DROIT INTERNATIONAL PRIVE
Avant de définir le droit international privé (ou DIP), il convient de définir la notion de « droit international . Le droit international est composé de règles négociées, définies et acceptés par les États.
Ces règles peuvent être formalisées sous forme :
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- – de traités (traité international de lutte antitabac, …),
- – d’accords (l’accord Ramoge relatif à la protection des eaux du littoral méditerranéen,
- – de conventions (la convention internationale relative aux droits de l’enfant),
- – de chartes (la charte internationale Espace et catastrophes majeures, …),
- – de protocoles (le protocole de Kyoto visant à réduire l’émission de gaz à effet de serre, …)
- – de déclarations (déclaration universelle des droits de l’homme, …).
La nécessité du droit international
Chaque État dispose d’un système juridique spécifique composé de règles qui régissent les comportements des hommes entre eux sur son territoire. À partir du moment où un ressortissant d’un pays quitte ses frontières nationales (par exemple, pour se marier avec une personne de nationalité différente, travailler à l’étranger, partir en vacances, …), il faut déterminer quelle sera la loi applicable.
- Cours gratuit de droit international
- L’éviction de la loi étrangère (fraude à la loi, ordre public international)
- L’application de la règle de conflit et de la loi étrangère
- Les conflits de qualification en droit international
- Les conflits de loi en droit de la famille (divorce, filiation, mariage)
- Nationalité et domicile : critère de rattachement en droit international
- Conflits de lois en droit civil (succession, contrat, responsabilité)
On distingue le droit international public et le droit international privé
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- – Le droit international public. Le droit international public est l’ensemble des règles qui organisent les relations entre les États. Exemple : l’accord entre la France et l’Italie sur le contrôle de la circulation dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus.
- – Le droit international privé
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Le droit international privé est l’ensemble des règles qui organisent les relations entre personnes privées (personnes physiques, sociétés, organisations non gouvernementales) de nationalités différentes. Exemple : le mariage entre un français et une belge.
Voici le plan du cours de droit international privé :
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- Introduction
- Section 1 : Objet et domaine du droit international privé
- A) Objet du droit international privé
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- ) Prise en considération des relations internationales
- 2) Prise en considération des relations entre les individus
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- B) Domaine du droit international privé
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- 1) Sujet du droit international privé (nationalités et conditions des étrangers)
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- 2) Exercice des droits ou droit international privé
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- ) Sanction des droits en droit international privé :
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- Section 2 : les méthodes du droit international privé
- A) Les règles matérielles (substantielle)
- B) Les règles de conflit de lois
- Section 3 : Les sources du droit international privé.
- A) Les sources internes
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- 1) La loi (1ère source interne) :
- 2) La jurisprudence :
- 3) La doctrine
- B) Les sources internationales
- 1) Les traités
- 2) Les autres sources internationales.
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- Section 4 : Nature du droit international privé.
- A) Le Droit International privé est-il un droit international ou un droit interne
- B) Le Droit International privé est-il une discipline de droit public ou de droit privé ?
- PARTIE 1 :LES RÈGLES DE CONFLIT DE LOIS
- TITRE 1 THÉORIE GÉNÉRALE DES CONFLITS DE LOIS.
- Chapitre 1La formation historique de la règle de conflit de lois
- Section 1 : De l’Antiquité au code civil
- A) Le Moyen-Age et la doctrine italienne des statuts
- B) Les auteurs français du 16e siècle
- 1) Le 1er Français : Charles Dumoulin (1500-1566)
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- 2) Berthrand d’ Argentré ( 1519-1590)
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- C) La doctrine hollandaise de la courtoisie internationale
- Section 2: du Code civil à nos jours
- A) Le Code civil de 1804
- B) Les auteurs du XIXe siècle et le courant universaliste
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- 1) la doctrine de Mancini
- 2) Doctrine de Savigny ( 1779 – 1861)
- 3) Doctrine d’ Antoine Pillet ( 1857- 1924)
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- C) Les doctrines contemporaines et les courants territorilaistes et particularistes (fin 19iéme –début 20ième siècle) : Bartin et Niboyer.
- Chapitre 2 : L’élaboration de la règle de conflit de lois
- Section 1 La désignation de la loi applicable à un rapport de droit.
- A) Les modes unilatéralistes ou bilatéralistes.
- 1) La méthode unilatérale
- B) La règle de conflit bilatéral
- B) La place respective de ces méthodes en droit international privé français
- C) La diversification de la méthode conflictuelle.
- Section 2 : Le caractère étatique de la loi désignée par la règle de conflit.
- A) Faut-il que l’Etat étranger dont la loi a été déclarée applicable, ait été reconnue par l’Etat français?
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- 1) Les Etats non reconnus par la France.
- 2) Les Etats annexés.
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- B) La distinction entre les conflits internes et les conflits internationaux de lois.
- TITRE 2 : LES PRINCIPALES RÈGLES DE CONFLITS DE LOIS
- Section 1 : Le statut personnel (localisation par le sujet)
- A) Le statut individuel
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- 1) Le rattachement à la nationalité ou au domicile.
- 2) Les difficultés d’application du rattachement à la nationalité.
- 3) Domaine d’application de la loi nationale
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- B) Le statut familial
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- 1) Le mariage
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- a) Les conditions de validité du mariage
- 2) Les effets du mariage
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- 2) Le divorce
- 3) La Filiation
- a) Filiation par le sang : légitime ou naturelle
- b La loi applicable à la filiation adoptive
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- Section 2: le statut réel (localisation par l’objet)
- A) Détermination de la loi applicable aux biens corporels
- B) Le domaine de la loi applicable
- Section 3. Le statut des actes et des faits juridiques (localisation par la source)
- A) Les actes juridiques
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- 1) La forme des actes juridiques
- 2) Le fond des actes juridiques
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- B) Les faits juridiques
- C) Droit patrimonial de la famille
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- 1) Régime matrimonial
- 2) Droits des successions
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- TITRE 3 : MISE EN ŒUVRE DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
- SOUS-TITRE 1 : L’INTERPRÉTATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
- CHAPITRE 1 : LA DETERMINATION DE L’OBJET DE RATTACHEMENT : LES CONFLITS DE QUALIFICATION.
- Section 1 : La détermination de la loi de qualification.
- 1) Qualification lege fori.
- 2) Qualification lege causae
- 3) Qualification par référence à des concepts autonomes et universels.
- Section 2 : Domaine de la loi de qualification.
- CHAPITRE 2 :LA DÉTERMINATION DU FACTEUR DE RATTACHEMENT ET LES CONFLITS DE LOIS DANS LE TEMPS
- Section 1 : les conflits de rattachement : le renvoi.
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- A : Origines du renvoi
- B/ Solutions aux conflits de rattachement.
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- Section 2: changement de facteurs de rattachement
- les conflits de loi dans le temps
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- le droit transitoire de la règle de conflit
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- B. le conflit mobile
- Sous-titre 2 : incidents dans la mise en oeuvre de la règle de conflit de loi
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- Chapitre 1 : l’application de la règle de conflit et de la loi étrangère
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- Section 1 : l’autorité de la règle de conflit
- A: l’autorité de la règle à l’égard du juge- l’office du juge
- B. l’autorité de la règle de confier à l’égard des parties
- Section 2 : la connaissance de la loi étrangère
- A. la preuve de la loi étrangère
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- B/ L’interprétation de la loi étrangère
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- CHAPITRE 2 : L’ÉVICTION DE LA LOI ÉTRANGÈRE.
- Section 1 : L’ordre public international.
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- A/ Conditions d’application de l’exception d’ordre public.
- B/ La relativité de l’ordre public.
- 1) La relativité temporelle.
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- La relativité temporelle et spatiale de l’ordre public : effet atténué de l’ordre public.
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- 2) Relativité personnelle : la proximité de la situation avec le for (= l’ordre public de proximité ou Inlandbeziehung).
- C/ Les effets de l’ordre public.
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- Section 2 : la fraude à la loi.
- A/ Constitution de la fraude.
- B/ Sanction de la fraude.
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Introduction
Section 1 : Objet et domaine du droit international privé
On peut commencer à donner une première définition du Droit International Privé. On peut dire que le Droit International Privé est l’ensemble des règles applicables aux individus dans les relations internationales. Cette définition est succincte mais cela nous donne quelques informations : ce sont des règles et elles évoluent dans la dimension des relations internationales.
Mais cela nous mène à préciser l’objet du Droit International Privé.
- A) Objet du droit international privé
Son objet principal c’est la prise en considération des relations internationales. Le deuxième point important porte sur les relations entre individus, personnes privées.
1.) Prise en considération des relations internationales
Le droit international privé n’est pas qu’un ensemble de règles. Il prend une dimension particulière. Jusqu’ici le droit interne suppose que la France est le seul pays au monde. On a raisonné en cercle fermé. Mais ça donne une vision concentrée, égocentrique du système juridique.
Dans la pratique, les individus pensent que le droit français est le seul droit applicable. En fait, qu’il s’agisse d’un accident ou d’un contrat de mariage, il se peut que ces situations fassent intervenir un français et une personne nationalité différente, étrangères. De plus, de nos jours, les individus se déplacent énormément. Il faut donc relativiser le droit interne.
C’est ce que fait le droit international privé parce que sous l’angle du droit international privé les relations s’inscrivent dans une dimension, un ordre international.
Ainsi le droit international privé va s’intéresser à tout les rapports de droit (famille, obligations, commercial…). A cette relation déjà étudiée, va se greffer un élément d’extranéité (extérieur à la nation).
Cet élément n’ est pas unique il est constitué par tout ce qui est étranger au droit français et à la nationalité française. Il peut y avoir plusieurs éléments d’extranéité. Pas seulement la nationalité. Ça peut être le lieu de conclusion d’un contrat, où le lieu où un accident s’est produit, où le lieu d’exécution d’un contrat. Exemple : accident entre deux français à l’étranger, résidant en France.
Cette présence de l’élément d’extranéité, c’est ce qui va créer la différence entre le droit interne et le droit international privé. Sa présence va déclencher un raisonnement en termes de résolution d’un conflit de loi qui va se superposer. Il est préalable au raisonnement en terme de droit interne. Exemple : droit familial : étudie les différentes causes de divorce : 2 personnes mariées de nationalités différentes domiciliées France et domiciliées dans un pays de la nationalité d’aucun des deux. Ce couple veut divorcer. Ils vont devant le juge français (qui est compétent : on verra plus tard pourquoi). Ici il y a conflit de loi. Le droit international privé va essayer de résoudre ce conflit de loi.
La conséquence de tout cela est la très grande complexité du droit international privé. Ce sont les règles du droit international privé qui vont dire laquelle des lois va régler le litige.
2) Prise en considération des relations entre les individus
On insistera ici sur la distinction entre le droit international public et le droit international privé. Le droit international public consistait à étudier les relations entre 2 ou plusieurs Etats ou entre Etats et Organisations Internationales. Le droit international privé gère les relations entre individus, personne physique ou personne morale ayant une personnalité morale. On gère cette relation entre les individus, car ces sujets développent une vie privée internationale comme une vie privée nationale. Exemple : Ils vont en vacances ou font du commerce à l’étranger
Le droit international privé peut aussi gérer des relations entre un individu et un Etat.
– Soit parce qu’ une prérogative d’un Etat affecte le statut d’un individu. Exemple : attribution de la nationalité
– Soit parce que l’Etat ou un de ses démembrements se comporte comme une personne privée. Il va conclure des contrats privés, donc le droit international privé va intervenir.
- B) Domaine du droit international privé
Cette branche peut se diviser en quatre autres branches. Quatre matières sont étudiées de manière traditionnelle :
– la nationalité
– la condition des étrangers
– conflit de juridiction
– conflit de loi
Qui sont les sujets de la communauté du droit international privé ?
1) Sujet du droit international privé (nationalités et conditions des étrangers)
Cette distinction est incontournable. Elle existe dans tous les systèmes juridiques.
- a) La nationalité
Elle peut se définir comme ensemble des règles qui déterminent l’allégeance d’un individu par rapport à un Etat.
Il existe plusieurs particularités :
– Elle est régie par la loi dans ses moindres détails et sa réglementation est contenue dans le Code civil (des articles 17 aux articles 33-2 du Code civil). Depuis 1945, il existait auparavant un code de nationalités et en 1998 cette partie a réintégré le Code civil
– Ces règles sur le droit de la nationalité consistent ce que l’on appelle des règles matérielles unilatérales. La jurisprudence n’intervient que très rarement. Seul le droit français peut dire dans quelle mesure un individu est ou n’est pas français. Et de l’autre côté le droit français ne peut pas dire dans quelle mesure un individu à une autre nationalité.
– le lien de nationalité est un lien de droit public. La nationalité est une institution de droit public car elle régie les rapports entre les individus et un Etat. De se fait l’individu se verra attribuer des droits. C’est une règle unilatérale.
– Il y a plusieurs explications pour que le droit de nationalité fasse partie du droit international privé :
o C’est un élément de l’état des personnes. Donc son contentieux relève des juridictions judiciaires exclusivement.
o En plus, il y a eu plusieurs réformes en droit de la nationalité pour s’aligner sur les principes nouvellement consacrés ( loi 6/01/73)
o Autre raison principale, c’est que notre système de solution des conflits de loi fait une place très importante à la loi nationale c’est-à-dire que l’on utilise la nationalité comme critère de rattachement.
- b) la condition des étrangers
Notion qui sert à déterminer les prérogatives dont peuvent se prévaloir les étrangers sur notre territoire.
Cela pose des problèmes multiples, en autre administratif. Ex : droit d’entrée, droit de séjour, droit public( ex: droit de vote), et sur terrain du droit privé ( ex: droit d’ exercer un commerce)
Ces questions se posent beaucoup en France car c’est un territoire d’immigration. Evidemment les règles concernant la condition des étrangers dépendent du gouvernement en place. C’est donc une question politique.
Le texte de base est l’article 11 du code civil. Mais tout le reste à un caractère réglementaire. Exemple : ordonnance du 2 novembre 1945 qui a été souvent modifier par les lois. Caractère réglementaire car le pouvoir exécutif à un grand pouvoir en cette matière. Mais en contre argument, on ne peut pas faire abstraction de la situation démocratique du pays.
Quand on parle de politique des étrangers, on parle d’ intégration des étrangers en france. Mais cette question d’ intégration se pose sur le droit des personnes (question de nom, domicile, filiation…) Pour les questions de famille, personne, … on ne va pas appliquer la loi française, on va appliquer ça loi d’ origine.
2) Exercice des droits ou droit international privé
Il faut déterminer le système juridique qui va régir les rapports juridiques entre les sujets du droit international privé. Ce système juridique déterminera qu’elles seront les droits à exercer et comment exercer ces droits.
Il y a conflit de lois à chaque fois qu’une situation juridique peut se rattacher à plusieurs Etats donc plusieurs systèmes juridiques.
Ex : tiré de la jurisprudence. Cass, 25/05/48, Lautour : Met en cause un conflit de loi en responsabilité civile. Il s’agissait d’un convoi de camions qui transportait des explosifs pendant la guerre espagnole. Les camions étaient français, conduits par des Français. Ce convoi se trouvait en Espagne quand le premier camion est entré en collision avec un train. Il explose et les autres camions sont touchés. M. Lautour est propriétaire des camions mais c’était un de ses préposés qui conduisait. Un préposé est touché. Le conducteur d’un autre camion décède. La femme de ce conducteur intente une action contre M. Lautour. Elle se fonde sur l’article 1384 alinéa 1 du Code civil qui établit une responsabilité sans-faute. Mais dans cette affaire, il existe un conflit de loi. Même si les parties étaient françaises, l’accident avait eu lieu en Espagne donc la loi de commission du délit était espagnole (lex loci delicti). Cette loi était en conflit avec la loi des parties. Donc il fallait résoudre ce conflit de loi c’est-à-dire choisir une des lois. Cette question a des répercussions pratiques car si c’est la loi française qui est choisit, donc la responsabilité de Monsieur Lautour serait établi car la femme n’avait pas à prouver la faute. Si c’est la loi espagnole, pas de responsabilité de Monsieur Lautour. Pour choisir entre les deux lois qui sont en conflit on ne fait pas attention aux solutions qu’elles donnent. Tout se passe dans l’abstrait. Dans l’affaire Lautour, la cour de cassation a consacré le principe selon lequel la responsabilité délictuelle était régie par la lex loci delicti. Donc application de la loi espagnole. Donc la veuve n’ a pas obtenu réparation.
3.) Sanction des droits en droit international privé :
Les sanctions sont plus efficaces que celles du droit international public parce qu’on peut rendre obligatoire une décision à l’encontre d’un étranger sur le territoire français, et on peut rendre exécutoire des décisions françaises à l’étranger et vice versa. Cela rend les choses plus efficaces.
Cet avantage n’empêche pas les problèmes de compétence. Et il se peut que plusieurs juridictions nationales, c’est-à-dire des pays différents, peuvent être aptes à régler les litiges. On aura deux juges de nationalités différentes compétents pour régler le divorce. Pourtant il n’existe pas de juridiction internationale qui tranche des conflits de compétences. On ne peut pas régler comme ça la question. Donc ces litiges sont portés devant les juridictions nationales.
Cette question va poser le problème de conflit de juridiction. Dans cette question se pose deux types questions, étudiées de deux façons différentes :
– Sous l’angle de la compétence directe : qui consiste à déterminer si les tribunaux français sont compétents pour un litige qui comporte un élément d’extranéité. Car là encore il doit avoir plusieurs juridictions compétentes. Logiquement cette question se pose avant celle du conflit de loi.
