DROIT DE LA CONCURRENCE
On parle de droit européen de la concurrence (anciennement droit communautaire de la concurrence) car la législation relative à la concurrence en France est très encadrée par l’Union Européenne. Attention, dans cette page se trouve deux cours : le 1er est plus récent que le second. Le second est donc a actualiser.
L’impact de l’Europe sur la concurrence se traduit à deux niveaux. Le premier est le droit européen de la concurrence complété par les droits nationaux des pays d’Europe. Le deuxième est le droit européen incitant les Etats membres à ouvrir à la concurrence divers secteurs où celle-ci n’existait pas en raison en particulier de monopoles étatiques. Il s’agit du processus de libéralisation.
C’est le droit économique par excellence : il s’applique aux activités économiques, et les juristes doivent développer une analyse économique pour traiter du droit de la concurrence.
C’est un droit qui s’applique massivement, a imprégné les systèmes juridiques internationaux, très contraignant pour les entreprises et pour les Etats membres.
- Droit de la concurrence
- Droit de la distribution (concurrence, publicité, consommation…)
- Droit de la concurrence et de la consommation
- Droit de la concurrence
- La concurrence déloyale : principe et définition
- Parasitisme, imitation, dénigrement et concurrence déloyale
- Concurrence déloyale : préjudice, lien de causalité, sanction
C’est un Droit qui a tendance à se mondialiser.
Le GATT est un accord de libre échange au niveau international à donc concurrence loyale. Négocié à l’issu de la Seconde Guerre Mondiale, conclu en 1947. Une organisation internationale devait être créée pour gérer le GATT, l’OIC adoptée par la Charte de la Havane de 1948 qui prévoyait des disciplines de concurrence (première internationale). N’a jamais été ratifiée, donc pas entrée en vigueur à le Sénat américain a refusé de ratifier à cause des disciplines (1995 : OMC) de concurrence, trop contraignante pour les entreprises américaines.
COURS DE DROIT EUROPEEN DE LA CONCURRENCE
- Introduction – La notion de concurrence
- Qu’est ce que la concurrence ?
- Premier courant, la pensée classique – 18ème siècle
- Ø Deuxième courant, la théorie Néo-classique – 19ème siècle
- Ø Troisième, l’école de Harvard
- Quatrième courant, l’école de Chicago
- · Pourquoi la réglementer ?
- · Comment réglementer/réguler la concurrence ?
- Ø Les origines de la règlementation française et européenne
- Ø Cadre actuel de la règlementation de la concurrence
- Ø Les règles destinées à contrôler le comportement des entreprises sur le marché.
- Ø Les règles destinées à contrôler les opérations relatives à la structure des entreprises.
- Ø Les règles relatives au contrôle des aides fournies par un Etat-membre à des entreprises, éventuellement publiques.
- Ø Les règles relatives au contrôle de l’activité législative des Etats-membres
- Chapitre préliminaire – La détermination du marché pertinent
- §1 – La notion de marché pertinent
- §2 – La nécessité de déterminer un marché pertinent
- §3 – La méthode de délimitation du marché pertinent
- A) L’aspect matériel du marché
- 1. La substituabilité du côté de la demande
- 2. La substituabilité du côté de l’offre
- B) L’aspect géographique du marché
- – Les contraintes physiques, au sens sciences physiques. On distingue deux choses :
- – Les contraintes juridiques
- Des préférences subjectives des clients
- Conclusion sur la délimitation du marché pertinent
- Chapitre I – Le contrôle des pratiques anticoncurrentielles
- Section I – Le champ d’application du droit des pratiques anticoncurrentielles
- §1 – Le champ d’application matériel
- A) L’activité économique
- 1. La notion d’activité économique
- a) Définition générale de la notion
- b) Indices du caractère économique de l’activité
- 2. Les activités exclues de la notion
- a) Les activités qui relèvent d’une fonction exclusivement sociale
- b) Les activités impliquant l’exercice de prérogatives de puissances publiques
- 3. Le caractère autonome de l’activité économique
- B) L’intervention étatique (au sens pouvoirs publics)
- 1. Encadrement par le droit de la concurrence de l’Union Européenne
- 2. Encadrement par le droit de la concurrence française
- §2 – Le champ d’application géographique
- A) Le principe de territorialité objective
- B) L’affectation du commerce entre les Etats-membres
- 1. Signification du critère de l’affectation du commerce entre Etats-membres
- 2. Conséquences sur l’application des droits nationaux
- 3. Articulation des compétences des autorités
- Section II – Les pratiques interdites
- Sous-Section I – Les ententes restrictives de concurrence
- §1 – Les ententes illicites
- A) L’existence d’une volonté commune
- 1. Les formes de l’entente avérée
- 2. Les formes de l’entente diffuse
- B) L’existence d’une restriction de la concurrence
- 1. L’objet anticoncurrentiel
- 2. L’effet anticoncurrentiel
- §2 – Les ententes exemptées
- A) Les exemptions individuelles
- 1. Conditions positives
- 2. Conditions négatives
- B) Les exemptions collectives
- 1. Le mécanisme des exemptions par catégories
- 2. Les effets des exemptions par catégories
- Sous-Section II – Les abus de position dominante
- §1 – La notion de position dominante
- A) La domination individuelle
- 1. L’évaluation quantitative de la dominance : la part de marché
- 2. L’évaluation qualitative de la dominance
- B) La domination collective
- §2 – La notion d’abus
- A) Définition de l’abus
- 1. Définition classique
- 2. Le renouveau de la notion
- B) Typologie de l’abus
- Conclusion du chapitre – La mise en œuvre du droit des pratiques anticoncurrentielles
Introduction – La notion de concurrence
- Qu’est ce que la concurrence ?
C’est avant tout une notion économique, elle n’a pas de sens juridique propre. En économie sa signification est assez incertaine car elle varie en fonction des évolutions de la pensée économique. De manière schématique on peut retenir 4 grands courants économiques qui ont théorisés la notion de concurrence et qui sont pertinents en droit de la concurrence.
- Premier courant, la pensée classique – 18ème siècle
Développement sous l’impulsion d’Adam Smith « la richesse des nations ». Ici la concurrence est synonyme de rivalité, de confrontation, qui intervient entre des individus, des entités ayan un même but mais des intérêts contraires.
La concurrence dans cette perspective c’est une lute ou chacun tente de pousser son avantage pour prendre le dessus sur l’autre dans son propre intérêt. Quatre présupposées :
- Rareté des ressources: Le caractère limité des ressources impose des choix sur ce qu’il faut produire mais également sur la manière de produire et la quantité à produire. Allocation des ressources. La concurrence a un rôle à jouer uniquement lorsqu’il y a un problème d’allocation des ressources.
- La liberté: Pour les rivaux de déterminer leurs actes. Toute idée de planification doit être écartée.
- L’individualisme de chaque rival : Il n’y a pas de concurrence sans recherche individuelle de la satisfaction maximale de ses besoins propres. La concurrence repose sur la raison égoïste naturelle de chacun. La concurrence exclut la solidarité.
- L’utilité sociale de la rivalité: La confrontation entre chaque intervenant a des effets bénéfiques pour la communauté dans son ensemble. Ces effets bénéfiques se manifestent par la coordination des projets des opérateurs des intervenants par le jeu de l’offre et de la demande, par l’intervention d’une main invisible qui fait cette coordination. Mais également par l’allocation optimale des ressources, c’est-à-dire l’allocation sans gaspillage des ressources et l’annulation des super-produits.
Dans la pensée classique la concurrence est vue comme un processus dynamique qui permet de trouver un équilibre dans les rapports économiques. Ce processus permet l’abaissement des prix jusqu’au coût marginal de production (coût de la dernière unité produite). Ce coût marginal de production est sensé atteindre le prix juste / prix concurrentiel.
Autre avantage, la stimulation de l’innovation et accroissement de la qualité de la production. Intérêt, éviter les pénuries ou les surproductions par un ajustement dynamique perpétuel de l’offre et de la demande.
Tout ces avantages profitent normalement au consommateur dont le bien être serait le but ultime du processus concurrentiel. Bien être au sens économique, cela signifie qu’il bénéficie d’un surplus qui se traduit par un écart entre ce qu’il paie et ce qu’il est prêt a payer. Le surplus peut être la différence de prix ou plus rarement l’augmentation de la qualité.
- Deuxième courant, la théorie Néo-classique – 19ème siècle
On essaie de donner un fondement scientifique a la pensée économique et a la notion de concurrence. La concurrence ne sera plus présentée comme un processus dynamique. Elle est présentée sous une forme statique figée d’un modèle mathématique de marché. Les économistes néo-classique tel que Cournot parlent de concurrence pure et parfaite. Le travail des économistes consistait à déterminer les conditions devant être réunies afin d’atteindre l’état de concurrence pure et parfaite qui assure une allocation optimum des ressources.
Tous ne sont pas d’accords sur les conditions mais on peut en retenir cinq :
- L’atomicité du marché: C’est une multitude de demandeur et d’offreur. Dans ce cas aucun n’a seul une influence déterminant sur le prix et les quantités échangées. Les opérateurs sont des : price taker et non des price maker.
- Homogénéité des biens : Pour chaque marché les biens offerts sont identiques aux yeux des acheteurs. Du coup les acheteurs n’ont aucune raison de préférer telle unité de bien par rapport à tel autre. Cela suppose l’absence de publicité, l’absence de marques d’identifications.
- La libre entrée : A tout moment n’importe quel opérateur est libre de participer à l’activité du marché. Levée des quotas, des barrières juridiques a long terme. Suppose également qu’il n’y ait pas d’intrusion de l’Etat dans les marchés.
- La transparence : L’information de tous est complète immédiate et gratuite, sans aucun coût. Tout le monde connait les quantités offertes aux différents prix en instantané. Il n’y a pas ce qu’on appelle de cout de transaction (si on les réduits aux coûts d’information).
- La mobilité : Les facteurs de production : travail, capital… Peuvent se déplacer librement et sans délai entre les entreprises ou entre les marchés.
Avec ces conditions, on décrit un marché que l’on appelle la concurrence pure et parfaite. Celle-ci est un marché, ce n’est plus un processus. Entendue ainsi, la concurrence est une condition nécessaire d’une économie équilibrée. Elle implique d’ailleurs la mise en place d’une règlementation juridique interdisant les comportements et les opérations d’entreprise qui remettraient en cause les cinq conditions.
Ce modèle de concurrence est néanmoins totalement abstrait, et il ne correspond à aucune réalité de marché. Il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais de marché qui répondra aux cinq conditions précitées, et pourtant il y a des marchés qui fonctionnent suivant le jeu de la concurrence, et qui proposent les avantages de la concurrence.
Paradoxalement, ce modèle supprime toute notion de lutte entre les opérateurs. La liberté de choisir une stratégie pour se confronter aux autres est extérieure à ce modèle. Les opérateurs n’ont qu’une seule liberté : produire et acheter ou ne pas le faire.
A partir du moment où on produit et on achète, tout est imposé par les conditions de la concurrence pure et parfaite. Il y a négation de toute rivalité et de toute liberté commerciale sur le marché : les entreprises sont passives sur ce marché.
- Troisième, l’école de Harvard
Ce modèle a été largement critiqué dès le début du 20ème siècle par une partie des économistes américains (Clark, Davenport), qui ont commencé à défendre des modèles de concurrence, dite « imparfaite ». C’est notamment l’école dite de Harvard, qui va être dominante pendant la première partie du 20ème siècle (années 1950, et 1960), toujours importante aujourd’hui, mais un peu démodée actuellement.
Cette école de Harvard a mis en avant la notion de concurrence praticable, concurrence suffisante. D’après cette école, aussi appelée école structuraliste, il y a une concurrence suffisante sur un marché lorsque les opérateurs n’ont pas la capacité d’imposer un prix excessif au détriment des consommateurs. Cette capacité d’imposer un prix excessif, c’est ce que l’on appelle le pouvoir de marché. Ce pouvoir de marché dépend de la structure du marché et des comportements d’entreprise. C’est le modèle SCP (Structure – Comportement – Performances).
La structure du marché, on vise sa plus ou moins grande concentration (le nombre d’acteurs par exemple), la différenciation plus ou moins grande des produits, l’existence de barrières à l’entrée du marché…La structure du marché détermine les comportements des opérateurs.
Le comportement des opérateurs, on renvoie à leur politique de prix et à leur stratégie de recherche et de développement. Leur comportement influence leur performance.
La performance, c’est la profitabilité et le pouvoir de marché des opérateurs.
Plus il y a de concentration (moins il y a d’entreprises), plus le pouvoir de marché des entreprises est grand. Il y a un lien entre concentration et pouvoir de marché, et donc capacité d’augmenter les prix.
Plus le pouvoir de marché d’entreprise est grand, moins il y a de concurrence et de bénéfices attachés à cette concurrence.
Pour les structuralistes, de la structure du marché dépend le fonctionnement concurrentiel du marché et l’obtention de ses éventuels avantages. Les structuralistes considèrent qu’il faut maintenir une structure du marché qui assure une dose de concurrence suffisante pour obtenir les bienfaits de la concurrence.
Pour chaque marché (lessive, voitures…), il faut trouver la structure qui permettra de sauvegarder la dose de concurrence suffisante pour obtenir les bienfaits de la concurrence.
Ils ont eux aussi chercher les conditions de cette dose de concurrence suffisante, et ne sont pas du tout d’accord entre eux. Il faut cependant, au moins trois conditions :
- Un nombre suffisant d’opérateurs sur le marché en cause.
Qu’entend-t-on par « suffisant » ? Cela sous-entend l’absence de monopole
- Une élasticité au niveau de la demande.
C’est-à-dire la liberté pour les clients de choisir leur fournisseur.
- Une élasticité au niveau de l’offre.
C’est-à-dire la possibilité que de nouveaux offreurs interviennent rapidement et à faible coût sur le marché.
Pour cette école, la concurrence praticable n’est qu’un moyen du bien-être économique. C’est un moyen non exclusif. D’autres moyens, plus politiques ou sociaux (maintien de l’emploi) peuvent être mis en place.
Deuxième précision, cette école a été critiquée dans les années 1970 de manière assez virulente par l’Ecole de Chicago, développée sous l’impulsion de Richard Posner. L’école de Harvard est toujours d’actualité pour comprendre le droit de la concurrence de l’Union Européenne.
- Quatrième courant, l’école de Chicago
Très à la mode grâce à Reagan, et remis à la mode avec Bush et Sarkozy.
C’est l’école de l’analyse économique du droit.
Cette école considère que ce n’est pas la structure du marché qui conditionne les comportements des opérateurs, et leurs performances. Pour eux, les comportements, l’efficacité productive des entreprises, les comportements d’entreprises entraînent leurs performances et aboutissent à une structure de marché.
Le comportement entraîne des performances, qui entraînent des structures.
Le pouvoir de marché n’est pas lié à la concentration du marché mais aux comportements adoptés par les opérateurs. Une entreprise a un pouvoir de marché, car elle a été performante en choisissant les bons comportements, elle a adopté des comportements efficaces pour séduire les consommateurs, au détriment des rivaux.
La concentration qui résulte de ces comportements efficaces, c’est avant tout le signe de la bonne performance de l’entreprise, obtenue en raison de bons comportements commerciaux.
Le consommateur a bénéficié de ces bons comportements commerciaux.
Cela veut juste dire, que pour l’école de Chicago, le monopole n’est pas un mal en soi : si une entreprise est en monopole, c’est l’issue logique de la rivalité des opérateurs. C’est la récompense de la meilleure entreprise.
Le monopole ne doit constituer qu’une étape du processus de concurrence, et donc doit pouvoir être remis en cause. Dans ce cas là, il n’y a pas de risques pour le bien être du consommateur et pour l’efficacité économique. Ce n’est pas la structure du marché qui compte mais tout simplement le potentiel bouleversement du marché. C’est la théorie des marchés constatables.
Sur un marché contestable, l’opérateur en monopole n’a pas de pouvoir de marché (capacité d’augmenter ses prix de manière excessive), dangereux en l’existence d’une concurrence potentielle (c’est la possibilité pour des opérateurs d’entrer sur des marchés pour venir contester le monopole).
Quand est ce qu’une concurrence potentielle existe ? Il suffit de deux conditions :
- L’entrée sur le marché est libre.
Il n’y a pas de barrières techniques, financières ou juridiques à l’entrée du marché.
- La sortie du marché est libre.
C’est-à-dire que les coûts d’entrée sur un marché peuvent être récupérés en cas de sortie.
Cela signifie qu’il n’y a pas de coûts échoués, c’est-à-dire des coûts fixes irrécupérables comme les coûts de publicité.
Pourquoi faut-il une entrée libre ? Pour que des entreprises puissent venir contester le monopole. La sortie libre est nécessaire pour que les entreprises puissent être assurées, en cas d’échec, en se disant qu’elles pourront repartir du marché à moindre coût.
L’entreprise en monopole n’augmentera pas ses prix de manière abusive, pour éviter que d’autres entreprises viennent la défier.
Conclusion
La notion de concurrence fait l’objet de définitions économiques nombreuses, qui sont régulièrement renouvelées par les économistes.
Définition de la concurrence
C’est un mode d’organisation des marchés selon lequel chaque opérateur détermine seul et librement son action afin de défendre ses intérêts commerciaux face aux intérêts commerciaux contraires des autres opérateurs, entraînant de ce fait un abaissement des prix et un développement de la qualité et de l’innovation dont bénéficient au moins indirectement les consommateurs.
- Pourquoi la réglementer ?
L’opinion majoritaire, notamment en Europe, est que la concurrence doit faire l’objet d’un encadrement juridique. Ce, tout simplement pour protéger la concurrence, et garantir durablement les avantages qui y sont attachés.
D’un point de vue théorique, sur un marché où règne la concurrence, il existe une tendance croissante à la diminution des entreprises, à la concentration du marché. Le fondement même du processus de la concurrence, c’est la sélection des entreprises pour écarter du marché celles qui sont le moins efficaces, au profit de celles qui répondent le mieux aux besoins des consommateurs.
Cette sélection va provoquer un accroissement du pouvoir économique d’un nombre de plus en plus réduit d’entreprises. Petit à petit, la concurrence aboutit à l’instauration d’un monopole, c’est-à-dire à la disparition de tous sauf du gagnant. Ce constat est résumé de manière un peu caricaturale par ces termes « la concurrence tue la concurrence ».
La règlementation de la concurrence est le moyen de remédier à ce paradoxe.
L’idée, c’est que le droit de la concurrence doit permettre la permanence du processus de rivalité pour éviter l’établissement d’un monopole, ce qui remettrait l’allocation efficace et optimum des ressources.
C’est la position des structuralistes, ainsi que du courant ordo-libéral (courant Allemand, école de Fribourg, école équivalente à celle de Chicago). Ceux-ci prônent l’interventionnisme de l’Etat pour réguler la concurrence afin de maintenir un nombre suffisant d’opérateurs, une élasticité de la demande et une élasticité de l’offre.
L’école d’Harvard a fortement inspiré et inspire toujours à travers l’ordolibéralisme le droit de l’Union Européenne. D’ailleurs, la Cour de Justice des Communautés Européennes dans un arrêt Métro du 25 Octobre 1977, a affirmé que l’objectif principal de la réglementation européenne était le maintien d’une concurrence praticable.
La Cour de Justice des Communautés Européennes a réitéré son attachement à cette école dans l’arrêt Glaxosmithkline (laboratoire pharmaceutique anglais) du 6 Octobre 2009.
Comment la Cour a réitéré son attachement à la notion de concurrence praticable ? Ce en rappelant « que l’article 101 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne vise, à l’instar des autres règles de concurrence énoncées dans le traité, à protéger non pas uniquement les intérêts des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, se faisant, la concurrence en tant que telle ».
Cette citation fait clairement apparaître une référence à la structure du marché, comme objectif des règles de concurrence énoncées dans le traité.
[Cette phrase est relativement claire, parce qu’il y a à la fois une référence aux intérêts des concurrents, des consommateurs, à la structure du marché, et à la concurrence en tant que telle. Ce n’est pas sur que ces intérêts soient différents ou antinomiques de la protection de la structure du marché].
Cette position favorable à une réglementation de la concurrence est combattue par certains auteurs, proches de l’école de Chicago, tels que Rothbart ou encore Armentano qui contestent l’utilité d’un droit venant limiter la liberté des entreprises pour protéger la concurrence.
Leur position se fonde sur l’idée que la concurrence est un mouvement dynamique avec une dimension temporelle. Qu’est ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu’en supposant qu’une entreprise a acquis un monopole sur un marché de produits donnés, l’apparition de ce monopole n’est qu’une étape temporaire du jeu de la concurrence. Ce monopole signifie uniquement qu’un opérateur s’est imposé parce qu’il était meilleur que ses adversaires qui se sont retirés du marché.
Pour ces auteurs, l’esprit de concurrence lié à l’agressivité naturelle des opérateurs n’a pas disparu pour autant. On verra donc inéluctablement par la suite de nouveaux opérateurs apparaître pour venir contester ce monopole et lancer notamment des produits plus innovants. C’est une question de temps.
Cette thèse s’appuie sur la doctrine de Schumpeter (cycles d’innovation), développée dans les années 1940-1950, qui voyait dans l’innovation technologique un ressort essentiel de la concurrence garantissant sur le long terme sa pérennité. Ceci sans intervention étatique.
Dans cette configuration, le droit de la concurrence est inutile pour protéger la concurrence. La concurrence est vue dans ce cadre, comme un phénomène permanent de rivalité cyclique détruisant les structures vieillies en créant des éléments structurels neufs.
Dans ce cadre, la règlementation de la concurrence doit être extrêmement limitée, car elle ralentit au mieux le renouvellement des structures économiques vieillies et au pire elle empêche ce renouvellement en maintenant superficiellement des éléments vieillis inefficaces.
On appelle également cette doctrine le « laissez-faire, laissez-aller ».
La difficulté est de connaître la durée des cycles.
De plus, cela minimise les effets destructeurs du processus concurrentiel pour arriver jusqu’au monopole, qui correspond à des destructions d’emploi, chômage de longue durée, obsolescence de formations… Du coup, la régulation de la concurrence par le droit apparaît comme un moyen de réintégrer des préoccupations de justice, d’ordre et de paix sociale dans le fonctionnement des marchés.
Le droit de la concurrence est un moyen d’intégrer dans la réflexion des préoccupations sociales au sens large.
Toute la difficulté est alors de déterminer quelles règles permettront d’arbitrer correctement entre les objectifs, qui sont souvent contradictoires de la protection de la concurrence et de la protection de l’équilibre économique et social de l’autre côté ?
- Comment réglementer/réguler la concurrence ?
C’est une opinion plutôt qu’une vérité.
Certains pensent que c’est une erreur de réguler la concurrence.
En Europe, comme en France, on a choisi de la réguler.
Avant de s’intéresser aux choix des systèmes actuels, nous allons retracer leurs origines ?
- Les origines de la règlementation française et européenne
En France, outre le principe de la liberté du commerce et de l’industrie (Décret d’Allard 1791), préalable à la libre concurrence, la première règle relative aux principes de la concurrence est l’article 419 du Code Pénal de 1810 qui condamne le délit d’accaparement.
L’objectif était d’éviter la spéculation sur des denrées alimentaires, et ce texte punissait les réunions des détenteurs de denrées ou de marchandises pour faire monter les cours au dessus des prix qu’auraient déterminé la concurrence naturelle et libre du concurrence.
Ce texte a fait l’objet d’une interprétation extensive, et on va étendre la sanction des entendes de prix à tout ce qui est l’objet des spéculations du commerce (Crim – 8 Décembre 1836).
Néanmoins, ce texte reste peu appliqué et les poursuites pénales sont très peu fréquentes même lorsqu’il a été modifié en 1926 pour assouplir les conditions d’application.
En comparaison, les Etats-Unis vont adopter en 1890 le Sherman Act qui condamnait les comportements d’ententes restrictifs de concurrence et les comportements de monopolisation du marché (abus de position dominant).
A posteriori, ce texte a une légitimité théorique dans la théorie néoclassique, mais en réalité il a été dicté par des préoccupations politiques de l’époque : les Etats-Unis étaient confrontés au développement de firmes géantes en matière de pétrole et de sidérurgie. Les pratiques commerciales de John Rockefeller avaient attiré l’attention des autorités américaines.
Un discours s’est développé, fondé sur la défense des intérêts des consommateurs mais aussi des petits producteurs agricoles et manufacturiers face au grand capital. Le Sherman Act sera ensuite utilisé par les pouvoirs publics pour démanteler la Standard Oil en Compagnie.
En 1914, le Clayton Act va être adopté quant à la pratique de la discrimination sur les prix, les ventes liées, mais aussi sur les fusions. Les Etats-Unis se sont dotés très tôt d’un arsenal législatif complet (ententes illicites, abus de domination…), mais ce développement est entièrement lié à la révolution industrielle précoce des Etats-Unis.
En France, après 1918, on assiste à un tout autre phénomène, qu’est celui de cartellisation de l’économie : chaque secteur industriel tente de limiter la concurrence au moyen d’ententes plus ou moins élaborées.
Dans les années 1930, le cartel qui fixe les prix et les quantités est présenté comme l’unique solution à la crise économique. A ce titre, il n’est pas du tout remis en cause par les pouvoirs publics.
Pendant la WW2, le droit de la concurrence est écarté. Le Code des Prix de 1941 permet à l’administration de fixer par arrêté les prix de tous les produits et services. En revanche, la fin de la guerre ne voit aucun retour du principe de concurrence. Il n’a qu’un rôle très résiduel dans la construction économique de l’après guerre.
L’époque est marquée par une vague de nationalisation. L’administration contrôle notamment le système bancaire, le système de prêt…
Une période de renouveau du droit de la concurrence intervient dans les années 1950, tout d’abord au niveau européen (Traité de Rome 1957), et la mise en place d’un régime assurant une concurrence, avec la sanction des ententes restrictives de concurrence et des abus de position dominantes (Articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne)
Le contrôle des concentrations n’arrive qu’en 1989.
En France, sont mis en place les décrets de 1953 et de 1958, et il prévoit deux volets distincts qui se retrouvent encore dans le Code de Commerce actuel :
- Premier volet concernait les relations collectives de concurrence, prévoyant l’interdiction des ententes et le texte édicté la possibilité pour le Ministre de l’Economie de décider après un avis consultatif de la Commission technique des ententes, de transmettre le dossier administratif au Parquet qui pouvait alors ou non entamer des poursuites pénales.
- Deuxième volet concernait lui les relations individuelles de concurrence, et sanctionnait certaines pratiques individuelles qu’on appelle aujourd’hui pratiques restrictives de concurrence.
La différence entre les 2 volets c’est que le deuxième vient sanctionner des pratiques dangereuses en elles-mêmes, alors que le premier sanctionne un comportement dangereux.
Pour ce premier, il faut qualifier une pratique restrictive de la concurrence.
Après 1958, plusieurs réformes approfondissent le système français.
On va interdire les abus de positions dominantes (Loi de 1963).
La loi du 19 juillet 1977 et le décret de 1977 vont refonder la réglementation avec sur le fond en plus du contrôle des comportements (ententes illicites, abus de position dominante) on ajoute un contrôle des opérations de concentration.
Sur le plan procédural, le ministre va pouvoir prononcer lui-même des sanctions pécuniaires.
La grande réforme du droit de la concurrence, elle intervient en 1986, avec l’adoption d’une ordonnance du 1er Décembre 1986 qui abroge les réformes de 1946 sur le prix, avec l’affirmation de la liberté des prix.
Depuis, la concurrence est devenu le mécanisme central de régulation des prix en France. C’est la première fois en 600 ans.
Sur le fond, cette ordonnance prévoit :
- D’un côté, un contrôle a posteriori des ententes restrictives de concurrence et des abus de position dominantes, contrôle qui repose sur l’interdiction de ces pratiques et une sanction pécuniaire.
- De l’autre côté, un contrôle a priori des opérations de concentration, réglementées en France avant d’être réglementées en Europe.
En matière de procédure, l’ordonnance de 1986 va entièrement changer de mécanisme, et met en place le Conseil de la Concurrence, autorité administrative indépendante. Il exerce le contrôle a posteriori des pratiques anticoncurrentielles (PAC), mais en revanche, le contrôle a priori des concentrations est effectué par le Ministre de l’Economie.
Cette ordonnance sera intégrée par l’ordonnance du 18 Septembre 2000 dans le nouveau Code de Commerce au livre IV. Il y a plusieurs modifications opérées notamment par la loi NRE du 15 Mai 2001, mais aussi la loi du 2 Août 2005 en faveur des PME, néanmoins l’architecture générale des textes n’est pas modifiée.
Une vraie modification, c’est la loi LME du 4 Août 2008 avec l’ordonnance de 2008, et la loi du 12 Mai 2009, les décrets de février et mars 2009 ont apportés d’importants changements dans la procédure.
Notamment, le Conseil de la Concurrence est remplacé par l’Autorité de la Concurrence (ADLC).
L’ADLC devient compétente pour contrôler à la fois les PAC et les concentrations.
Pour les concentrations, c’est l’article L. 430-7-1 du Code de Commerce.
- Cadre actuel de la règlementation de la concurrence
Union Européenne
Depuis le traité de Rome de 1957, le droit de la concurrence est une branche majeure du droit matériel de l’Union Européenne. L’objectif est de réguler le fonctionnement du marché intérieur. Il permet de définir sur ce marché intérieur, un ordre public de direction économique fondé sur le principe du libre jeu de l’offre et de la demande.
L’ordre public de direction vise les règles au moyen desquelles l’Etat (autorité supranationale) entend canaliser l’activité contractuelle dans le sens le plus conforme à l’utilité sociale. On distingue l’ordre public de direction avec l’ordre public de protection qui a pour objectif de rétablir entre le faible et le fort un équilibre que ne réalise pas le contrat.
Le traité de Lisbonne de 2007 ne modifie pas cette approche.
L’article 3 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne fait de l’établissement du marché intérieur un objectif de l’Union Européenne, sans faire référence à la concurrence.
La concurrence est cependant présentée comme un élément indispensable du marché intérieur dans le protocole numéro 6 sur le marché intérieur et la concurrence.
L’article 3 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne vise la mise en œuvre du développement durable de l’Europe fondé notamment sur une économie sociale de marché hautement compétitive.
Les articles 119 et 120 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne sur la politique économique et monétaire visent le principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre. Le traité de Lisbonne n’a donc pas modifié l’importance de la concurrence dans la construction européenne, c’est un des éléments de la concurrence européenne.
En second lieu, les droits de l’Union Européenne et français ne font pas de la concurrence une fin en soi. Cela n’est pas une condition nécessaire de l’économie européenne, c’est plutôt un moyen, présumé comme étant le meilleur toutefois (pour parvenir à un bien être global).
Cela signifie que les interdictions prévues des atteintes à la concurrence ne sont pas absolues : toute restriction à la concurrence n’est pas nécessairement contraire au droit de la concurrence et interdite. Des restrictions à la concurrence peuvent être autorisées.
On imagine que des atteintes concurrentielles sont susceptibles d’offrir des avantages pour le progrès économique et social.
C’est pour cela qu’elles échappent à une sanction.
Cette idée apparaît tout particulièrement avec le régime des exemptions des ententes restrictives de concurrences prévues à l’article 120 paragraphe 3 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne, ou encore le régime des autorisations des aides d’Etat visé à l’article 107 alinéas 2 et 3 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne.
Droit français : article L. 420-4 du Code de commerce qui prévoit des exemptions possibles pour les ententes et les abus de position dominante.
En troisième lieu, le rôle prépondérant dans la mise en œuvre des règles de concurrence appartient à une autorité spécialisée : la Commission (direction générale) et l’ADLC en France.
Ces autorités ne sont pas des juges et cela n’est pas non plus le pouvoir exécutif.
Il existe donc un régulateur spécifique. Ces autorités ont reçues des pouvoirs spécifiques d’enquête, d’évaluation des comportements et de sanctions.
Ces pouvoirs sont mis en œuvre dans le cadre de procédures particulières (procédures de concurrence). Vraies procédures avec des garanties,….
Mais, les juridictions nationales sont susceptibles de mettre en œuvre le droit de la concurrence aussi bien français que de l’UE à la condition que le droit de l’UE s’applique.
Mais, elles le font dans le cadre des actions dont elles ont à connaître.
Le juge civil : peut être dans le cadre d’une action en responsabilité fondée sur la violation d’une règle de concurrence. Entreprise a imposé un prix prédateur (très bas).
Mais, elles n’ont qu’un rôle secondaire dans la mise en œuvre des règles de concurrence.
Elles n’ont aucun rôle dans la détermination de la politique de concurrence.
Les autorités de concurrence nationales peuvent appliquer le droit national comme le droit de l’UE s’il est applicable. En fonction du principe de subsidiarité la Commission intervient ou non.
Si elle n’intervient pas, alors on peut appliquer les règles de l’UE.
En quatrième lieu, pour organiser la concurrence sur les marchés, le droit de l’Union Européenne prévoit deux types de normes.
- Le premier type de norme a pour objet d’empêcher les entreprises de fausser le jeu de la concurrence. Cela vise deux sortes de règles :
- Les règles destinées à contrôler le comportement des entreprises sur le marché.
Il s’agit de la règlementation des pratiques anticoncurrentielles (PAC), et cette règlementation est prévue aux articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne qui interdisent pour l’article 101, les ententes restrictives de concurrence, et pour l’article 102, les abus de position dominante.
Le contrôle des PAC est un contrôle a posteriori, c’est-à-dire après la réalisation des comportements infractionnels. Ce contrôle est organisé par principalement deux règlements : le règlement I de 2003 mettant en place le cadre procédural général se déroulant devant la Commission, et le règlement n°773/2004 qui vient en complément du règlement de 2003, précisant certains points importants du cadre général de la procédure.
- Les règles destinées à contrôler les opérations relatives à la structure des entreprises.
On vise ici un règlement, adopté en 1989, puis réformé en 2004 : c’est le règlement 139/2004, du 20 Janvier 2004 relatif au contrôle d’opérations de concentrations. Ce règlement met en place les règles de fond et la procédure. Ce règlement organise un contrôle a priori, avant la réalisation des opérations de concentration.
L’objectif est d’établir si l’opération envisagée comporte un risque d’entraves significatives à la concurrence sur un marché.
Si ce risque est constaté, l’opération est interdite avant d’être réalisée ou autorisée avec des aménagements pour éviter la réalisation du risque d’entrave.
Ces deux contrôles constituent l’ensemble des règles qui ont pour objet d’empêcher les entreprises de fausser le jeu de la concurrence.
- Le deuxième type de norme qui ont pour objet d’empêcher les Etats-membres de fausser le jeu de la concurrence. Cela vise principalement deux sortes de règles :
- Les règles relatives au contrôle des aides fournies par un Etat-membre à des entreprises, éventuellement publiques.
Cela est visé aux articles 107 à 109 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne. Ces dispositions du traité interdisent les aides d’Etat sauf exceptions prévues expressément dans le traité.
Ce contrôle mélange contrôle a priori, chaque Etat-membre octroyant une nouvelle aide est censé la notifier d’abord à la Commission, et contrôle a posteriori, des aides anciennes octroyées ou des aides qui n’ont jamais été déclarées et qui sont découvertes par la Commission.
- Les règles relatives au contrôle de l’activité législative des Etats-membres
Un Etat a deux moyens principaux pour modifier le jeu de la concurrence : avantager une entreprise en leur donnant de l’argent directement ou indirectement (allègement fiscal), ou faire passer une loi, qui donne un monopole à une entreprise.
Il y a un contrôle de l’activité législative lorsqu’ils octroient des droits exclusifs ou spéciaux à des entreprises privées ou publiques. Ce type de règle est contenu à l’article 106 §1, §2 et §3 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne.
Cet article prévoit au §1 une interdiction ou plutôt l’obligation pour les Etats-membres e ne pas porter atteinte à l’effet utile des dispositions concernant le droit de la concurrence lorsqu’ils octroient des droits exclusifs ou spéciaux.
Le paragraphe 2 prévoit une exception qui permet de ne pas appliquer les dispositions du droit de la concurrence aux entreprises chargées d’un service d’intérêt économique général (SIEG). C’est sur cette disposition que bon nombre de lois donnant par exemple un monopole à la Poste ont pu été préservé.
Lorsque l’Etat impose ou favorise un comportement d’entreprise contraire aux articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne, cela a été mis en place par la jurisprudence communautaire avec l’arrêt C.I.F. – 9 Septembre 2003 qui permet de retenir la non-validité de la norme nationale sur le fondement de l’application cumulée des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne (qui visent le comportement des entreprises) avec l’article 4§3 du TUE qui désormais vise le principe de coopération loyale des Etats, suivant lequel ils ne doivent pas supprimer tout effet utile aux dispositions du traité. Cela permet de sanctionner l’Etat notamment en faisant un recours en manquement devant l’Etat.
L’Italie a été sanctionnée une fois en manquement pour avoir mis en place une loi organisant une entente entre les entreprises.
FRANCE
Il y aussi le droit français de la concurrence, qui est incorpore depuis l’ordonnance de 2000, incorporé au Livre IV du Code de Commerce intitulé « De la liberté des prix et de la concurrence ». Ce Code de Commerce prévoit deux types de normes :
- Celles qui organisent un contrôle a posteriori des comportements d’entreprises.
Ces normes sont classiquement constituées des règles relatives aux PAC, article L. 420-1 du Code de Commerce interdisant les ententes restrictives de concurrence et l’article L. 420-2 alinéa 1 du Code de Commerce qui prévoit l’interdiction des abus de position dominante.
En revanche, le droit français a deux dispositions spécifiques qui sont classées dans les PAC mais qui n’existent qu’en France :
- L’article L. 420-2 alinéa 2 du Code de Commerce qui prévoit la sanction de l’interdiction des abus de dépendance économique.
C’est une infraction se distinguant de l’abus de position dominante et de l’entente. Ce comportement vise le comportement abusif d’une entreprise comme par exemple une rupture de contrat, l’imposition d’un délai de paiement excessif à l’égard d’une autre dont l’activité dépend de la première (Client captif).
Le comportement abusif de l’entreprise doit être susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence sur le marché (deux conditions : influence et dépendance sur le marché).
Cette infraction a été introduite en 1986, surtout pour lutter contre les pratiques des centrales d’achat à l’égard des petits fournisseurs dépendants. Les conditions d’application très limitatives de ce texte expliquent sa faible application, et il n’a donc presqu’aucun impact en réalité. L’infraction n’est quasiment jamais mise en œuvre.
- L’article L. 420-5 du Code de Commerce qui concerne les prix abusivement bas, c’est-à-dire les prix prédateurs.
Cette disposition vise à interdire les prix extrêmement bas pour le consommateur final, qui ont pour objet ou pour effet d’éliminer d’un marché ou d’empêcher d’accéder à un marché une entreprise ou l’un de ses produits.
C’est un texte de circonstance qui a été adopté pour contrer les excès de la grande distribution à l’encontre du commerce traditionnel.
Ce texte a une portée limitée à trois situations particulières :
- Il concerne les ventes et offres directes aux consommateurs par des producteurs, comme la vente à l’usine.
- Les offres et ventes directes aux consommateurs par des revendeurs qui ont transformé le produit.
- Les offres et ventes aux consommateurs par des revendeurs de supports d’enregistrement audio ou vidéo.
- Celles qui organisent un contrôle a priori des entreprises françaises
Contrôle prévu aux articles L. 430-1 et suivants du Code de Commerce.
C’est un contrôle qui intervient avant la réalisation de l’opération. On trouve l’ensemble des règles de fond et des règles procédurales dans le Code de Commerce, qui sont quasiment identiques au modèle européen.
C’est l’ADLC qui est compétente.
Concernant les aides d’Etat, il n’y a pas de texte spécifique. Il y a en droit administratif, les règles du droit européen transposées. Les aides d’Etat se vérifient au regard du droit de l’Union Européenne lorsque l’aide est importante sinon cela concerne le Code des Collectivités Territoriales pour les aides locales.
Nous ne nous intéresserons qu’au contrôle des PAC et des concentrations.
Chapitre préliminaire – La détermination du marché pertinent
On l’appelle également « marché en cause », marché de référence et dans les mauvais manuels « marché relevant ».
Pourquoi est-ce une notion essentielle ?
