de conscience à son art.4 comme une liberté intangible, art.9 de la Conv.EDH qui ne peut pas faire l’objet de limites mais qui ne fait pas partie des articles intangibles de la Conv.EDH. On attend de l’Etat libéral qu’il protège la liberté de conscience, même venant d’autres individus, qu’il participe de la libre formation de la conscience : la liberté de conscience n’est possible que si l’on a la possibilité de se référer à un certain nombre d’éléments extérieurs. L’Etat doit également en aval permettre à cette liberté de s’exprimer en matière cultuelle et religieuse, par des discours et des écrits, par beaucoup d’autres libertés, y compris une liberté économique.
- 2 : La portée de la liberté de conscience
Elle se manifeste à travers l’usage d’autres libertés. La liberté de conscience s’exprime rarement de façon directe : on peut envisager la portée de la liberté de conscience dans les relations administration/administrés et dans les relations entre personnes privées, d’autre part. Les états sont neutres, les relations privées sont placées sous le signe du pluralisme.
– relations administration/administrés : relations conditionnées par le principe de laïcité dont on considère qu’il est apparu dans les années 1880, source d’inspiration de la loi de séparation de 1905 et que le principe a été constitutionnalisé en 1946 puis en 1958, art.1 : « La France est une République, indivisible, laïque, démocratique et sociale (…) elle assure devant la loi l’égalité de tous les citoyens ». L’Etat doit être laïque dans toutes ses attitudes envers les administrés. L’histoire de la laïcité permet de dire que l’on est passé d’une laïcité militante anti-cléricale remplacée en droit par une laïcité synonyme de neutralité. Le consensus s’est réalisé autour de cette opinion en 1946 et en 1958 : il n’y a dans le monde de laïcité juridique aucune connotation philosophique ou religieuse. L’Etat étant neutre, il en résulte plusieurs conséquences :
o L’administration n’a pas le droit de faire état, voire de connaître les croyances ou les convictions des individus. Elle ne connaît que des citoyens égaux devant la loi : CE, 9 juillet 1943, Ferrand –> un préfet ne peut légalement demander qu’un individu fasse l’objet sur une fiche d’hôtel des croyances individuelles. Pas de mention de la religion : la neutralité se vérifie dans le recrutement des services –> CE, 1954, Barel, à une époque où les démocraties libérales refusaient de faire entrer des communistes au sein de l’administration : on peut écarter des individus ayant participé à des manifestations ou à des actes contraires à la fonction à laquelle ils prétendent.
o Les convictions ne sont pas plus prises en compte dans le déroulement du service :ni par les fonctionnaires qui ne doivent rien afficher ni prendre en compte des convictions affichées par des administrées. Dans le domaine public, la France a supprimé de tous les lieux publics tous les symboles religieux depuis près d’un siècle même si ce n’est pas le cas dans toutes les démocraties libérales. Parce que l’Etat est laïque, il doit parfois en tenir compte dans l’intérêt de la liberté de conscience individuelle : cette prise en compte peut se manifester dans l’obligation de mettre en place des aumôneries, afin que certains administrés ne soient pas privés de leur liberté de conscience : interne dans l’enseignement public, hospitalisés, incarcérés. Les pouvoirs publics sont amené à rémunérer les services rendus par les aumôniers.
o L’Etat doit également prendre en compte les convictions individuelles dans le fonctionnement de certains services : les abattoirs municipaux –> l’abatage des animaux est contrôlée par l’administration, il faut prendre en compte les demandes de certains groupes confessionnels.
o L’administration doit parfois admettre l’objection de conscience (loi de 1963, modifiée en 1983) en matière militaire : religion interdisant l’usage des armes –> possibilité de transformer les obligations militaires en obligations civiles. La loi permet à certains fonctionnaires de ne pas pratiquer des actes qu’ils réprouvent : médecins peuvent refuser les IVG. Il existe des limites aux clauses de conscience : selon leur importance sociale, on ne va pas au-delà de certaines limites.
– relations entre particuliers : nous sommes le plus souvent devenus laïques aussi bien dans la sphère publique que dans la sphère privée, on a parfois tendance à penser que la laïcité est un élément qui marque les relations privées. La vie privée, les croyances, les convictions…ne doivent pas faire l’objet de conséquences en matière professionnelle : nul ne peut être lésé en raison de l’emploi en raison de ses opinions ou de ses croyances (Constitution de 1946), traduction dans le Code du travail, règlements intérieurs, etc. Il en résulte que le droit français, voulant que les entreprises privées soient indifférentes quant aux salariés, on ne prend pas non plus en compte les exigences des individus en matière de convictions ou de croyances quant à l’organisation de leur travail. Point faible en ce qui concerne les entreprises « idéologiques » : il existe des groupements variés qui objectent la liberté de conscience de leurs membres –> certains partis politiques, certaines associations, Eglises, associations cultuelles, syndicats : il s’agit de groupement de tendances. Il peut apparaître dangereux de contraindre ces groupements à embaucher comme salarié à embaucher n’importe qui : il peut apparaître dangereux pour les salariés de ne plus partager les opinions défendues par leur groupe. La Cour de cassation avait pris en compte ces nécessités : Cass.Ass.plénière, 19 mai 1978 –> exceptionnellement, les convictions ou croyances de l’intéressé peuvent constituer un élément de l’accord des volontés, elles peuvent être exceptionnellement incorporées au contrat de travail. On a admis que des entreprises de presse licencie des journalistes qui ne partagent plus la ligne du journal, etc. La Cour de cassation a eu tendance à n’exiger des salariés de l’entreprise qu’une obligation de réserve : seulement s’ils n’exprimaient pas dans leur travail leurs opinions, la Cour de cassation raisonne comme si les salariés de ses groupements étaient des agents publics : attitude contestable car la crédibilité même de ces groupements exige une adhésion profonde. On peut également mentionner les groupements sectaires : les sectes car de dimension réduites et originales mais qui ne sont pas dangereuse et respectent la liberté de leurs membres et celles qui exercent des pressions sur leurs membres et qui ne respectent pas leur liberté de conscience. En droit européen : CEDH, 25 mai 1995, Kokkinakis c/ Grèce –> témoin de Jéhovah ayant pratiqué un prosélytisme abusif, pénalement sanctionnable selon la loi grecque : la CEDH interprète la loi grecque comme compatible avec la convention et distingue entre un bon prosélytisme se situant dans la logique de la liberté de conviction : conséquence directe de la liberté de conscience, et un mauvais prosélytisme consistant à faire pression sur ceux que l’on désire convaincre selon des procédés inacceptables : menaces, voies de fait. Le droit français s’est orienté dans le même sens : législation anti-secte, dans un premier temps on a pensé sanctionner un délit de manipulation mentale, or il est difficile à définir strictement. Ainsi, l’on s’est orienté vers la notion d’abus de situation de faiblesse : des personnes ne peuvent abuser d’une situation de faiblesse, qu’elle soit d’ordre physique, psychologique et mentale. Ce qui peut-être sanctionné c’est de convaincre quelqu’un en abusant d’une situation de faiblesse, cela n’emporte pas de jugement sur les convictions des sectes.
Le droit à la vie et la liberté de conscience sont fondamentaux : sans eux il n’y a ni liberté individuelle, ni liberté collective.
Chapitre 2 : L’autonomie de l’individu
Liberté d’aller et de venir, sûreté, protection de la vie privée : permettre à l’individu d’être autonome.
Section 1 : Liberté d’aller et de venir
- 1 : Un principe peu contesté
Il existe en France une très vieille tradition de liberté qui existait déjà sous l’ancienne monarchie et ceci depuis plusieurs siècles : la liberté d’aller et de venir était plus grande au Moyen-Âge qu’elle ne le fût au XIXe s. et dans une moindre mesure, au XXe s. . Très peu de contentieux : prouve simplement qu’il n’ y avait pas matière à contentieux, il n’y a quasiment aucun arrêt venant rappeler la liberté d’aller et de venir. Il s’agit de contentieux très marginaux, ne portant que sur des aspects extérieurs à la liberté d’aller et de venir. CE, 13 mai 1927, Carrier : le maire d’une commune situé dans une commune montagneuse s’était ému des touristes qui se lançaient dans des expériences périlleuses et, souhaitant protéger les imprudents, exigeait des personnes étrangères à la commune de déclarer préalablement les excursions : régime de déclaration préalable incompatible, arrêté de police trop général. Cass.crim, 1er février 1956, Delle Flavien : pute se plaignant d’un arrêté du préfet interdisant aux putes de stationner dans un certains nombres de lieux, on peut empêcher le racolage mais pas interdire les relations putes/michetons. La réglementation avait des incidences sur la consistance de la liberté d’aller et de venir.
– On s’est interrogé sur la portée de la liberté d’aller et de venir quant au droit de savoir si elle incluait le droit de quitter le territoire français. La question ne s’était quasiment jamais posée, le droit français n’avait jamais empêcher de quitter la France pour aller s’établir durablement à l’étranger. Des personnes partant à l’étranger pour cause d’évasion fiscale, l’administration avait soit refusé de délivrer un passeport, ou avait empêché le départ. Le juge judiciaire avait trouvé une voie de fait, le Conseil d’Etat raisonnait en terme de légalité (motifs sérieux) : TC, 9 juin 1986, Eucat –> Il convient de distinguer lorsque l’administration invoque des motifs valables de refuser le départ du territoire national, le juge administratif exercera un contrôle normal. En revanche, si l’administration s’opposait à une sortie de territoire sans aucun fondement, alors voie de fait : il appartiendrait au juge judiciaire d’intervenir (valable pour les nationaux aussi bien que pour les étrangers). Assignation à résidence d’un étranger que selon des raisons précises liées à l’ordre public, assignation doit être proportionnée à l’exigence des circonstances.
– Question de la mendicité sur la voie publique : cas d’arrêtés municipaux interdisant la mendicité dans des zones touristiques pendant l’été en raison de groupes de personnes mendiant de façon agressive, saouls avec des clébards. Il n’y a pas de droit fondamental de mendier, cependant la mendicité n’est pas interdite : il s’agit d’une liberté de mendier ou non, avec la limite de ne pas troubler l’ordre public, ne pas porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens. Or, le mendiant mendie sur la voie publique ; il fait usage de sa liberté d’aller et de venir. TA Nice, 2 mai 1997 : le maire de Nice avait, après un référendum local, pris un arrêté interdisant trois formes de mendicité : la mendicité assise ou couchée constituant une entrave à la circulation des piétons, la consommation d’alcool sur la voie publique associée à la mendicité de nature à provoquer un certains nombres de troubles (bagarres, rixes), la quête d’argent de manière agressive (verbale, physique) : le juge administratif a admis ce type d’arrêté + CAA, Marseille, 9 décembre 1999, confirmé par CE, 9 juillet 2003, Leconte mais a annulé les arrêtés municipaux non délimités dans le temps et l‘espace. L’art. 65 de la loi du 18 mars 2003 a crée une infraction nouvelle : mendicité agressive sur la voie publique, venant limiter la portée des arrêtés municipaux.
– Question de la circulation nocturne des mineurs : arrêtés municipaux apparus vers 1996 venant de maires constatant que des mineurs participaient à des bandes constituées de personnes plus âgées ou se faisant agresser du fait des lieux où ils se trouvaient. Arrêtés interdisant aux mineurs de 13-14 ans circuler la nuit entre 23h et 6h : le Conseil d’Etat a considéré qu’il existait d’autres moyens de protéger les mineurs. Avec la procédure de référé-liberté : CE, 9 juillet 2001, Ville d’Orléans, CE, 23 juillet 2001, Ville d’Etampes : globalement, le Conseil d’Etat admet la légalité de ces arrêtés car entrant dans le cadre du pouvoir de police général du maire, ne remettant en cause ni l’autorité parentale, ni l’autorité judiciaire. L’arrêté municipal doit être limité dans le temps et l’espace, proportionné quant aux circonstances : les maires doivent faire valoir que les zones dans lesquelles ils ont circonscrit leur arrêté sont des zones de délinquance ou bien où la délinquance était supérieur à la normale : CE, Ville d’Etampes : le juge administratif a admis l’arrêté pour la partie urbaine mais l’a annulé pour la partie rurale de la ville. L’âge des mineurs est vérifié par le juge administratif : 12-13 ans, ainsi que l’horaire : 23h-6h. Ces arrêtés sont nouveaux en France, aux USA 80% des villes américaines limitent la circulation des mineurs la nuit, ils sont plus âgés (16 ans) et la nuit est plus longue. GB, loi du 1er août 2001 autorise les autorités municipales et de police autorise la mise en place de couvre-feu entre 21h et 6h du matin pour les mineurs de 16 ans.
La liberté d’aller et de venir est tout d’abord celle du piéton qui bénéficie pleinement de sa liberté dans sa portée maximum. Lorsqu’on utilise un autre moyen l’autorité de police a le droit d’en limiter l’usage : arrêtés anti-rollers ou anti-planche à roulettes. Ces arrêtés ont une base légale : Cass.18 novembre 2003 –> la mesure prise qui ne règlemente pas une liberté individuelle qui n’a pas pour objet d’interdire de manière absolue l’usage de la planche à roulettes est lié au bon ordre et à la sécurité publique. C’est le cas d’autres moyens, comme l’automobile.
- 2 : La circulation automobile
On peut voir dans l’utilisation d’une voiture l’usage de la liberté d’aller et de venir. Depuis plus d’un siècle, l’utilisation d’un véhicule à moteur était soumis à un permis de conduire : décret du président de la République créant le permis de conduire : CE, 1919, Labonne. L’autorité judiciaire peut suspendre le permis de conduire lorsque l’individu apparaît comme avoir commis une infraction, peine pouvant apparaître comme complémentaire. Parallèlement, interventions des autorités administratives : il ne s’agit pas de sanctionner une infraction mais de prendre une mesure de police –> les préfets sont compétents pour prononcer des suspensions parallèlement au juge judiciaire : il est choquant que le juge judiciaire et le préfet interviennent par rapport au même faits en prenant une même mesure. La loi du 11 juillet 1975 intervient pour mieux coordonner les décisions prises par les autorités administratives et judiciaires en faisant prévaloir l’autorité judiciaire, mais aussi permettre l’exercice du droit de la défense.
– assurer la prééminence de la décision judiciaire : art. L.224-9 du Code de la route dispose que lorsqu’une mesure de suspension administrative a été prise par le préfet ou le sous-préfet, elle cesse de produire des effets dès qu’intervient la décision judiciaire. Cependant, les préfets agissent beaucoup plus rapidement que les tribunaux judiciaires, la mesure a déjà pleinement pris ses effets au jour de la décision du juge judiciaire. Les mesures administratives sont considérées comme non avenues en cas d’ordonnance de non-lieu, relaxe ou absence de mesures suspensive du permis de conduire. On va considérer que la décision préfectorale avait un fondement : l’infraction constaté. Il en va de même en cas de non-lieu ou en cas de classement sans suite, voire d’ordonnance de non-lieu : la décision préfectorale repose sur un fondement légal car non remis en cause par une jugement ayant force de chose jugée. EN cas de décision de relaxe, l’infraction ne peut plus servir de fondement à la mesure du préfet, l’intéressé peut demander réparation du préjudice lié à la suspension de son permis de conduire. : CE, 14 décembre 1984, Traissac.
– Assurer le respect des droits de la défense : il était prévue qu’en cas de décision administrative, le préfet ou le sous-préfet devait consulter une commission composée de personnels de la préfecture, de représentant de la police et de la gendarmerie, de représentants des usagers devant laquelle l’intéressé pouvait se défendre, au besoin assisté d’un avocat. Aujourd’hui, il y a eu un grignotage de l’effet de cette procédure : en cas d’urgence on peut ne consulter que le délégué de la commission pour une mesure de suspension d’une durée inférieure à 2 mois. De plus en plus d’infractions sont constatées aux moyens d’appareils homologués et agrées, utilisés par des agents assermentés : contrôles d’alcoolémie, contrôles radar. Il est possible de suspendre le permis de conduire, d’immobiliser le véhicule, le préfet peut prendre un arrêté de suspension dans les 72h sans que l’individu puisse présenter sa défense. L’objectif que le législateur souhaitait atteindre ne l’est que partiellement. D’une façon plus générale, la réglementation de la circulation automobile est parfois attentatoire à des principes fondamentaux du droit : présomption d’innocence, gratuité du domaine public qui risquent d’être affaiblis.
Le professeur Rivero avait ainsi souligné que le fait de s’habituer à des entorses à de grands principes risque d’émousser la vigilance des citoyens. Pour bon nombre de citoyens, leur seul contact avec la justice a lieu à l’occasion de contentieux liés à la circulation automobile devant le tribunal de police. Conformément à une tradition française, on s’est beaucoup plus méfié des interventions de l’Etat ou de ses représentants que de l’intervention des personnes privées, la liberté d’aller et de venir a été protégée contre les intrusions de l’Etat. Or, la liberté d’aller et de venir est également remise en cause par des personnes privées : conduite de certains automobilistes, incivilités, entrave de la circulation de trains, de routes pour défendre des intérêts catégoriels.
Section 2 : La sûreté
Bénéficier de la sûreté, c’est bénéficier du droit de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement, de ne pas faire l’objet de privations abusives de la liberté d’aller et de venir. La sûreté renvoi nécessairement au XVIIIe s., où sa revendication a été une préoccupation constante de la
classe politique, et des élites littéraires : au XVIIIe s., on réclame l’Habeas Corpus (1679) anglais qui permettait de ne pas être détenu arbitrairement : tout détenu avait le droit d’être présenté sans délai à un juge indépendant. Cette procédure était opposée à la procédure de la lettre de cachet : l’autorité royale ordonnant la détention d’une personne sans exigence de motif. La sûreté suppose, pour être préservée, la régularité du procès pénal. Il y a pourtant des cas de rétention sans qu’il y ait eu procès pénal : détention provisoire, garde à vue, contrôle d’identité et fouilles. Enfin, il faut mentionner l’existence ou l’aspiration à un droit à la sécurité.
- 1 : La régularité du procès pénal
La sûreté pouvait encore, il y a quelques années, être présentée de façon assez simple. Aujourd’hui, on assiste à une multiplication de textes ce qui apparaître à la fois comme satisfaisant car permettant un meilleur respect mais, cet état du droit aboutit à une complexification préjudiciable du droit à la sûreté, dernier exemple en date : loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme. Dans de veilles démocraties, les lois anti terroristes issues du 11 septembre ont autorisé des détentions sans jugement dans certains cas exceptionnels, remettant pourtant en cause un principe séculaire.
A) Les sources
Elles renvoient aux droits de l’Homme au XVIIIe : préoccupation constante du XVIIIe s., les principes fondamentaux de la sûreté ont été inclus aux art. 7, 8 et 9 de la DDHC du 26 août 1789 : principe de légalité des délits et des peines, non-rétroactivité de la loi pénale, présomption d’innocence et nécessité de toute peine. L’art 66 de la Constitution fait de l’autorité judiciaire la gardienne des libertés individuelles, englobant ainsi la sûreté. Il y a ainsi un droit constitutionnel de la sûreté qui s’est enrichi depuis 1971 : le Conseil constitutionnel a dégagé à partir de la Constitution et de la Conv.EDH des principes constitutionnels liés à la sûreté : CC, 22 janvier 1998, Cour pénale internationale –> certains principes sont considérés comme ayant valeur constitutionnelle. CC, 16 janvier 1999, Loi relative à la sécurité routière : le Conseil constitutionnel était conduit à se prononcer sur la notion de la présomption de culpabilité pesant sur le propriétaire du véhicule en infraction et l’a admis en constatant les conditions de la constitutionnalité de la mesure. La présomption n’était pas irréfragable : le propriétaire du véhicule pouvait prouver qu’il n’était pas l’auteur de l’infraction, la présomption n’était pas dépourvue d’une vraisemblance probable. Les droits de la défense sont respectés ainsi que le droit au recours. Le Conseil constitutionnel veille à ce que les grands principes ne soient pas bafoués et pose des conditions à la constitutionnalité de la mesure, il s’inspire également de manière induite de la Conv.EDH.
Le droit conventionnel a joué parfois un rôle déterminant : il a pu inspirer le juge constitutionnel, il doit inspirer également le législateur. Les art 5, 6 et 7 de la Conv.EDH sont ceux donnant lieu à la plupart des condamnations des états, ils sont rédigés dans les termes les plus procéduraux. Ces principes ont des implications directes et concrètes sur ce que doit être le principe.
B) Les conséquences du principe quant au déroulement du procès
Le procès pénal est un élément-clé pour assurer la sûreté. L’appel, la cassation sont des garanties au sens de l’art.13 de la Conv.EDH : tendance qui a été suivie en matière criminelle (appel des cours d’assises. L’appel prononcé à l’issu du procès apparaît nécessaire quant à la peine prévue par le législateur. La peine n’a pas pour objet de punir moralement mais de prendre en compte l’atteinte faite à la société. Après la condamnation se pose la question de la détention qui a été pendant très longtemps laissée à la discrétion de l’administration pénitentiaire. Le parlement a eu à débattre des conditions de détention : rapports de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale et de la commission d’enquête du Sénat en juillet 2000 sont concordants et proposent des mesures complémentaires. Cependant, ils n’ont pas produit tous leurs effets, faute de moyens matériels. Les parlementaires proposaient un certain nombre de réformes et d’améliorations matérielles, ainsi qu’accentuer la juridicisation des conditions de détention : orientation prise avant les rapports de 2000. La gestion des peines à tendance à ne relever que des magistrats et non plus seulement de l’administration : JAP avec des procédures d’appel, voire recours en cassation.
L’autre aspect de la juridicisation concerne les sanctions disciplinaires, laissés pendant longtemps à la libre appréciation de l’administration pénitentiaire : juridictionnalisation, possibilité de se défendre devant des mini juridictions. Réduction du champ des mesures d’ordre intérieur compte tenu des mesures ayant des incidences sur les droits du détenu CE, 1995, Hardouin et Marie, CE, 30 juillet 2003 : la mise en isolement d’un détenu n’est pas considérée comme une mesure d’ordre intérieure. Volonté d’éviter des condamnations de la CEDH –> CEDH, 27 janvier 2005, Ramirez Sanchez c/ France : compte tenu de la dangerosité du personnage, il a été autant que possible isolé du reste des détenus, ce dont il se plaignait : sa demande a été rejetée par les juridictions françaises –> il a invoqué une violation de l’art.3 (traitement inhumain ou dégradant) et le fait qu’il ne lui soit pas ouvert de voies de recours, ce qui était exact à l’époque des faits.
C) La mise en place de juridictions d’exception
Elles ont toujours existées, quel que soit le régime en place, à chaque fois qu’il y a eu des crises graves au sein de la société. La plupart du temps, juridictions politiques chargées de condamner et offrant peu de garanties. La dernière juridiction d’exception en date est liée à la guerre d’Algérie : la Cour de sûreté de l’Etat avait été mise en place pour juger les membres de l’OAS. Cette Cour de sûreté présentait l’avantage d’avoir été mise en place en temps de paix, cette cour comprenait 5 magistrats auxquels on avait adjoint des militaires. La procédure respectait moins les droits de la défense que devant les juridictions de droit commun. Cependant, les défenseurs de cette juridiction invoquaient qu’eu égard à la grande spécificité des crimes dont elle avait à connaître, il fallait une juridiction spéciale, plus à même de juger de ces crimes spécifiques. La Cour de sûreté de l’Etat a été supprimée par Mitterrand en 1981.
Cependant, cette suppression a posé certains problèmes quant au procès aux assises de groupes terroristes, comme ceux d’Action Directe : les terroristes avaient proféré des menaces contres les jurés, beaucoup de jurés avaient déserté et la Cour d’assises n’avait pu statuer. Ceci avait fait ressortir le souci de n’avoir que des juges « occasionnels » dans certains types d’affaires, compte tenu de l’attitude de groupes qui n’hésitent pas à mettre en œuvre leur menaces, voire plusieurs années après. La loi du 9 septembre 1986 prévoit des procédures spéciales pour juger les auteurs de crimes terroristes, l’infraction terroriste est une infraction en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant l’objet de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur. Possibilité de faire comparaître ces terroristes devant une Cour d’assise composée exclusivement de magistrats professionnels. Le Conseil constitutionnel avait été saisi de la constitutionnalité de cette loi : CC, 3 septembre 1986 –> le Conseil constitutionnel a admis la conformité de la loi à la Constitution dans la mesure où il existe une spécificité de l’infraction terroriste résultant de la définition que le législateur en a faite, permettant de définir précisément cette infraction, de plus on ne peut recourir aux cours d’assises spéciales pour les crimes contre la sûreté de l’état, faute de définition précise par le législateur. On ne peut considérer qu’il y ait une discrimination à l’encontre des terroristes. Le Conseil constitutionnel souligne que les magistrats composant les cours d’assises spéciales sont indépendants et désignés non pas par le pouvoir politique mais par rapport au déroulement des carrières dans la magistrature. Les personnes comparaissant devant cette juridiction bénéficient de garanties égales, s’agissant notamment des droits de la défense. La loi du 23 janvier 2006 est venue préciser que les cours d’assises pour mineurs, si elles devaient juger des mineurs responsables de crimes terroristes, seraient composées de magistrats (1 président et deux assesseurs JAF).