– Sous l’angle de la compétence indirecte, c’est-à-dire la question de l’effet des jugements dans l’ordre international. Bien souvent cette reconnaissance des décisions étrangères passe, la plupart du temps, par un jugement intermédiaire : le jugement exequatur qui est rendu par un juge français.
Quelques remarques :
– Les conflits de juridiction sont résolus par les règles de droit international privé de chaque Etat. En principe il n’y a pas de règles internationales. Exception faite en Europe où il existe la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 qui règle les questions de conflits de juridictions des Etats membres. Aujourd’hui, cette convention vient d’être transformée en règle communautaire : règlement du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence juridique et judiciaire en matière civile & commerciale (entrée en vigueur le 1ier mars 2002). Quand il y a problème et qu’on ne sait pas comment interpréter un article de ce règlement, c’est la Cour de Justice des Communautés Européennes qui est compétente.
– Le conflit de juridiction est nécessairement préalable à la résolution du conflit de loi. Il n’empêche que le juge déclaré compétent applique sa propre loi. Donc quand le juge applique sa propre loi, on appelle cela la lex fori. ( loi du juge saisi).
– Existence d’une différence de nature importante entre les règles de conflit de juridiction et de conflit de loi.
- La règle de conflit de loi est une véritable règle de conflit dans la mesure où elle va mettre toutes les lois en présence à égalité, pour effectuer le choix. Ensuite la règle de conflit se borne à désigner la loi qui sera applicable.
- La règle de conflit de juridiction n’est pas une véritable règle de conflit dans la mesure où elle ne met pas à égalité toutes les règles de juridiction. Techniquement on parle d’une règle matérielle, substantielle. Elle ne désigne pas la loi qui dira quel est le juge compétent. Elle tranche directement le problème.
Section 2 : les méthodes du droit international privé
Pour régir ces rapports, 2 grandes méthodes.
- A) Les règles matérielles (substantielle)
Elles donnent directement la solution au fond. Elles s’appliquent directement aux relations internationales sans passer par la résolution d’un conflit de loi.
Il existe des règles matérielles de source internationale qui sont contenues dans des traités d’unification entre deux ou plusieurs Etats. Exemple :Convention de Vienne 11 avril 80 sur la vente de marchandises. S’applique chaque fois que la vente est internationale.
Mais il existe des règles qui proviennent d’usages. Exemple : les lois des marchands (lex mercatoria)
Il existe aussi des règles matérielles de source interne qui ne vont s’appliquer que quand le rapport est international. Ex : art 146-1 du Code civil : le mariage d’un Français, même célébré à l’étranger, requiert sa présence.
Il y a beaucoup de règles matérielles d’origine jurisprudentielle : Ex : cour cass, 2 mai 1966 , Galakis. Dans cette affaire l’Etat français était partie à un contrat international et le problème était de connaître la validité d’une clause compromissoire qui avait été insérée dans le contrat. Or, il y a des dispositions françaises qui interdisent à l’Etat de compromettre. Donc si le contrat devait être régi par la loi française, la clause aurait dû être nulle. Cette question soulève aussi un problème de capacité contractuelle. Or , normalement la question de la capacité juridique est soumise à la loi nationale de chaque pays. Ici l’une des parties est l’Etat français et donc cette question de capacité aurait dû être régie par la loi française. Or, la Cour de cassation dans cet arrêt a posé une autre solution et c’est une règle matérielle de Droit International privé car ce principe s’applique, quelle que soit la loi applicable au contrat. Pour la cour, la clause compromissoire dans les contrats internationaux est toujours valable !
Mais l’on trouve aussi des règles matérielles dans d’autres domaines : en droit de la nationalité , en matière de conflit de juridiction, en droit des étrangers.
Ce sont des règles matérielles car il n’y a pas désignation d’une loi. On a tout de suite la substance de la solution, ce procédé de la règle matérielle est direct mais l’inconvénient est que ça ne va pas conduire à l’uniformisation des règles matérielles entre les pays car chaque système national va adopter sa propre solution.
- B) Les règles de conflit de lois
La règle de conflit de loi n’apporte pas de solution directe mais se contente de désigner le système juridique qui sera appliqué à la relation en cause. C’est une règle indirecte : elle désigne simplement le droit et une fois le système juridique désigné , on appliquera les règles matérielles internes de ce système juridique.
Cette règle de conflit de loi a aussi la particularité de désigner le champ d’application des différentes lois qui sont en conflits car chacune a un lien avec la situation juridique. Ex : un Français au cours d’un voyage en Belgique achète un immeuble qui se trouve aux Pays-Bas. Dans cette hypothèse, conflit de lois entre 3 lois. La règle de conflit va attribuer les domaines à chaque loi : une règle de conflit dira que le transfert de propriété sera régie par la loi hollandaise, la capacité de contracter par la loi française … C’est donc une règle de répartition.
Mais l’application de la loi du plus fort ou l’application cumulative des lois en présence conduit à une solution restrictive. L’on a pensé alors qu’il fallait laisser plus de place à la loi étrangère et le fait de l’appliquer ne porte pas atteinte à la souveraineté française. C’est pour cela que l’on a crée la règle de conflit de loi. C’est pour cela aussi que c’est la méthode la plus utilisée. Mais cette méthode est plus complexe qu’une règle matérielle car cela suppose plusieurs choses : de diviser la matière juridique en plusieurs catégories, et à chaque catégorie on attribue un rattachement et c’est cette équation catégorie / rattachement qui permettra de désigner le droit applicable à la situation. Et une fois le droit désigné, on appliquera les règles matérielles de ce droit désigné.
Schéma :
- question de droit
¯
- qualification
¯
- catégorie
Donc, la règle matérielle donne la règle substantielle du litige et la règle de conflit de lois est une méthode de désignation uniquement.
Section 3 : Les sources du droit international privé.
2 types de sources. En Droit International privé la doctrine s’est opposée très tôt sur les caractères que devaient avoir les sources du Droit International privé.
D’abord les universalistes ont estimé qu’il fallait donner la primauté aux sources internationales et trouver donc des solutions de valeur universelle.
L’autre courant, le courant particulariste, nie au contraire la possibilité d’une unification : pour ce courant, le Droit International privé n’est qu’une projection des droits internes sur le plan international.
- A) Les sources internes
On dit souvent que le Droit International privé est international par ses sources.
1) La loi (1ère source interne) :
Son rôle est restreint en Droit International privé, sauf dans le domaine de la nationalité et de la condition des étrangers.
– Art 3 code civ. : traite des conflits de lois.
– Art 311-14 à 311-18 code civ. : contiennent des règles concernant la filiation.
– Art 310 code civ. : traite du divorce
– Et récemment, loi du 6 février 2001 sur l’adoption internationale (art 370-3 à 370-5)
2) La jurisprudence :
Etant donné le rôle restreint de la loi , la jurisprudence est devenue une source essentielle du Droit International privé .
3) La doctrine
Là encore on peut dire que la doctrine a un rôle essentielle à jouer, notamment parce que les tribunaux statuent sur des cas d’espèce et qu’il faut des juristes pour passer du particulier au général.
La 2eme raison est que le Droit International privé est une matière complexe et donc passer du particulier au général n’est pas si simple et l’on constate que les juges s’en remettent souvent aux spécialistes pour les questions de Droit International privé. On s’est aperçu que les décisions étaient influencées par la doctrine. Donc place importante.
- B) Les sources internationales
1) Les traités
Ils poursuivent des buts variés . 2 types de traités internationaux selon leur but .
– Tout d’abord, des traités qui vont avoir pour but d’unifier les règles matérielles de fond. Dans cette catégorie, il y a la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises. Ces conventions ont pour but d’unifier les règles de fond, cad qu’entre tous les Etats parties à la convention de Vienne, on aura les mêmes règles concernant la formation, l’exécution du contrat de vente et les obligations du vendeur. Facilite l’harmonie des solutions, mais il y a beaucoup d’inconvénients : difficiles à négocier, elles sont le résultat d’un compromis, et elles laissent subsister des problèmes de délimitations entre le domaine du droit interne pur et le droit de la Convention. De plus, ce but d’unification n’est pas atteint à 100% pour plusieurs raisons : Tous les pays du monde n’ont pas ratifié cette convention et ensuite, même si c’était, il resterait toujours des divergences d’interprétations.
– La 2e catégorie de traités tend à unifier les règles de conflit de lois et les règles de conflit de juridiction. Ici, plusieurs exemples :
Pour les conflits de juridiction : la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la compétence judiciaire et l’effet des jugements en matière civile et commerciale. La convention a été transformée en règlement communautaire du 22/01/00 et elle a été récemment complétée par la « Convention de Bruxelles n°2 » adoptée sous forme de règlement du 29 mais 2000 et qui a ajouté la matière familiale.
Les autres conventions unifient les règles de conflit de lois et sont de plus en plus nombreuses :
Ex : la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles .
Mais les conventions les plus importantes en matière d’unification ont été adoptées par la conférence de Droit International privé de La Haye, cette conférence réunit les Etats du monde entier et s’est réunie pour la 1ère fois en 1883. Elle a adopté beaucoup de conventions, notamment en matière de responsabilité, en matière d’accidents de la circulation, d’obligation alimentaire, de droit de la famille.
Ces conventions contiennent des règles de conflits de lois et elles vont unifier ces règles. Mais en lisant la convention de Rome, on ne pourra savoir tout de suite quelles sont les obligations du vendeur : la convention dira simplement comment désigner le système juridique qui apportera la réponse. C ‘est donc une harmonisation de solutions.
2) Les autres sources internationales.
On peut évoquer 2 sources :
– La jurisprudence internationale : ici en Droit International privé, il y en a très peu (depuis que la CIJ existe, peut être 2 ou 3 décisions concernant le Droit International privé) mais rôle important joué par la CJCE. Au départ c’était timide mais depuis quelques années, elle a donné plusieurs solutions : elle interprète la convention de Bruxelles notamment. De même pour l’interprétation de la Convention de Rome, la CJCE va être compétente et on s’aperçoit que de plus en plus, il y a des solutions qui ont des interférences directes avec le Droit International privé.
– L’influence éventuelle d’organes supra-nationaux : il y a parmi eux l’ ONU avec ses organes comme la CNUDCI qui va proposer des contrats-types : on va adopter des lois-types qui peuvent à terme influencer les législateurs nationaux. Ex : elle l’a fait pour le commerce électronique.
Section 4 : Nature du droit international privé.
- A) Le Droit International privé est-il un droit international ou un droit interne
On a vu que le Droit International privé est national par ses sources et l’on a privilégié au départ les sources internes. On constate que les questions de Droit International privé sont souvent liées à des questions de souveraineté des Etats et comme chaque Etat a du mal à renoncer à son propre système juridique, on s’aperçoit que chaque Etat a son propre système de Droit International privé. Donc on aura autant de Droit International privé que d’Etats souverains. Sous cet angle, on donne raison aux Particularistes qui affirmaient que le Droit International privé est une projection du droit interne sur le plan international.
Mais de l’autre côté , il y a des arguments : Le fait que chaque Etat soit souverain n’exclue pas la possibilité de respecter la loi d’un autre Etat. Mais cela implique aussi le fait qu’il est possible de ne pas appliquer le droit d’un autre Etat.
Donc le Droit International privé reste international par son objet : le Droit International privé n’est mis en œuvre qu’à partir du moment où le conflit est international. Le Droit International privé est donc national par ses sources et international par son objet.
- B) Le Droit International privé est-il une discipline de droit public ou de droit privé ?
Plusieurs thèses se sont affrontées. Beaucoup de spécialistes de Droit International privé à une époque étaient des spécialistes de droit public.
Les conflits de juridictions, la condition des étrangers, la nationalité sont des thèmes qui relèvent en partie du droit public, mais ces thèmes sont aussi réglés par le droit privé. Ainsi la nationalité relève du droit judiciaire.
Donc plus d’éléments du privé que du public.
PARTIE 1 : LES RÈGLES DE CONFLIT DE LOIS
TITRE 1 – THÉORIE GÉNÉRALE DES CONFLITS DE LOIS.
Chapitre 1 – La formation historique de la règle de conflit de lois
Pour avoir un postulat de départ, il faut un mouvement des populations au delà des frontières, mais il faut aussi une certaine tolérance du juge et du législateur car si le juge applique toujours sa propre loi, il n’y aura plus aucun conflit de loi.
Enfin la 3e condition suppose que les droits en conflit ne soient pas identiques car sinon il n’y aurait plus d’intérêt à trancher un conflit de loi.
Puisqu’il faut ces 3 conditions , cela explique que la matière ne soit apparue que très récemment.
Section 1 : De l’Antiquité au code civil
Le Droit International privé est véritablement né en Europe au Moyen-Age. Jusqu’à cette époque, la diversité des droits n’était pas prise en compte , et notamment dans le monde grec et romain, on refusait aux étrangers la qualité de sujet de droit. Il y a ensuite eu des assouplissements mais le droit romain était unique et s’appliquait à tout l’empire. Après cette époque, l’Europe a subi les invasions barbares et à partir de ce moment là, les populations locales envahies continuaient à vivre sous l’emprise du droit romain et les peuples envahisseurs continuaient à être régis, eux, par leurs propres coutumes. Ont donc coexisté plusieurs droits selon le principe de la « personnalité de la loi »(on applique à la personne la coutume de son peuple). Ce système a duré environ 3 siècles mais, peu à peu, les peuples se sont sédentarisés, ce qui a eu une influence sur le droit et a donc succédé la « territorialité de la loi » (on applique la loi du territoire). On a donc fait un pas en arrière : c’était nier de nouveau le conflit de loi .
Ce n’est qu’au 11e siècle (Moyen-Age) qu’on a commencé à s’interroger sur les conflits de loi qu’on appelait « conflits de coutume ». Et plus précisément, la doctrine des conflits de lois est apparue en Italie. La 1ere expression scientifique doctrinale du Droit International privé est celle de la doctrine italienne des statuts, suivie par la doctrine française.
- A) Le Moyen-Age et la doctrine italienne des statuts
La doctrine des conflits de lois se développe en Italie du Nord au 12e siècle. L’Italie du nord était une région riche et chaque ville du nord (Milan , Florence…) avait sa coutume propre qu’on appelait : « les statuts ». Ex : statut de Florence…
A cette époque les échanges commerciaux ont commencé a se développer (c’est le 1er ingrédient du conflit de loi). Il y a donc un déplacement des gens et des marchandises pour faire du commerce. Les Italiens se sont interrogés : si un Milanais venait à Florence pour faire du commerce, quel allait être son statut ? Et si ce Milanais faisait un testament, ce-dernier serait-il régi par le statut de Florence ou de Milan ? C’est un début de réflexion.
Les Italiens ont alors compris que leurs statuts ne s’appliquaient pas au monde entier, l’étranger n’est donc pas régi par la « lex fori ».
Les Italiens s’interrogent aussi sur le caractère réel ou personnel d’une situation.
A l’intérieur de ces principes , ils distinguent les règles de procédure et les règles de fond et ceci est important car cette distinction présuppose que le juge puisse appliquer une autre loi que la sienne.
La question s’est ensuite posée en France.
- B) Les auteurs français du 16e siècle
1) Le 1er Français : Charles Dumoulin (1500-1566)
Il était avocat au Parlement de Paris et professeur et il a réfléchi sur les « conflits de coutume » à partir de cas pratiques et s’est interrogé sur la qualification à donner à une situation juridique pour en déduire la loi applicable. Il a aussi eu un rôle à jouer dans l’élaboration du principe de l’autonomie de la volonté : il a dégagé l’idée selon laquelle les parties pouvaient soumettre leur contrat à une autre loi que celle du lieu de conclusion.
Il raisonne à partir de cas matrimoniaux : il est consulté à propos de l’affaire des « Epoux de Ganey » pour savoir quelle était la coutume applicable à leur régime matrimonial. Il trouve une solution : comme les époux peuvent conclure un contrat de mariage, le régime matrimonial quel qu’il soit est un contrat tacite et donc les époux peuvent soumettre ce contrat à une autre loi : il a donc dégagé la possibilité d’un choix. Mais les époux n’expriment pas expressément ce choix : il faut le déduire de la volonté des époux.
Dumoulin a donc dégagé une théorie de la volonté implicite des époux de soumettre leur régime matrimonial à la loi du lieu de leur 1er domicile conjugal.
2) Berthrand d’ Argentré ( 1519-1590)
Magistrat breton au parlement de Bretagne. Il fait partie des territorialistes et son souci était de voir appliquer la coutume de Bretagne le plus souvent possible. Cette volonté s’explique par les conflits de région qui existaient à l’époque.
Pour cela, il a construit la théorie basée sur la distinction entre le statut réel et le statut personnel. Pour lui les coutumes sont à placer dans le statut réel, et se sont les coutumes du territoire qui doit s’appliquer aux questions du statut réel. Donc la plupart des coutumes sont d’application territoriale et donc le juge saisi appliquera la coutume de son territoire. Sauf cas exceptionnel il emploiera la coutume d’un autre territoire.
L’intérêt de cette théorie, c’est qu’elle systématise la distinction entre statut réel et personnel, alors que les Italiens n’en avaient fait qu’une ébauche.