Le droit de la concurrence participe à l’établissement d’un ordre public économique de direction, qui repose sur le contrôle et la régulation des marchés à travers le droit de la concurrence. Le droit de la concurrence permet d’effectuer une police des marchés. Or, le contenu du contrôle à effectuer, va dépendre de chaque marché.
Les marchés sont différents, ainsi que leurs structures, et le fonctionnement concurrentiel sur les différents marchés va également être différent. C’est pour cette raison qu’il faut identifier le marché à contrôler pour ensuite envisager d’apprécier la validité d’un comportement ou d’une concentration. Le marché pertinent, c’est tout simplement le marché pertinent pour le contrôle à effectuer, en sachant que le contrôle à effectuer s’effectue au regard de règles de concurrence particulières.
Pour les concentrations, on ne détermine pas de la même manière le marché pertinent que pour une entente. Le contrôle est à priori pour une concentration, on va s’intéresser au marché qui va exister, c’est une démarche prospective.
On va déterminer le marché pertinent de manière beaucoup plus précise.
Pour les ententes et abus de position dominante, comme c’est un contrôle a posteriori, il est plus facile d’appréhender ce qu’a été le marché.
Le marche est pertinent pour un contrôle précis.
C’est pour le contrôle de telle entente à telle époque.
C’est un marché concret pour le contrôle que j’ai à effectué. C’est une démarche très pragmatique.
- 1 – La notion de marché pertinent
La notion de marché est une notion économique, et cette notion économique désigne la confrontation entre l’offre et la demande, entraînant par la négociation la détermination d’un prix dans le but de procéder à des échanges. Un économiste allemand Stakelberg (1905-1946) a proposé une classification des marchés à partir du nombre des offreurs et du nombre des demandeurs.
Stakleberg distingue neuf structures de marché que l’on connaît :
Demande/Offre | Un seul offreur | Plusieurs offreurs | Une infinité d’offreurs |
Un seul demandeur | Monopole bilatéral | Monopsone bilatéral | Monopsone |
Plusieurs demandeurs | Monopole contrarié | Oligopole contrarié | Oligopsone |
Une infinité de demandeurs | Monopole | Oligopole | Concurrence |
Pour le droit de la concurrence, qu’est ce que c’est que le marché ?
Dans le Code de Commerce, il est plusieurs fois évoqué notamment aux articles L. 420-1 et L. 420-2, mais il n’est jamais défini. Le traité sur l’Union Européenne, et le Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne ne précise pas non plus la notion de marché. Seul le marché intérieur est défini à l’article 26 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne.
La définition prétorienne est empruntée à l’analyse économique, et concerne la notion de marché pertinent, qui est la seule utile en droit de la concurrence. Dès son rapport de 1987, le Conseil de la Concurrence (devenu ADLC) définit le marché pertinent comme « le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service spécifique ».
Le Conseil rajoute notamment dans son rapport de 2001, qu’ « en théorie, sur un marché, les unités offertes sont parfaitement substituables pour les consommateurs qui peuvent ainsi arbitrer entre les offreurs ».
En droit de la concurrence, quand on parle de consommateur, il ne faut pas penser au consommateur du Code de la Consommation. Il y a volontairement une rhétorique politique qui ne parle pas d’utilisateurs ou de demandeurs comme en économie mais qui accentue le terme de consommateur pour essayer de faire passer l’idée plus ou moins vraie que le droit de la concurrence, c’est bien pour les consommateurs finaux (qui votent).
D’après cette définition, c’est la confrontation de l’offre et de la demande qui caractérise le marché. Cette confrontation intervient toujours pour un service ou un produit spécifique, c’est l’aspect matériel du marché. Cette confrontation intervient dans une zone, un espace géographique particulier, c’est l’aspect géographique du marché.
La Commission a une approche identique, que l’on retrouve dans sa communication du 9 Décembre 1997 sur la définition du marché en cause aux fins du droit de la concurrence. Pour la Commission, le marché pertinent est constitué par la combinaison de ce qu’elle appelle le marché de produits ou de services en cause et du marché géographique en cause.
C’est une combinaison des deux qui fait le marché pertinent.
La Commission précise les définitions des deux.
Un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables entre eux en raison de leurs caractéristiques, de leurs prix et de l’usage auxquels ils sont destinés.
Le marché géographique en cause comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l’offre des biens et des services considérés dans des conditions de concurrence suffisamment homogènes.
Cette position de la Commission et de l’ADLC est confirmée ou réaffirmée par la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, notamment dans un arrêt Motoé du 1er Juillet 2008 « le marché du produit ou du service en cause englobe les produits ou les services substituables ou suffisamment interchangeables avec celui-ci [produit en cause], en fonction non seulement de leurs caractéristiques objectives, en vertu desquelles ils sont parfaitement aptes à satisfaire les besoins constants des consommateurs mais également en fonction des conditions de concurrence, ainsi que de la structure de la demande et de l’offre sur le marché en cause ».
La formulation est un peu différente. Il y a plus de critères de délimitation du marché, que dans la communication de la Commission de 1997.
Dans ce même arrêt, la Cour souligne également la définition du marché géographique, c’est « le territoire sur lequel tous les opérateurs économiques se trouvent dans des conditions de concurrence similaires en ce qui concerne précisément les produits ou les services concernés ».
Un arrêt du Tribunal Amman Söhne du 28 Avril 2010 vise expressément la communication de 1997 de la Commission, et reprend mot pour mot les définitions qui sont élaborées par la Commission dans cette communication.
En conclusion, il convient de considérer que la notion de marché pertinent au sens du droit de la concurrence désigne le périmètre géographique dans lequel l’offre et la demande de produits considérés comme interchangeables entre eux par le consommateur sont susceptibles de se confronter dans des conditions de concurrence homogène.
- 2 – La nécessité de déterminer un marché pertinent
Reprenons la position de la Cour de Justice des Communautés Européennes présentée dès l’arrêt United Brands du 14 Février 1978 où le tribunal affirme expressément dans l’arrêt Verre Plat du 10 Mars 1992 que « la définition adéquate du marché en cause est une condition nécessaire et préalable à tout jugement porté sur un comportement prétendument concurrentiel ».
En effet, à travers la définition ou la délimitation du marché pertinent, on cherche également à délimiter le périmètre à l’intérieur duquel s’exerce ou non des contraintes concurrentielles sur les opérateurs qui font l’objet du contrôle.
Suivant l’importance de ces contraintes concurrentielles, il est possible d’évaluer le pouvoir de marché des entreprises des opérateurs contrôlés (= capacité de fixer les prix du marché).
Or, de l’importance de ce pouvoir de marché dépend l’applicabilité et surtout l’application du droit des pratiques anticoncurrentielles.
L’un des indices du pouvoir de marché (indice le plus important), c’est la part de marché exprimée en pourcentage.
Pour exprimer une part de marché, il faut savoir de quel marché on parle.
La notion du marché pertinent est importante pour déterminer l’applicabilité du droit des PAC de l’Union Européenne.
Les articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne sont applicables uniquement si le comportement suspecté de l’entreprise est susceptible d’affecter sensiblement le commerce entre les Etats-membres.
C’est le critère principal de l’applicabilité du droit des PAC de l’Union Européenne.
Cela se retrouve dans les lignes directives de la Commission du 27 Avril 2004, relatives à la notion d’affectation du commerce entre Etats-membres. Or l’affectation sensible est principalement appréciée lorsqu’on est en face d’ententes et au regard de la part de marché des entreprises contrôlées, ce qui nécessite la détermination au préalable du marché.
Surtout, la délimitation du marché pertinent est nécessaire pour la mise en œuvre du droit de l’Union Européenne, mais aussi du droit français des PAC.
Pour les ententes entre entreprises, les articles 101 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne et L. 420-1 du Code de Commerce interdisent les ententes qui ont notamment pour effet de fausser le jeu de la concurrence. Cependant, l’effet doit être sensible sur la concurrence.
Pour apprécier le caractère sensible de l’effet sur la concurrence, les autorités de concurrence (Commission et ADLC) calculent les parts de marché des auteurs de l’entente. Il y a des seuils que l’on retrouve dans la communication du 22 Décembre 2001, relative aux accords d’importance mineure, copiés dans l’article L. 464-6-1 du Code de Commerce.
Ces seuils de sensibilité, en cas d’entente ayant un effet restrictif, sont exprimés en part de marché (10% pour les ententes horizontales, 15% pour les ententes verticales).
La qualification d’un effet restrictif d’une entente nécessite la détermination préalable du marché, puisque seuls les effets sensibles sont sanctionnés.
Le marché pertinent, et sa détermination préalable permettent également de mettre en œuvre le mécanisme des règlements d’exemption collective en droit de l’Union Européenne.
La Commission a mis en place plusieurs textes (règlements d’exemption collective) qui précisent les conditions d’exemption de l’article 101 §3 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne, cela permet de ne pas sanctionner une entente pourtant restrictive de concurrence.
Les règlements d’exemption qui ont été mis en place prévoient que l’exemption est accordée dès qu’un seuil exprimé en part de marché n’est pas franchi par les auteurs de l’entente. Pour l’application des règlements d’exemption, on a besoin de déterminer le marché pertinent.
Exemple :
Lorsqu’on a un accord de distribution entre un fournisseur et un distributeur : accord-cadre prévoyant qu’entre Lacoste et le revendeur Le Bon Marché, Lacoste s’engage à fournir pour l’ensemble de sa gamme de l’année le revendeur Le Bon Marché, qui lui s’engage à payer dans tels délais…
Le règlement d’exemption du 20 Avril 2010 prévoit qu’il y a exemption lorsque la part du fournisseur et celle du distributeur ne dépasse pas 30% du marché concerné. Le bénéfice de l’exemption catégorielle repose sur le calcul des parts de marché, sauf circonstances particulières.
Pour les abus de position dominantes interdits à l’article 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne et à l’article L. 420-2 du Code de Commerce, la délimitation du marché pertinent permet de mesurer la puissance économique de l’entreprise concernée, et permet donc de qualifier l’existence d’une domination.
La réponse implique de délimiter le marché sur lequel on veut constater une domination. L’un des indices essentiels est là aussi la part de marché.
La détermination du marché pertinent est également nécessaire pour la fixation des sanctions pécuniaires en matière de PAC, lorsqu’il y a une infraction, l’ADLC prononce une sanction pécuniaire. L’article 23 du règlement I 2003 et l’article L. 464-2 du Code de Commerce : le montant de l’amende est lié à la gravité de l’infraction. Gravité qui dépend pour partie du pouvoir de marché des entreprises, de leur puissance économique, évalués notamment à travers leurs parts de marché.
(Lignes directrices de la Commission pour le calcul des amendes du 1er Septembre 2006).
Pour les concentrations, la détermination du marché est également indispensable, ce pour déterminer si l’opération prévue est susceptible d’entraver de manière significative la concurrence. La part de marché est un outil essentiel pour évaluer l’entrave. Ceci a deux titres :
- L’absence de difficultés est retenue sauf si circonstances exceptionnelles lorsque les parts de marché de la structure issue d’une concentration sont inférieures à 25% dans le cas d’une concentration horizontale (entreprises actives sur le même marché), et à 30% dans le cas d’une concentration verticale (entreprises actives sur différents marchés, avec une relation fournisseur-client) ou conglomérale (entreprises actives sur différents marchés). Il n’y aura pas d’entrave significative à la concurrence.
- Les parts de marché permettent de calculer le degré de concentration globale du marché, lié à la présence de grosses entreprises.
Indice de Herfindahl Hirschmann (IHH), indice de la concentration du marché. Plus l’indice est important, plus la concentration est importante, et plus le risque d’entrave significative à la concurrence est important.
Cet indice est égal à la somme des carrés des parts de marché.
Lorsqu’on a un monopole, on a 100², ce qui fait 10 000. C’est la plus grosse concentration de marché.
Quant il est inférieur à certains seuils, on peut présumer l’absence de problèmes de concurrence sauf circonstances exceptionnelles. Ce sont dans les lignes directrices de la Commission sur les concentrations horizontales de Février 2004, sur les concentrations non-horizontales d’Octobre 2008, et de l’ADLC du 16 Décembre 2009. Les lignes directrices constituent le soft law.
Le marché pertinent n’est pas nécessairement un seul marché.
Dans le cadre des concentrations notamment, lorsqu’une entreprise comme Fiat fait une concentration avec Bombardier. On a beaucoup plus d’un marché pertinent. Fiat est un groupe présent sur plusieurs types d’activité, et Bombardier fabrique des bateaux, mais également des moteurs…
C’est moins le cas pour les ententes, sauf lorsqu’elles sont verticales.
Le marché pertinent est un préalable pour l’application du droit de la concurrence. Il constitue le cadre à l’intérieur duquel on peut déterminer les pressions concurrentielles qui s’exercent sur les entreprises contrôlées, ce qui nous donnera le pouvoir de marché, clé de l’analyse.
L’intensité du pouvoir de marché dépend de l’étendue du marché pertinent, c’est-à-dire du nombre de concurrents actuels ou potentiels capables de peser sur les choix de l’entreprise contrôlée. L’intensité est d’autant plus grande si le marché est réduit.
Remarques sur le calcul de la part de marché d’une entreprise A en pourcentage
On prend le chiffre d’affaires de A, que l’on divise par le chiffre d’affaires total sur le marché pertinent, et on multiplie par 100. On a alors une part de marché en pourcentage.
Le chiffre d’affaires n’est pas toujours disponible, on regarde donc quant au volume de ventes de l’entreprise du marché pertinent.
- 3 – La méthode de délimitation du marché pertinent
Le Conseil de la Concurrence, devenu ADLC adopte des méthodes similaires à la Commission.
La Commission dans un souci de transparence a exposé les grandes lignes de cette méthode dans sa communication du 9 Décembre 1997. Le Conseil de la Concurrence s’est inspiré de cette démarche et a publié son point de vue dans un rapport de 2001, toujours valable aujourd’hui.
Globalement, la méthode se présente de la manière suivante : l’objectif principal est d’identifier les sources d’approvisionnement alternatives auxquelles les clients des entreprises contrôlées peuvent recourir.
Evidemment, l’existence de ces sources dépend d’une part des produits ou des services en cause (aspect matériel) et d’autre part, de l’accessibilité géographique de ces produits ou services (aspect géographique).
Pour déterminer les sources d’approvisionnement disponibles, le critère utilisé est celui de la substituabilité, qu’on appelle aussi l’interchangeabilité.
Afin de délimiter un marché, on recherche quels produits et quelles zones géographiques sont pour la clientèle, substituables de telle sorte que la clientèle les voit comme identiques. On parle alors de substituabilité au niveau de la demande. C’est la première contrainte concurrentielle.
L’analyse de la substituabilité de la demande, c’est l’outil prédominant, mais la substituabilité au niveau de l’offre est également utilisée. Elle vient en complément de l’analyse de la substituabilité au niveau de la demande.
Il s’agit de déterminer si des fournisseurs sont susceptibles immédiatement et à moindre coût de modifier leur production pour répondre aux mêmes besoins que l’entreprise contrôlée. Si c’est le cas, ils sont sur le même marché que l’entreprise contrôlée. Cela étend les limites du marché en cause.
Concrètement, comment fait-on pour apprécier la substituabilité au niveau de la demande, et éventuellement au niveau de l’offre ? La méthode est très empirique, et souple. La plupart du temps, les autorités de concurrence élaborent une hypothèse de marché pertinent à partir des premiers éléments d’information à leur disposition, sans enquête particulière.
Cette hypothèse est ensuite vérifiée, et affinée en fonction des nécessités liées à l’application de la règle de droit (a-t-on besoin d’un marché pertinent très précis ?), et des arguments des entreprises contrôlées.
Les sources d’information nécessaires au travail de délimitation du marché pertinent sons multiples, et diversement fiables : on trouve les rapports annuels des entreprises contrôlées, des prises de contacts des autorités avec les principaux fournisseurs et clients des entreprises contrôlées, avec les associations professionnelles, avec les entreprises elles-mêmes (vérifications sur place, demandes…) sous formes de questionnaires ou de vérifications plus ou moins coercitives sont les principaux moyens de réunir les informations.
Ces informations peuvent être complétées par des études statistiques sur le comportement de la demande : des études sur l’évolution historique des prix et de la demande, des sondages, des recours à des experts psychologiques…
- L’aspect matériel du marché
- La substituabilité du côté de la demande
On recherche les produits qui sont capables de satisfaire un même besoin d’une même catégorie de demandeurs.
Tous les produits qui répondent à la même demande sont considérés comme faisant parti d’un seul et même marché. Cependant, aucun produit n’est entièrement substituable à un autre. On recherche avant tout un degré de substituabilité suffisant. Arrêt Motoé du 1er Juillet 2008 + Com – 6 Décembre 2005 – Roquefort.
Pour déterminer ce degré suffisant de substituabilité, on s’appuie sur un faisceau d’indices « qualitatif » qui permet d’établir si différents produits sont perçus comme interchangeables : les caractéristiques du produit, l’usage premier du produit, l’image de marque, les modes de distribution, l’environnement juridique du produit, les caractéristiques de la demande.
Cela constitue des indices qualitatifs de la substituabilité, et ils permettent une approche objective du caractère interchangeable ou non des produits.
14 Février 1978 – United Brands, concernant la banane.
Une des difficultés était de savoir si la banane était un marché pertinent à elle toute seule, où si cela était sur le marché des fruits frais. La Cour souligne la spécificité de l’apparence, du goût, de la consistance, l’absence de pépins, son maniement facile, adaptée aux enfants et aux vieilles personnes…
Pour délimiter l’aspect matériel du marché, il y a quand même une part de subjectivité qui intervient dans la mesure où la substituabilité suffisante dépend de la perception que les consommateurs ont des produits ou services. Or, cette perception est très influencée par les stratégies de différenciation des offreurs, celles-ci reposent notamment sur la publicité, le phénomène de marque, le circuit de distribution employé… tout ce qui permet de rendre unique un produit aux yeux des consommateurs.
Exemple : La distribution de produits en pharmacie constitue un moyen de différenciation. Cette distribution en pharmacie permettra d’isoler les produits vendus exclusivement en pharmacie des autres. Un dentifrice vendu en pharmacie ne sera pas sur le même marché qu’un dentifrice vendu en supermarché.
Arrêt Com – 25 Avril 1989 – Pierre Fabre Cosmétiques.
Dans une décision Adidas du Conseil de la Concurrence n°97 D 72 du 21 Octobre 1997, dans cette décision, le Conseil de la Concurrence a isolé dans le marché des chaussures de sport, celui de la chaussure de football. Le Conseil a relevé l’existence de contrats de parrainage passés avec les clubs de football professionnels pour ce type de chaussure. Ces contrats de parrainage permettaient de bénéficier de l’image et de la notoriété des dits clubs professionnels. L’existence de ces contrats, exclusivement pour la chaussure de football, est un élément pertinent pour considérer que c’est un marché à part.
Des indices quantitatifs, c’est-à-dire fondés sur l’analyse statistique des évolutions de la demande, en fonction des écarts de prix, sont utilisés pour essayer d’apprécier le comportement des utilisateurs (consommateurs). Le comportement subjectif de chacun est difficile à apprécier, mais on peut faire des études quant au comportement d’une masse, et tenter d’appréhender cette part de subjectivité à travers le comportement de la masse.
On a mis en place plusieurs critères pour essayer d’appréhender cette évolution de la demande :
- Le test du choc
On recherche un évènement passé qui permet de regarder l’impact d’une augmentation de prix violente, et non anticipée par la demande. Cela permet de savoir si on a une clientèle captive ou non (si la clientèle est captive, il y a de fortes chances pour que le marché soit indépendant).
- L’élasticité du prix par rapport à la demande d’un produit
On regarde statistiquement quel a été l’impact de l’augmentation du prix du produit A sur la demande du produit A. Cela permet de savoir s’il y a une clientèle captive, sans être obligé de trouver un évènement imprévu qui a produit une augmentation spectaculaire.
- L’élasticité croisée du prix du produit A par rapport à la demande du produit B
On regarde l’impact de l’augmentation du prix du produit A sur la demande du produit B.
Le Coca-Cola augmente de 15%, le Pepsi va-t-il récupérer une part de la clientèle à la suite de cette augmentation ?
Ces outils statistiques sont aujourd’hui déterminants pour conclure définitivement à la substituabilité des produits. C’est un rappel de la Cour de Cassation, dans un arrêt Com – 26 Juin 2007 – Goldirings.
La Cour de Cassation sanctionne la Cour d’Appel de Paris, car celle-ci avait décidé qu’il existait un marché de la chaîne en or de qualité, de fabrication française. Ce marché se distinguait du marché de la chaîne en or, importée de moins bonne qualité (quantité d’or inférieure).
La Cour de Cassation condamne la position de la Cour d’Appel, car celle-ci a pris position sans avoir recherché si la demande des détaillants, pour les chaînes françaises, était indépendante du prix des chaînes importées. La Cour d’Appel n’avait pas examiné l’élasticité croisée de la demande des chaînes françaises par rapport au prix des chaînes importées.
Cet arrêt souligne l’importance du recours aux outils statistiques pour pouvoir conclure définitivement sur la détermination du marché. La Cour de Cassation veille à ce que les juges apprécient et délimitent le marché en s’appuyant sur ses outils. C’est un standard de preuve.,
- Le critère du monopoleur hypothétique, test SSNIP (Small but Significant and Non transitory Increase in Price)
Visé par la Communication de 1997, aux points 17 et 18, et il constitue l’outil le plus performant pour déterminer si oui ou non deux produits sont sur le même marché. Il consiste à déterminer si une augmentation faible mais significative, chiffrée entre 5 à 10%, et non-transitoire (c’est-à-dire augmentation durable) des prix d’un produit A qui n’est proposée que par un seul offreur, serait profitable pour celui-ci compte tenu de la réaction de ses clients et du rapport d’une part de leur demande sur un produit B.
Si une part de la clientèle se reporte sur le produit B, de telle sorte que la hausse de prix n’est pas profitable pour le fabricant de A, les produits A et B sont considérés comme suffisamment substituables et donc sur le même marché.
L’examen va être poursuivi avec les autres produits pressentis comme substituables jusqu’à ce que l’augmentation des produits sur le marché en délimitation, devienne profitable.
C’est un outil presque parfait.
Le seul problème de cet outil, c’est le paradoxe du Cellophane (Cellophan fallacy), cela vient de l’affaire du Pont de Nemours de 1956. Le prix pratiqué par une entreprise, lorsque celle-ci est en position dominante est déjà un prix trop élevé par rapport au prix de concurrence qui existait s’il y avait des concurrents.
Mais ce prix excessif est en général inférieur au prix à partir duquel des produits différents, comme le pétrole ou le charbon deviennent substituables aux yeux des consommateurs. Il existerait un prix à partir duquel les consommateurs/utilisateurs verraient comme substituables des produits qu’ils ne pensaient pas substituables au début.
Exemple : La moto et la voiture.
Si le prix des voitures devient tellement important (correspondant au prix d’un avion), que va faire le consommateur moyen ? Il ne peut plus acheter de voitures, il achètera une moto à la place.
La clientèle de la voiture, en raison de l’explosion des prix, va se reporter en masse vers un autre produit. Voitures et motos vont ainsi se retrouver sur le même marché, car la voiture a dépassé le seuil à partir duquel un produit devient substituable alors qu’il ne l’était pas.
Lorsque l’on fait son analyse du monopoleur hypothétique, on va fictivement augmenter le prix déjà excessif de cette entreprise en position dominante. On va faire basculer le prix excessif au dessus du seuil à partir duquel des nouveaux produits deviennent substituables. On va fictivement trouver des produits substituables aux produits de l’entreprise dominante. En trouvant fictivement des produits substituables aux produits de l’entreprise dominante, on va élargir le marché, et de ce fait, on va constater que notre entreprise qui devait être en position dominante ne l’est pas.
Enfin, pour le test du monopoleur hypothétique, il faut une masse considérable d’informations : il faut tous les prix de tous les produits sur plusieurs années, ainsi que des informations sur la demande de ces produits, pour faire des projections valables. De manière rétrospective, on peut trouver ces informations.
Si on se projette, cela est bien plus difficile.
La substituabilité au niveau de la demande a normalement été entièrement appréhendée si on a fait tous ces tests, et on sait s’il y a des sources d’approvisionnement alternatives ou non. Cette analyse de la substituabilité de la demande permet de conclure définitivement sur l’étendue du marché de produits.
Il reste néanmoins une inconnue, qui peut avoir son importance en fonction du marché de produits : certains offreurs sont-ils susceptibles de venir concurrencer dans un avenir proche l’offreur des produits en cause. C’est une question relative à la substituabilité du côté de l’offre.
- La substituabilité du côté de l’offre
La substituabilité du côté de l’offre, c’est la possibilité pour d’autres producteurs de réorienter leur production à très court terme sans coût ni risque supplémentaire.
La Commission offre une illustration très précise de cette notion dans la Communication de 1997 sur le marché pertinent, elle prend l’exemple du secteur du papier. Toute une gamme de papier (standard jusqu’au papier de qualité supérieure utilisé) existe, et du point de vue de la demande, on n’utilise pas indifféremment ces qualités de papier.
Les papeteries peuvent fabriquer différentes qualités de papier, et la production peut être adaptée à court terme et moyennant de très faibles coûts d’adaptation pour fabriquer une qualité ou une autre. Cela veut dire que des entreprises de papier peuvent se faire concurrence pour les commandes de diverses qualités de papier, notamment si les commandes sont passées suffisamment à l’avance.
Dans ces circonstances, la Commission considère qu’elle ne définira pas un marché distinct pour chaque qualité de papier et pour chacun de ses usages. Pour la Commission, les diverses qualités sont regroupées dans un même marché. Leurs ventes sont cumulées pour apprécier l’importance de ce marché parce qu’il y a une forte substituabilité au niveau de l’offre. Cela permet de rélargir le marché.
Au niveau la substituabilité de l’offre regardé, on a normalement pleinement délimité le marché.
- L’aspect géographique du marché
Elle permet de délimiter l’espace sur lequel l’utilisateur peut arbitrer entre différentes sources d’approvisionnement matériel. L’objectif est d’identifier la zone géographique, à l’intérieur de laquelle les conditions de concurrence auxquelles sont confrontés les opérateurs pour les produits en cause, sont suffisamment homogènes (Arret Motoé de la CJCE du 1er Juillet 2008).
L’homogénéité des conditions de concurrence repose principalement sur le critère de l’accessibilité au produit pour l’utilisateur. Cette accessibilité dépend de plusieurs facteurs :
- Les contraintes physiques, au sens sciences physiques. On distingue deux choses :
- La distance ou le temps de parcours des utilisateurs
Exemple : Dans le secteur de la distribution, dans un avis du Conseil de la Concurrence – Carrefour Promodès du 3 Mai 2000, le Conseil a relevé que l’attractivité d’une grande surface est liée au critère de la taille, on peut faire une grille des temps de déplacement habituellement effectués par la clientèle.
Le supermarché fait moins de 1500 m², moins de 10 minutes de déplacement.
En fonction de ces temps de déplacement, on peut faire des grilles
Dans la décision Accord du 4 Juin 2004 – CJCE, la Commission a considéré que sur le marché d’exploitation des casinos, les marchés étaient de dimension locale, et qu’ils se définissaient sur la base d’une zone d’une heure de transport en voiture. Il faut rapporter ces distances à la qualité du réseau routier, au profil du terrain, à l’attractivité des points de vente.
La prise en compte de critère peut aussi amener à distinguer les marchés en fonction des catégories de consommateurs. La demande des entreprises peut s’adresser à une zone géographique plus large qu’à la demande des particuliers. Dans une décision Protravel du Ministre du 29 Mars 2005 (concentrations), le Ministre a considéré que dans le secteur des voyages d’affaires, on pouvait considérer que pour les PME/PMI, le marché géographique est national, alors que pour les entreprises multinationales, il fallait s’intéresser à une dimension plus large car les multinationales cherchent à avoir un fournisseur unique pour l’ensemble de leur groupe (one stop shopping).
- Le coût de transport rapport au prix du produit
Plus le rapport est faible, moins il pèse sur le prix définitif du produit (il peut donc être transporté plus loin, ce qui augmente la superficie de la zone géographique concernée).
Dans un arrêt du 29 Juin 1993 – Marché des tuiles et briques en Alsace – Cour de Cassation, la Cour va confirmer l’analyse du Conseil de la Concurrence et de la Cour d’Appel en précisant que les tuiles et briques fabriquées en Alsace ne sont pas substituables aux tuiles et briques fabriquées dans d’autres régions, en raison de l’incidence contraignante du coût de transport.
La nature du produit joue un rôle pour déterminer si le transport constitue ou non un enjeu de délimitation.
Dans une décision du Conseil de la Concurrence du 5 Juin 2001 – Granula (concentration)¸ c’est le revêtement pour les routes. Cela ne peut pas être transporté sur une longue distance, à moins de les humidifier tout le long du parcours (ce qui est très cher). Il en va de même pour le béton à l’emploi.
- Les contraintes juridiques
Celles-ci peuvent modifier l’accessibilité du produit.
Certains marchés peuvent être géographiquement limités par des contraintes légales, ou règlementaires. C’est notamment le cas lorsqu’on se pose la question de savoir si on a un marché mondial ou non.
Il y a eu des fragmentations géographiques au sein de l’Europe pour un produit, comme avec l’arrêt United Brands du 14 Février 1978 de la Cour de Justice des Communautés Européennes, et le marché de la banane est différent en raison des politiques commerciales nationales adoptées par les Etats-membres en matière d’importation. Les bananes d’United Brands n’étaient pas en France, en Grande-Bretagne et en Italie, pour des raisons diverses, à égalité avec les autres bananes vendues qui bénéficiaient d’un régime préférentiel.
Dans l’arrêt British Sugar du 18 Juillet 1988 – Cour de Justice des Communautés Européennes, le marché du sucre est essentiellement national en raison de la PAC qui attribue un quota de sucre à chaque Etat-membre.
Les normes limitent souvent l’étendue géographique, ainsi la décision du Conseil de la Concurrence du 6 Juin 200 – Fichet, où le Conseil note que l’absence de standardisation européenne dans le secteur de la serrurerie caractérisait des marchés encore nationaux.
- Des préférences subjectives des clients
Il y a toujours un aspect subjectif même pour une détermination géographique du marché, et il faut essayer de le prendre en compte. On vise notamment les habitudes régionales ou nationales, l’importance de la culture, l’attachement aux marques nationales ou régionales des individus.
Dans la décision du Conseil de la Concurrence (concentrations) du 1er Juin 1999 – Koramic, où le Conseil a considéré que du fait de l’utilisation privilégiée de la brique en Alsace, ce matériau n’a pas été considéré comme substituable au parpaing de béton dans cette région alors que dans d’autres régions de France, ces deux matériaux sont substituables entre eux.
Conclusion sur la délimitation du marché pertinent
- Présentation correspondant à une grille de lecture.
En réalité, les étapes ne sont pas aussi clairement présentées dans les décisions des autorités de régulation, qui mélangent les critères, et procèdent par économique de moyens.
Elles choisissent le ou les critères qui leur permettront de retenir le plus facilement et le plus utilement possible un marché pertinent.
De plus les autorités sont limitées par les preuves dont elles disposent, elles s’appuient donc sur des éléments de fait qu’elles ont pu obtenir, relatifs aux évolutions de prix et de quantité, aux opinions des utilisateurs, aux études de marché, et bien évidemment aux évolutions jurisprudentielles antérieures.
Le marché pertinent est celui défini comme tel, avec les moyens et informations disponibles. SI ces moyens et informations ne sont pas convaincants, il appartient aux entreprises contrôlées de les contester pour forcer l’autorité de contrôle à approfondir son analyse.
- La démarche poursuivie par les autorités de concurrence est directement liée à l’utilité de délimiter un marché, pour le cas concret qui la préoccupe
C’est le marché pertinent pour le contrôle en cours. Il y aura donc une tendance à délimiter le marché juridique en fonction du résultat juridique qu’elle souhaite obtenir. Le résultat qu’on souhaite obtenir est le moteur de l’analyse du marché. Les autorités de concurrence ont intérêt à définir étroitement le marché pertinent, car sur un tel marché, il est plus facile de prouver l’existence d’une infraction.
- Certains secteurs sont sensibles aux chaînes de substitution
L’existence d’une chaîne de substitution permet de définir un marché pertinent dans lequel des territoires ou des produits situés aux limites du marché ne sont pas directement substituables
Par exemple, pour la zone géographique, on a trois zones X, Y et Z.
X et Z ne sont pas substituables entre elles, en revanche, Y qui est entre les deux, est en partie substituable avec X et en partie avec Z. Du coup, on va considérer que le marché géographique est la zone géographique X+Y+Z alors que X et Z ne sont pas directement substituables.
Décision Accord du 28 Juillet 2008 concernant les casinos : l’ensemble de la Côte d’Azur, même si un joueur de Sainte Maxime n’ira pas jouer à Menton.
Le concept de chaîne de substitution permet d’élaborer un marché plus large, mais il faut vérifier par des éléments de fait (en général, influence des prix aux limites extrêmes des chaînes de substitution).
Chapitre I – Le contrôle des pratiques anticoncurrentielles
Ce sont des comportements d’opérateurs faisant obstacle au libre fonctionnement de la concurrence sur un marché. Deux types de comportements contraires à la concurrence sont traditionnellement identifiés :
- Les ententes restrictives de concurrence
- Les abus de positions dominantes
Le droit de l’Union Européenne et le droit français de la concurrence ont organisé un contrôle de ces deux comportements qui repose en premier lieu sur l’interdiction des ententes restrictives de concurrence, et des abus de positions dominantes (Interdiction dictée aux articles 101 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne et L. 420-1 du Code de Commerce pour les ententes, et aux articles 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne et L. 420-2 du Code de Commerce pour les abus de positions dominantes).
L’organisation de ce contrôle repose aussi sur l’intervention et la surveillance d’une autorité spécialisée : soit la Commission, soit l’autorité de la Concurrence. Surveillances selon des procédures propres à la seule mise en œuvre du droit des PAC (Pratiques anticoncurrentielles). Cette procédure est visée pour l’essentiel dans le règlement I 2003 du 16 Décembre 2002 et les articles L. 450-1 et suivants du Code de Commerce.
Section I – Le champ d’application du droit des pratiques anticoncurrentielles
C’est la question de l’applicabilité (aptitude d’une règle de droit à saisir une situation) du droit des pratiques anticoncurrentielles est double. Dans un premier temps, il faut déterminer la matière susceptible d’être saisie par le droit des pratiques anticoncurrentielles (le champ d’application matériel), puis déterminer l’étendue géographique potentiellement appréhendée par le droit des pratiques anticoncurrentielles (le champ d’application territorial).
- 1 – Le champ d’application matériel
Le droit des pratiques anticoncurrentielles a pour objet l’ensemble des activités économiques sans exception.
Le caractère agricole, sportif, libéral, artisanal, culturel… d’une activité n’est pas l’essentiel, comme n’est pas non plus pertinent la nature juridique de la personne qui exerce cette activité.
L’élément fondamental est que la nature économique de l’activité concernée par le contrôle soit constatée.
Cependant, bien que centrale, la notion d’activité économique ne définit pas à elle-seule l’entièreté du domaine d’application matériel du droit des pratiques anticoncurrentielles. L’intervention étatique est également incluse dans ce domaine d’application tant en droit de l’Union Européenne qu’en droit français.
- L’activité économique
Articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne.
A la lecture de ces articles, apparait le fait que ces dispositions visent uniquement les comportements d’entreprise. Or, la Cour de Justice des Communautés Européennes dans un arrêt du 23 Avril 1991 – Höffner¸définit l’entreprise comme « toute entité exerçant une activité économique indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement ».
Dans les faits, il y avait un litige entre une société de conseil en recrutement et une entreprise qui avait recruté en Allemagne. Le problème était lié aux honoraires réclamés par la société de conseil à l’entreprise recrutée. La société en recrutement a présenté un candidat pour la fonction de directeur, et l’entreprise n’avait pas voulu l’embaucher, et avait ensuite refusé de payer les honoraires liés à la présentation dudit candidat.
La société de conseil a assigné la société pour obtenir les honoraires prévus contractuellement.
Devant les juridictions allemandes, la société de conseil n’obtient pas gain de cause, parce que son activité de placement, c’est-à-dire activité qui consiste à trouver des emplois pour les cadres, était contraire au droit allemand qui donnait un droit exclusif de placement à un organisme public (équivalent du Pôle emploi).
Une question préjudicielle a été posée à la Cour de Justice des Communautés Européennes pour déterminer si le droit de l’Union Européenne de la concurrence permettrait éventuellement de condamner le monopole du placement des cadres donné à l’organisme public.
L’organisme public bénéficiant du monopole est une entreprise, comme le prévoient les articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne. La Cour répond en disant que c’est une entreprise, si l’organisme public constitue une entité exerçant une activité économique indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement (La réponse fut positive).
Depuis cet arrêt, l’entreprise est avant tout le support d’une activité économique. La définition n’est pas organique ou formelle. Sont donc indifférents le statut juridique (en droit national, que la personne soit privée ou publique) et le mode de financement.
Ainsi, un avocat profession libérale peut être une entreprise, s’il exerce une activité économique (c’est le cas).
Les associations sans but lucratif peuvent également être des entreprises. Cela n’a donc rien à voir avec la notion de droit français d’entreprise. Enfin, cela peut être une seule personne juridique, comme un groupement de personnes juridique.
D’autre part, le mode de financement est indifférent : donations, ressources propres, subventions…
En droit français, la situation se présente de manière différente mais aboutit au même résultat.
Le champ d’application de la concurrence est défini par l’article L. 410-1 du Code de Commerce et ne fait pas référence à la notion d’entreprise. Cet article dispose que « les règles définies au présent livre s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution, et de service, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public ».
Une entité publique, agissant le cadre d’une délégation de service public, peut voir son activité encadrée par le droit de la concurrence.
Les deux notions (française et communautaire) sont semblables, cela ressort très nettement d’un arrêt Com – Comité Intersyndical du livre parisien – 15 Janvier 2002, où un éditeur parisien avait rompu son contrat avec une société d’imprimerie dite « de presse » réservée normalement aux quotidiens. L’éditeur quotidien avait confié l’impression de deux quotidiens à une imprimerie dite « de labeur » réservée à tous les autres journaux.
Le Comité va faire pression sur l’éditeur, va détruire les journaux imprimés, occuper les locaux de l’imprimerie de labeur qui avait osé imprimer deux quotidiens, et neutraliser les rotatives. Des poursuites ont été introduites devant le Conseil de la Concurrence sur le fondement d’ententes entre les syndicats composant le comité.
Les syndicats sont condamnés par le Conseil de la Concurrence, émois dans la presse et parmi les professeurs de droit social. La Cour d’Appel est saisie et réforme cette décision.
Cependant, elle va mal motiver sa décision, si bien que tout le monde est encore persuadé que le droit social/le droit de grève s’effacent derrière le droit de la concurrence.
La Cour de Cassation confirme la Cour d’Appel en ce qu’elle a réformé la décision du Conseil de la Concurrence, et considéré qu’il n’y avait pas entente entre les syndicats, en soulignant que c’est bien sur « l’absence d’activité économique des syndicats poursuivis au sens de l’article L. 410-1 du Code de Commerce que la Cour d’Appel a décidé que l’article L. 420-1 du Code de Commerce ne leur était pas applicables ».
En d’autres termes, c’est parce que les syndicats, lorsqu’ils font grève, ne représentent pas une activité économique que l’on ne peut pas leur appliquer le droit des pratiques anticoncurrentielles. Il y a une référence explicite à la notion d’activité économique.
Le Conseil d’Etat adopte une position semblable, c’est-à-dire qu’il applique le droit de la concurrence en se référant également à la notion d’activité économique. Dans un arrêt Société Enf en Confiance – 28 Mai 2010 proposant aux Conseils Généraux la mise en place de site afin de donner aux familles de la région des informations concernant les assistantes maternelles disponibles, contre rémunération.
Le Conseil d’Etat précise que la CNAF, qui s’est vue attribuer la mission de mettre en place un site Internet d’information aux familles national, n’est pas chargée d’exercer une activité économique emportant intervention sur un marché. Le droit de la concurrence ne lui est donc pas applicable.
- La notion d’activité économique
- Définition générale de la notion
L’applicabilité du droit de la concurrence repose sur la notion d’entreprise, qui elle-même est définie par la notion d’activité économique.