- 2 : La détention provisoire
Le placement en détention provisoire est effectué par un magistrat du siège d’une personne présumée innocente, non encore jugée, pour une période parfois relativement longue. Donc gênant au regard des grands principes. L’art. 137 du CPP pose aujourd’hui les principes à concilier.
Toute personne est présumée innocente et par principe libre. Toutefois en raison des nécessités, elle peut être astreinte à des obligations de contrôle judiciaire, et si ces dernières sont insuffisantes, elle peut à titre exceptionnelle être placée en détention provisoire.
La rédaction actuelle n’est pas circonstancielle : elle fait preuve du souci depuis les 1970’s de limiter au strict minimum ces détentions, du moment qu’elles apparaissent absolument nécessaires, pas d’autres solutions.
Rappelé de nombreuses fois, compte tenu du nombre croissant de personnes en détention provisoire dans les prisons (parfois + de 50% des détenus) et parfois abus des juges, correspond à des besoins ressentis par les juges et la société. On ne peut recourir à la détention provisoire que si c’est l’unique moyen, à trois points de vue :
– unique moyen de conserver preuves et indices, empêcher les pressions sur les témoins et les concertations entre complices : empêcher que les intéressés entravent la découverte de la vérité.
– protéger la personne mise en examen, garantir son maintien à la disposition de la justice, éviter la récidive : danger de vengeance des proches de la victime, de « justicier ».
– mettre fin à un trouble exceptionnel et persistant de l’ordre public : prévenir/mettre fin à un trouble de l’opinion résultant de la gravité de l’infraction. Donc pas l’opinion publique directement, mais l’ordre public, sinon risque de les placer en détention provisoire pour satisfaire l’opinion publique, indépendamment du trouble à l’ordre public.
Si on s’en tenait à cela, elles seraient moins nombreuses, à toutes fins utiles le législateur a précisé que l’infraction doit être suffisamment grave ; cependant malgré les efforts constants du législateur, leur nombre n’a pas sensiblement baissé….
Pour y remédier, il faut s’attacher au caractère solitaire de la prise de décision en la matière : depuis 1983-1984, les efforts pour cela ont été dans des sens distincts.
– Tout d’abord Robert Badinter avait fait adopter une loi pour une prise de décision collégiale. 3 magistrats du siège : deux autour du juge d’instruction. Cette réforme n’a jamais été appliquée, faute d’avoir donné des moyens matériels suffisants pour la mettre en oeuvre. On aurait pu en trouver 3 peut être dans les grandes juridictions, et encore, mais ensuite se serait posé le problème d’impartialité au niveau de la formation de jugement : on n’aurait pas pu trouver d’autres juges disponibles.
– En 1993, avec la création du référé liberté, on pouvait faire immédiatement appel devant un magistrat de la Cour d’appel qui avait le pouvoir d’ordonner la remise en liberté, dès que la décision de la mise en détention avait été prise. Cette réforme n’a pas eue les effets escomptés, car très souvent ces juges ne faisaient que confirmer la première décision, sauf si des éléments vraiment exceptionnels leur étaient soumis.
– La loi de 2000 sur la présomption d’innocence a mis en place les juges des libertés et des détentions. C’est ce dernier qui décide de placer le mis en examen en détention provisoire après saisine du juge d’instruction. Le JLD peut-être ressaisi à n’importe quel moment et remettre en liberté. Le JLD est un juge du siège, plus élevé en grade que le JI : président ou vice-président d’un tribunal, donc a priori plus d’expérience. Cependant, l’erreur est humaine, ex : Outreau, surtout que certaines affaires sont particulièrement complexes, il est plus facile de placer quelqu’un en détention provisoire, que l’inverse : le risque est minoré et cela tranquillise l’opinion publique. Ces juges sont certes plus expérimentés, mais ils sont aussi surchargés de travail, et doivent juger en urgence des dossiers qui concernent des personnes qu’ils ne connaissent pas. Pas évident de prendre une décision, parfois le placement en détention provisoire peut apparaître comme le moyen le moins dangereux. Les jugements au fond à posteriori confirment en général cette nécessité de la détention, mais pas toujours : environ 850 personnes par an touchent des indemnités en argent –> pour Outreau, les sommes ont « explosé ».
- 3 : La Garde à vue
Le placement en garde à vue a correspondu à une pratique, avant d’être légalisé, qui permettait à la police de garder dans ses locaux une personne en qualité de suspect ou de témoin.
Ceci a suscité des débats passionnés : du point de vue psychologique, il s’agit d’une période brève avec forte intensité. Du point de vue des principes, elle est difficile à défendre, car la personne est présumée innocente, et la décision n’est plus le fait d’un magistrat, mais d’un OPJ.
De plus, il se peut que le policier soit obsédé par l’aveu, avec tous les risques que cela suppose, d’où multiples rétractations ultérieures : l’enquête est mal partie !
Cependant, la garde à vue présente des avantages : elle est utile et efficace quand elle est réalisée dans de bonnes conditions : on obtient souvent des éléments déterminants pour la suite de l’affaire. Cette période se révèle souvent le moment où l’enquête prend tournure. Pour autant, le risque de bavure existe toujours. Pour cette raison, on essaie de l’encadrer. Aujourd’hui, art 63 du CPP : un OPJ peut, pour les nécessités de l’enquête, placer en GAV toute pers à l’encontre de laquelle il y a des raisons de croire qu’elle a commit un infraction, etc.
– décision d’un OPJ
– raisons plausibles de soupçonner
– placement sous contrôle du procureur de la République, qui doit être informé dès le début de la garde à vue.
Si le principe de l’habeas corpus n’est pas pleinement assuré, il l’est pourtant eu égard au rôle du magistrat. De plus, la procédure est de plus en plus complexe, pour plus de garanties, mais ce qui peut apparaître parfois gênant, car à un moment le formalisme devient paralysant, à tel point que des procédures doivent être annulées, alors qu’elles ont été globalement bien menées. Ex : loi de 2000 sur la présomption d’innocence, dès la 1ere heure, plusieurs obligations formelles et rigides s’imposent à l’OPJ, ce qui peut apparaître parfois difficile lorsque plusieurs personnes sont placées en même temps en garde à vue et qu’il n’y a qu’un seul OPJ : la procédure est alors facilement viciée. Cette loi a été corrigée en 2002 par la même majorité politique, pour assouplir la procédure prévue. Aujourd’hui, l’OPJ prend la décision, pour une période de 24h renouvelable avec accord du Proc’. Certaines hypothèses voire la nature de l’infraction commandent que la garde à vue soit plus longue : 96h dans le cas du crime organisé, trafic stupéfiants ou terrorisme. Lorsqu’il s’agit de terrorisme, la loi du 23 janvier 2006 permet d’y ajouter 24h, sur décision du juge des libertés, renouvelable une fois.
Quand une personne est placée en garde à vue, l’OPJ doit lui expliquer la nature de l’infraction dont elle est soupçonnée, parfois il faut un interprète, il faut également l’informer du droit de consulter un médecin, un avocat, ou toute personne de son choix et de ne pas répondre aux question (la loi sur la présomption d’innocence plaçait ce droit comme première information à donner, aujourd’hui, il s’agit d’une parmi d’autres). La question de la présence de l’avocat est un vieux débat : la personne placée en garde à vue par un OPJ est présumée innocente, elle doit pouvoir se défendre. Ceci est parfois discuté, car cela peut avoir des inconvénients pratiques : souvent il n’y en pas, il s’agit même d’ une garantie pour l’OPJ, car l’avocat est témoin du respect de la procédure. Cependant, dans des affaires difficiles, il permet de gagner du temps : effet dilatoire, voir problèmes d’ avocats véreux, plus ou moins complices, qui risquent de prévenir le reste de la bande : il en existe, donc risque plus grand. D’où l’hésitation du législateur : finalement, sa présence est de droit dès la première heure, il s’entretient pendant au plus une demi heure avec son client. Mais dans les affaires avec criminalité organise, c’est uniquement à partir de la 48ème heure et pour les cas de trafics de stupéfiants et de terrorisme, seulement à partir de la 72ème heure.
A l’issue de la garde à vue, l’OPJ doit proposer au procureur de saisir un juge d’instruction ou de remettre l’individu en liberté.
- 4 : Les contrôles d’identité
Rien dans le CPP pendant longtemps : un arrêt de Cour de cassation en 1973, puis un seul art. dans les 1980’s, aujourd’hui très réglementé : art. 78 et s. du CPP.
A) Les cas dans lesquels peuvent être opérés des contrôles d’identité
Avant 1981, on admettait qu’ils pouvaient être opérés dans le cadre d’opération de police judiciaire : il faut contrôler l’identité pour savoir si les personnes sont celles recherchées.
Plus problématique, contrôle dans le cadre d’opération de police administrative : Ch.crim l’a admis en 1973 si aucune rétention de la personne, qu’elle en présente ou pas. Surtout qu’ à partir de 1968 les contrôles de police administrative se sont multipliés à titre préventif pour éviter les affrontements, et on les retenait, ce qui apparaissait irrégulier.
– Aujourd’hui, au fil des textes qui se sont multipliés, les contrôles sont possibles dans le cadre d’opération de PJ (art 78 CPP) : possibles pour toute personne à l’encontre de laquelle il existe une raison plausible de soupçonner qu’elle a commis ou tenter de commettre une infraction, qu’elle en ait été témoin, ou qu’elle soit recherchée. Deuxième hypothèse : dans le cadre d’opérations de PJ, prévues plus tard : sur réquisition écrite du Proc’, faisant allusion à des infractions précises, les OPJ et sous leurs ordres les APJ, peuvent procéder à des contrôles dans des lieux et pour des périodes déterminées. Donc intervention d’un magistrat, encadrée (lieu et infraction précisés). Mais si à l’occasion on découvre les auteurs d’autres infractions, la procédure reste valable.
– Les contrôles dans le cadre d’opérations de police administrative sont plus discutés dans leurs principes : peut-on procéder à des contrôles à titre préventif ? La loi Sécurité-liberté de1981 les permettait, qualifiée par la gauche de liberticide. Elle devait être abrogée, ce qui ne fut pas le cas : elle ne fût que modifiée en 1983 et encore après, le fond reste le même. On distingue Deux types de contrôles, différents quant à leurs objectifs et leurs modalités :
o En général, l’identité de toute personne, quelque soit son comportement, peut être contrôlée pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens. Ceci répond à une jurisprudence de Cour de cassation qui s’attachait au comportement, or difficile à identifier. CC, 5 août 1993 : réserve d’interprétation du CC –> de tels contrôles ne peuvent être généralisés car discriminatoires : les OPJ doivent justifier les raisons, les circonstances qui les ont motivés. La question des risques d’abus a souvent été posée : cependant, il y a peu de risques qu’elle l’OPJ ne le fasse pour le plaisir, car cela prend du temps et mobilise du personnel : contrainte lourde, donc on n’y procède de toute manière que pour de bonnes raisons.
o Deuxième type de contrôles, en liaison avec les conséquences des accords de Schengen, plusieurs frontières françaises ne sont plus vraiment des frontières, cependant il peut y avoir des contrôles ponctuels, mais pas qu’à la frontière, au contraire, d’où la qualification de certaines « zones frontalières », où l’on peut procéder à des contrôles sans avoir à les justifier. Zone de 20 km à compter des frontières terrestre de la France avec Etat ayant ratifié la convention de Schengen : zones portuaires et aéroportuaires, toute portion d’autoroute de 50 km à compter des frontières qui permettent de pénétrer en France, dans les trains internationaux… un certain nombre de lieux qui sont frontaliers ou lieux de transit, et des dispositions plus précises encore concernant la Guyane.
Cependant, il n’existe pas de dispositions spécifiques au sujet des ressortissants étrangers non communautaires même s’ils sont tenus d’avoir avec eux les documents qui permettent leur séjour, ils ne peuvent être contrôlés que dans les cas classiques prédéfinis.
B) Les garanties données aux administrés dans le cadre des contrôles
Ces contrôles ne peuvent être pratiqués qu’à l’initiative et sous le contrôle d’un OPJ, lui-même placé sous le contrôle du Proc’. La personne qui fait l’objet d’un contrôle peut prouver immédiatement son identité par tout moyen. Seulement quand elle ne peut le faire de façon acceptable l’OPJ peut la faire venir dans ses locaux, mesure de rétention limitée au temps de la vérification, qui ne peut excéder 4 heures. La personne peut prévenir sa famille et toute personne de son choix, pouvant l’aider à fournir la preuve de sont identité. Le PV doit être précis et rédigé : il sera détruit s’il ne débouche sur rien. Quand il s’agit d’un mineur, le Proc’ doit être immédiatement averti.
Le Conseil constitutionnel, saisi de la constitutionnalité de ces contrôles, en l’absence de soupçons, les a déclarés conforme à la Constitution, car nécessaires au maintien de l’ordre public de la sécurité des personnes et des biens, et en raison des garanties effectives données par le législateur, d’où plusieurs réserves d’interprétation.
C) Les fouilles
Ceci peut avoir des sens différents : la fouille à corps ne peut être pratiquée qu’a la demande d’un juge du siège, car elle est assimilée à une perquisition. En revanche, CA Aix-en-Provence, 1978, confirmé par Cour de cassation en 1988 : on distingue de la fouille les « palpations sommaires », pour éviter des dangers résultant du port d’arme quand la personne est interpellée.
Question au sujet des fouilles de véhicules, se trouvant sur la voie publique : il ne sont pas considérés comme des domiciles, sauf s’ils sont spécialement aménagés à cet effet. Le législateur souhaite cette possibilité de fouilles. La Loi du 12/01/1977, permet de le faire, de façon large : CC, 1977, Fouille des véhicules : la loi est déclarée non conforme à la Constitution car sa finalité n’est pas suffisamment déterminée, de même que les personnes susceptibles d’y procéder. Ex : une décision qui admet x procédure, a condition que le législateur définisse en termes précis les modalités d’application. Nouvelle décision sur nouvelle loi du 18/01/1995 qui permettait au préfet d’autoriser ces fouilles dans des périodes précédant des manifestations et dans les lieux avoisinants. Le Conseil constitutionnel déclare à nouveau la loi non conforme, car l’autorisation doit être donné par l’autorité judiciaire : on reproche de donner compétence à l’autorité préfectorale, administrative, et non à celle judiciaire, gardienne de la liberté individuelle. Le législateur en tient compte dans les lois de 2001, de 2003, et d’autres, qui prévoient la possibilité de fouiller de véhicules, parallèlement à des contrôles d’identité, prévus depuis 2001, dans des cas de délinquance organisée et terrorisme.
– le Proc’ dans ce domaine de délinquance organisée et de terrorisme peut prendre des réquisitions écrites demandant des fouilles de véhicules pour une période de 24 heures, renouvelables.
– les OPJ peuvent pratiquer des contrôles d’identité et des fouilles de véhicules quand il y a des raisons de penser que les occupants du véhicule sont auteurs et complices de crimes et délits flagrants.
– les OPJ peuvent pratiquer de telles fouilles pour prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens. Ils ne peuvent y procéder qu’avec l’accord du conducteur, ou sur instruction du proc’, qui peut les donner par tout moyens. Mais ne peut être immobilisé que 30 minutes en attendant.
Evolutions constantes de ce droit, justifié par le développement du terrorisme notamment, correspondant à une demande de sécurité de la société.
- 5 : Le droit à la sécurité
La loi du 15 novembre 2001, relative à la sécurité quotidienne semble avoir posé un principe nouveau, « la sécurité est un droit fondamental ». Cet article 1 ajoute qu’elle est une condition à la liberté et à l’égalité, et un devoir pour l’Etat. Affirmation qui renvoie à de vieilles oppositions politiques, entre sécurité et liberté. Opposition entre Hobbes (sécurité) et Locke (libéral, entre conservateur et progressiste), entre droite (accusée de dérive sécuritaire) et gauche (accusée d’être utopiste).
Jusqu’à récemment, sentiment que la droite se préoccupait plus des questions de sécurité, alors que gauche y était plus hostile. Evolutions : avant 2001, Jospin, Premier ministre, parlait d’un droit à la sécurité qui doit être respecté, car condition du respect à l’égalité, donc encore plus important pour les personnes modestes, qui en sont plus victimes. Avec la loi de 2001, convergence des autorités politiques.
Juridiquement, plus complexe : pas d’opposition sécurité et liberté. Le seul droit fondamental qui existait traditionnellement était le droit à la sûreté, qui renvoyait à l’habeas corpus, au XVIIIe s. , aux garanties des personnes qui sont objet d’une procédure judiciaire, contre l’Etat, même si la liberté peut être limitée.
Le droit à la sécurité ne se trouve pas sous le même forme constitutionnelle mais ces droits ne sont pas opposés, même si leur origine étymologique diffère, leur objectif est globalement identique : pour Montesquieu, le droit à la sûreté est le droit à une sorte de tranquillité d’esprit par rapport à l’Etat, proche de la tranquillité par rapport aux des personnes privées visées par le droit à la sécurité.
La sécurité pèse sur les employeurs par rapport aux salariés, sur les industriels par rapport aux consommateurs, sur les commerçants : cela existe depuis longtemps.
Donc il ne s’agirait ici que d’une proclamation claire du droit à la sécurité. Pour autant, s’agit-il réellement d’un droit fondamental ? Il a uniquement valeur législative, à l’opposition du droit à la sûreté. En outre, c’est un droit qui est peut être plus un objectif qu’un droit stricto sensu, de valeur législative, car pour être effectif, faute des moyens matériels, humains nécessaires, et que l’on reconnaisse des droits aux victimes d’insécurités, car à une époque après une agression, on énonçait les droits de l’auteur et la victime devait se débrouiller.
Section 3 : La protection de la vie privée
La notion de vie privée s’est dégagée et étendue progressivement dans l’ordre juridique : plusieurs éléments sont très anciens (inviolabilité du domicile et des correspondances), mais elle est restée figée dans d’autres plans dans le domaine extra juridique, tant que les moyens d’intrusion ne se sont pas développés.
Longtemps, la protection de la vie privée était privée de valeur constitutionnelle : dégagée en premier aux USA, avant l’Europe, puis par l’art.8 de la DUDH de 1950 qui prévoit la protection de la vie privée et familiale.
- 1 : La vie privée stricto sensu
A l’origine de cette protection, on trouve, ce qui est rare, une jurisprudence judiciaire : les juges civils, sans textes spéciaux, ont commencé à la protéger quand cela est devenu nécessaire, à partir de 1960, par l’utilisation de l’art 1382 du Code civil. En portant atteinte à la vie privée, on causait un préjudice à réparer. A partir de 1970, intervention du législateur, pour donner une base plus solide et prévoir des dispositions pénales que le juge ne pouvait créer. Après on l’a rattachée à la notion de liberté individuelle, puis après CC, 23 juillet 1979 : elle est rattachée à la liberté proclamée à l’art 2 de DDHC.
- A) Les éléments constitutifs de la vie privée
C’est la jurisprudence qui a du les définir, fixés depuis longtemps : identité de la pers, son droit à maintenir un certain secret sur ses habitudes (affaire Jean Ferrat, le chanteur avait fait des révélations avant d’être connu, donc importuné une fois connu, jurisprudence rappelle que l’on peut garder secret des éléments de vie privés, les médias ne pouvaient rappeler ce qu’il avait dit plus tôt quant à son domicile etc.).
Intimité du foyer, l’affaire Brigitte Bardot a inauguré cette jurisprudence.
Les questions de la santé : CA Paris, 1965 et Cass.civ, 12 juillet 1975 : affaire Gérard Philippe, se proclame explicitement en la matière, affaire qui avait choqué : l’acteur avait été hospitalisé, des journalistes s’étaient introduits, avait pris des photos. Cette intrusion avait choqué l’opinion.
Enfin, incluse la vie conjugale et sentimentale : CA Paris, 1970 , au sujet d’Antoine.
Inclut-elle le secret du patrimoine des personnes ? Beaucoup de décisions judiciaires sur ce point. Il faut nuancer : le montant du patrimoine d’une personne n’est pas un élément de sa vie privée, à l’inverse de la révélation de certains détails relatifs au patrimoine qui peuvent être une atteinte à la vie privée. Exemple : dire que X possède des voitures immatriculées tant, de couleurs tant et de marque tant, autant d’éléments en rapport avec le mode de vie et donc la vie privée.
B) Qui protège-t-on ?
Quelles sont les limites de la protection de la vie privée qui doit être égale pour tous ? Il existe des limites concernant les vedettes de l’art et du spectacle : ces personnes se prêtent parfois volontiers à des révélations qu’elles suscitent pour ensuite s’en plaindre. La jurisprudence n’a pas voulu aller très loin dans ce sens : dans la réalité, elles risquent réellement des atteintes à leur vie privée. Si la jurisprudence fait parfois preuve d’indulgence vis à vis des médias, elle souligne qu’il appartient à chacun de savoir à qui, à quel moment, et sous quelle forme on fait des révélations : on ne peut se livrer à des révélations à un moment ne convenant pas à l’intéressé.
Cas également des personnes mêlées de quelque façon que ce soit à une affaire judiciaire : la vie privée de l’entourage de certains mis en examen est étalé au grand jour sans réserve aucune par les médias. Il est difficile à s’opposer à cela dans la mesure où la justice est rendue au nom du peuple, la matière représente une source d’intérêt majeure pour les médias. La jurisprudence a préféré mettre l’accent sur la protection de la présomption d’innocence que sur le respect de la vie privée : on ne peut pas revenir sur de vieilles affaires judiciaires, sauf si l’intéressé le fait de lui-même –> Cass, civ, 13 février 1985, Affaire Mesrine : la compagne de Mesrine avait vu des médias revenir sur sa vie privée, la Cour de cassation lui a octroyé un droit à l’oubli, droit qui n’est pas absolu : Cass, civ, 20 novembre 1990 dans le cadre d’un livre d’histoire, on peut revenir sur une affaire judiciaire, à condition de ne pas avoir l’intention de nuire aux personnes citées.
Une autre catégorie est susceptible d’un traitement particulier : les personnalités politiques. Il y a une opposition marquée entre les USA et l’Europe, certains pays dont la France. Dans les démocraties libérales, il y avait une sorte d’accord tacite pour distinguer le public du privé pour ne pas évoquer la vie privée des personnalités politiques. Changement récent aux USA : 1987, affaire Gary Hart –> candidat crédible à la présidence des USA qui avait mis en avant sa famille, sa femme, ses enfants : certains journalistes avaient lancé sur lui une enquête qui avait révélé qu’il avait une relation extraconjugale : à partir de cette affaire, les médias américains se livrent à des intrusions sans limites dans la vie privée. Il y a très peu de contentieux : TGI Paris, Ord, 14 mai 1985 à propos d’un ouvrage sur VGE qui parlait de sa vie privée. Le juge des référés a jugé que ces intrusions étaient inacceptables et que l’intéressé avait le droit au respect de sa vie privée. Il s’agit d’une opposition d’attitude : du côté français, il y a une attitude de respect égale, depuis 1965, la Cour suprême accepte l’ingérence dans la vie privée des personnalités politiques dès lors qu’il existe un intérêt en cause. Depuis l’affaire du Watergate, les médias américains considèrent qu’ils ont un devoir d’investigation : de cette enquête concernant une affaire publique, on est passé à des enquêtes relevant du domaine privé. Il y aurait une sorte de conjonction entre deux mouvements aux USA : les fondamentalistes estimant que la vérité est nécessaire et le mouvement féministe qui aurait voulu mettre en valeur l’hypocrisie de certaines personnalités. Un élément plus culturel : il y aurait aux USA des liens entre cette attitude et une vision religieuse de la vie découlant plus ou moins du protestantisme, on chercherait à savoir si cette personne est prédestinée ou non à une dimension nationale. Il faut se demander s’il n’y a pas une évolution en Europe, la CEDH s’aligne en quelque sorte sur la jurisprudence des USA.