D’ Argentré donne une vision du statut personnel réduite. Avec lui apparaissent les débuts d’une théorie de qualification. Il va commencer à opérer un classement, alors que Dumoulin ne le faisait qu’au cas par cas et que les Italiens ne l’ avaient qu’ ébauché.
Ce qui a conduit à la théorie territorialiste, au XVIe siècle, c’est la volonté d’indépendance politique des régions.
À cette époque, la théorie de D’ Argentré n’a pas eu de retentissement en France. En revanche, il a eu du succès à l’étranger et notamment en Hollande.
- C) La doctrine hollandaise de la courtoisie internationale
Les Pays-Bas à cette époque étaient sous l’emprise espagnole. Ils cherchaient leur indépendance politique, et avait peur de perdre leur identité. De plus, les Pays-Bas était un pays marin et commerçant.
Du coup, les doctrines de D’ Argentré ne pouvaient être que bien accueilli. Pourtant elles vont faire l’objet d’une évolution grâce à l’influence du commerce avec l’étranger. Cette évolution aura des répercussions sur le droit international privé.
Jusqu’à D’ Argentré , les conflits de loi étaient en fait des conflits de coutumes. À partir des hollandais, la théorie des conflits de loi prennent un caractère international. De plus, des hollandais réfléchissent aux fondements de l’application d’une loi étrangère. Pour eux s’y on appliquer la loi étrangère, c’est par courtoisie internationale ( ex comitas) envers les nations. Ce n’est pas obligatoire, mais utile d’appliquer la loi étrangère pour plusieurs raisons. On peut en espérer une réciprocité. C’est bon pour le commerce. C’est bon pour la stabilité et la prévisibilité de la règle de droit, c’est-à-dire que si une situation est reconnue comme valable dans un pays, il est bon que la situation soit reconnue également comme valable dans un autre pays si l’individu change de pays.
Ex : le mariage : on ne peut pas être marié et ne plus l’ être uniquement parce que l’on passe la frontière. Ces idées ont eu du succès aux États-Unis.
Car c’ était un nouveau pays qui avait besoin de s’ affirmer.
Les principes territorialistes ont pour fondement la notion de souveraineté d’un Etat.
Section 2: du Code civil à nos jours
- A) Le Code civil de 1804
Le Code civil a toujours une place importante dans le droit mais en droit international public il n’a eu qu’une influence indirecte sur le conflit de loi.
Cela s’explique pour des raisons historiques. D’une part de droit civil français a unifié son droit. Il y a eu la rédaction des coutumes et grâce à cela on a supprimé les conflits de loi interne.
En revanche, il restait les conflits de loi sur l’angle internationale mais à l’époque les tribunaux français étaient incompétents pour juger les litiges entre Français et étrangers.
Donc on sait désintéresser de la question de conflit de lois.
D’autre part, les rédacteurs du Code civil étaient très fiers de leur oeuvre. Il pensait que cela allait être un modèle pour le monde entier et que peut-être cela aurait pour effet d’unifier les lois du monde entier.
Aujourd’hui il ne reste plus que l’article 3 qui est toujours valable et dans sa forme originelle. Ils disposent : « les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire.
Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi française.
Les lois concernant l’état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger »
Il faut remarquer que la formulation du texte est unilatérale parce qu’elles ne concernent que le domaine de la loi française.
Petit à petit les litiges qui impliquaient des étrangers se multiplient et les tribunaux français ont commencé à juger les litiges entre étrangers.
C’est à partir de cet article 3 que l’on a élaboré tout notre système de conflit de loi à fin de dire qu’elle était la loi étrangère applicable quand la loi française ne l’ était pas. La plupart des décisions en droit international privé visent l’article 3.
- B) Les auteurs du XIXe siècle et le courant universaliste
Tout ce qui existait avant va se fragmenter sous l’influence de deux auteurs , Savigny et Mancini. Ils appartiennent au courant universaliste qui préconise de tenir compte des données universelles a fin de construire un droit international privé idéal.
1) la doctrine de Mancini
Il était italien et a adopté une position opposée à celle de d’ Argentré. Pour lui, les lois sont personnelles donc classées dans la catégorie du statut personnel. Cela permet d’appliquer la loi italienne aux italiens quel que soit l’endroit où ils se trouvent.
Donc le statut personnel va être rattaché à la nationalité des intéressés. Mancini s’est inspiré de l’article 3 qui rattache tout français à la loi française. Pour lui, la nationalité c’est le fondement du droit des gens. Cette nationalité doit gouverner les lois dans l’espace. Par conséquence les nationaux d’un pays pourront être soumis à une même loi. Du coup, les Italiens seront soumis à la loi italienne même s’ils ne sont pas en Italie. C’était important à l’époque car l’Italie était un pays d’émigration.
Malgré tout, Mancini acceptait quand même que la loi territoriale s’applique à certaines situations. Par exemple pour des questions de délits et de contrat.
La thèse de Mancini connaît un véritable succès.
Notamment, les premières conventions de la Haye ont eu comme principe de rattachement, le rattachement à la nationalité. (Les choses évoluer depuis). Mais il y a certains systèmes juridiques qui ne l’ on pas suivi.
Exemple : common law (le droit anglais repose sur le domicile et non sur la nationalité.)
2) Doctrine de Savigny ( 1779 – 1861)
Il est allemand, professeur spécialiste de droit romain. Il rédige un traité de droit romain dont l’un des tomes est consacré uniquement aux conflits de loi dans le temps et dans l’espace.
Il n’était pas préoccupé par des questions de souveraineté. Il était même optimiste car la ils existaient en Europe pour lui, une communauté juridique issue des traditions romaines et influencée par la chrétienté.
Pour lui, il y a un moyen commun, universaliste. Il a grandement influencé notre système juridique. Pour lui, l’important c’est de soumettre une situation à l’un des pays avec laquelle elle est en contact. Mais pour partir du rapport de droit, il faut partir du rapport de droit et localiser ce rapport de droit. Après cela on obtiendra le siège du rapport de droit. Cela se passe de façon abstraite. Une fois qu’on a le siège, on aura la loi qui est le mieux et le plus en rapport avec ce rapport de droit.
Parmi les exemples, pour les rapports d’ obligations contractuelles, le siège c ‘ était l’ exécution du contrat. Donc loi applicable est celle du lieu d’éxécution. En matière de statut personnel ( état et capacité d ‘une personne) le siège était le domicile de la personne.
3) Doctrine d’ Antoine Pillet ( 1857- 1924)
Professeur de droit international public, il a réfléchi à l’opposition d’idées entre Mancini et D’ Argentré. Pour D’ Argentré, il remarque que ce qui est important c’est la généralité d’application d’ une loi sur le territoire. Pour Mancini, ce qui est important c’est la permanence de la loi, même en dehors du territoire.
Ces deux théories sont opposées et si on les suit, il y aurait des conflits permanents. Pour Pillet, il faut rechercher le minimum de sacrifices pour choisir soit la généralité soit la permanence. Pour cela, il faut rechercher le but social des lois car, pour lui aussi, les conflits de loi sont des problèmes de souveraineté.
il va répartir les lois selon leurs buts.
Soit, le but de la loi est de protéger les individus et à ce moment-là l l’important c’est que la loi soit appliquée de façon permanente. Donc il faut privilégier cette permanence de la loi. Par conséquent, il faut faire régir les questions de protection par la loi nationale de l’individu et se ranger du côté de Mancini.
Soit, le but de la loi est de garantir l’ordre social. Alors il faut que la loi s’applique de façon générale, et on adoptera un critère territorialiste.
- C) Les doctrines contemporaines et les courants territorilaistes et particularistes (fin 19iéme –début 20ième siècle) : Bartin et Niboyer.
On oppose les universalistes aux particularistes. Pour les universalistes (Mancini, Savigny, Pillet), la primauté est donnée aux sources internationales puisque les problèmes posés ont une valeur internationale.
Pour les particularistes, au contraire, il n’y a pas d’unification possible et donnent la préférence aux sources internes. Et donc les particularismes de chaque ordre interne doivent être respectés. Parmi eux, on classe Bartin et Niboyer.
Ils ont été influencés par les guerres franco-allemandes. D’abord ils estiment que l’universalisme est une utopie et que les solutions seront forcément influencées par des conceptions nationales. Ils admettent l’ une des idées de Savigny qui était de déterminer le siège du rapport de droit. Ensuite, il faut privilégier les sources internes car elles permettent de sauvegarder les intérêts propre à chaque État, donc de sauvegarder les particularismes de chaque État.
Pour Bartin, le droit international privé n’est qu’une projection du droit civil interne sur le plan international. Du coup, pour lui, on arrivera jamais à une solution universelle, il y aura toujours des conflits de lois.
Niboyer de son côté, était un élève de Pillet (seulement il était territorialiste) et donc nationaliste. Pour lui l’objectif d’une règle française est donc, de défendre les intérêts français et donc la règle française doit s’appliquer sur l’ensemble du territoire. Pour lui aussi, chaque État produit son propre droit internationale privé. Son traité a été intitulé « Traité de DIP français ». Il reprochait aussi un certain nombre de choses à Savigny . D’une part, il lui reproche d’être trop abstrait. Pour eux, il faudrait mieux partir du contexte du rapport de droit pour déterminer quelle est la loi qui a les liens les plus étroits avec ce rapport de droit. D’autre part, il lui reproche d’être trop aveugle parce que la méthode ne regarde pas le contenu des lois qui sont en conflits. Du coup, la loi appliquée ne sera pas forcément la meilleure.
Conclusion : Toute la théorie des conflits de loi s’est construite par couches successives. Différents courants ont amené à cette construction. Aujourd’hui, on a pas une prédominance d’un courant sur un autre mais une combinaison d’idées : l’idée de souveraineté, l’idée de proximité, le principe d’autonomie de la volonté, on s’intéresse à la recherche du but des lois, des règles de droit.
Chapitre 2 : L’élaboration de la règle de conflit de lois
La règle de conflits de loi, c’est une règle indirecte qui, tenant compte des liens qu’ une situation présente avec plusieurs systèmes juridiques, désigne la loi applicable à un rapport de droit.
Cette règle de conflit a un caractère indirect qui s’exprime dans la désignation d’une loi applicable.
Section 1 La désignation de la loi applicable à un rapport de droit.
On prend un rapport quelconque (familiale par exemple) et on constate que ce rapport a liens avec plusieurs systèmes juridiques, ce qui crée le conflit de loi. Donc il va falloir trouver la règle applicable à cette situation. L’ évolution historique du conflit de loi a conduit à deux modes principaux de désignation de la loi applicable.
- A) Les modes unilatéralistes ou bilatéralistes.
1) La méthode unilatérale
Au départ, les questions de droit international privé était traitée comme des questions de souveraineté d’un Etat et de la loi d’un Etat. Donc on se demandait quel champs d’application était revendiquée par la loi . Ce sont ces idées qui ont abouti à la méthode unilatérale.
Du point de vue français, les règles de conflits vont déterminer le champ d’application que la loi française revendique. C’est ce qui a abouti à l’article 3 du Code civil (revendiqué l’ état et la capacité ; les règles de immobilières, et les questions de police et de sûreté). On va quand même être respectueux de la souveraineté des lois étrangères.
Comment cela va se présenter ? Le juge se demandera d’abord si le rapport de droit rentre dans le champ d’application de la loi française (la loi du fort) si non, on va demandé au droit étranger en conflits s’ils veulent régir ce rapport de droit. Donc la règle de conflits unilatérale n’impose pas une répartition des lois.
Quelques exemples : un Danois a son domicile en Angleterre (sachant que le Danemark comme l’Angleterre utilise le domicile comme critère de rattachement du statut personnel). Se pose une question de capacité de ce Danois devant le juge français. Ici trois systèmes juridiques en cause :
- Est-ce que la France revendique son champ d’application ? L’article 3 indique que la loi Française s’ applique pour les Français, donc ici pas de revendications
- On demande aux systèmes étrangers s’ils revendiquent le rapport de droit. Danemark : non, car le domicile n’est pas au Danemark. Angleterre : oui, car pour le droit anglais, la loi s’applique si le domicile est en Angleterre. Donc la loi anglaise revendique son application.
Cette méthode a 2 limites :
– Problèmes de lacunes : c’est le cas quand aucune des lois en conflits ne veut s’appliquer. Exemple : le même Danois mais domicilié en Belgique :
- La loi française : non
- La loi danoise : non
- La loi belge : non (pour la Belgique le critère de rattachement est celui de la nationalité)
Dans cette hypothèse on va appliquer la loi du fort, la loi française met à titre subsidiaire.
– Problème du cumul : 2 lois au moins veulent s’appliquer. Exemple : l’individu est belge, il habite au Danemark et la question se pose en France.
- Loi française : non
- La loi danoise : oui (car le domicile est au Danemark)
- La loi belge : oui (car l’individu est de nationalité belge)
Ici on pourrait aussi appliquer la loi du fort de manière subsidiaire.
- B) La règle de conflit bilatéral
Pour comprendre cette règle, il faut comprendre le problème comme le comprenait Savigny. C’est-à-dire que le point de départ, c’est le rapport de droit privé et le souci consiste à déterminer l’élément qui désignera le siège du rapport de droit. Donc la règle de conflit bilatéral défini un rattachement qui peut-être le domicile ou la nationalité. Cela peut conduire à désigner la loi du fort ou n’importe quelles lois étrangères.
La démarche est différente de la démarche unilatérale qui prenait comme point de départ la loi. L’avantage de cette méthode c’est qu’il n’y aura ni lacune ni cumul, étant données qu’il y aura à tous les coups désignation d’une loi et d’une seule loi.
L’article 3 du Code civil était de forme unilatérale car elle part de la loi française. Mais cette formulation peut-être bilatéralisée. C’est ce qu’ a fait le droit français. Aujourd’hui on dit que c’est « l’Etat et la capacité des personnes qui sont régis par la loi nationale de cette personne ».
Cela permet de désigner une loi mais on ne sait pas si la loi sera française ou pas. Exemple un Danois domicilié en Belgique. Ni la loi danoise ni la loi belge ne s’applique. Mais avec ce système, on désignera la loi danoise.
Exemple : un belge domicilié au Danemark. Ici la règle conduira à désigner la loi belge. Cela permet de solutionner les problèmes de lacunes et de cumul. Mais cela est moins respectueux des règles étrangères. On va parfois désigner la loi d’un Etat qui ne voulait pas voir son droit s’appliquer.
Exemple : un Danois domicilié en Angleterre et la question se pose en France. Avec cette méthode on est condui à désigner la loi danoise alors que la loi danoise ne voulait pas s’appliquer mais que la loi anglaise oui.
- B) La place respective de ces méthodes en droit international privé français
Notre système a été lancé par ces deux méthodes. Et au départ on considère qu’il faut répartir ,les lois en conflits, de manière objective. Du coup, chaque loi régit les relations qui vont naturellement tomber sous son emprise étant donnée leur localisation objective. Ce souci de localisation va plutôt conduire à la méthode bilatérale. La localisation d’un rapport de droit n’est pas forcément spatiale. On peut localiser le rapport par son objet ou par sa source (ex : issue d’un acte ou un fait juridique), par le sujet de droit (ex grâce critère de la nationalité de l’individu). Cette localisation peut s’effectuer également en recherchant le fondement de la règle de droit. Mais si le fondement d’une règle de droit repose sur l’idée de souveraineté alors cela va conduire à adopter des règles de conflits unilatérales.
Ex de règles unilatérales : le 11 juillet 1975, on a réformé le droit du divorce et on a posé une nouvelle règle de conflit qui est maintenant l’art 310 du Code civil. Cette règle de conflit est unilatérale car elle se contente de dire quand la loi française est applicable. Pourquoi ? On voulait être certain que les nouvelles règles françaises s’appliquent aux Français et on avait le souci de voir s’appliquer la loi de 75 au plus grand nombre de cas possibles.
Si au contraire, le fondement d’une règle repose sur la proximité (donc le souci de la règle est celui de rechercher la règle qui a le plus de liens avec le rapport de droit) cela conduit à adopter une méthode bilatérale.
Cela n’empêche pas de faire cohabiter ces deux ensemble de règles. Et c’est ce qui se passe en droit français , on fait co exister les bilatérales et unilatérales.
Les objectifs de cette méthode de proximité , des liens plus étroits ?: c’est le souci d’une efficacité juridique. On veut toujours parvenir à une solution.
Ensuite l’avantage de cette méthode, c’est qu’ elle est neutre. Et sa neutralité peut convenir à tous les systèmes juridiques et on parvient à une certaine harmonie internationale des solutions. On peut dire aussi que la méthode répond à l’attente légitime des parties parce qu’on utilise des critères qui sont censés être objectifs. Donc se sont des critères auquel les parties peuvent s’attendrent.
Quelles sont les caractéristiques de la méthode bilatérale ?. C’est qu’elle est abstraite c’est-à-dire que la loi applicable n’est pas désignée au cas par cas. La règle de conflit utilise un rattachement qui est défini une fois pour toutes et qui s’appliquera de manière générale. La deuxième caractéristique de la méthode, c’ est sa neutralité dans le sans ou elle n’a pas d’égard au contenu de la loi ou de la loi. La règle de conflit va choisir une loi et pour cela elle ne choisira pas en fonction du contenu des différentes lois en présence.
De plus la méthode est indirecte car on a résolu le conflit mais on ne connaît toujours pas la solution du litige. La règle de conflit ne suffit pas à elle-même car on devra ensuite appliquer les règles matérielles de ce droit désigner.