Cette notion a été indirectement définie par un arrêt du 16 Juin 1987 Commission c/Italie, quant à l’interprétation d’une directive sur la transparence des relations financières entre Etat et entreprises publiques. La Cour, dans le cadre de cette interprétation, a distingué l’activité de l’Etat comme puissance publique, et l’activité économique de l’Etat à caractère industriel et commercial qui consiste à offrir des biens ou des services sur le marché.
Cette décision sera clairement réaffirmée dans l’arrêt Pavlov du 12 Septembre 2000, où la Cour de Justice des Communautés Européennes dispose que « constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné ».
Cette définition a été confirmée par de nombreux arrêts :
- L’arrêt Golckner du 25 Octobre 2001 concernant le transport de malades d’urgence par des organismes sanitaires chargés de la gestion du service public.
- L’arrêt Motoe du 1er Juillet 2008 qui concerne l’organisation et la commercialisation de cours de moto par la Fédération Grecque de Moto.
- L’arrêt du 26 Mars 2009 – Selex qui concerne les activités d’Eurocontrôle.
La plupart du temps, les difficultés sont liées aux exclusivités de ces activités. Avant de savoir si l’exclusivité est justifiée, interdite, il s’agit de savoir si l’activité en cause est une activité économique.
D’après la définition donnée, l’activité d’achat n’est pas en soi une activité économique (l’arrêt Fenin – 4 Mars 2003 et 11 Juillet 2006), il s’agit d’une activité neutre. Le caractère économique ou non dépend de la nature de l’activité pour laquelle il y a eu achat.
Par exemple, s’il y a eu rachat pour revente, l’activité d’achat a la nature de l’activité de revente.
C’est la destination des biens achetés qui donne par ricochet un caractère économique à l’activité d’achat.
Le consommateur particulier n’est donc pas une entreprise, il n’a pas d’activité économique. En revanche, le grossiste qui achète pour revendre, a une activité économique.
Dans l’arrêt Fenin, la difficulté concernait des hôpitaux espagnols, et plus précisément un organisme de gestion du système de santé, qui achetait du matériel pour l’ensemble des hôpitaux. Cet organisme payait le matériel sanitaire après un délai moyen de 300 jours. L’association professionnelle des vendeurs a porté plainte devant la Commission pour dénoncer cette situation sur le fondement notamment de l’article 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne.
Les juges vont considérer que l’achat de matériel sanitaire par l’organisme en cause était non-économique, car cet organisme avait une activité ou utilisait les biens achetés pour une activité exclusivement sociale.
La qualification de l’activité soulève une difficulté lorsque l’entité concernée par le contrôle est un organisme public.
- Indices du caractère économique de l’activité
A ce moment là, deux indices sont utilisés pour déterminer la nature économique de l’entité publique en cause :
- L’activité de l’organisme public est susceptible d’être exercé par des organismes privés.
Arrêt Höffner, l’activité de placement pourrait-elle être exercée par des entreprises privées ? En l’occurrence, cela pourrait être le cas, cela a été le cas, et c’est le cas dans d’autres pays.
En droit français, il faut savoir que la position n’est sans doute pas identique sur cet indice.
Dans l’affaire Société Enf en Confiance – 28 Mai 2010, le Conseil d’Etat, mais également par une décision de l’ADLC et par un arrêt de la Cour d’Appel de Paris 27 Janvier 2011 n’ont pas retenu le caractère économique de la CNAF lorsqu’elle mettait en place un site national d’information quant aux structures d’accueil.
Pourtant celui qui s’est plaint de ce monopole, de l’exclusivité donnée à la CNFA, c’est une société de droit privé qui avait pour activité la mise en place de tels sites dans le cadre de marchés publics régionaux.
(Cet indice n’est donc pas retenu en droit français).
- L’activité en cause est en concurrence avec des activités exercées par des personnes privées
Arrêt FFSA du 16 Novembre 1995 qui concernait la contestation par une fédération d’assurances de la légalité d’un décret qui donnait à une caisse nationale d’assurances la gestion exclusive d’un régime complémentaire facultatif d’assurance-retraite. La FFSA avait non seulement une gestion exclusive, mais en plus les cotisations facultatives étaient fiscalement déductibles.
Le régime en cause était-il en concurrence avec les compagnies d’assurance, et le système d’assurance vie ? Ce sont des activités qui fonctionnent selon un principe de capitalisation. Si la réponse était oui, cela voulait dire que la FFSA avait une activité économique. En l’espèce, il y avait clairement une concurrence.
Ce second indice permet aussi la qualification d’activité exercée sans but lucratif en activité économique.
Il faut absolument retenir que lorsqu’une entité offre des biens ou des services sans but lucratif, cela ne fait pas du tout obstacle à ce que l’entité soit considérée comme une entreprise.
La condition, c’est que l’offre de l’entité sans but lucratif se trouve en concurrence avec l’offre d’entités qui ont un but lucratif. C’est l’affaire de la fondation bancaire du 10 Janvier 2006 – Cour de Justice des Communautés Européennes.
La qualification d’activité économique ne repose pas sur le caractère lucratif ou non d’une activité.
- Les activités exclues de la notion
- Les activités qui relèvent d’une fonction exclusivement sociale
Il y a une jurisprudence assez importante sur ce point en termes de nombre d’arrêt.
Le premier arrêt est l’arrêt Poussé et Pistre du 17 Avril 1993 de la Cour de Justice des Communautés Européennes, et l’un des derniers est l’arrêt Kattner du 5 Mars 2009
La difficulté est la suivante : on a des organismes qui gèrent des régimes de sécurité sociale. Ces organismes exercent-ils une activité exclusivement sociale ? Le problème est accru avec la diversité des régimes sociaux existants en Europe.
L’idée directrice est que le caractère exclusivement social d’un régime dit « social » (retraites, maladie, famille ou chômage) dépend des modalités de gestion mises en place pour garantir la couverture des risques des personnes assurées. Les difficultés se posent pour les régimes complémentaires, qui sont souvent obligatoires.
N’est pas qualifié d’activité économique, le régime qui met en œuvre un principe de solidarité, et qui demeure sous le contrôle de l’Etat. Pour constater qu’un régime de sécurité sociale met en œuvre le principe de solidarité, on utilise la méthode du faisceau d’indices. La Cour de Justice des Communautés Européennes retient comme indices de solidarités notamment :
- Le caractère obligatoire de la filiation (tout un secteur est contraint de s’affilier).
- L’indépendance du montant des cotisations par rapport aux risques assurés. La plupart du temps, c’est une cotisation calculée sur un principe de répartition (les plus riches payent plus indépendamment du risque assuré).
- L’indépendance de la valeur des prestations fournies par rapport au montant de la cotisation de l’assuré.
- Le plafonnement des cotisations payées par l’assuré.
- L’existence d’une cotisation minimale uniforme.
- L’existence d’un mécanisme d’exemption et de suspension des cotisations en cas de maladie ou de difficultés économiques.
- L’existence de mécanismes de compensation entre caisses professionnelles différentes.
Il n’est pas nécessaire que tous ces indices se retrouvent, mais il en faut plusieurs.
Enfin, pour constater que le régime est exclusivement social, il faut que cela demeure sous le contrôle de l’Etat. Cela veut dire que l’organisme en cause ne doit pas être entièrement libre dans sa gestion, et tout particulièrement dans la fixation du montant des cotisations, et dans la détermination des prestations à offrir. On considérera qu’il y a un contrôle lorsque par exemple, le montant des cotisations est défini par la loi.
Néanmoins, une marge de manœuvre peut être conférée à l’organisme sur les montants, mais cette marge de manœuvre doit être prévue et encadrée par la loi (arrêt Kattner).
- Les activités impliquant l’exercice de prérogatives de puissances publiques
L’exercice de prérogatives de puissances publiques ne peut pas être qualifié d’exercice économique. Un tel exercice se rattache aux activités régaliennes de l’Etat.
Dans un arrêt Eurocontrol de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 19 Janvier 1994, où un organisme international était chargé par les Etats d’assurer la sécurité de l’espace aérien. En plus, Eurocontrol percevait les redevances payées par les compagnies aériennes pour l’utilisation de cet espace.
Un certain nombre de compagnies vont refuser de payer la redevance, et la contestation de la compagnie aérienne va être fondée sur l’application des articles 101 et 106 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne.
La Cour va être saisie d’une question préjudicielle pour savoir si ces articles étaient susceptibles d’être appliqué (monopole) ? La Cour va considérer que la perception des redevances n’était pas détachable des activités de police aérienne d’Eurocontrol. Eurocontrol doit être regardé comme une autorité publique agissant dans l’exercice de la puissance publique et la collecte de la redevance entre dans le cadre de la mission d’Eurocontrol qui est le maintien et l’amélioration de la sécurité de la navigation aérienne.
La Cour termine en expliquant que ces activités se rattachent typiquement à l’exercice de prérogatives de puissances publiques.
Dans cet arrêt Eurocontrol, une autorité internationale mise en place par des Etats pour el contrôle de l’espace aérien ; cette police de l’air se rattache à l’exercice de prérogatives de puissance publique, et que l’activité annexe de perception de redevance n’est pas détachable de cette activité principale.
Il n’y a donc aucune activité économique en place.
Deux précisions sur cette idée :
- C’est une notion autonome, c’est-à-dire que le contenu est défini par le juge de l’Union Européenne, et pas par les Etats-membres. Il peut y avoir des prises de position un peu surprenantes, par exemple l’arrêt Diego Cali du 18 Mars 1997 où la Cour de Justice a tenu le même raisonnement que dans l’arrêt Eurocontrol. L’activité en cause était une activité de surveillance antipollution dans un port pétrolier de Gênes. Cette activité de surveillance antipollution s’accompagnait d’une activité annexe de perception de redevance. La redevance finissant l’activité de surveillance.
Comme dans Eurocontrol, certaines compagnies de chargement de pétrole vont contester cette redevance, d’autant plus que l’activité en question était confiée à une entité privée. En revanche, les tarifs étaient approuvés par un organisme d’Etat.
Cette contestation était fondée sur les articles 102 et 106 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne. Etait-on face à une activité économique ? La Cour va considérer que l’activité de surveillance antipollution se rattachait à l’exercice de prérogatives de puissance publique, parce qu’on était dans le cadre de la protection de l’environnement. La perception annexe d’une redevance n’était pas détachable. Il n’y avait donc pas d’activité économique.
L’environnement entre dans les pouvoirs régaliens de l’Etat dans cet arrêt.
Dans cet arrêt, la Cour considère que la protection de l’environnement est l’une des missions premières, essentielles de l’Etat. En 1997, c’est plutôt une nouveauté.
A contrario, dans un arrêt du 19 Février 2002 – Wouters, la Cour indique que la fonction de règlementation de l’exercice de la profession d’avocat (avocat qui est aussi un auxiliaire de justice, et en tant que tel, il participe à une des missions premières de l’Etat) n’implique pas l’exercice de prérogatives de puissances publiques. L’ordre professionnel des avocats n’a pas une activité qui se rattache à l’exercice d’une prérogative de puissance publique.
- En vertu de la théorie des activités détachables qui ressemblent à la notion d’actes détachables, il faut vérifier en présence d’une activité impliquant l’exercice d’une prérogative de puissances publiques, si l’entité en cause n’exerce pas une activité économique dissociable.
L’idée est que lorsqu’on a identifié une activité de puissance publique, est-ce que le litige n’est pas rattaché à une activité dite sociale à une activité elle économique ? Cette notion d’activité détachable a été reconnue tardivement dans un arrêt ADP du 24 Octobre 2002.
Dans cet arrêt, la Cour a dissocié les activités de police d’ADP et l’activité de gestion et d’exploitation des infrastructures rémunérées par des redevances commerciales. Pour la Cour, les deux pouvaient être dissociées dans la mesure où l’activité de gestion et d’exploitation des infrastructures aéroportuaires pouvait exister sans être rattachée à une activité de police. On aurait pu mettre en place deux structures différentes.
ADP est une seule entité à deux activités, mais on peut néanmoins détacher les deux activités, et l’une d’elles est qualifiée d’activité économique et se verra analysée au regard du droit de la concurrence.
Dans un arrêt Motoé – 1er Juillet 2008, on était face à une entité l’ELPA qui représentait la fédération internationale de motocyclisme en Grèce, et l’ELPA avait deux activités : l’une qui consistait à donner un avis conforme pour autoriser des courses de moto (circuit bien tracé, sécurité assurée…), et l’autre qui consistait à organiser et exploiter commercialement des compétitions de motos. Il y avait donc deux activités distinctes.
La Cour va considérer que les deux activités étaient détachables.
Le principe de la dissociation des activités n’était pas reconnu à l’époque de l’arrêt Diego Cali, mais il n’est pas sur que la solution aurait changé. Il est difficile de comprendre quand une activité peut être dissociée ou non (peut-on mettre en place deux entités différentes).
L’affaire Selex – 12 Décembre 2006 (Tribunal), et Cour de Justice des Communautés Européennes 26 Mars 2009 illustre la difficulté de dissocier deux activités. C’est une société qui intervient dans les systèmes de gestion de trafic aérien. Elle conteste l’activité et le monopole donné à Eurocontrol.
La Commission rejette cette plainte, et Selex fait un recours en annulation contre la décision de rejet de sa plainte. Une des difficultés pour le tribunal est de savoir si le droit de la concurrence est applicable.
En l’occurrence, le tribunal va distinguer trois activités en cause dans l’affaire : activité de normalisation technique, activité de recherche et de développement, activité d’assistance aux administrations nationales. Cette dernière va être qualifiée de détachable de la mission principale d’intérêt général d’Eurocontrol qui elle sera caractérisée par les deux premières missions.
La raison invoquée par le tribunal est que cette mission d’assistance est optionnelle. La Cour va être saisie d’un pourvoi et va revenir sur l’analyse du tribunal. Comme le tribunal, elle confirme le principe de dissociation possible des activités, et elle rappelle qu’il faut analyser chaque activité au regard de la mission d’intérêt général de l’entité. En l’occurrence, la Cour va considérer que l’assistance aux administrations, l’offre de conseil n’était pas dissociable de la mission d’Eurocontrol qui était la gestion de l’espace aérien et le développement de la sécurité aérienne.
On a donc deux analyses du tribunal et de la Cour différentes. Cette notion est donc assez difficile à manier sauf dans les cas les plus évidents comme dans l’arrêt Motoé.
- Le caractère autonome de l’activité économique
Il faut qu’on soit fasse à une activité économique, mais celle-ci doit être autonome.
Pour appliquer le droit des pratiques anticoncurrentielles, l’entité ayant une activité économique doit exercer cette activité en toute liberté, elle doit avoir la maîtrise de sa stratégie commerciale. Cette exigence d’autonomie ressort clairement de l’arrêt Bécu du 16 Septembre 1999.
L’exigence d’autonomie est plutôt analysée par la Cour de Justice des Communautés Européennes et est un peu moins importante en droit français. Cette exigence d’autonomie est indispensable pour considérer qu’il y a une entreprise, notion importante en droit communautaire.
Cette notion existe quand même en droit français.
En l’espèce, il y avait des poursuites pénales contre une agence d’intérim et une entreprise ayant employé des dockers. Ces ouvriers fournis par l’agence d’intérim n’étaient pas agréés par la loi belge pour effectuer le travail en cause qui était exclusivement réservé à des dockers agréés.
L’agence d’intérim va contester la loi belge donnant un monopole à certains dockers sur le fondement des articles 101, 102 et 106 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne. La Cour de Justice des Communautés Européennes va être saisie d’une question préjudicielle d’interprétation : les dockers agréés et qui ont un monopole peuvent-ils se voir appliquer le droit des pratiques anticoncurrentielles ?
En l’occurrence, la Cour répond non. Ils sont bien une activité économique (chargement et déchargement de marchandises), mais ils ont une activité économique qu’ils n’exercent pas de manière autonome.
Ces salariés échappent à l’application du droit des pratiques anticoncurrentielles.
Cela signifie donc qu’on ne peut les qualifier d’entreprise.
L’exigence d’autonomie est très présente pour imputer la responsabilité des infractions mais on part du principe que le droit est déjà applicable. Cette exigence d’autonomie dans l’activité économique est un élément pertinent dans deux situations particulières :
- Lorsque l’activité est exercée par un ou des filiales.
- Lorsque l’activité est exercée par un ou des agents commerciaux.
Ils auront des activités économiques, mais les exercent-ils de manière autonome ? Si oui, il y aura possibilité d’appliquer le droit de la concurrence.
- Lorsque l’activité est exercée par un ou des filiales.
Lorsque la stratégie commerciale est imposée par la société-mère, alors cette filiale n’a pas d’activité économique autonome. Du coup, le comportement de cette filiale ne peut, en tant que tel, être appréhendé par le droit des pratiques anticoncurrentielles.
Cela signifie que les relations entre la filiale et la société-mère échappent à l’application du droit des ententes, tout particulièrement, parce qu’il n’y a pas deux entités autonomes exerçant des activités économiques.
En droit français, il y a une étude thématique sur la preuve des accords de volonté constitutifs d’entente.
Dans une de ces études thématiques, le Conseil de la Concurrence a souligné « si deux sociétés ayant des personnalités juridiques distinctes forment ou relèvent d’une seule et même entreprise ou entités économiques, les accords conclus entre elles ne constituent pas des ententes illicites dès lors qu’elles ne disposent pas d’autonomie commerciale ».
Lorsqu’on dit filiale, cela signifie que la société-mère dirige nécessairement la filiale. Cela n’est pas nécessaire en droit de la concurrence.
Dans quelles conditions peut-on retenir l’autonomie d’une filiale ? C’est la même approche en droit français qu’en droit communautaire, il faut déterminer si la société-mère exercer ou non une influence déterminante sur la filiale. Il existe deux critères déterminés par l’arrêt du 25 Octobre 1996 – Viho :
- L’existence d’un lien de groupe entre sociétés-mères et filiales.
On vise un lien capitalistique. La société-mère détient-elle une part importante du capital ? Il faut également regarder quant à l’exercice par la société-mère du pouvoir de direction qu’elle détient sur la filiale ?
- La recherche de l’exercice effectif du pouvoir de direction.
Il n’est pas toujours facile de démontrer que la société-mère exerce un pouvoir de direction effectif. C’est pourquoi la jurisprudence a mis en place une présomption simple dans le cas où la société-mère détient 100% du capital, sauf preuve contraire.
On peut se référer à l’arrêt Repsol du 20 Janvier 2011 de la Cour de Justice des Communautés Européennes et également à la décision de l’Autorité de la Concurrence du 26 Janvier 2011 dans le secteur de la restauration des monuments historiques.
La présomption s’applique également à l’égard des sociétés grands-mères (Société qui détient une filiale à 100%, elle-même qui détient une filiale à 100%). Le lien capitalistique peut être indirect, et la présomption joue quand même, c’est notamment ce que prévoit la Cour dans l’arrêt Repsol.
Pour renverser la présomption, il appartient à la société-mère de rapporter tout élément relatif à l’organisation de la société, aux statuts juridiques et au fonctionnement économique de la société filiale qui démontreraient l’absence d’unité économique entre sociétés-mères et sociétés filiales.
Tout lien organisationnel permettant de dire que sociétés-mères ou sociétés filiales ne sont pas une seule et même unité économique peut renverser la présomption.
En revanche, il y a un certain nombre d’arguments qui ne sont pas reçus comme le fait que la société-mère ait donné l’ordre à sa filiale de cesser l’infraction. Le fait que la société mère n’ait pas participé à l’infraction n’a pas d’influence non plus, il en va de même si la société-mère n’a pas incité expressément la filiale.
La présomption est assez difficilement réversible.
Lorsqu’il n’y a pas 100% du capital, le jeu de la présomption n’a pas lieu d’être, et à ce moment là, il faudra évaluer l’autonomie en fonction des liens économiques (types de contrats entre les entités), des liens organisationnels (la société-mère nomme les dirigeants), les liens juridiques…
S’il y a une pleine autonomie dans ces choix, il y a a priori bien deux entités séparées.
Dans une décision du 12 Octobre 1999 – Pratiques relevées sur des marchés d’étude pour la voie de contournement ouest de l’agglomération de Toulouse, le Conseil de la Concurrence a précisé que le fait, pour une entité économique, d’avoir un directeur ayant une délégation de pouvoir pour signer des contrats, gérant le personnel, le matériel et le bureau d’études, représentant la société auprès des tiers, signant des offres ou passant des commandes… Un tel directeur avec une telle délégation de pouvoir ne suffit pas à qualifier l’entité d’entreprise au sens activité économique autonome. Ce qui compte, c’est l’économie de stratégie.
- Lorsque l’activité est exercée par un ou des agents commerciaux.
Un agent commercial qui n’a pas d’autonomie dans l’exercice de son activité économique ne peut pas voir son comportement appréhendé indépendamment de celui de son commettant.
Cette absence d’autonomie signifie que le contrat d’agence qui lie l’agent commercial et le commettant n’est pas appréhendé par le droit des ententes Communication du 19 Mai 2010 – Lignes directives sur les restrictions verticales.
Dans cette Communication, il est précisé que l’agent commercial, personne physique ou morale, qui est investie à travers un contrat d’agence du pouvoir de négocier et de conclure des contrats pour le compte d’un commettant. L’agent commercial négocie et/ou conclut soit en son nom propre, soit au nom du commettant.
Les négociations et la conclusion de contrats sont effectuées en vue de l’achat de biens par le commettant ou de la vente de biens par le commettant.
L’agent est-il un opérateur économique indépendant (de son commettant) ? La réponse réside dans le contrat conclu avec le commettant, et plus particulièrement dans les clauses relatives à la prise en charge des risques financiers et commerciaux. Si l’agent ne supporte pas de risques financiers ou commerciaux (ou une partie très infime), l’agent n’est pas indépendant du commettant, c’est un vrai contrat d’agence non-soumis au droit des ententes Cour de Justice des Communautés Européennes 11 Septembre 2008 – CEPSA + Conseil de la Concurrence – 28 Juin 2006 – Secteur de la Publicité Cinématographique.
Il faut après analyser le risque financier ou commercial éventuellement supporté par l’agent. C’est une analyse au cas par cas, en fonction des contrats en cause. Les lignes directives de la Commission de Mai 2010 donnent des exemples dans lesquels l’agent ne supporte pas les risques, et n’a donc pas d’activité économique autonome :
- Il ne contribue pas aux coûts liés à la fourniture ou à l’achat des biens contractuels, y compris les coûts de transports.
- Il n’est pas tenu directement ou indirectement d’investir dans des actions de promotion comme des actions publicitaires.
- Il ne tient pas à ses propres frais de stocks des biens contractuels, et peut retourner au commettant sans frais les invendus.
- Il n’exploite pas à ses frais de service d’après-vente ou de service de réparation, de garantie. Si ces services sont mis en place, il est remboursé intégralement par le commettant, signe qu’il ne supporte pas les risques.
Lorsqu’on trouve quatre ou cinq clauses de ce type, on considère qu’il ne prend aucun risque, et n’a donc pas d’indépendance.
Commettant, cela peut être une industrie pétrolière, et les commettants sont les entreprises chargeant l’industrie pétrolière de vendre les produits fabriqués.
- L’intervention étatique (au sens pouvoirs publics)
L’intervention étatique entre dans le cadre de ce champ d’application. Le droit des pratiques anticoncurrentielles peut appréhender les interventions des pouvoirs publics, et le terme « intervention » est neutre (on ne présume pas de la forme), qui viennent influencer la libre-concurrence entre des entités ayant des activités économiques autonomes sur un marché.
Le droit de l’Union Européenne, comme le droit français appréhende ce type d’intervention, mais ce n’est néanmoins pas le même type d’encadrement.
- Encadrement par le droit de la concurrence de l’Union Européenne
En droit de l’Union Européenne, le contrôle de l’intervention étatique sur les comportements de l’entreprise est possible au regard de deux fondements :
- L’article 106 §1 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne
Ce texte impose aux autorités étatiques de ne pas utiliser leurs pouvoirs de puissance publique pour mettre d’une part les entreprises publiques, et d’autre part, les entreprises privées auxquelles elles accordent des droits spéciaux ou exclusifs en mesure d’enfreindre les règles du traité, notamment en matière de concurrence.
Entreprises publiques, on laisse tomber SPIC/SPA, ce sont des entités ayant une activité économique appartenant à l’Etat au sens du droit de l’Union Européenne.
Aucune mesure étatique, quelle que soit sa forme c’est-à-dire législations, règlements, conventions, décisions individuelles, pratiques administratives, ne doit créer une situation susceptible d’entraîner un comportement anticoncurrentiel d’une entreprise publique ou titulaire de droits exclusifs ou spéciaux.
Sur le fondement de cet article, ce n’est pas le comportement des entreprises qui est contrôlé mais la validité des mesures étatiques qui viennent influencer le comportement de ces entreprises sur le marché pertinent.
La Cour souligne, dans l’arrêt Motoé, que l’ELPA en tant qu’entité organisant et commercialisant des compétitions de moto, est une entreprise et qu’en tant qu’entité donnant un point de vue conforme, est investi de droits spéciaux par la Grèce.
Il y a violation des articles 102 et 106§1 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne dès lors qu’une mesure imputable à un Etat-membre et notamment celle par laquelle celui-ci confère des droits spéciaux ou exclusifs au sens de cette dernière disposition (c’est-à-dire 106§1), crée un risque d’abus de position dominante, car un système de concurrence non-faussé n’est pas garanti si l’égalité des chances entre les opérateurs n’est pas assurée. Il n’y a pas égalité des chances entre les opérateurs à cause du droit spécial donné à l’ELPA, qui choisit ses concurrents. De plus, ce droit spécial n’est ni limité ni encadré.
Les Etats-membres gardent la possibilité d’intervenir pour favoriser en leur donnant des droits exclusifs ou des droits spéciaux pour favoriser des entreprises chargées d’un service d’intérêt économique général (S.I.E.G).
Sur le fondement de l’article 106§2 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne, l’attribution de droits exclusifs ou spéciaux à une entreprise chargée d’un S.I.E.G, qui ressemble beaucoup à la notion de service public en droit français, par un Etat-membre échappe à toute sanction si des restrictions de concurrence ou même son exclusion sont nécessaires pour assurer l’accomplissement de la mission d’intérêt économique général attribuée à l’entreprise.
Cela organise donc une forme d’exemption permettant de ne pas sanctionner l’intervention des Etats, lorsqu’elle a pour objectif de favoriser une entreprise chargée d’un SEIG. Lorsqu’il s’agit de donner des faveurs indispensables à l’accomplissement de ce SIEG.
L’article 106§2 a permis aux Etats-membres d’organiser le fonctionnement d’activités économiques sous la forme d’un service public, et ce dans des conditions économiquement acceptables. Cela a été le cas pour la distribution du courrier par exemple dans un arrêt Corbeau du 13 Mai 1993 de la Cour de Justice des Communautés Européennes, pour la distribution de l’électricité dans un arrêt du 27 Avril 1994 de la Cour de Justice des Communautés Européennes, pour le transport d’urgence des malades dans un arrêt Gluckner de la Cour de Justice des Communautés Européennes.
Cette notion de service public n’est pas remise en cause par le droit de la concurrence. Celui-ci intègre tout ce qui concerne les activités économiques, et lorsque celle-ci est essentielle pour le fonctionnement d’une société, et qu’elle est réalisée sous la forme d’un service au public (tarif précis, obligations de service public), c’est l’article 106§2 qui va permettre de justifier l’octroi de faveurs.
En aucun cas, il y a antinomie entre service public et concurrence.
- Fondement combinant l’obligation de coopération loyale des Etats-membres dont l’objet est principalement de contraindre les Etats-membres à ne pas adopter des législations nationales qui supprimeraient l’effet utile des dispositions du traité – Article 4§3 TUE.
C’est une combinaison de cette obligation de coopération loyale et des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne. L’une des premières jurisprudences sur cette combinaison, c’est la jurisprudence Inno/ATAB du 16 Novembre 1977 de la Cour de Justice des Communautés Européennes.
Cette jurisprudence pose le principe selon lequel les articles devenus 101 et 102 lus en combinaison avec l’article 4§3 obligent les Etats-membres à ne pas prendre ou maintenir des mesures législatives ou règlementaires susceptibles d’éliminer l’effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises.
La Cour de Justice conclut en général à une violation du droit des pratiques anticoncurrentielles combinée à une violation au devoir de coopération loyale dans deux situations :
- Lorsqu’un Etat encoure, incite la formation d’une pratique anticoncurrentielle ou en accroît les effets en les rendant obligatoires pour tous par exemple.
L’arrêt Cif du 9 Septembre 2003 de la Cour de Justice des Communautés Européennes sur la mise en place par l’Etat Italien d’un consortium d’entreprises italiennes de fabrication d’allumettes avec des répartitions de quotas de production entre les entreprises du consortium.
- Lorsqu’un Etat prévoit une règlementation déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des mesures contraignantes pour un secteur.
Dans un arrêt du 5 Octobre 1995 de la Cour de Justice des Communautés Européennes – Centro Servizi Spédiporto qui concernait la mise en place d’une commission tarifaire composée des entreprises de transports pour le transport routier en Italie.
Lorsqu’une mesure étatique est jugée contraire au droit des pratiques anticoncurrentielles, elle doit être inappliquée par les autorités et juridictions de la concurrence nationales, selon l’arrêt Cif précité. En outre, l’Etat qui a adopté la mesure est susceptible de faire l’objet d’un recours en manquement, introduit par la Commission, qui peut éventuellement aboutir à une sanction pécuniaire et/ou à une astreinte.
Dans un arrêt Commission c/Italie du 18 Juin 1998, avec la condamnation en manquement de l’Etat italien, pour l’adoption d’une loi imposant au Conseil National des Expéditeurs en Douane de décider d’un tarif obligatoire pour tous les expéditeurs en douane. Le Conseil National constitue une association d’entreprises, au sens de l’article 101 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne.
L’expéditeur en douane offre des services qui constituent à effectuer des formalités douanières pour l’importation ou l’exportation de marchandises.
Lorsque l’entité qui a un comportement économique, se voit imposer son comportement par mesure nationale, alors son comportement échappe au droit des pratiques anticoncurrentielles. Pourquoi ? Cette entité n’est pas responsable de son comportement, elle n’a pas d’autonomie dans la réalisation du comportement. Elle a pour obligation d’appliquer le droit national.
Si ce droit national n’est pas conforme au droit de la concurrence de l’Union Européenne, ce n’est pas de « sa faute », et on ne peut donc lui reprocher un comportement anticoncurrentiel. On pourra juste constater la non-validité de la loi.
Cette position est parfaitement illustrée dans l’arrêt Cif.
Cet arrêt apporte des précisions. La Cour rappelle que si une loi exclut toute possibilité de concurrence, le comportement anticoncurrentiel des entreprises ne sera pas sanctionné.
La Cour précise deux points :
- Lorsque les entreprises sont confrontées à une décision juridique définitive, qui condamne une loi excluant la concurrence, alors ces entreprises retrouvent leur liberté de choix et elles ne peuvent pas prétendre être contraintes par la loi.
- Lorsque les entreprises sont en présence d’une loi qui exclut partiellement la concurrence. Les entreprises par exemple, une loi qui incite ou facilite des comportements anticoncurrentiels, et la loi exclut en partie le jeu de la concurrence à travers ces incitations, mais les entreprises gardent leur autonomie, leur liberté de choix, et elles peuvent choisir d’adopter un comportement concurrentiel ou anticoncurrentiel. Du coup, en raison de cette marge de manœuvre laissée aux entreprises, leur comportement reste dans le champ d’application du droit des pratiques anticoncurrentielles.
- Encadrement par le droit de la concurrence française
En droit français, l’intervention de la puissance publique peut être appréhendée sur le fondement des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de Commerce. Ce point est acquis depuis l’arrêt Million et Marais du Conseil d’Etat du 3 Novembre 1997.
Depuis cet arrêt, le droit des pratiques anticoncurrentielles fait partie de ce qu’on appelle le bloc de légalité, à partir duquel on peut contrôler la légalité des actes administratifs.
Par conséquent, le Conseil d’Etat a instauré un contrôle de la légalité des actes administratifs sur le fondement de dispositions du Code de Commerce, en l’occurrence les articles L. 420-1 et L. 420-2, dès que ces actes ont un effet potentiel sur une activité économique.
Dans l’arrêt Million et Marais, était en cause la validité, c’est-à-dire l’article L. 420-2 alinéa 1 (sur les abus de position dominante), d’un contrat de concession de pompes funèbres et de la délibération municipale ayant entraîné sa conclusion.
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a contrôlé si oui ou non le contrat de concession ne mettait pas les pompes funèbres en cause dans une situation où elle abuserait de sa position dominante selon la théorie de l’abus automatique.
Dans un avis du 22 Novembre 2000, le Conseil d’Etat confirme l’intégration du droit de la concurrence dans le bloc de légalité, et ce qui est intéressant, c’est que le Conseil d’Etat saisi par le Tribunal de Pau, dans le cadre d’un recours en annulation contre deux arrêtés municipaux. Ces arrêtés municipaux avaient été pris sur le fondement des pouvoirs de police du maire en matière de règlementation de la publicité.
Leur validité est-elle susceptible d’être contestée sur le fondement du droit de la concurrence ? Le Conseil d’Etat a posé le principe suivant « dès lors que l’exercice de pouvoir de police administrative est susceptible d’affecter des activités de production, de distribution ou de service, la circonstance que les mesures de police ont pour objectif la protection de l’ordre public ou dans certains cas, la sauvegarde des intérêts spécifiques que l’administration a pour mission de protéger ou de garantir n’exonère pas l’autorité investie de ses pouvoirs de police, de l’obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l’industrie, et les règles de concurrence ».
Depuis Million et Marais, et l’avis L&P Publicité SARL, le droit de la concurrence, le droit des pratiques anticoncurrentielles notamment est pleinement intégré dans l’activité de l’administration, et encadre l’activité des autorités administratives françaises.
Remarque : Est-ce que le droit de la concurrence s’applique aux actes administratifs ?
Ces deux arrêts ont pu permettre de répondre par la positive.
Qui contrôle ? En droit français, le contrôle des mesures administratives sur le fondement du droit de la concurrence, est susceptible d’intervenir devant deux autorités : le juge administratif qui est l’autorité naturelle de contrôle des actes administratifs, et l’Autorité de la Concurrence, autorité naturelle de protection de la libre-concurrence.
La compétence du juge est exclusive de la compétence de l’Autorité de la Concurrence.
Depuis l’arrêt du Tribunal des Conflits du 18 Octobre 1999 – Aéroports de Paris, la compétence de l’ADLC pour sanctionner les pratiques anticoncurrentielles d’une personne publique, est reconnue à une double condition :
- Les pratiques interviennent dans le cadre d’une activité économique exercée par la personne publique.
- Les pratiques ne concernent pas des décisions ou des actes portant sur l’organisation du service public, ou mettant en œuvre des prérogatives de puissance publique.
Dans le cas contraire, seul le juge administratif est susceptible d’effectuer un contrôle sur le fondement des articles L. 4120-1 et L. 420-2 du Code de Commerce.
Dans le cadre de pratiques mises en œuvre dans le transport médical d’urgence, dans une décision de l’Autorité de la Concurrence du 25 Novembre 2009, décision d’incompétence de l’ADLC. L’Autorité de la Concurrence, saisie d’une plainte, et cette plainte contestait les modalités par lesquelles un centre hospitalier, établissement public administratif, a confié une mission de service public de transport médical d’urgence au service départemental d’incendies et de secours, qui est également un établissement public administratif.
L’ADLC écarte sa compétence, en soulignant que « les actes par lesquels une personne publique confie à une personne publique ou une personne privée dotée de prérogatives de puissances publiques une mission de service public relève de l’organisation du service public ».
- 2 – Le champ d’application géographique
- Le principe de territorialité objective
La possibilité d’appliquer le droit des pratiques anticoncurrentielles à des entités situées hors des frontières du territoire de l’autorité qui contrôle. C’est le problème de l’application dite extraterritoriale du droit des pratiques anticoncurrentielles. Cette difficulté est résolue suivant le principe de territorialité objective.
Le droit de la concurrence de l’Union Européenne définit son propre champ d’application géographique, les articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne visent les comportements qui restreignent la concurrence « à l’intérieur du marché commun » pour l’article 101 et « sur le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci » pour l’article 102.
Dans l’arrêt Béguelin du 25 Novembre 1971, la Cour de Justice a interprété ses termes comme faisant dépendre l’application du droit des pratiques anticoncurrentielles d’un effet des pratiques dans le territoire de l’Union Européenne.
En revanche, le fait que les entreprises ne soient pas situées sur le territoire de l’Union Européenne, mais dans un Etat-tiers ne fait pas obstacle à l’application du droit des pratiques anticoncurrentielles. Sur le fondement de cette jurisprudence, il apparaît que l’applicabilité des articles 101 et 102 repose sur le critère de l’effet territorial, qu’on appelle aussi « théorie de l’effet interne », ou principe de « territorialité objective ».
En vertu du principe de territorialité objective, tous les comportements contraires à la concurrence qui peuvent être rattachés au territoire de l’Union Européenne en raison de leur effet sont susceptibles de se voir appliqués les articles 101 et 102 et ceci même si l’entreprise auteur du comportement n’a pas la nationalité d’un Etat-membre ou n’est pas située dans l’Union Européenne.
Ce critère de l’effet appelle deux observations :
- Compatibilité avec le droit international public.
Cette comptabilité est discutable, car le droit international public admet que la compétence normative d’une entité, c’est-à-dire son pouvoir d’édicter des règles à l’égard de biens, de personnes ou de situations implique un lien de rattachement fondé sur l’un des quatre principes suivants :
- Principe de territorialité
- Principe de nationalité
- Principe de souveraineté
- Principe d’universalité
Pour les problèmes de concurrence, comme en matière pénale, c’est le principe de territorialité qui est privilégié. Ce principe de territorialité peut être interprété de deux manières :
- Une territorialité subjective, et la compétence normative est liée à la localisation du fait générateur de l’infraction. C’est la loi du territoire où se réalise le comportement anticoncurrentiel qui est applicable.
- Une territorialité objective, dans ce cadre là, la compétence normative est liée à la localisation des conséquences du fait générateur, à ses effets. La loi applicable est la loi du territoire où l’on constate les effets du comportement anticoncurrentiel.
La difficulté, c’est que le principe de territorialité objective est controversé pour deux raisons au moins :
- Il permet à un Etat d’étendre l’influence de son droit au-delà de ses frontières territoriales.
Ce principe de territorialité objective manifeste une sorte d’impérialisme juridique peu respectueux de la souveraineté des autres Etats (inventé par les Américains).
Au 19ème siècle, le seul Etat civilisé disposant d’un droit antitrust était les Etats-Unis. A partir des années 1950, l’Union Européenne se dote d’un droit anticoncurrentiel. Deux grands droits se confrontent.
- Ce principe tout à fait compréhensible n’a été retenu que dans un seul arrêt de droit international public, arrêt du 7 Septembre 1927 de la Cour Permanente de Justice Internationale France c/Italie – Arrêt du Lotus.
Ces deux raisons ont eu pour conséquence que la Cour de Justice des Communautés Européennes, même si elle a affirmé la théorie de l’effet, va éviter de l’appliquer pendant un certain temps, et va retenir d’autres moyens pour retenir l’applicabilité du droit de l’Union Européenne.
Dans l’arrêt ICI du 14 Juillet 1972, et dans l’arrêt Commercial Solvens du 6 Mars 1974, où la Cour de Justice des Communautés Européennes va condamner des sociétés établies à l’étranger, mais elle n’invoque pas du tout la théorie de l’effet. Elle s’appuie sur la notion d’entreprise, c’est-à-dire qu’elle va constater que le comportement anticoncurrentiel était le fait d’une filiale située dans le marché commun.
Cette filiale formait une unité économique avec la société-mère étrangère.
La Cour de Justice des Communautés Européennes a pu condamner la société-mère via sa filiale, en invoquant l’unité économique existant entre elles, et soulignant qu’elle condamnait une entreprise établie en partie dans le marché intérieur.
L’arrêt Pâte de Bois du 27 Septembre 1988 où il n’y avait aucune filiale implantée. On ne pouvait pas utiliser le subterfuge de l’unité économique entre filiale et société-mère. La Cour a donc découpé l’infraction (entente sur les prix constituée par une pratique concertée sur les prix) en deux éléments infractionnels : la formation de l’entente (qui se déroule aux Etats-Unis), et la mise en œuvre de l’entente (passation de contrats mettant en œuvre les prix décidés avec des clients européens) qui elle se déroule en Europe.