Affaire Gubler « Le grand secret » : faux bulletins de santé de Mitterrand. Le médecin personnel du président était au courant de tout, il a publié son livre dans lequel il faisait état de toute l’évolution de la maladie de Mitterrand, aux conversations entre médecins, etc. La famille Mitterrand a saisi le juge des référés qui a ordonné la suspension de la diffusion de l’ouvrage, confirmé par Cass.Civ, 16 juillet 1997. La chambre civile a confirmé le fait que l’on pouvait interdire l’ouvrage et condamner l’ouvrage à des dommages-intérêts (Cass, civ, 1999), le Dr.Gubler a été radié par le conseil de l’ordre, confirmé par le Conseil d’Etat. Condamnation pénale pour violation du secret médical. Cependant, la question reste posée de savoir si le président de la République a un statut particulier dans la protection de sa vie privée : le TGI a expliqué qu’il suffisait d’expliquer qu’en l’état actuel du droit politique, rien n’autorise un médecin à se placer en garant des institutions ou témoin de l’histoire. On peut écarter l’atteinte à la vie privée : la Cour de cassation estimant que la protection de la vie privée prenait fin au décès de l’intéressé, en revanche atteinte au secret médical qui a une portée générale et absolue : il protège tout ce que la médecin a pu être amené à connaître. Si ce secret est général et absolu, c’est parce qu’il en va de sa crédibilité, les patients ne faisant confiance à leur médecin que parce qu’ils savent que leur médecin est tenu au secret. CEDH, 18 mai 2004, Plon c/ France : la CEDH a condamné la France, la cour ne critique pas la protection que le droit français assure en matière de secret médical. La cour se situe sur un autre terrain : la cour rappelle l’importance qu’elle accorde à l’art.10 de la Conv.EDH, caractère essentiel quand un intérêt public est en cause : dans un premier temps, il était légitime que le juge des référés ordonne la suspension de l’ouvrage pour respecter la douleur de la famille, au moment où le juge s’est prononcé au fond, il n’y avait plus de raisons de maintenir l’interdiction. Ainsi, il fallait faire prévaloir la liberté d’expression d’autant plus que le contenu du public était connu du public en fait : 40.000 exemplaires avait été vendus, des extraits avaient été publiés, il n’y avait plus lieu de s’opposer à sa diffusion. L’arrêt de la CEDH fait prévaloir la liberté d’expression sans pour autant la fonder sur la transparence relative aux questions de santé ou sur l’intérêt publique des révélations faites. L’arrêt peut apparaître dangereux dans la mesure où il incite les auteurs de violation du secret médical à organiser la violation dudit secret : diffusion d’extraits, sites Internet. On peut regretter que la Cour n’accorde que si peu d’importance à la protection du secret médical en tant que tel : elle reprend les arguments des juges français et ne les critiques pas. Le secret médical est moins bien protégé. La CEDH se prononçant hors champ du secret médical, d’autres secrets professionnels pourraient être l’objet de violations.
D) Les moyens d’assurer la protection de la vie privée
On peut penser aux moyens relevant du droit pénal, permettant d’assurer la protection du droit à l’image, le secret de certaines conversations. L’art 224-1 du C.pén punit le fait de vouloir porter volontairement atteinte à l’intimité de la vie privée, en enregistrant, transmettant, captant, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel sans l’accord de leurs auteurs. La protection pénale de la vie privée est très restreinte. Elle est pour l’essentiel une protection civile : art.9 C.civ et indirectement par l’art.809 du NCPC qui donne au juge des référés des pouvoirs étendus pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Les juges civils ont les pouvoirs les plus étendus pour prévenir, mettre fin ou réparer les atteintes à l’intimité de la vie privée. Les juges peuvent agir en référé, interdire la parution d’un ouvrage, interdire d’une émission, suspendre la diffusion, noircir une image et condamner à des dommages-intérêts.
Les dommages-intérêts sont et devraient être symboliques : cependant, s’ils n’étaient que symboliques, ils n’auraient aucun effet dissuasif. Les juges ont donc condamné parfois à des dommages-intérêts élevés afin de dissuader les auteurs d’intrusions. Les victimes s’enrichissent sans cause, reçoivent des sommes d’argent disproportionnées avec le préjudice subi : certains reçoivent annuellement des sommes supérieures au salaire annuel d’un cadre supérieur. Solution : soit pénaliser la matière et soumettre à l’amende ou prévoir le versement des sommes condamnées au profit d’un fonds ou de groupements ayant un but d’intérêt général. Les atteintes à la vie privée sont susceptibles de se multiplier avec les contrôles existants dans la société : le Conseil constitutionnel avait admis les vidéos surveillances dès 1995 car prenant d’images dans les lieux publics. La loi 2006 relative au terrorisme permet aussi la collecte d’information portant sur les immatriculations de véhicules circulant sur toutes les voies en France, captées par des appareils photographiant la plaque d’immatriculation et le conducteur du véhicule : permettrait d’identifier divers malfaisants. Finalités de police judiciaire et de police administrative, placées sous le contrôle des autorités judiciaires, l’enregistrement sera détruit si le recoupement automatiquement opéré n’aboutit pas. CC, 19 janvier 2006 : le Conseil constitutionnel admet que ces opérations portent atteinte à la vie privée pour des nécessités d’ordre public (deux principes à valeur constitutionnelle), le Conseil constitutionnel réaffirme le pouvoir discrétionnaire du législateur à condition que celui-ci respecte un certain nombre de principes et de procédures : le législateur a donné des garanties précises et des recours sont possibles.
- 2 : L’image et son utilisation
L’utilisation de l’image dans les sociétés contemporaines pose de multiples problèmes eu égard aux diverses libertés et droits fondamentaux. L’image a des liens avec le droit à l’information, la liberté d’expression, la liberté individuelle… L’image est de plus en plus utilisée comme support des informations : elles sont d’une qualité de plus en plus bonne, elle sont dotées d’une force de conviction : elles servent légitimement de support, ce support pouvant être dangereux car l’image peut être trompeuse –> une image tirée de son contexte peut servir d’instrument de propagande et justifier des commentaires mensongers.
L’utilisation de l’image et le droit à l’image ont des liens avec beaucoup de droits. Très fort au civil mais également au pénal.
A) Les principes de base
Ils sont fondés sur une distinction lieu public/lieu privé : il est à priori légal de capter des images dans un lieu public, avec la réserve de ne pas prendre des images dans le but de nuire : CA Paris, 24 mars 1965, Affaire de la tour de Pise –> touristes français bizarrement accoutrées, reproduite dans une revue française, action contre l’éditeur. La cour estime que la photo a été prise de manière licite, car prise dans un lieu public, les personnes ne se sont pas opposées à ce qu’on les photographies, la photo n’a pas été retouchée et que les personnes ne se trouvaient pas momentanément et contre leur gré dans une situation ridicule : choix dans l’habillement et dans le comportement. CC, 18 janvier 1995 : le Conseil constitutionnel admet la vidéo surveillance sur la voie publique dès lors que les caméras ne filment que ce qui se passe dans les lieux publics, sans viser les halls d’immeubles, ce qui se passe dans les entrées d’immeubles : commission + garanties pour les personnes filmées qui disposent de recours. La loi de 2006 respecte également ces principes, ce que le Conseil constitutionnel a reconnu. Est punissable (art.226-1 C.pén) le fait de porter atteinte à la vie privée d’autrui en captant, par tous moyens,l’image d’une personne dans un lieu privé. Ce qui est licite dans les lieux publics est punissable dans les lieux privés.
B) Les applications par la jurisprudence
La jurisprudence a envisagé trois types d’hypothèses pour essayer de simplifier et présenter clairement.
– même régulièrement prise, une photo peut engager la responsabilité civile de celui qui l’a prise si la photo est utilisée dans un but commercial.
– même régulièrement prise, une photo peut engager la responsabilité civile lorsque l’utilisation de plus en plus croissant d’images d’archives, risque d’abus lorsqu’on utilise l’image pour des commentaire distincts des précédents.
– même régulièrement prise, une photo peut engager la responsabilité civile lorsqu’un petit groupe de personne est isolé est photographié au photo objectif : pas de commentaire désobligeant pour elles.
Les juridictions acceptent facilement les images à l’appui de l’actualité, à condition que la photo n’isole pas certaines d’entre elles et que les commentaires ne soient désobligeants pour personne. Lorsque le lien avec l’actualité est plus indirect, les juges envisagent plus facilement des poursuites en responsabilité civile. Utilisation du floutage lorsque celles-ci sont susceptibles de porter atteinte à la dignité de la personne : interdiction de reproduire les images d’un crime ou d’un délit (quasiment jamais respectée) –> susceptible de poursuites. La CEDH et les juridictions françaises ont estimé que cette disposition violait l’art.10 de la Conv.EDH, un amendement à l’occasion de la discussion de la loi du 15 juin 2000 sur la protection d’innocence a suscité un tollé de certains médias : la loi prévoyait l’interdiction de reproduire des images susceptibles de porter gravement atteinte à la dignité des victimes –> Cass.civ, 20 décembre 2000, Erignac : la cour statuait sur l’art 9 du C.civ et anticipait sur le changement de droit, elle a estimé que la reproduction du corps du préfet juste après son assassinat portait atteinte à sa dignité. TGI Nanterre, 26 février 2003 : accident du Pic de Bur dans les hautes alpes, photos du lieu de l’accident par hélico représentant les corps identifiables mais déchiquetés, ensanglantés, éviscérés (non pas là, quand même) des victimes : pas nécessaire à l’information.
La caricature a pour but de ridiculiser les personnes et de porter atteinte à sa liberté : la tradition française est très protectrice de la caricature –> il s’agit surtout de caricatures de personnalités politiques, il n’y a quasiment jamais de contentieux car ces personnalités ne souhaitent pas être taxés de censeurs. CA Paris, 22 novembre 1984 : à propos de bébête show, Le Pen avait été représenté sous les traits de Frankenpen parlant avec un accent germanique avec un casque à pointe, excessif donc il a été représenté sous les traits de Pencassine. CA, Paris, 1987 : divorce de Le Pen, son épouse avait posé nu pour un magazine qui avait reproduit sa photo et Le Pen avait été pris à poil de dos au téléobjectif : photo illicite car volonté répétée de déconsidérer, dénigrer –> cette reproduction de photo portait largement sur des éléments portant sur l’intimité de la vie privée des personnes. Il est probable que la CA de Paris ait voulu montrer qu’on pouvait caricaturer, critiquer sévèrement des personnalités politiques mais ne pas porter atteinte à des éléments de la vie privée pour alimenter la critique.
Pose problème également la reproduction d’images de biens, de sites faisant l’objet d’une appropriation privée. Le droit à l’image a alors un lien avec le droit de propriété : poursuites civiles intentées par les propriétaires ou les architectes qui estimaient qu’en reproduisant ces images l’on portait atteinte à leur droit de propriété ou leur droits d’auteurs. La jurisprudence l’a admis dans plusieurs espèces, émoi des photographes et éditeurs estimant que l’on ne pourrait plus rien reproduire : une évolution s’est produite –> en se fondant sur la liberté de l’information pouvant limiter la portée du droit de propriété et des droits d’auteur : les propriétaires devront prouver en quoi l’exploitation de la photo porte un trouble certain à leur droit d’usage ou de jouissance. Le comité de tourisme de la région Bretagne avait publié une photo représentant une maison, les propriétaires de la maison avait demandé réparation de la reproduction de la photo : la juridiction a jugé que la simple diffusion de la photo ne leur portait pas préjudice, ils auraient du prouver leur préjudice. Cass.civ, 15 mars 2005 : à propos de l’aménagement de la place des Terreaux à Lyon en 1994. Les auteurs et éditeurs de cartes postales avaient fait l’objet de poursuites de la part des architectes : la cour juge que l’œuvre des architectes est un simple élément de la place et ne peut interdire la libre reproduction de la place.
- 3 : La protection du domicile
Il constitue un lieu privé, la protection du domicile correspond à un droit fondamental. A la condition de ne pas troubler l’ordre public ou la sérénité d’autrui, on peut faire ce que l’on veut chez soi. CC, 29 décembre 1983 et CC, 27 décembre 1990 : le Conseil constitutionnel voit dans l’inviolabilité du domicile un principe constitutionnel. Actuellement il y a deux articles du code pénal : constitue un délit l’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui sans le consentement d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes : art 432-8 –> constitue un délit puni plus sévèrement le fait pour une personne dépositaire de prérogatives de puissance publique ou d’une mission de service public de s’introduire dans le domicile d’autrui contre son gré.
Définition large de la notion de domicile, qu’il s’agisse d’un local d’habitation ou local à usage commercial ou professionnel : il n’est pas seulement le lieu où une personne a son principal établissement, mais encore le lieu où qu’elle y habite ou non elle a le droit de se dire chez elle quel que soit le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux. Cette définition englobe la résidence secondaire, ses dépendances, un véhicule spécialement aménagé à cet effet. La chambre prêtée à quelqu’un peut être considéré comme un domicile : Cass.crim, 23 mai 1995 : le terrain clôt et surveillé servant d’essai à des véhicules automobiles est considéré comme un domicile (condamnation des photographes qui ont pris des photos des prototypes). Jurisprudence à propos d’une chambre d’hôtel ou d’une chambre d’hôpital considérées comme un domicile sous réserve des usages appropriés à l’une et l’autre (femmes de ménage, infirmière).
En ce qui concerne les perquisitions, le juge judiciaire vérifie leur finalités, l’autorité ayant pris la décision, le respect de la procédure et les contrôles et recours possibles. Certaines personnes sont plus protégées : médecins et avocats, la perquisition doit être effectuée par un magistrat et un représentant du Conseil de l’Ordre. Des lois récentes ont accrû les possibilités de perquisition CC, 2 mars 2004, Loi Perben : le Conseil constitutionnel a admis des perquisitions plus étendues lorsqu’on se trouve en présence d’un réseau de criminalité organisée, cependant il revenait au JLD de prendre la décision, le législateur avait déterminé les cas où ce type de perquisition était possible, la procédure envisagée. Le Conseil constitutionnel relève que le la loi a prévu un contrôle des autorités judiciaires, qu’il enjoint de procéder à ce contrôle. Le Conseil constitutionnel rejoint la CEDH qui a aussi été rejointe par la CJCE : conception large de domicile, à la fois de personnes physiques et de personnes morales, exigence de garanties et de proportionnalité en cas d’ingérence.
- 4 : Le secret de la correspondance
L’inviolabilité des correspondances est un principe à valeur constitutionnelle relié à la protection de la vie privée. Il s’agit d’un principe séculaire : le code pénal protégeait déjà depuis les XIXe s. les individus contre la violation de la correspondance. La jurisprudence en a donné une lecture large : codification de cette jurisprudence :
– art.226-15 du C.pén la personne qui, de mauvaise foi ouvre, supprime, retarde…des correspondances ou d’en prendre frauduleusement connaissance.
– art 432-9 du C.pén : punit plus sévèrement le fait pour une personne chargée de prérogatives de puissance publique…d’ordonner le détournement, suppression de correspondance etc.
Le juge d’instruction peut ordonner l’ouverture de correspondance, celle des détenus est surveillée pour des sécurité. Cependant, il existe des exceptions à cette surveillance : libre correspondance avec les avocats : Cass.civ, 4 février 2003 : les correspondances entre avocats sont totalement couvertes par le secret professionnel, de même que les correspondances détenus/avocats. De même secret pour les correspondances adressées aux magistrats, assistants sociaux, aumôniers de la prison. Il y a peu de contentieux dans ces hypothèses, le problème se pose dans le cadre des familles, parfois dans les couples en instance de divorce. L’abus serait constitué de prendre connaissance frauduleusement de correspondances du conjoint, les juges statuent au cas par cas. Les correspondances écrites sont ainsi protégées de manière très satisfaisante. Ce qui a évolué c’est la protection des correspondances téléphoniques qui sont protégées par un principe de secret : art.226-15 et 432-9 assurent la protection des correspondances téléphoniques. La protection est la même depuis assez longtemps, la difficulté étant liée à des questions techniques : on peut assez facilement prouver une violation de correspondance écrite, moins que pour une écoute téléphonique. La France a été condamné par la CEDH : CEDH, 27 octobre 1990 : Crusselin c/ France –> la cour a reproché à la France de n’avoir pas donné de garanties suffisantes et de recours suffisants aux personnes se plaignant d’écoutes. L’arrêt de la CEDH rappelle les obligations de la France et a contraint le législateur à intervenir : L.10 juillet 1991 –> art.1 rappelle le principe du secret des correspondances téléphoniques, exception concernant les écoutes judiciaires et certaines écoutes administratives « interception de sécurité ». La contestation portait sur le principe même d’écoute administrative. La loi exclu indirectement les écoutes politiques qui sont devenues illicites dans leur principe, elle admet dans son art.3 les écoutes ayant pour objet de rechercher des renseignements concernant sécurité nationale, sauvegarde du patrimoine scientifique, la prévention du terrorisme et de criminalité organisée –> finalités relativement précises. Ordre donné par le Premier ministre ou les personnes auxquelles il a délégué sa signature. Le demande d’interception est soit le faite du ministre de l’intérieur ou de la défense, ou bien la personne à laquelle il délègue son pouvoir. L’exécution est confiée au ministre chargé des communications. La loi de 1991 met en place une AAI comportant un président désigné par le Président de la République sur proposition du vice-président du Conseil d’Etat et du premier président de la Cour de cassation. Egalement un député et un sénateur. Cette AAI dispose d’un droit d’accès dans les locaux où les interceptions sont réalisées, l’autorité attire l’attention des pouvoirs publics sur la procédure, rapport public. Relative discrétion de ces écoutes : espionnage, cependant garanties certaines faisant l’objet d’un relatif consensus pour le moment, même si trois types de difficultés subsistes :
– écoutes sauvages sans respect des procédures : environ quelques dizaines de milliers d’écoutes illicites pratiquées peut être par certains services officiels mais aussi par des personnes privées.
Ecoutes élyséennes pratiquées à la demande de Mitterrand entre 1983 et 1986 par la cellule du préfet Prouteau qui siégeait à l’Elysée : environ 150 écoutes pratiquées par les responsables de cette cellule. La cour de cassation a estimé en 1997 que l’on pouvait étendre au sujet de ces écoutes la jurisprudence en matière d’abus de biens sociaux : la prescription ne commence à courir qu’au moment où les victimes n’aient connaissance de ces écoutes. Le tribunal correctionnel a statué le 9 novembre 2005 et a condamné six des douze prévenus à des peines pour l’essentiel amnistiées. Le tribunal a relevé que la véritable responsabilité incombait au président Mitterrand.
– certains types de communication, même obéissant au principe du secret ne sont pas contrôlées : communications électronique. Cyber-surveillance opérée à l’encontre des salariés et des agents publics : de plus en plus de personnes ont accès à des moyens informatiques qui en disposent. Il convient de concilier le respect du droit au respect de la vie privée et de la correspondance du salarié, ainsi que les droits de l’employeur quant à la réputation de l’entreprise : CE, 15 octobre 2003, Odent –> le Conseil d’Etat a estimé qu’était fautive l’utilisation d’une messagerie professionnel à des fins personnelles, était mise en cause la neutralité et la laïcité de l’administration. On peut également évoquer les intérêts financiers de l’employeur car l’employé lorsqu’il envoie ou reçoit des messages ne travaille pas pour l’entreprise : la jurisprudence a hésité, puis a estimé qu’une surveillance de l’employeur est possible à certaines conditions : l’employeur doit informer préalablement de la surveillance et de ses modalités. Il est conseillé de mettre en place des chartes informatiques. Lorsque sont collectées des données nominatives, il convient de respecter la loi informatique et libertés dont la porté est très large.
– les autres types d’écoutes, non prévues par la loi et ne correspondant pas à des communications ou à des correspondances : sonoriser un appartement pour pouvoir écouter de loin ce qui s’y dit –> un juge d’instruction avait ordonné aux services de police de sonoriser un lieu pour obtenir des informations. CEDH, 31 mai 2005 Wetter c/France : la CEDH a condamné la France pour cette sonorisation opérée par le juge, le fondement du pouvoir du juge était trop imprécis : faut-il faire confiance au juge parce qu’il est magistrat du siège et parce qu’il agit dans le cadre d’une enquête judiciaire ou faut-il instaurer un certain formalisme et jusqu’où ?
- 5 : Informatique, fichiers et libertés
Trois mots reliés par la loi de 1978 qui correspondent à des réalités bien distinctes. Le fichage est extrêmement ancien, l’informatisation des fichiers n’en change pas la nature : le fichier demeure dangereux et l’informatisation donne des possibilités de fichage beaucoup plus étendues que les fichiers manuels. Cependant, l’informatisation permet une plus grande transparence du fichage, une plus grande efficacité, mise en place de protections adéquates. Il y a en revanche un danger spécifique, résultant de la capacité de fichage et d’un à priori d’exactitude. L’informatisation permet une interconnexion très large qui permettrait de savoir à peu près tout sur un individu en croisant les différentes fiches le concernant.
Un projet des années 1970 permettait une interconnexion de la plupart des fichiers : S.A.F.A.R.I. L’émoi provoqué par ce projet a conduit le parlement à voter la loi du 6 janvier 1978, qui est l’une des premières lois à intervenir en la matière, conciliant les progrès informatiques et le respect des libertés. La loi pose un principe de liberté : il est permis d’avoir des fichiers, en revanche on ne peut collecter que des données utiles et on doit dire pourquoi on collecte ces données, pour éviter la mention de renseignements subjectifs, inutiles et dangereux. Certains types de données sont à priori exclues : celles faisant état des convictions des personnes fichées, sauf exception pour les partis politiques, associations cultuelles, etc. Interdiction de collecter des données quant au casier judiciaire, sauf exception (administration de la justice, etc.), interdiction de collecter des informations en matière religieuse, ethnique, etc. De même est exclue toute prise de décision automatique aux seules vues des informations fournies par un fichier informatisé. On reconnaissait dès 1978 un droit d’accès et de rectification des données personnelles. Tout ces principes seraient vain s’ils n’étaient pas effectivement garanties : la législateur avait crée la CNIL, AAI., qui est l’une des premières AAI apparaissant comme une garantie de droits et libertés. Elle a été présenté comme prototype de ce type d’AAI. La CNIL est composée de 17 membres (parlementaires, représentants d’assemblées, hauts magistrats, personnalités qualifiées pour leurs compétences en matière informatique). Toutefois, les principes d’intervention tels que conçus en 1978 reposaient sur une distinction entre les fichiers publics et les fichiers privés. Les fichiers publics étaient en principe soumis à un régime d’autorisation alors que les fichiers privés étaient soumis à un régime d’autorisation. L’action de la CNIL avait été conçue comme une action préventive : elle avait pour objet de faire respecter la loi de manière amiable et diplomatique. Son action était distinguée d’une possible action répressive : la CNIL pouvait saisir le parquet des infractions qu’elle constatait, si nécessaire. L’action de la CNIL s’est révélée utile : elle a obtenu un assez grand nombre de résultats positifs. Son dispositif a donné lieu à une directive européenne du 24 octobre 1995 qui s’en est largement inspiré, cette directive, car donnant globalement moins de garanties que la loi française, a été pendant longtemps ignorée en France.
Directive transposée par la loi du 6 août 2004 modifiant la loi de 1978 et en complique singulièrement la lecture. L’essentiel du dispositif est maintenu, les grands principes restent valables. Cependant, certaines évolutions : le contrôle ne sera plus seulement un contrôle à priori mais aussi à posteriori : la CNIL dispose dorénavant d’un pouvoir de sanctions financières extrêmement lourdes le cas échéant, de même, la CNIL est invitée à saisir la justice lorsque des infractions sont constatées. La distinction principale qui opposait fichiers/publics disparaît au profit d’une distinction entre les fichiers sensibles et les fichiers banaux. Ainsi, on peut informatiser certains fichiers sans formalités préalables : cas dans l’entreprise où il existera un correspondant à la protection des données personnelles au sein de l’entreprise, responsable de l’effectivité de certaines garanties. Il est prévu un système de déclarations plus ou moins simplifiée pour un certain nombre de fichiers énumérés par la CNIL : des fichiers à caractère banal font l’objet d’une simple déclaration auprès de la CNIL, qu’ils soient publics ou privés. Quant aux fichiers sensibles, contenant certains données sensibles (génétiques, biométriques, références à des condamnations, infractions, croisement de données), seront soumis à autorisation par acte règlementaire. Les fichiers de police peuvent être mis en place par décret ou par arrêté après avis de la CNIL qui sera publié mais qui n’a pas force obligatoire. Garantie de la CNIL affaiblie : en 1978, avis conforme de la CNIL sur lequel on ne pouvait passer outre que sur avis conforme du Conseil d’Etat. Le Conseil constitutionnel avait été saisi de cette question de principe : CC, 29 juillet 2004, admet la conformité de la loi à la Constitution car elle ne privait pas de garanties légales les droits fondamentaux.
Question du transfert données informatisées entre états : dans l’état du droit antérieur la CNIL intervenait, aujourd’hui autorisé si l’état bénéficiaire présente des garanties équivalentes à celles de l’Union Européenne –> données transmises par les autorités européennes concernant les passagers se rendant aux USA, transmises aux USA. Egalement, question de l’accès aux données médicales.