La méthode est bilatérale c’est-à-dire qu’elle va désigner indifféremment la loi du for ou la loi étrangère alors que la règle unilatérale ne désigne qu’une seule loi : française.
Pour finir, on reproche à cetta méthode d’ être trop rigide, mécanique, d’être trop abstraite et que le rattachement utilisé n’est pas forcément le plus significatif pour localiser le rapport de droit. Et que ce rapprochement peut être fortuit.
On estime aussi qu’elle n’est pas assez internationaliste et que les rattachements utilisés sont beaucoup trop imprégnés des institutions internes.
Conclusion : c’est ce qui a conduit à la diversification de la méthode conflictuelle
- C) La diversification de la méthode conflictuelle.
Il s’agit d’exposer les facteurs de perturbation du raisonnement conflictuel classique.
– 1er facteur : le principe de l’autonomie de la volonté qui va se traduire en Droit International privé par l’utilisation de la « loi d’autonomie »= c’est l’ idée que en Droit International privé et en matière contractuelle , les parties peuvent choisir la loi applicable à leur contrat .Donc les parties ne sont pas enfermées dans une règle de conflit , elles peuvent choisir la loi applicable.
– Le 2e facteur tient à l’existence de règles de conflits à « finalité(ou coloration) matérielle » : il s’agit de règles de conflit qui ne sont pas neutres car elles ont pour objectif de désigner une ordre juridique qui permettra d’obtenir le résultat matériel souhaité. La règle de conflit bilatéral désigne mécaniquement une loi sans s’intéresser au contenu de la loi alors que par la règle de conflit à finalité matérielle, elle ressemble à une règle de conflit normale sauf qu’elle recherche une certain résultat , donc s’intéresse au fond.
Ex : Règle issue de la Convention de la Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires : L’art 4 : dit que la loi interne de l’Etat de la résidence habituelle du créancier d’aliment régit les obligations alimentaires. Mais l’art 5 dit que la loi nationale commune s’applique lorsque le créancier ne peut obtenir d’aliment du débiteur en vertu de la loi visée à l’art 4. Enfin l’art 6 : la loi interne de l’autorité saisie s’applique lorsque le créancier ne peut obtenir d’aliments du débiteur en vertu des art 4 et 5. Donc à l’art 4 s’ajoutent 2 autres règles et vient s’ajouter une finalité qui est que le créancier obtienne des aliments de la part du débiteur. En fait cette règle de conflit de la convention de la Haye est une règle de conflit à « rattachement en cascade » ou « hiérarchisée » parce qu’on utilise d’abord l’art 4 et si cette loi interne ne permet pas au créancier d’obtenir des aliments, on appliquera la 2e , et sinon, la 3e.
Il y a d’autres règles de conflits à finalité matérielle qui elles, utilisent des rattachements alternatifs et c’est le cas par ex, en matière des formes des actes juridiques : le droit français dit que cette forme est régie ou par la loi du lieu de conclusion, ou la loi de la nationalité des parties , ou la loi qui régit l’acte juridique au fond (= loi du fond). Il y a un choix entre 3 rattachements donc , et le but ici est de parvenir à la validité formelle de l’acte.
Mais l’on peut aussi avoir des rattachements cumulatifs : ce sont aussi des règles à finalité matérielle. L’idée des règles cumulatives est l’inverse des règles alternatives : on ne cherche pas à valider mais au contraire à être stricte. Cela conduit à valider une situation seulement si 2 lois (ou les lois en présence) valident la situation.
– le 3e groupe de règles est constitué par « les lois de police » (ou loi d’application immédiate) = ce sont des règles finalistes mais pas des règles de conflit et elles viennent au contraire en concurrence des règles de conflits. C’est l’art 3 al.1 du code civ qui énonce que : « les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire » c’est pourquoi il est souvent difficile de définir ce qu’est une loi de police (le code ne donne pas de précisions). Cela vise en fait l’hypothèse où le juge impose l’application de certaines règles impératives du for , mais cette désignation de la loi du for ne va pas passer par le jeu de la règle de conflit. On dit que la loi de police évince la loi de conflit (= elle s’impose).
Ces lois de police sont des lois édictées par l’ordre interne au départ et qui vont être en fait étendues aux rapports internationaux , à outrance.
On a par ex des lois de police en matière de bail d’habitation : on va soumettre le bail d’un immeuble situé en France aux règles françaises sur le loyers et donc on va imposer ces règles alors que normalement le bail est un contrat et en matière de contrat il existe une règle de conflit et normalement les partie peuvent choisir librement la loi applicable à leur contrat. Donc les parties ne peuvent pas choisir la partie de règles qui concerne les loyers puisque l’immeuble se situe en France.
On trouve encore des lois de police en matière de protection de l’enfance.
Parfois donc le juge français estime que telle disposition est une loi de police. Ceci va évincer le conflit de loi. C’est pourquoi on parle aussi de loi d’application immédiate car va s’appliquer indépendamment d’un raisonnement conflictuelle. On parle même parfois de « loi d’application territoriale » car son application est assurée par les autorités de l’Etat qui a édicté cette loi.
Mais ce qui déclenche l’application de cette loi, c’est le but qu’elle poursuit. C’est surtout la doctrine qui utilise l’expression de « loi de police », le juge lui parle de « loi d’application immédiate » ou encore le juge français parlait avant de « loi d’ordre public ». La loi ne définit pas ce qu’est la loi de police mais la doctrine en a donné une. C’est du prof. grec Francescakis (Phocion) qu’on tient la définition :
« Ce sont les lois dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale et économique du pays ».
NB : un autre auteur utilise l’expression de « loi d’application nécessaire » , par référence à la définition de Francescakis.
– il y a un 4e groupe de règles : ce sont les techniques d’impressionnisme juridique. La méthode classique résout les conflits de lois de façon objective et le rattachement est défini une fois pour toute. Et on a estimé que cette localisation objective n’était pas forcément adaptée tout le temps et on lui a reproché d’être trop mécanique, artificielle et dans certaines situations cela conduit à désigner une loi qui n’a aucun rapport concret avec le cas (arrêt Lautour). Et ce sont surtout les auteurs anglais et américains qui ont développer cette méthode d’impressionnisme juridique et une première conséquence a pour résultat que le juge va localiser le rapport en tenant compte de l’ensemble des circonstances pour déterminer la loi qui sera la plus appropriée : on parle de méthode de « better law » ou « proper law ».
Et 2e façon d’utiliser la méthode d’impressionnisme juridique est la méthode qui consiste à analyser les politiques poursuivies par les lois en présence , les lois en conflits , cela résulte de la théorie des « intérêts gouvernementaux » donc le juge choisira la loi qui a le plus d’intérêt à s’appliquer à la situation.
Cela permet de corriger une partie des défauts de la méthode classique.
En dehors des lois de police on retrouve cette méthode en droit français. C’est le cas notamment en matière de responsabilité délictuelle : en matière de responsabilité des produits , notre règle de conflit est puisée dans la Convention de la Haye de 1973 qui utilise des rattachements censés être le résultat d’un faisceau d’indices.
On a aussi une exemple d’application de la méthode d’impressionnisme juridique en matière contractuelle par la Convention de Rome du 19 juin 1980 qui pose le principe que la loi est celle choisie par les parties mais lorsque les parties n’ont rien choisi , le principe est que c ‘est la loi qui a les liens les plus étroits avec le contrat (art 4). Donc cela signifie que le juge désignera au cas par cas la loi applicable.
Section 2 : Le caractère étatique de la loi désignée par la règle de conflit.
Ceci amène 2 questions :
- A) Faut-il que l’Etat étranger dont la loi a été déclarée applicable, ait été reconnue par l’Etat français?
1) Les Etats non reconnus par la France.
On se demande si on doit subordonner l’application d’une loi étrangère à la reconnaissance de cet Etat dont émane la loi par la France. On pourrait donner une réponse positive. Mais en Droit International privé on ne raisonne pas de la même façon qu’en Droit International public, car on estime que la mission du juge n’est pas la même que celle du gouvernement. Le souci du juge consiste essentiellement à appliquer une loi dont l’autorité est incontestable sur le territoire de l’Etat étranger , car l’on cherche à adopter des solutions reconnues internationalement , on recherche l’harmonie internationale des solutions et le souci du juge français est que sa décision soit reconnue et appliquée dans l’Etat en question. Le juge français préfère une solution réaliste que politique.
Et à la suite de la révolution soviétique en 1917 et jusqu’en 1924, la France n’avait pas reconnu le nouveau gouvernement des Soviets. Et c’est à partir de ce moment là que sont posées les questions de la reconnaissance des Etats à l’occasion de l’arrêt « Stroganov-Scherbatov » du 3 mais 1973 de la cour de cassation , appelée l’affaire des « majorats russes » et dans cet arrêt la cour affirme que : « le défaut de reconnaissance d’un gouvernement étranger ne permet pas au juge français de méconnaître les lois de droit privé édictées par ce gouvernement antérieurement à sa reconnaissance pour le territoire sur lequel il exerçait effectivement son autorité . ». Le problème dans cette affaire consistait à apprécier de ce que léguait le défunt dans un testament qui avait été rédigée avant 1917. Il avait légué tous ces biens à sa femme sauf ce que sa loi de l’époque interdisait de léguer partie du patrimoine constituée en majorat donc indisponible. Et le gouvernement nouveau abolit la loi sur les majorats russes entre autres , du coup les légataires estimaient qu’ils devaient recueillir tous les éléments du patrimoine du défunt y compris ce qui était dans le majorat même si l’Etat français n’avait pas reconnu le gouvernement. Finalement on ne retient pas le critère de la reconnaissance et la loi est quand même appliquée sur le territoire.
2) Les Etats annexés.
On a adopté une solution analogue à la solution Stoganov. Donc même si l’Etat français s’oppose à l’annexion d’un Etat, cela ne suffit pas à continuer à appliquer les lois de l’Etat annexés (cad les anciennes lois) donc application de la nouvelle loi.
- B) La distinction entre les conflits internes et les conflits internationaux de lois.
Il arrive que le conflit de lois oppose des lois qui appartiennent à un même ordre juridique, dans ce cas on parle de conflits internes de lois : ces conflits peuvent être de 2 sortes :
Soit il s’agit d’un conflit de lois qui met en cause un système de droit territorialement délimités comme des provinces ou des régions des Etats fédérés. Dans cette hypothèse on parle de conflits inter-régionaux.
Soit l’on est en présence de systèmes qui sont propres à des groupes sociaux déterminés et ces groupes sont constitués sous forme d’ethnies, de religions , tribus, ( critères personnels). Dans ce cas , on parle de conflit interpersonnel de lois.
– Qu’en est-il pour nous des conflits inter-régionaux ? Ces conflits surgissent à l’intérieur d’un Etat où sont en vigueur plusieurs systèmes juridiques d’application territoriale. C’était le cas en droit français dans l’Ancien droit et chaque coutume était appliquée territorialement. Ce cas subsiste encore aujourd’hui en Alsace-Moselle (droit local) mais cela ne concerne que quelques questions. Sinon il y a aussi le cas où lorsque la règle de conflit française désigne le droit d’un Etat non unifié ( comme les Etats fédéraux) , on se trouve face à un conflit inter-régional , on s’en remet donc au droit de l’Etat. Ex : le droit américain , on l’interroge pour savoir comment lui-même répartit les règles entre les Etats fédérés.
– Et le conflit interpersonnel ?Hypothèse où à l’intérieur d‘un même Etat existent plusieurs statuts sauf que le champ d’application de ces statuts n’est pas délimité par rapport à un espace mais par rapport à un groupe de personne qui est lui-même déterminé par rapport à une qualité qui lui est propre. Sinon la particularité de ces personnes est qu’elles vivent sur le même territoire et ont la même nationalité. Plusieurs façons de rencontrer cette hypothèse : La règle de conflit française peut désigner un droit qui reconnaît l’existence de plusieurs statuts sur son territoire (par ex , c‘est le cas du droit libanais qui fait application concurremment de toutes les religions sans hiérarchie.(il faudra l’interroger). Sinon un exemple puisé du droit fançais : les conflits interpersonnels étaient très nombreux pendant la période coloniale car il existait 2 statuts (droit commun et droit local). Ceci existe actuellement dans les TOM.
TITRE 2 : LES PRINCIPALES RÈGLES DE CONFLITS DE LOIS
Trois localisations du rapport de droit sont possibles : par le sujet de droit, par son objet , par la source du rapport de droit.
Section 1 : Le statut personnel (localisation par le sujet)
Cette notion recouvre tout ce qui concerne l’état des personnes en droit civil (personnes individuelles ou familiales) et la capacité des personnes.
La conception française est restrictive dans la mesure où cela ne recouvre que les droits extra-patrimoniaux (contrairement à d’autres systèmes étrangers).
- A) Le statut individuel
Ici, la détermination de la loi applicable va s’effectuer en fonction d’un attribut de la personnalité et parmi ces attributs on effectue un choix entre la nationalité et le domicile.
1) Le rattachement à la nationalité ou au domicile.
La loi française utilise le rattachement à la nationalité. Le droit français a été influencé par le code civ. et Mancini.
Auparavant on ne faisait pas de distinction et on utilisait soit la nationalité soit le domicile et en principe était français celui qui était domicilié en France.
Pourquoi avoir choisi la nationalité comme critère ?
D’abord car on estime que la loi nationale exprime les mœurs et la tradition nationale d’un pays et ces lois sont faites naturellement pour les ressortissants de ce pays.
Ensuite , il y a la permanence de la loi nationale et on estime qu’il est beaucoup plus difficile de changer de nationalité que de domicile et donc cela confère du coup une certaine permanence à la nationalité donc l’état de la personne va être plus stable.
Enfin la question de la stabilité de la loi nationale. Cette loi nationale évite les situations boiteuses puisque si on dit que ce qui régit notre personne c’est notre loi nationale , on aura toujours le même état où que l’on soit dans le monde (ce ne serait pas le cas avec le domicile)
En contrepartie, il y a des inconvénients : L’un des inconvénients du rattachement à la nationalité : cela peut freiner l’assimilation des étrangers dans le pays d’accueil. L’étranger ne souhaite peut-être pas être régi par sa loi nationale(il a rompu tout contact).
– Arguments en faveur ou contre le rattachement au domicile.
En faveur : le critère du domicile permet une meilleure assimilation des étrangers qui s’installent durablement en France.
Ensuite la loi du domicile est celle que l’on connaît le mieux généralement et en plus, c’est la loi sur laquelle on aura le plus de renseignement.
Ensuite la loi du domicile répond généralement à l’intérêt général de l’Etat lorsque l’Etat est un pays d’immigration dans la mesure où justement iln’y aura pas une très grande diversité des situations sur un même territoire.
Le critère du domicile permet aussi une coïncidence entre la compétence judiciaire et la compétence législative, cad soumettre au système juridique le conflit de juridiction et de lois.
Enfin, le domicile permet d’unifier le statut familial et cela permet d’exprimer une « loi du lien « dans la mesure où il peut arriver que dans une même famille il peut y avoir des personnes de nationalités différentes, en revanche la plupart du temps cette famille a le même domicile, or le critère du domicile va résoudre ce problème.
Contre : L’assimilation n’implique pas nécessairement la soumission à la loi locale et ensuite il faut tenir compte de la diversité des situations.
Finalement le droit français a adopté le critère de la nationalité et on a gardé ce critère mais même si la nationalité reste le principe de rattachement , toutefois depuis une cinquantaine d’années , le critère de la nationalité est concurrencé par le critère de la résidence habituelle de l’intéressé.
La plupart des pays du Common Law utilise le critère du domicile. Donc pour concilier ces différences on a adopté le critère de la résidence habituelle(qui est moins rigide).
L’art 3 du code civ. a été bilatéralisé par la jurisprudence dans l’arrêt de la cour de cassation , BUSQUETA, de 1813 qui dit que l’état et la capacité des personnes sont régis par la loi nationale.
2) Les difficultés d’application du rattachement à la nationalité.
Plusieurs difficultés :
– Le problème du changement de nationalité : si on s’interroge sur la capacité d’un individu qui entre temps a changé de nationalité , faut-il appliquer la loi de la nouvelle ou de l’ancienne nationalité ? cela pose une question de conflit mobile.
– L’absence de nationalité : c’est le cas des apatrides et des réfugiés. Les réfugiés ont la nationalité d’un Etat qu’ils ont fui , donc une nationalité qu’ils renient. Les apatrides n’ont pas de nationalité.
Dans ces 2 cas , par substitution on applique la loi du domicile et cette solution résulte de 2 conventions internationales : la Convention de New York du 28 septembre 1954 et la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur les réfugiés.
– La pluralité de nationalités : là il y a 2 hypothèses qui se présentent :
* Le cas d’une personne qui a 2 ou plusieurs nationalités : par quelle loi nationale sa capacité va être régie ? il y a 2 solutions. On est en présence d’un binational , donc soit l’une des nationalités en présence est celle du for (dans notre cas , la nationalité française) , dans ce cas on donne la primauté à cette nationalité du for (le juge étranger fera la même chose pour lui), soit l’individu n’a pas la nationalité du for (aucune des 2 nationalités) , dans ce cas on va retenir la nationalité effective de l’intéressé (langue parlée etc.)