Une partie des fais générateurs peuvent être rattachés au territoire de l’Union Européenne sans faire référence aux effets qui interviennent après la mise en œuvre de la concertation. En fait, ils utilisent la spécificité de l’infraction en cause (pratique concertée), en disant que cette pratique comporte deux éléments infractionnels qui constituent un ensemble de faits générateurs.
C’est une concertation qui entraîne des pratiques. La concertation a certes eu lieu aux Etats-Unis, mais la pratique se fait en Europe. La mise en œuvre est donc localisée sur le territoire de l’Union Européenne, et c’est donc le principe de territorialité subjective que la Cour applique, alors que toute l’argumentation des entreprises voulant contester l’applicabilité du droit de l’Union Européenne, était fondée sur l’application de la territorialité objective, contraire au DIP.
La Cour, pour éviter toute discussion, a dit qu’elle n’appliquait ici que le principe de territorialité subjective.
C’est le seul arrêt avant dire droit, c’est-à-dire un arrêt qui a été prononcé sur la seule applicabilité du droit de l’Union Européenne. La Cour a ensuite jugé, 5 ans plus tard, si oui ou non il y avait infraction au regard du droit de l’Union Européenne (En l’espèce, la réponse sera non).
Aujourd’hui, le juge de l’Union Européenne semble avoir définitivement adopté le principe de la territorialité objective, cela est en tout cas soutenu par l’ensemble de la doctrine. Le seul arrêt qui fait une application concrète de ce principe de territorialité objective, c’est l’arrêt Gencor du 25 Mars 1999 – TPICE en droit des concentrations, concernant une concentration en Afrique du Sud. Celle-ci pouvait-elle se voir contrôlée sur le fondement du droit de l’Union Européenne ? Evidemment, la concentration était-elle qu’elle dépassait un certain nombre de seuils permettant l’application du règlement du droit de l’Union Européenne.
Une question néanmoins se posait auparavant : il fallait se demander s’il fallait faire référence à ses seuils ou non ? Pouvait-on utiliser le texte de l’Union Européenne ? Y-a-t-il un rattachement de cette concentration au droit de l’Union Européenne ? Oui, parce que d’après le tribunal, il était prévisible que la concentration projetée produise un effet immédiat, substantiel, et prévisible dans la Communauté.
C’est une reconnaissance de la théorie de l’effet, mais celui-ci doit immédiat, qu’il ait une certaine intensité, et dans le cadre des concentrations, que l’effet soit prévisible.
Depuis cet arrêt, la doctrine considère que la théorie de l’effet permet l’application extraterritoriale du droit de l’Union Européenne à partir du moment où on constate un effet immédiat, substantiel et prévisible.
- Le principe de territorialité objective ne résout pas tous les problèmes parce que c’est peut être une réponse à l’applicabilité du droit de l’Union Européenne à des entités extérieures à l’Union Européenne, mais lorsqu’on fait une application concrète du droit de l’Union Européenne, ce n’est plus un problème de compétence normative, mais de compétence d’exécution (imperium).
La compétence d’exécution vise le pouvoir de prendre des mesures contraignantes. Or, on peut justifier la compétence normative sur le principe de territorialité objective, en revanche, au regard du droit international public, la compétence d’exécution repose sur un principe de territorialité absolue, suivant lequel une autorité ne peut pas exercer de contraintes juridiques en dehors des limites de son territoire sans porter atteinte à la souveraineté d’une autre autorité.
Cela signifie que les mesures de contrainte nécessaire pour appliquer les articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne peuvent uniquement intervenir sur le territoire de l’Union Européenne. L’Union Européenne n’a aucun pouvoir de coercition à l’égard des entreprises établies à l’étranger.
C’est donc bien beau de considérer qu’on a la possibilité d’appliquer son droit en dehors de ses frontières, mais en terme d’efficacité, on limite l’impact de son droit car de toutes façons, on ne peut pas contraindre des entités établies à l’extérieur de mes frontières.
En pratique, quelle est la portée de la limite de l’imperium au sein de l’Union Européenne ?
Il y a deux points essentiels :
- L’enquête
Toutes les mesures contraignantes qui peuvent être prises au cours de l’enquête normalement, ne sont pas susceptibles d’adoption contre des entreprises établies à l’étranger.
Par exemple, il n’y a aucune possibilité de procéder à une inspection au sein des entreprises, surtout si c’est une inspection surprise. On peut poser des questions, des demandes de renseignement et espérer que l’entreprise accepte de répondre, et ce franchement.
Cela limite donc la portée de l’instruction.
- La sanction
On peut prendre n’importe quelle sanction, dire qu’il a une infraction, prononcer une amende, ordonner la cessation du comportement… Mais, si les entreprises établies en dehors du territoire de l’Union Européenne ne s’exécutent pas spontanément, on n’a aucune mesure de contrainte à notre disposition.
On ne peut pas effectuer un recouvrement forcé par saisie sur comptes.
Cela limite donc l’efficacité juridique de la décision, il n’y a pas de voies d’exécution possibles.
En plus du principe territorialité absolue en ce qui concerne la compétence d’exécution, dans le cadre de l’application dite extraterritoriale, le droit international public semble imposer un principe de modération, aussi appelé principe de courtoisie qui s’applique aux autorités nationales.
L’idée est que l’entité revendiquant une compétence et une application extraterritoriale de ses règles, doit renoncer à poursuivre si elle risque de remettre en cause des intérêts fondamentaux de l’Etat étranger.
Même si la théorie de l’effet permettrait d’appliquer le droit de l’Union Européenne, dans l’hypothèse où cette application est susceptible de remettre en cause des intérêts fondamentaux, normalement, l’autorité de concurrence doit renoncer à cette application extraterritoriale.
L’application de ce principe est assez difficile. Son intérêt est qu’il souligne la limite apportée à la théorie de l’effet, et qu’il diminue considérablement l’impact de l’adoption de cette théorie de l’effet.
En fait, en raison du développement de l’économie internationale, des marchés qui ne sont plus des marchés localisés sur un territoire mais plutôt sur une région ou des marchés mondiaux, on s’est rendus compte qu’il y avait une difficulté liée au caractère extraterritorial… Les réponses trouvées pour lutter contre des pratiques de dimension internationale, sont les mécanismes de coopération internationale.
Il y a donc un début de droit international de coopération dans l’application de règles nationales/régionales de la concurrence.
Des accords ont été adoptés. On trouve notamment un accord entre les Etats-Unis et l’Union Européenne de 1991, appliqué en 1995, et complété en 1998. Cet accord met en place un principe de courtoisie active : c’est la possibilité pour une autorité de demander à une autre autorité d’agir.
On trouve également des mécanismes de coopération avec le Canada, le Japon (10 Juillet 2003), et la Corée du Nord. Ce sont des traités bilatéraux avec un contenu important.
La vraie solution resterait cependant, lorsqu’on a une pratique de dimension internationale, c’est la mise en place d’un droit international de la concurrence avec une autorité internationale de mise en œuvre de ce droit.
Les autorités françaises appliquent aussi le principe de territorialité objective depuis une décision du Conseil de la Concurrence du 15 Décembre 1992 – CMS Dental.
Il s’agissait d’une plainte dénonçant une entente verticale entre une société allemande et une société française. Le fait que la société allemande ait son siège à l’étranger ne faisait pas obstacle à ce que le Conseil connaisse des effets sur le territoire français.
Les rédacteurs de la loi NRE ont ajouté à l’article L. 420-1-1 du Code de Commerce, que cet article s’appliquait lorsque le comportement en cause est le fait d’une société du groupe implanté hors de France. On a inclus une référence à la théorie de l’effet dans le Code de Commerce.
Il y a deux difficultés à cette précision : d’abord, la formulation n’est pas très claire (Société ? Groupe ? Implanté hors de France ?). Aucun des mots employés juridiquement n’est clair.
De plus, il n’y a rien dans l’article L. 420-2 relatif aux abus de position dominante. Que faut-il en conclure ? La théorie de l’effet s’applique-t-elle ou pas ? D’une manière générale, la réponse est oui évidemment, mais en fait, l’ajout dans la loi NRE au seul article, doit être vu comme une maladresse du législateur.
Il n’existe pas en droit de la concurrence un principe non bis in indem, ce principe pourrait permettre à une société, à une entreprise condamnée par un Etat-tiers (Les Etats-Unis) de ne pas être condamnée à nouveau sur le fondement du droit de l’Union Européenne pour le même comportement.
L’inexistence du jeu de ce principe est clairement affirmée par la Cour de Justice des Communautés Européennes notamment dans un arrêt Carbone du 10 Mai 2007.
En droit pénal, ce principe non bis in indem fait obstacle à de nouvelles poursuites, mais il faut qu’il y ait une identité de fait, une identité d’auteur et une identité des intérêts juridiques protégés. En droit de la concurrence, la Cour ne reconnaît pas ce principe car elle considère que le droit de l’Union Européenne et le droit de l’Etat-tiers, quel qu’il soit, ne protègent pas les mêmes intérêts. En plus, l’identité de fait n’existe pas car la sanction prononcée par l’Etat-tiers est prononcée en fonction de l’atteinte au marché de cet Etat-tiers, mais en fonction de l’atteinte au marché intérieur.
- L’affectation du commerce entre les Etats-membres
Ce deuxième aspect est spécifique au droit de l’Union Européenne. Sur le territoire de l’Union Européenne, qui est le champ d’application naturel du droit de l’Union Européenne, les droits nationaux sont aussi susceptibles de s’appliquer pour chaque territoire national. Deux types de règles se superposent.
Dans quelles circonstances le droit de l’Union Européenne s’applique plutôt qu’un droit national d’un Etat-membre ? Quel est le domaine d’application des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne par rapport au domaine des règles de droit interne ?
La réponse est liée au critère du droit de l’Union Européenne de l’affectation du commerce entre Etats-membres, et est donnée par ces deux articles du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne qui interdisent les pratiques anticoncurrentielles susceptibles d’affecter le commerce entre Etats-membres.
Depuis deux arrêts anciens l’arrêt LTM (Société Technique Minière) du 30 Juin 1966 et l’arrêt Consten et Grunding du 13 Juillet 1966, l’affectation du commerce entre Etats-membres est affirmé comme critère de répartition des compétences normatives de l’Union Européenne et nationale.
Cela détermine le champ d’application du droit de l’Union Européenne par rapport au droit interne.
Il faut comprendre que sont susceptibles d’être contrôlés sur le fondement des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne uniquement les comportements qui affectent le commerce entre Etats-membres. C’est un critère d’applicabilité essentiel.
Cas pratique : La première question même si elle n’est pas posée, c’est se demander si le droit français ou si c’est le droit de l’Union Européenne qui pourrait être applicable. Il faut se poser la question de l’affectation ou non du commerce entre Etats-membres. S’il y a affectation, le droit de l’Union Européenne est applicable.
- Signification du critère de l’affectation du commerce entre Etats-membres
La jurisprudence communautaire, qui est en partie reprise par une Communication du 27 Avril 2004 de la Commission « Communication sur la notion d’affectation du commerce entre Etats-membres » donne une signification extrêmement large de la notion d’affectation du commerce entre Etats-membres.
Dans son arrêt Club Lombard – 24 Septembre 2009, qui concerne des concertations sur les prix et les commissions bancaires des banques autrichiennes en Autriche.
La Cour rappelle que « pour être susceptible d’affecter le commerce entre Etats-membres, une décision, un accord, ou une pratique doivent, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d’envisager avec un degré de probabilité suffisante qu’ils exercent une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre Etats-membres et cela de manière à faire craindre qu’ils puissent entraver la réalisation d’un marché unique entre Etats-membres. Il faut, en outre, que cette influence ne soit pas insignifiante ».
Cette définition se trouve déjà le 1er Juillet 2008 –Motoé.
C’est dans l’arrêt Gluckner du 25 Octobre 2001 que l’on trouve pour la première fois, d’une façon claire, cette définition. La Cour de Justice des Communautés Européennes a la même ligne de conduite, qui diffère un peu de la Commission.
- La réalité de l’affectation du commerce entre Etats-membres ne doit pas être établi,
C’est une probabilité qui est recherchée, une affectation vraisemblable. Il suffit que le comportement soit de nature à affecter le commerce entre les Etats-membres. Un faisceau d’indices permet d’établir la probabilité d’affectation :
- La nature de l’accord ou de la pratique en cause.
Certains accords, par essence, vont affecter le commerce entre Etats-membres comme les cartels transfrontaliers.
- La nature des produits/services.
Lorsque ceux-ci font facilement l’objet d’un commerce transfrontière, ou lorsque le produit/service est indispensable pour des entreprises voulant s’établir dans un autre Etat-membre. C’est un indice fort pour reconnaître l’affectation du commerce entre Etats-membres.
- La position des entreprises en cause.
En fonction de leur volume de vente peut aussi apporter un éclairage important.
Une boulangerie de quartier ou une boulangerie industrielle, ce n’est pas la même chose en termes de volumes de vente.
- Le contexte économique et juridique du marché en cause.
Comme l’existence de barrières à l’entrée ou non.
- Le terme « affecter » semble signifier une influence préjudiciable.
Pendant longtemps, on s’est demandé si c’était un terme neutre (avoir un impact sur), ou si cela avait un sens péjoratif (impact négatif sur le commerce).
Pourquoi cette influence semble-t-elle être préjudiciable ? Il y a affectation des échanges lorsque ceux-ci sont influences de manière à faire craindre qu’ils puissent entraver.
« Craindre/Entrave », cela renvoie à l’idée d’une influence néfaste.
- Dans la Communication de 2004, la Commission ne vise pas nécessairement une influence néfaste. Ce qui compte pour elle, c’est une modification des courants d’échange. Elle utilise le sens neutre d’affecter.
- Un arrêt du TPICE dans l’affaire Club Lombard du 14 Décembre 2006 (La Cour n’a pas abordé le point), le Tribunal nous dit qu’il importe peu à cet égard que l’influence d’une entente sur les échanges soit défavorable, neutre ou favorable. C’est le détournement des courants commerciaux qui compte (par rapport à l’orientation qu’ils auraient eu sans détournement).
Commission et Tribunal militent pour un sens neutre, tandis que la Cour de Justice des Communautés Européennes semble militer pour un sens uniquement péjoratif, c’est-à-dire une influence préjudiciable sur l’affectation. Le choix de l’un ou l’autre n’est pas indifférent.
Le choix de la Cour de Justice des Communautés Européennes englobe moins de situations que l’influence neutre/préjudiciable/positive.
Il faut retenir que c’est plutôt une interprétation négative retenue de la notion d’affectation par la Cour de Justice des Communautés Européennes (Qui reste la juridiction supérieure).
- La notion de « commerce entre Etats-membres » couvre toutes les activités économiques internationales mais au sens large, c’est-à-dire qu’international peut être entre deux Etats-membres seulement.
Ensuite la notion inclut les cas où les échanges sont supprimés par le cloisonnement d’un seul marché national, car cela entrave la réalisation du marché intérieur.
Il en va de même lorsqu’une entreprise ne peut s’établir en raison du comportement d’une autre entreprise.
Le fait qu’une entente n’ait pour objet que la commercialisation des produits dans un Etat-membre ne suffit pas pour exclure que le commerce entre Etats-membres puisse être affecté. C’est ce que la Cour rappelle dans l’arrêt Club Lombard. Ce type d’entente vient consolider des cloisonnements nationaux, par nature.
Un comportement qui affecte un marché dit « subnational », c’est-à-dire qui n’affecte qu’une partie d’un Etat-membre, qu’une région peut aussi correspondre à une affectation des échanges entre Etats-membres. C’est les points 77 et suivants de la Communication de 2004.
C’est aussi prévu dans l’arrêt Gluckner où il est précisé que l’impossibilité pour une entreprise de s’établir dans un marché régional, peut caractériser une affectation du commerce entre les Etats-membres, notamment lorsqu’il s’agit d’une zone frontalière.
Dans un arrêt de la Cour de Cassation du 1er Mars 2011, concernant des pratiques mises en œuvre par les sociétés Schell, Esso, Total Outremer, Total Réunion, et Chevron. Le marché était le marché des carburéacteurs pour les compagnies aériennes, mais ce pour les compagnies desservant l’aéroport Roland Garros de Saint-Denis de la Réunion.
En raison de son éloignement et en raison du fait que l’on soit sur une île, cet aéroport a été reconnu comme marché pertinent. La question était donc de savoir si le droit de l’Union Européenne s’appliquait. La Cour de Cassation va souligner que l’activité transcommunautaire était au moins potentiellement affecté en raison de la nature de la pratique, de la position des entreprises qui appartiennent à des multinationales qui ont des centres d’intérêt importants en Europe, et en raison du fait qu’Air France (victime) attirait sur la destination des citoyens de toute l’Union Européenne. Il y avait donc une affectation potentielle du commerce entre Etats-membres.
Même lorsqu’on a des échanges avec les pays tiers, il peut y avoir affectation du commerce, notamment lorsqu’on est en présence d’accords pour l’exportation, accords qui ont une influence néfaste sur la structure de la concurrence en Europe, si en l’absence des accords, les producteurs auraient été contraints d’écouler leur production sur le marché intérieur et donc d’avoir une concurrence plus active sur le marché intérieur.
Suiker Unie du 16 Décembre 1975 concernant une entente de quotas à l’exportation sur le sucre. Les producteurs de sucre européens se répartissaient des quotas d’exportation.
Sans ces quotas, ils auraient sans doute été obligés d’écouler une partie de leur production en Europe.
- L’influence de la pratique sur les échanges ne doit pas être insignifiante
C’est donc un critère quantitatif, il faut une certaine intensité dans l’affectation des échanges. On parle de seuil de sensibilité de l’affectation (Celui-ci ne doit pas être confondu avec le seuil de sensibilité de la restriction de concurrence).
Pendant longtemps, cette exigence de sensibilité a été oubliée, et a été remise en avant par la Commission dans sa Communication de 2004. C’est d’ailleurs l’un des apports les plus importants de cette Communication.
Il s’agit d’une appréciation in concreto. Cette appréciation repose sur la nature du comportement, la nature des produits concernés, et la position des entreprises en cause.
Cela signifie que pour les comportements qui par nature sont susceptibles d’affecter le commerce entre Etats-membres, le seuil du caractère sensible est inférieur à celui des comportements qui ne sont pas par nature susceptibles d’affecter le commerce entre Etats-membres.
Plus la position des entreprises est forte, plus le caractère sensible de l’atteinte sera établi.
Ces principes devront être appliqués concrètement.
La Commission a cependant mis en place deux présomptions simples de sensibilité, qui jouent en matière d’entente :
- La première présomption est négative, c’est-à-dire de non-sensibilité, qui implique deux conditions cumulatives :
- La part de marché totale des parties à l’entente n’excède pas 5%.
- Dans le cas des ententes horizontales, le chiffre d’affaire réalisé par les entreprises en cause n’excède pas 40 millions d’euros.
Dans le cas des ententes verticales, le chiffre d’affaire réalisé par le fournisseur ne doit pas excéder 40 millions d’euros.
Si l’une de ces deux conditions fait défaut, alors la présomption ne joue pas. La présomption reste cependant toujours réfragable. Ces seuils ont été fixés par la Commission.
- La seconde présomption est positive, c’est-à-dire de sensibilité qui joue pour les ententes qui par nature, sont susceptibles d’affecter les échanges, par exemple, parce qu’elles couvrent plusieurs Etats-membres (transfrontières), ou parce qu’elles concernent les exportations ou les importations.
Ce type d’entente affectera, on le suppose de manière sensible les échanges entre Etats-membres à la condition soit que le chiffre d’affaire réalisé par les entreprises excède 40 millions d’euros, soit que la part des marchés est supérieure à 5%.
On a les conditions inverses de la présomption de non-sensibilité.
Ces seuils n’ont pas été confirmés dans la jurisprudence du Tribunal ou de la Cour de Justice des Communautés Européennes. Ce qui est confirmé, c’est la nécessité de constater le caractère sensible.
La condition de sensibilité soulève des difficultés en cas de marché subnational, c’est-à-dire lorsqu’on est en face d’un comportement qui concerne une partie d’un territoire national (Points 90 à 92 de la Communication).
En cas de marché subnational, il n’y a pas de présomption à faire jouer, et le meilleur indicatif, le meilleur moyen de déterminer s’il y a affectation sensible, c’est de regarder la part du volume des ventes nationales que représente les ventes affectées par le comportement en cause.
Ce critère est notamment rappelé par l’arrêt de la Cour de Cassation du 1er Mars 2011.
Il y a un exemple dans l’arrêt du 23 Septembre 2010 – Orange Caraïbes – Cour d’Appel de Paris où les juges rappellent qu’il y a affectation du commerce entre Etats-membres si trois conditions sont réunies :
- L’existence d’un courant d’échange entre Etats-membres.
- L’existence d’une affectation potentielle de cet échange.
- L’existence d’une affectation sensible.
Voilà comment les juridictions nationales ont compris la condition imposée par les articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne d’affectation du commerce entre Etats-membres.
Sur ce dernier point, l’existence d’une affectation sensible, la Cour d’Appel de Paris va condamner la position de l’ADLC du 9 Décembre 2009 qui avait retenu la sensibilité de l’affectation des échanges, en visant la nature du comportement et l’importance de la position des entreprises.
La Cour d’Appel a condamné la position, en disant que la sensibilité devait être appréciée en l’espèce (marché subnational), au regard du volume des ventes concerné par rapport au volume national. Cela n’avait pas été vérifié.
La Cour dit donc qu’il n’y avait pas eu démonstration du caractère sensible de l’affectation. Elle constate qu’en plus, le comportement abusif concernait un chiffre d’affaire d’Orange Caraïbes qui représentait 0,75% du chiffre d’affaire du groupe France Télécom.
A supposer qu’il y ait affectation du commerce, on ne peut pas dire qu’il y a une sensibilité alors que l’abus porte sur 0, 75% du chiffre d’affaire national du groupe.
Cet arrêt est assez critiqué par la doctrine, il faudra donc voir ce que dira la Cour de Cassation sur l’appréciation du seuil de sensibilité de l’affectation du commerce entre Etats-membres, notamment pour les marchés subnationaux.
- Conséquences sur l’application des droits nationaux
L’affectation sensible sur les échanges entre Etats-membres, c’est le critère d’applicabilité du droit de l’Union Européenne, mais une question reste : le droit de l’Union Européenne est-il applicable exclusivement ou au contraire, les droits nationaux restent-ils applicables si leurs propres critères d’applicabilité sont satisfaits ?
S’il y a une application possible des droits nationaux, il y a un risque de conflit entre les positions prises sur le fondement du droit de l’Union Européenne, et celles prises sur le fondement du droit national.
La Cour a résolu assez rapidement la difficulté dans un arrêt du 13 Février 1969 – Walt Wilhelm, où elle reconnait la possibilité d’une application parallèle du droit de l’Union Européenne et du droit national. Elle y a cependant posé deux limites :
- On peut cumuler les sanctions nationales et de l’Union Européenne mais en suivant une exigence générale d’équité, ce qui signifie que la deuxième sanction devrait prendre en compte l’existence de la première.
Remarque : Cette limite a été un peu oubliée. Lorsque l’Autorité de la Concurrence prononce une amende, elle vise à la fois le droit français et le droit de l’Union Européenne s’il y affectation du commerce entre Etats-membres, mais elle ne distingue pas la part attribuée à l’application du droit français/droit européen, pour éventuellement pouvoir distinguer l’équité.
- En raison de la primauté du droit de l’Union Européenne, l’application du droit national ne peut pas faire échec à l’application du droit de l’Union Européenne. Aucune décision de condamnation ou décision de conformité adoptée au regard des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne ne peut être contredite sur le fondement du droit national.
Il y a eu une reprise de ces principes à l’article 3 du règlement I 2003 du 16 Décembre 2002 (prévoyant la mise en œuvre des règles de concurrence). L’article 3 §1 réaffirme le principe de l’application parallèle, ou application cumulative. Ce qui signifie qu’une même situation peut être appréhendée à la fois sur le fondement des articles 101 et 102 et des dispositions équivalentes en droit national.
En outre, ce texte indique que si les autorités de concurrence nationales, l’Autorité de la Concurrence en France, ou les juridictions en France, Tribunal de Commerce en France notamment, sont saisies d’une situation où il y a affectation du commerce entre Etats-membres, celles-ci ont l’obligation d’appliquer l’article 101 ou 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne.
L’article 3§2 réaffirme le principe de primauté du droit de l’Union Européenne (de supériorité), et cet article précise que l’application du droit national ne peut pas entraîner l’interdiction d’un comportement affectant des échanges entre Etats-membres dans trois cas :
- Lorsque ces comportements ne sont pas restrictifs de concurrence au sens de l’article 101§1.
- Lorsque ces comportement sont exemptés de sanctions au sens de l’article 101§3.
- Lorsque ces comportements sont couverts par un règlement d’exemption.
Que se passe-t-il si c’est un problème relatif à l’article 102 (abus de position dominante) ?
C’est l’article 3§2 in fine qui n’empêche pas les Etats nationaux de prendre des lois plus strictes qui interdisent ou sanctionnent un comportement unilatéral. Même si sur le fondement communautaire, il n’ya pas d’abus de position dominante, on peut utiliser le droit national pour sanctionner ce comportement.
En France, cela vise les interdictions concernant l’abus de dépendance économique et les pratiques de prix abusivement bas (Infractions spécifiques en France L. 420-2 alinéa 2 et L. 420-5 du Code de Commerce).
Concernant cet article 3, on peut retenir deux choses :
Premièrement, il écarte la thèse du guichet unique puisqu’il retient la thèse de l’application cumulative du droit de l’Union Européenne et des droits nationaux. La thèse du guichet unique, c’est « soit l’un, soit l’autre » ce qui est le cas en matière de contrôle des concentrations.
Deuxièmement, en retenant le principe de primauté, l’article 3 maintient la thèse de la barrière unique.
Thèse selon laquelle, lorsqu’on est conforme au droit de l’Union Européenne, elle ne peut pas ensuite être interdite sur le fondement de même nature, de dispositions nationales de même nature plus restrictives.
Cet article 3 propose une solution au conflit de lois entre droits internes et droit de l’Union Européenne.
- Articulation des compétences des autorités
En cas d’applicabilité des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne¸lorsqu’il y a affectation du commerce entre Etats-membres, il peut y avoir existence d’une coopération entre autorités nationales et autorités de l’Union Européenne.
Les articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne sont d’effet direct. Cela signifie qu’ils sont donc invocables devant les autorités nationales par les particuliers. Leur effet direct est complet, ce qui veut dire qu’on peut les invoquer dans le cadre d’un litige entre particuliers.
Il y a une obligation des autorités nationales d’appliquer ces articles en cas d’affectation du commerce entre les Etats-membres.
Pour ces deux raisons, l’Union Européenne a du organiser l’articulation des compétences de la Commission (autorité naturelle d’application de ces articles), avec celles des autorités nationales de concurrence (Autorité de la Concurrence) et des juridictions nationales de concurrence (Tribunal de Commerce).
- Commission et autorités nationales
Après l’adoption du règlement I 2003, la Commission a organisé un réseau européen de concurrence, qu’on appelle le « REC » (ECN en anglais European Competition Network). E réseau a été organisé par l’adoption d’une Communication du 27 Avril 2004 relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence.
Le fonctionnement du réseau repose sur une coopération verticale de la Commission et des autorités nationales dans les deux sens, mais également sur une coopération horizontale entre les différentes autorités de la concurrence nationales.
Sur le plan pratique, un réseau Intranet s’est construit entre les 27 Etats-membres, les autorités, et la Commission, base de données communes. La coopération entre les autorités de concurrence gravite autour de trois axes :
- La répartition des cas où le droit de l’Union Européenne est applicable.
La Communication prévoit deux conditions cumulatives pour déterminer quelle autorité est la mieux placée :
- Condition de proximité en vertu de laquelle il faut un lien entre le comportement et le territoire de l’autorité.
- Condition d’efficacité qui vise à la fois l’efficacité dans la réunion des preuves, et l’efficacité de la décision finale.
L’intervention parallèle de deux autorités concurrentes peut parfois être utile, sur le fondement des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne, ce lorsqu’on a un comportement qui a des effets importants dans le territoire respectif des autorités de concurrence, et que l’intervention d’une seule autorité serait éventuellement insuffisante pour faire cesser l’intégralité de l’infraction.
Exemple : Une entente entre deux entreprises sur un partage de marché qui restreint à un Etat-membre X l’activité de l’entreprise établie dans cet Etat, et à l’Etat-membre Y de l’entreprise établie dans cet Etat.
Les autorités de X et de Y sont chacune bien placées pour traiter l’affaire, pour la partie qui concerne leur territoire.
En revanche, si cela implique plus de trois Etat-membres, alors l’autorité qui apparaît la plus adéquate pour effectuer le contrôle, c’est la Commission. CEAHR du 15 Décembre 2010 du TUE où le juge considère que le fait qu’un comportement concerne au moins 5 Etats-membres est un indice sérieux de l’efficacité d’une action de l’Union Européenne au lieu d’actions multiples au niveau national.
La Commission décrit des mécanismes de répartition de compétences. Il y en a essentiellement trois.
- Le premier mécanisme est un mécanisme d’information préalable, ce qui signifie que toute autorité nationale, de concurrence doit informer le réseau de l’ouverture d’une procédure notamment en inscrivant la procédure sur l’intranet.
- Le deuxième mécanisme est une procédure de réallocation des affaires mal-orientées, notamment s’il y a eu un dépôt de plainte devant une autorité mal placée. La réattribution d’affaires doit normalement intervenir dans les deux mois suivant la date de la première information envoyée au réseau.
- En présence de procédures parallèles ou consécutives, l’article 13 du règlement I 2003 prévoit la possibilité pour l’autorité confrontée au problème, de rejeter ou de suspendre une affaire au motif qu’une autre autorité la traite ou l’a déjà traitée.
Cette possibilité a été intégrée en droit français à l’article L. 462-8 du Code de Commerce, et l’Autorité de la Concurrence peut donc rejeter ou suspendre une affaire relevant du droit de l’Union Européenne, lorsqu’elle a été informée que cette affaire est pendante ou déjà jugée devant une autre autorité.
- Deuxième axe, les mécanismes spécifiques de coopération.
- L’échange d’informations. C’est la base de fonctionnement du réseau. Toutes les informations relatives aux articles 101 et 102 sont susceptibles de circuler entre les membres.
Il y a cependant des mécanismes de sauvegarde. Toutes les informations échangées sont couvertes par le secret professionnel, selon l’article 28 du règlement I 2003.
Deuxième sauvegarde, l’information obtenue par un membre du réseau ne peut être utilisée que pour l’application des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne ou des dispositions nationales similaires appliquées dans le même cas en parallèle. L’information ne peut être utilisée que pour l’application des articles, et uniquement pour l’objet pour lequel l’information a été recueillie.
- Les mesures d’assistance en matière d’investigation.
Une autorité nationale de concurrence (ANC) peut demander à une autre ANC de lui prêter assistance, et cette assistance permettra de recueillir les informations ou d’exécuter des mesures d’enquête au nom et pour le compte de l’ANC qui l’a demandé. Dans ce cas, l’ANC prêtant assistance le fait conformément à sa propre législation, à sa propre procédure notamment s’il faut demander l’autorisation d’un juge pour exercer une fouille au sein d’une entreprise.
La Commission peut demander à une ANC d’effectuer une inspection en son nom et pour son compte.
- Troisième axe, le maintien de la cohérence au sein du réseau
Le maintien de la cohérence est assuré par la Commission, et exclusivement par elle. Il repose sur trois éléments :
- L’information préalable de la Commission par les ANC.
Avant toute prise de décision, ordonnant une cessation d’infraction, acceptant des engagements, l’ANC doit informer au préalable la Commission, et ce 30 jours au plus tard avant la prise de décision.
- Un droit de préemption de la Commission.
L’ouverture d’une procédure par la Commission entraîne le dessaisissement de l’ANC, qui traiterait déjà de l’affaire.
- La prévention des conflits de décision.
Les ANC lorsqu’elles statuent sur des pratiques en vertu des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne ne peuvent pas prendre de décisions qui iraient à l’encontre d’une décision déjà adoptée par la Commission (Principe de primauté).
- Commission et juridictions nationales
Comme les ANC, les juridictions nationales, lorsqu’elles sont saisies d’un dossier ont l’obligation d’appliquer les articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne, dès qu’il y a affectation du commerce entre Etats-membres. C’est pourquoi le règlement I 2003 du 16 Décembre 2002 vise à l’article 15 une coopération verticale entre la Commission et les juridictions nationales.
En vertu du principe de l’autonomie procédurale, rappelé dans l’arrêt Courage du 20 Septembre 2001, et l’arrêt Manfredi du 13 Juillet 2006, il appartient à l’ordre juridique de chaque Etat-membre de désigner les juridictions compétentes, et de régler les modalités procédurales des recours, qui sont destinées à garantir l’application des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne.
En France, quasiment toutes les juridictions sont concernées :
- Les juridictions pénales, L 420-6 du Code de Commerce qui prévoit une infraction pénale spécifique (4 ans de prison et 75 000€ d’amende) pour toute personne physique qui prend frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l’organisation ou la mise en œuvre d’une pratique anticoncurrentielle.
- Les juridictions administratives, pour le contentieux relatif à la légalité des actes administratifs.
- Les juridictions civiles, et plus spécifiquement les Tribunaux Spécialisés de Concurrence (TGI de Bordeaux, Marseille, Lille, Fort-de-France, Lyon, Nancy, Paris, Rennes) 420-7 du Code de Commerce.
Il n’existe donc pas de juridictions uniquement concurrentielles, il n’existe pas de juge de la concurrence.
L’article 15 du règlement I 2003 (règlement de procédure de l’Union Européenne) et la communication du 27 Avril 2004, sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales organisent l’articulation des compétences. Cette organisation se fait autour de deux axes :
- Premier axe, des mécanismes de coopération.
Ces mécanismes prennent deux formes :
- C’est une assistance de la Commission auprès des juridictions nationales. Assistance pour appliquer le droit de l’Union Européenne.
Cette assistance se manifeste à travers la transmission par la Commission d’informations (sur l’existence d’une procédure en cours devant la Commission, sur la date d’une prise de décision…). Cette transmission d’informations est intégrée à la procédure française par l’article R. 470-4 du Code de Commerce.
L’assistance se manifeste également à travers la possibilité de la juridiction française, du juge de demander l’avis de la Commission sur des questions économiques factuelles et juridiques. Cela est prévu à l’article R. 470-3 du Code de Commerce. L’avis donné par la Commission ne lie pas le juge national. Le fait d’avoir demandé l’avis de la Commission n’empêche pas le juge de poser une question préjudicielle d’interprétation ou de validité à la Cour de Justice des Communautés Européennes.
La présentation de droits, d’observations écrites par la Commission devant la juridiction, c’est-à-dire qu’il n’appartient pas au juge national d’accorder l’intervention de la Commission. Elle a le droit de présenter des observations écrites devant la juridiction, à partir du moment où celle-ci est en train d’appliquer le droit de l’Union Européenne. En revanche, si la Commission veut être auditionnée (faire des observations orales), il faut l’accord du juge national.
La présentation de droits implique que cela soit indispensable pour l’application cohérente des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne. Cette condition est interprétée largement selon l’arrêt XBV – 11 Juin 2009, où une société condamnée à une amende pour entente a répercuté partiellement l’amende sur sa filiale hollandaise. Elle obtient du juge hollandais la déductibilité fiscale partielle de l’amende. Ce qui supprime toute efficacité de l’amende.
Le juge du recours décide de poser une question préjudicielle d’interprétation concernant l’article 15§3 du règlement I 2003, et la condition du caractère indispensable pour l’application cohérente des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne. La Cour de Justice des Communautés Européennes va considérer qu’il y a un lien étroit entre l’interdiction des comportements et les sanctions qui accompagnent ces interdictions. Sous-entendu, si on interdit sans sanctionner, l’interdiction n’a aucun effet utile.
L’effectivité des sanctions décidées par les autorités du REC est une condition de l’application cohérente des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne. Cette effectivité va être remise en cause si un juge national admet une déductibilité fiscale.
- C’est une coopération forcée imposée aux juridictions nationales.
Cette coopération forcée se manifeste par deux choses :
D’abord, l’obligation de transmettre tout jugement à la Commission, relatif à l’application des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne.
Ensuite, l’obligation de donner un accès aux dossiers à la Commission lorsqu’elle souhaite présenter des observations.
- Deuxième axe, c’est des mécanismes de prévention de conflits, que l’on retrouve principalement à l’article 16 du règlement I 2003. Ces mécanismes sont prévus au paragraphe 1, et ils recouvrent deux situations :
- Lorsqu’il y a eu adoption de la décision de la Commission avant le jugement. Le juge ne peut pas prendre de décisions contraires à celle-ci (primauté du droit communautaire).
Si par hasard, il y a un recours en annulation introduit contre la décision de la Commission, le juge national doit soit suspendre la procédure nationale pour attendre la décision du tribunal concernant le recours en annulation. Si le tribunal annule, le juge national est libre de faire ce qu’il veut ; si le tribunal écarte, le juge national ne peut prendre une décision contraire à celle de la Commission.
Soit il pose une question préjudicielle de validité relative à la décision de la Commission, en demandant si la décision de la Commission est valable. Cela permet d’accélérer le processus.
Arrêt Masterfood – 14 Décembre 2000.
- Lorsque la Commission n’a pas encore statué, le juge est relativement libre même si la Commission a ouvert une procédure. L’ACN serait lui dessaisi.
En revanche, le juge ne peut pas prendre une décision qui ne serait pas compatible avec la future décision de la Commission. C’est pourquoi il peut surseoir à statuer, et attendre la décision de la Commission. Il peut également demander à la Commission où elle en est.
Si le juge n’a aucun doute sur la solution qui sera adoptée par la Commission, il peut rendre sa décision.
Section II – Les pratiques interdites
Le Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne interdit deux types de comportement d’entreprises :
- Les ententes restrictives de concurrence.
Les ententes ne sont pas interdites. Ce qui est interdit, ce sont celles qui sont restrictives de concurrence.
- Les abus de position dominante.
Ce contrôle suppose une analyse mélangée de faits et de droits. C’est pourquoi le contrôle par la Commission a été organisé suivant une procédure spécifique qu’on retrouve aujourd’hui dans le règlement I 2003 complété par le règlement 773 – 2004.
Le Code de Commerce, au livre IV, partie législative et partie règlementaire, interdit également les ententes restrictives de concurrence, et les abus de position dominante, ce dans des termes à peu près similaires. Le Code de Commerce prévoit également une procédure spécifique devant l’Autorité de la Concurrence, assez semblable à la procédure concurrence devant la Commission.
Il y a néanmoins une différence que nous avons déjà souligné, c’est que le Code de Commerce (le droit français) interdit deux autres comportements anticoncurrentiels. On trouve deux pratiques anticoncurrentielles supplémentaires en droit français : l’abus de dépendance économique à l’article L. 420-2 alinéa 2 du Code de Commerce, et les prix abusivement bas à l’article L. 420-5 du Code de Commerce.
Ces pratiques n’existent pas en droit de la concurrence sauf lorsque des prix abusivement bas peuvent éventuellement correspondre à un abus de position dominante.
Ces deux dispositions du Code de Commerce sont assez anecdotiques, car elles ont en pratique quasiment aucune existence.
Sous-Section I – Les ententes restrictives de concurrence
Sur le fondement de l’article 101 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne §1, et de l’article L. 420-1 du Code de Commerce, les ententes qui portent atteinte à la concurrence sont illicites. Néanmoins, pour échapper au principe d’interdiction, elles peuvent être justifiées par un progrès économique permettant de les exempter.
- 1 – Les ententes illicites
D’après l’article 101§1, et L. 420-1 du Code de Commerce, le principe d’interdiction des ententes implique la réunion de deux éléments infractionnels. Il faut être en présence d’une part d’une entente, c’est-à-dire d’une volonté commune et d’autre part, d’une restriction de la concurrence sur le marché pertinent.
- L’existence d’une volonté commune
La volonté commune des entreprises, la caractéristique de l’entente est appréhendée par les textes uniquement à travers les formes qu’elle est susceptible de prendre. L’article L. 420-1 du Code de Commerce vise de manière obscure les ententes expresses, tacites, coalitions, actions concertées et conventions.