Chapitre 3 : La libre disposition de soi
Expression contestée, peu juridique mais correspondant à une utilisation courante et qui signifie que, conformément à la conception juridique libérale, chaque individu est laissé libre de ses choix quant à l’usage qu’il fait de son corps, de sa capacité et de sa personne conformément à ses choix. On rejoint la définition libérale de la liberté de la DDHC, art.4 « la liberté consiste à pouvoir faire tout c qui ne nuit pas à autrui ». Si ce principe qui a valeur constitutionnelle, l’état laïc n’aurait à priori pas grand choses à faire concernant la libre disposition de soi, il n’aurait qu’à intervenir pour assurer une réglementation dans l’intérêt des autres membres de la société. La mise en œuvre de ce principe, qui n’est guère contesté, juridiquement, est moins simple qu’il n’y paraît.
- 1 : La stabilité des principes fondamentaux
Ces principes classiques sont anciens, reliés à l’idée de liberté et à sa définition juridique : il s’agit d’adaptations du principe que l’on trouve dans la Constitution, dans certains PGD, dans le C.civ ou le Code de la santé publique. Principes corollaires de la responsabilité (art.1382 C.civ) et de libre consentement : tout intervention sur le corps d’une personne suppose son libre consentement, ce qui n’exonère personne de sa responsabilité. Ces principes ont été adaptés par le code de déontologie médicale qui adapte périodiquement ce que l’on exige du comportement des médecins : D.6 septembre 1995, 114 articles. Ce code de déontologie médicale définit ce que doivent être les relations entre les patients et les médecins inclus des principes ayant une valeur supérieure. Ce document, s’il contient des dispositions à caractère juridique, contient de nombreuses dispositions éthiques : il fait référence à l’état des sciences, à l’environnement, à ce qui est raisonnable pour le médecin, à la confiance devant exister entre le médecin et son patient. Classiquement, les relations entre le patient et le médecin étaient des relations qui avaient, certes un caractère juridique, mais un caractère humain difficilement intégrable dans un cadre juridique stricte. La confiance a de moins en moins de place dans les relations médecins/patients alors qu’on raisonne de plus en plus en termes de responsabilité. Le législateur est intervenu pour règlementer : loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité de systèmes de santé –> loi longue et compliquée désirant réglementer les relations entres les médecins et les patients. Le droit médical français est ainsi en grande partie un droit législatif, la jurisprudence n’ayant pas toujours été très heureuse en la matière. Le droit médial doit régir des situations très diversifiées, devant faire la part de pressions de divers groupes idéologiques. Les principes sont souvent assortis d’exceptions, suivant certaines demandes sociales. Ainsi, on procède de plus en plus par l’utilisation de procédures d’agréments au profit de certains établissement, équipes ou personnes. Ainsi, on admet des exceptions dangereuses par rapport au principe : on joue dans un certain nombre de domaines aux apprentis sorciers.
- 2 : L’apport des lois bioéthiques
Des questions nouvelles se sont posées depuis une vingtaine d’années : on a estimé que les grands principes juridiques n’étaient pas suffisants pour satisfaire certaines demandes ou certains besoins. Mise en place du comité consultatif national d’éthique en 1983, comprenant des personnalités diverses : majorité de scientifiques et de médecins, d’autres personnalités qualifiées et des représentants des grandes familles religieuses. Cet organisme rend des avis, permettant de préparer l’action du législateur et du gouvernement. Il y a eu beaucoup d’études, de rapports parlementaires, puis ont été présentés trois projets de loi au conseil des ministres en 1992. Ces projets de loi avaient été adoptés en première lecture à l’Assemblée nationale avant les élections de 1993. Balladur avait demandé un rapport au Professeur Mattei : conseille de ne pas abandonner la procédure et procéder à des aménagements du texte. Ainsi, ont été votées les lois du 29 juillet 1994. Ce travail parlementaire a eu le mérite d’aboutir au vote de lois qui, si elles n’ont pas fait l’objet d’un consensus, ont permis une certaine stabilité. Les dispositions de ces lois ont été insérées aux art.16 et 16-1 à 16-9 du Code civil : primauté de la personne, interdiction à toute atteinte à la dignité de la personne, respect de l’être humain dès le commencement de la vie (art.16 du C.civ).
S’agissant du statut du corps humain, il doit être respecté, il doit être inviolable sauf nécessité thérapeutique avec libre consentement de l’intéressé. Absence de patrimonialité du corps humain : les dons sont gratuits et doivent être effectués dans le respect de l’anonymat du donneur et du receveur. On prévoit le respect de la personne humaine : prohibe l’eugénisme et toute transformation génétique ayant pour objet de modifier la descendance. Ces grands principes n’ont que valeur législative, même si l’on a pu espérer que le Conseil constitutionnel allait les hisser à un rang supérieur : CC, 27 février 1994, Lois bioéthiques –> décevant car certains parlementaires avaient vu des violations de principes constitutionnels, le Conseil constitutionnel a rejeté les requêtes sans véritablement les discuter au fond : le Conseil constitutionnel n’a pas voulu trancher des problèmes délicats, se refuse au rôle de la Cour Suprême ou de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Le Conseil constitutionnel a érigé un nouveau principe à valeur constitutionnelle, se fondant sur les premières phrases de la Constitution de 1946, celui de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Pour le reste, le conseil est resté prudent et a estimé que les principes figurant au sein du Code civil tendent à assurer le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Ces principes sont conformes aux exigences de dignité à valeur constitutionnelle.
Les lois de 1994 devaient être révisée 5 ans après, effectivement les lois bioéthiques ont été révisées en 2004, révision adoptée dans le même schéma législatif que le loi précédente : Mattei a été le coordinateur de l’adoption de la révision des lois bioéthiques. Globalement, les grands principes de la loi de 1994 ont été maintenus : les art. 16-1 à 16-9 ne sont pas modifiés, ils ont été complétés par un art.16-4 prohibant le clonage reproductif. Est prohibé également, le clonage thérapeutique. De même, ont été interdits la création d’embryons pour des objectifs de recherche industrielle et commerciale et la recherche sur l’embryon. Cependant, exception provisoire en faveur de recherches menées par certaines personnes accréditées sur une durée de 5 ans. Ainsi,le droit français n’est pas en accord avec les demandes de l’ONU, suite à une déclaration demandant l’interdiction de toute forme de clonage. La loi de 2004 met en place une agence de la biomédecine (établissement public administratif), mise place le 10 mai 2005, ayant pour objet toutes les greffes d’organes, l’assistance médicale à la procréation ainsi que les expérimentations sur embryons admis par la loi de 2004. Les autres garanties apportés par la loi de 2004 sont de nature pénales : la loi a crée deux crimes contre l’espèce humaine, l’eugénisme organisé et le clonage reproductif (délai de prescription de 30 ans ne commençant à courir qu’à compter de la majorité de la personne victime). Ainsi, on a maintenu une stabilité des principes, si sur certains points ils ont été renforcés, on a admis des exceptions : fragilité de l’édifice législatif qui a toujours un caractère provisoire –> le législateur est censé ré intervenir en 2009.
Section 2 : La mise en œuvre des principes fondamentaux
Cette mise en œuvre devrait être simple : respect de la liberté d’autrui et véritable liberté exprimée par le sujet. On est libre, sauf de porter atteinte au droit d’autrui : faut-il encore déterminer qui est autrui et dans quelle mesure convient-il de le protéger. Les prises en compte de la liberté suppose que la liberté s’exprime.
- 1 : Les problèmes liés à la procréation
Ces problèmes supposent de résoudre diverses questions, à commencer par la détermination du principe qui doit dominer : droit à l’enfant ou droits de l’enfant ? Il y aurait un droit à l’enfant ou à l’adoption à l’enfant si l’on ne peut en avoir un biologiquement, pour autant il faut faire prévaloir les droits de l’enfant qui ont été définis comme supposant que l’enfant ait droit à être élevé et éduqué par des parents qui seraient un père et une mère et qui l’éduqueraient jusqu’à sa majorité. En 1994, le législateur a globalement tranché en faveur des droits de l’enfant : la procréation doit être par principe naturelle, cependant dans certains cas et par exception il pourrait y avoir procréation médicalement assistée. Les lois de 1994 revues en 2004 précisent que la demande d’assistance doivent être formulées par un couple (homme et femme) mariés ou vivant en concubinage stable (> 2ans), composé d’un homme et d’une femme en âge de procréer –> refuse la procréation médicalement assistée aux célibataires, aux homos et aux personnes ayant dépassé la date de péremption. Le législateur tente de répondre à la demande d’enfants de certains couples stériles : on leur proposera un insémination artificielle pratiquée à partir des gamètes fournis par le couple, ce qui est la cas pour plus de la moitié des procréations. La technique la plus employée est la fécondation de l’ovule par spermatides (spermatozoïdes non arrivés à leur stade de maturation), ce qui pose certains problèmes eu égard au principe de précaution (qualité des gamètes mâles). Si le couple est totalement stérile, on leur proposer un accueil d’embryons : embryons surnuméraires sont en principe détruits, le législateur avait imaginé qu’on pouvait le proposer à un couple stérile. Ainsi l’enfant aurait tout en apparence d’être l’enfant du couple, il s’agirait d’un adoption avant la naissance : la loi avait prévu le consentement du couple demandeur mais également du couple donner –> respect du principe de gratuité, d’anonymat, l’accueil d’embryons ne pouvant avoir lieu qu’après une enquête sociale et une décision judiciaire. Si le couple refuse cette solution, on peut leur proposer de faire appel à un donneur étranger au couple : interdiction de faire appel à deux donneurs étrangers, il faut que l’un des deux ne soit pas stérile. Entretien avec un médecin, information quant aux adoptions, consentement donné devant un juge ou un notaire. L’accueil d’embryons n’est intervenu que très tardivement, le premier bébé est né en 2005 à Agen. C’est l’insémination qui pose des questions juridiques relativement au droit à l’origine : l’enfant né de gamètes étrangers au couple ne pourra savoir qui est son père ou sa mère biologique. En Autriche, on peut connaître le donneur : quasiment pas de donneurs, en GB on est passé d’un système de secret à une révélation : raréfaction des donneurs. Dans la plupart des cas, le droit à l’origine n’est pas respecté, lorsqu’il l’est, il y a raréfaction des donneurs.
Le principe de l’anonymat et de la gratuité s’impose en France sur le fondement du Code civil, il n’est pourtant pas universel : en GB, le don de sperme ou d’ovocytes est rémunéré de manière limitée ce qui n’est pas le cas aux USA où la rémunération est très élevée (2500 $ jusqu’à 100.000 $) : marché des gamètes. Toutes les questions ne sont pas réglées de la même façon : ce qui est prohibé en France ne peut l’être de façon effective lorsque des couples vont à l’étranger pour faire ce qui est interdit en France. Cette diversité est source de multiples difficultés : en Suède, l’anonymat et la gratuité ne sont pas garantie –> en 2005, un couple de lesbiennes dont l’une s’était fait inséminée a poursuivi le père biologique pour une action en reconnaissance en paternité pour avoir du fric car sa mec l’avait larguée (ssss !).
L’insémination in vitro aboutit souvent à créer des embryons surnuméraires, implantation progressive de multiples embryons pour être sûr d’avoir une naissance. Le reste est congelé pour être utilisé plus tard si le couple désire encore avoir un nenfant (René : ton père a bu ton petit frère !). Dans certains, cas les embryons surnuméraires peuvent servir à des couples stériles, sous autorisation à des recherches ou être détruits au bout de 5 ans. En Italie, seul un couple marié peut demander une insémination in vitro, sans donneur étranger, avec juste trois embryons : pas d’embryons surnuméraires. Recherche admise sur les embryons pour 5 ans en France pour certaines équipes accréditées.
La vie prénatale pose un autre type de question à la société avec le sort des enfants handicapés. La naissance des enfants handicapés peut-être naturelle : le handicap est dû à des causes multiples. Cependant, on peut déceler les handicaps de plus en plus tôt : pour certains d’entre eux aux tout premiers stades de la grossesse. Les parents qui attendent un enfant qui se révèle handicapé peuvent, étant avertis très tôt, peuvent procéder à l’IVG dans le délai légal sans avoir à fournir de justifications. Certains spécialistes avaient été réticents lorsque le délai à été porté de 10 à 12 semaines : cela pourrait permettre des demandes d’IVG justifiées par le fait de l’enfant à naître est atteint de handicaps ou parce qu’on connaît le sexe de l’enfant. Si le délai est dépassé, possibilité de recourir à l’interruption médicale de grossesse : deux médecins doivent avoir constaté que l’enfant à naître est atteint d’une infection d’une particulière gravité, incurable en l’état actuel des connaissances médicales. Cette interruption est pratiquée de plus en plus souvent, sans savoir quel est exactement le handicap. Les diagnostics peuvent également présenter un danger : l’amniocentèse cause 1 % de décès d’enfants qui ne sont pas handicapés. Le fait d’avoir un enfant ne constitue pas un préjudice, cependant si l’enfant né handicapé les parents peuvent agir en responsabilité contre le médecin, l’hôpital, le laboratoire : l’erreur du laboratoire qui n’a pas décelé le handicap crée un préjudice moral et matériel aux parents ainsi qu’aux parents. Le Conseil d’Etat et la Cour de cassation on tout d’abord admis de réparer le préjudice des parents sur le fondement de la perte d’une chance. Cass.Plén, 17 novembre 2000, Perruche : la Cour de cassation a accepté d’indemniser les préjudices subis par les parents et par l’enfant. Il s’agissait de déclarer responsable ceux qui avaient commis une faute au sens technique qui était susceptible d’entraîner la responsabilité du médecin. En revanche, il n’y a pas de lien direct entre cette faute technique et la naissance d’un enfant handicapé : il n’y a qu’un lien indirect. Autre problème : ce qu’indemnise la Cour de cassation, c’est le fait de naître, vivre handicapé qui constitue un préjudice devant être indemnisé. Grand émoi des parents handicapés, d’associations de personnes handicapées : qui ont estimé que les personnes handicapées ne méritaient pas de vivre. Amendement dans le cadre de la loi de 2002 relative aux droits des malades, art.1 : « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance ». Cependant, le préjudice des parents peut donner lieu à réparation, à la différence du préjudice de l’enfant. Le parlement a adopté une loi à porté générale sur le handicap : toutes les personnes handicapées sont désormais indemnisées sur le fondement de la solidarité nationale. La situation juridique semble à peu près claire, sauf que certains parents à l’époque où l’enfant est né avaient pu espérer obtenir réparation du préjudice de l’enfant avant la loi de 2002, ils ont estimé que la loi était rétroactive et les empêchait d’obtenir réparation. CEDH, 6 octobre 2005, Maurice c/ France : la cour n’a pas critiqué la loi de 2002 et a admis que cette loi avait une cause d’utilité publique invoquée à juste titre par la gouvernement. La cour a estimé qu’existait un droit de créance né de la jurisprudence Perruche, la loi ayant porté atteinte à cette créance, elle a porté atteinte à l’art.1 du premier protocole relatif au droit de propriété.
L’attitude des parents a posé la question de l’eugénisme, pratiqué après la naissance en Grèce : le père de famille disposait d’un droit de vie et de mort lui permettant de supprimer l’enfant nouveau-né. L’eugénisme justifie de faire naître les « meilleurs » et de faire disparaître ceux que l’on considère comme inférieurs –> nazisme, il s’agit d’une eugénisme d’Etat, pratiqué par les autorités publiques. Les théories eugéniques, favorables à la disparition d’handicapés a eu beaucoup d’impact dans les pays anglo-saxons et nordiques : la suède a reconnu avoir pratiqué à certaines époques des politiques eugéniques en stérilisant des handicapés mentaux. Il y aurait un eugénisme non organisé mais résultant de l’attitude de nombreux parents qui ont tendance à demander l’IVG lorsque leur enfant apparaît handicapé ou très légèrement handicapé. Ceci peut se révéler dangereux par rapport au principe d’égalité : des spécialistes ont rappelé que l’enfant parfait n’existait, sa recherche est une tentation dangereuse. Les autorités publiques de certains grands pays se sont inquiété de la disparition des filles avant la naissance : cas de l’Inde, de la Chine où cette attitude jointe avec celle de l’enfant unique aboutit à un déséquilibre inquiétant entre garçons filles (119/100).
- 2 : Le droit à la protection de la santé
Après la naissance, et en excluant les question liées à la fin de la vie. Les principes généraux sont simples : chacun est responsable du soin qu’il apporte à son état de santé, liberté d’accepter ou de refuser les soins. Les parents sont en principe responsables de la santé leurs enfants : si ils sont défaillants, une action judiciaire peut permettre de pratiquer les soins indispensables. Libre choix du médecin, libre consentement éclairé du patient. Depuis très longtemps, le Code de déontologie médicale requiert le libre consentement du patient concerné. Ce libre consentement doit être éclairé, donné en toute connaissance de cause après que le patient ait reçu toutes les informations nécessaires. Le Code de déontologie mettait l’accent sur la relation de confiance existant entre patient et médecin : chaque médecin devait alors déterminer dans quelle mesure il se devait de l’informer, le patient acceptait ce que le médecin lui proposait, avec parfois des explications édulcorées pour ne pas l’effrayer. L’attitude des patients a changé, la Cour de cassation et le Conseil d’Etat ont été conduits à admettre la responsabilité de médecins ou d’hôpitaux publiques lorsque le consentement éclairé n’avait pas été donné : on a pu exiger la preuve du médecin qu’il avait bien informé son patient de tous les risques. La Cour de cassation a estimé que si le médecin n’avait pas informé l’existence de tous les risques, même exceptionnels, liés au traitement où à l’opération, il pourrait être tenu responsable. Ceci peut avoir des effets pervers et provoquer des paniques de la part des patients : la loi du 4 mars 2002 est venue atténuer les orientations prises par la jurisprudence.
Cette loi rappelle le droit de recevoir des soins, l’absence de toute discrimination, portée du principe du secret et s’agissant de l’information, elle rappelle que l’information sur le fondement de laquelle est fondée la décision du patient doit être claire et complète : le médecin doit faire connaître aux patients les risques fréquents ou graves normalement prévisible. Le médecin n’est pas forcé de mentionner les risques exceptionnels. La volonté d’être maintenu dans l’ignorance doit être respecté : psychologie variable d’un patient à l’autre. Cela ne signifie pour les médecins que tout est simple : pratiquement tout les médecins considèrent qu’il faut interpréter les demandes du patient, il est difficile de savoir exactement ce qu’est la demande de chaque personne. La loi ajoute que ce consentement qui est nécessaire peut-être retiré à tout moment, les médecins lorsqu’ils se trouvent face à une attitude déraisonnable doivent essayer de convaincre le patient de la gravité de son cas mais doivent respecter sa volonté lorsqu’elle est clairement exprimée. La loi prévoit que cela doit être le cas s’agissant des mineurs. En principe seuls les parents doivent donner leur propre consentement : la loi de 2002 prévoit que l’on doit aussi essayer d’obtenir le consentement du mineur concerné. S’agissant d’un mineur, on peut passer outre à un refus parental lorsqu’il apparaît déraisonnable. La loi contient également des dispositions quant à l’accès au dossier médical qui doit être complet, traditionnellement on acceptait l’accès au dossier par un médecin choisi par le patient. Compte tenu de la longueur de la loi et de toutes ses nuances, on pouvait espérer qu’elle pouvait résoudre la plupart des difficultés.
Cependant, ce n’est pas le cas : problème du refus du consentement à certains types de soins. C’est la cas des transfusions sanguines : témoins de Jéhovah refusent ces transfusions, s’ils sont adultes il faut respecter la décision du patient, s’il s’agit d’un mineur on peut passer outre le refus des parents. Problème lorsqu’un patient sombre dans le coma et que la transfusion est le seul moyen de sauvegarder sa vie : une femme témoin de Jéhovah avaient poursuivi les médecins qui avaient transfusé son mari inconscient –> CE, 28 octobre 2001, Mme X, dans un premier temps, la CAA de Paris avait jugé que le respect de la volonté du patient trouvait ses limites face à l’obligation prioritaire qu’avait le médecin de protéger la vie dudit patient. Le Conseil d’Etat a estimé que, compte tenu de l’état du patient, la transfusion apparaissait comme l’unique moyen permettant de sauvegarder la vie du patient. Les médecins n’avaient certes pas respecté la volonté exprimée antérieurement par le patient mais ils n’avaient pas commis de faute de nature à engager leur responsabilité et celle de l’hôpital. Le comité consultatif national d’éthique a bien montré les difficultés du médecin de prendre en compte le consentement du patient –> Avis, 14 avril 2005 : le comité rappelle que les médecins, après avoir essayé d’argumenter, doivent accepter les refus du patients. Pour autant, nuances : le refus direct par le patient lui-même n’a pas la même valeur que celui d’un tiers de confiance. Egalement, problème des situations d’urgence où l’intervention apparaissait indispensable. Le comité évoque le cas où le refus met en cause directement ou indirectement l’intérêt de tierces personnes : risque d’épidémies ou de contagions. Problème lorsque est concerné un enfant à naître : le refus de césarienne pouvant entraîner le décès de la mère et de l’enfant à naître. Autant d’appels au législateur à intervenir.
La santé peut également supposer de recourir à l’altruisme et aux dons. Hypothèse d’essais de médicaments sur les personnes non-malades : il est logique de procéder à des essais sur des patients lorsqu’il n’existe pas de traitement satisfaisant. Avant qu’un médicament ne soit expérimenté, il faut le tester : lourd protocole qui peut se conclure par des essais, à très faibles doses, sur des personnes saines. En cas de préjudice, les médecins sont-ils responsables ? Depuis 1988, la loi française admet ces expérimentations afin qu’elles soient contrôlées et raisonnables : avis favorable d’un comité d’éthique, la loi française exclu de l’expérimentation certaines personnes –> les femmes enceintes (sauf si le médicament les concerne), les prisonniers, les malades mentaux. Les médecins doivent souscrire une assurance couvrant tout risque, si un problème survenait, le patient devrait être indemnisé. En principe, aucune rémunération ne peut être donnée : la plupart des sujets de ces expérimentations sont des étudiants en médecine, ces étudiants ne sont pas rémunérés mais reçoivent des compensations pour les contraintes subies, compensations allant au-delà de la simple compensation des contraintes. Ainsi, on peut admettre un certain altruisme lorsqu’il ne présente pas des dangers pour les personnes qui s’y prêtent. Bernard Debré reprochait aux expérimentations faites de ne pas être toujours utiles. Le don d’organes peut faire intervenir des personnes vivantes : cas du frère ou de la sœur qui donne un rein à son frère ou à sa sœur dont les reins sont déficients. Le cas est toutefois exceptionnel. En fait, dans la grande majorité des cas, on prélève des organes sur des personnes décédées au bénéfice de personnes souffrant d’un déficit de leurs organes : cela suppose le consentement de la personne sur laquelle on va prélever les organes. On ne peut prélever les organes que sur une très faible partie des décédés : pas de personnes malades, trop vieilles, seulement des personnes décédées jeunes, accidentellement : encéphalogramme plat mais dont les tissus et organes peuvent être maintenus en vie jusqu’à leur prélèvement. Il faut savoir s’ils étaient d’accord par avance : classiquement, on le demandait aux proches. Depuis 1976, une loi a présumé le consentement de toute personne à un prélèvement : c’est dans le cas où l’on s’oppose un prélèvement qu’il faut le faire savoir. La loi de 1994 a donc voulu aller plus loin dans le sens de l’efficacité : il existe désormais un registre national informatisé sur lequel toute personne peut faire savoir son refus. Cependant, les équipes médicales prennent toujours soin de consulter la famille : en dépit de cette présomption, on se heurte à environ 30 % de refus dans les cas où des prélèvements peuvent être opérés. Il y a actuellement 4000 greffes pratiquées chaque année, 2000 cas en attente de greffes dont on peut considérer comme un cas urgent : 260 décès chaque année faute d’avoir été greffé à temps.