* Autre situation possible : la pluralité de nationalités au sein d’une même famille. Pendant longtemps, le divorce par exemple , était régi par la loi nationale commune des époux, mais ici il y a des difficultés donc plusieurs solutions : On pourrait appliquer cumulativement les lois en présence mais cette solution conduit à retenir la solution la plus sévère. Sinon , une application alternative des lois en conflits : ici c’est la même méthode mais fondée sur l’idée inverse c’est à dire qu’on parvient à la solution la moins sévère. 3e possibilité : une application distributive des lois en présence (à chacun sa loi) : c’est le cas en matière de mariage. 4e possibilité consiste à essayer d’adopter un critère de proximité, donc essayer d’identifier une loi du lien (lien familial) et on va essayer de localiser le rapport de droit non pas en fonction de la nationalité mais en fonction du critère le plus proche des personnes. C’est là qu’intervient comme « béquille » le critère du domicile. (cf arrêt Rivière qui dit qu’on a fait régir le divorce ar la loi du domicile commun des époux , pour écarter les 2 solutions précédentes cad cumulative et alternative mais finalement on s’est rendu que les époux n’avaient pas de domicile commun , et dans ce cas par exception selon la jurisprudence Rivière , on applique la loi du for.
3) Domaine d’application de la loi nationale
Le domaine de prédilection de la loi nationale est tout le statut personnel. Par le statut personnel, on touche à l’état des personnes c’est-à-dire le nom, le domicile, état civil, la protection de la vie privée.
Dans ces domaines la loi personnelle doit s’appliquer mais en droit international privé ce n’est pas forcément le cas.
Seulement il existe une exception à ce rattachement à la loi nationale et c’est la conséquence d’application de la théorie de l’apparence.
Elle a été posée par la chambre des requêtes le 16 janvier 1861 Lizardi : il s’agissait d’un jeune mexicain qui avait vingt-deux ans, qui était allé à Paris chez un bijoutier et pour payer avait souscrit des billets à ordre et il refuse d’honorer ces billets.
Argument : au moment de la vente il n’était pas majeur donc il ne pouvait pas conclure un contrat selon la loi mexicaine (25 ans) donc incapable mineur. Le fait de faire annuler la vente était beaucoup trop injuste pour le bijoutier puisqu’il considérait ce mexicain comme majeur (21 ans) donc le commerçant était de bonne foi.
Le commerçant a été considéré de bonne foi. En effet il a cru en la capacité du contractant car la majorité en droit français est de vingt et un ans. Donc on estimait que le contrat était valable, le commerçant avait agi sans légèreté, sans imprudence et de bonne foi. Ceci était une exception à l’ application de la loi nationale .Arrêt de principe.
Cette exception été reprise de la convention de Rome le 19 juin 1980. Cette application de la loi nationale ne vaut que pour la capacité. En revanche , ce qui concerne les vices du consentement est régi par la loi du contrat.
Ce qui ne fait pas partie du domaine de la loi nationale :
-le nom de la personne : (confère à l’arrêt Rivière).
-le domicile est un attribut de la personnalité mais en droit international privé, il sert aussi de rattachement et donc il entre dans la définition de certaines règles de conflit .C’est la raison pour laquelle le domicile est régi par la loi du for.
-Ou encore ce qui touche à la protection de la vie privée et cela va être soumis à la loi ou le fait qui porte atteinte à la vie privée a été commis. Ces questions sont des « délits complexes ».
- B) Le statut familial
1) Le mariage
Il faut distinguer les conditions de validité du mariage et les effets du mariage
- a) Les conditions de validité du mariage
– conditions de fonds :
Elles sont régies par la loi nationale de chacun des époux, appliquées distributivement. Là on se place dans l’ hypothèse d’une mariage mixte. Lorsqu’il y a un mariage entre deux personnes de nationalités différentes, on se demande quelle est la loi applicable pour savoir si l’on a la capacité matrimoniale. Mais il existe en droit français des empêchements bilatéraux. C’est le cas lorsque l’une des lois nationales pose une condition qui s’applique aux deux époux. En France, c’est le cas pour les conditions de monogamie posée à l’article 247 du Code civil. Exemple : Si une française se marie avec un mexicain. On va regarder si elle a atteint l’age légale. Pour lui, on va regarder si il a atteint l’ age légale en fonction du droit mexicain. Mais le droit français interdit que l ‘on se marie avec quelqu’un déjà marier et donc cette condition s’ étend à l’ autre. Si on avait une application distributive le mariage aurait pu se faire.
– les conditions de forme du mariage
La célébration est un acte juridique dans la forme qui est soumis à la loi du lieu de conclusion. Mais en DIP la forme du mariage est celle du lieu de célébration. C’ est loci celebrationatis : principe de rattachement. Mais il faut faire une distinction selon les cas de figure : On a d’un côté un mariage en la forme locale et de l’autre côté un mariage devant un agent diplomatique ou consulaire.
Mariage en la forme (ordinaire)
Il y a plusieurs cas de figure :
-soit le cas des français qui se marient à l’étranger
-soit le cas d’étrangersqui se marient en France
-soit le cas d’étrangers qui se marient à l’étranger
On doit respecter les formes du droit local c’est-à-dire lorsque des étrangers se marient en France, il faut d’abord célébrer le mariage civil sinon le mariage est nul.
Si les époux se marient dans leur pays, il faut appliquer la forme coutumière du droit local.
Conditions supplémentaires pour les Français qui se marient à l’étranger posé par l’article 170 du Code civil qui exige que les Français fasse publier les bancs en France (article 63 du Code civil : formalités)
Mariage diplomatique ou consulaire
C’est une exception à la lex loci celebrationis, permise par l’article 48 du Code civil, qui touche à tous les actes d’ état civil. On doit faire procéder au mariage devant l’agent diplomatique français et ce dernier célèbre le mariage selon la loi française.
C’est la même chose pour les étrangers qui se marient en France, le consulats étrangers célèbre le mariage selon la loi de leur propre pays.
- b) Les effets du mariage
Ils sont normalement régis par la loi nationale. Mais naissent des problèmes lorsque les époux sont de nationalités différentes.
Il a fallu trouver une solution et grâce à la jurisprudence Rivière, une règle en cascade a été posée : Principe : les effets du mariage sont régis par la loi nationale commune des époux, mais à défaut de nationalités communes, on applique la loi du domicile commun des époux. Et à défaut de domicile commun des époux, on applique la loi du fort.
Depuis, il y a des domaines qui ne relèvent plus de la règle de conflit de la jurisprudence Rivière. [Le régime matrimonial ;les obligations alimentaires entre époux (convention de la Haye de 1973) car les effets matrimoniaux sont régis par la loi des effets du mariage], ce qui reste : les effets extra patrimoniaux ou les contrats entre époux comme la donation.
Pas de règle de conflit pour le concubinage donc on applique au cas par cas.
2) Le divorce
Avant 1975 : la règle issue de la jurisprudence Rivière et le divorce était régi selon la loi nationale commune des époux, à défaut par la loi du domicile commun des époux et à défaut de domicile commun par la loi du for.
Mais le problème se posait avec les étrangers qui vivaient depuis un certain temps France. Il ne pouvait pas divorcer. (Espagne, Italie)
Après la réforme du 11 juillet 1975 : a posé une nouvelle règle de conflit. L’article 310 du Code civil contient notre nouvelle règle de droit. Le divorce et la séparation de corps sont régis par la loi française « lorsque l’un et l’autre des époux sont de nationalité française, lorsque l’un et l’autre on leur domicile sur le territoire français, lorsqu’ aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente alors que les tribunaux français sont compétents pour connaître du divorce ou de la séparation de corps ».
Quelques remarques sur l’article 310 : c’est une règle de conflit unilatérale car elle indique que les cas où la loi française est applicable.
Une nouvelle règle a été posé ,qui permet aux Espagnols et aux Italiens vivant en France de divorcer alors que leur loi d’origine refusait. ( Convention de la Haye pour les régime matrimonial.)
3) La Filiation
2 types de règles différentes
- a) Filiation par le sang : légitime ou naturelle
Qu’elle est la loi applicable à l’établissement de la filiation ? Une réforme a été faite le 3 janvier 1972
Avant 1972, il existe un régime différent entre filiation légitime et naturelle. La filiation légitime était régie par les lois des effets du mariage. La filiation naturelle était régie par la loi nationale de l’enfant.
Après 1972, il y a eu une volonté d’unification. Il y a eu la même règle de conflit pour les deux. (311-14 à 311-18 du Code civil.)
L’article 311-14 est un texte général : « la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant ; si la mère n’est pas connue, par la loi personnelle de l’enfant ». C’est un texte à caractère bilatéral.
Cette règle a été énormément critiquée à cause des conséquences. Ex : certaines législations ne connaissent que la filiation légitime donc cela conduit à des solutions choquantes.
L’article 311-15 tire les conséquences de la possession d’ état sur l’établissement de la filiation lorsque le groupe familial à sa résidence en France. « Toutefois, si l’enfant légitime et ses père et mère, l’enfant naturel si l’un de ses père et mère ont en France leur résidence habituelle, commune ou séparée, la possession d’état produit toutes les conséquences qui en découlent selon la loi française, alors même que les autres éléments de la filiation auraient pu dépendre d’une loi étrangère ». C’est un texte à caractère unilatéral.
Les articles suivants sont des règles spécifiques à d’autres types de filiation. L’article 311-17 est relatifs à « la reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l’enfant » c’est une règle bilatérale à caractère alternatif donc à finalité matérielle.
Si quelqu’un veut annuler la reconnaissance, il faut qu’elle soit nulle selon les deux lois.
L’art 311-16 donne la loi applicable à la légitimation, et là encore on a une règle de formes alternatives. Cette légitimation est régie soit par la loi des effets du mariage, soit par la loi personnelle de l’un des deux époux, soit par la loi personnelle de l’enfant. Cet article est une règle à finalité matérielle.
L’article 311-18 est relatif à l’action à fin de subsides .Mais c’est une règle caduque car les obligations alimentaires sont régies par la convention de la Haye de 1973
b La loi applicable à la filiation adoptive
Auparavant, la loi été fixée par la jurisprudence du 7 novembre 1984,Torlet et la jurisprudence Pistre du 31 janvier 1990.
Le principe général était que l’adoption est régie par la loi nationale de l’adoptant en tout cas pour les conditions et les effets de l’ adoption..
Le principe reste un rattachement à la loi de l’ adoptant.
la loi du 6 février 2001 est venu poser les nouvelles règles de conflit avec l’introduction d’un nouveau chapitre dans le Code civil : article 370-3 à 370-5.
mais on préserve l’application d’autres lois. Notamment on estime que si la loi nationale de l’un et l’autre des époux interdit l’adoption est bien l’adoption ne pourra pas être prononcée.
Le souci de cette loi a été de clarifier cette règle à fin de rendre les choses plus saines et d’éviter les trafics d’enfants.
On consulte la loi de l’ adopté pour savoir si elle connaît l’adoption. Si cette loi interdit l’adoption on ne pourra pas la prononcer. Il existe quand même une exception pour les enfants qui sont nés ou qui résident en France habituellement.
L’article 370-3 pose une condition qui est exigée quelle que soit la loi applicable. Cela veut dire que l’alinéa 1 et l’alinéa 2 sont des règles de conflit classique bilatéral. L’alinéa 3 pose une règle matérielle, qui concerne le consentement légal du représentant légal de l’enfant quelle que soit la loi applicable « l’adoption requiert le consentement légal du représentant »
Les articles 370-4 et 370-5 concernent les effets de l’adoption.
Il existe aussi une convention de la Haye du 29 mai 1993 entrée en vigueur récemment, qui est relative à la protection de l’enfant et à l’adoption en matière internationale . Elle ne pose pas de règles de conflit et mais ses règles instaurent le contrôle d’un certain nombre de conditions de l’adoptabilité. Elles facilitent aussi la reconnaissance des décisions d’adoption.
Section 2: le statut réel (localisation par l’objet)
- A) Détermination de la loi applicable aux biens corporels
Le domaine essentiel du statut réel, c’est le droit des biens. La loi applicable est issue du principe qui veut que les biens sont régis par la loi des biens du lieu de leur situation. «Lex rei sitae » consacré à l’article 3 alinéa 2 du Code civil pour les immeubles.
Cette règle a été étendue aux biens mobiliers. Sinon elle ne s’applique que pour les règles corporelles. Pour les biens incorporels qui n’ont pas de localisation dans l’espace, sont localisés par la source du rapport de droit qui a donné naissance à ce droit incorporel.
- B) Le domaine de la loi applicable
Elle va s’appliquer à la classification des biens et des droits c’est-à-dire que c’est cette loi qui va si ce bien est meuble ou non, corporelles ou non, appropriable ou non. (Choses communes)
Elle détermine le contenu des droits réels c’est-à-dire qu’elle va déterminer les biens principaux ou accessoires dont un bien peut être l’objet (droit de propriété, usufruit, servitude…)
Elle va déterminer les modes d’acquisition qui sont propres au droit réel. Cela vise les hypothèques d’acquisition qu’on ne trouve qu’en matière de droits réels : occupation, accession, usucapion…. Pour les autres modes de succession (héritage), il faut combiner les autres lois qui régissent notre droit de propriété.
Section 3. Le statut des actes et des faits juridiques (localisation par la source)
- A) Les actes juridiques
1) La forme des actes juridiques
Principe : régi par la règle « locus regit actum »(régi par la loi du lieu de conclusions de cet acte juridique)
La jurisprudence à compléter cette règle : soit par la loi du lieu de conclusions, soit par la loi nationale des parties, soit par la loi du contrat.
C’est une règle de conflit rattachement alternatif issu de deux arrêts : cour de cassation le 20 juillet 1919 Viditz et cour de cassation 28 mai 1963 Charly Chaplin. C’est une règle à coloration matérielle.
Depuis la convention de Rome de 1980, règles imposées par l’article 9 qui reprend la règle antérieure sauf concernant la règle de rattachement nationale des parties.
2) Le fond des actes juridiques
Deux hypothèses :
Les parties ont choisi expressément la loi applicable, c’est cette loi qui régit l’acte juridique. Le principe découle du principe de l’autonomie de la volonté qui permet cela aux parties.
Les parties n’ont pas choisi de loi applicable. Avant 1991 le juge devait localiser les contrats c’est-à-dire rechercher la volonté implicite des parties. Aujourd’hui la règle est posée en matière d’obligations contractuelles par la convention de Rome 19 juin 1980 qui est rentré en vigueur le 1er avril 1991. C’est la loi de résidence habituelle de la partie qui fournit la prestation caractéristique du contrat.
Prestation caractéristique : prestation qui permet de qualifier le contrat
- B) Les faits juridiques
Principe :Lex loci delicti consacré dans l’arrêt Lautour du 25 mai 1948.
Il existe quelques exceptions : La convention de la Haye : 4 mai 1971 : sur les accidents de la circulation routière qui, en fait, va compléter la loi du lieu de la commission du délit par d’autres rattachements tel que le lieu d’immatriculation des véhicules.
La convention de la Haye du 2 octobre 1973 sur la responsabilité du fait des personnes qui complètent la loi par d’autre rattachement tel que la loi de résidence de la victime en plus de la lex loci delicti.
- C) Droit patrimonial de la famille
1) Régime matrimonial
- a) Le régime primaire impératif
Les règles en droit international privé sont assimilées aux obligations alimentaires donc régis par la convention de la Haye de 1973.
- b) Les règles générales du régime matrimonial
Le droit commun soumettait le régime matrimonial à la loi du premier domicile des époux. Cette règle est issu de la doctrine de Charles Dumoulin.
Depuis il y a eu la convention de la Haye du 14 mars 1978 qui est entrée en vigueur le 1er septembre 1992. Cette convention pose le principe que les époux peuvent choisir la loi applicable à leur régime matrimoniale mais il y a des limites dans le choix.
S’ils n’ont pas choisi de loi, le régime matrimonial est régi par la loi de la résidence habituelle des époux. Cette loi de la résidence habituelle est concurrencée par la loi nationale des époux.
2) Droits des successions
Distinction selon la succession : Sil s’agit d’une succession mobilière la loi applicable est celle du dernier domicile du défunt. S’il s’agit d’une succession immobilière, la loi applicable est celle du lieu de situation de cet immeuble.
TITRE 3 : MISE EN ŒUVRE DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
SOUS-TITRE 1 : L’INTERPRÉTATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
Le choix de la règle nécessite d’interpréter la règle de conflit. Dans cette interprétation , on va rencontrer des difficultés qui vont naître du particularisme de chaque système national.
Cette coexistence de systèmes juridiques va donner naissance à d’autres sortes de conflits : il y a les conflits de qualification, mais aussi les conflits de rattachement et les conflits de lois dans le temps.
CHAPITRE 1 : LA DÉTERMINATION DE L’OBJET DE RATTACHEMENT : LES CONFLITS DE QUALIFICATION.