(La différence entre une entente expresse et tacite, d’accord, mais comment une coalition peut-elle être autre chose qu’une entente expresse ou tacite ?).
L’article 101§1 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne est plus clair et retient trois formes :
- L’accord
- La décision d’association d’entreprise
- La pratique concertée
Ces différents termes renvoient, comme le rappelle la Cour de Justice des Communautés Européennes dans un arrêt du 4 Juin 2009 – T-mobile, à « des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent ». Il y a donc un point commun entre toutes ces ententes, c’est que toutes renvoient à une seule et même nature : la collusion.
En revanche, chacune exprime une intensité différente.
La volonté commune peut se manifester de différentes manières, qui caractérisent chacune une intensité plus ou moins élevée dans la collusion, dans l’entente.
La jurisprudence fait apparaître, à l’avis de Monsieur Barthe, deux catégories de forme d’entente, en fonction de leur intensité.
- Les formes de l’entente avérée
Deux formes d’entente traduisent une volonté commune avérée :
- L’accord
- La décision d’association d’entreprise
Ces deux formes traduisent des ententes très différentes.
- L’accord
La notion d’accord est extrêmement large, et est définie depuis un arrêt du 15 Juillet 1970 – Chemiefarma « pour qu’il y ait accord au sens de l’article (devenu 101), il suffit que les entreprises en cause aient exprimées leur volonté commune, de se comporter sur le marché d’une manière déterminée ».
L’un des derniers arrêts reprenant cette définition est l’arrêt du TPICE du 9 Juillet 2009 – Automobiles Peugeot qui concernait un système de rémunération des concessionnaires automobiles hollandais de Peugeot, qui était plus attractif s’ils vendaient en Hollande plutôt qu’à l’exportation.
L’accord tel que défini englobe la notion de contrat au sens du droit civil (français également), mais l’accord va au-delà de cette du contrat.
Tout contrat exprime une volonté commune. Tout contrat est donc susceptible d’être qualifié d’entente, et notamment d’accord.
Il existe un deuxième élément infractionnel. Il y a accord lorsque les parties s’entendent sur un plan commun qui détermine leur ligne d’action ou de non-action sur le marché. En revanche, la forme de l’accord est indifférente, tant qu’elle constitue une expression fidèle de la volonté des parties.
Du coup, un contrat non-valable au regard du droit national peut être suffisant selon l’arrêt Sandoz – 11 Janvier 1990. Des engagements simplement moraux, des promesses, ou des déclarations d’intention sont elles aussi suffisantes. C’est notamment le cas des engagements d’honneur, les gentleman’s agreement comme on le voit dans l’arrêt Treillis Soudés du 6 Avril 1995.
L’élément essentiel de l’accord n’est pas la signature d’un contrat, mais l’existence d’une volonté commune des entreprises d’adopter une stratégie spécifique sur le marché.
Deux entités ont la volonté commune d’augmenter leur prix, et le manifestent l’une par rapport à l’autre, arrivant à voir à travers des comportements, une clause, cette manifestation : on a un accord.
A partir du moment où on peut déterminer qu’il y a une volonté commune de ce comportement de manière déterminée sur le marchée, on a une entente prenant la forme d’un accord.
Cette conception large de l’accord a un impact particulier à l’égard des mesures apparemment unilatérales dans le cadre de relations commerciales verticales. Ce sont les relations existant entre un fournisseur et le revendeur de ce fournisseur.
On parle donc d’actes juridiques, ou de pratiques adoptées par le fournisseur dans le cadre des relations d’affaires qu’il a avec un ou des revendeurs. Concrètement, cela peut être l’envoi d’une circulaire sur les prix ou sur les rabais, l’envoie d’une facture dans le cadre d’un contrat d’approvisionnement…
Ces mesures apparemment unilatérales sont des accords, à deux conditions que l’on retrouve notamment dans l’arrêt Bayer du TPICE du 26 Octobre 2000 et Cour de Justice des Communautés Européennes – 6 Janvier 2004. L’Autorité de la Concurrence pense la même chose, avec par exemple LVMH – 23 Janvier 2005 :
- Le document envoyé par le fournisseur permet d’identifier une offre de comportement sur le marché.
- Il est possible de prouver une acceptation express ou tacite de cette offre de comportement sur le marché, par ceux qui l’ont reçue.
La difficulté est la preuve de l’acceptation au moins tacite.
Elle sera établie de deux manières :
- Avec l’acceptation express, on a un document. C’est simple.
- Lorsque l’acceptation est tacite, on considère que la preuve est faite à travers deux situations :
- Soit, au regard du contenu d’un contrat-cadre antérieur à la mesure unilatérale et prévoyant éventuellement l’adoption de ce type de mesures. Un contrat-cadre est la plupart du temps un contrat de distribution, d’approvisionnement qui prévoit les grandes lignes de la relation commerciale entre le fournisseur et le revendeur.
A l’intérieur de ce contrat-cadre, on trouvera des dispositions plus ou moins précises : lorsqu’on laisse clairement apparaître la possibilité pour le fournisseur d’adopter ce type de mesures, on va considérer qu’il y a eu une acceptation de ces mesures unilatérales par tous ceux qui ont adhéré au contrat-cadre.
Dans un arrêt AEG Telefonkun du 25 Octobre 1983 où un fabricant refuse l’admission à son réseau de distribution d’un distributeur. Le réseau a été construit sur des critères qualitatifs.
Il est dit qu’il y a entente du fait de ce refus.
La Cour va considérer que ce refus constitue effectivement un accord, entre le fournisseur/le fabricant et les distributeurs déjà agréés. L’obtention de l’agrément par les distributeurs agréés nécessitait de leur part une acceptation express ou tacite de la politique poursuivie par le fabricant, notamment en matière de constitution du réseau, et des refus d’agrément que cela impliquait.
C’est la même position adoptée par le Conseil de la Concurrence dans l’arrêt du 25 Février 2005 – Browning Winchester.
- On peut prouver l’acceptation tacite au travers du comportement des entreprises à qui sont adressés les documents. Cette seconde manière est utilisée lorsqu’il n’y a pas de contrat-cadre passé, où lorsque le contrat-cadre ne permet pas d’établir une quelconque acceptation de la mesure unilatérale en cause.
Par exemple, on a une stipulation qui interdit expressément les exportations. Cette stipulation n’est pas dans un contrat antérieur, elle est au dos de la facture envoyée au client du fabricant. A la suite de chaque commande, il y a les marchandises vendues ne doivent pas être exportées. La Cour, dans l’arrêt Sandoz du 11 Juillet 1990, a considéré qu’il y avait un accord qui avait pour objet la non-exportation des marchandises achetées, parce que les clients ont tacitement accepté cette clause par leur comportement, qui était le renouvellement des commandes, le paiement du prix demandé, l’absence de toute protestation adressée aux fournisseurs.
Pour la Cour, ces trois éléments indiquent qu’ils ont accepté l’interdiction d’exporter les marchandises achetées.
En revanche, le juge a bien souligné dans un arrêt Volkswagen, que le seul fait d’être intégré à un réseau de distribution sélective ne permet pas de considérer que les membres du réseau ont implicitement et nécessairement accepté tout agissement du fournisseur.
Quand on est membre d’un réseau, et que lorsqu’on reprend le contrat-cadre, rien n’indique que dans son contenu la mesure unilatérale était prévue dans le contrat-cadre. Le seul fait d’être dans le réseau, ne signifie pas d’avoir donné une acceptation pour l’ensemble des comportements du fournisseur.
Il faut trouver une acceptation. En l’espèce, il y avait une invitation non-contraignante à appliquer certains prix sur des produits.
La position du droit français est identique avec la décision Akaï du 28 Juin 2002.
Dans l’affaire Bayer, le juge a rappelé que le seul fait qu’une mesure soit adoptée par un fabricant dans le cadre de relations commerciales continues avec ses revendeurs/ses grossistes ne suffit pas à prouver un accord. Cela signifie que ce n’est pas parce que le fournisseur adopte un comportement, on continue à avoir des relations avec lui, cela ne veut pas dire qu’on a accepté son comportement.
En l’espèce, Bayer appliquait des quotas, et refusait de livrer au-delà d’une certaine quantité.
Ces grossistes lui demandaient certaines quantités, et il répondait systématiquement en dessous. Plus précisément, il vendait à hauteur de la consommation nationale + 2/3% à chaque grossiste. Le grossiste, de fait, pouvait répondre à la demande nationale, mais ne pouvait pas exporter. La stratégie de Bayer était d’interdire à chacun de ses acheteurs les exportations.
La Commission va considérer qu’il y avait un accord portant sur les exportations, en disant que Bayer en avait pris l’initiative, et que tous les grossistes qui avaient continué à acheter ont manifesté leur accord à cette initiative.
La Cour de Justice des Communautés Européennes va répondre par la négative, le seul fait de continuer à acheter est insuffisant. Les grossistes avaient besoin d’acheter à Bayer, et ils ont toujours manifesté leur mécontentement de ne pouvoir acheter plus.
+ Conseil de la Concurrence – 05D72 – Pharmlab – Secteur du médicament, confirmé par la Cour d’Appel de Paris le 23 Janvier 2007. Même analyse.
Il existe quand même une limite à cette définition extrêmement large ne droit de l’Union Européenne, avec la jurisprudence Albany du 21 Septembre 1999, reprise dans l’arrêt Vanderwoude du 21 Septembre 2000, la notion d’accord n’inclut pas les conventions collectives. Ce ne sont pas des accords au sens de l’article 101§1.
En l’espèce, on avait un syndicat de salariés, et un syndicat de patrons dans le secteur du textile, qui avaient décidé de mettre en place un fonds de pension par une convention collective. Ensuite, ils ont demandé aux pouvoirs publics de rendre l’affiliation à ce fonds de pension prévu par une convention collective, obligatoire.
En amont du problème, la question qui se posait était celle de savoir si la création de ce fonds de pension par les deux syndicats était une entente au sens de l’article 101§1 ? La Cour va répondre par la négative. Non pas qu’il n’y ait pas une volonté commune de se déterminer d’une manière précise sur le marché, mais que tout simplement, la nature de la convention, c’est-à-dire convention résultant de négociations collectives et son objet, c’est-à-dire l’amélioration des conditions d’emploi et de travail, échappaient à la qualification d’entente.
Cette position n’est pas du tout critiquable quant aux résultats.
Mais la manière dont la Cour a raisonné de manière plus étrange, quand à la nature de l’activité des protagonistes. Dans l’arrêt Albany, la convention collective échappe au domaine d’application de l’article 101, car un syndicat d’ouvrier n’est pas une entreprise.
- La décision d’association d’entreprise
Ce n’est pas la décision de plusieurs entreprises de s’associer ensemble.
Une entente constituée par une décision d’association d’entreprise n’a rien à voir avec une décision adoptée par les entreprises, et consistant à vouloir s’associer.
Pour comprendre cette notion, il faut d’abord déterminer ce qu’est une association d’entreprise.
L’expression « association d’entreprise », n’est pas définie par les textes. Au regard de la jurisprudence, cela désigne des groupements variés de personnes physiques ou morales ayant une activité économique.
La forme du regroupement de l’association est assez indifférente, et peut être très diverse. Il peut s’agir d’abord d’ordres professionnels (l’ordre des avocats Arrêt Wouters – 19 Février 2002, l’ordre des géomètres experts Com – 9 Juin 2004 – Conseil supérieur de l’ordre des géomètres experts, de l’ordre des architectes Conseil de la Concurrence – 23 Juin 2004…). N’importe quel ordre professionnel constitue un groupement d’association, si les activités sont économiques.
Il peut s’agir d’associations professionnelles sans but lucratif, avec par exemple le conseil interprofessionnel de l’optique – Autorité de la Concurrence – 7 Juin 2010, ou encore l’association des manufactures de tabac – 20 Octobre 1980 – Van Landewyck.
Il peut s’agir des fédérations sportives, comme la fédération internationale de football, dans l’arrêt Piau du TPICE du 26 Janvier 2005, Cour de Justice des Communautés Européennes – 23 Février 2006, ou le comité international olympique, dans l’arrêt Meca Medina du 18 Juillet 2006.
Il peut s’agir de fédérations professionnelles, comme la fédération nationale d’éleveurs et d’agriculteurs dans l’arrêt du 18 Décembre 2008 – Coop. De France Bétail et Viande.
Enfin, il peut s’agir de GIE, comme dans la décision du Conseil de la Concurrence du 27 Juin 2001 – Secteur des taxis à Saint Laurent du Var.
L’élément essentiel de toute association, c’est la présence d’un organe de coordination, qui va organiser l’activité des membres de l’association. C’est un organe de représentation.
Le regroupement peut prendre n’importe quelle forme, mais il faut un organe de représentation, chargé de coordonner l’activité des membres du regroupement, de l’association.
Une simple identité, similitude entre les activités de plusieurs entreprises, sans qu’il y ait la mise en place d’un tel organe, ne permet pas de caractériser l’existence d’une association.
Le TPICE, dans un arrêt du 26 Octobre 2010 – Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens, a précisé que la seule circonstance que des membres de l’association ne soient pas des entreprises ne suffit pas à écarter la qualification d’association d’entreprise.
Dans cette espèce, certains pharmaciens étaient salariés dans des hôpitaux, n’étaient donc pas professions libérales, sans autonomie, et n’étaient donc pas des entreprises.
Le Tribunal a dit que cette seule circonstance ne permettait pas de considérer que le Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens n’était pas une association d’entreprise.
Il faut donc d’abord identifier une association d’entreprise, une entité, un regroupement dont les membres sont l’entreprise, et qui a un organe de coordination permanent.
Cela ne veut pas dire que l’association d’entreprise doit être permanente.
Une foire, comme la Foire de Paris, est un regroupement avec un organe de coordination mais ce de façon temporaire. Tout le temps de l’existence de l’association, l’organe de coordination est permanent.
Il faut donc que lorsqu’on a un groupement, que ce groupement ait un organe de coordination le temps de l’existence du groupement.
L’accord constitutif de l’association n’est pas remis en cause par le droit de la concurrence.
Il est indispensable que l’association prenne une décision pour que le droit de la concurrence ait le droit de s’appliquer. Ce n’est pas la décision de s’associer qui caractérise l’entente, c’est une fois que l’on a son association avec l’organe de coordination, les mesures adoptées par cet organe, qui sont susceptible de constituer une entente.
Ce, tout simplement en raison de la délégation que l’organisme reçoit des entreprises-membres, et dont il défend les intérêts communs. On considère que cet organisme va exprimer la volonté collective des entreprises, leur volonté commune.
La décision d’une association d’entreprise est la manifestation de la volonté commune des membres de l’association, et on retombe sur la notion d’entente, c’est-à-dire la volonté commune de plusieurs entreprises.
Par exemple, dans l’arrêt Wouters du 19 Février 2002, ce qui est critiqué, c’est un règlement pris par l’ordre des avocats (hollandais), et qui interdit aux avocats de s’associer avec des experts-comptables.
La raison de l’interdiction étant la protection de la déontologie des avocats.
On a une association, et ce qui peut être saisi par la notion de décision d’association d’entreprise, ce sont les textes qui sont pris par l’ordre des avocats pour notamment organiser la profession d’avocats.
Autre exemple, lorsqu’on a une fédération sportive, celle-ci va édicter un certain nombre de normes. Dans l’arrêt Piau, cela concernait les agents des joueurs, et ces textes (actes unilatéraux contraignants) sont supposés représenter la volonté commune des membres de la fédération nationale en cause.
Ces textes sont susceptibles d’être appréhendés en tant qu’entente.
La forme de la décision est indifférente.
Il peut s’agir d’un règlement intérieur, d’une recommandation… de tout acte unilatéral émis et diffusé par l’organe de coordination à l’adresse des membres du groupement. Néanmoins, pour que cette décision puisse permettre de retenir l’existence d’une entente, il faut qu’elle exprime la volonté commune des membres de coordonner leur comportement.
Il faut donc qu’elle ait un caractère obligatoire. Ce caractère obligatoire peut être de droit, mais il peut aussi être simplement de fait. Il faut que de fait l’acte en question s’impose aux membres du groupement.
Cela est analysé au regard du sentiment que les membres ont de devoir se conformer à la décision prise.
Ce sentiment de contrainte des membres est constaté à travers des indices comme le contenu de la décision, l’objet statutaire de l’association, et enfin l’intérêt commun des membres à suivre la recommandation en question (si le bâtonnier recommande d’augmenter de 15% leurs honoraires, l’intérêt commun de tous est d’augmenter comme dit le bâtonnier. Il est probable qu’il y ait une entente sur les prix).
Enfin, lorsqu’on retient une infraction, ce sont les membres de l’association qui vont être tenus pour responsable en premier, même si l’association ne pas juridiquement les engager. Il n’empêche que si une décision d’association d’entreprise est constatée, et est contraire à la concurrence, l’infraction sera reprochée aux membres de l’association 18 Décembre 2008 – Coop. de France bétails et viande. L’amende sera calculée par rapport aux chiffres d’affaires des membres de l’association.
En plus, l’association peut avoir participé à l’infraction, l’avoir favorisée, renforcée et peut aussi être tenue pour responsable, et être condamnée à titre personnel.
- Les formes de l’entente diffuse
Dans cette catégorie, la volonté commune est beaucoup plus diffuse, et bien plus difficile à identifier. L’intensité de la volonté commune est plus faible ou en tout cas plus difficile à appréhender. C’est le cas pour les pratiques concertées et les ententes complexes.
- Les pratiques concertées
La pratique concertée, appelée « action concertée » en droit français, est la forme d’entente qui est la plus difficile à appréhender et à comprendre.
Depuis un arrêt ICI (Matières colorantes) du 14 Juillet 1972, la pratique concertée est définie de la manière suivante : « il s’agit d’une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles au risque de la concurrence ».
+ T-mobile – 4 Juin 2009, a propos d’une concertation entre cinq opérateurs hollandais de téléphonie sur la réduction de la rémunération des revendeurs d’abonnement. Pour ce qui est des pratiques concertées, il faut donc un échange d’informations entre entreprises (une concertation) qui entraîne un comportement sur le marché (une pratique), sans que ce comportement ait fait l’objet d’un consentement.
ANIC – 8 Juillet 1999, à la différence de l’accord, la pratique concertée n’est pas une rencontre de volontés concernant l’adoption d’un comportement précis sur le marché. Il ne s’agit pas de la mise en place d’une stratégie commune. Il n’y a pas de projet d’action précis, il n’y a pas de plan dans la pratique concertée.
Il faut un échange d’informations qui entraîne un comportement, sans que ce comportement ait fait l’objet d’un consentement.
Sur quoi porte la rencontre de volontés ?
La volonté commune porte sur la divulgation d’informations. Ce, dans le but de diminuer une part d’incertitude sur les choix stratégiques à venir. L’objet de la volonté commune est d’échanger des informations afin d’éliminer les incertitudes. L’absence de volontés pour adopter un comportement précis, permet de considérer que la pratique concertée est de moindre intensité que l’accord ou la décision d’entreprise.
C’est en cela qu’il s’agit d’une forme d’entente plus diffuse.
La difficulté principale est de prouver l’existence de la pratique concertée.
Il existe une autre difficulté qui est celle de prouver l’existence de la pratique concertée.
Pour les ententes diffuses, il est compliqué de prouver la volonté commune.
Soit la concertation est secrète, soit parce qu’il n’ya a pas de comportement identifiable lié à la concertation, on n’arrive pas à dire « il a adopté ce comportement après avoir fait tel échange… ». Si on ne prouve pas la concertation, et un comportement, c’est à priori qu’il n’y a pas de pratique concertée.
La concertation concerne des prises de contact entre entreprises, formelles ou informelles, directes ou indirectes. La plupart du temps, il s’agit de réunion. On peut avoir une concertation dans le cadre d’un ordre professionnel, ou d’une assemblée générale d’une fédération professionnelle. L’ensemble des membres vont partager des informations.
La réunion est éventuellement secrète où les entreprises vont échanger des informations, et après tout dépend du type d’informations qu’elles échangent. Il peut s’agir d’échanges sur des comportements futurs, commerciaux, liés à la production aux prix, sur des investissements, des chiffres d’affaires réalisés antérieurement…
Le pire échange est sur un comportement futur de l’entreprise, comme une information commerciale sur ce que va faire l’entreprise, est bien plus sensible que sur un échange d’informations sur ce que l’entreprise a fait il y a deux ans.
La forme des échanges est totalement indifférente : réunions, dîners, clubs, cocktails, foires professionnelles, salons professionnels, associations professionnelles, échanges écrits, mails, réseaux professionnels…
Dans l’arrêt T-mobile du 9 Juin 2009, le droit de l’Union Européenne est beaucoup plus strict que le droit français, qui a une tendance à accepter beaucoup plus de choses dans ce domaine que le droit de l’Union Européenne.
Dans cet arrêt, la Cour de Justice des Communautés Européennes précise que la concertation peut être établie à partir d’une seule réunion entre entreprises. Il n’est pas nécessaire, pour qu’il y ait concertation, de multiplier les rencontres et les échanges. Un échange isolé suffit.
Deux systèmes de preuve peuvent être utilisés pour prouver la concertation :
- La preuve directe, vise les documents rassemblés par les autorités de concurrence, et éventuellement par la gentille coopération des entreprises concernées par le contrôle, ou d’entreprises tierces.
La coopération des entreprises concernées s’effectue souvent dans le cadre de la procédure de clémence, dont le mécanisme est évident : plus on participe à déterminer la réalité de l’infraction commise, moins on risque d’être sanctionné.
Les documents en question doivent être suffisamment fiables, c’est-à-dire qu’ils doivent permettre d’identifier directement les entreprises qui se sont concertées, le moment de la concertation mais également ce qui a été échangé. Cela peut être des facs, des télex, des notes internes, des procès-verbaux d’assemblée générale…
La preuve directe est assez stricte, et a pour objet de favoriser les entreprises suspectées.
Néanmoins, pour ne pas remettre en cause l’efficacité du travail, il y a :
- La preuve indirecte, c’est-à-dire les présomptions.
L’existence de la concertation peut être prouvée à travers l’existence d’un parallélisme de comportements, ou d’un alignement de comportements, alignement inexpliqué.
Un parallélisme de comportement existe lorsque des entreprises adoptent, pratiquement en même temps, des comportements proches, similaires, sur le marché.
Par exemple, plusieurs entreprises augmentent leur prix dans une proportion identique et à la même période.
Il appartient ensuite aux entreprises de prouver que le parallélisme est le résultat de décisions autonomes de chacune d’entre elles. En fait, le parallélisme de comportement renverse la charge de la preuve. C’est à l’entreprise de prouver qu’il n’y a pas eu concertation. Cela modifie aussi l’objet de la preuve : les entreprises doivent prouver qu’il y a une justification, une explication aux comportements parallèles sur le marché.
Si, les entreprises ne parviennent pas à justifier le parallélisme, c’est parce que ce parallélisme s’explique uniquement par l’existence d’une concertation.
Première précision¸ lorsqu’il y a un alignement des comportements sur le marché, les entreprises peuvent donner une explication économique. Il peut y avoir un parallélisme ponctuel, mais c’est rarement suffisant pour justifier le parallélisme.
Souvent, il y a une justification extérieure au marché, un évènement imprévu venu modifier le fonctionnement du marché, comme l’augmentation considérable d’une matière première.
Deuxième précision, lorsque le parallélisme est régulier ou renouvelé, c’est plus compliqué.
L’explication économique est la nature oligopolistique du marché, c’est la théorie économique qui nous explique qu’un alignement de comportements peut résulter de la nature du marché. La jurisprudence a repris cet apport de la théorie économique Conseil de la Concurrence – Marché du transport urbain – 2005.
Trois conditions doivent être réunies :
- La transparence du marché oligopolistique, qui permet de connaître le comportement des autres, et d’adopter une même ligne de conduite.
- La crainte de représailles dans le cas où on dévie de cette ligne de conduite. C’est tout simplement que si par hasard on baisse ses prix alors que tout le monde les augmente, je suis persuadé de lancer une guerre des prix.
- L’absence de pouvoir compensateur de la clientèle, c’est-à-dire l’incapacité de la clientèle à venir négocier, ou d’une entreprise-émergente (un franc-tireur ou un maverick) sur le marché.
Cela pourra justifier l’absence de concertation, et du coup, les autorités de contrôle n’ont pad de présomption de concertation.
Troisième précision, l’Autorité de la Concurrence a une position un peu différente, et elle l’exprime dans un rapport de 2006 dans une étude thématique de la preuve des accords de volonté. L’autorité française et le droit français sont assez peu clairs sur ce que sont un accord de volonté, un accord…
Dans cette étude, l’autorité française précise qu’elle préfère considérer le parallélisme de comportement comme un indice parmi d’autres de l’entente, même s’il est inexpliqué.
Elle privilégie la méthode du faisceau d’indices « graves, précis et concordants » Crim – 27 Novembre 2001 – Caisse Nationale du Crédit Agricole.
Le standard de preuve est plus exigeant en droit français. S’il y a parallélisme de comportements, il faudrait quand même trouver un ou deux documents pour dire qu’il y a concertation derrière tout çà.
La raison est que la Commission considère que l’article 6 de la CEDH ne lui est pas applicable, qui impose un juge… si en première instance l’ensemble des garanties n’est pas respecté, si le recours le respecte, c’est bon, sauf en matière pénal. Le Conseil de la concurrence considère que l’article 6 de la CEDH s’applique dès l’intervention du conseil, du coup, ils sont plus exigeant à propos de la preuve, et de la manière de rassembler ces preuves.
D’un point de vue pratique, l’Autorité de la Concurrence est une toute petite chose. N’importe quel avocat en droit de la concurrence doit gagner l’ensemble de la masse salariale des gens travaillant pour l’Autorité de la Concurrence.
Concernant la preuve de la pratique de la concertation, j’ai une concertation, et je connais qui y a participé, ce qu’ils se sont dit, et à quelle époque cela a eu lieu. La concertation avait un objet anticoncurrentiel.
L’existence de la réunion, des réunions dont l’objet est anticoncurrentiel, laisse présumer que les entreprises présentes n’ont pas pu agir autrement qu’en tenant compte des informations échangées.
L’échange d’informations entre concurrents a un objet concurrentiel lorsqu’il est susceptible d’éliminer les incertitudes quant au comportement envisagé par les entreprises concernées (arrêt T-mobile).
La présomption est simple, il appartient donc à chaque entreprise qui a participé à la concertation de prouver qu’elle n’a pas pris en compte les informations échangées. Concrètement, cela veut dire très peu de choses. Elle peut expliquer qu’elle n’est plus active sur le marché depuis la concertation.
L’entreprise peut aussi expliquer qu’elle s’est distanciée publiquement du contenu des réunions Cour de Justice des Communautés Européennes – 25 Janvier 2007 – Sumitomo Métal Industries : la distanciation publique doit être claire. Un écrit envoyé aux concurrents par exemple.
La position des autorités françaises est un tout petit nuancée sur ce point. Par exemple, Pratiques dans le secteur du négoce des produits sidérurgiques – 16 Décembre 2008, il y a deux situations à distinguer : la concertation ayant un objet anticoncurrentiel se déroulant aux cours de réunions tenues dans le cadre statutaire d’une organisation professionnelle, et la concertation aux cours de réunions informelles.
Dans le premier cas, si on a participé à une réunion, cela ne suffit pas pour prouver qu’on a participé à une concertation, il faut un élément supplémentaire.
Dans le deuxième cas, une seule réunion suffit.
- Les ententes complexes
La rédaction du Code de Commerce n’est pas précise et compréhensible mais une question s’est posée sur le fondement de l’article 101 paragraphe 1 TFUE : faut-il qualifier, sous une des 3 formes visées par cet article, l’entente, pour la sanctionner ?
Dans l’arrêt « ANIC » du 8 juillet 1999, la Cour de Justice répond par la négative.
L’Autorité de la Concurrence peut être confrontée à plusieurs pratiques ou comportements de plusieurs entreprises qui s’étalent dans le temps.
Cela se traduit par des réunions multiples, par la négociation de contrats multiples, une ou plusieurs décisions d’une association d’entreprises, et quelque fois des pratiques sans concertation évidente et tout cela s’entremêle sur la durée. Au début de la période, on va trouver 6 entreprises, puis 12 et on finit par 8 à la fin de la période. Toutes les entreprises ne participent pas nécessairement à l’ensemble des pratiques sur l’ensemble de la période.
Dans cette situation, l’Autorité de la Concurrence ne va pas qualifier chaque comportement, chaque pratique identifiée. Elle va appréhender l’ensemble de ces comportements sous la forme d’une seule entente qu’elle va appeler « entente complexe » qu’on appelle aussi « entente complexe et continue ».
La notion d’infraction unique permet de rassembler un ensemble de comportements et pratiques formellement différents lorsqu’ils se manifestent dans le temps de manière continue.
Il y a quand même une condition pour que l’on retienne une infraction unique. Il faut que tous ces comportements, toutes ces pratiques concourent aux mêmes objets anticoncurrentiels, aient un même objectif anticoncurrentiel, comme par exemple maintenir les prix à un certain seuil pour l’ensemble d’un territoire national.
Pour maintenir ces prix, on va se réunir, créer un mécanisme d’échange d’informations, de contrôle, et en fonction des spécificités des secteurs, on va organiser les marchés publics entre nous pour être certain qu’à chaque fois, le prix auquel le marché sera réalisé, correspondra à un prix que l’on aura préalablement déterminé (On fait des offres de couverture).
C’est ce type de situation qui peut être appréhendée par une entente complexe.
Il y a des ententes complexes dans quasiment tous les grands secteurs industriels, durant depuis 10/20/30 ans, au niveau mondial, qui sont appréhendées par cette notion d’entente complexe à la condition qu’il y ait une unité d’objectif. L’ensemble des comportements et des pratiques descellées sur une période concourent à un seul et même objectif anticoncurrentiel.
« Les accords et/ou pratiques concertées », cela veut dire que plusieurs accords s’entremêlent, concourant au même objectif, et qu’il y a entente complexe.
En revanche, si les entreprises ont adhéré à des objectifs différents suivant des méthodes différentes, on ne retient pas une entente complexe, selon l’arrêt BASF du 12 Décembre 2007. On avait un cartel mondial, et un cartel européen où la plupart des entreprises qui étaient dans le cartel mondial se retrouvaient.
La Commission avait donc dis qu’il y avait entente complexe, c’est-à-dire que le cartel mondial et le cartel européen étaient liés.
Le Tribunal a considéré qu’il n’y avait pas lieu d’établir une infraction unique face à ces deux cartels, car les objectifs et méthodes employées par les deux cartels pour atteindre ces objectifs étaient beaucoup trop différents pour caractériser une infraction unique.
En général, ce sont des ententes sectorielles.
Cette notion d’infraction unique, ou d’entente complexe a été également adoptée par le Conseil de la Concurrence, notamment dans une décision du 16 Décembre 2008 – Négoce des produits sidérurgiques, reprise par la Cour d’appel de Paris – 19 Janvier 2010.
En l’espèce, on était sur le marché français du négoce des produits sidérurgiques, et il y avait une multiplicité d’échanges d’informations stratégiques entre les participants, au niveau local, régional et national.
S’ajoutaient des accords de prix, et des accords de répartition de marché. Cette entente s’est déroulée pendant 5 ans, entre plus de 50 entreprises en France. Elle incluait le syndicat professionnel, qui permettait d’organiser un peu les choses, et prêtait assistance logistique.
L’objectif était d’imposer sur le marché français un mode d’organisation remplaçant la libre-concurrence (collusion généralisée), qui avait un but simple : fixer les prix, et limiter la liberté commerciale des opérateurs sur le marché. Ca ressemble un peu à la pyramide mafieuse.
Il y a eu une sanction du Conseil de la Concurrence exemplaire, largement diminuée par la Cour d’Appel de Paris pour des raisons de sensibilité politique.
L’intérêt de la notion est de faciliter l’appréciation et l’appréhension de comportements multiples et continus. Ensuite, de pouvoir sanctionner plus facilement ces comportements, et les entreprises auteurs de ces comportements. Chaque entreprise qui a participé à un moment donné à la poursuite de l’objectif anticoncurrentiel commun sera reconnue responsable de l’entièreté de l’infraction.
En revanche, le rôle mineur d’une entreprise sera pris en considération lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et de la détermination de l’amende (Arrêt ANIC), c’est-à-dire que toutes les entreprises sont responsables, mais on va essayer d’individualiser l’amende en fonction de la plus ou moins grande participation des entreprises (Entreprises phrases, et suiveuses).
C’est également un moyen d’éviter les prescriptions.
Quand on a un comportement qui a commencé il y a 20 ans, puis d’autres comportements, si l’on considère que l’entente complexe commence il y a 20 ans et continue toujours, la prescription n’a toujours pas commencé.
Alors que si on découpe l’infraction en plusieurs comportements, certains comportements seront prescris.
Il s’agit donc de rassembler l’ensemble des pratiques mêmes anciennes et de considérer que tout ce qui a été fait par le passé se rattache à ce qui se fait aujourd’hui, et reste donc sanctionnable.
L’infraction complexe n’est pas prévue dans le Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne, ni dans le Code de Commerce. C’est une infraction pénale, qui n’est pas prévue dans les textes. On ne peut donc pas le sanctionner. Pour l’instant, cet argument n’est pas retenu. Une des raisons est que le droit de la concurrence n’est pas complètement du droit pénal, c’est un droit répressif, sui generis.
- L’existence d’une restriction de la concurrence
Une fois que l’on a notre premier élément infractionnel (qui peut poser des difficultés de preuve dans la pratique), puis il faut savoir si ce contrat révèle une restriction de concurrence.
En vertu de l’article 101§1 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne, et L. 420-1 du Code de Commerce, les ententes ne sont pas interdites en elles-mêmes.
Il faut qu’elles aient soit un objet anticoncurrentiel, soit un effet anticoncurrentiel. Ces articles visent par exemple la fixation directe ou indirecte des prix, la répartition des marchés (géographique), la répartition des sources d’approvisionnement, des clientèles.
Depuis l’arrêt Société Technique Minière LTM/MBU du 30 Juin 1966, la restriction par objet ou par effets est une alternative. C’est soit l’objet anticoncurrentiel, soit l’effet anticoncurrentiel. Cette alternative implique que l’on apprécie d’abord le caractère anticoncurrentiel de l’objet de l’entente.
Si l’entente ne présente pas un objet anticoncurrentiel, il faut alors examiner l’effet de ce contrat. Par exemple, si le contrat de franchise ne présente pas un objet concurrentiel (transmission d’un savoir-faire, d’un nom commercial, de conseils…), en revanche, au regard du contexte juridique et économique du marché pertinent, il a un effet anticoncurrentiel.
En revanche, si l’entente a un objet anticoncurrentiel, il est inutile de vérifier l’existence, la réalité des effets anticoncurrentiels de l’entente.
Deux arrêts sont à retenir : l’arrêt T-mobile du 4 Juin 2009, et l’arrêt GlaxoSmithKlein du 6 Octobre 2009.
+ Décision du 16 Septembre 1997 du Conseil de la Concurrence – Vente de véhicules d’automobiles dans le département de la Marne.
- L’objet anticoncurrentiel
Les ententes ayant pour objet de restreindre la concurrence sont celles qui par nature entravent la concurrence selon un arrêt Beaf Industries Développement Society du 20 Novembre 2008.
Ces ententes sont tellement dangereuses qu’il est inutile de vérifier concrètement leurs effets restrictifs de concurrence sur le marché. Les ententes qui ont un objet anticoncurrentiel, par nature anticoncurrentiel présentent des restrictions de concurrence que l’on qualifie de flagrantes, de caractérisées, entraînant le jeu d’une présomption en général irréfragable.
[Dans l’arrêt Pierre Fabre, une question préjudicielle est posée à la Cour de Justice des Communautés Européennes qui consistait à savoir si une restriction flagrante était la même chose qu’une entente par objet anticoncurrentiel. Les conclusions de l’avocat général du 3 Mars 2011 sont assez étranges sur ce point, puisqu’elles tendraient à dire que l’objet anticoncurrentiel et la restriction caractérisée sont deux choses différentes.
Il faudra s’intéresser à ce que dira la Cour de Justice des Communautés Européennes.]
99,9% de la doctrine tend à dire que l’objet anticoncurrentiel correspond à une restriction flagrante.
En réalité, pour savoir si on a un objet anticoncurrentiel, on va devoir s’intéresser au contenu de l’entente, et à son but/son objectif. Evidemment, l’intention subjective des entreprises de restreindre ou non la concurrence est un indicateur important. S’il apparaît clairement que la volonté des entreprises est d’écarter le jeu de la concurrence, on a un objet anticoncurrentiel. Ce n’est qu’un indice.
A ce moment là, il faut regarder les modalités concrètes de mise en œuvre de l’entente, dans le contexte du marché pertinent. Un accord qui n’est apparemment pas contre la concurrence, dans un contexte particulier, peut se révéler être clairement pour écarter la concurrence.
On a néanmoins identifié un certain nombre de restrictions qui sont censées caractériser un objet anticoncurrentiel. On peut les trouver visées à l’article L. 464-6-2 du Code de Commerce, ainsi que dans la Communication de la Commission sur les accords d’importance mineure du 22 Décembre 2001, et dans les règlements d’exemption par catégories de la Commission.
A travers ces documents, les restrictions sont classées en fonction du caractère horizontal ou vertical de l’entente.
- En présence d’une entente horizontale,
C’est-à-dire que les auteurs de l’entente sont toutes au même stade du processus économique. C’est généralement une entente entre concurrents.
On prend en compte :
- La fixation directe ou indirecte des prix,
- La limitation de la production,
- Le partage des marchés ou de la clientèle.
- En présence d’une entente verticale,
Normalement, entre des entreprises non-concurrentes, agents qui opèrent à des stades différents du processus économique. Les entreprises peuvent être concurrentes lorsqu’on a une entreprise qui est intégrée, c’est-à-dire qu’elle est à la fois fournisseur et distributeur. Elle a des concurrents au niveau de la distribution.
Dans les textes, on trouvera des références aux « entreprises concurrentes », qui sont nécessairement horizontales et « entreprises non-concurrentes », qui sont la plupart du temps verticales.
En présence d’une entente verticale, des restrictions sont dites flagrantes lorsqu’il y a :
- Une imposition de prix de revente fixe et de prix de revente minimaux,
- Une imposition de restriction assurant une protection territoriale absolue (Vente active nécessite un démarchage). Le distributeur sera le seul à pouvoir vendre sur le territoire alloué. Vente active et vente passive sont concernées par cette protection territoriale absolue.
Les juges de l’Union Européenne ont manifesté un regain d’intérêt pour cette notion (puisqu’alternative). Lorsqu’on caractérise un objet anticoncurrentiel, il n’est pas nécessaire de vérifier un effet.
Il est plus facile de prouver l’objet anticoncurrentiel, l’effet nécessite des preuves et des recherches plus approfondies.
En revanche, le recours à l’objet anticoncurrentiel, qui laisse présumer une violation du droit communautaire, est bien plus facile d’utilisation pour les autorités de contrôle.
Ce regain d ‘intérêt se manifeste dans différents arrêts notamment dans l’arrêt General Motors du 6 Avril 2002, qui précise que les entraves aux exportations entre Etats-membres sont toujours des restrictions par objet.
Cet arrêt précise qu’il peut s’agir de restrictions directes comme par exemple une interdiction d’exporter.
On peut avoir des restrictions indirectes qui constituent toujours un objet anticoncurrentiel, cela va être par exemple, une politique restrictive d’approvisionnement : je vous donne une quantité limitée de produits pour éviter que vous les exportiez. Cela a été confirmé dans un arrêt Automobiles Peugeot du 9 Juillet 2009 à propos d’un système de rémunération de concessionnaires plus attractif pour les ventes sur le marché national.
Dans l’arrêt Beaf du 20 Novembre 2008, il s’agissait d’une question préjudicielle relative à une entre entre les principaux transformateurs de viandes bovines en Irlande. L’entente cherchait à organiser la réduction des capacités de transformation du secteur par la diminution du nombre de transformateurs, donc de supprimer le nombre des abattoirs.