Dans quelle mesure un état libéral peut-il prendre des dispositions pour dissuader les individus de prendre des dispositions nuisibles à leur santé ? Il est difficile de restreindre le droit d’une personne de consommer toutes les merdes qu’elle veut. Pour autant, les pouvoirs publics ont agit sur le fondement de l’intérêt de tierces personnes : interdiction de l’alcool au volant, du tabac dans les lieux public, etc. On a fait valoir également le coût social des traitements : la société devra soigner les acoolos, elle a donc le droit de prohiber l’usage de la consommation de divers produits –> pour autant, il ne faut pas aller trop loin. Il y aurait enfin une justification à chercher dans le coût social : l’utilisation abusive de certains produits risque d’entraîner certaines infractions –> usage de stupéfiants à l’origine de multiples infractions. Si la liberté domine, il y a beaucoup d’exceptions. Or, en droit lorsqu’on admet un principe et des exceptions, il faut que les exceptions soient justifiées : le surnombre d’exceptions peut aboutir à totalement dévoyer le principe, le rendant ainsi caduque. Danger également de devoir raisonner à partir de cas particuliers. De plus, il est impossible de faire plaisir à tout le monde au sein d’une société pluraliste : c’est pour cela qu’on accepte de plus en plus les exceptions, dévoyant ainsi le principe. Marcuse dénonçait l’abus du langage publicitaire : « bombe propre » qui tue les personnes sans toucher aux immeubles. Dans le cas des embryons surnuméraires, on va parler « d’embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental », permettant de faire des recherches sur les embryons.
Titre 2 : Les libertés collectives
Chapitre 1 : La liberté de se grouper
Le droit de constituer des groupements est indispensable pour agir dans des domaines variés, cependant elle est dangereuse : pendant longtemps, le droit de se grouper était soumis à autorisation préalable : sous l’Ancien Régime, jusqu’à la fin du XIXe s. En France, en 1789, la liberté de se grouper s’est manifestée avec les clubs révolutionnaires : le souvenir de ces clubs a engagé les pouvoirs publics à soumettre à autorisation tous les groupements. Distinction à partir du XIXe s. :
Section 1 : Les groupements momentanés
Il faut distinguer les réunions publiques se tenant dans un lieu clôt et les manifestations se déroulant sur la voie publique. Traditionnellement, le droit français oppose ces deux formes de groupement : s’il faut encourager la liberté de réunion il faut restreindre la liberté de manifestation car plus dangereuse.
- 1 : Les réunions publiques
Conclusions sous CE, 29 mai 1933, Benjamin : réunion = groupement momentané de personnes, formé en vue d’entendre l’exposé d’idées, d’opinions, en vue d’une concertation pour la défense d’intérêts. Différent de l’association ( = lien permanent entre les membres).
Le but défini par le commissaire du gouvernement est trop restrictif, idéaliste. En réalité beaucoup de réunions sont des monologues d’orateurs. Peu d’échange, peu de dialogue.
Loi du 30 juin 1881, qualifiée de « grande loi de la 3ème république » : régime juridique favorable. Art 1 = les réunions publiques sont libres. Mais à l’époque il faut quand même une déclaration préalable. Depuis 1907, aucune formalité préalable n’est obligatoire. Mais il y a des conditions :
– un bureau de 3 personnes chargé de demander la dissolution de la réunion si troubles.
– un magistrat peut assister à la réunion pour constater des infractions éventuelles (ou un fonctionnaire de police).
– les organisateurs doivent trouver une salle propre à accueillir le public, dans le respect des règles de sécurité.
Limite matérielle : il y a parfois seulement une salle dans les petites communes, donc risque de favoriser certaines partis politiques. La jurisprudence est venue limiter ce danger : si les salles municipales sont habituellement prêtées ou louées à ceux qui en font la demande, alors le principe d’égalité est respecté, il n’y a pas de discrimination en fonction des couleurs politiques.
CE, 29 décembre 1997, Monsieur Maugendre : le maire de rennes refuse de louer la salle au FN, ce qui est censuré par le CE.
On doit prendre les mesures nécessaires pour parer à d’éventuels troubles (résulte de la jurisprudence Benjamin). Solution de principe posée par cet arrêt : il rappelle le principe de liberté, mais il est possible de prendre en compte les exigences de l’ordre public. Condition : pas d’interdiction de réunion sans risque de rouble grave à l’ordre public, et pas d’autre moyen d’y faire face que l’interdiction. . La jurisprudence reste libérale, le principe de liberté demeure. Problème : le juge arrivait trop tard (après que l’interdiction ait produit ses effets).
Mais correction depuis l’institution du référé liberté, ex : CE, ord., 19 août 2002, FN et Institut de gestion : annulation du refus de location de salle, car il n’y avait aucun risque de trouble manifeste. Donc l’intervention en référé permet aux organisateurs de tenir la réunion.
Autres types de réunions :
– réunions privées
– concerts, spectacles de théâtre, régime environ identique à celui des réunions publiques.
– spectacles « de curiosité » : cirque, sport, marionnettes… régime d’autorisation préalable, mais le refus ne peut se faire de façon arbitraire –> CE, 11 juillet 1975, Sieur Clément : contrôle de l’adéquation entre les motifs invoqués par l’autorité de police et l’interdiction du spectacle. Donc contrôle normal du juge.
– caractère hétéroclite, les Rave party auraient dues en faire partie a priori. Ces groupements étaient totalement illicites. Une réglementation introduite par loi du 15/11/2001, article 53, déclaration préalable au Préfet, qui doit procéder à concertation avec organisateurs de Rave. Donc possible interdiction si risque grave de trouves à l’OP + il faut une autorisation préalable du propriétaire du terrain.
- 2 : Les manifestations publiques
Régime moins favorable : dans les textes constitutionnels écrits, il n’y a aucune mention de la liberté de manifestations. Aucune grande loi. Il y a seulement un décret-loi du 23/10/1935, qui soumet les manifestations à un régime de déclaration préalable, dans une période située entre 3 et 15 jours avant le début de la manifestation.
Possible interdiction si risque de troubles à l’OP, si risque de gêne à la circulation. CE, 21 janvier 1966, Legastelois : interdiction d’un défilé car risque de gêner la circulation.
Donc un régime peu favorable.
Mais cela reste un régime de déclaration, même si souvent il a des discussions entre les organisateurs et les autorités de police, d’où emploi du terme « autorisation » par les médias, mais c’est juridiquement incorrect.
Evolution de la jurisprudence, sous l’influence de la CEDH, article 11 mentionne la liberté de réunion et de manifestation, sans distinction de régime. CEDH, 21 juin 1988 : les Etats doivent adopter des « mesures raisonnables et appropriées » afin d’assurer le bon déroulement des manifestations pacifiques, licites.
Donc les Etats doivent favoriser la protection de la liberté de réunion et de manifestation. CE, 12 novembre 1997, Ministre de l’Intérieur c/ Association « Communauté tibétaine en France et ses amis : impossible de prendre des mesures excessives telles que l’interdiction générale de manifester pendant une durée trop longue (visite d’un représentant de la Chine). Caractère excessif, disproportionné : inadéquation de la mesure.
CC, 19 janvier 1995 : la liberté de manifester est une forme d’expression, donc elle a valeur constitutionnelle, c’est probablement un PFRLR.
Quand une manifestation est interdite, mais se déroule quand même, elle est illicite, cela constitue un attroupement. Les attroupements sont par définition illicites, article 431-1 du code pénal. Ils peuvent être illicites dès l’origine ou le devenir quand ils troublent l’OP ou gênent la circulation.Alors les autorités de police peuvent dissoudre les attroupements après sommation, sauf s’ils font l’objet d’attaque (dans ce cas, dissolution possible sans sommation).
Ces deux libertés ont évolués sans se rapprocher ni se confondre. Elles posent des problèmes, par ex celui des attroupements. Au-delà du régime juridique, les images, idées, qui y sont associées viennent de loin. Les manifestations sont perçues différemment par les progressistes et les conservateurs. Des manifestations ont permis des changements de régime dans l’histoire politique française. D’où la gauche est plus favorable aux manifestations que la droite. Des références politiques en résultent : « peuple de la rue », censé être plus progressiste que « peuple des bureaux de vote », plus conservateur. Il y aurait deux modes d’expression, par la rue et par le vote.
Des effets de mode à prendre en compte, les manifestations n’ont pas le même aspect partout. Le droit de pétition n’est plus du tout considéré, il est passé de mode.
Section 2 : Les associations
CC, 14 juillet 1971, Liberté d’association : fait de la liberté d’association un PFRLR. La liberté d’association a été reconnue seulement en 1901, plus tardivement que d’autres grandes libertés. Loi de 1901, très libérale dans ses titres I et II. Les associations se distinguent des syndicats dont l’objet est uniquement professionnel et des sociétés dont le but est de faire un profit.
- 1 : Les garanties de la liberté d’association
3 catégories juridiques :
– les associations non déclarées : sont libres. Limite : pas de personnalité morale, donc le patrimoine se confond avec celui de ses membres.
– les associations reconnues d’utilité publique : sont reconnues comme telles par décret. Pleine personnalité juridique. Intérêt : attirer attention de l’opinion sur l’utilité de l’action à laquelle s’attache l’association. Augmentation des contrôles, notamment après des scandales, afin de rassurer l’opinion sur l’utilisation des fonds versés.
– Les associations déclarées : les fondateurs la déclarent à la préfecture ou à la sous-préfecture, l’administration doit délivrer un récépissé. « Petite personnalité juridique », qui empêche seulement l’association de recevoir certains types de libéralités (dons et legs en principe).
En marge de la loi de 1901, les associations agrées : pas de capacité juridique, mais possible de percevoir des subventions d’Etat… mais c’est une catégorie floue. + un certain droit au recours.
Les associations déclarées ont vue augmenter leur moyens matériels, cotisations et subventions, depuis la loi de 1901. Aussi des apports en biens immobiliers (parfois des dons déguisés), des actes de commerce (à condition qu’ils restent accessoires), et des dons manuels (problème, parfois les associations sont trop riches, cf problème du financement des partis politiques).
Recours collectif admis par la cour de cassation, chambre civile, et encore plus largement admis par le CE (REP admis ++).
Liberté de rédaction des statuts : modèle de statuts fournis par l’administration ne sont pas obligatoires. La liberté de rédaction permet d’instituer des associations sans fonctionnement démocratique.
Possible protection du nom des associations.
Les associations ont un pouvoir disciplinaire à l’encontre de leurs membres.
Impossible de modifier la finalité de l’association, il faut pour cela modifier les statuts ( à l’unanimité des membres, sauf précision dans les statuts).
- 2 : Les limites à la liberté d’association
- A) La dissolution
Envisagée de façon exceptionnelle par la loi de 1901, seules les juridictions judiciaires pouvaient décider la dissolution. Mais il y en au très peu (seulement quand l’association était illicite).
Loi du 10/01/1936, période de crise des libertés, un décret en conseil des Ministres peut procéder à une dissolution d’association, quand il y a un risque grave à l’OP. Liste exhaustive :
– Association provoquant à des manifestations armées dans les rues
– Groupes de combat
– But de porter atteinte par la force à la forme républicaine du gouvernement
– But de porter atteinte à l’intégrité du territoire national.
On y ajoute aussi :
– les associations qualifiés de « racistes »
– les associations ayant un objectif terroriste.
Donc possible dissolution par un décret en conseil des ministres, et contrôle normal du Conseil d’Etat sur la légalité de la mesure depuis 1936.
- B) La protection des membres de l’association
Les associations ont un pouvoir disciplinaire : sanction, expulsion d’un membre.
Recours est formé soit devant le juge judiciaire, soit devant le juge administratif quand l’association gère un SPA ou quand l’acte est pris en vertu de prérogatives de puissances publiques. Ex : les fédérations sportives.
Les juridictions ont effectué un contrôles sur ces sanctions, calqué sur le contrôle effectué pour le REP : légalité externe, interne, contrôle de l’adéquation…
Les limites peuvent être considérées comme légitimes.
Attachement très fort à la loi de 1901, loi simple, claire, précisant les régimes juridiques opérationnels, fondée sur des principes libéraux très simple (principe de confiance vis-à-vis des administrés).
Les articles 431-1 à 431-21 permettent de sanctionner les entraves à la liberté de se grouper et de sanctionner les comportements illicites. Ex : organisation d’un attroupement (pas la participation), participation armée, organisation et/ou participation à un groupe de combat…
Chapitre 2 : La liberté de communication
Au fondement de la liberté de la communication, on trouve la liberté d’expression : la DDHC qui avait proclamé la liberté d’expression, vise à sont art.11 la libre communication des pensées et des opinions. Communication sur beaucoup de moyens, justifiant l’intervention des pouvoirs publics ne serait-ce que dans un but de régulation car la liberté de communication suppose un moyen entre le communicateur et le receveur. On trouve un régime juridique particulier en fonction du média utilisé. S’il y a une spécificité à chaque média, il y a pourtant des donnés communes mais également des limites communes.
Section 1 : Le contexte de la liberté de communication
Ce contexte fait apparaître une très grande diversité de données, mais également des principes fondamentaux qui valent largement quelque soit la forme de l’expression ou de la communication.
- 1 : La diversité des données
- Les données relatives aux médias
Ces données sont probablement essentielles dans l’esprit de la plupart des dirigeants, elles passent avant les données juridiques : comment contrôler les médias ou comment garantir leur indépendance. Il existe d’autres données d’ordre économique et financier : qui va financer le coût considérable des médias et le fonctionnement de ceux-ci : comment seront-ils contrôlés ?
Il existe également des données techniques et industrielles : le développement de certains médias utilisant le câble ou le satellite suppose le développement d’industries performantes : les états cherchent à développer ces technologies qui permettent de développer un important nombre d’emplois qualifiés. Ainsi, à ses débuts, la Ve République a fait de la télévision et des médias « une affaire d’ingénieur » : la France se devait d’être performante dans ce domaine, vision gaullienne, dans la tradition de l’Etat interventionniste, se situant dans la tradition Colbertiste. Meilleure télévision sur le plan des programmes ( ?) mais surtout sur le plan technique : n’a pas toujours eu l’effet escompté.
- Les données relatives à l’expression
Pourquoi la liberté d’expression a-t-elle bénéficié de telles faveurs depuis le XIXe s. ? Il s’agit de l’un des droits les plus précieux de l’homme. Eric Barent, dans son ouvrage, commence par s’interroger sur les fondements de la liberté d’expression : la liberté d’expression permet une confrontation des idées parmi lesquelles les individus feront leur choix ; recherche de la vérité. Il faudrait, pour la France, remplacer ce fondement par celui qui verrait dans la liberté d’expression l’un des prolongements de la liberté naturelle, plus précieux car les hommes de 1789 qui étaient des hommes de lettres défendaient leur outil de travail. Les autres fondements qu’évoque Eric Barent valent à la fois pour le monde anglo-saxon et pour la France : respect de la personne, l’auteur du message qui s’exprime –> évolution considérable dans les idées, l’Eglise la reconnaît comme légitime car il s’agit de respecter celui qui s’exprime (depuis Vatican II). Le dernier fondement est plus pragmatique : il s’agit des nécessités de la démocratie : il n’y a pas démocratie sans débat et sans liberté d’expression. Les fondements sont variés et pris en compte lorsqu’on règlemente la liberté d’expression : tout dépend de celui qui sera auteur de la réglementation. Dans les pays de droit écrit, il s’agit du législateur qui règlementera les diverses formes de la liberté d’expression, prenant en compte les médias en cause : en France, depuis la fin du XVIIIe s., le législateur est intervenu pour règlementer les diverses formes d’expression –> loi de 1881 sur la liberté de réunion, loi de 1881 sur la liberté de la presse, liberté de la communication audio-visuelle, du cinéma, des spectacles de curiosité. Dans les pays de droit partiellement jurisprudentiel, le juge joue un rôle déterminant : il aura à interpréter un texte à portée très générale, un peu comme l’art.11 de la DDHC. Le juge ne peut pas raisonner de façon aussi explicite que le législateur, il va raisonner par rapport aux formes d’expression et par rapport aux fondements : l’expression gestuelle et l’expression violente peut être disqualifiée, de la même façon distinction entre les pensées et les idées dignes de protection : le propos publicitaire n’est pas aussi digne d’intérêt que le propos philosophiques. L’expression symbolique : un individu peut-il s’exprimer de manière symbolique, par des actes, des vêtements ou insignes ? Pas de réponse globale en droit français, aucune valorisation de ces formes d’expression implicites. Le droit américain leur a accordé une place non négligeable : le fait de porter un brassard noir pendant la guerre du Vietnam a été considéré comme une forme d’expression protégée par le 1er Amendement. Le fait de brûler le drapeau est permis par le 1er Amendement, alors qu’en France cela est puni par l’article 433-1 du Code pénal. Le droit américain va parfois très loin : l’affaire de Spooky où des néo-nazis déguisés en SS, voulaient défiler dans la ville, certains avocats juifs ont même défendu ces connards et ils ont défilé librement dans la ville.
- Les données relatives à l’information
S’agit-il du droit de communiquer des informations ou est-ce un droit à l’information, ce qui supposerait un droit d’accès à l’information ? L’information est en réalité plurielle : il y a une multitude d’informations, différents intérêts selon les personnes, intérêts culturels se traduisant au niveau national et au niveau des continents. Il n’y a jamais de manque d’information, on sélectionne parmi les informations et aucun média contemporain ne peut collecter à lui seul toutes les informations qu’il sélectionnera. D’où le rôle des agences de presse qui collectent à travers le monde des informations pour les revendre à certains médias. Egalement, agences généralistes : Reuters, AFP. L’ancêtre de l’AFP était l’agence Havas entre les deux guerres qui s’est vu reprocher beaucoup de choses : nationalisée en 1945, les pouvoirs publics ont mis en place l’AFP : agence public par les capitaux, le contrôle mais pas par la forme juridique, devant fournir à tous les médias français les informations nécessaires. Cette agence est gérée par un conseil d’administration au sein duquel les représentants de la presse écrite sont majoritaires, puis organe de contrôle, lui même ancêtre de l’AAI. L’AFP doit fournir une information crédible, financement sur fonds publics : les pouvoirs publics sont des clients de l’AFP en dehors même d’un besoin réel. Cet organe, qualifié d’organe sui generis, survit grâce à un financement public indirect. L’information est fournie par des journalistes qui peuvent revendiquer le droit au secret des sources, elle peut être collectée de manière irrégulière. Les journalistes revendiquent depuis longtemps ce secret des sources, le droit français, sans refuser ce droit, était assez réticent quand à sa portée, puis CEDH, 27 mars 1996, Goodwin c/GB : la cour a vu dans le secret des sources une pierre angulaire de la liberté des médias et de la liberté de la presse. Le secret des sources doit être respecté dans toute la mesure du possible, mais si le document a pu être appréhendé de manière frauduleuse. Cette exigence est reprise au sein du CPP. S’il est légitime de respecter un certain secret des sources, il est gênant que des journalistes publient des documents qui sont interdits ou classifiés. La jurisprudence de la CEDH risque de faire du journaliste une irresponsable juridique, à une époque où les hommes politiques et les juges engagent de plus en plus leur responsabilité.
- 2 : Les principes fondamentaux de la communication
Il s’agit de principes classiques, implicitement reconnus par le droit, mentionnés par les diverses lois sur la liberté de communication. Cette liberté est reconnue par ces lois dans l’art.1, poursuivie par d’autres facettes du principe d’égalité. Ainsi, on a une conciliation opérée avec le législateur qui va de pair avec un régime répressif.
Le principe de liberté domine, il a de multiples facettes et de multiples aspects : depuis les origines la profession de journaliste n’a pas été réglementée. Les personnes qui font de cette profession leur activité principale, le journaliste n’est pas précisément défini, même s’il l’est formellement par l’art. L.421-2 du Code du travail. Ainsi, est journaliste celui qui trouve un employeur prêt à le rétribuer. La carte de journaliste est délivrée par une commission paritaire qui ne peut que la délivrer dès lors que la condition précédemment évoquée est satisfaite. Pour autant, la liberté des entreprises est susceptible d’être réglementée : les entreprises de presse se voient imposer le respect de certains principes comme celui de transparence et de pluralisme.
Section 1 : Les obligations de transparence et de pluralisme
– l’obligation de transparence : dégagée par une ordonnance de 1944, remise à jour en 1984 et corrigée en 1986. Les entreprises de presse, les agences de presse, les entreprises de communication audio-visuelle doivent fournir un certain nombre d’indications relatives au directeur de l’entreprise, à la détention du capital et du transfert de propriété. CC, 10-11 octobre 1984, Entreprise de Presse : le conseil a admis le principe, il permet aux lecteurs d’exercer leur choix de manière libre. Cette obligation de transparence va de pair avec l’obligation de pluralisme.
– l’obligation de pluralisme : inhérent à la liberté, cependant les constituants de 1789 ne s’étaient pas préoccupé d’assurer le pluralisme de l’expression. Volonté d’assurer un certain pluralisme dans la presse écrite : loi de 1984 destinée à lutter contre l’empire Hersant. Cette loi a posé un principe qui a été validé par le Conseil constitutionnel qui a interprété de façon audacieuse l’art.11 de la DDHC. La libre communication garantie par l’art.11 de la DDHC ne serait pas effective si les lecteurs n’étaient pas à même de trouver un nombre suffisant de journaux : l’objectif de valeur constitutionnel à réaliser est que les lecteurs destinataires de la liberté doivent être à même d’exercer leur libre choix alors même que ni les pouvoirs publics ou les intérêts financiers ne viennent imposer les leurs. Même soucis pour les téléspectateurs. L’objectif constitutionnel de pluralisme se traduit dans les différents régimes.
Section 2 : Le régime juridique de la presse
- 1 : Le régime de l’entreprise de presse
Le XIXe s. s’est préoccupé du régime juridique de l’entreprise de presse, afin de lui assurer sa liberté, ce qui a abouti avec la loi de 1881. A partir de la deuxième moitié du XXe siècle, on s’est rendu compte que cette liberté pouvait impliquer des difficultés économiques.
- Principes juridiques
Les principes juridiques sont des principes de liberté : la loi du 29 juillet 1881 aboutit comme l’aboutissement des revendications libérales. Cette loi débute par un art.1 garantissant la liberté de l’imprimerie et de la librairie : au XIXe s. on tentait d’entraver en amont et en aval de l’entreprise de presse. Est également libre l’entreprise de presse et la création d’un journal, ce qui est mentionné à l’art.5 : publication de tout journal ou quotidien sans autorisation préalable et sans dépôt de cautionnement, après la déclaration auprès du parquet prévue à l’art.7, qui est une simple information. Cette liberté est définitivement acquise, sauf période d’exception, elle laisse le choix du support juridique de l’entreprise de presse. Cette dernière peut être une propriété individuelle ou familiale : cas au XIXe s., ce qui est resté. De plus en plus souvent, les entreprises de presse sont propriété de groupements. Le directeur de la publication doit y exercer une responsabilité principale effective car il est pénalement responsable à titre principal. La loi de 1880 a mis en place un régime de responsabilité en cascade : le directeur de la publication est responsable principal, le journaliste est complice, les imprimeurs sont complices secondaires.
- B) Les difficultés économiques
Difficultés économiques touchant les entreprises de presse : constatées régulièrement –> dernier en date = rapport d’information réalisé par le sénateur Loridant du 7 juillet 2004. Il y a une diminution considérable du nombre de journaux, notamment des quotidiens depuis un siècle et encore plus depuis un demi siècle. On est passé entre 1946 et 2001 de 28 quotidiens nationaux d’information générale à une dizaine, au niveau de la presse régionale de 175 à 56 : il ne subsiste qu’un tiers des quotidiens. Il y a une chute du nombre de quotidiens d’information, la moyenne de leur lecteurs est de plus en plus âgé. La publicité fournit une part importante du financement, pour autant elle est très irrégulièrement répartie. Remède juridique : interdire les concentrations, c’est ce qui avait été l’objet de la loi de 1984, le Conseil constitutionnel en a validé les principes, même si certaines modalités ont été jugées contraires à la Constitution. Modification : aucun groupe de presse ne peut contrôler plus de 30 % de la presse française. Le législateur de 1986 a défini des seuils multimédias en matière de communication radiophoniques et audio-visuelles. Aides de l’Etat justifiées au plan théorique : le pluralisme est indispensable au fonctionnement de ces institutions. Il y a actuellement deux types d’aides. Aides directes aux journaux aux faibles ressources directes, aux journaux à l’étranger : aides relativement faibles par leur montant global. Aides indirectes : les plus importantes, de nature fiscal : fiscalité avantageuse en matière de TVA, aides au transport et à la distribution postale : accords renouvelés entre les éditeurs, La Poste, les pouvoirs publics. Ces aides indirectes sont les principales. Globalement, les aides de l’Etat en faveur de la presse ne sont pas superficielles, il s’agit d’aides substantielles qui ne sont pas négligeables mais insuffisantes, or on ne change pas ces règles car mécontenterait une grande partie des entreprises de presse. Modification de ce système en essayant de favoriser les aides à la modernisation.
- 2 : La diffusion de la presse
Les saisies administratives, si elles n’ont pas disparu ne pourraient réapparaître que de manière exceptionnelle pour les périodes exceptionnelles : TC, 7 février 1935, Action Française –> pour qu’une saisie administrative soit pratiquée, il faut qu’il y ait une menace pour l’ordre public et qu’il n’y ait pas d’autre moyen d’y faire face que de procéder à la saisie qui doit être proportionnée dans le temps et l’espace à ce qui est indispensable, sinon voie de fait.