L’expression « conflits de qualification » est associée au nom de Bartin car c’est lui qui développa fin 19e siècle toute une théorie de qualification. A la même époque que lui , un auteur allemand, Kahn , va réfléchir aux conflits de qualification. Charles Dumoulin déjà au 16e siècle en était déjà le précurseur. Cette question a beaucoup d’importance en Droit International privé car la qualification va commander la solution du conflit de lois, car le Droit International privé pose des catégories de rattachement , et donc lorsque le juge est saisi d’une question, il est censé placer la question posée dans l’une de ces catégories de rattachement. Cela permettra au juge de désigner la loi applicable au rapport de droit. Cette opération de « classification » n’est pas exclusive au Droit International privé car dans toutes les branches du droit, on procède à des qualifications. La spécificité des qualifications en Droit International privé, c’est le problème des conflits de qualification, qui eux-même proviennent du particularisme de chaque système juridique et ces conflits de qualification peuvent surgir lorsque les différentes lois qui sont en conflit ne donnent pas du rapport de droit la même analyse. Cette prise en compte du conflit de qualification va avoir une incidence sur la désignation de la loi applicable puisque l’une des fonctions de la qualifications est de résoudre un conflit de lois. Donc , de ce fait , si on prend en compte le conflit de qualification lorsqu’il y en a un, cela entraîne la mise en œuvre de différentes règles de conflit qui va se traduire par la désignation de lois différentes :
3 exemples classiques :
– la « quarte du conjoint pauvre » : cet exemple est tiré d’une affaire appelée encore l’affaire des « époux anglo-maltais ». Il s’agissait d’un couple anglo-maltais vivant à Malte et y avaient établi leur premier domicile matrimonial et quelques années après ils s’étaient installés en Algérie qui était un territoire français à l’époque et le mari avait acquis des immeubles et quelques temps plus tard, décède en Algérie. Au moment de régler la succession l’épouse réclame sur les biens situés en Algérie, un droit que lui reconnaît la loi maltaise et c’est ce qu’on appelle la quarte du conjoint pauvre.
La suite du problème consiste à savoir comment classer cette quarte du conjoint pauvre. Le juge est saisi de cette demande : pour résoudre ce conflit de lois France/Malte, il faut classer la quarte dans une des catégories. 2 catégories semblaient s’appliquer à la question : soit on estime que la question relève du domaine successoral, soit elle est matrimoniale donc relève des régimes matrimoniaux.
Si c’est une question successorale, ce serait donc une question de succession immobilière. Or on a vu que les successions immobilières étaient régies par la loi du lieu de situation de l’immeuble, ce qui en l’espèce conduisait à désigner la loi française (puisque l’Algérie est française à cette époque).
Si on classe la question dans la catégorie des régimes matrimoniaux, notre règle de conflit désignait la loi du 1er domicile matrimonial des époux, or en l’espèce, leur 1er domicile c’était Malte, donc application de la loi maltaise qui elle connaît l’institution de la quarte du conjoint pauvre et donc pourra en bénéficier :
Arrêt de la CA d’Alger du 24 décembre 1889 , BARTHOLO (= nom des époux). Cette affaire a inspiré Bartin. Dans cette décision les juges ont estimé que la question relevait des régimes matrimoniaux. En fait, dans la décision il n’y avait pas de conflit de qualification . Le droit maltais ne classait pas forcément la question différemment que le droit français. Mais c ‘est à partir de cette affaire que Bartin a imaginé un conflit.
– 2e exemple : celui du « testament olographe hollandais ». Le problème= le code civil hollandais interdisait aux Hollandais de rédiger leur testament sous forme manuscrite. C’est à dire en la forme olographe et il estimait que cette interdiction valait même si le Hollandais se trouvait dans un pays étranger. De l’autre côté le droit français permet les testament olographe. La question s’est ensuite posée de savoir quelle était la validité d’un testament olographe rédigé en France par un Hollandais. Ici donc, d’un côté le droit hollandais qui classe cette question dans la catégorie des capacités juridiques et cela désigne alors la loi nationale, et donc la loi hollandaise ici, d’où conséquence, le testament est nul. D’un autre côté, le droit français classe la question dans la catégorie de la forme des actes juridiques, donc va être régie par la loi du lieu de conclusion, donc comme le testament est rédigé en France, cela désigne donc la loi française d’où conséquence : le testament est valable.
– L’exemple du « mariage du Grec orthodoxe ». Un Grec orthodoxe épouse une Française en France devant l’officier d’état civil, donc en la forme civile et seulement en cette forme , alors que le droit grec exigeait à l’époque que les Grecs se marient en la forme religieuse même s’ils se marient à l’étranger. Plus tard se pose la question de la validité du mariage dans le cadre d’une procédure de divorce. Le mari , pour échapper à ses obligations invoque la nullité du mariage. On a vu que les conditions de forme sont régies par la loi du lieu de célébration et les conditions de fond par la loi nationale de chacun des époux. Seulement ici le mari Grec estimait que l’exigence d’une célébration religieuse était une véritable condition de fond du mariage (selon son droit grec) donc il fallait appliquer la loi nationale donc cela revient à appliquer le droit grec (donc nullité du mariage).
Se profile alors une question : sous quel angle de droit se place-t-on pour qualifier la question litigieuse ?
Section 1 : La détermination de la loi de qualification.
3 courants peuvent être dégagés.
1) Qualification lege fori.
Ici, chaque juge doit qualifier la question en se référant à sa propre loi , c’est-à-dire la loi du for . Donc le juge français se réfèrera aux concepts du droit français pour effectuer ces classifications. La qualification lege fori est la conséquence du caractère national de chaque système de conflit de lois et puisque chaque pays a son système de Droit International privé , il est naturel qu’il mettra en œuvre sa règle de conflit de loi en fonction des conceptions de son propre droit. En effet on insiste sur le fait que la règle de conflit qui va être appliquée est une règle de conflit française , donc elle ne peut être interprétée que par des références françaises (car qualifier c’est interpréter la règle de conflit ). La qualification est nécessairement préalable à la solution du conflit de lois, et la conséquence est qu’à ce moment là du raisonnement conflictuel , la loi étrangère n’a aucune raison de s’appliquer et elle ne le pourra éventuellement que lorsque la règle étrangère aura été expressément désignée. Donc , c’est une raison supplémentaire pour qualifier lege fori.
2) Qualification lege causae
Cette qualification consiste à demander la qualification au droit étranger éventuellement applicable au rapport de droit qui fait l’objet du litige. Ex : c’est demander au droit grec de qualifier la validité du mariage.
C’est une qualification selon le droit éventuellement applicable à la cause.
Mais c’est un cerce vicieux car on soumet la question à un droit dont on ne sait pas encore s’il va être applicable. Mais les partisans de la qualification lege causae se défendent pour dire que ce défaut peut être reproché à la qualification lege fori car au moment de la qualification , on ne sait pas quel va être le droit applicable.
Cette qualification lege causae débouche sur une triple qualification : donc si on va jusqu’au bout de la qualification lege causae, il faut qualifier selon toutes les lois qui sont en conflit (sinon on peut être accusé de partialité), mais cette qualification conduit à un cumul de qualification, or on a vu que les cumuls de qualifications conduisent à la solution la plus restrictive.
3) Qualification par référence à des concepts autonomes et universels.
C’est un auteur allemand, Rabel , qui a soutenu que la qualification d’un rapport de droit pouvait se faire en utilisant une méthode comparative qui permettait de dégager des concepts universels. Du coup s’il existait des concepts universels , cela supprimerait les qualification. Mais il faut avouer que cette thèse est utopique car il semble impossible de parvenir à des concepts universels.
Quelle est finalement la loi de qualification utilisée en droit français ?
Dans un arrêt de la cour de cassation : 22 juin 1955, Caraslanis (affaire du « grec orthodoxe ») : la cour de cassation a clairement affirmé que la qualification doit s’opérer lege fori , donc ce mariage des Caraslanis était valable. Donc la cour cassation a clairement choisi la classification lege fori.
Section 2 : Domaine de la loi de qualification.
Il faut noter que la loi étrangère en conflit a un rôle à jouer dans le processus de qualification :
– 1ère hypothèse : où l’institution litigieuse est inconnue du droit français.
Par exemple, la quarte du conjoint pauvre , ou le majorat russe.
Dans cette hypothèse , il faut quand même interroger le droit étranger. Et un auteur ,
Henri Battifol , a distingué 2 phases dans l’opération de qualification.
Tout d’abord , la phase d’analyse (qui va s’opérer lege causae) et ensuite une phase qu’il a appelé « phase de jugement » ( qui va s’opérer lege fori). Donc c’est dans la phase d’analyse qu’on va interroger le droit étranger pour expliquer ce qu’ est l’institution qui est inconnue en France , en quoi elle consiste ( ex : le trust ) .
Ensuite dans la phase de jugement , le juge va classer l’institution étrangère dans nos propres catégories . La loi étrangère ne vient que pour expliquer comment ça fonctionne , dans cette hypothèse.
– 2e hypothèse : elle vise le cas où le droit interne s’est adapté à un droit étranger pour
élargir ces catégories , et pour y faire entrer une institution étrangère.
Ex : cela a été le cas pour le mariage polygamique , le droit français a élargi la catégorie du mariage pour y traiter un mariage polygamique qui était en cause.
– 3e hypothèse : où il est fait exception à la qualification lege fori.
Il y a 2 principales exceptions :
1er : la première concerne les qualifications « en sous ordre » (= les qualifications secondaires) elle va être opérée lege causae , mais ce n’est pas grave.
La qualification secondaire est celle qui intervient une fois que la loi applicable au litige a été désignée. Donc il y a déjà eu une qualification primaire lege fori qui a été opérée.
Ex : une question de droit des biens a été qualifié par lege fori , cette qualification désigne la loi malgache. Mais peut-être ce droit va distinguer entre meuble et immeuble d’une autre façon que nous. Et bien ici , celle qualification secondaire va être opérée lege causae car elle ne remet pas en cause la 1er qualification qui a été lege fori.
En fait cette qualification secondaire est une qualification interne et elle n’est permise que si elle ne remet pas en cause la 1ere qualification.
2e : qualification en matière des traités diplomatiques.
On estime alors qu’on ne peut pas qualifier lege fori pour ne pas remettre en cause le traité et donc il faut rechercher l’intention des négociateurs de la convention. C’est comme cela qu’il faut procéder en théorie pour ne pas nuire aux conventions internationales.
CHAPITRE 2 :
LA DÉTERMINATION DU FACTEUR DE RATTACHEMENT ET LES CONFLITS DE LOIS DANS LE TEMPS
Section 1 : les conflits de rattachement : le renvoi.
A : Origines du renvoi
Aux questions internationales, le Droit International privé apporte des réponses nationales et donc le contenu des catégories peut varier d’un pays à l’autre. Par ailleurs les points de rattachement retenus pour chaque catégorie peuvent varier d’un pays à l’autre, cela entraînera alors un conflit de rattachement qui peut être soit positif soit négatif.
Positif quand chacun des Etats dont les lois sont en conflit , donne compétence à sa propre loi. Négatif lorsque chacune des règles en conflit donne compétence à une loi étrangère qui décline l’offre de compétence qui lui est faite. C’est à ce moment là que se pose la question du renvoi.
Ex. de conflit de rattachement : nous avons des catégories de règles de conflit :une catégorie statut personnel et capacité juridique , le droit anglo-saxon connaît également cette catégorie. On a vu qu’à chaque catégorie correspond un rattachement . La loi française rattache la capacité à la nationalité , le droit danois , lui la rattache au domicile.
Ex. de conflit positif de rattachement : une Français domicilié au Danemark. Il y a conflit positif car si le juge français était saisi , il désignerait le droit français , le juge danois lui, désignerait le droit danois.
Le conflit négatif est l’hypothèse contraire . C’est l’exemple du Danois domicilié en France. Donc si le juge français est saisi , il va désigner la loi danoise (loi nationale) mais la loi danoise décline l’offre de compétence qui lui est faite car le droit danois n’aurait pas désigné la loi danoise puisque l’individu n’est pas domicilié au Danemark .Donc aucun des deux ne se veut compétent , donc conflit négatif.
Ce problème est posé dans une affaire « Forgo » qui a donné lieu à deux arrêts de la cour de cassation du : 24 juin 1878 et 22 février 1882.
En l’espèce , il s’agissait d’un enfant bavarois (né en Bavière ) et avait toujours vécu en France et il y décède sans testament en laissant une fortune mobilière très importante.
Des membres de sa famille réclament sa succession mais il s’agit de parents éloignés, et ils la réclament car la loi bavaroise admet ces personnes parmi les héritiers . Ici donc la loi bavaroise était plus large. De l’autre côté , il y avait l’Etat français qui lui aussi réclamait la succession. A priori au départ , il n’y avait pas de conflit de rattachement puisque les successions mobilières sont régies par la loi du dernier domicile du défunt, donc cela aurait désigné la loi française. Mais la loi française faisait une distinction entre le domicile de droit et le domicile de fait et il fallait que les étrangers obtiennent une « admission à domicile » c’est à dire une autorisation pour qu’ils soient considérés comme ayant leur domicile de droit en France (sinon que domicile de fait). Or, Forgo n’avait pas fait ces formalités. Il avait seulement sont domicile de fait en France. Donc les parents éloignés se basaient sur cela pour réclamer la succession , pour dire que c’est la loi bavaroise qui s’applique.
C’est là que l’Etat français a eu l’idée d’inventer le renvoi pour dire que certes, la loi bavaroise est désignée par la règle de conflit française , mais la loi bavaroise n’opérant aucune distinction selon le domicile de droit ou de fait, on en déduit qu’elle renvoie la question litigieuse au droit français. La loi allemande décline sa compétence car il n ‘est pas domicilié en Allemagne , donc renvoi à la loi française
Le droit étranger désigné par les règles de conflit françaises décline sa compétence au profit de la loi française : c ‘est un « retour à l’envoyeur »= c’est un renvoi au 1er degré.
Lorsque le renvoi n’est pas effectué au profit de la loi française mais au profit d’une loi tierce , il s’agit d’un renvoi au second degré.
Quelles sont les justifications que l’on peut donner au renvoi ?
Tout d’abord, la souveraineté française n’est pas en cause car la règle de conflit française a bien été appliquée avec ses qualifications, ses rattachements. Mais une fois la loi étrangère désignée , on ne peut appliquer cette loi étrangère qu’avec les conceptions de cette loi c’est à dire avec ses qualifications et rattachements.
Le jeu du renvoi a fait l’objet de critiques :
Quand la règle de conflit française désigne un droit étranger , cette désignation devrait être définitive, donc on n’a pas à se préoccuper de savoir si le droit étranger accepte sa compétence. Lorsqu’on désigne le droit étranger, on n ‘interroge pas seulement son droit interne , mais lorsque le renvoi est en cause, on s’interroge également sur les lois de conflit de ce droit étranger.
Ensuite, la question du renvoi se heurte au cercle vicieux : on a reproché au renvoi au second degré de permettre un renvoi à l’infini.
B/ Solutions aux conflits de rattachement.
1) La position du droit positif : admission du renvoi.
En dépit des critiques , la jurisprudence a plusieurs fois admis le jeu du renvoi : L’arrêt SOULIER du 9 mars 1910 et l’arrêt DE MARCHI du 7 mars 1938.
Soulier : « la loi française du Droit International privé ne souffre d’aucune manière du renvoi qui est fait à la loi interne française par la loi de Droit International privé étranger /…/ il n ‘y a qu’avantage à ce que tout conflit se trouve ainsi supprimé et à ce que la loi française régisse d’après ses propres vues des intérêts qui naissent sur son propre territoire »
De Marchi : pour opérer le renvoi , il faut mettre en œuvre la règle de conflit étrangère avec ses propres intérprétations de la loi étrangère.
Donc c’est tout un système mis en place pour aboutir à une harmonie internationale des solutions.
L’arrêt de Marchi a également accepté qu’on pouvait admettre le renvoi au second degré.
Plus tard , l’arrêt MOATTI c/ ZAGHA de la cour de cassation du 15 mai 1982, a admis le renvoi au second degré mais en ajoutant une condition : celle de valider le mariage.
Il s’agissait de 2 Juifs Syriens qui se sont mariés en 1920 à Milan devant le Grand Rabin. Et quelques années plus tard se pose le problème devant le tribunal , de la validité du mariage des Zagha car le droit italien exigeait un mariage civil alors que les époux Zagha ne s’étaient mariés que religieusement .Notre règle de conflit française désigne la loi italienne du lieu de célébration , mais celle-ci permettait aux étrangers de se marier suivant la forme prévue par leur loi nationale. Les époux Zagha étaient des Syriens et la loi syrienne permettant le mariage religieux, cela permettait de valider le mariage.
- Le fondement du renvoi classiquement exposé
2 conceptions :
-la conception du renvoi subsidiaire : les partisans de cette conception estiment qu’il ne faut pas faire abstraction de la diversité des systèmes juridiques et du coût le refus de compétences qui est exposé en droit étrangers, nous obligent ,droit français, a trouvé un renvoie subsidiaire à la solution initialement proposée.
-la conception du renvoi coordination : le législateur prévoit un principe de coordination entre la règle française et la règle étrangère. La règle étrangère entre en jeu car elle est désignée indirectement par notre propre règle de conflit de loi.
- Le domaine du renvoi
-principe :
Le domaine de prédilection du renvoi se trouve dans les matières dans lesquelles on trouve les règles de conflit bilatéral ou encore les règles de statut personnel. La règle de conflit bilatéral est abstraite, neutre et aveugle, ce qui fait qu’elle peut désigner un droit qui ne se veut pas applicable. Le renvoi corrige les défauts de la règle de conflit bilatéral.
2 types de renvoi: le renvoi Savigny et le renvoi sélectif (ou encore in favorem). Pour désigner le type de renvoi qui ne va jouer qu’à la condition de validité de leurs rapports juridiques. Ex : affaire Zagha.