Cette entente avait un objectif clair qui était de diminuer la super capacité des filières, l’idée étant de sortir le secteur de la crise (trop d’abattoirs). La Cour a considéré qu’il y avait un objet anticoncurrentiel évident, car il y avait une diminution des sources d’approvisionnement. La Cour précise qu’il existe un objet anticoncurrentiel évident, même s’il n’a pas pour seul objectif de restreindre la concurrence, mais poursuit également d’autres objectifs légitimes. C’est donc une vision extensive de l’objet anticoncurrentiel de l’entente.
La notion d’objet semble aujourd’hui, être étendue à des situations qui paraissent moins vilaines, comme une entente de crise (sauver le secteur).
Dans l’arrêt T-mobile du 4 Juin 2009, on avait une réunion entre cinq opérateurs de téléphonie mobile. Au cours de la seule réunion, on a eu un échange d’informations relatif à la réduction des rémunérations standards des revendeurs d’abonnement, c’est-à-dire la date, l’ampleur et les modalités de la réduction.
Ce n’était pas un accord sur « On va réduire », c’était « Voilà ce que je vais faire ».
La Cour a retenu l’existence d’une restriction de concurrence par objet en raison du contenu des informations échangées. Pourquoi ? D’après la Cour, pour qu’il y ait un objet anticoncurrentiel, il suffit que la pratique concertée soit susceptible de produire des effets négatifs sur la concurrence en tenant compte du contexte économique et juridique. Lorsque le contrat est potentiellement concurrentiel, pas la peine de vérifier qu’il aura des effets.
Il suffit que la pratique soit susceptible de produire des effets sur le marché, en tenant compte du contexte économique et juridique du marché pertinent. Or, la Cour précise que le droit de la concurrence repose sur la conception que chaque opérateur doit déterminer de manière autonome sa stratégie commerciale.
A partir du moment où un échange d’informations supprime ou atténue le degré d’incertitude sur le comportement à venir des concurrents, alors l’échange d’informations a un objet anticoncurrentiel.
En l’espèce, les informations échangées étaient confidentielles, indirectement liées au prix, pris en compte du contexte, ces informations interviennent entre tous les opérateurs d’un marché monopolistique.
Dans cet arrêt, la Cour souligne quelque chose d’important : l’objet anticoncurrentiel n’est pas limité à la fixation directe des prix à la consommation. Pour la Cour, l’article 101 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne ne protège pas exclusivement le bien-être des consommateurs.
L’article 101, toujours d’après la Cour, vise également la protection du structure du marché, et ce faisant de la concurrence en tant que telle.
Il ne faut pas systématiser l’analyse, il faut prendre en compte le contexte juridique et économique du marché pertinent. Cela est repris dans l’arrêt Glaxo Smith Klein de 2009.
L’objet anticoncurrentiel est lié au contenu du contrat, à l’objectif du contrat replacé dans le contexte économique et juridique du marché pertinent.
- L’effet anticoncurrentiel
La vérification de l’effet restrictif de l’entente s’effectue in concreto en fonction du contexte économique et juridique, qui caractérise le marché pertinent. L’idée directrice de l’analyse est assez simple : on considère qu’il y a une atteinte à la concurrence, dès lors que sans l’entente, la situation concurrentielle actuelle ou potentielle serait meilleure.
Il faut apporter deux précisions :
- La concurrence susceptible d’être restreinte est entendue largement.
Cela signifie que la restriction peut porter sur la concurrence actuelle, déjà existante entre les entreprises existant sur le marché, mais il peut aussi s’agir de la concurrence potentielle, c’est-à-dire de la concurrence susceptible de se développer entre les entreprises.
Par exemple, un accord de coopération et de développement qui est un accord où les entreprises mettent en commun les moyens pour faire des recherches, développer un produit, et supprime la concurrence actuelle entre ces entreprises mais peut également limiter la concurrence future de ces entreprises pour les produits qu’elles vont développer en commun.
C’est donc la concurrence actuelle, mais aussi potentielle, à venir.
La restriction peut aussi concerner la concurrence au niveau de l’offre, c’est le cas lorsqu’on a une entente entre producteurs, mais également éventuellement au niveau de la demande, lorsqu’on a une entente entre grossistes-acheteurs qui à long terme peut entraîner une dégradation du marché au niveau de l’offre, et une suppression du niveau d’offreurs (Centrales d’achat).
Il faut donc également prendre en compte le rapport de force entre les clients, sauf pour ce qui concerne le consommateur final, qui n’est pas une entreprise.
La restriction peut porter sur la concurrence interne, c’est-à-dire la concurrence entre les membres de l’entente. Cela vise la plupart du temps les entreprises au même stade du processus économique. Un accord de recherche et développement modifie la concurrence entre les parties à l’accord de R&D.
La concurrence, qui est entravée, concerne également ce que l’on appelle la concurrence externe, c’est-à-dire la concurrence entre une entreprise auteur de l’entente, et une entreprise extérieure à cette entente. Cela peut notamment viser les ententes verticales (producteur et distributeur). Cela est susceptible de modifier le rapport de concurrence du producteur à l’égard des autres producteurs ou du distributeur à l’égard des autres distributeurs. Les ententes verticales, la plupart du temps, soulèvent des difficultés pour ce qui concerne la concurrence externe.
Lorsqu’on a un réseau de distribution, c’est à la fois la concurrence externe qui peut être mise à mal, mais également la concurrence interne entre les distributeurs membres du réseau.
Exemple :
Contrat d’approvisionnement exclusif entre le distributeur et le producteur. Cela va altérer le rapport entre le producteur 0 et le producteur 1. Si c’est un contrat d’approvisionnement exclusif sur 10 ans, P1 ne pourra pas vendre au distributeur pendant cette durée.
Si trois distributeurs sont dans un réseau de distribution exclusif avec le producteur 0, et l’exclusion est réciproque, c’est-à-dire que les trois distributeurs ont un territoire (ils seront les seuls à être fournis par P0). P1 ne peut donc pas fournir les trois distributeurs. La concurrence externe est donc modifiée, mais également entre les trois distributeurs avec la concurrence interne.
Enfin, la restriction peut également porter sur la concurrence entre les marques, appelée « concurrence inter-brands », entre des producteurs différents. Cela peut également être une restriction de concurrence à l’intérieur de la marque, c’est une « concurrence intra-brands ».
En l’occurrence, on peut raisonner en concurrence externe et interne, mais également en concurrence entre les marques, et à l’intérieur de la marque.
- Toute atteinte à la concurrence n’est pas nécessairement une restriction au sens de l’article 101§1 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne ou L. 420-1 du Code de Commerce
- Il y a deux types d’atteinte qui ne sont pas des restrictions au sens de l’article 101§1 du TFUE :
- Les restrictions accessoires :
Une restriction est dite accessoire, lorsqu’elle est nécessaire et proportionnée à la réalisation d’une convention, d’un contrat dont l’objet n’est pas contraire à la concurrence. La théorie des restrictions accessoires permet aux autorités communautaires de ne pas interdire les clauses indispensables au fonctionnement de contrat, considérés comme utiles à la vie économique, et sans objectif anticoncurrentiel.
Il y a bien une atteinte, mais elle est jugée accessoire.
Du coup, la restriction n’est pas une restriction qui entraîne l’interdiction, au sens de l’article 101§1, et l’invalidité du contrat.
Par exemple, les accords de franchise.
Un accord de franchise est un accord où le franchiseur donne au franchisé contre le paiement d’une compensation financière le droit d’exploiter un nom ou une enseigne, le droit d’utiliser un savoir faire qui lui est communiqué, et une assistance commerciale. L’objet principal de l’accord de franchise ne restreint pas la concurrence.
En revanche, les restrictions nécessaires au bon fonctionnement de l’accord peuvent soulever des difficultés. C’est le cas par exemple, des obligations qui visent à protéger l’identité et la réputation de l’enseigne. L’un des moyens de protection est de prévoir une clause qui impose aux franchisés pour vendre son entreprise d’obtenir l’accord du franchiseur. A travers cette clause, il y a un effet restrictif de concurrence, ayant pour objet de protéger le savoir-faire et éviter que le savoir-faire aille à la concurrence du franchiseur.
Cette clause est jugée nécessaire et proportionnée, il s’agit d’une restriction accessoire au contrat, ce selon l’arrêt Pronuptia du 28 Janvier 1986.
La clause était tombée dans l’oubli, puis a été évoquée à nouveau par la communication de la Communication sur l’application de l’article 101§3 du 27 Avril 2004. Il faut reconnaître que cette notion de restriction accessoire n’est plus utilisée (à la connaissance de M. Barthe), sauf dans le droit des concentrations.
En matière de pratiques anticoncurrentielles, il n’y a plus d’analyse de la restriction accessoire.
La notion de restriction accessoire est née de la règle de raison américaine. Règle existant aux Etats-Unis car ils n’ont pas de mécanisme d’exemption.
Simplement, les Américains se sont rendus compte qu’une interdiction systématique de toute restriction de concurrence était excessive, et qu’il fallait interpréter raisonnablement la loi. Sont donc apparues parmi les applications de la règle de raison, les restrictions accessoires, qui ont été importées en droit communautaire.
Ces règles ont été utilisées dans les années 1980, et depuis qu’il y a des règlements d’exemption généraux, elles ont été écartées. En 2004, la Commission a précisé que cela existait toujours.
Cela n’a rien à voir avec le bilan des avantages et des inconvénients pour la concurrence d’une entente. Ce bilan des avantages et des inconvénients pour la concurrence d’une entente n’est pas effectué au moment où on essaye de qualifier l’existence d’une restriction. On le fait plus tard, lorsqu’on essaye de sauver une entente considérée comme restrictive.
La confusion est née de l’application de la notion née aux Etats-Unis, qui n’ont pas deux temps dans le raisonnement TPICE – M6 – 18 Septembre 2001, confirmé par TPICE – O2 – 2 Mai 2006.
- Les restrictions de la concurrence qui répondent de manière proportionnée à un intérêt général supérieur
C’est une catégorie mise en place par la Cour de Justice des Communautés Européennes assez récemment dans deux arrêts relatifs à des décisions d’association d’entreprise adoptées pour assurer l’exercice honnête de l’activité concernée. Ce sont les arrêts Wouters du 19 Février 2002 et Méca Médina du 18 Juillet 2006.
L’arrêt Wouters est relatif à l’interdiction par l’ordre professionnel des avocats, du cumul des professions d’avocat et d’expert-comptable. La Cour reconnaît que le droit de la concurrence est applicable, mais que cette interdiction est indispensable pour respecter la déontologie de la profession d’avocat, et assurer la nécessaire garantie d’intégrité et d’expérience aux consommateurs des services juridiques, ainsi que la bonne administration de la justice.
L’interdiction parce que justifiée de manière proportionnée à la protection d’un intérêt général supérieur, ne constitue pas une restriction au sens de l’article 101§1.
L’arrêt Méca Médina, il s’agissait d’une règlementation antidopage du CIO, et à la suite d’un épisode juridique un peu confus, confusion entretenue par les avocats du sportif qui ont introduit une plainte devant la Commission (réponse claire), et par l’erreur d’analyse du Tribunal qui a considéré que la règlementation anti dopage du CIO avait un effet sur la concurrence, faisant des parallèles avec la libre-circulation des personnes et les règles de concurrence.
La Cour a jugé, en disant, à supposer qu’on soit face à une décision d’association d’entreprise, c’est-à-dire que la règlementation anti-dopage soit une décision d’une association d’entreprise appelée « CIO ». De toutes façons, la règlementation en cause est nécessaire et proportionnée afin d’assurer l’organisation et le bon déroulement de la compétition sportive à travers la lutte contre le dopage (Intérêt général).
La Cour a refusé de qualifier l’atteinte à la concurrence de restriction de concurrence au sens du traité, en raison de la protection d’un intérêt général supérieur, et du respect de la proportionnalité entre l’atteinte et la protection de cet intérêt supérieur.
Il n’y a que ces deux arrêts, arrêts particuliers qui peuvent ouvrir des voies par exemple, imaginez que la protection de l’environnement devienne un intérêt général supérieur, et qu’il y ait une entente ayant pour objectif un intérêt général environnemental. La Cour pourrait considérer que s’il y a une restriction de concurrence liée à cette entente, proportionnée à la protection de l’environnement, qu’il n’y a pas d’atteinte à la concurrence, et donc qu’il n’y a pas de concurrence.
Cela permet de prendre en compte des intérêts autres qu’économiques.
C’est l’ouverture à la prise en compte d’intérêts autres que purement économiques.
- Il y a un type d’atteinte qui ne constitue pas une restriction au sens de l’article 101§1 et L. 420-1 du Code de Commerce.
Il s’agit des restrictions qui ne sont pas sensibles. Il faut une certaine intensité dans la restriction de concurrence, pour considérer que celle-ci est interdite. C’est la théorie de l’effet sensible.
Cette théorie de l’effet sensible repose plutôt sur la défense d’un modèle de concurrence dite praticable, Metro c/Sada du 25 Octobre 1971.
La communication de la Commission sur les accords d’importance mineurs du 22 Décembre 2001 et son idée de l’effet sensible, est reprise par l’article L. 464-6-1 du Code de Commerce (seuil de sensibilité dans la restriction).
Ces deux textes précisent le seuil de sensibilité en dessous duquel la restriction en cause n’est pas sensible.
L’intensité de la restriction est en fait liée au pouvoir de marché des entreprises, c’est-à-dire leur capacité d’imposer des prix supérieurs au prix de concurrence, ou d’augmenter les prix de manière profitable.
Plus les entreprises-parties à l’entente, ont un pouvoir de marché important, plus l’entente aura une restriction sensible s’il y a restriction.
Quels sont les seuils de sensibilité ?
Pour les ententes entre concurrents potentiels/existants (horizontales), on ne dépasse pas le seuil de sensibilité lorsque la part de marché cumulée détenue par les parties à l’accord est en dessous de 10%.
Pour les ententes entre non-concurrentes (verticales), la part de marché détenue par chacune des parties à l’accord ne doit pas dépasser 15% sur aucun des marchés en cause affectés par l’accord. On regarde la part de marché de chacun.
Lorsque le seuil de sensibilité n’est pas dépassé, l’entente n’a pas d’effet restrictif au sens du traité ou du Code de Commerce. La restriction n’est pas jugée suffisante.
- La notion de restriction sensible n’a normalement pas de sens pour les ententes ayant un objet anticoncurrentiel. Ce qui veut dire que si on a deux concurrents qui font une entente de prix, et qu’ils ne représentent pas 10% de part de marché, mais qu’en revanche, il y a une affectation du commerce entre Etats-membres suffisamment sensible (5%/40millions), il y aura affectation sensible du commerce, sans effets sensibles.
Cela est totalement indifférent, puisqu’une fois l’objet rempli, la sensibilité de l’effet n’a aucun intérêt.
- La notion de restriction sensible n’a rien à voir avec l’affectation sensible du commerce entre Etats-membres. Il faut que cette dernière soit présente pour qu’il y ait application du droit de l’Union Européenne. L’affectation du commerce entre Etats-membres est une condition d’applicabilité.
- On peut avoir une restriction apparemment non-sensible. Cette restriction apparemment-non sensible pourra entraîner l’interdiction d’un accord vertical si cet accord a un effet de verrouillage significatif qui vient se cumuler avec des accords déjà existants ayant le même effet de verrouillage.
Cela s’appelle la théorie de l’effet cumulatif, inventée en droit de l’Union Européenne dans un arrêt Delimitis du 28 Février 1991 (+Brasserie de 1967).
La théorie de l’effet cumulatif est l’expression concrète de l’idée selon laquelle il faut faire une analyse en fonction du contexte économique et juridique du marché.
Un effet de verrouillage, ce sont des contractants captifs (pour 10, 20 ans avec une clause d’approvisionnement exclusif). Si c’est sur un distributeur représentant 0.1% du marché, cela n’a pas d’importance.
En revanche, si tous les distributeurs de tous les fournisseurs ont le même contrat, et qu’un nouveau fournisseur veut entrer sur le marché, il n’a aucun distributeur à sa disposition.
Il y a un effet d’éviction minime par contrat, avec une accumulation de cet effet entraînant un verrouillage du marché.
Cette théorie a été mise en place pour les contrats de bière.
« Bonjour Monsieur je vous construis votre pub, et vous vous fournissez pendant 15 ans chez moi, et vous ne servez qu’une bière ». On ne peut pas ouvrir systématiquement un pub pour fournir sa bière. Les premiers fournisseurs vont prêter de l’argent, fabriquer des pubs, et vendre leurs bières pendant 15 ans.
Les nouveaux fournisseurs vont se retrouver sur un marché saturé, inaccessible.
Il a fallu quantifier cette théorie.
On a considéré qu’il y aura un effet de verrouillage significatif d’un accord venant se cumuler avec des accords préexistants si le fournisseur ou le distributeur à l’accord a au moins 5% de part de marché, ET si le marché concerné est couvert par des contrats de même-type à hauteur d’au moins 30%. C’est la théorie dite de l’effet cumulatif.
On peut trouver l’application de cette théorie dans l’arrêt CEPSA du 11 Septembre 2008 ou Galaikos du 3 Septembre 2009, concernant des contrats d’approvisionnement exclusifs (pétrole/huile de moteur).
En droit français, il n’y a pas de seuil prédéterminé, alors que les seuils donnés ci-haut sont exprimés également dans la Communication de 2001.
On trouve cependant une application claire dans une décision du 28 Juillet 2005 (machines d’affranchissement postales), machines qu’on louait auprès de loueurs agréés par la Poste (4 puis 3 en France) qui permettaient de mettre un coup de tampon sur sa lettre, et de l’envoyer ensuite. La Poste était rémunérée en fonction du nombre d’utilisation de la machine.
Un Américain reçoit l’agrément pour louer cette machine, avec un contrat de location de 10 ans, renouvelable automatiquement sauf dénonciation pendant une période de 15 jours.
- Un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 23 Février 2010 – Expedia est étrange.
Lorsqu’une restriction n’est pas sensible, normalement, et une entente sans objet anticoncurrentiel, l’entente n’est juste pas interdite.
L’article L. 464-6-1 du Code de Commerce prévoit que l’Autorité de la Concurrence peut prononcer un non-lieu. L’arrêt Expedia est particulier qui dit que le droit français, c’est-à-dire l’article L. 464-6-1 du Code de Commerce donne, à la suite d’une analyse exégétique assez douteuse, pouvoir discrétionnaire à l’Autorité de la Concurrence de prononcer un non-lieu en cas de restriction minime. Elle n’en a pas l’obligation.
Pour la Cour d’Appel, même face à une restriction non-sensible, l’Autorité de la Concurrence peut continuer à poursuivre, et retenir l’existence d’une infraction. Ce qui est plus particulier encore, c’est que lorsqu’il y a affectation du commerce entre Etats-membres, et donc application du droit de l’Union Européenne, si c’est la Commission qui juge, en dessous des seuils de sensibilité, il n’y aura pas de restriction.
En revanche, si c’est l’Autorité de la Concurrence qui juge, elle a le pouvoir discrétionnaire de ne pas poursuivre, mais peut quand même et considérer que c’est une restriction qui mérite d’être poursuivie.
L’Autorité de la Concurrence et la Commission pourraient donc ne pas appliquer l’article 101§1 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne de la même manière selon la Cour d’Appel de Paris, tout çà sur le fondement du pouvoir discrétionnaire.
Il y a un réel problème lié à la primauté, et à l’interprétation de l’article 101.
Il faudra s’intéresser à ce que dira la Cour de Cassation.
- 2 – Les ententes exemptées
L’entente illicite peut-elle être exemptée ?
Toutes les ententes restrictives de concurrence ne sont pas nécessairement interdites.
L’article 101§3 et l’article L. 420-4 du Code de Commerce qui disposent que les dispositions du §1 peuvent être déclarées inapplicables (le principe d’interdiction peut être déclaré inapplicable).
Il existe des conditions prévues pour que ce principe d’interdiction soit déclaré inapplicable.
L’article L. 420—4 du Code de Commerce est différent, ainsi ne sont pas soumises aux principes d’interdictions, des pratiques pourtant restrictives de concurrence, qui résultent de l’application d’un texte, dont les auteurs peuvent justifier qu’elles ont pour effet d’assurer un progrès économique.
Cela entraîne la disparition du caractère illicite de la pratique restrictive de concurrence.
Il y a au moins deux différences de texte entre les droits français, et de l’Union Européenne :
- L’article L. 420-4 du Code de Commerce prévoit des possibilités d’exemption pour des pratiques visées à l’article L. 420-2 du Code de Commerce, qui vise les abus de position dominante, et l’abus de dépendance économique. Cette possibilité d’exemption n’existe pas en droit de l’Union Européenne.
Cette différence n’a pas d’impact pratique, et ce au moins pour deux raisons :
- L’exemption d’un abus de position dominante n’a jamais été accordée en droit français. La plupart du temps, la qualification d’abus rend extrêmement difficile le recours à l’exemption.
- La Communication du 9 Février 2009 concernant l’application de l’article 102 aux pratiques d’éviction abusive intègre au moment de la qualification de l’abus des considérations similaires à celles visées par l’article L. 420-4 du Code de Commerce. Il y a dans le raisonnement, au moment de la qualification de l’abus, une prise en compte de considérations, d’exigence, de conditions identiques ou similaires à celles prévues par le texte français.
En pratique, le traitement des abus de position dominante est donc à peu près similaire.
- L’article L. 420-4 du Code de Commerce vise deux faits justificatifs :
- Le progrès économique
- L’ordre de la loi
L’article 101§3 ne vise que le progrès économique.
Cette différence a également un impact assez limité, car la justification des ententes et des positions dominantes par l’ordre de la loi est très rarement admis. Ce fait justificatif repose sur des exigences très strictes. Il faut que cela soit une loi ou un texte règlementaire appliquant une loi qui soit en cause. Le texte doit imposer directement et nécessairement (la lecture du texte pour son application nécessite directement et nécessairement l’entente restrictive) l’entente restrictive.
Cela fait que la disposition est très rarement appliquée, on peut quand même trouver une décision du 16 Janvier 2003 du Conseil de la Concurrence – Pratiques mises en œuvre par le barreau des avocats de Marseille. Il s’agissait du bâtonnier qui avait souscrit un contrat collectif d’assurances permettant de garantir la responsabilité civile professionnelle des avocats. Or cette responsabilité est organisée par des textes législatifs, et le bâtonnier imposait aux avocats d’adhérer à ce contrat.
Il n’y avait pas de mise en concurrence possible par les avocats eux-mêmes d’autres assureurs.
Cette entente entre le bâtonnier et l’assureur imposant l’adhésion, était-elle justifiée par l’ordre de la loi ? La réponse fut oui.
En cas d’affectation du commerce entre Etats-membres, le droit de l’Union Européenne est applicable, et la plupart du temps, on bascule sur l’article 106§1 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne ou éventuellement l’application cumulée du devoir de coopération loyale de l’Etat avec les dispositions des articles 101 et 102. L’intervention étatique, s’il y a affectation du commerce, peut être appréhendée et sanctionnée sur le fondement du droit de l’Union Européenne (Voir. Arrêt Cif de 2003).
L’une des manières d’échapper à cette sanction, c’est éventuellement si l’ordre de la loi intervient pour un SIEG. Alors, l’article 106§2 prévoit une exemption possible.
En fait, les textes font apparaître deux mécanismes d’exemption dont l’un est fondé sur le progrès économique, mécanisme individuel, également appelé « mécanisme d’exemption légale », il offre aux entreprises qui ont constitué une entente la possibilité d’échapper à toute sanction si l’entente satisfait aux exigences imposées par 101§3 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne ou L. 420-4 I 2 du Code de Commerce.
Le second mécanisme est l’exemption collective, aussi appelé « exemption par catégories » permettant à l’Autorité de la Concurrence ou à la Commission d’adopter une règlementation d’exemption pour une catégorie d’accord, d’entente. Dans ce règlement, va être précisé les circonstances qui feront qu’une entente ne sera pas sanctionnée, mais c’est une détermination préventive.
En pratique, la plupart du temps, lorsqu’on a un contrat et que l’on a une pratique d’une entreprise qui demande si ce qu’elle fait est possible, on cherche toujours à déterminer si ce que l’on considère être une entente restrictive de concurrence bénéficie de l’exemption collective.
Ensuite, on s’intéresse éventuellement à la possibilité d’une exemption individuelle.
Avant même de réfléchir sur le caractère restrictif de l’entente, quel est le type de l’entente ? Elle est verticale, il y a un règlement d’exemption, est-ce qu’au pire le règlement sauverait l’entente. Dans ce cas là, on dira à l’entreprise que le contrat ne pose pas de problème, car il est au mieux/au pire dans le cas de tel règlement d’exemption.
- Les exemptions individuelles
En droit français comme en droit de l’Union Européenne, il n’y a pas de conditions de forme.
Auparavant, la Commission avait compétente exclusive pour appliquer l’article 101§3, ce qui signifiait que cet article ne pouvait pas être appliqué par les autorités nationales de concurrence comme l’Autorité de la Concurrence en France, ni par les tribunaux, les juges.
Seule la Commission donnait une exemption.
Cela limitait donc les possibilités d’obtenir une exemption individuelle.
De plus, l’exemption accordée par la Commission nécessitait une notification préalable.
Cela voulait juste dire qu’il fallait envoyer un formulaire dans lequel on répondait à des questions, qui consistait à préciser qui était concerné par l’accord, le type de l’accord, les marchés concernés…
Si l’accord ne posait pas de problème, on recevait une attestation négative ou bien, on avait une exemption individuelle en cas de soucis de concurrence couvert par l’article 101§3, ou alors la Commission disait qu’il y avait un problème de concurrence, non-exemptable.
Ce régime de notification obligatoire a été abandonné par le règlement I/2003, et la compétence exclusive de la Commission a également été abandonnée.
On a un régime identique en droit français et en droit de l’Union Européenne. L’idée de l’exemption légale, c’est qu’il appartient aux entreprises d’évaluer elles-mêmes les conditions d’exemption. Si elles estiment que la pratique répond aux exigences d’exemption, elles n’ont rien à faire, elles font leur contrat comme elles veulent.
C’est aux entreprises qu’il appartient d’évaluer leurs ententes restrictives de concurrence sur le fondement communautaire.
Le bénéfice de l’exemption individuelle peut être invoqué au cours d’un litige devant toutes les autorités.
Enfin, c’est aux entreprises d’apporter la preuve que les conditions d’exemption sont réunies. Cela est précisé à l’article 2 du règlement I/2003, et en droit français, cela résulte très fortement de la jurisprudence e notamment d’une décision du Conseil de la Concurrence du 29Ocrtobre 2008 – Pratiques mises en œuvre par le groupe « La Provence ».
Si l’entreprise n’arrive pas à apporter la preuve, elle n’aura pas d’exemption.
L’ACN a quand même l’obligation d’examiner l’ensemble des éléments de faits réunis.
Il y a donc un renversement de la charge de la preuve.
Une petite spécificité en droit français l’article L. 420-4 II du Code de Commerce, qui prévoit la possibilité de justifier par décret un accord. On est dans le cadre d’une exemption individuelle par décret. C’est une innovation de 1996, permettant aux entreprises de s’adresser à l’administration pour obtenir à titre préventif un acte règlementaire reconnaissant la réalisation des conditions d’exemption après un avis conforme de l’Autorité de la Concurrence. Ce mécanisme a été très peu utilisé.
- Barthe n’en connait qu’une application par un décret du 20 Novembre 2007 concernant les délais de paiement dans la filière automobile.
En droit de l’Union Européenne, on n’a pas de mécanisme identique, mais quelque chose s’en approchant. On trouve la lettre d’orientation, que l’on peut demander à la Commission pour qu’elle puisse apprécier correctement la validité et l’éventuelle exemption d’un accord entre entreprises. Il faut que les entreprises aient de réels doutes, liés à des difficultés nouvelles, ou des anciennes posant de réels problèmes.
Il faut une absence de jurisprudence précise sur le point.
Cela peut notamment être le cas pour ce qui concernait Internet. Pendant longtemps, l’utilisation d’Internet posait problème, du fait de sa nouveauté. La réponse de la Commission n’a qu’une valeur indicative.
En fonction de la réponse, l’entreprise devra choisir de faire/de ne pas faire.
C’est un moyen d’avoir l’opinion de l’autorité européenne de manière préventive sur un accord.
Il y a quatre conditions de fond, qui sont cumulatives, selon l’arrêt ACNEF Exquifax du 23 Novembre 2006.
Petite précision : il faut que ces quatre conditions soient réunies, mais dès qu’elles le sont, tout type de restriction de concurrence peut être exempté. Ce peut être une restriction par effet, mais aussi une restriction par objet (restriction caractérisée). C’est l’apport de l’arrêt Glaxo Smith Kline du 6 Octobre 2009.
- Conditions positives
- Première condition : l’entente doit promouvoir le progrès économique
Par rapport aux gains d’efficience économique, d’efficacité économique.
Ce sont des termes utilisés plus ou moins de manière synonyme.
Ces gains d’efficacité/d’efficience sont exprimés en coût, et en qualité. C’est donc des gains quantitatifs (réductions de coûts principalement), ou des gains qualitatifs. C’est l’idée selon laquelle le progrès économique est avant tout une amélioration des coûts et de la qualité, résulte principalement des lignes directrices de la Commission le 27 Avril 2004 – Concernant l’application de l’article 101§3 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne
L’appréciation des gains peut nécessiter une analyse prospective, c’est-à-dire qu’on vérifie s’il est vraisemblable, et non de manière aléatoire que l’entente restrictive de concurrence apporte des avantages objectifs en terme de coût, de qualité dans un futur proche. Ces avantages devront compenser les inconvénients des ententes restrictives de concurrence.
C’est un bilan coûts/avantages qui est fait.
Ce bilan est un bilan économique au sens strict, c’est-à-dire appréciation des gains d’efficience, d’efficacité liés à l’entente. De manière un peu plus concrète, le progrès économique résultant de l’entente peut correspondre d’abord :
- A une amélioration de la production, cela se traduit principalement par la réduction des coûts de production ou des frais généraux, par une augmentation des capacités de production, avec par exemple un accord de R&D, par une augmentation de la productivité des investissements.
Toutes ces conséquences sont en général liées aux accords de coopération entre des producteurs. Cela peut aussi avoir lieu dans les accords de R&D, les accords de spécialisation (Deux entreprises qui s’attribuent réciproquement une partie du travail pour fabriquer un produit fini, et chacune s’engage à acheter chez l’autre la partie du produit qu’elle ne fabrique plus, permettant de faire des économies d’échelle plus grandes).
Il peut aussi s’agir d’une :
- Amélioration de la distribution, et cela se situe plus dans les accords verticaux.
Il y aura amélioration de la distribution avec un meilleur service après vente pour les consommateurs, un approvisionnement continu, ou élargi des consommateurs, la distribution de produits innovants.
Pour les contrats de type sélectif (le producteur choisit les membres de son réseau), tous ceux qui ne sont pas membres du réseau ne peuvent avoir accès au produit que fabrique le fournisseur. Ce type de distribution permet plusieurs améliorations : faciliter la diffusion d’un produit innovant, diminuer les coûts de distribution, permettre un meilleur SAV.
Que ces gains d’efficient soient quantitatifs ou qualitatifs, les autorités de concurrence hésitent à intégrer des objectifs plus généraux, qui ne se limiteraient pas à ces gains d’efficacité. On trouve néanmoins quelques exemples qui montrent que le progrès économique n’est pas simplement un progrès en coût ou en qualité :
- Les considérations sociales.
On vise le maintien de l’emploi.
Dans une vision restrictive, limitée aux gains d’efficience, la réponse est négative, ce n’est pas un progrès économique.
Néanmoins, les considérations sociales ont été retenu à quelques occasions rares et anciennes (ce qui laisse à penser que ce n’est plus un motif d’exemption), comme dans un arrêt du 25 Octobre 1977 – Metro « le maintien de l’emploi est un élément de stabilisation dont la recherche rentre, au titre de l’amélioration générale des conditions de production, spécialement dans les circonstances d’une conjoncture économique défavorable, dans le cadre des objectifs que l’article 85§3 (101§3) permet de viser ».
Depuis, on trouve une grande évolution du droit de la concurrence de l’Union Européenne. En 1977, on est clairement structuralistes, aujourd’hui, ils sont plus seuls. L’école de Chicago et l’analyse du droit de la concurrence est omnipotente. Le maintien de l’emploi n’est pas un gain d’efficience pour l’école de Chicago.
On trouve encore quelques décisions, moins anciennes, comme une décision de la Commission du 29 Avril 1994 – Baksteen, dans laquelle la Commission précise que l’entente permet de conduire des conditions de restructuration dans des conditions acceptables, et facilite le reclassement du personnel.
La Communication du 27 Avril 2004 sur l’application de l’article 101§3 ne fait aucune référence aux considérations sociales et notamment au maintien de l’emploi. Elle ne fait référence qu’aux gains d’efficience.
La porte est entrouverte, mais l’espace est assez réduit.
En droit français, la loi du 15 Mai 2001 prévoit que « contribue au progrès économique la création et le maintien de l’emploi ». On ne trouve aucune application de cette phrase.
- La sauvegarde d’un marché en crise
Cela recoupe un peu l’emploi, mais cela va en fait plus loin.
Ce n’est pas qu’une préoccupation d’emploi (qui se situe hors-crise), le secteur est ici en crise et pourrait disparaître. Quelques fois, une entente restrictive de concurrence peut être exemptée en raison d’une crise. Ce sont des ententes de crise.
Il y a une décision en droit français du 3 Mai 1988 du Conseil de la Concurrence – Le marché du sel (Sel de Guérande). Des difficultés économiques conjoncturelles peuvent donc justifier une entente, notamment lorsqu’il s’agit de sauver des exploitations soumises à des variations de production imprévisibles.
En l’occurrence, l’entente restrictive était un regroupement des producteurs dans une coopérative, supprimant la concurrence entre les producteurs.
En l’espèce, l’entente avait été justifiée.
En revanche, les autorités de concurrence refusent l’exemption lorsqu’on a un déclin continu, et que celui-ci s’appuie sur des causes structurelles selon la décision du Conseil de la Concurrence 3 Mai 2000 – Secteur des briques plâtrières.
Enfin, l’entente ne doit pas porter sur les prix, et l’entente ne doit pas organiser un partage géographique des marchés. Ce qui compte, c’est les procédés utilisés pour gérer la crise.
Tous les procédés qui cherchent à maintenir artificiellement les parts de marché, le prix empêche l’exemption.
En revanche, lorsqu’à côté de l’entente, il y a une réorganisation structurelle comme la mise en place d’une coopérative, l’exemption pourra être accordée à l’entente de crise (les autres conditions devront être remplies). Il faut une ponctualité des évènements, et des procédés utilisés qui ne touchent pas au prix ou à la répartition des marchés.
- Les objectifs environnementaux
Si l’entente de concurrence protège un aspect environnemental comme une entente afin de collecter des déchets, afin de les recycler. On peut imaginer différentes formes d’entente, l’objectif étant environnemental.
La pratique décisionnelle fait apparaître quelques décisions retenant la préservation de l’environnement comme argument justifiant l’exemption. C’est rarement un motif suffisant en lui-même, c’est-à-dire que c’est un motif qui accompagne d’autres motifs, qui appuie l’analyse (Motif surabondant).
Tout seul, ce motif ne permet pas une exemption.
On trouve par exemple la décision du Conseil de la Concurrence – Marchés du sel – 3 Mai 1998, où l’on trouvait des considérations environnementales justifiant l’exemption, accompagnant la crise.
On trouve également une décision Philippe Hossrann de la Commission du 21 Décembre 1994.
Lorsque l’on a des raisons économiques qui rendent atteignables le recyclage des déchets ou la réduction de la pollution (on a diminué le coût de recyclage), c’est une analyse économique que l’on fait. Lorsque l’objectif environnemental peut être atteint et coûter moins cher grâce à l’entente, alors l’exemption est possible.
Il y a bien une analyse de coût à travers le coût de la protection de l’environnement, mais jamais la protection de l’environnement seule.
Lorsqu’on a une entente restrictive de concurrence, l’exemption sur le progrès économique est essentiellement possible lorsque la restriction de concurrence est compensée par un avantage quantifiable en termes de coût, ou évaluable au regard de la qualité du produit ou du service en cause.
En revanche, réduire la concurrence pour protéger l’environnement/sauver un secteur en crise/maintenir l’emploi, cela n’est pas possible, ou plus véritablement possible aujourd’hui.
La position de la Commission ne faisant qu’une analyse coûts/avantages a adopté cette position en 2004, récemment. Cela peut cependant tourner. Il peut y avoir une évolution sur la notion de progrès économique, aujourd’hui analysée au sens strict.
L’analyse économique de l’école de Chicago a eu un réel impact sur la notion de progrès économique dans l’exemption.
Il est probable, selon M. Barthe, c’est que l’arrêt Méca Médina (la lutte contre le dopage), et l’arrêt Wouters (déontologie des avocats) incluant des considérations d’intérêt général, ne peuvent être inclues dans la notion de progrès économique au sens de l’exemption.
La Cour, ayant bien compris que la Commission, faisait une application stricte de la notion de progrès économique, s’est octroyée le droit d’intégrer des considérations extra-économiques au moment de la qualification de la restriction de concurrence. C’est pour cela que dans Wouters, bien qu’il y ait une restriction de concurrence ne pouvant être exemptée puisqu’il n’y avait pas de progrès économique, la Cour a dit qu’il n’y avait pas restriction car proportionnée à l’intérêt général.
- Deuxième condition : l’entente doit profiter aux utilisateurs
« Aux consommateurs »
L’utilisateur doit être compris comme le client des personnes qui ont fait l’entente, c’est-à-dire que c’est intéressant qu’il y ait eu une réduction des coûts, mais cela ne profite qu’aux auteurs de l’entente. Il faut un avantage économique profitant d’abord aux auteurs de l’entente, mais que cet avantage profite également aux utilisateurs, c’est-à-dire aux clients ou aux consommateurs finaux.
Le profit des utilisateurs est le plus souvent pécuniaire, c’est de l’argent.
Cela se traduit le plus souvent par une baisse des prix, liée à l’entente.
En dehors de la baisse de prix, évidemment, il peut y avoir des avantages qualitatifs comme l’accès à une nouvelle technologie, l’accès à un approvisionnement continu, l’augmentation de la sécurité du produit, la facilité d’utilisation du produit, l’accroissement dans la facilité d’utilisation/d’usage du produit.
Il faut donc pouvoir identifier un profit pour les consommateurs. On est dans un contrôle de pratiques qui ont déjà eu lieu normalement. On doit pouvoir constater qu’il y a eu un progrès, et qu’une partie de l’avantage économique, et on peut l’identifier, a été reporté sur le consommateur.
Si cela n’apparaît pas encore, c’est dans un futur très proche, et cela est très vraisemblable.
Lorsque l’on a une entente entre fournisseurs et qu’elle profite aux utilisateurs (les distributeurs/les grossistes), mais cela ne change rien pour le consommateur. La branche la plus radicale de la doctrine considère qu’il n’y a aucun avantage au profit du consommateur final, et qu’il ne peut donc y avoir aucune exemption.
Cela est lié à ce que l’on pense être de la finalité du droit de la concurrence.
- Barthe pense que c’est une position trop radicale.
Cela exclut la réalisation de cette deuxième condition, pour certains.
- Conditions négatives
- Première condition : les restrictions de concurrence résultant de l’entente par objet ou par effet ne doivent pas dépasser ce qui est indispensable pour satisfaire aux deux conditions positives
Il existe des restrictions de concurrence qui sont censées apporter un avantage économique partagé avec les utilisateurs. Il ne faut pas que ces restrictions dépassent ce qui est indispensable pour l’avantage économique partagé avec les utilisateurs.
Cette condition se dédouble :
- D’abord, la restriction en cause doit être nécessaire pour obtenir l’avantage.
Cela veut dire que sans la restriction en cause, l’avantage économique invoqué ne pourrait pas être obtenu. On doit trouver un lien de causalité entre l’effet restrictif de concurrence et les effets favorables de l’entente.
C’est le critère de l’efficacité de la restriction. Il faut que cela permette d’atteindre l’avantage en question.
C’est un problème de pertinence et de nécessité de la restriction.
Sans la restriction, le même avantage ne pourrait-il pas être obtenu ?
Par exemple, dans l’arrêt Matra du 15 Juillet 1994 du TPICE, qui concernait un projet de monter une usine commune entre Ford et Volkswagen devant fabriquer des véhicules monospace.