Il existe toujours un régime juridique spécifique destiné à protéger la jeunesse : lois de 1949 et de 1967. Tout d’abord a été prise en compte les publications destinées aux mineurs qui ne doivent pas présenter sous un jour favorable un certain nombre de vices, à défaut sanction pénales. Commission spécialisée qui a pour mission de surveiller la presse destinée au jour, commission consultative qui a assez peu saisi le parquet et a plutôt tenté de jouer un rôle consultatif : système fonctionnant de manière consensuelle.
Lorsque des publications destinées aux adultes peuvent, en raison de leur caractère pornographique ou violent, se révéler dangereuses pour la jeunesse, le ministre de l’Intérieur peut interdire la vente de ces publications aux mineurs, interdire la publicité et l’exposition au public. En réalité, les publications ainsi interdites l’ont été par tous les ministres de l’intérieur : il s’agit de publications purement pornographiques ou violentes.
Décret-loi de 1939 permettait au ministre de l’intérieur d’interdire des publications étrangères : le Conseil d’Etat appliquait un contrôle restreint : CEDH, 17 juin 2001, Association Ekin c/ France, la CEDH a condamné la France car régime non démocratique , puis CE, 7 février 2003, Gisti : injonction au premier ministre d’abroger le décret-loi de 1939 qui était resté un décret. Demeure l’interdictions des publications néo-nazies, ultra pornographiques, islamistes.
Section 3 : Les limites juridiques de la communication audiovisuelle
- 1 : Principes généraux
Pourquoi un régime spécifique de la communication audiovisuelle ? Les possibilités de communication sont limitées : il faut que les fréquences hertziennes soient réparties or aujourd’hui il existe d’autres moyens de communication ; ainsi il y a de moins en moins de justification au titre des autorisations préalables. Il faut voir que l’incidence de la communication audiovisuelle pourrait justifier un contrôle des pouvoirs publics, ce qui n’est pas développé comme tel.
Successions de lois dans le domaine : depuis 1982, plus de vingt lois substantielles venant aménager ce régime. L’inflation règlementaire est considérable, particulièrement démesuré et changeant. Quant à la jurisprudence, le droit de la communication audiovisuelle est devenu extrêmement complexe, parfois contradictoire dont l’exposé est particulièrement délicat.
Depuis le début de la Ve République, on a assisté à une autonomie croissante de cette communication et des opérateurs : on est passé d’un monopole et d’un contrôle étroit à une pluralité d’opérateurs publics de plus en plus autonomes. De même, à partir de 1981 développement d’un secteur privé à côté des secteurs publics, devenu aujourd’hui majoritaire. La régulation du secteur public aussi bien que celle du secteur privé est opérée par une AAI, conçue sur le modèle de la FCC américaine qui répartit les fréquences aux USA, chargée d’exercer une tutelle sur le secteur public et de répartir les fréquences. Respect du pluralisme dont les éléments ont été définis par le Conseil constitutionnel : pluralisme interne et pluralisme externe. Principes de tolérance, d’objectivité, d’équilibre des programmes sont applicables tant de le secteur privé que dans le secteur public. Ce pluralisme correspond également à une exigence européenne CEDH, 24 novembre 1993 : pose la nécessité du pluralisme dont l’Etat est l’ultime garant. L’Etat est pas forcément le gouvernement : le plus souvent il s’agit d’un organisme indépendant. En France, en 1982 : Haute autorité et enfin CSA aujourd’hui qui a cette mission de régulation.
- 2 : Les pouvoirs du CSA
Autorité composée sur le modèle du Conseil constitutionnel : 9 membres : 3 par le président de la République (dont le président), 3 par le président du Sénat et 3 par le président de l’Assemblée Nationale. Le CSA dispose d’abord d’une mission générale d’information et de surveillance : il attire l’attention des pouvoirs publics sur les réformes nécessaires. Il a une mission consultative : il doit donner des avis aux pouvoirs publics, à leur demander ou à sa propre initiative, à quoi s’ajoute le rapport annuel. Avis qui ont été de plus en plus suivis par le pouvoir public. Le pouvoir règlementaire du CSA est un pouvoir de mise en œuvre : son pouvoir règlementaire le plus étendu est le pouvoir non négligeable qu’il détient dans la matière électorale : le CSA dispose d’un pouvoir plus poussé s’agissant du secteur public en fixant les règles adaptées à chaque élection. S’agissant du secteur privé, il fait des recommandations que les opérateurs privés sont tenus de mettre en œuvre. La règle mise en œuvre en toute période est la règle des trois tiers : un tiers revenant au gouvernement, un tiers revenant à la majorité et un tiers à l’opposition. En période de pré-campagne, le CSA doit veiller à l’équité du temps de parole : répartition du temps de parole en fonction de la notoriété des personnalités, de l’importance des partis, en référence aux sondages. Lorsqu’une campagne a débutée, le principe d’équité demeure, cependant pour certaines élections le principe d’égalité est amené à entrer en jeu : entre les candidats officiels à l’élection présidentiel devra prévaloir le principe d’égalité. Le CSA doit veiller à la mise en œuvre de ces principes : il peut rappeler à l’ordre les opérateurs qui ne le respecteraient pas, sous le contrôle du juge administratif.
CE, ord, 2001, Tiberi : Canal + organisait un débat entre Séguin et Delanoë uniquement –> rejet du recours mais a souligné que la chaîne avait réservé le lendemain un temps de parole pour Tiberi.
Le conseil procède à un certain nombre de nominations, délicat sur le plan politique : nomination des directeurs des chaînes publiques. Le conseil dispose d’un pouvoir d’autorisation puisqu’il répartit les fréquences entre les opérateurs privés : une procédure est prévue selon le type d’autorisation, les opérateurs prennent des engagements avec des procédures de type contractuelles. Le CSA dispose d’un pouvoir de sanction qui, depuis 1982, et indépendamment des changements d’autorité a été en s’accroissant de manière régulière et constante : au départ simplement pouvoir de sanction, seulement observations publiques. Désormais le pouvoir de sanction est à peu prés le même concernant les opérateurs publics et privés, mise à part que le retrait de l’autorisation d’émettre n’est pas possible pour les opérateurs publics. Sanctions morales (blâme, déclarations publique) et financières.
Le CSA se trouve dans une situation délicate du point de vue politique : ces décisions sont assez largement politisées par les leaders politiques. Certaines sanctions justifiées sur le plan du droit sont dénoncées politiquement .
Section 4 : La liberté cinématographique
A l’origine, le cinéma était considéré comme un spectacle de curiosité, soumis à un régime d’autorisation préalable –> aucun film ne peut être projeté en France sans avoir reçu un visa ministériel, sorte de censure cinématographique mais c’est une illusion.
En réalité il n’y a plus de censure mains une réglementation dont l’objet est de protéger les mineurs.
- 1 : La disparition de la censure
Depuis 1975, le Conseil d’Etat contrôle les refus de visas car il considère qu’il appartient à la juridiction administrative si le film est de nature à causer aux intérêts généraux dont le ministre a la charge un dommage justifiant l’atteinte à la liberté publique. Ainsi, depuis 1975 il n’y a plus aucune censure de caractère idéologique, politique ou morale en matière cinématographique : l’arrêt de 1975 est le dernier où le Conseil d’Etat a annulé un refus de visa. Il en est de même pour la censure locale : CE, 1959, Société des Films Lutétia, le Conseil d’Etat avait admis que les maires pouvaient interdire un film en cas de risque de trouble à l’ordre public ou de circonstances locales particulières. Depuis 1966, le Conseil d’Etat n’a plus admis la possibilité de circonstances locales justifiant l’interdiction. A également disparue la censure fiscale : ¼ des films produits en 1975 étaient des films pornos ou violents, la loi de 1976 a crée la catégorie de films classés X (violents ou pornos) qui étaient soumis à un régime normal et donc privés des aides accordées au cinéma. Ces films ne pouvant être diffusés que dans des salles particulières. Aucun film n’a été classé X depuis 1996 : quasiment plus de longs-métrages X –> critère = scènes de sexe non simulées. Ces films ne présentent plus beaucoup d’intérêt : les salles qui les projetaient ont disparu. Il ne subsiste donc plus de ce régime qu’un régime de réglementation.
- 2 : La réglementation existante
Si en fait, la censure a disparue, en droit le visa subsiste et est attribué après avis d’une commission composée de diverses personnalités. Commission de censure, depuis 1990 commission de classification : le ministre n’est pas tenu par l’avis. Il n’y a donc qu’une classification destinée à protéger les mineurs, dans son dernier rapport, la commission de classification a montré que les pouvoirs publics est très libérale : environ 1000 films par an, 86 % des visas sont accordés pour tout public. Certains films sont interdits aux moins de 18 ans, bien que n’étant pas classés dans la catégorie X : CE, 22 juin 2000, Association promouvoir puis CE, 4 février 2004, Association promouvoir : le ministre est tenu d’accorder le visa d’une interdiction aux mineurs de moins de 18 ans dans certaines hypothèses. 1 film a été interdit aux mineurs de moins de 18ans. Pourtant, chaque fois qu’un film se voit accorder son visa avec une interdiction au mineurs, mini scandale : les enjeux sont économiques.
Section 5 : Les limites de la liberté de communication
La liberté d’expression est l’une des seules liberté dont on demande qu’il n’y ait pas de limites à la liberté d’expression : certains pays libéraux font de la liberté d’expression une liberté première –> le 1er Amendement aux USA a acquis un caractère quasiment sacré pour la Cour suprême et depuis 1964, New-York Times : des organes de presse ne peuvent être limités lorsque est débattue une question d’intérêt général.
Dans l’art.10 de la Conv.EDH, la liberté est proclamée tandis que les fondements d’une limitation sont mentionnés dans le second alinéa. En dépit de ce schéma, la CEDH écarte toute limitation, sur le modèle de la Cour suprême américaine, limitant les objectifs de protection des individus et de protection de la société.
- 1 : La protection des individus
La vie privée des individus est protégée mais également l’honneur des personnes, il convient de distinguer entre l’injure et la diffamation. Est punissable l’injure proférée à l’encontre d’une personne : toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne fait référence à aucun fait. La diffamation se distingue de l’injure depuis longtemps, elle correspond à l’allégation d’un fait déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne elle-même déterminée. Au XIXe s. et au XXe s, diffamation ou injure était punissable dès lors qu’un juge pouvait la constater. Après WW2, la diffamation est théoriquement punissable dès lors qu’elle est constatée, mais l’auteur de la diffamation peut faire dans les 10 jours la preuve totale des faits qu’il a allégués : il échappe ainsi à la sanction pénale. Pas le cas lorsque des faits concernent la vie privée d’une personne, lorsque les faits sont antérieurs à dix ans, lorsqu’ils ont fait l’objet d’une amnistie, prescription, révision. Lorsque des personnes diffament d’autres personnes et qu’ils ne peuvent invoquer les preuves des faits pour les raisons précédentes, la juridiction de jugement peut reconnaître la bonne foi de la personne qui a procédé à la diffamation.
La protection des personnes est assurée également par l’exercice de droit de réponse : dès lors qu’une personne a été mise en cause par un organe de presse, elle dispose du droit de réponse. La réponse doit être publiée dans le prochain numéro ou dans les trois jours s’il s’agit d’un quotidien : la réponse doit être publiée dans les mêmes caractères, dans la même rubrique : cette réponse peut faire au moins 50 lignes et ne peut dépasser 200 lignes. Le droit de réponse existe dès que l’on a été mis en cause : que la mise en cause soit élogieuse ou diffamatoire, le législateur de 1881 ayant ainsi voulu instaurer une sorte de dialogue dans la presse. Le droit de réponse existe aussi en matière de communication audiovisuelle : la réponse est lue par un présentateur de la télévision ou de la radio concernée. Suivi par la Cour de cassation : 2e civ : 2 juin 1998, à propos du FN qui avait été mis en cause : dans les deux cas le FN avait envoyé au journal une réponse à portée générale sur ce qu’était le FN. La Cour de cassation a estimé que la réponse n’avait pas à être publiée car elle n’était pas pertinente.
- 2 : La protection de la société
Assurée par la loi pénale qui peut censurer certaines communications, de la loi pénale plus spécifique qui prévoit les délits de presse. Il existe des dispositions pénales nombreuses qui sont insérées dans la loi de 1881. Loi pénale définissant des incriminations spécifiques et créant ainsi les délits de presse. Particularités procédurales : délai de prescription de 3 mois pour les délits. Les délits de presse sont divers : apologies de certains crimes ou délits, diffusion de fausses nouvelles de façon consciente, offense au chef de l’Etat français ou étranger. La loi de 1881 et d’autres textes permettent de protéger la justice : il est permis de critiquer la justice ou des décisions de justice, à conditions que ces critiques ne constituent pas un dénigrement de principe. La présomption d’innocence doit être assurée, elle l’est avec beaucoup de difficultés : de plus en plus de fiction télévisées prennent appuis sur des faits divers ou des fictions judiciaires en cours, mettant ainsi en cause la présomption d’innocence pour des personnes qui n’avaient pas été jugées ou qui avaient fait appel : le livre d’Eva Joly sur l’affaire Elf mettait en cause la présomption d’innocence et devait être interdit, ce que la Cour de cassation n’avait pas reconnu en fin de cpte. CE, ord, 14 mars 2005 : Mr Gollnish bénéficiait de la présomption d’innocence et en tenant des propos négationnistes avait jeté l’opprobre sur la fonction universitaire.
– limites justifiée par la lutte contre le racisme et les discriminations : ces catégories de limitation sont relativement récentes –> première loi en 1972. On utilise pour protéger les victimes de racisme des moyens classiques : sont punissables l’injure, la diffamation, la provocation à la haine ou à la violence à l’encontre de personnes déterminées ou de groupes de personnes en raison de leur appartenance à une ethnie, une race, une nationalité ou à une religion : interdiction de l’injurier, de la diffamer (art. 24, 32 et 33 L.1881). La jurisprudence a parfois concerné des propos incitatifs à la haine ou à la violence de portée générale et spécifique : NTM, 150 députés et 40 sénateurs ont demandé aux gardes des Sceaux de poursuivre certains groupes racistes. Le Tribunal correctionnel de Lyon avait relaxé l’imam de Vénissieux. TGI Paris, 10 février 2006 : condamné pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence pour une entretien accordé au JDD. Il y a eu une tendance depuis quelques temps d’élargir la liste des personnes visées : un projet de loi avait été préparé pour permettre de protéger les homos contres les incitations à la haine ou à la violence : beaucoup de critiques : loi du 30 décembre 2004 permet de sanctionner les injures, diffamations, incitations à la haine ou à la violence. Ont été ajoutées les diffamations à l’encontre des orientations sexuelles, à l’encontre des gens souffrant de handicaps. Cependant, la question de la discrimination de ne se pose qu’au moment de l’embauche. Loi de 1992, disposition insérée à l’art. 24bis de la loi de 1881 : est punissable la contestation de crimes contre l’humanité tels qu’ils ont été constatés par le tribunal de Nuremberg ou par d’autres juridictions internationales ou françaises : délit de négationnisme. Ch.crim, 17 juin 1997 : le délit est punissable lorsqu’il aboutit à une minoration du nombre de victimes de mauvaise foi. Cependant cet article a été fréquemment critiqué car il s’agit de la seule disposition législative introduisant une vérité historique dont la contestation est pénalement punissable, ce qui pourrait par extension être dangereux. Cependant, il est aussi d’autres vérités historiques qu’il n’est pas interdit de nier..
– protection de certains sentiments : dépend des recours dont les juges sont saisis. Les juges civils sont confrontés à des requérants qui leur demande de condamner l’auteur d’un dommage à des dommages-intérêts, en utilisant l’art.809 du NCPC qui permet au Président du TGI de prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un danger imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. Ici, on demande une indemnité suite à une atteinte à la vie privée. Les juridictions ont estimé qu’elles se trouvaient à deux droits à valeur constitutionnels : art.10 Conv.EDH + art.11 DDHC –> droit constitutionnel fondamental à s’exprimer librement, la loi peut prévenir les abus ou les limiter. Art.1382 C.civ : cet article constitue le fondement législatif de l’interdiction de porter atteinte à autrui, à ses sentiments, à ce à quoi il est profondément attaché. Balance : respect de la liberté d’expression/prévention des atteintes à la liberté de conscience. Le juge des référés aura tendance à exprimer ses propres sentiments. Pour les juges la liberté d’expression est l’un des droits fondamentaux : elle est très étendue et doit le rester. En revanche, il faut éviter d’abuser de cette liberté et de ne pas toucher autrui, cependant il ne faut pas exagérer. Les juges prennent en compte la liberté du receveur qui va être victime d’une expression, d’accepter ou non d’être confronté à l’expression qui le choque : on n’a qu’à pas acheter un journal, pas aller voir un film, ne pas acheter un livre. Obligation pour le cinéma d’avertir le public : insertion d’un communiqué pour indiquer que l’œuvre est fictive, de nature à heurter, etc… Lorsqu’il s’agit d’affichage public, la liberté d’expression a une finalité beaucoup plus commerciale et les affiches publicitaires ont pour caractéristique d’être imposées au public : les juridictions admettront beaucoup plus d’interdire une affiche qui choque le public ou de condamner l’auteur d’un affichage choquant à des dommages-intérêts au bénéfice de la catégorie de personnes choquées. Cass.civ, 18 décembre 1995 : « point de détail » –> existence de la chambre à gaz, Le Pen condamné à des dommages-intérêts symboliques. Paris, 28 mai 1996, Société Benetton : publicité avait utilisé les malades du SIDA –> personnes à poil atteintes du SIDA, marquées comme des vaches HIV. La société Benetton a été condamnée à retirer l’affiche et à payer des dommages-intérêts. CA, Paris, 26 octobre 1984 : affiche d’un film Ave Maria qui choquait un certain nombre de personnes –> CA admet le droit des requérants fondées sur la liberté de conscience et la liberté d’aller et de venir sans risque d’agression ou d’outrage. CA Paris, 8 avril 2005 : à propos d’un affichage publicitaire qui utilisait la Cène –> la cour estime que l’affichage pouvait choquer une partie du public, rejette toute idée de la liberté d’opinion, injure au sentiment religieux ou à la foi catholique causé par le détournement d’un thème sacré par une publicité commerciale. La même Cène avait été représentée dans des revues, ceci n’a pas été critiqué ni par les requérants, ni par la juridiction. Le livre de Salman Rushdie avait été laissé en vente libre, chacun étant libre de l’acheter ou non. La CEDH a admis que des législations nationales puissent sanctionner le blasphème à condition que la législation ne soit pas disproportionnée (législation britannique et législation turque). Proposition des états de la conférence islamique : d’une part de protéger les personnes contre les incitations à la discrimination, à la haine ou à la violence. D’autre part assurer le respect des prophètes, des religions et des croyances : s’il peut être gênant d’abuser la liberté d’expression, celle-ci doit être utilisée pour critiquer la religion sous toutes se formes, la croyance en générale. On doit admettre toutes les critiques dès lors qu’il s’agit de critiquer un dogme, une religion du moment où il n’y a pas incitation à la haine ou à la violence. Les juges tiennent compte du contexte : lorsque des propos injurieux sont tenus, cela dépend du contexte –> on admettra une plus grande liberté de propos dans les journaux satiriques, que des humoristes puissent tenir certains propos dans leur spectacle.
– Assurer la protection de la jeunesse : s’agissant des publications écrites. Presse destinée à la jeunesse et ce qui peut porter atteinte à l’intérêt des jeunes. En ce qui concerne la communication audiovisuelle il appartient au CSA de veiller à la protection des enfants et adolescents –> respect d’une signalétique. La réglementation est plus limitée pour la diffusion sur Internet et la vente de K7/DVD. On règlemente d’autant plus sévèrement lorsque le média est moins dangereux pour les jeunes, lorsqu’il est dangereux on règlemente moins : paradoxe. Tentative pour Internet de mettre en cause la responsabilité des hébergeurs de sites. Chacun des rapports ont été contestés : sous couvert de protéger les mineurs, on souhaite instaurer un ordre moral. Il est probable que cela soit le cas à certaines époques, aujourd’hui il est difficile de dire qu’il existe un ordre moral dans la société. Parler du rétablissement d’un ordre moral est une expression polémique de correspondant pas à une réalité. Ce qui est en cause, c’est la protection de la liberté des mineurs, des enfants et des adolescents. Il ne s’agit pas de protéger une morale qui n’existe pas en tant que tel mais de protéger la liberté des mineurs et des adolescents qui ne sont pas, jusqu’à un certain âge, susceptibles de réagir à certaines images, situations, etc. Il ne faut pas les confronter de manière émotive à ces images, sachant qu’ils n’ont pas les moyens intellectuels d’y faire face. L’école a pour tâche de préparer les élèves et d’évoquer au fur et à mesure certaines questions.
Chapitre 3 : L’organisation de l’enseignement
L’enseignement est obligatoire, liberté laissée aux parents et tuteurs d’y veiller soit par l’enseignement public, privé, voire par eux-mêmes. Il faut poser la question de la liberté de l’enseignement (privé), avec celle de la liberté dans l’enseignement.
Section 1 : La liberté de l’enseignement
Cette liberté de l’enseignement est une liberté fondamentale à valeur constitutionnel : art.11 DDHC et un PFRLR : CC, 23 novembre 1977, Liberté de l’enseignement. Pour autant, cette liberté a été l’une des plus politiquement controversé : « la mal-aimée de nos libertés fondamentales » Rivero. Elle a été reconnue par le Iere République, puis en 1848 par la IIe République puis loi de 1833 pour l’enseignement primaire (loi Guizot), loi de 1850 pour l’enseignement secondaire (loi Falloux), loi de 1875 pour l’enseignement supérieur privé. Lois prises à des périodes suspectes de l’histoire républicaine de la France, pourtant la liberté d’enseignement et certaine et elle est effective aujourd’hui et non contestée.
- 1 : La reconnaissance de la liberté d’enseignement
Il y a eu dans notre histoire beaucoup plus ancienne une lutte constante entre Eglise/Etat depuis l’Ancien Régime jusqu’à la République. L’Eglise a assuré pendant plusieurs siècles une mission que le pouvoir royal n’était pas en mesure d’assurer, puis lutte entre Eglise/Etat. Les républicains ont poursuivi cette lutte sous la IIIe République : il s’agissait de diffuser certaines valeurs en les substituant à celles diffusées par des écoles diffusant des valeurs religieuses. Opposition partisans de l’école privée et ceux de l’école publique et laïque. Il y a eu des argumentations en faveur de l’école unique et neutre : tous les enfants auront la même éducation, ils recevront les mêmes principes de référence, ce à quoi les partisans de la liberté d’enseignement est un leurre car l’école laïque est simplement une école areligieuse et non pas neutre à tout point de vue. L’école unique serait plus efficace en concentrant tous les moyens : ce à quoi on répond qu’il serait paradoxal de faire échapper le seul secteur éducatif à la concurrence. Projet de loi Savary en 1983-84 : français hostiles à la mise en place d’un seul service public de l’enseignement –> attachement à la diversité du système éducatif. consommateurs d’école exigeant qu’il y ait une liberté de choix pour les parents. A propos du caractère inégalitaire ou socialement marqué de certaines écoles privées : réalité sociale complexe et variée. Il existe des écoles privées qui recrutent un public indifférencié par rapport à ceux de l’école publique, dans certaines agglomérations le choix de l’école privé permet à certains parents d’éviter des écoles publiques qui ont mauvaise réputation. Aujourd’hui, fiction de l’égalité complexe dans l’école publique : différence entre lycées en milieu rural et lycées en agglomération et quartier aisés.
- 2 : La mise en œuvre de la liberté de l’enseignement
Jusqu’au début de la Ve République, il existait une liberté de l’enseignement privé qui ne bénéficiait d’aucune aide de l’Etat. Les gouvernants de la Ve République avaient voulu résoudre définitivement la question de l’école privée pour éviter la discorde perpétuelle. Exemple des Pays-Bas ou coexistent écoles privées et écoles publiques et la Belgique qui avait mis en place une situation de compromis. La loi du 31 décembre 1959 a été adoptée non sans difficultés et polémiques : elle pose les principes qui sont ceux valables en ce qui concerne la liberté de l’enseignement privé. On y trouve trois grandes catégories de principes :
– Après avoir rappelé le principe de liberté, la loi prévoit une aide de l’Etat en faveur des établissement d’enseignement privé qui passeront des contrats avec l’Etat. Il s’agit des établissement privés au cas par cas : l’Etat fournit une aide variable en fonction des contrats, s’ils ne passent pas de contrats ils ne bénéficient d’aucune aide. En 1959, l’aide était limitée. Elle a été renforcée à des époques où des gouvernements « laïcs » étaient au pouvoir. Aujourd’hui il n’y a pas une égalité complète mais des investissements importants pour la rémunération des enseignements.