-les matières exclues du domaine du renvoi :
Le renvoi ne joue pas en présence de règles de conflit unilatérales car pour qu’il y ait renvoi, il faut qu’il y ait d’abord envoi. En effet cette règle ne désigne que les lois applicables et s’il n’existe pas de droit applicable on désignera la loi du for. Il y a aussi l’idée que la règle unilatérale est respectueuse des souverainetés étrangères, et ne désigne que des droits qui se veulent applicables.
La présence d’une règle de conflit relevant de la loi d’autonomie exclut le jeu du renvoi. En effet des parties ont la possibilité de choisir la loi applicable à leur contrat. Il ne faut pas que le renvoi puisse remettre en cause ce choix. On exclut aussi le renvoi si les parties n’ont pas expressément choisi leur loi applicable au contrat.
-La présence de règles de conflit fondées sur la règle de la proximité :
C’est le cas où l’on va dire : « tel rapport juridique est régi par la loi des liens les plus étroits ». On ne saura pas à l’avance qu’elle sera le droit applicable. Le juge devra le déterminer au cas par cas grâce aux indices qu’il aura entre les mains. Le juge doit faire un certain nombre de recherches, et faire jouer le renvoi serait remettre en cause le fondement de proximité de ce type de règle de conflit. Donc remettre en cause tout le raisonnement du juge.
-La règle de conflit à finalité matérielle.
Elle recherche un certain but. Ici on a peur que le renvoi renverse le but qui a été atteint et qu’on invalide l’acte alors que notre loi qui a été désignée, le validait. La question se pose quand même de savoir si on peut faire jouer le renvoi « in favorem » en présence d’une règle de conflit à finalité matérielle.
-Le renvoi en matière de conventions internationales, c’est-à-dire la présence d’une règle de conflit contenue dans une convention internationale. Ces conventions ont souvent des règles de conflit bilatérales. Pourquoi ne pas appliquer le renvoi ? C’est parce que l’on ne veut pas remettre en cause le résultat des négociations difficiles entre les différents Etats contractants.
Pour se prémunir contre le renvoi, ces conventions ont des articles qui prévoient l’exclusion du renvoi. Par ex « la loi applicable interne du créancier ». La règle de conflit va désigner le droit applicable interne une fois pour toutes sans interroger le droit international privé du pays en question.
Section 2: changement de facteurs de rattachement
les conflits de loi dans le temps
En droit international privé, il existe deux hypothèses de conflits de loi dans le temps. Soit la règle de conflit a changé, ce sera par ex le cas en matière de divorce en France. Soit le facteur de rattachement retenu par la règle de conflit a changé, pas par le fait du législateur mais par celui des individus. Ex : lorsqu’une famille déménage d’un pays à l’autre : quelle loi appliquer?
Donc on imagine que le législateur n’a jamais changé les règles de conflit, mais les individus au cours de leur vie ont changé de nationalité ou de domicile. Et on se demandera quelle loi appliquer ? Celle de la nouvelle ou de l’ancienne nationalité. Cette 2ème hypothèse recouvre le problème du « conflit mobile ».
Mais ces deux hypothèses seront traitées comme des conflits de lois dans le temps (même si elles n’ont pas la même origine ».
- le droit transitoire de la règle de conflit
- Modification de la règle de conflit du for :
La solution proposée est de soumettre le problème de modification de la règle de conflit aux solutions du droit transitoire interne (c’est-à-dire élaboré à partir de l’art 2 du Code civil). L’art 2 tranche les conflits dans le temps de deux règles matérielles internes (issues du même cadre juridique). Mais la règle de conflit interne ne peut pas forcément être transposée en droit international privé. Et le but de la loi interne ne va pas forcément être atteint si on applique la même solution à la règle de conflit.
Ex : les lois de 1972 et 1975 ont créé des dispositions de droit transitoire. Des problèmes ont alors vu le jour. L’arrêt de la 1ère chambre civile du 13 janvier 1982 ORTIZ-ESTACIO a posé des solutions: il s’agissait d’une conversion de séparation en divorce. En 1971, le divorce était interdit en Espagne, par conséquent la seule possibilité offerte aux époux était la séparation de corps. En 1976, le mari demande la conversion de la séparation de corps en divorce. Que fallait-il appliquer : la jurisprudence Rivière ou l’art 310 du nouveau Code civil ?. Les juges du fond avaient appliqué l’ancienne règle de conflit en se fondant sur l’art 24 de la loi de 1975 contenant des dispositions transitoires. Il résultait de ces dispositions qu’il fallait appliquer l’ancienne règle. La cour de cassation censure la décision en disant que l’art 24 ne posait que des règles transitoires applicables aux lois internes et décide d’appliquer les principes généraux du droit transitoire interne, c’est-à-dire issu de l’art 2 du Code civil. Et donc écarte les règles spéciales de droit transitoire contenues dans différentes lois. Cette solution se justifie en raison du caractère indirect de la règle de conflit de loi qui est indifférente au contenu du droit qu’elle désigne.
Pourtant un doute a été introduit par un arrêt de la première chambre civile du 9 juin 1996 Imhoos (sur une question de filiation). Ce cas a été résolu en s’appuyant sur un article du droit transitoire de la loi de 1972. Or ce n’est pas certain que la jurisprudence de 1982 soit remise en cause étant donné que l’art 12 de la loi en question n’est en fait qu’une répétition des principes généraux du droit transitoire. Donc ce n’est pas certain que le juge ait voulu appliquer les principes généraux. Et en filiation, il y a beaucoup de règles à finalité matérielle.
- Modification de la règle de conflit étrangère
On admet que c’est au droit étranger de régler lui-même le problème de droit transitoire. Cette hypothèse va se présenter notamment lors des hypothèses de renvoi.
- Modification de la loi interne étrangère
Là aussi cette question est régie par la loi étrangère désignée qui va résoudre le problème de droit transitoire. Cette solution a été posée par un arrêt de la première chambre civile du 3 mars 1987 Leppert. La cour de cassation a dit que l’article 311-14 doit régler les questions de conflit mobile, et non pas les questions du droit transitoire.
- le conflit mobile
A chaque fois qu’il y a modification volontaire de l’élément de rattachement, la situation juridique qui prolonge ses effets dans le temps sera successivement soumise à des lois différentes.
Ici la modification n’est pas voulue par le législateur mais par la volonté des individus. Il n’y a pas abrogation de la loi ancienne par la loi nouvelle. Les lois en conflit émanent de législateurs différent et sont simultanément en vigueur.
Exemple : succession de nationalités
Il y a analogie entre le conflit mobile et le droit transitoire car il faut choisir entre la loi ancienne et la loi nouvelle. La solution adoptée par le droit positif est de transposer la solution de droit transitoire interne aux problèmes de conflits mobiles.
On va appliquer les règles du droit transitoire interne (PGD interne = art 2 du Cciv) ou conflit mobile. On appliquera immédiatement la loi nouvelle qui n’est pas rétroactive tout en respectant les différenciations connues en droit interne.
Ex : appréciation de la validité d’un mariage : l’épouse au départ est italienne puis devient française. S’il se pose la question de savoir si le mariage de cette femme est valable, cela va être apprécié selon la loi italienne de l’époque, donc la loi du moment où le mariage s’est fait. En revanche, s’il s’agit d’une question sur l’effet du mariage, on appliquera la loi nouvelle car dans ce cas, ce sera la loi française.
Ce principe de transposition a été posé dans un arrêt de la chambre civile du 15 mars 1963 l’affaire Patino.
On avait admis une exception à ce principe en matière de filiation. Une décision du 5 décembre 1949 Verdier dans une question de recherche de paternité naturelle, avait estimé que l’enfant pouvait retenir la loi qui lui était la plus favorable pour obtenir satisfaction. Mais cet arrêt était cantonné à l’affiliation. Cette jurisprudence est devenue obsolète avec la loi de 1972 et l’art311-14 qui fixe le rattachement au jour de la naissance de l’enfant (loi personnelle de la mère). Donc même si la mère change de nationalité, le rattachement est fixé.
Sous-titre 2 : incidents dans la mise en oeuvre de la règle de conflit de loi
Ils sont liés au caractère bilatéral de la règle de conflit car cette règle conduit soit à la France soit à la règle étrangère.
Aucun problème n’est soulevé si la loi française est désignée.
Si la loi étrangère est désignée, deux sortes de problèmes : son application, mais au delà cette loi étrangère peut poser le problème de son éviction lorsque l’application de la loi étrangère paraît inacceptable. Ou alors son application résulte d’une utilisation frauduleuse de la règle de droit.
Chapitre 1 : l’application de la règle de conflit et de la loi étrangère
Section 1 : l’autorité de la règle de conflit
A: l’autorité de la règle à l’égard du juge- l’office du juge
Cela pose la question de savoir si le juge est obligé ou pas d’appliquer la règle de conflit de loi. Donc si le juge doit ou non appliquer d’office la règle de conflit lorsqu’elle désigne la loi étrangère. Normalement, on distingue selon que les parties au litige ont invoqué ou pas la loi étrangère. Si oui, et que cette loi étrangère est applicable, le juge doit appliquer cette loi. Sinon (si les parties n’ont pas invoqué la loi étrangère), c’est ici que se pose la question de l’office du juge.
La jurisprudence a apporté des réponses à ces questions, mais elle a adopté une évolution en dents de scie. Et on peut distinguer 4 phases :
– 1ère phase issue de la jurisprudence Bisbal suite à un arrêt de la ch civ du 12 mai 1959. Dans cet arrêt époux espagnols qui voulaient convertir leur séparation de corps conformément à la loi française, alors que la règle de conflit conduisait à la désignation de la loi espagnole qui interdisait le divorce. Dans cette affaire, les pièces du juge ne comportaient aucune mention quant à la nationalité des parties, et en même temps, les parties n’avaient pas invoqué le droit espagnol. Et en fait, les juges ont appliqué la loi française. Et la Ccass approuve la solution en disant que les règles de conflit de loi en tant du moins qu’elles prescrivent l’application d’une loi étrangère, n’ont pas un caractère d’ordre public, en ce sens qu’il appartient aux parties d’en réclamer l’application. Autrement dit ;, cela veut diure que la règle de conflit est facultative pour le juge quand elle désigne une loi étrangère, et dans le silence des parties. Cette jurisprudence a fait couler beaucoup d’encre et a été critiquée, même si elle a pu être justifiée. On peut justifier la jurisprudence Bisbal par les principes qui prévalent en procédure civile, et notamment par le principe que le juge ne peut se fonder que sur des faits qui sont dans le débat. Cette jurisprudence a surtout été critiquée : d’abord il est dit que la règle de conflit est facultative, et donc le juge peut s’il le souhaite appliquer la loi étrangère désignée, mais il ne doit pas. Donc cela veut dire que la justice ne sera pas la même pour tous et dépendra de la philosophie des juges. Ensuite, les principes du procès aujourd’hui permettent au juge de connaître des éléments d’extranéité dans le litige. Troisième critique : l’arrêt dit que la règle de conflit n’est pas d’ordre public lorsqu’elle désigne la loi étrangère. Seulement, on se demande si cette justification est pertinente. La règle de conflit est une règle de conflit française, qu’elle désigne la loi française ou la loi étrangère. Alors pourquoi la traiter différemment ? Pourquoi serait-elle d’ordre public lorsqu’elle désigne la loi française uniquement ? Ces critiques ont porté leurs fruits.
– 2ème phase: revirement de JP Bisbal qui a été effectué par 2 arrêts de 11 & 18 octobre 1988 Rebouh et arrêt Schule. Ces deux décisions ont estimé que le juge du fond aurait dû relever d’office l’élément d’extranéité même si les parties ne l’avaient pas allégué.
Plus précisément, la cour de cassation en visant l’article 12 du nouveau code de procédure civile ainsi que l’article 311-14, montre que la règle de conflit est une règle de droit. Ça a été un arrêt marquant dans la mesure où le raisonnement opéré ne change rien au raisonnement de l’affaire. Le juge de cassation a profité de l’affaire pour imposer sa sanction. Les parties en l’espèce ne s’étaient pas fondées sur le DIPr, c’est le juge qui a relevé d’office ce moyen de droit pour casser la décision.
– 3ème phase : évolution jurisprudentielle : marquée par un arrêt du 4 décembre 1990, Coveco . Cet arrêt a fait quelque pas en arrière et est revenu sur le revirement de 1988.
Dans cet arrêt, il s’agissait d’une matière qui n’est soumise à aucune convention internationale et où les parties ont la libre disposition de leur droit. Par conséquent on ne peut reprocher au juge du fond de n’avoir pas procédé d’office à la recherche de la loi applicable. Cela revient à affirmer que la loi de conflit a un caractère facultatif sauf dans deux cas :
*le cas où la règle de conflit est d’origine conventionnelle
*ou quand la matière du litige porte sur un droit indisponible
Dans ces deux cas la règle de conflit reste obligatoire.
Critique :
*l’article 12 du nouveau code de procédure civile est différent selon l’origine de la règle (conventionnelle ou pas)
*le deuxième critère que l’arrêt utilise n’est pas facile à délimiter. Donc il faut faire la différence entre les matières d’ordre public et celles qui ne le sont pas. Mais le problème c’est qu’il y a des matières en droit interne qui sont d’ordre public mais dont les droits sont indisponibles. Donc critères flous
Qu’est-ce que l’ordre public : c’est la capacité des personnes, ainsi que les contrats. Mais il existe des limites. Par exemple concernant la capacité des personnes et les matières contractuelles il existe de plus en plus de dispositions d’ordre public.
*les objectifs de la jurisprudence vont-ils être atteints ? On se demande s’il est possible puisque globalement les matières où on a des droits disponibles concernent le domaine des contrats et de la responsabilité délictuelle, une fois que les dommages sont survenus.
En matière de contrats et de responsabilité la règle de conflit est presque toujours d’origine conventionnelle. Et de l’autre côté, quasiment tous les autres droits sont indisponibles. Dans ces autres domaines, on a peu de règles conventionnelles, beaucoup de règles de conflit interne.
-4ème phase: 2 arrêts de la première chambre civile du 26 mai 1999. Le premier cas était relatif à la filiation donc un droit indisponible et l’autre à l’exécution d’un contrat donc un droit disponible. La cour de cassation abandonne le critère lié à l’existence d’une convention internationale (pourtant en espèces il y a une convention applicable) pour ne faire qu’une distinction entre disponibilité ou indisponibilité de droit litigieux comme critère de solution. Et donc quand les droits sont indisponibles, le juge doit appliquer d’office la règle de conflit.
S’il s’agit d’un droit disponible : la règle de conflit devient facultatif pour le juge.
La solution reste en partie critiquée car onon n’a pas de critère fixe pour distinguer droit disponible et indisponible. Mais la solution est plus simple que Coveco.
Donc ce qui peut nous aider c’est la différences entre le droit patrimonial et le droit extra patrimonial. Il faut aussi noter que les droits disponibles sont en général de droits extra patrimoniaux et que les droits disponibles sont des droits patrimoniaux.
L’avantage c’est qu’on se retrouve devant solution relativement simple.
- l’autorité de la règle de confier à l’égard des parties
Est-ce que les parties peuvent mettre en application une règle différente de celle désignée par la règle de conflit ? C’est une idée ancienne.
L’obligation faite au juge d’appliquer la règle de conflit ne s’impose pas aux parties. En fait la règle de conflit procède normalement à une localisation objective et il faut admettre que les parties puissent déroger à cette localisation. La question ne se pose que dans les litiges où les parties ont la libre disposition de leur droit. Cette possibilité était posée pour la première fois par un arrêt de la première chambre civile du 19 avril 1988 Roho.
Il s’agissait d’un accord à Djibouti. On a admis que les parties pouvaient choisir la règle française plutôt que la lex loci delicti. Ces solutions données en 1988. On s’est d »mandé si elles allaient être retenues après le revenirement Coveco.
La 1ère chambre civile du 6 mai 1997 Hannover International a posé le principe de la licité de « l’accord procédural », c’est à dire l’accord des parties pour modifier la loi applicable au litige. Mais il faut quand même des conditions comme l’accord de toutes les parties au litige. L’accord procédural peut être conclu en faveur d’une loi étrangère si elles estiment qu’elle est plus adaptée.
La doctrine admet que cet accord devrait être admis aussi en faveur de la loi étrangère. Si les droits sont indisponibles, la règle de conflit est obligatoire à l’ égard du juge et des parties.
Si le droit est disponible, la règle de conflit est facultative pour le juge et permet aux parties de conclure « un accord procédural » et à ce moment là, le juge sera lié par le choix des parties.
Section 2 : la connaissance de la loi étrangère
C’est une question de preuve de la loi étrangère c’est-à-dire du contenu de cette loi. Et cette question qui est d’une grande importance pratique se lie avec un autre problème : parler de preuve de loi étrangère, c’est accréditer que la loi étrangère est un simple fait au litige car il n’y a que les faits qui doivent être prouvées. Donc au départ, c’étaient les parties qui devaient prouver la règle étrangère.
- la preuve de la loi étrangère
1) la charge de la preuve de la loi étrangère
Cette question a évolué dans le temps. On peut l’a diviser en deux temps :
*sous l’empire de la jurisprudence Lautour. Le défendeur voulait appliquer la responsabilité sans faute. La cour de cassation a censuré la cour d’appel car cette dernière avait estimé que c’était à la partie qui émettait une prétention d’établir le contenu de la loi applicable à celle-ci. Le critère c’est la prétention et non l’invocation et donc c’était à la victime qui demandait réparation de prouver que le droit étranger applicable lui permettait d’obtenir gain de cause.