L’objectif pour les deux constructeurs était de mettre en place une usine qui permettait de créer une voiture qui allait faire concurrence à la Renault Espace. Cela allait coûter beaucoup d’argent, il n’était pas sur qu’il y avait un marché, et ils se lanceraient que s’ils pouvaient créer cette usine commune. Le tribunal a considéré que cette entente allait permettre le projet de monospace, mais qu’en revanche, en l’absence d’usine commune, ni l’un ni l’autre n’avait les moyens de se lancer seul dans ce projet.
La restriction de concurrence liée à cette mise en commun des investissements et des technologies était nécessaire pour permettre le gain qui était la mise en place d’un nouveau produit innovant qui allait venir concurrencer un produit seul sur le marché jusqu’alors.
Mais la première condition positive a un deuxième aspect :
- Ensuite, la restriction est nécessaire, mais elle doit être proportionnée aux bénéfices obtenus.
Qu’est ce que cela signifie ? Le gain d’efficacité économique identifié ne doit pas pouvoir être obtenu par un autre type de restriction moins importante que la restriction mise en place.
On mettait en place une restriction caractérisée, on aurait pu faire un accord sans objet anticoncurrentiel mais présentant certaines clauses avec un effet anticoncurrentiel, et on aurait eu le même gain, alors on va juger l’accord disproportionnée.
L’entente ne doit pas comporter de restriction de concurrence superflue, exagérée pour atteindre le progrès invoqué.
Bien évidemment, c’est une appréciation in concreto, dépendant du contexte économique et juridique du marché.
- Deuxième condition : l’entente ne doit pas fournir la possibilité aux entreprises d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits
La concurrence sur le marché en cause ne doit pas disparaître en raison de l’entente.
Si les trois premières conditions sont réunies, et que la restriction mise en place consiste à supprimer toute concurrence, l’entente ne peut pas être exemptée. Le maintien de la concurrence demeure in fine indispensable pour bénéficier de l’exemption.
Une entente horizontale mettant en place un monopole ne pourra pas être exemptée, car il y a suppression de toute concurrence.
La difficulté est de savoir ce que l’on entend par le fait que la concurrence subsiste.
Que veut dire « concurrence » ? Une dose suffisante de concurrence subsiste en présence de l’entente restrictive, a priori, cela a longtemps été mis en œuvre par la jurisprudence.
Du coup, dès que les parties à l’entente ne détiennent pas une part de marché trop importante et sont exposées à une concurrence effective, l’entente est exemptée. C’est la vision historique qui est encore à peu près suivie, que certains défendent encore aujourd’hui.
La difficulté est que l’on peut comprendre le mot « concurrence » comme la concurrence potentielle. C’est la potentialité de concurrence, ce qui veut dire que l’exemption serait possible tant qu’en dépit de l’entente, le marché reste contestable.
Ces deux visions s’opposent. Pour l’instant, c’est encore la première qui est mise en avant.
Dans l’arrêt Matra, le tribunal a accordé l’exemption alors que la concurrence au stade de la fabrication du produit avait disparu. En revanche, la concurrence au stade de la commercialisation du produit était maintenue.
- Les exemptions collectives
Le respect des conditions de fond de l’exemption légale est difficile à démontrer pour les entreprises. Principalement, parce qu’il repose sur une appréciation économique complexe d’éléments de fait et de droit, en raison de la pénétration de l’analyse économique.
Pour cette raison, pour garantir une certaine sécurité juridique aux entreprises, les conditions de l’exemption individuelle ont été explicitées et mises en œuvre à travers des exigences retenues pour des catégories d’ententes. Si ces exigences sont satisfaites, il n’est pas nécessaire de vérifier que les quatre conditions de l’exemption sont remplies.
Pour chaque catégorie d’accord, on a écrit dans des règlements d’exemption, les exigences qui devaient être remplies par ce type d’accord pour considérer que l’exemption était accordée.
- Le mécanisme des exemptions par catégories
Il existe en droit français, avec l’article L. 420-4 II du Code de Commerce qui dispose que certaines catégories d’accord peuvent être considérées comme satisfaisant à ces exigences par décret.
L’idée d’un décret d’exemption catégoriel est prévue, néanmoins elle a été peu utilisée en France, permettant l’adoption de deux décrets d’exemption collectifs relatifs à l’agriculture, deux décrets du 7 Juin 1996, le premier relatif aux accords entre producteurs bénéficiant de signes de qualité dans le domaine agricole, le second concernant les producteurs agricoles et les entreprises pour des mesures d’adaptation à des situations de crise. Il permet dans des conditions strictes de résorber une sous-capacité dans un secteur agricole.
La jurisprudence considère que les règlements d’exemption de l’Union Européenne sont des guides d’analyses pour l’Autorité de la Concurrence, comme on peut le voir dans une décision du 19 Juillet 2001 – Société Casino du Conseil de la Concurrence, qui nous dit que cette position compense l’absence de règlements de décret d’exemption collectifs en France.
En droit de l’Union Européenne, le pouvoir d’exempter par catégorie est accordée au Conseil, selon l’article 103§2B, et le Conseil peut prendre un règlement-cadre qui est ensuite mis en œuvre par un règlement d’application de la Commission. Sur le fondement de cette disposition, le Conseil a pris deux règlements-cadres essentiels :
- Le règlement du 2 Mars 1965, modifié par un règlement du 10 Juin 1999, puis par un règlement du 16 Décembre 2002, relatif à l’ensemble des accords verticaux pouvant intervenir entre des entreprises.
- Le règlement du 20 Décembre 1971, modifié par un règlement I/2003 pour les accords de spécialisation, de normalisation, et de recherche et de développement.
Ces deux règlements couvrent l’essentiel des règlements d’exemption.
Ils habilitent la Commission à adopter des règlements d’exemption par catégories précises.
Après avoir été habilitée, la Commission a adopté plusieurs règlements qui ont été renouvelés. Aujourd’hui, les principaux règlements sont les suivants :
- Le règlement du 20 Avril 2010, entré en vigueur le 1er Juin 2010, concernant l’application de l’article 101§3 aux ententes verticales en général. Cela concerne tous les secteurs sauf la distribution automobile, qui a son propre règlement d’exemption adopté le 27 Mai 2010.
- Le règlement du 14 Décembre 2010, concernant l’application de l’article 101§3 aux accords de R&D, concernant donc un certain type d’ententes horizontales.
- Le règlement du 14 Décembre 2010, concernant l’application de l’article 101§3 aux accords de spécialisation, autre type d’ententes horizontales.
- Le règlement du 27 Avril 2004, qui concerne l’application de l’article 101§3 aux accords de transferts de technologie, c’est-à-dire un accord par lequel une entreprise titulaire d’un brevet ou d’un savoir-faire (teneur de licence) autorise une entreprise (le licencié) à exploiter les brevets qu’elle concède ou lui communique son savoir-faire pour la fabrication, l’utilisation et la mise dans le commerce du produit sous licence.
Ces règlements d’exemption collectifs définissent la nature des accords auxquels ils s’appliquent.
Après, ils déterminent les conditions de l’exemption accordée à la catégorie d’accord en cause.
Ensuite, ils soulignent l’existence d’un certain nombre de restriction qui écartent le bénéfice de l’exemption par catégories. Ces restrictions sont des restrictions caractérisées, c’est ce qu’on appelle les clauses noires.
Alors qu’on aurait pu penser que l’accord était concerné par l’exemption, voilà le type de clause que l’on peut trouver dans l’accord qui exclut l’exemption car elle présente une restriction caractérisée.
Enfin, le règlement précise les restrictions qui n’excluent pas le bénéfice de l’exemption pour l’accord, mais qui ne sont pas elles exemptées. On appelle cela les clauses grises.
Le règlement d’exemption par catégorie impose des exigences limitant la liberté contractuelle, offrant en contrepartie une plus grande sécurité juridique aux entreprises respectant les exigences du règlement d’exemption. Si une entreprise rédige un contrat appartenant à un contrat visé par un règlement d’exemption, si le contrat est rédigé conformément au règlement d’exemption, alors elle bénéficiera de l’exemption.
Le règlement 330/2010 sur les ententes verticales remplace le règlement 2790/99. Ce dernier règlement est le premier règlement d’exemption collective d’une nouvelle génération.
Dans ce règlement, on a l’évolution du droit de la concurrence sur ce point. On trouve en effet la diminution de l’approche formaliste, et la mise en place d’une approche plus économique des problèmes de concurrence en matière de distribution. Régulièrement, on considère que l’intégration de l’analyse économique a commencé avec l’adoption du règlement 2790/99.
Le nouveau règlement repose sur cette même approche.
Que prévoit ce nouveau règlement ? Il prévoit que l’exemption est accordée à une entente verticale si la part de marché du fournisseur et la part de marché du distributeur sont inférieurs à 30% du marché pertinent. C’est l’article 3§1 du règlement.
Le règlement met en place un seuil exprimé en part de marché, qui doit traduire le pouvoir de marché du fournisseur et du distributeur. C’est en cela qu’il y a une approche économique.
Pourquoi 30% ? Parce que les économistes l’ont dit.
30% de part de marché du fournisseur, mais aussi du distributeur. Ce sont les deux cumulées, de parts de marché sur le marché du produit fourni.
Néanmoins, même si on est en dessous des deux parts de marché, le jeu de l’exemption collective est exclu si certaines clauses qu’on appelle clauses noires, sont présentes dans l’entente. On est ici dans l’approche juridique : il y a un objet anticoncurrentiel, la clause a un objet anticoncurrentiel, et l’accord ne peut donc être exempté.
L’article 4 vise des restrictions caractérisées, mais parmi celles-ci, il vise les exceptions :
- On a une exclusion de l’exemption des clauses qui imposent directement ou indirectement le prix de vente de l’acheteur.
En revanche, l’article 4 a) n’exclut pas le bénéfice de l’exemption si le fournisseur impose un prix de vente maximal, ou recommande un prix de vente, ce qu’il faut, c’est que la liberté de l’acheteur en cas de prix de vente maximal ou recommandé soit maintenue, c’est-à-dire qu’il puisse ne pas appliquer le prix recommandé ou vendre en dessous du prix maximal.
Dans un arrêt Galaixos (Lubricantes) du 3 Septembre 2009 au point 56.
- Deuxième restriction excluant le bénéfice de l’exemption : les restrictions territoriales ou de clientèle pour la vente des produits par l’acheteur à l’article 4 b) sont interdites
L’article 4B est beaucoup plus compliqué et concerne lui les restrictions territoriales ou de clientèles. Toutes les clauses qui ont pour objet de restreindre le territoire ou de restreindre la clientèle accessible à l’acheteur sont des restrictions caractérisées excluant le bénéfice de l’exemption.
Sauf quatre exceptions :
- Les restrictions de ventes actives vers un territoire exclusif ou une clientèle exclusive qui serait réservée au fournisseur ou concédée par le fournisseur à un autre distributeur. Ce sont les clauses de territorialité exclusives. Les restrictions territoriales exclusives lorsqu’elles portent sur les ventes actives n’empêchent pas l’exclusion de l’exemption. Mais si elles incluent les ventes passives du fournisseur et des autres distributeurs le bénéfice de l’exemption collective est exclu.
Les ventes actives sont celles qui nécessitent un démarchage alors que les ventes passives sont les ventes effectuées sans aucun démarchage de la part du vendeur c’est le client qui va vers le vendeur.
Le problème concerne principalement l’application de cette exception dans le cadre de l’utilisation d’internet. En général les ventes sur internet sont considérées comme vente passive, sauf si le client est démarché par courrier électronique sans l’avoir demandé.
Du coup, dans les lignes directrices sur les restrictions verticales qui sont dans une Communication de la Commission européenne du 19 mai 2010, la Commission va préciser qu’elles sont les restrictions de ventes passives caractérisées.
Lorsque la clause d’exclusivité territoriale est appliquée par la vente sur internet, la Commission va expliquer qu’il y a au moins quatre restrictions de ventes passives caractérisées (qui excluent le bénéfice de l’exemption) :
- La première clause : Celle qui demande au distributeur exclusif d’empêcher les clients situés sur un autre territoire d’accèdera à son site ou de les renvoyer automatiquement vers un autre site de distribution exclusive.
- La deuxième clause : Celle qui oblige le distributeur à arrêter toute transaction avec une carte de crédit, d’un client qui serait hors zone d’exclusivité.
Ce type de clause empêche les ventes passives et est donc une restriction caractérisée.
- La troisième clause : Celle qui limite la part des ventes effectuée sur internet.
- La quatrième clause : la détermination d’un prix d’achat plus élevé pour le distributeur des marchandises vendues sur internet. L’idée c’est que les marchandises vendues sur le site soit plus chères que celles qu’on peut acheter hors site. Moyen d’éloigner les consommateurs d’internet et donc du circuit de la vente passive, moyen de s’assurer que les exclusivités territoriales accordées aux ventes actives ne sont pas concurrencés par internet.
- Deuxième type de restriction, n’étant pas des restrictions caractérisées : les restrictions des ventes actives comme passives d’un grossiste aux derniers utilisateurs.
Cela signifie que l’interdiction qui est faite aux grossistes de vendre activement ou passivement aux consommateurs n’exclue pas le bénéfice de l’exemption collective.
- Troisième exception relative aux restrictions territoriales n’étant pas des restrictions caractérisées : les restrictions de ventes actives comme passives faite aux membres d’un réseau de distribution sélective concernant des distributeurs non agréés.
Ces restrictions ne sont pas excluent du bénéfice de l’exemption collective.
C’est pour limiter les importations parallèles.
- Quatrième exception : restriction un peu particulière, les restrictions destinées à interdire aux revendeurs du fournisseur de procurer des composantes à des clients qui incorporent ces composantes à une production concurrente de celles du fournisseur.
En fait cela concerne plus ou moins les pièces détachées.
- L’article 4C, vise un troisième type de restriction caractérisé visant les exemptions collectives, même si on est en dessous des 30%.
Ce sont les restrictions des ventes passives ou actives, des membres d’un système de distribution sélective qui opèrent en tant que détaillants sur un marché.
On parle de ceux qui ont un magasin dans la rue, dont cette clause signifie qu’un fournisseur ne peut pas empêcher un détaillant agréé de faire sa publicité et de vendre aux consommateurs qui se présentent à son magasin.
Il peut également vendre à tout acheteur sur internet et ne peut pas être soumis à une limitation des ventes en ligne ou à une tarification plus élevé pour les ventes en ligne. Mais le fournisseur peut imposer des critères qualitatifs d’agréments pour un site internet de vente de ses produits.
La distribution sélective fait l’objet d’une définition à l’article 1 para 1 point E, un système de distribution sélective d’après le règlement d’exemption, c’est un système de distribution dans lequel le fournisseur s’engage à ne vendre les biens ou les services contractuels qu’à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères pré définis.
L’article 1 para 1 point E précise que dans ce système de distribution, les distributeurs agréés s’engagent à ne pas vendre à des distributeurs non agréés.
L’article 4C qui présente une restriction caractérisée concerne les membres d’un système de distribution sélective opérant en tant que détaillant sur le marché
- Quatrième type de restriction : les restrictions des ventes croisés entres distributeurs agréés.
On ne peut pas interdire aux distributeurs agréés de se revendre les produits du fournisseur, y compris entre grossiste et détaillant, lorsqu’ils sont dans le même réseau de distribution.
Dès qu’un distributeur est en rupture de stock il est obligé de s’adresser au fournisseur. En revanche le distributeur qui a pris trop de stocks il se débrouille avec. Le fournisseur peut toujours fournir ceux qui n’ont pas assez de stock. Mais le fait de ne pas interdire les ventes croisés, cela signifie que si deux distributeurs ont du stock et qu’un manque de marchandise, le fournisseur ne pourra pas vendre des marchandises supplémentaire à celui qui n’en a pas ce sont les distributeurs qui en ont qui vont les revendre. Ce n’est donc pas intéressant pour le fournisseur.
- Cinquième type de restriction caractérisés, c’est l’article 4E :
les restrictions dans un accord conclu entre un fabricant de pièces détachées et un acheteur qui incorpore ses pièces dans ses propres produits, les restrictions à la vente par le fabricant des pièces détachées, à la vente par le fabricant de pièces détachés à des consommateurs des réparateurs, ou aux prestataires indépendants non désignés par l’acheteur pour la réparation ou l’entretient de ses biens.
L’acheteur ne peut pas interdire au fabricant de pièces détachées de vendre à des consommateurs, réparateurs non agréés des pièces détachées.
Il pourrait constituer de ce fait un réseau de réparateurs qu’il choisirait lui.
Attention pour l’écrit : Même si on est en dessous des seuils à partir du moment où on à une restriction visée par l’article 4, l’entente en cause ne peut pas bénéficier de l’exemption collective.
Article 5 maintenant, c’est un autre mécanisme, il prévoit dans quelles conditions les obligations de non concurrence ne sont pas exemptées même si on est en dessous du seuil de l’article 3 des seuils de 30%.
Cet article précise dans quelles conditions les obligations de non concurrence ne sont pas exemptées même si on est en dessous des seuils, sans que cela remette en cause l’exemption de l’accord pour les autres clauses.
Ces clauses ne bénéficiant pas de l’exemption collective, et sont nulles (101 para 1 et 102).
L’article 1 para 1 D définit l’obligation de non concurrence. C’est deux choses possibles :
- Soit une obligation directe ou indirecte interdisant à l’acheteur de fabriquer, d’acheter, de vendre ou de revendre des biens ou des services qui sont en concurrence avec les biens ou les services contractuels, cela s’appel en droit français un clause de non concurrence.
- Soit une obligation directe ou indirecte, (directe elle est identifiée clairement comme clause de non concurrence, indirectement la clause à les effets d’une clause de non concurrence) imposant à l’acheteur l’obligation d’acquérir auprès du fournisseur plus de 80% de ses achats annuels en biens ou en services contractuels. Cela c’est une clause d’approvisionnement exclusif ou quasi exclusif.
Elles rentrent dans ce qui s’appelle les clauses de non concurrence.
D’après l’article 5, l’exemption est exclue pour :
- Les obligations de non concurrence de plus de 5 ans, ou sans durées déterminées.
Une petite exception si l’acheteur revend les biens achetés au fournisseur à partir de locaux dont le propriétaire est le fournisseur et bien l’obligation de non concurrence peut être étendue à la durée d’occupation des locaux par l’acheteur, on peut quelque fois dépasser 5 ans.
- Les obligations interdisant à l’acheteur à l’expiration de l’accord de fabriquer, d’acheter, de vendre ou de revendre des biens ou services sauf si l’obligation porte sur des biens ou services en concurrence avec les biens ou services contractuels et limités aux locaux et terrains utilisés par l’acheteur pendant la durée du contrat est indispensable à la protection d’un savoir faire du fournisseur et n’a une durée que d’un an.
A l’expiration de l’accord normalement on ne peut rien interdire de fabriquer, de vendre à l’acheteur sauf des biens en concurrence avec les biens contractuels.
Le savoir faire è ensemble d’informations secrète clairement identifiées et utile à l’acheteur.
Et enfin derniers types de clauses : les obligations imposées aux membres d’un réseau de distribution sélective de ne pas vendre les marques de fournisseurs concurrents déterminés. On ne peut pas mettre dans notre contrat, l’obligation de boycotter pour notre distributeur une marque précise.
Un fournisseur ne peut pas imposer aux membres d’un réseau de distribution sélective de ne pas vendre les marques de fournisseurs concurrents déterminés.
Les autres règlements d’exemptions sont bâtis sur la même structure.
Mais évidement ensuite le contenu est adapté aux types de catégories d’accords concernées on ne retrouve pas les mêmes seuils, les mêmes clauses noires et grises.
Un certain nombre de secteurs font l’objet de règlement d’exemption collective.
Il y a d’abord le secteur de l’assurance et notamment le règlement du 24 mars 2010, concernant l’Application de l’article 101 para 3 dans les pratiques, décisions concertées dans le secteur de l’assurance.
On a aussi le secteur agricole, règlement du 24 juillet 2006.
On a aussi les transports aériens, maritimes, fluviales, routiers, ou par chemin de fer, 3 règlements spécifiques pour ces secteurs pas que d’exemption. Pour le transport aérien, règlement du 19 mai 2009.
Pour le transport maritime, c’est un règlement du Conseil du 26 février 2009.
Là on sort du schéma classique
Il y a des règlements généraux d’exemption collective mais également des exemptions sectorielles.
- Les effets des exemptions par catégories
Lorsqu’un accord entre dans les prévisions d’un règlement d’exemption, cet accord est valable de plein droit et peut produire tous ses effets. Il n’est pas interdit mais attention il ne bénéficie pas d’une exemption incontestable. En effet la commission peut par décision spéciale retirer le bénéfice de l’exemption à tout accord qui à des effets incompatibles avec l’article 101 para 3 même en répondant aux exigences d’un règlement d’exemption collective.
Il faut comprendre que l’accord qui rentre dans un règlement d’exemption bénéfice d’une présomption d’exemption qui peut être renversée. La sécurité juridique attachée au règlement d’exemption reste assez relative. C’est très rare que la commission retire le bénéfice de l’exemption collective. Le règlement d’exemption pose une présomption suivant laquelle l’entente remplie les exigences de 101 para 3.
La demande du retrait du bénéfice de l’exemption peut être présentée par un Etat membre ou par toute personne morale ou physique démontrant un intérêt légitime.
La commission peut également décider d’office du retrait de l’exemption collective.
La décision de retrait n’a pas d’effets rétroactifs, pour la période passé on ne va pas considérer que l’entreprise était en infraction mais si elle continue là elles seront en infraction et bien évidement la décision de la commission est susceptible d’un recours devant le tribunal de l’UE.
La possibilité du retrait de l’exemption collective prévue par un règlement de l’UE cette possibilité est également ouverte devant les autorités de concurrence nationales mais il faut que l’entente en cause produise des effets sur une partie du territoire de l’Etats membre qui présente toutes les caractéristiques d’un marché géographiques distinctes. Le retrait de l’exemption collective effectuée par l’autorité de concurrence nationale ne vaudra que pour ce territoire qui présente toutes les caractéristiques d’un marché géographique distinctes.
Que se passe t-il si on n’est pas dans le cadre d’un règlement d’exemption ?
Il peut tout de même être exempté sur le fondement de 101 para 3.
Par ex : si le fournisseur à plus de 30 % de parts de marchés ou l’acheteur en tant qu’acheteur et bien l’accord en cause ne bénéfice pas de l’exemption sur le fondement du règlement 330/2010.
Cela ne signifie pas que l’exemption de 101 para 3 ne joue pas, cela signifie uniquement que la présomption ne joue pas. Il faudra vérifier les quatre conditions.
Précision si une clause noire, d’exclusion : le bénéfice de l’exemption collective de 101 para 3 n’est pas théoriquement exclue. Est-elle nécessaire et proportionnée au bénéfice en question ?
La Commission explique que par exemple l’imposition d’un prix de revente minimum, restriction caractérisée, cette imposition peut entrainer des gains d’efficience notamment lorsque le fabricant lance un nouveau produit qui a nécessité un gros investissement.
Sous-Section II – Les abus de position dominante
C’est la deuxième infraction en droit de la concurrence, prévue à l’article 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne, qui prévoit « est incompatible avec le marché commun, et interdit dans la mesure où le commerce entre Etats-membres est susceptible d’être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou sur une partie substantielle de celui-ci ».
De la même manière, l’article L. 420-2 du Code de Commerce dispose « qu’est prohibé dans les conditions prévues à l’article L. 420-1 (ententes illicites), l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieure ou une partie substantielle de celui-ci ».
Ce sont les mêmes pratiques visées à ces deux articles, et d’après ces deux dispositions, le principe d’interdiction n’a pas pour objet la position dominante, mais l’abus de position dominante.
Il y a donc deux éléments infractionnels cumulatifs pour constater une infraction. Il faut d’une part une domination, et d’autre part un comportement abusif.
- 1 – La notion de position dominante
La position dominante n’est pas définie par le Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne, ni par le Code de Commerce, la notion a été en fait posée et établie par la jurisprudence et la pratique décisionnelle des autorités de concurrence. En droit français, la domination d’un marché est constatée lorsque l’entreprise en cause est en situation de s’abstraire de la concurrence des autres entreprises présentes sur le marché.
Cette idée de possibilité de s’abstraire de la concurrence des autres est notamment exprimée dans la décision du 27 Septembre 2002 du Conseil de la Concurrence n°02D61 relative à la saisine de la SMA (société moderne d’assainissement et de nettoyement).
Cette position correspond à la définition adoptée par la Cour de Justice des Communautés Européennes, qui est invariable depuis l’arrêt United Brands du 14 Février 1978, aussi appelée l’affaire des bananes, ou l’affaire Chiquita. Dans cet arrêt, la Cour de Justice des Communautés Européennes considère que la position dominante est « une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause, en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients, et finalement, des consommateurs ».
D’après ces deux définitions, le critère essentiel de la domination d’un marché, c’est l’indépendance vis-à-vis du marché, qui correspond à la possibilité de déterminer une stratégie commerciale libérée de toute contrainte concurrentielle. Cette indépendance à l’égard du marché, à l’égard des contraintes exercées sur le marché lié à la clientèle, aux autres offreurs… dépend directement du pouvoir de marché de l’entreprise.
Le pouvoir de marché est en effet la capacité de s’extraire des pressions concurrentielles exercées par ces concurrents actuels ou potentiels, et par ses clients.
Le pouvoir de marché permet d’imposer un prix supérieur au niveau du prix qui résulterait d’une concurrence effective, et le pouvoir de marché permet de réaliser des bénéfices supérieurs aux bénéfices réalisés sur un marché concurrentiel.
Les décisions du détenteur du pouvoir de marché sont insensibles aux actions et aux réactions des concurrents, des clients, et finalement des consommateurs. En fait, la domination existe quand il y a un pouvoir de marché. Le pouvoir de marché, c’est la capacité d’augmenter ses prix de manière rentable, ce qui veut dire qu’on ne se préoccupe pas de la réaction des clients ou des concurrents.
On retrouve cela dans une Communication de la Commission du 9 Février 2009 sur les orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82/102 aux pratiques d’éviction abusive des entreprises dominantes. C’est la seule Communication existante pour les abus de position dominante à part celle du 27 Avril 2004 concernant l’affectation du commerce entre Etats-membres.
En retenant cette définition de la position dominante, celle-ci va faire l’objet d’une appréciation différente lorsqu’elle est le fait d’une entreprise ou de plusieurs entreprises.
Que l’on cherche à détermine une position dominante d’une ou plusieurs entreprises, il est indispensable de déterminer le/les marchés pertinents tout d’abord, de leur aspect matériel et de leur aspect géographique.
Plus le marché pertinent est défini strictement, plus il sera ensuite facile de retenir l’existence d’une domination de ce marché.
- La domination individuelle
D’après la jurisprudence, la position dominante est un état de fait qui dépend étroitement du contexte juridique et économique du ou des marchés pertinents. La constatation de la position dominante résulte de plusieurs facteurs. Pris isolément, ces facteurs ne seraient pas nécessairement déterminants pour conclure à la position dominante. La plupart du temps, ces facteurs sont donc évalués ensemble.
Il y a d’abord le niveau des parts de marché de l’entreprise contrôlée. C’est le facteur premier.
Puis, il y a des facteurs complémentaires.
- L’évaluation quantitative de la dominance : la part de marché
(Le niveau de part des marchés des entreprises plus généralement).
Deux points sont importants à ce propos :
- La part de marché de l’entreprise contrôlée
Traditionnellement, l’analyse du niveau des parts de marché de l’entreprise contrôlée constitue le critère principal de la position dominance. Ce critère traduit une approche essentiellement statique de la détermination de la domination d’un marché. Avec ce critère, on a une vision instantanée mais figée de la position de l’entreprise dominante. On ne sait pas ce qui s’est passé avant ou après.
En revanche, le niveau de part de marché permet de quantifier l’importance de l’entreprise sur le marché. C’est une approche certes essentiellement statique, mais également quantitative de la domination.
D’après les arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes Hoffman-Laroche du 13 Février 1979, et AKZO du 3 Juillet 1991, une part de marché extrêmement importante, c’est-à-dire qui va au-delà de 50% constitue une présomption, sauf circonstances exceptionnelles de l’existence d’une position dominante.
Au-delà de 50% de part de marché, une entreprise a une position dominante.
Les autorités françaises adoptent une position semblable sur ce point, comme on peut le voir avec la décision TPS (Secteur des droits de diffusion dans l’audiovisuel) du 24 Novembre 1998.
La présomption de domination, rattachée au dépassement du seuil de 50%, peut être renversée par l’entreprise contrôlée. L’un des arguments possibles est de souligner la diminution régulière et importante des parts de marché, démontrant l’existence de contraintes concurrentielles croissantes pesant sur l’entreprise.
Une diminution des parts de marché (55% à 54,5% en trois ans, cela ne marche pas. 68% à 61% en deux ans, cela marche) relativise l’impact du niveau des parts de marché élevée, et de la même manière, on peut avoir 51% de part de marché pour la période analysée par l’autorité, mais l’entreprise peut souligner qu’elle n’avait pas autant de parts de marché auparavant, et que l’on n’a plus aujourd’hui autant de parts de marché.
La période de détention courte de parts de marché relativise également l’information fournie par la détention de ces parts de marché.
Le seuil de part de marché est un indicateur fort, laisse présumer la position dominante, mais c’est une présomption qui peut être renversée, et dénoncée par les entreprises.
Dans sa communication du 9 Février 2009 concernant aux abus dits « d’éviction » (écarter les autres concurrents du marché), la Commission s’interroge sur la notion de position dominante de manière générale.
La Commission semble ne plus vouloir reconnaître une présomption de domination à travers les parts de marché importante de l’entreprise contrôlée. Beaucoup d’économistes considèrent que le recours aux parts de marché pour caractériser la position dominante n’a pas de sens.
La Communication indique que si l’expérience montre que la part de marché est élevée et détenue longtemps, il est très probable que cet élément constituera un premier indice sérieux de l’existence d’une position dominante. La Commission précise qu’« en règle générale, elle ne tirera pas de conclusion finale sur l’opportunité d’intervenir dans une affaire sans examiner tous les facteurs qui peuvent suffire à brider le comportement de l’entreprise ».
Pour la Commission, le niveau de parts de marché est un facteur parmi d’autres.
La Commission propose une présomption de non-dominance dans cette même Communication.
En effet, elle indique « la Commission considère que des parts de marché modestes sont généralement un bon indicateur de l’absence d’un fort pouvoir de marché. Elle sait d’expérience que si la part de marché de l’entreprise représente moins de 40% du marché en cause, il est peu probable qu’elle s’y trouve en position dominante ».
Au-delà de 40% de part de marché, on n’a pas d’indication particulière sur l’existence ou la non-existence d’une position dominante, mais en dessous, oui.
La position de cette Communication ne traduit pas la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, qui n’a jamais indiqué de seuil minimum à partir duquel la dominance est présumée exclue.
En plus, cette position d’une présomption de non-dominance n’illustre pas non plus la position de l’autorité française, qui a pu retenir à certaines occasions l’existence d’une dominance pour des entreprises en-dessous de 40%. Evidemment, le Conseil de la Concurrence a retenu l’existence d’une position dominante, alors qu’on était en dessous de 40%, en complétant l’analyse au regard de critères complémentaires, notamment dans la décision Royal Canin du 22 Juin 2005 + Cour d’Appel de Paris – 4 Avril 2006.
Il y a un facteur important qui est la part de marché de l’entreprise contrôlée, mais l’utilisation de cette part de marché n’est pas tout à fait identique en fonction des autorités de contrôle. A priori, la Cour de Justice des Communautés Européennes et l’Autorité de la Concurrence et la Commission ont une vision différente quant au rôle de la part de marché, et au rôle des seuils.
- La part de marché des entreprises concurrentes
Les autorités de contrôle s’appuient également sur le niveau des parts de marchés contrôlés par les concurrents de l’entreprise contrôlée. En effet, les parts de marché permettent d’évaluer la pression concurrentielle exercée sur l’entreprise contrôlée.
Elles donnent un indice de la qualité du leader–ship de l’entreprise contrôlée.
On s’intéresse au poids des concurrents sur le marché.
Par exemple, la Commission a retenu l’existence d’une position dominante pour une entreprise contrôlant 46,3% du marché des services aériens, réservé aux agences de voyage, parce que cette part de marché représentait près de 4 fois la part de marché cumulée de ses 4 plus grands concurrents, selon la décision de la Commission du 14 Juillet 1999 – Virgin c/ British Arways.
De la même manière, dans l’affaire Royal Canin, le Conseil de la Concurrence et la Cour d’Appel de Paris ont relevé l’existence d’une position dominante, en soulignant que « le deuxième fabricant présent sur ce créneau Ralston Purina, avec des parts de marché de respectivement 10, 12 et 14% pesait moins du tiers de Royal Canin, et le troisième fabricant Mars avec 6, 7 et 8% moins du quart ».
Plus l’écart est important, plus le leader-ship aura la qualité d’une position dominante.
D’après ces décisions, la disproportion entre les parts de marché de l’entreprise en leader-ship et celles des parts de marchés des entreprises concurrentes fournit un indice qualitatif qui permet deux choses :
- D’une part, de conclure à la position dominante d’une entreprise qui n’avait pas 50% de part de marché.
- D’autre part, de renforcer la conclusion de l’existence d’une position dominante, conclusion effectuée au regard du seul niveau des parts de marché de l’entreprise contrôlée.
Dans un arrêt Michelin du 9 Novembre 1983 de la Cour de Justice des Communautés Européennes, si Michelin détenait entre 57 à 65% du marché des pneumatiques pour les périodes concernées, la CJCE a retenu l’existence d’une position dominante surtout en soulignant que les parts de marché des cinq principales marques concurrentes étaient beaucoup plus modestes parce qu’elles s’échelonnaient entre 4 et 8% seulement.
Néanmoins, lorsque la seule analyse du niveau des parts de marché suffirait à conclure sur la position dominante, les autorités de concurrence et les juges confortent toujours leur position par des indices complémentaires.
Dans un arrêt du 23 Octobre 2003 – Van Den Bergh Fouds, le TPICE a aussi pris en compte la notoriété de la marque et l’étendue de la gamme de produits en cause ou encore le Conseil de la Concurrence dans une décision du 14 Février 2003 – Diffusion de la presse où il s’intéresse à l’innovation technique de l’entreprise, son action commerciale et sa supériorité dans la gestion comme élément complémentaire.
- L’évaluation qualitative de la dominance
Les facteurs complémentaires ont tous pour objectif d’apprécier la capacité réelle de l’entreprise en cause à adopter un comportement indépendant de ses concurrents, et de ses clients.
La jurisprudence en retient de multiples et notamment l’avance technologique que l’entreprise possède par rapport à ses clients. L’idée étant que si on est Apple et qu’on a une avance technologique avec l’Iphone 4, le leader-ship ressemble à une position dominante sur ce marché, alors que si l’appareil est en retard sur des entreprises ont moins de parts de marché, cela ressemble à une ancienne position dominante.
Cela donne une indication sur la valeur du leader-ship, notamment selon l’arrêt Hoffman Laroche du 13 Juillet 1979.
On prend également en compte l’existence d’un réseau commercial perfectionné, étendu et intégré (distributeur et fournisseur).
Cela a été souligné dans l’affaire Royal Canin, ainsi que dans l’affaire United Brands.
On prend en compte la détention d’une marque renommée, selon l’arrêt Van Den Bergh Foods.
Autre facteur, la notoriété de l’entreprise, mis en avant dans l’affaire Royal Canin.
Autre facteur, la diversité de la gamme de produits proposés ce que l’on peut voir dans l’arrêt Van Den Bergh Foods, mais également dans l’arrêt Michelin.
Sixième facteur possible, la disproportion dans les moyens financés entre l’entreprise dominante et ses concurrents, comme dans une décision du Conseil de la Concurrence – France Télécom et Oda du 20 Février 1996.
Septième facteur, la détention de droits exclusifs sur une technologie ou sur un produit, comme dans un arrêt Com – Lili France – 15 Juin 1999.
Huitième facteur, l’existence de barrières à l’entrée, technologiques notamment selon TPICE – Hilti – 12 Décembre 1991 sur les machines à clous, financières selon United Brands.
Enfin, l’absence de tout pouvoir de négociation des clients, est-ce que les clients peuvent facilement ou non sortir de leur contrat ou les négocier, notamment dans l’arrêt du TPICE du 7 Octobre 1999 – Irish Sugar.
Les facteurs complémentaires permettent une analyse dynamique de l’entreprise contrôlée, puisqu’ils permettent d’intégrer les évolutions potentielles du marché contrôlé. Ces éléments garantissent une meilleure appréciation du pouvoir de marché de l’entreprise contrôlée, en intégrant les possibles évolutions des rapports entre concurrents, qui dépendent des possibilités d’expansion des concurrents actuels mais aussi des possibilités d’entrée sur le marché de nouveaux concurrents.
Enfin, on intègre la possible contrainte concurrentielle imposée par les clients en raison de leur pouvoir d’achat. Une clientèle captive, notamment composée de très nombreux éléments de taille réduite, ayant une faible capacité de négociation, ne pouvant pas arbitrer parmi les offreurs, traduit l’absence d’une contrainte concurrentielle exercée au niveau de la demande.
En revanche, si la clientèle n’est pas captive, même si on a 55% de parts de marché, mais par des gens qui peuvent partir du jour au lendemain.
- La domination collective
L’article 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne condamne « le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante ».
L’article L. 420-2 alinéa 1 du Code de Commerce vise « l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante ». IL ne faut pas comprendre groupe d’entreprises constituant une unité économique, mais un ensemble d’entreprises autonomes.
Ces Deux textes visent une position dominante de plusieurs entreprises.
La position dominante collective a été reconnue pour la première fois dans son principe assez tardivement, la Commission a reconnu la possibilité théorique d’une position dominante collective dans un arrêt Verres Plats du 7 Décembre 1988. Le tribunal a conforté la position de la Commission et a posé le principe dans des termes dogmatiques dans un arrêt du TPICE du 10 Mars 1992.
Le TPICE a dit « on ne saurait exclure, par principe, que deux ou plusieurs entités économiques indépendantes, soient sur un marché spécifique, unis par de tels liens économiques, que de ce fait, elles détiennent ensemble, une position dominante par rapport aux autres opérateurs sur le même marché. Tel pourrait par exemple, être le cas di deux ou plusieurs entreprises indépendantes disposaient en commun par voie d’accord ou de licence, d’une avance technologique leur fournissant la possibilité de comportement indépendant dans une mesure appréciable vis-à-vis de leurs concurrents, de leurs client et finalement des consommateurs ».
La difficulté ne porte pas sur la notion de définition, la définition est la même, c’est celle d’United Brands. Elle repose sur la notion de pouvoir de marché.
La détermination de cette domination n’est pas non plus différente. Les critères sont les mêmes. Le recours à la part de marché d’abord de(s) entreprises, mais parts de marchés cumulées, et ensuite éventuellement les parts des marchés des concurrents, ainsi que des facteurs complémentaires.
La difficulté principale est de déterminer dans quelles circonstances il est possible de retenir le caractère collectif de la domination. Quand est ce que l’on peut rechercher une domination collective ?
D’après notamment les arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes Commune d’Almelo du 27 Avril 1994, Compagnies Maritimes Belges du 16 Mars 2000, et Irish Sugar du 10 Juillet 2001, on peut considérer qu’une position dominante collective consiste pour plusieurs entreprises au sens du droit de la concurrence de l’Union Européenne, c’est-à-dire des entités exerçant une activité économique de manière indépendante, à avoir ensemble en raison de facteurs de corrélation existant entre elles, le pouvoir d’adopter une même ligne d’action sur le marché, et d’agir dans une mesure appréciable indépendamment des autres concurrents.
Il y a donc des facteurs de corrélation qui permettent de considérer que les entreprises ont la possibilité d’agir sur une même ligne, et ceci indépendamment des autres concurrents, qui ne seraient pas en domination collective avec eux.
L’autorité française de la concurrence considère de la même manière que « plusieurs entreprises simultanément présentes sur un même marché peuvent être considérées comme détenant conjointement une position dominante s’il existe entre elles une interdépendance qui les conduit à adopter une stratégie explicitement ou implicitement coordonnée », selon le Conseil de la Concurrence – Décision relative au secteur du disque – 9 Décembre 1998, et une décision du 28 Juin 2006 – Publicités cinématographiques.