– L’établissement privé peut conserver un caractère propre qui peut être ou non religieux, ce caractère doit être défini dans le respect de la liberté de conscience des enseignants. En 1959, il était prévu que le directeur d’un établissement privé disposait d’une grande marge de manœuvre dans le recrutement des enseignants. Cette spécificité est nettement moins marquée aujourd’hui.
– Il est nécessaire de respecter la liberté des élèves : les parents peuvent demander à ce qu’aucune éducation religieuse ne leur soit donnée.
Il y a eu certaines remises en cause de cet équilibre : remise en cause par le projet de loi Savary qui souhaitait créer un grand service public de l’enseignement. Un consensus avait été trouvé puis amendements de députés laïcs avait déséquilibré l’édifice : loi retirée qui a en fait stabilisé la loi Debré de 1959. Tentative de réforme de la loi Falloux en 1994.
Section 2 : La liberté dans l’enseignement
- 1 : Les principes généraux
L’enseignement public doit accueillir tous les enfants dont les parents en font la demande, cet enseignement est gratuit : valeur constitutionnelle de ce principe. Ce qui a été le plus discuté, c’est le caractère laïc de l’enseignement public. La laïcité de l’enseignement public correspond à la neutralité, l’impartialité.
– le personnel enseignant : les républicains laïcs de la IIIe souhaitaient exclure de l’enseignement public les religieux et religieuses catholiques (loi de 1886 pour l’enseignement primaire et CE, 1912, Abbé Bouteyre pour l’enseignement secondaire). Le personnel a été, de ce fait, un personnel exclusivement laïc formé par des écoles normales d’instituteur et d’institutrices dont l’enseignement était très marqué par l’idéologie de laïque de la IIIe République. La laïcité correspond à une neutralité renforcée, obligation de réserve encore plus stricte dans le primaire mais équivalent dans le secondaire. Il n’y a que dans le supérieur où il n’y a qu’une obligation de tolérance et d’objectivité. Cela suppose une CE, avis, 3 mai 2000, Mlle Marteaux : le principe de laïcité fait obstacle à ce que les enseignants et les non enseignants travaillant dans les établissements manifestent de toute façon que ce soit leurs croyances.
– neutralité des programmes qui ne doivent présenter sous un jour favorable ou défavorable les croyances des familles. Les religions ont un rôle culturel, quel que soit la question évoquée. Problème de l’enseignement du fait religieux : la ligue de l’enseignement en 1982 s’est inquiétée de l’inculture totale en matière de religion, envisagée de manière culturelle. La ligue de l’enseignement est revenue sur cette question en 1989, parlant d’une nouvelle laïcité pour l’an 2000 : il y a eu divers rapport rendus, dont celui de Régis Debray remis fin 2002 au ministre de l’Education. Ce rapport tente de convaincre les milieux laïcs de convaincre d’enseignement le fait religieux et non pas d’enseigner la foi. Volonté de le faire présenter par les professeurs d’Histoire. A la suite de la mise en place de cet enseignement, on a remanié les programmes pour insister sur la présentation du fait religieux : création de manuels et de fiches pédagogiques qui ont fait l’objet d’un consensus.
– Liberté des élèves : si on n’a pas connu de discussions et de désaccords pendant longtemps, c’est parce que la façon dont on avait conçu la laïcité était très stricte. Jusqu’en 1968, on exigeait sous couvert de tenues et d’attitudes correctes que les élèves soient habillés de manière assez uniforme : pas de pantalons pour les filles, coupe de cheveux, etc. A partir de 1968, on a admis plus de liberté dans les tenues vestimentaires : les Etablissements sont devenus mixtes, volonté d’avoir plus de liberté d’expression. La loi de 1989 mettait en place une véritable liberté d’expression au profit des élèves : question du port d’insignes religieux et du port du foulard islamique. CE, avis, 27 novembre 1989 : Conseil d’Etat expose le droit en vigueur, de manière extrêmement libérale. Le Conseil d’Etat soulignait le fait que les élèves de l’enseignement public ne perdent pas leur liberté de conscience : l’établissement public ne peut pas limiter cette liberté. Les enseignements se voient imposer des obligations dans l’intérêt de la liberté de conscience des élèves. Les élèves ont le droit de porter des insignes religieux : très libéral par rapport au droit de la IIIe République. Limites liées au caractère des insignes : pas dégradant, attentatoire à la dignité de l’élève, ou qu’il soient par leur caractère ostentatoire ou la manière dont ils sont portés de nature à troubler l’ordre de l’établissement. Le Conseil d’Etat, lorsqu’il a ultérieurement statué au contentieux a admis une certaine souplesse dans l’interdiction de ces principes : interdiction du port de l’insigne dans certaines situations, mais n’a pas admis qu’on interdise systématiquement tout port d’insignes religieux quel qu’il soit. A la suite de cet avis de merde de 1989, circulaires pourries et absence d’avis : il est arrivé que des règlements d’établissement publics interdisent tout port d’insignes religieux, les juges administratifs refusaient de valider l’interdiction d’exclusion sur le fondement du règlement intérieur illégal. Commission Stasi a remis son rapport le 11 décembre 2003 : adoption de la loi du 15 mars 2004 –> « dans les écoles, collèges et lycées publics le port de signes et tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ». Désormais, c’est le signe ou la tenue qui se trouve au centre du dispositif législatif. Ostensible : l’attitude de l’élève est indifférente –> il se trouve en infraction dès lors que sa tenue ou le symbole religieux est ostensible. La loi de 2004 se préoccupe uniquement de cette seule question. La loi a une certaine généralité, on a estimé que ce fondement législatif avait une meilleure assise. Il ne s’agit pas de limiter la liberté de conscience mais on en limite plusieurs expressions, pour permettre la vie scolaire et éviter un certain prosélytisme. Le droit français a tendance depuis 1789 à vouloir protéger la liberté des individus à l’encontre des groupes auxquels ils appartiennent. C’est cela qui a été au centre de l’argumentation de ceux qui ont adopté ses conclusions dans le rapport Stasi : il faut empêcher que certains enfants se voient imposer des tenues vestimentaires.
– problème de l’obligation d’assiduité : loi de 1989 –> CE, ass. 14 avril 1995, Consistoire central des israélites de France : l’obligation d’assiduité ne peut avoir pour objet d’interdire l’octroi d’autorisations individuelles d’absences auprès des élèves qui en font la demande, du moment que ces autorisations sont compatibles avec les études et l’ordre public de l’établissement. CE, ass, 14 avril 1995, Koen : on avait pu retirer une autorisation d’absence systématique tous les samedis car il s’agissait d’un élève de maths sup, l’autorisation d’absence était incompatible avec le déroulement des études.
- 2 : L’organisation universitaire
Depuis la IIIe République, principes traditionnels mêlés à d’autres plus modernes ont été posés. La IIIe avait assigné à l’université les buts de formation et de recherche, mise en place de structures pour que ces buts puissent être poursuivis : cellule de base = la faculté. C’est à ce niveau que sont prises les grandes décisions et qu’est élu le doyen qui dispose du pouvoir exécutif. Cependant, les universités disposaient de pouvoirs de coordination mineurs : recteur qui avait simplement un pouvoir relatif aux locaux en tant que représentant de l’Etat. Il existait des franchises universitaires : régime disciplinaire des enseignants jugés par leurs pairs, police n’intervient que sur demande de l’autorité universitaire compétente. Ces principes ont duré jusque vers 1968.
Les facultés éclataient sous la pression démographique : pas de changement depuis la IIIe, nombre beaucoup plus important des étudiants. Loi d’orientation d’Edgar Faure en1968 : réponse structurelle. Les facultés ont perdu de leur importance en devenant des UER puis UFR. Universités recomposées à partir des anciennes facultés, parfois morceaux de facultés : passage de 40 facultés à environ 60 universités. Egalement, modification du mode de gestion : ce ne sont plus les enseignants qui vont gérer les structures universitaires. Ce sont des collèges composés d’enseignants, de représentants des étudiants, des personnels administratifs, des personnalités extérieures qui vont élire le président de l’université. Les doyens devenant directeurs d’UER, avec peu de pouvoir. En 1984, réforme Savary qui renforce la structure universitaire au détriment des anciennes structures des facultés. Modification des conseils en faisant une part beaucoup plus large aux représentants étudiants, multiplication du nombre de personnalités extérieures. Il n’y a plus réellement de cohérence politique comme elle existait sous la IIIe : la question de la finalité de l’université reste posée. On a refusé toute sélection à l’entrée de l’université : l’université qui donne la formation la plus abstraite est ouverte à tous, ce qui peut permettre à des gens qui ont fait de médiocres études secondaires de faire de brillantes études universitaires. Si l’université ne peut pas faire de sélection, d’autres formations le font : des IUT aux grandes écoles. Effet pervers : certaines de ces formations sont médiocres mais seule la sélection compte.
Chapitre 4 : La liberté religieuse
S’il existe aujourd’hui quelques tensions dans le domaine religieux, ce n’est rien par rapport à ce que la France a connu vers 1905 : véritable guerre religieuse qui avait coupé la France en deux.
Section 1 : Les relations Eglises/Etat
Ces relations sont diverses dans le monde : il y a encore de nombreux états qui refusent de reconnaître la liberté religieuse, d’autres qui la reconnaissent mais qui ne la respecte pas.
- 1 : La souplesse des exigence européennes
Art.9 Conv.EDH : liberté de conscience, de religion, dans le domaine privé comme dans le domaine public, liberté de changer de religion avec les limites classiquement admises qui portent sur la liberté de manifester ses convictions.
Cette disposition a donné lieu pendant longtemps à très peu de contentieux : ceci prouve que la plupart des pays européens respectaient les aspects de cette liberté qui ne soulevait pas de grandes difficultés. CEDH, 24 mai 1993, Kokkinakis c/ Grèce : la cour rappelle la portée de l’art.9, elle voit dans la liberté de religion l’une « des assises d’une société démocratique », ce qui signifie que la cour valorise cette liberté de religion. La cour relie cette liberté avec le pluralisme qui est l’un des éléments de définition de la démocratie, la cour estime qu’il s’agit d’une liberté individuelle mais aussi liberté d’extériorisation de sa religion. Législation grecque permettant de réprimer le prosélytisme abusif : menaces ou pressions scandaleuses. CEDH, 13 décembre 2001, Eglise métropolitaine de Bessarabie et autres c/ Moldavie : exigence d’une neutralité et d’une impartialité de l’Etat qui ne peut se livrer à des ingérences arbitraires dans la vie des Eglises qui doivent bénéficier d’une autonomie indispensable au pluralisme. La jurisprudence européenne est assez souple en matière d’enseignement religieux : large part d’appréciation laissée aux Etats qui doivent veiller à ce que soit respectée la liberté de conscience et de religion, tolérance et non discrimination. Possibilité de mettre en œuvre dans l’enseignement public un ou des enseignements religieux si possibilité de dispense de ces cours. La cour a été très souple quant aux interdictions de porter des insignes religieux : foulard islamique. CEDH, 15 février 2001, Dhalab c/ Suisse : une institutrice convertie à l’Islam qui entendait porter le foulard pendant ses cours –> la Conv.EDH l’a admis. CEDH, Grande chambre, 10 novembre 2005, Leyla Sahin c/ Turquie : état laïc, la Turquie interdit tout insigne religieux y compris le foulard pour les enseignants, fonctionnaires, étudiants, collégiens, lycées, écoliers. La cour juge que cette législation n’est pas contraire à l’art.9 Conv.EDH. CEDH, 24 janvier 2006, Kösé c/ Turquie : interdit le port du foulard dans des écoles publiques ayant pour but de dispenser un enseignement religieux, la CEDH l’admet dans le souci de faire respecter la liberté de conscience et de religieux dans la Turquie.
- 2 : La diversité des solutions libérales dans les relations Eglises/Etat
Il y a différentes attitudes dans les rapports Eglises/Etat :
– tendance minoritaire favorable à une séparation rigide Eglises/Etat : cas de la France, cas des USA qui sont les premier à avoir posé un principe de séparation –> 1er amendement. Le congrès ne peut ni privilégier une Eglise ni interdire une pratique religieuse. Le modèle américain s’est assez peu exporté. Exemple du Japon où le shintoïsme était religion d’Etat : lorsque les USA ont occupé le Japon, disposition constitutionnelle interdisant de légiférer en matière religieuse, ce qui a entraîné des spécificités religieuses. Influence de la conception française de laïcité. Influence constitutionnelle plus limitée : Mexique et Uruguay. Exemple de la Turquie qui est l’un des très rares états à se réclamer d’une laïcité voisine de la laïcité française. La Turquie est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Instauration de la laïcité par Kémal Ataturc : modernité de la Turquie pour s’inscrire dans le progrès. La laïcité a eue les mêmes conséquences : lutte entre les pouvoirs publics et les autorités religieuses. La laïcité s’est imposée avec certains signes extérieurs : port d’habits modernes, barbes rasée. La laïcité s’est imposée comme un système de valeurs, élément fondamental de la république de Turquie non modifiable. Il existe de grandes différences entre la laïcité à la française et la laïcité turque. En France = neutralité + impartialité de l’Etat : il ne s’agit pas d’idéologie. En Turquie la laïcité est une notion juridique, elle est également une notion militante, idéologique et politique. Soumission du religieux au politique : le pouvoir politique turc contrôle les religions, y compris l’Islam. Cependant, la laïcité turque n’a pas débouché sur le pluralisme religieux.
– tendance qui admet une coopération Eglises/Etat : cas des majorités des démocraties libérales. Il existe toujours des Eglises d’Etat –> surtout en Europe protestante, la Suède, Danemark, Royaume-Uni, les Etats d’Europe centrale et de l’Est dominés par la religion orthodoxe. L’Eglise d’Etat a presque disparue de l’Europe catholique : Malte, Luxembourg, Lichtenstein, Monaco. Depuis Vatican II, l’Eglise ne souhaite plus avoir de relations privilégiées avec les Etats dans le domaine religieux. En Allemagne, depuis la République de Weimar : coopération. Puis après WWII¸volonté de restaurer un certain nombre de valeurs : les cultes devaient participer à la reconstruction de l’Allemagne. Culte protestant, catholique, israélite ont un statut public : représentation des cultes dans certains organismes, consultation officielle de ces cultes, participation des Eglises à certains services publics, liens pour des question d’enseignement. Coopération également en Italie : lien distendus entre l’Eglise catholique et l’Etat, passage d’une collaboration institutionnelle à une séparation contractuelle. L’Etat italien coopère dans un certain nombre de domaines avec l’Eglise catholique et un certain nombre d’autres cultes. En Espagne, il y a désormais une collaboration entre l’Etat Espagnol et l’Eglise catholique, collaboration avec les religions ayant un enracinement notoire : Judaïsme, Protestantisme, Islam.
Section 2 : La liberté des cultes en France
Cette liberté ne peut être comprise que par rapport au principe de laïcité dont on doit noter d’emblée qu’il s’applique en principe en France mais pas sur tout le territoire métropolitain : les trois départements d’Alsace Moselle qui restent sous le régime concordataire.
- 1 : La portée du principe de laïcité
Ce principe ne s’est imposé que très progressivement en France. La déclaration de 1789 pose avec certitude le principe de la liberté individuelle en matière religieuse. Le statut des Eglises n’était pas décidé en 1789. Puis constitution civile du Clergé –> séparation entre l’Eglise constitutionnelle et l’Eglise réfractaire. Les persécutions révolutionnaires ont laissé des marques profondes. La paix civile ne revient qu’avec Bonaparte : négocie un Concordat avec le Pape. Le Concordat de 1801 va être déséquilibré en 1802 dans un sens favorable à l’Empereur. Ce régime concordataire va être étendu aux autres cultes existant en France : imposé aux protestants qui sont réorganisés et soumis à un régime identique à celui de l’Eglise catholique. Organisation également de la communauté israélite. Cultes reconnus et libres : assez grande fidélité des catholiques, des protestants et des juifs à Napoléon. Les francs-maçons sont plus ou moins soumis au même régime. Ce régime concordataire survit à Bonaparte. Si la Restauration déclare la religion catholique comme Eglise d’Etat, ce n’est que purement symbolique, la Monarchie de juillet efface toute référence, la IIe et l’Empire conservent le régime concordataire. Puis la IIIe conserve le régime concordataire au départ. La plupart des républicains sont laïcs : volonté d’assurer une autonomie du politique par rapport au religieux –> législation de la IIIe qui va séculariser un certain nombre de domaines : cimetières, funérailles, acceptation du travail du dimanche, laïcisation de l’enseignement. La IIIe combat les congrégations religieuses : la loi de 1901 est une loi anti-congrégation –> soit rejoint les Eglises, soit émigration. La III e va voter le loi de 1905, loi de séparation des Eglises et de l’Etat qui n’a pas fait l’unanimité : hésitation de voir perdre par l’Etat ce pouvoir de contrôle sur les religions. Cette loi de 1905 est le point d’achèvement de l’œuvre laïque et également le point de non-retour. Après 1905, mesures d’apaisement : recherche d’accommodements avec l’Eglise catholique et les autres cultes. Les mesures d’apaisement ont été achevées par le gouvernement de Vichy sur le fondement de projets de la IIIe, poursuivis à la Libération. Egalement, œuvre pacificatrice du Conseil d’Etat qui a interprété dans un sens libéral. Proclamation en 1946 de la laïcité de la République : neutralité et impartialité. Puis art.1 de la Constitution du 4 octobre 1958. La république respecte également les croyances : peu original par rapport aux autres démocraties libérales. Autre portée de la laïcité : portée politique constitutionnelle –> beaucoup de partis se référent aux valeurs de la République, valeurs de la laïcité.
- 2 : Le régime juridique des cultes en France
La loi de 1905 est pour l’essentiel une loi de circonstance : elle ne comporte que très peu de dispositions à portée générale –> la République ne reconnaît, salarie ou subventionne aucun culte. L’idée était d’assurer l’autonomie du politique et d’effectuer la séparation entre l’Eglise catholique et l’Etat. Cette simplicité ne correspond pas au régime juridique des cultes.
– Gestion des cultes : les cultes reconnus étaient gérés par des établissements publics et financés par l’Etat sous le régime concordataire –> ministres du culte rémunérés par l’Etat. Désormais, tout cela est fini : absence totale de subventions, les cultes doivent s’autofinancer. La loi de 1905 impose un certain type d’associations « associations cultuelles » qui peuvent seules recevoir les biens des anciens cultes reconnus. Ces associations ont été acceptées par les protestants et les juifs, refusées par les catholiques qui ont obtenu en 1925 de pouvoir constituer des associations diocésaines adaptées à leur fonctionnement et leurs principes. Ces associations cultuelles ou diocésaines doivent avoir pour seul objet un culte, elles peuvent recevoir des libéralités, dons et legs. Contrôle de l’association à qui on peut reprocher de ne pas être exclusivement cultuelle ou de ne pas respecter l’ordre public : cas pour les témoins de Jéhovah –> CE, avis contentieux, 24 octobre 1997, Association locale pour le culte des témoins de Jéhovah de Riom : reprise des principes de la loi de 1905, laisse à l’appréciation aux juges du fond qui se sont montrés plus tolérants à l’égard des témoins de Jéhovah. A côté de ces associations cultuelles, il est possible de constituer des associations loi 1901 qui n’ont pas à respecter le principe de spécialité et peuvent recevoir des subventions pour l’aspect culturel de leurs activités.
– Statut des édifices du culte dont le législateur de la loi de 1905 voulaient qu’ils relèvent du droit privé. Les cathédrales et églises catholiques se trouvaient sans propriétaire, étant donné que l’Eglise refusait de constituer des associations cultuelles. Loi de 1907 : églises et cathédrales laissées à la disposition des fidèles puis en 1908 : Eglises propriété des Communes, Cathédrales propriété de l’Etat. La plus large partie du patrimoine religieux devient propriété publique, leur entretien relève des collectivités publiques. Des évolutions se sont produites : beaucoup de communes qui avaient tergiversé quant aux réparations des Eglises l’acceptent volontiers. En ce qui concerne les autres cultes, mesures pragmatiques visant à ne pas léser les autres cultes : les communes entretiennent les édifices protestants et israélites construits avant 1905. Possibilité d’en entretenir d’autres mais interdiction de construire sauf par la conclusion de baux emphytéotiques. La loi de 1961 permet la garantie publique des emprunts. Subventions culturelles, loi de 1921 pour la mosquée de Paris, dons déductibles des impôts.
Lorsque les édifices du culte font partie du domaine public, le ministre du culte responsable à la fois de l’ordonnancement des cérémonies, de la police de l’édifice est celui qui a été désigné par la hiérarchie compétente. Le Conseil d’Etat n’a pas voulu se mêler de conflits juridiques internes : il s’est retranché derrière le droit interne de la religion considérée. Cependant, l’autorité de police n’est pas dépourvue de tout pouvoir : elle ne peut pas remplacer le ministre du culte mais elle peut intervenir soit à la demande de ce dernier, s’il existe un trouble à l’ordre public ou si l’édifice n’est plus affecté au culte. L’intervention peut se faire directement, néanmoins on essaye toujours d’avoir l’autorisation, question de diplomatie.
– les manifestations extérieures du culte : le législateur de 1905 avait souhaité voir soumises les manifestations extérieures du culte au droit commun. Le Conseil d’Etat a jugé que les manifestations extérieures du culte ressortait de la liberté des personnes, de même pour les manifestations semi collectives (cortèges funéraires) qui ne troublaient pas l’ordre public. En principe, les défilés, processions sont soumis au droit des manifestations, cependant le Conseil d’Etat a admis que lorsqu’une procession était traditionnelle, elle était présumée ne pas troubler l’ordre public –> le décret-loi de 1935 a codifié cette jurisprudence, les processions ne sont pas soumises à déclaration préalable. Les autres défilés sont soumis au droit des manifestations.
Très peu de courants de pensée et de personnalités souhaitaient voir cette loi remise en cause : l’Eglise catholique accepte cette loi, sa propre doctrine ayant évoluée. Seuls les protestants ont émis quelques propositions de réformes qui apparaissent plus comme techniques que de principe : le système ne convient plus toujours aux protestants compte tenu de leur faible nombre sur certaines parties du territoire. On trouve le même consensus dans les milieux politiques, beaucoup plus largement personne n’a proposé de réformes. Sauf Sarkozy : financement public des mosquées. Le droit français reste assez stabilisé même si les anciens cultes reconnus apparaissent comme ayant une position à part. Mise en place du CFCM apparaît comme étrange vue de l’étranger. On peu très bien considérer que les protestants, israélites et catholiques sont favorisés quant au financement de certains de leurs édifices. Aujourd’hui les collectivités publiques entretiennent des édifices faisant partie du patrimoine national. Evolutions relatives à l’évolution de la morale commune qui ferait le consensus : on avait essayé de la définir contre la religion. Aujourd’hui, plus de participation des institutions religieuses : comité national d’éthique.
Troisième partie : Les difficultés de mise en œuvre des libertés
Chapitre 1 : L’adaptation des libertés
Section 1 : Les discriminations positives
Elles supposent de remettre en cause les conceptions traditionnelles d’égalité, ces discriminations ne sont pas sans présenter certains dangers.
- 1 : Justification des discriminations positives
Le modèle est américain : conçu dans les 1960s pour l’égalité effective entre les citoyens américains. Il y a des situations historiques, sociologiques où l’appartenance de certains individus à certains groupes s’avère comme un obstacle à l’égalité effective. Aux USA, les groupes en cause à l’époque étaient les américains d’origine indienne ou afro-américaine. Même si l’égalité en droits est acquise, l’égalité de fait était difficilement réalisable. Il s’agit de corriger le poids de l’histoire par des « affirmative actions » ou discriminations positives. Il s’agit de le faire par obliger des grandes universités à recruter un certain nombre d’étudiants qui seraient issus de ces communautés ou bien favoriser la passation de contrats publics avec des entreprises contrôlées par des personnes appartenant à ces communautés ou regroupant des personnes appartenant à ces catégories. La Cour suprême a admis certaines actions positives non sans réticences : elle venait d’affirmer que le principe d’égalité devait être aveugle quant à la couleur. Cependant, elle a admis certaines actions positives qui étaient bienveillantes : elle a admis de favoriser l’accès des universités à certains représentants des minorités, à condition que les quotas ne soient pas rigides, de même pour la passation de contrats publics. Il appartient à l’Etat fédéral de mettre en œuvre ces discriminations positives, le juge fédéral contrôlant strictement ces mesures. Les démocrates sont plutôt plus favorables que les républicains à ces discriminations positives : refus des discrimination positives par les états fédérés par référendum. La Cour suprême a maintenu sa jurisprudence : deux décisions le 23 juin 2003 concernant l’université du Michigan –> on peut mettre en place des actions positives s’il n’existe pas de trop grandes rigidités.