Deux éléments caractérisent la notion de dominance collective :
- Une ligne d’action commune, qui le plus souvent se traduit par un parallélisme de comportements.
- Des liens unissant réellement les entreprises dans cette action commune.
Ces liens (facteurs de corrélation) sont la difficulté essentielle.
Les liens peuvent être de nature assez différente :
- Tout d’abord, il peut y avoir des liens de nature contractuelle. Ces liens contractuels doivent permettre aux entreprises d’adopter une même ligne d’action. C’est notamment le cas s’il y a un accord de licence de technologie, selon TPICE – Verres Plats.
- Il peut également s’agir de liens structurels (C’est aussi une entente, on a la possibilité de deux qualifications. Cela sert à la Commission pour avoir un outil supplémentaire d’analyse). En particulier, lorsqu’ils résultent de l’existence de participations d’une société dans le capital d’une autre société. C’est compliqué, car elles sont censées être indépendantes… Ce sont plutôt des participations importantes (30%), qui ne donnent pas de pouvoir effectif sur la direction de l’entreprise, mais qui en revanche impliquent un lien et une participation dans la stratégie de l’entreprise que l’on détient.
Cela prend également en compte la participation respective dans les Conseils d’Administration, ou le fait d’être membres de la même association professionnelle.
On peut aller voir l’arrêt Irish Sugar (Capital et représentation dans les Conseils d’Administration). Dans l’arrêt Piau – 26 Janvier 2005, c’est l’appartenance à une même association qui est soulignée.
- Il peut s’agir de liens financiers. Cela vise par exemple le financement par un fournisseur des remises octroyées par son distributeur à ses clients. Cela peut permettre de caractériser des facteurs de corrélation. C’est l’arrêt Irish Sugar.
Souvent, ce sont des actionnaires communs (ce qui rentre également dans les liens structurels), selon Conseil de la Concurrence – Marchés des appareils de détection de métaux du 25 Mars 1997.
A chaque fois, on s’éloigne de plus en plus de liens formels.
- Enfin, des liens exclusivement économiques. On sort là de tout formalisme.
C’est-à-dire des liens qui reposent sur la nature du marché. Les entreprises sont liées entre elles, en raison de la nature du marché. C’est la théorie des marchés ogopolistique, qui enseigne que dans un marché avec peu d’offreurs, l’adoption d’une ligne d’action commune sans concertation, cela s’appelle « une coordination non-coopérative ». Une ligne d’action commune a été mise en place sans coopération.
Il n’y a pas de pratique concertée.
Cette adoption sans concertation peut être obtenue à quatre conditions :
- En premier lieu, le marché doit présenter un degré suffisant de transparence. Comme cela, chacun peut constater le comportement de l’autre et vérifier s’il suit une même ligne d’action. Chacun peut donc s’ajuster. Il y a nécessairement un rapprochement du comportement des entreprises lorsqu’elles sont peu nombreuses et que le marché est très transparent.
- Il est nécessaire que la situation de coordination tacite non-coopérative (les entreprises ne discutent pas, elles se regardent), qu’elle puisse être maintenue dans la durée, c’est-à-dire qu’il doit exister une incitation à ne pas s’écarter des lignes de conduite communes sur le marché.
Cet ajustement est toujours effectué de la même manière, car chacun a peur de perdre de l’argent si on sort de la ligne de conduite.
- La troisième condition, c’est que la réaction prévisible de ceux qui sont hors ligne d’action, des concurrents actuels. Si leur réaction prévisible comme celle des consommateurs ne remet pas en cause les résultats attendus de la ligne commune, cela veut dire qu’ils n’ont pas de capacité de réaction. Ils ne peuvent pas proposer une alternative à la ligne commune, et ne la remettront pas en cause que ce soit de la part des clients ou de la concurrence.
On regarde également s’il existe des mavericks, c’est-à-dire des francs-tireurs (empêcheurs de tourner en rond), dès qu’ils sont capables de faire différemment parce qu’ils ont une structure différente, beaucoup d’imagination, un nouveau produit… ils vont casser les codes du marché et la ligne de conduite du marché. Cela existe avec une entreprise ayant un haut potentiel technologique.
Cela permet de caractériser un équilibre ogopolistique non-coopératif, et donc une position dominante collective.
L’arrêt Air Tour du 6 Juin 2002 – TPICE avait repris ces critères, rendu en matière de concentration.
L’arrêt Piau du 26 Janvier 2005 reprend les critères de la position dominante collective.
Depuis, il n’y a pas eu à la connaissance de Monsieur Barthe d’autres affaires en abus de position dominante collective qui viendrait donner des informations complémentaires.
(+ Décision du 20 Février 2006 – Pratiques relevées dans le secteur des travaux routiers).
Pourtant, dans l’arrêt Piau, le tribunal souligne également l’existence d’un lien structurel, en l’occurrence l’appartenance à une même association. L’arrêt Piau met en avant l’analyse purement économique du marché pour caractériser la position dominante collective.
Le tribunal ne s’en tient pas à une seule analyse du marché.
Il est difficile de savoir si le raisonnement strictement économique sur le marché suffit pour caractériser la position dominante collective. L’arrêt Piau dit que c’est suffisant, mais ne le met pas en œuvre. Depuis, aucun arrêt intéressant.
Lorsqu’on veut montrer un parallélisme de comportements, il est présupposé l’existence d’une concertation sauf si les entreprises arrivent à justifier leur ligne d’action commune. Pour ce faire, lorsque l’inaction est longue, les entreprises vont utiliser les critères cités pour expliquer que c’est le marché qui a mis en place cette ligne d’action commune. Il y a donc position dominante collective.
De la pratique concertée que l’on ne peut plus prouver, on bascule à un abus de position dominante collective.
Dans l’arrêt Irish Sugar du 7 Octobre 1999, confirmé par la suite par la Cour de Justice des Communautés Européennes le 10 Juillet 2001, le tribunal précise que « la jurisprudence ne comporte aucune indication dont il serait permis de déduire que la notion de position dominante collective est inapplicable à deux ou à plusieurs entreprises se trouvant dans une relation commerciale verticale. Comme le souligne la Commission, sauf à accepter que l’application de l’article 86 connaisse une lacune, il ne saurait être admis que des entreprises se trouvant dans une relation verticale sans toutefois être intégrée au point de constituer une seule et même entreprise ne puisse exploiter de façon abusive une position dominante collective ».
Cela veut dire que l’existence de positions dominantes collectives entre un fournisseur et un distributeur est possible. C’est un arrêt qui est isolé, et assez compliqué. Mais en théorie, la position dominante collective verticale existe donc.
- 2 – La notion d’abus
Il faut constater un comportement abusif.
La domination n’est pas un mal en soit, il faut qu’il y ait un abus accompagnant cette domination.
Le comportement abusif n’est pas défini par les articles 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne, et L. 420-2 alinéa 1 du Code de Commerce qui se limitent à une énumération d’exemples de comportements.
Ces comportements sont susceptibles d’être abusifs, mais ne le sont pas nécessairement.
L’article 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne vise l’imposition directe ou indirecte de prix inéquitables, de conditions de transactions inéquitables. Ici, c’est la notion « d’équité » qui est mise en cause.
Concrètement, cela concerne les pratiques de prix excessifs, tant que quelqu’un accepte de payer un prix, est-il excessif pour autant ?
On trouve également la limitation de la production, avec une politique de quotas ; la limitation des débouchés ou du développement technique au préjudice des consommateurs. Cela peut concerner les refus injustifiés de vente, les clauses d’exclusivité dans les contrats ou les rachats d’une technologie concurrente pour éviter qu’elle ne soit développée.
On pense également à l’application à des partenaires commerciaux de conditions inégales pour des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence. Il s’agit par exemple de pratiques discriminatoires pouvant porter sur les prix. Cela peut être des rabais ou des ristournes discrétionnaires.
Enfin, on vise la subordination de la conclusion de contrats à l’acceptation de prestations supplémentaires n’ayant pas de liens avec l’objet de ces contrats. C’est ce qu’on appelle les ventes liées ou les ventes groupées, qui consistent lors de l’achat d’un produit à imposer l’achat d’un autre produit distinct.
L’article L. 420-2 alinéa 1 du Code de Commerce reprend des exemples similaires, mais moins nombreux, et vise :
- Le refus de vente.
- Les ventes liées.
- Les pratiques discriminatoires.
- Les ruptures de relations commerciales.
Cela est beaucoup plus court, et beaucoup moins de comportements sont concernés.
Ces deux listes ne sont pas limitatives, et donnent juste un aperçu de la variété des comportements susceptibles d’être abusifs. La difficulté, c’est que ces listes ne permettent pas de saisir les contours précis de la notion de comportement abusif. C’est ce que l’on va essayer de faire en essayant de définir un abus au regard de la pratique décisionnelle des autorités de concurrences, et en classifiant ces comportements.
- Définition de l’abus
- Définition classique
La définition de l’abus soulève de nombreuses difficultés parce qu’elle dépend directement de la conception que l’on a de la notion de concurrence, et du droit de la concurrence.
Si on considère que le droit de la concurrence a pour objectif de maintenir les structures de marché afin d’obtenir les prix les plus bas, il y a abus dès qu’il y a un comportement portant atteinte aux structures, comme le fait de refuser de vendre un produit à telle entreprise, la faisant ainsi sortir du marché. C’est l’école d’Harvard.
On peut également avoir la vision de l’école de Chicago qui repose sur le bien-être du consommateur, c’est-à-dire le petit-plus que l’on donne au consommateur en termes de prix, qualité, innovation. Le droit de la concurrence ne doit pas interdire les comportements qui ne portent pas atteinte au bien-être du consommateur. L’abus est caractérisé lorsqu’il y a atteinte au bien-être du consommateur.
L’abus correspond à un excès. Un comportement excessif est à priori un comportement déséquilibré, démesuré qui dépasse la mesure. Le tout est d’avoir un étalon, une référence qui permet de dire si on est dans la mesure ou si on a dépassé le comportement mesuré. Il faut s’intéresser à l’emplacement du curseur dans l’abus.
L’abus est l’un des points les plus controversés en droit de la concurrence. Il y a des choix politiques à faire.
Premier point, suivant la jurisprudence Hoffman Laroche, la Cour de Justice des Communautés Européennes a défini l’abus de position dominante comme « une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise en position dominante, qui sont de nature à influencer la structure d’un marché ou, à la suite précisément de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli [Application de l’école d’Harvard], et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence ».
Cette définition est toujours LA définition de l’abus aujourd’hui. C’est toujours l’arrêt de référence en matière d’abus. D’après cette définition, l’abus peut être caractérisé en dehors de toute faute volontaire, en dehors de toute intention anticoncurrentielle de la part de l’entreprise en position dominante. C’est une notion objective.
Si on a la preuve de l’intention anticoncurrentielle ou de la faute volontaire, cela est plus facile de caractériser l’abus. Cela ne fera que renforcer l’abus mais ce n’est pas une condition de la qualification de l’abus, selon un arrêt CJCE Clearstream – 9 Septembre 2009.
C’est une position qui est reprise en France dans une décision du 3 Mai 2000 – Secteur des briques plâtrières du Conseil de la Concurrence.
L’abus réside dans le fait que le comportement adopté sur le marché ne caractérise pas une concurrence dite normale entre entreprises. Cette concurrence normale, dont il est question dans l’arrêt Hoffman Laroche, renvoie à la notion de concurrence fondée sur les mérites, comme dans l’arrêt Akzo de la Cour de Justice des Communautés Européennes et Cour d’appel de Paris – Expedia – 23 Janvier 2010.
Qu’est ce qu’une concurrence fondée sur les mérites ? Normalement, elle suppose une égalité des chances entre les entreprises, et des performances découlant d’une confrontation loyale des entreprises. Dans le cadre d’une concurrence par les mérites, un comportement sera abusif lorsqu’il correspond à une stratégie qui tend à libérer l’entité des pressions concurrentielles restantes sur le marché.
Un comportement sera abusif lorsque l’entreprise chercher à se libérer des contraintes concurrentielles restantes. On peut dire que l’entreprise ne joue pas le jeu de la concurrence à travers son comportement, et cherche à s’affranchir de la concurrence pour obtenir des performances qu’elle ne mérite pas.
Dans ce cadre, l’abus est tout simplement un comportement qui a un objet ou un effet restrictif de concurrence, concurrence étant entendue comme la concurrence normale, la concurrence par les mérites, la confrontation. C’est ce que souligne le texte de l’article L. 420-2 du Code de Commerce, qui fait référence aux conditions de l’article L. 420-1 du Code de Commerce, qui vise des comportements en précisant qu’il y a exploitation abusive de la position dominante dans les mêmes conditions que celles visées à l’article L. 420-1 du Code de Commerce sur les ententes.
L’abus est donc un comportement qui a un objet ou un effet restrictif de concurrence, concurrence entendue comme confrontation normale des entreprises. C’est ce que rappelle le Conseil de la Concurrence – 7 Octobre 1997 – Saisine présentée par la Société Reebok à l’encontre d’Adidas et Ulsport.
Dans ce cadre, d’un comportement qui est mesuré par rapport à une concurrence normale et par rapport au comportement adopté dans le cadre d’une concurrence normale, alors l’entité dominante aura une responsabilité particulière, sous-entendu une responsabilité supplémentaire de ne pas porter atteinte à une concurrence effective sur le marché, selon l’arrêt Michelin du 9 novembre 1983 de la Cour de Justice des Communautés Européennes, répété dans l’arrêt Michelin II du 30 Septembre 2002 du TPICE.
La concurrence sur le marché est déjà affaiblie par l’existence de la position dominante, et du coup le détenteur de cette position dominante ne doit pas faire obstacle aux degrés de concurrence restants.
(On est en plein de la vision structuraliste de l’école d’Harvard).
L’entité dominante a un devoir de vigilance particulier. Elle doit se comporter de façon mesurée, en fonction du degré de concurrence restant sur le marché, c’est-à-dire en fonction des concurrents existant encore. Elle ne peut pas se comporter comme n’importe quelle autre entreprise. La raison en est son poids, son impact.
Si on a une entreprise qui fait 0,1% du pouvoir de marché, et qui décide d’adopter des prix prédateurs, c’est-à-dire extrêmement bas. Effets du comportement de l’entreprise sont quasiment nuls. Elle va juste vendre un peu plus. Si par hasard elle vend en dessous de ses couts de production, elle disparaîtra.
Quand une entreprise en position dominante, a 80% des parts de marché, décide de vendre à des prix prédateurs, alors il est fort probable que les 20% de parts de marché restants risquent d’aller vers elle, sortent du jeu des entreprises qui avaient 5% des parts de marché qui ne peuvent pas descendre leurs prix, et cela empêche les nouveaux entrants d’arriver sur le marché.
Tout dépend donc du poids de l’entreprise.
C’est en cela que la domination sur un marché donne une responsabilité particulière.
En raison de cet impact différent, on impose un devoir de vigilance différent.
C’est la jurisprudence classique sur l’abus de la position dominante.
Deuxième point, la conception de l’abus qui repose sur l’idée de concurrence par les mérites et une responsabilité particulière ne signifie pas pour autant que tout comportement de l’entité en position dominante est systématiquement abusif. Cet argument là est erroné, car la conception de l’abus présenté n’empêche pas l’entreprise en position dominante d’adopter des défenses stratégiques.
Dès l’arrêt United Brands du 14 Février 1978 de la Cour de Justice des Communautés Européennes, la Cour a souligné que « l’existence d’une position dominante ne saurait priver l’entreprise se trouvant dans une telle position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont attaqués, et qu’il faut lui accorder, dans une mesure raisonnable, la faculté d’accomplir des actes qu’elle juge appropriés en vue de protéger ces-dits intérêts ».
L’entité qui est en position dominante, n’est pas condamnée à l’inaction. Il faut réagir de manière raisonnable. En droit de l’Union Européenne, cela signifie tout simplement qu’il faut adopter un comportement objectivement nécessaire et proportionné, pour répondre à la difficulté particulière. C’est d’ailleurs la position de la Cour de Cassation, Com – 14 Février 1995 – Labinal.
Par exemple, lorsqu’elle est confrontée à une stratégie commerciale agressive en matière de prix, l’entreprise en position dominante a la possibilité de baisser ses prix également, mais elle doit le faire de manière appropriée et équilibrée. Elle ne peut pas effectuer un alignement général de ses prix sur ceux de ses concurrents. Elle peut uniquement effectuer un alignement sur les prix d’un concurrent qui seraient en mesure d’approvisionner un de ses clients. C’est ce qu’on appelle un alignement défensif, selon la Cour de Justice des Communautés Européennes – Akzo – 3 Juillet 1991.
Un alignement de prix ne peut pas être effectué à un niveau inférieur au coût de production du bien en cause. On prend en compte en général la moyenne des coûts variables, c’est-à-dire les coûts qui varient en fonction des quantités produites. Un coût fixe, ca va être la location d’un immeuble, Akzo.
Sinon, on considère que l’alignement se fait à perte pour l’entreprise, et ce n’est pas le problème de la vente à perte, mais de la volonté de l’entreprise de préserver sa position dominante en cherchant à écarter un rival plus performant. Seule une entreprise en position dominante peut supporter une période de perte si elle sait que ca fera disparaître un concurrent, pour par la suite remonter ses prix. Ce comportement est un comportement abusif, et ne constitue pas une réponse adéquate, pertinente, équilibrée à la difficulté rencontrée par l’entreprise en position dominante.
En revanche, en petite entreprise, on décide de baisser ses prix pour un certain temps, cela ne sera pas considéré comme un abus.
Une entité en position dominante peut aussi invoquer des objectifs de qualité, de sécurité ou de santé pour justifier un abus de position dominante comme un refus de vente, mais ce comportement doit toujours être nécessaire et proportionné aux objectifs invoqués.
Dans l’arrêt United Brands, la Cour de Justice des Communautés Européennes va reconnaître que l’entreprise pouvait chercher à protéger la qualité de son produit, mais qu’elle devait avoir un comportement proportionné. L’interdiction faite aux mûrisseurs agréés de revendre ses bananes United Brands à l’état vert, notamment à d’autres mûrisseurs agréés sera une interdiction justifiée par United Brands quant à la qualité, mais elle dépasse largement cet objectif de qualité invoqué.
Dans l’affaire Ilti du 12 Décembre 1991 du TPICE, le tribunal constate que la société Ilti pratiquait des ventes liées, elle vendait des machines à clou liés à la vente de chargeurs et de clous.
Elle imposait ses ventes liées à ses clients. Cela était justifié en invoquant des exigences de fiabilité et de sécurité. Il existait d’autres fabricants de chargeurs et de clous, qui étaient adaptables aux machines Ilti.
Le tribunal va rejeter l’argument « dès lors qu’elle peut, dans l’hypothèse où la protection de ses droits l’exige, elle peut mettre en œuvre les procédures prévues par les différentes législations nationales en matière de responsabilité du fait des produits ou de publicités mensongères. Une entreprise en position dominante ne peut tirer argument du caractère prétendument dangereux, et de la qualité prétendument inférieure des produits de ses concurrents destinés à être utilisés à l’aide d’un appareil qu’elle fabrique et commercialise pour justifier des pratiques abusives consistant à tenter d’éliminer ces produits du marché afin de protéger sa position commerciale ». D’une manière générale, il n’appartient pas à une entreprise en position dominante de prendre des mesures destinées à éliminer les produits qu’elle considère dangereux ou d’une qualité inférieure à ses propres produits.
Cela est rappelé dans les lignes directrices de la Commission du 9 Février 2009 au point 29, à propos de la notion de domination : « à plus forte raison, l’entreprise ne saurait être fondée à imposer sa propre justice. Par exemple, elle ne peut pas adopter des mesures de représailles contre des pratiques commerciales qu’elle estime déloyales ou illicites ».
Dans un arrêt DPB Industries du 9 Avril 1993 – TPICE, la justification invoquée doit être nécessaire et proportionnée. Les justifications susceptibles d’être invoquées sont assez nombreuses.
Dans l’arrêt Duales System Deutschland du 24 Mai 2007, le tribunal vise comme justification le respect du droit des marques et le bon fonctionnement du système de collecte et de recyclage des emballages.
Dans sa décision du 8 Novembre 2005 – Pratiques mises en œuvre par les congrégations cisterciennes, le Conseil de la Concurrence va considérer que la limitation des capacités d’accueil d’un site protégé justifie le monopole de la desserte des visiteurs détenus par les cisterciens, qui paraît être la seule solution si on veut protéger et maintenir la protection de ce site.
Il n’y a pas en principe de comportement qui seraient en eux-mêmes interdits à une entreprise en position dominante. Il n’y a pas de comportements abusifs par principe.
L’entreprise peut tout faire tant que cela reste objectivement nécessaire et proportionné.
Si le comportement restreint la concurrence tant qu’il est proportionnel à une nécessité objective, alors il sera susceptible d’échapper à la qualification d’abus, et ceci dans l’acceptation classique de l’abus.
- Le renouveau de la notion
Troisième point, quand à la conception de l’abus fondé sur la concurrence sur les mérites et le caractère normal ou anormal du comportement a été très critiquée.
Une partie de la doctrine qui s’appuye sur une analyse plus économique de la restriction de concurrence considère que les notions de « comportement normal », de « concurrence par les mérites » sont des notions trop floues, pas assez juridiques, avec un manque de lisibilité et de transparence.
Pour cette doctrine, ces notions ont donné lieu à une jurisprudence dogmatique, qui a qualifié d’abusif systématiquement des comportements sans s’attacher à leurs effets sur le bien être du consommateur.
Pour cette doctrine, on a développé une jurisprudence trop formaliste, on aurait développé une grille de comportements abusifs, et on regarde si le comportement rentre dans la grille ou non.
Cette jurisprudence était dangereuse car elle pénalise les entreprises les plus performantes, mettant à leur charge une responsabilité supplémentaire, leur retirant ainsi la possibilité de tirer profit du fait qu’elles sont les meilleures. Cette doctrine condamne la méfiance envers les entreprises dominantes. La vision structuraliste de l’abus est remise en cause.
L’interdiction des abus de position dominante n’est pas un moyen de protéger le processus concurrentiel en maintenant une multiplicité de concurrents selon la doctrine.
Pour les tenants de l’analyse économique, l’objectif de l’interdiction des abus de position dominante et du droit de la concurrence en général n’est pas la protection des concurrents, mais la protection du bien être du consommateur. Il faut donc faire un nouvel étalonnage, et installer une nouvelle grille de concurrence.
Selon eux, un comportement n’est abusif que s’il entraîne un préjudice pour le consommateur.
La disparition d’un concurrent qui n’entraîne pas un préjudice pour le consommateur, ne serait en revanche pas qualifiée d’abus. Toute disparition d’entreprise n’est pas nécessairement un préjudice pour le consommateur.
Cette conception de l’abus repose sur la seule analyse des effets du comportement en cause, puisqu’aucun comportement n’a un objet a priori contre le consommateur.
En revanche, certains comportements ont un objet particulier, et on regarde si oui ou non ils ont un effet sur le bien être du consommateur. En outre, le constat d’un effet restrictif de concurrence sur la structure de concurrence n’est pas suffisant pour retenir un abus, il faut prendre en compte d’éventuels gains d’efficacité (prix, qualité, innovation…), qui résultent de ce comportement.
Ce n’est qu’à l’issue de ce bilan effets restrictifs/éventuels gains que l’on pourra qualifier si le bilan est négatif, le comportement d’abusif. Le comportement abusif serait un comportement ayant un effet restrictif de concurrence, insuffisamment justifié par la poursuite de gains d’efficience au profit du consommateur.
Cette nouvelle logique fait que dans certains cas, des comportements considérés comme abusifs ne le sont plus. Une entreprise en position dominante adopte des prix très bas, au dessus du coût, plus bas que n’importe quelle autre entreprise.
Soit on considère que comme personne ne peut s’aligner sur elle, elle propose des prix prédateurs, destinés à évincer les autres concurrents, et a donc un comportement abusif.
Soit on considère au contraire, que cette entreprise, en proposant des prix si bas, tire profit de son savoir-faire, de ses effets de gamme, de réseau, d’expérience, de ses économies d’échelle pour proposer le même produit que n’importe qui d’autre mais à un prix plus faible… Les autres entreprises disparaissent, mais les consommateurs en profitent car ils ont un prix très bas. Si rien ne permet de penser qu’une fois les autres entreprises disparues, l’entreprise va réaugmenter ses prix, quel est le mal ? Les consommateurs bénéficient des prix très bas.
A long terme, est-ce bien que le consommateur se prive des autres concurrents ? Ne prend-t-on pas une option sur un préjudice à long terme contre le consommateur ?
British Airways, Microsoft et Michelin sont les arrêts qui ont lancé cette théorie.
Cette conception a plus ou moins été intégrée par la Commission, qui a revu sa position dans la Communication du 9 Février 2009. Le fait de baisser les prix profite au consommateur, donc tout va bien. Cette Communication est limitée à une catégorie d’abus que sont les abus d’éviction, mais néanmoins, la Commission pose des lignes qui intègrent les apports de l’analyse économique, qui sont sans doute valables pour tous les abus.
Ce qui est intéressant, c’est que la Commission ne fait aucun choix définitif entre la protection du bien être du consommateur, ou la protection du processus concurrentiel et donc des concurrents.
L’objectif de l’article 102 apparaît comme la combinaison des deux.
Si l’atteinte à la concurrence provoquée par un comportement est compensée par des gains d’efficience, alors le comportement ne sera pas abusif. L’entité dominante, pour que son comportement ne soit pas qualifié d’abus alors qu’il a un effet restrictif de concurrence, doit démontrer quatre conditions cumulatives :
- Le comportement entraîne ou entraînera avec une vraie probabilité la réalisation de gains d’efficience (innovation, qualité, prix…).
- Le comportement est proportionné à la réalisation de ces gains d’efficience. Un comportement moins restrictif ne doit pas être capable de produire les mêmes biens.
- Les gains d’efficacité produits ou susceptibles d’être produits l’emportent sur les effets préjudiciables sur la concurrence et le bien être des consommateurs.
- Le comportement n’élimine pas une concurrence effective en supprimant la totalité ou la plupart des sources de concurrence actuelles ou potentielles. Le maintien du jeu de la rivalité est important. Une concurrence résiduelle doit subsister.
Si ce n’est pas le cas, les gains d’efficience ne peuvent pas être invoqués. Cette nouveauté de la démarche de la Commission appelle trois remarques :
- Elle intègre dans le raisonnement sur la qualification de l’abus des considérations analogues à celles visées par l’article 101§3 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne. Ainsi, d’après la Commission, quand on a un comportement restrictif de concurrence dont résulte un progrès économique au sens gain d’efficience, le comportement n’est pas abusif comme sous l’empire de l’article 101§3, une entente est exemptée. C’est la même mécanique.
- Cette démarche rapproche le droit français et le droit de l’Union Européenne, puisque l’article L. 420-4 du Code de Commerce prévoit la possibilité d’exempter un abus de position dominante, s’il y a un progrès économique entraîné par le comportement abusif.
- Cette démarche souligne la volonté de la Commission de ne pas se détourner définitivement de l’approche structuraliste. Une entreprise en superdominance ne pourra pas diminuer davantage la concurrence par des gains d’efficience.
Conclusion :
9 Septembre 2010 – Tomra Systèm – TPICE.
En revanche, la mise en œuvre de la définition est donc renouvelée dans la mesure où la qualification de l’abus intègre la prise en compte de justifications objectives, mais aussi de gains d’efficacité éventuels qui n’étaient pas auparavant pris en compte, Cour de Justice des Communautés Européennes – 16 Septembre 2008 – Lélos.
La jurisprudence n’a pas renoncé à se référer à la structure du marché, Cour de Justice des Communautés Européennes – 14 Octobre 2010 – Deutsche Telecom, et la jurisprudence continue également de recourir si utile, à la notion d’objet anticoncurrentiel pour qualifier l’abus, TPICE – 9 Septembre 2009 – Clearstream, et CA de Paris – 9 Mars 2010 – SNCM.
Il y a utilisation modérée de l’analyse économique dans la notion de l’abus.
- Typologie de l’abus
- Les abus d’exploitation
Blanc
- Les abus de monopolisation
Blanc
Conclusion
Blanc
Deuxième remarque, sur le lien de causalité entre l’abus et le lien de position dominante, dans l’arrêt Hoffmann Laroche, la Cour de Justice des Communautés Européennes a souligné qu’il n’était pas nécessaire que l’abus de puissance économique soit le moyen de l’abus, mais en revanche en droit français, le Conseil de la Concurrence souligne la nécessité d’un lien de causalité entre le pouvoir de domination de l’entreprise et l’entrave apportée au libre-jeu du marché.
Dans un arrêt de la Cour de Cassation – GlaxoSmithKleine, la Cour considère que les articles du traité présupposent l’existent d’un lien entre la position dominante et le comportement prétendument abusif. Pour la Cour de Cassation, droit français et droit de l’Union Européenne sont identiques sur ce point, il faut un lien entre la position dominante et le comportement prétendument abusif.
Cela ne va pas dans le sens d’Hoffmann Laroche, et il n’appartient pas à la Cour de Cassation d’interpréter le traité.
L’existence d’un lien entre la position dominante et le comportement prétendument abusif n’est peut être pas la même chose que le lien de causalité. Peut-on être en position de dominance sur un marché et effectuer un abus sur un autre marché ? Sur ce point, la Cour de Justice des Communautés Européennes considère effectivement que l’abus peut être constitué sur un marché distinct du marché dominé dans deux situations :
- Lorsque l’on peut considérer qu’en fait que l’entreprise cherche à renforcer sa position dominante à travers la pratique qu’elle met en œuvre sur un marché distinct selon l’arrêt Akzo du 3 Juillet 1999.
- Lorsque les marchés présentent des liens de connexité entre les marchés, si étroits qu’en réalité l’entreprise est en position dominante sur l’ensemble des marchés selon l’affaire TetraPak du 14 Novembre 1996.
Dans l’arrêt Glaxo Smith Kleine, les juges reprennent ces jurisprudences, et constatent qu’en l’espèce, on n’est dans aucune des deux situations. Du coup, la question qui se posait de savoir si les prix prédateurs exercés par GlaxoSmithKleine (laboratoires pharmaceutiques) sur un marché où il n’est pas en position dominante ne constituait pas un abus de position dominante pour la Cour de Cassation, aux sens des articles L. 420-2 alinéa 1 du Code de Commerce, et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne ?
La Cour de Cassation répond par la négative, car ces prix prédateurs ne renforcent pas sa position dominante, et les deux marchés n’ont pas un lien de connexité suffisant.
Une partie de la doctrine considère que ce type de comportement d’une entreprise en position dominante, consiste à envoyer un signal au marché.
Troisième remarque, il existe une difficulté particulière liée à l’application de l’article 106§1 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne et à l’octroi de droits spéciaux ou exclusifs à certaines entreprises par les pouvoirs publics.
Quand un Etat octroie un droit spécial ou exclusif, il est possible que l’entreprise qui en bénéficie soit mise automatiquement en position d’abus. On parle d’abus automatique.
Le terme « automatique » est en fait inapproprié, on devrait parler de « présomption d’abus », c’est-à-dire que potentiellement, l’entreprise est mise en situation d’abuser de sa position dominante.
En général, il y a trois cas de figure qui entraînent la qualification d‘abus automatique :
- Le cas du monopole défaillant.
On attribue un monopole à une entreprise qui n’est pas à la hauteur de la demande, et on refuse que d’autres entreprises viennent compléter la demande. C’est l’arrêt Höffner du 23 Avril 1991.
- Le cas du conflit d’intérêt.
L’entreprise bénéficie d’un droit spécial qui entre en conflit avec les intérêts de ses concurrents.
Par exemple, l’arrêt Motoé du 1Er Juillet 2006 de la Cour de Justice des Communautés Européennes où Motoe choisissait les entreprises qui pouvaient accéder au marché, sur lequel Motoé était présent.
- Le cas de l’extension injustifiée de monopole
Dans un arrêt du 3 Octobre 1985 de la Cour de Justice des Communautés Européennes – Telemarketing, avec une volonté d’étendre le monopole légal sur un marché connexe.
Cette théorie existe en droit français, en tout cas depuis que les juridictions administratives appliquent le droit de la concurrence, puisque la jurisprudence Millions et Marrais de 1997 est une affaire où le Conseil d’Etat reconnaît par la suite l’existence d’un abus automatique.
Conclusion du chapitre – La mise en œuvre du droit des pratiques anticoncurrentielles
Le contrôle de ces pratiques intervient devant plusieurs autorités : la Commission, une ACN, devant des juges nationaux (civils, commerciaux, administratifs…), les arbitres, ou la Cour de Justice des Communautés Européennes. Toutes ces juridictions ne prononcent pas le même type de sanction, et ne suivent pas la même procédure de contrôle.
D’abord, les infractions sont susceptibles d’être constatées par les autorités de concurrence spécialisées
Devant la Commission, il y a une procédure qui est organisée principalement par le règlement I 2003 du 16 Décembre 2002 complété par le règlement 773 2004 du 7 Avril 2004.
Devant l’Autorité de la Concurrence, la procédure résulte des articles L. 450-1 à L. 470-8, et R. 450-1 à R.470 -8 du Code de Commerce.
Ces procédures sont concurrentes et se déroulent devant l’Autorité de la Concurrence et la Commission, de manière assez similaire. Il existe une règlementation spécifique du procès devant les autorités de concurrence de l’Union Européenne et française.
Il existe plusieurs phases :
- La phase préliminaire, l’instruction.
Celle-ci peut être découpée en deux étapes, qui s’entremêlent :
- La saisine de l’autorité
Celle-ci peut se faire sur plainte ou d’office.
- Devant la Commission, la plainte peut être déposée par un Etat-membre. Cela est très rare puisqu’extrêmement mal vu.
Autrement, toute personne physique ou morale qui a un intérêt légitime, ce qui vise d’abord les entreprises victimes d’une infraction.
Devant l’Autorité de la Concurrence, la plainte est ouverte au Ministre de l’Economie, aux entreprises, aux collectivités territoriales, aux organisations professionnelles ou de consommateurs, aux syndicats, aux chambres d’agriculture, aux chambres des métiers et du commerce, ainsi qu’une possibilité de plainte par le maire (L. 752-5 du Code de Commerce), enfin les autres autorités de régulation.
- La saisine d’office intervient en général à la suite soit d’une plainte officieuse (dénonciation), soit de part l’existence d’une enquête sectorielle effectuée par l’ACN. Il y a énormément de saisine d’office de la part de la Commission.
- L’enquête préalable
Elle peut intervenir après la plainte, mais certaines enquêtes arrivent avant la plainte. On va voir officieusement l’Autorité de la Concurrence, on lui dit quelque chose d’intéressant, et celle-ci décide d’enquêter.
C’est une étape cruciale, parce qu’elle est entièrement organisée par les services de l’autorité de concurrence concernés. On est dans le cadre d’une procédure inquisitoriale, et à partir de cette enquête on établit le contexte factuel de l’affaire.
Les pouvoirs de la Commission et de l’Autorité de la Concurrence sont très étendus.
Ils sont néanmoins encadrés par le principe du respect des droits de la défense.
La Commission dispose du pouvoir de demander des renseignements. C’est le plus souvent envoyer un questionnaire, que l’entreprise remplira, éventuellement sous astreinte (date limite, ou astreinte prononcée). Cela peut se faire gentiment ou de manière plus agressive, c’est-à-dire que la Commission prend une décision qui a un effet juridique, avec le risque d’une astreinte et d’une sanction pour ne pas avoir répondu.
La Commission a également le pouvoir d’effectuer des inspections, des saisies et mises sous scellées dans les locaux des entreprises contrôlées. Eventuellement, également sous astreinte mais elle peut aussi effectuer les inspections et saisies au domicile d’un dirigeant ou d’un employé.
Enfin, elle peut auditionner toute personne acceptant d’être interrogée.
L’exercice de ce pouvoir doit être conforme au principe de proportionnalité et de nécessité.
Les informations recueillies sont également couvertes par le secret professionnel, et le courrier avocat-client est confidentiel. En revanche, les documents des juristes d’entreprise ne sont pas couverts.
Enfin, les inspections et saisies qui sont contraignantes lorsqu’il y a un refus de collaboration ne peuvent être respectées qu’en respectant les garanties procédurales prévues en France. Quand la Commission veut contraindre l’entreprise à la laisser entrer dans ses locaux, on passe par les procédures nationales.
L’Autorité de la Concurrence dispose de pouvoirs à peu près comparables, et dès que les personnes ne collaborent pas spontanément, les visites et saisies effectuées doivent être autorisées par le JLD, ce de façon motivée. Cette ordonnance ne fait droit que si les éléments d’information fournis au juge permettent de présumer l’infraction.
A l’issue de cette phase d’instruction préliminaire, l’autorité peut à partir d’un moment se considérer en mesure de poursuivre l’affaire. Devant la Commission, il y a un principe d’opportunité des poursuites.
Si les autorités estiment qu’elles poursuivent l’affaire, elles rédigent et transmettent les griefs qu’elles reprochent aux entreprises contrôlées.
- La phase de débats contradictoires
La communication et la notification des griefs marquent l’ouverture des poursuites. Commence alors une phase de débats contradictoires.
Pendant toute la phase d’instruction préliminaire, les entreprises contrôlées n’ont pas pu défendre leurs points de vue. A partir de cette communication des griefs, les entreprises poursuivies peuvent enfin présenter leurs arguments et les opposer à la position défendue par les autorités de concurrence.
A partir de la transmission des griefs, la procédure devient contradictoire.
Les entreprises ont le droit de présenter des observations écrites, et ont le droit d’accéder aux dossiers.
Il peut aussi y avoir une phase orale.
Dans cette phase de débat contradictoire, devant une situation d’urgence, l’autorité de concurrence peut être amenée à faire des mesures conservatoires. Mais c’est très rare, il faut éviter que l’infraction, l’entrave détruise définitivement le jeu de la concurrence sur un marché. Ce type de mesure se justifie uniquement en cas d’atteinte grave ou immédiate à une entreprise ou à un secteur. L’idée est que pour les mesures d’urgence, l’autorité de la concurrence prend une mesure pour éviter que sa décision finale soit inutile.
A l’issue du débat contradictoire, l’autorité de la concurrence va prendre une mesure définitive sur le fond pour constater l’existence ou non d’une infraction.
Dans un arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 3 Mai 2002 – Télé 2 Polsja, qui fait une application littérale de l’article 5 du règlement I 2003, car elle considère qu’une autorité nationale ne peut pas conclure définitivement sur l’absence d’infractions aux articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne. L’autorité nationale peut seulement dire qu’elle n’a pas lieu d’intervenir pour appliquer ces articles.
Lorsque l’autorité spécialisé considère que l’infraction est constituée, d’abord elle constate l’infraction, et enjoint aux entreprises de mettre fin aux pratiques. Cela peut impliquer la modification de clauses contractuelles. L’Autorité de la Concurrence ou la Commission peut invoquer la réduction de la durée d’une clause de non-concurrence.
Plus exceptionnellement, il y a une possibilité de prendre des mesures structurelles, c’est-à-dire des mesures qui consistent à céder des actifs pour diminuer le pouvoir de marché d’une entreprise. Cela est beaucoup plus rare.
Les autorités peuvent également imposer des sanctions pécuniaires. En théorie, cette sanction peut aller jusqu’à 10% du CA mondial de l’entreprise. Cette sanction est proportionnée à la gravité de la pratique, aux dommages portés à l’économie du secteur, à la situation de l’entreprise et à l’éventuelle récidive.
Le calcul est un enjeu majeur pour le droit des pratiques anticoncurrentielles.
La sanction pécuniaire a d’abord un effet réparateur, c’est-à-dire qu’elle doit constituer un désavantage venant compenser le profit obtenu grâce à la pratique. Elle a également un effet punitif, si le montant est tel qu’on dépasse un simple effet réparateur. Enfin, elle a un effet dissuasif si l’entreprise considère qu’il n’y a aucune justification juridique à court et à long terme des pratiques anticoncurrentielles, que le risque est trop important pour qu’il soit pris.
Le droit de l’Union Européenne et le droit français prévoient des mécanismes de réduction des amendes, et dans certains cas des mécanismes d’immunités. Il existe un mécanisme de clémence reposant sur l’incitation à dévoiler aux autorités une infraction. Il existe également une procédure d’engagement.
Chapitre II – Le contrôle des opérations de concentrations
Section I – Le champ d’application des règles relatives aux concentrations