Le modèle américain a été copié ailleurs dans des contextes différents : Afrique du Sud, Brésil. En France, cette politique a été discutée même si la France privilégie d’autres attitudes : redistribution sur des critères sociaux. Egalement, pris en compte du territoire : certaines zones sont avantagées. La prise en compte du territoire est indifférente quant aux origines ou à la couleur. Loi du 30 décembre 2004 met en place la Haute autorité de lutte contre les discriminations, AAI. S’agissant des discriminations positives, il existe de grandes réticences aussi bien à gauche qu’à droite. Sarkozy en 2003 avait estimé qu’il ne fallait pas refuser cette politique qui avait eu certains avantages aux USA. La question reste posée au niveau théorique. Il y a eu quelques propositions concrètes et certaines actions au niveau de certaines entreprises qui ont considéré que leur politique d’embauche devait correspondre à la diversité de la population française. Egalement, d’autres tentatives : politique mise en place par Sciences-po qui réserve 10 % de ces places aux élèves situés en ZEP –> plusieurs types de critères, recrute sur concours, sur dossier. La cour d’appel de Paris n’a pas rejeté le système mais a critiqué son imprécision. Il s’agit d’une politique faussement égalitaire : bonne conscience, critères arbitraires.
- 2 : Les dangers des politiques de discriminations positives
Aux USA, la critique de ces politiques de discrimination positives a été faite de manière simple. Il est choquant que pour lutter contre des inégalités, on se fonde sur des inégalités. Cela est encore plus choquant quand le fondement même de ces politiques est scandaleux –> très paradoxal. Problème de détermination de la catégorie : quant est-on noir ? Dans des pays comme le Brésil ou la France, il est encore plus difficile de dire qui sont les minorités. Si ces politiques s’étendaient, on risque de créer une suspicion à l’égard des diplômés appartenant à ces minorités. Toute politique de ce type suppose la mise en place de quotas : il en va de même des politiques anti-discrimination. Pour prouver qu’il n’y a pas discrimination, le meilleur moyen est de montrer qu’il y a un pourcentage de personnes appartenant auxdites minorités.
Il y a en France des raisons plus précises expliquant le refus du personnel politiques de mettre en place des discriminations positives. Les politiques de discriminations positives suppose de prendre en compte l’appartenance d’individus à des groupes. Cette vision d’une société globale de personnes appartenant à des groupes est totalement contraire à la conception d’une nation indivisible : il n’y a que des citoyens français égaux. Il s’agit d’une donnée de base : des citoyens égaux en droits. Tout ceci s’oppose à ce que l’on distingue entre citoyens français. Il existe des raisons plus juridiques : le Conseil constitutionnel en se fondant sur l’art.1 de la Constitution, sur les principes de 1789, confirmés pour certains par le préambule de 1946, a refusé les différentes distinctions entre les français. Refus des minorités : CC, 1991, Peuple Corse composante du peuple français et CC, 1999, Charte européenne des langues régionales ou minoritaires : pas d’appartenance de droits à des personnes en considération de leur appartenance à un groupe. Refus des quotas : CC, 1982, Quotas par sexe et CC, 1999 : interdiction des quotas en matière électorale. Limitation des possibilités de décentraliser lorsque cela met en cause les droits fondamentaux : CC, 1985, Liberté de l’enseignement on ne peut faire dépendre l’effectivité de la liberté de l’enseignement aux collectivité territoriale. Ce que le Conseil constitutionnel a rappelé en 1996 : CC, 1996, Polynésie Française. Le régime juridique des libertés fondamentales doit être le même sur tout le territoire. Cette vision unitaire du peuple français a été mis en question à deux reprises par le constituant. Introduction d’une action positive en faveur des femmes en matière électorale : modification des art.3 et 4 de la Constitution –> la loi favorise l’égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives. Titre XIII de la Constitution : art.76 et 77 relatifs à la Nouvelle Calédonie –> permettre une citoyenneté néo-calédonienne, possédée par certains citoyens : politique en faveur des citoyens français qui sont en outre citoyens néo-calédoniens, mise en place d’un système de préférence nationale. CEDH, 2005, Py c/ France : n’a pas condamné le système, dispositions transitoires pour accéder à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Lorsque cette exception n’est pas prévue, le Conseil Constitutionnel rappelle sa jurisprudence ordinaire : CC, 16 mars 2006, Loi relative à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes –> non conformité à la Constitution les dispositions visant à désigner un certain nombre de femmes au niveau des Conseils d’administration, des Conseils des Prud’hommes.
Section 2 : L’adaptation aux titulaires
- 1 : La diversité des adaptations
Cette diversité résulte de la prise en compte d’éléments variés : la fonction exercée, la situation sociale, l’âge, le sexe, etc. Certaines interventions législatives confèrent plus de droits : c’est le cas des immunités parlementaire et diplomatique.
– Les militaires exerçant une fonction spécifique dont ait craint qu’elle ait des conséquences politiques : système du cantonnement juridique –> le militaire est un citoyen à part. Sous la IIIe République, les militaires ne votaient pas et ne pouvaient pas être élus. Si l’on considère le militaire comme un citoyen ordinaire : c’est la conception révolutionnaire, le militaire est d’abord citoyen : il possède tous les droits du citoyens depuis 1946. Loi de 1972 modifiée par une loi du 24 mars 2005 qui a atténuée la portée de la loi de 1972. Le principe est clair : les militaires jouissent de tous les droits et libertés reconnus et citoyens, l’exercice de certains d’entre eux peuvent être restreints. Le militaire a désormais une liberté d’expression sans avoir à recueillir une autorisation préalable de leur hiérarchie pour s’exprimer sur des questions militaires ou politiques, cependant ils sont tenus d’une stricte obligation de réserve, ce qui ne va pas sans poser des difficultés concrètes lorsque certains militaires veulent critiquer la façon dont des dispositions de maintien de la paix sont menées. Les militaires ne peuvent adhérer à un groupement politique, sauf pendant la période électorale. Les militaires ne possèdent ni le droit syndical, ni le droit de grève, même s’ils sont appelés à servir en tous lieux et en tous temps, avec un esprit de sacrifice.
– S’agissant des droits des mineurs, l’adaptation se fait en fonction de l’âge. L’évolution découle de celle des mentalités contemporaines et de la convention internationale relative aux droits de l’enfant de 1989, entrée en vigueur en 1990. Cette convention est très novatrice quant à l’approche qu’elle a des mineurs. Le principe est que les mineurs possèdent au moins virtuellement l’ensemble des droits fondamentaux, mais pour certains de ces droits, ils sont considérés comme en formation. S’agissant de la liberté d’expression, de conscience : les mineurs possèdent virtuellement ces libertés car ils sont placés sous l’autorité de leurs parents ou tuteurs. Progressivement, les parents guident, on doit de plus en plus prendre en compte les choix par rapport à la maturité du mineur. De la même façon, la justice doit prendre en compte l’opinion des mineurs en fonction de leur maturité. Pour d’autres droits fondamentaux, la convention exige que l’Etat prenne certaines mesures pour éviter l’exploitation économique, le recrutement militaire et adapter la justice pénale au cas des mineurs délinquants.
– Beaucoup d’autres situations bénéficient d’une adaptation des droits fondamentaux : malades mentaux peuvent bénéficier de soins ou bien être contraints de se soigner, d’être internés dans un établissement de soins. La garantie principale réside dans la capacité de saisir le juge judiciaire qui peut juger en référé et dispose d’une capacité étendue : la personne internée peut saisir à tout moment le juge judiciaire qui peut prendre les mesures qui s’imposent. Cependant, les juges sont obligés de s’en référer à des experts, les juges doivent prendre en compte les éléments particuliers de fait. S’agissant des personnes hospitalisées, la loi de 2002 a rappelé qu’elles possédaient tous les droits fondamentaux : le cas le plus délicat étant le cas des personnes âgées, voir très âgées qui ne sont pas toujours écoutées ou traitées comme on le devrait.
– Les personnes handicapées se sont vues rappeler des droits égaux par la loi de 2005 qui prévoit des droits concrets au profit des personnes handicapées quelque soit l’origine du handicap, ces personnes devant bénéficier de la solidarité nationale.
– Les femmes sont égales en droits, l’égalité juridique homme/femme ne fait aucun doute : traité de New York, CEDH et principes généraux du droit communautaire, PFRLR, mise en œuvre par des lois qui se sont multipliées –> égalité assurée dans le couple, autorité parentale assurée par le couple, égalité dans la transmission du nom patronymique. Egalité effective en matière d’emploi et de droit du travail, effective dans le droit de la fonction publique : système du recrutement par concours avait permis plus facilement le recrutement féminin. S’il existe encore résiduellement des discriminations, le juge contrôle ces discriminations de manière extrêmement stricte. Ce qui caractérise la situation des femmes c’est que l’égalité en droits est l’égalité la plus effective, de plus depuis quelques décennies, les pouvoirs publics ont souhaité que l’égalité homme/femme soit plus qu’une égalité de droits, une égalité effective. Dans le domaine scolaire, préoccupation de l’image de la femme retransmise par les manuels scolaires qui ont été révisés. Au niveau des entreprises, des politiques variées ont tenté de valoriser la place des femmes dans l’entreprise. Dans le domaine politique, le principe de parité a été affirmé de la manière la plus retentissante. L’Etat est neutre et impartial : il a visé à mettre en place une certaine conception de l’égalité homme/femme dont il a fait un élément central de sa politique, ceci étant valable également au niveau communautaire. On peut s’interroger quant à la notion de liberté : les hommes et femmes sont libres de se comporter selon leurs croyances. Cependant, la liberté a été entravée par certaines contraintes sociales : femmes voulant bosser mais ne pouvant pas et femmes voulant rester à la maison qui ne veut pas bosser –> est-ce que les contraintes sociales ne sont pas inversées ?
- 2 : La situation des étrangers
L’approche théorique a vu s’affronter des points de vue opposés tenant à la double tradition française : universalisme chrétien et des lumières et celle de l’Etat-Nation. A côté des ces discussions, ont été abordés les aspects économiques de l’immigration de l’emploi, les aspects culturels, etc.
En droit, ce qui frappe, c’est l’instabilité de la législation : l’ordonnance du 2 novembre 1945 régissant le droit d’entrée et de séjour en France a été modifiée à plus de 30 reprises, de manière substantielle. Ainsi, on peut constater que les lois importantes qui sont intervenues : loi de 1997 non appliquée, loi de 1998, loi de 2003, de 2004 et en préparation. Inflation législative, inflation normative. Le régime juridique des étrangers est devenue excessivement complexe, affaire de techniciens.
Pour autant, il existe certains principes simples qui se résument autour de deux idées principales : l’étranger est titulaire de droits de l’Homme, il n’est pas citoyen :
– l’étranger est titulaire de droits de l’Homme : ceci s’est vérifié par la jurisprudence de la Cour Européenne des droits de l’Homme et du Conseil constitutionnel : CC, 13 août 1993, Maîtrise des flux migratoires –> véritable statut constitutionnel de l’étranger. Un statut aux termes duquel l’étranger dispose des mêmes droits fondamentaux que les nationaux. Pratiquement toutes les libertés collectives : disparition du régime juridique de la presse étrangère et des associations. Les droits sociaux sont garantis aux étrangers en situation régulière, de même que les étrangers en situation irrégulière dispose d’un minimum : droit à un recours, droit à un minimum de prise en charge sociale et sanitaire.
– l’étranger n’est pas citoyen : la distinction nationaux/étrangers réside dans le lien de la nationalité. L’étranger peut devenir citoyen : politique visant à favoriser l’obtention de la nationalité par la naturalisation soit par l’obtention automatique pour les personnes nées en France. Les étrangers non citoyens ne disposent pas des droits du citoyen : pas de droits politiques (droits de vote ou d’éligibilité) sauf exception partielle des ressortissants communautaires qui ne sont pas des étrangers au sens juridique. Les étrangers ne disposent pas du droit d’entrée et de séjour : CC, 20 novembre 2003. Le principe est l’obtention d’un visa, certains en sont dispensés pour un court séjour : ressortissants de l’Union Européenne et d’autres étrangers provenant de pays dispensant les ressortissants français de visas, de manière générale. Il n’y a pas en principe de droit au visa, sauf pour certaines catégories de personnes qui peuvent exercer un recours. La politique de l’immigration a beaucoup reposé sur les compagnies de transport chargées de vérifier que les personnes qu’elles transportent disposent des documents nécessaires. Si l’étranger ne peut pas présenter les documents nécessaires, il est maintenu dans une « zone d’attente » située dans les ports, aéroports et autres avant d’être reconduits à la frontière. Possibilité d’être retenu 48h, puis 8 jours sur décision du JLD. Les étrangers non automatiquement admis en France peuvent être contraints de quitter le territoire national, à la différence des ressortissants français.
- La reconduite à la frontière : concerne presque exclusivement des étrangers en situation irrégulière –> personnes ne disposant pas, plus ou n’ayant jamais disposé des documents nécessaires. Les reconduites à la frontière doit être prononcée par le préfet qui prend deux décisions : la reconduite effective à la frontière et la destination de l’étranger. L’étranger peut contester l’une et l’autre devant le juge administratif. Un recours spécifique est prévu en référé devant le TA : statue en 72h, possibilité d’appel devant un magistrat du Conseil d’Etat.
- L’expulsion : beaucoup plus rare. Elle ne peut intervenir que lorsque l’étranger représente une menace grave à l’ordre public. Il faut procéder à des consultations avant expulsion, sauf s’il y a urgence. Certaines catégories d’étrangers ne sont pas expulsables. L’expulsion peut intervenir sur décision du préfet –> recours devant le juge administratif avec possibilité d’appel. Lorsqu’un étranger est soit reconduit à la frontière, soit expulsé, soit interdit de séjour il doit être matériellement reconduit vers un autre pays, il peut être placé dans des centres de rétention administrative, sur décision administrative pour une période de 48h. Aujourd’hui, les centres de rétention administrative ont été aménagés, la durée du séjour dans ces centres ont été prolongés : tout d’abord 48h sur décision administrative, 15j puis 5j de plus possible sur décision du JLD.
De cette situation des étrangers, il faut distinguer deux cas particuliers :
– les demandeurs d’asile politique : ils peuvent demande à bénéficier la qualité de réfugié, la décision est prise par l’OFPRA après examen du dossier, possibilité de recours devant la commission du recours puis cassation devant le Conseil d’Etat. Les étrangers n’obtenant pas le statut de réfugié peuvent obtenir une certaine protection et se voir admis à résider temporairement sur le territoire français s’ils encourent un risque à rejoindre leur pays d’origine et si aucune autre destination n’est possible. Lorsque l’asile politique est obtenu, l’étranger n’est plus expulsable.
– l’extradition : nombre infime de personnes, elle consiste à remettre une personne aux autorités judiciaires qui la réclame. Traditionnellement, la France n’extrade pas ses propres nationaux : exception pour les pays de l’Union Européenne. Vers d’autres pays, on n’extrade que des étrangers : la décision d’extrader fait intervenir une phase judiciaire et administrative. Avant de procéder à l’extradition il faut un avis de la Cour d’appel qui se prononce sur la validité des poursuites et interprète les traités. Puis décret du Premier ministre qui est susceptible de REP. L’extradition est en principe la règle : un certain nombre d’examens relève des autorités françaises –> pas d’extradition pour mobile politique ou gravité du délit peut justifier l’extradition indépendamment de son caractère politique (terrorisme). Il faut examiner si le pays dont dispose d’un système juridictionnel présente toutes les garanties nécessaires : sinon on va juger l’étranger sur le territoire national. En principe l’extradition est un droit pour les pays qui le demandent. Problème pour les démocraties libérales qui appliquent la peine de mort : la CEDH considère que la peine de mort telle qu’elle est mise en œuvre aux USA correspond à un traitement inhumain et dégradant, sauf si les autorités s’engagent à ne pas requérir la peine de mort et au cas où elle est obtenue, engagement d’une grâce.
L’évolution du droit des étrangers a été marquée par des ruptures visibles mais aussi par une continuité. Au-delà des apparences, le droit des étrangers se situe dans un cadre qui évolue relativement peu depuis trente ans : la marge de choix du législateur est limitée tant par les exigences du Conseil constitutionnel que celles de la Cour Européenne des droits de l’Homme. Les pouvoirs publics ont de fait eu des attitudes assez voisines, au-delà de l’orientation politique : l’évolution est restée mineure, limitée par les obstacles techniques : difficultés de mise en œuvre de la reconduite à la frontière, la variation des reconduites à la frontière, selon les ministres en place, n’est pas considérable. Parallèlement, changement selon les discours politiques, selon les procédures qui sont parfois plus souples ou plus rigides. Des délais ont également bougés dans le sens d’un allongement de ceux-ci en zone d’attente et dans les centres de rétention. Les possibilités de recours ont évolué. Les changements ont également affecté la catégorie des étrangers non expulsables : on retrouve à peu près les mêmes catégories de personnes. La situation est marquée par l’importance du pouvoir discrétionnaire dont disposent les autorités politiques et administratives : immigration choisie dont il faut relativiser, juridiquement il ne peut pas y avoir d’immigration subie –> l’Etat français dispose de la politique immigratoire, aucune immigration n’est jamais subie sauf à se lier par des règles qu’on a soi-même accepté. En revanche, il y a des situations de fait qui sont subies lorsque des personnes entrées clandestinement se maintiennent sur le territoire français. L’Etat peut régulariser la situation de tout étranger qui se trouvait être un clandestin, il peut refuser cette régularisation : CE, avis, 22 août 1996 –> le Conseil d’Etat avait rappelé que l’administration n’avait pas obligation de régulariser la situation d’un étranger. Il y a droit à régularisation lorsque la situation de santé le justifie, lorsque la situation familiale de l’étranger le justifie (art.8 Conv.EDH), lorsque le séjour est supérieur à 10 ou 15 ans (ne devrait plus donner lieu à régularisation automatique). Rapport de la Cour des comptes déposé en novembre 2004 : il n’y a jamais eu et toujours pas de politique de l’immigration, il y a une situation de fait de l’immigration est un régime juridique qui s’adapte en fonction des évolutions. Il n’y a pas de politique d’intégration : pas d’obligation à apprendre le français, à suivre une formation : absence de politique entre l’Union Européenne et les états d’où proviennent les immigrants.
Chapitre 2 : L’évolution des libertés et des droits fondamentaux
Paul Duez expliquait que la crise des libertés publiques était peut être due à une situation paradoxales : les techniques de protection se développent alors que ce qui fait les libertés publiques fait de moins en moins l’objet d’un consensus –> cas des grands mythes fondateurs. Il s’agit d’une appréciation qui se vérifie toujours aujourd’hui : on peut opposer le perfectionnement des techniques qui va de pair avec une fragilité croissante des fondements.
Section 1 : Les perfectionnement des techniques
Multiplication des sources : la loi nationale n’est plus la seule source en la matière –> traités internationaux, Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, droit communautaire.
Garanties classiques : juge judiciaire, juge administratif, juge constitutionnel, juge communautaire, juge de la Cour Européenne des droits de l’Homme et garanties issues des AAI.
Le résultat est une hiérarchie normative de plus en plus complexe : ordres juridiques distincts (national, européens) au sein desquels il y a une hiérarchie distincte. Pour les juridictions françaises, la norme suprême reste la Constitution alors que pour l’ordre communautaire il s’agit des traités communautaires, pour l’ordre européen il s’agit de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. Officiellement, ces hiérarchies ne sont pas gênantes : les Etats qui ratifient le font en toute connaissance de cause car leur ordre interne n’est pas incompatible avec ces normes internationales. Si jamais on en trouvait une, on appliquerait le principe de la meilleure protection. Tout ceci n’est pas tout à fait exact : même si du point de vue de la comparaison des textes écrits, les divergences continueront à apparaître dans les interprétations données par ces textes écrits : interprétation du Conseil constitutionnel, interprétation des PGD communautaire, interprétation de la CJCE : soi il s’agit d’une divergence mineure, auquel cas le droit national s’adaptera, soit il s’agit d’une divergence majeur et on verrait mal le législateur ou le constituant se plier à une interprétation supranationale. Cette hiérarchie est largement technique : elle place au sommet de l’ordre juridique de protection des droits fondamentaux la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. Dans l’ordre interne, ce qui fonde la supériorité de la Constitution c’est l’expression la plus fiable la volonté nationale, la loi n’étant que l’acte de parlementaires. Ce qui fonderait la suprématie de la Conv.EDH est qu’elle soit européenne, commune à tous. Pour autant le fondement de la suprématie de l’interprétation donnée par la CEDH ne se justifie pas par référence à des critères démocratiques. Les institutions européennes sont encore moins démocratiques que les institutions nationales. Il en va ainsi des interprétations données par la Cour. Rien ne permet de dire que la convention telle qu’elle est interprétée est adaptée aux besoins spécifiques des citoyens. Les pères de l’Europe n’avaient sans doute pas voulu mettre en place des organisations européennes régissant chaque aspect de la vie quotidienne.
Section 2 : La fragilité des fondements
Les fondements des droits de l’Homme actuels sont démocratiques et théoriques :
– fondement démocratique : revendique au niveau national, communautaire et au niveau du Conseil de l’Europe. Il n’empêche que plus on va de l’Etat-Nation vers l’Union Européenne et vers le Conseil de l’Europe, plus les fondements sont lointains. Ce à quoi on répond que les démocraties libérales sont des états de droit qui se caractérisent tant par la place qu’ils font à la volonté populaire et à la protection des droits fondamentaux, au besoin contre l’expression démocratique. Est-ce que l’équilibre ne va pas plus dans la protection des droits que dans les protection des droits démocratiques. Le droit à la démocratie est un droit de l’Homme comme un autre. Si la volonté populaire peut-être précise, on peut passer à un « droit de l’homisme » en imposant à des citoyens des interprétations prétoriennes. Il y a un équilibre fragile et qui semble se réaliser plus au profit des droits fondamentaux qu’au profit de la démocratie. Cette évolution se retrouve dans les sociétés nationales : les garanties qui se développent au détriment de la garantie législative sont les protections juridictionnelles, les protections des AAI.
– fondement théorique : fragiles. Il n’y a pas de droits de l’Homme sans hiérarchie des normes, hiérarchie de principes considérés comme supérieurs tels qu’on les trouvait dans les déclarations de droits du XVIIIe s. Les Constitutions contiennent peut être plus des références à des valeurs que des normes juridiques. Force des principes supra juridiques : si l’on revient à 1789, on voit la double origine judéo-chrétienne et des lumières des droits de l’Homme. Ces fondements subsistent : pour le fondement de l’esprit des lumières on trouve toujours dans l’interprétation, dans les souhaits de l’opinion le fondement libéral de l’esprit des lumières donnant un primat à la liberté individuelle. L’homme est libre, il doit l’être de plus en plus : la liberté doit prévaloir sur tous les arguments donnés pour y apporter des restrictions. Il s’agit d’une philosophie individualiste gardant sa logique et que l’on retrouve dans les domaines de la médecine et de la science. Quant au fondement judéo-chrétien, il y aurait tendance à mettre l’accent sur la dignité de la personne humaine : dignité dont l’attribut majeur est d’être libre, pourtant il faut insister sur le respect nécessaire du droit des plus faibles : personnes âgées, personnes gravement handicapées, enfants, vie prénatale. Ainsi, les droits de l’Homme seront autant respectés qu’il permettront de garantir le principe du respect de la dignité de la personne humaine. Des divergences entre ces deux écoles de pensée subsistent : questions bioéthiques, questions économiques, etc. Cependant, le clivage politique ne permet pas de donner une réponse précise à ces deux écoles de pensée. Assez curieusement, pour des raisons liées à notre histoire, la droite est plus libérale au point de vue économique que la gauche, également libérale pour certains de ses membres à l’égard des mœurs et pour une autre partie beaucoup plus restrictive. Ces divergences sont assez nettes également à gauche. La gauche est moins libérale en matière économique, elle se divise au niveau des mœurs : gauche traditionnelle attachée aux valeurs traditionnelles mais aussi une gauche libérale en matière de mœurs.
Ainsi, on peut craindre que l’évolution future concernant le choix à opérer en matière de droits fondamentaux ne soient pas simple : consensus artificiel sur les droits de l’Homme, si la plupart de l’opinion est favorable aux droits de l’Homme. Il est probable que l’enjeu des droits fondamentaux soit un enjeu politique conduisant à une redistribution des cartes, à gauche comme à droite. Il y a certainement un équilibre plus harmonieux : « tout dans la vie humaine est recherche d’un équilibre harmonieux » Maurice Hauriou –> on devrait le trouver dans des équilibres juridiques.