Ce système a été complété par l’arrêt du 24 janvier 1984 Thinet, qui tire des conséquences de l’absence de preuve de la loi étrangère et admet que soit le défaut de preuve est dû à la mauvaise volonté de l’auteur de la prétention dans ce cas le rejet de la demande, soit le défaut est dû à une impossibilité. Dans ce cas on applique la loi française.
Ce système a duré un certain nombre d’années mais beaucoup de critiques ont été faites. L’auteur de la prétention n’a pas toujours intérêt à ^prouver la loi étrangère (Lautour), donc certains auteur ont proposé de retenir le critère de l’invocation.
Ce système « Lautour-Thinet » a évolué. Il y a eu une évolution de la jurisprudence avec un déplacement de la preuve vers le juge, or ce déplacement est dû à la jurisprudence « Bisbal-Coveco » qui oblige le juge à appliquer d’office la règle de conflit de plus en plus souvent . Et donc il est logique que dans ce cas ce soit au juge de rechercher la preuve de la loi étrangère et cette obligation a été posée dans un arrêt : Civ 1, 1er juillet 1997, Driss , qui oblige le juge à rechercher le contenu de la loi étrangère lorsque le juge doit appliquer d’office la règle de conflit. Cette décision de 1997 a été confirmée : 24 novembre 1998 , Lavatza.
Mais on a vu que parfois le juge n’était pas obligé d’appliquer d’office la règle de conflit, il en a simplement la faculté, et lorsqu’il utilise cette faculté , c’est au juge de rechercher le contenu de la loi étrangère. Précision apportée dans : 27 janvier 1998 , Abadou. C’est donc une première évolution apportée à la jurisprudence Lautour.
Reste les hypothèses où le juge a la faculté d ‘appliquer la règle de conflit et qu’il ne le fait pas de lui-même. Alors il se peut que l’une des parties invoque la compétence de la loi étrangère (comme dans Lautour) : C’était à la personne de prouver la loi étrangère.
Il y a eu une évolution : on a modifié le critère de répartition de la charge de la preuve entre les parties et de ce fait , cela fait coïncider la personne qui a la charge de la preuve de la loi étrangère avec la personne qui a intérêt à invoquer cette loi étrangère.
Et l’arrêt : Com, 16 novembre 1993 , Amerford , va abandonner clairement le critère de la prétention au profit du critère de l’invocation de la loi étrangère. Cet arrêt a apporté une précision : celui qui invoque la loi étrangère doit prouver que l’application de la loi étrangère conduirait à un résultat différent de celui obtenu par l’application de la loi française. Ceci met en avant la question de l’intérêt à voir appliquer la loi étrangère .Le seul intérêt est de retarder la procédure.
2) Les modes de preuve de la loi étrangère.
Pas de difficulté ici.
– Les parties doivent produire un certificat de coutume qui est un document rédigé en français et qui généralement émane du consulat ou de l’ambassade. Ce peut être un document rédigé par un juriste spécialiste du droit étranger en question.( il mentionnera le contenu de la loi étrangère et contient des indications sur la règle de conflit de lois)
– Lorsque c’est le juge qui doit prouver la loi étrangère , il fait appel à un expert et souvent le juge bénéficie de conventions internationales de coopération judiciaire , pour faciliter la circulation de l’information entre les différents pays.
B/ L’interprétation de la loi étrangère
Ici on suppose que la loi étrangère a été déclarée applicable , son contenu a été établi ( par le juge ou les parties) et le juge l’a donc appliquée.
Concernant la loi étrangère la question va se poser comme en droit français interne.
Pour ce qui est de son interprétation , le principe est que les juges du fond sont souverains mais la cour de cassation exerce tout de même un contrôle sur celle-ci.
1)L’interprétation souveraine de la loi étrangère par le juge du fond.
Le juge, lorsqu’il interprète la loi étrangère peut prendre en compte les textes de droit étranger mais aussi les règles coutumières et d’origine jurisprudentielle.
En principe la cour de cassation ne contrôle pas l ‘interprétation qui a été retenue et donc les pourvois fondés sur une interprétation inexacte de la loi seront déclarés irrecevables. Cela implique qu’à l’origine le droit étranger était considéré comme un fait et pas un droit.
Mais les juges du fond sont quand même tenus d’énoncer dans la décision , l’interprétation qu’ils donnent de la loi étrangère et si jamais leur interprétation contredit un texte étranger , ils doivent motiver leur interprétation.
2)Le contrôle de la cour de cassation.
En effet , la cour de cassation va accepter quand même les pourvois formés sur la dénaturation de la loi étrangère, dénaturation qu’elle pourra contrôler par le fait que les juges du fond doivent motiver leur interprétation . Et cette solution est inspirée par le pouvoir qu’a la cour de cassation en droit interne de contrôler la dénaturation du contrat et ce motif a été posée pour la 1ere fois dans un arrêt : 21 novembre 1961 , Montefiore , où la cour de cassation estime que le juge avait dénaturé le sens clair et précis d’un document législatif.
Cela suppose que la dénaturation soit flagrante .
Ce contrôle par la cour de cassation va s’attacher non seulement aux documents législatifs , mais aussi à la jurisprudence de droit étranger et depuis un arrêt récent : 1er juillet 1997 , Africa tour, où la cour de cassation a élargi son contrôle aux motifs de l’arrêt d’appel. Donc indirectement elle oblige les juges du fond à justifier systématiquement l’interprétation qu’ils ont faite du droit étranger
Le 2eme point intéressant de l’arrêt : depuis cet arrêt la cour de cassation se fonde sur l’article 3 code civ. alors qu’auparavant , c’était 1134 code civ.( qui visait les contrats).
C’est en plus, marquer que la loi étrangère est bien une règle de droit et pas un simple fait et c’est affirmer également que la dénaturation de la loi étrangère est une violation de la règle de conflit elle-même.
CHAPITRE 2 : L’ÉVICTION DE LA LOI ÉTRANGÈRE.
Cela suppose que la loi a été désignée, qu’elle s’applique , son contenu a été prouvée. La règle de conflit a joué normalement et a joué son rôle de répartition et de désignation de la loi.
Mais il se peut que l’application de loi étrangère désignée va parfois être écartée, ce qui va empêcher l’aboutissement normal du mécanisme conflictuel. Ici il s’agit de 2 mécanismes qui vont conduire à évincer la loi étrangère pour lui substituter la loi du for. Et par l’expression « éviction » on veut souligner par là le caractère exceptionnel de ces 2 mécanismes car on écarte une loi qui est en principe applicable. Ces mécanismes s’écartent du renvoi où la loi étrangère ne se veut pas applicable dans ce cas.
Section 1 : L’ordre public international.
La désignation et l’application d’une loi étrangère , c’est ce qu’un auteur allemand appelle un « véritable saut dans l’inconnu ». Le « saut » comporte certains risques qui vont se révéler lorsque l’application du droit étranger notamment heurte certaines conceptions fondamentales du droit français. Or , il est vrai que la loi étrangère adopte parfois une solution choquante pour nous à tel point qu’il nous paraît difficile d’appliquer cette solution. Le Droit International Privé il est vrai accepte des solutions différentes mais il y a des limites. Donc la chose va se présenter en 3 étapes : Le juge va désigner la loi compétente , il constate ensuite que la solution est choquante et il va évincer l’application de cette loi au profit de la loi du for.
Ce jeu d’exception d’ordre public remplit 3 fonctions :
D’abord il permet d’écarter les lois étrangères contraires au droit naturel ( par exemple une loi étrangère qui opèrerait une discrimination raciale, sexuelle).
Ensuite , assurer la défense de certains de nos principes qui sans être universels comme le droit naturel, constituent les fondements politiques, sociaux de la société française.(il s’agit par exemple du principe de monogamie, de laïcité)
Enfin, assurer la sauvegarde de certaines politiques législatives.
Il fait dire que l’éviction de la loi étrangère doit demeurer exceptionnelle (c’est pourquoi on parle d’exception d’ordre public).
A/ Conditions d’application de l’exception d’ordre public.
Il y en a 3 donc le juge doit porter son examen dans 3 directions.
1) La considération de la loi étrangère
Cette 1ere condition signifie qu’il faut partir de la loi étrangère et non pas de la loi du for ou décider que cette loi du for s’applique au nom de l’ordre public. Cette précision est important car permet de faire la différence entre le jeu de l’ordre public et les mécanismes de lois de police. Les lois de police s’appliquent de façon immédiate sans faire jouer la règle de conflit et on dit que les lois de police énoncent la règle de conflit elle-même ( car elles ne passent pas par le raisonnement conflictuel).
Donc le raisonnement est complètement différent puisque lorsqu’on fait jouer l’ordre public , on a déjà mis en œuvre la règle de conflit de lois ( on ne l’a pas écartée) et ce n’est qu’une fois désignée (la loi étrangère) que l’on s’aperçoit qu’elle est choquante, à ce moment là on fait jouer l’ordre public. Donc l’exception d’ordre public intervient beaucoup plus tard que dans les lois de police.
Enfin , il y a une distinction car certaines décisions ont entretenu la confusion en utilisant l’expression de « lois d’ordre public » pour désigner des lois de police.
Les 2 mécanismes n’ont pas non plus le même fondement : la loi de police ne prend en considération que la loi française alors que le jeu de l’ordre public est beaucoup plus respectueux de la diversité car on a laissé à la loi étrangère une chance de s’appliquer.
2) La considération des circonstances concrètes de l’application de la loi étrangère
Cela signifie que ce n’est pas la loi étrangère en elle-même c’est à dire abstraitement qui est choquante, mais c’est son application concrète au litige qui va être considérée comme choquante.
Par exemple, la répudiation ou la polygamie : ceci ne va pas nécessairement choquer car beaucoup de droits , s’ils permettent la répudiation , donne des garanties à l’épouse et par exemple lui attribue l’équivalent de la pension alimentaire.
Ex : L’affaire « Patino » concerne un divorce et la loi normalement compétente était la loi bolivienne qui ne connaissait le divorce comme mode de relâchement du lien conjugal mais elle posait comme condition que la loi du lieu de célébration du mariage admette aussi le divorce.
Donc apparemment rien de choquant. Mais l’application de la loi bolivienne conduisait à interroger la loi du lieu de célébration , en l’occurrence la loi espagnole or cette loi interdisait le divorce . Du coup , l’application de la loi bolivienne conduisait en l’espèce à empêcher tout relâchement du lien conjugal. Dans ce cas alors, cela est choquant.
3) La référence à l’ordre juridique du for.
On parle à ce propos de la conception française de l’ordre public international pour montrer que le point de référence c’est la loi du for. C’est donc un ordre public qui n’est pas véritablement international.
Il n’empêche qu’il faut distinguer l’ordre public interne de l’ordre public international. Dans l’ordre interne les lois d’ordre public sont impératives et donc s’imposent ( donc ne supportent pas de conventions contraires). Par analogie on pourrait dire qu’en Droit International privé , l’ordre public consisterait à ne pas supporter de loi étrangère différente du droit français. Or on s’aperçoit que les lois d’ordre public en droit interne par exemple en droit des personnes , n’empêche pas en Droit International privé l’application de lois étrangères différentes. Donc pas de correspondance entre ordre public interne et ordre public international et dans la plupart des cas , l’application d’une loi étrangère ne porte pas atteinte à l’ordre public interne. Parfois , l’ordre juridique de référence peut être international mais en même temps ce n’est pas là non plus véritablement international , dans la mesure où les principes ont été intégrés à l’odre juridique français. Notamment les principes contenus dans la Convention européenne des droits de l’homme car ces 10 dernières années, la cour de cassation a assez souvent fait référence à cette convention pour décider qu’une loi étrangère est contraire à l’ordre public international.
Enfin, l’ordre juridique de référence ne peut pas être un droit étranger car cela pourrait conduire à l’éviction de la loi du for.
B/ La relativité de l’ordre public.
1) La relativité temporelle.
Elle est encore exprimée sous le principe de « l’actualité de l’ordre public ». cela signifie que la conception de l’ordre public va varier selon les époques. On a souvent parlé d’ordre public « caoutchouc » ou « chewing-gum » pour illustrer ce caractère variable de l’ordre public.
On va donc apprécier la contrariété de la loi étrangère à l’ordre public au moment au moment où le juge statue. Donc le juge va statuer à un moment donné par rapport à ses conceptions actuelles.
2) La relativité temporelle et spatiale de l’ordre public : effet atténué de l’ordre public.
Cet effet atténué consiste à dire que l’ordre public peut ne pas s’opposer à l’effet en France de situations créées à l’étranger alors qu’il s’opposerait à la création de ces situations en France.
Donc non seulement il y a le facteur temps qui joue, mais en plus on va faire la différence dans les cas où la situation a déjà été créée dans le passé et la situation qui va être créée , et on va distinguer selon le lieu de création de la situation.
Et cet effet atténué est consacré par l’arrêt RIVIERE de 1953 dans l’un de ses attendus :
« la réaction à l’encontre d’une disposition contraire à l’ordre public n’est pas la même suivant qu’elle met obstacle à l’acquisition d’un droit en France ou suivant qu’il s’agit de laisser produire en France les effets d’un droit acquis, sans fraude , à l’étranger et en conformité de la loi ayant compétence en vertu du Droit International privé français. »
Il s’agit d’un droit acquis sans fraude (1ere condition) , à l’étranger (2e condition) et en conformité par rapport à la loi applicable selon le droit français ( 3e condition).
Dans cet arrêt RIVIERE : femme russe émigrée en France qui avait épousé un autre Russe et ils vont s’installer en équateur. Ils font prononcer leur divorce par consentement mutuel . Chacun se remarie de son côté et l’ex-épouse avec M. Rivière et peu de temps après elle assigne ce-dernier en divorce devant les juridictions françaises. Pour échapper à une pension alimentaire, M.Rivière prétend que le premier divorce ne peut pas être reconnu en France : parce qu’ils avaient divorcé par consentement mutuel alors que le droit français ne connaissait à l’époque que le divorce pour faute. En l’occurrence, la règle de conflit désignait la loi équatorienne qui autorisait le type de divorce par consentement mutuel et M.Rivière veut montrer que la loi équatorienne est contraire à l’ordre public français.
La cour de cassation a donc répondu (cf supra).
Cet effet atténué , on en trouve des applications par exemple en matière de polygamie : on ne pourrait célébrer en France un mariage polygamique , en revanche on ne s’oppose pas à la reconnaissance en France de certains effets d’un mariage polygamique célébré à l’étranger .
Ou encore en matière de répudiation.
La cour de cassation a déjà accepté par exemple que la 2eme épouse obtienne une pension alimentaire (lorsque le mariage polygamique est interdit en France).
3) Relativité personnelle : la proximité de la situation avec le for (= l’ordre public de proximité ou Inlandbeziehung).
Jusqu’ici comme on l’a vu , on n’avait que le facteur espace et temps , or cette appréciation espace-temps a perdu aujourd’hui de sa pertinence , du fait qu’il est facile de se déplacer .
De ce fait , il est facile pour des immigrés en France de retourner un week-end dans leur pays pour répudier leur femme par exemple . Donc les facteurs temporel et spatial ne suffisent plus à attester de l’éloignement de la situation avec le for. L’ordre public atténué reposait sur l’éloignement de la situation avec le for. Aujourd’hui il y a des situations qui ont l ‘apparence de l’éloignement alors qu’elles ne sont pas du tout éloignées du for. Et cette proximité avec le for s’apprécie en fonction de considérations personnelles et depuis que l’on a découvert cet ordre public de proximité , 2 critères permettent d’apprécier cette proximité :
soit la nationalité française de l’une des parties , soit sa résidence en France.
Donc par ces critères une personne va présenter une attache forte à la France , ce qui va constituer une limite à l’effet atténué de l’ordre public.
Pour la première fois abordé : 1er avril 1981 , de itturalde de pedro : divorce qui opposait une femme française à son mari espagnol et l’application de l’article 310 code civ. conduisait à l’application de la loi espagnole qui à l’époque encore interdisait le divorce. Donc on se retrouve dans l’hypothèse où une femme française est empêchée de divorcer alors qu’elle habite en France et que le droit fançais est devenu plus libéral en matière de divorce. Ici la cour de cassation a estimé que la conception française actuelle de l’ordre public international , impose la faculté pour une Française domiciliée en France de demander le divorce. Donc elle a écarté la loi espagnole. La nouveauté est cette référence à une Française domiciliée en France.
Un arrêt du 10 février 1993 a estimé qu’un enfant français ou résidant habituellement en France doit pouvoir établir sa filiation .
Ensuite , en matière de polygamie : 6 juillet 1988, Baaziz : polygamie passive lorsqu’une personne dont le droit national est un droit monogame et qui se marie avec un Marocain célibataire en France . Quelques années plus tard le mari va au Maroc et en profite pour se marier avec une Marocaine . Ici on a estimé que le mariage polygamique qui était pourtant valable en vertu de l’effet atténué de l’ordre public, ne pouvait pas produire d’effets à l’encontre d’une Française . C’est alors une illustration de l’ordre public de proximité.
C/ Les effets de l’ordre public.
1) Effet général ( effet plein ) : substitution de la loi française à la loi étrangère compétente
Cela signifie que l’on va remplacer la loi étrangère compétente par la loi française.
La 1ere conséquence est l’éviction de la loi étrangère . On dit à ce moment là que l’ordre public joue dans son effet plein. Cette éviction va être menée jusqu’au bout et on va tirer toutes les conséquences de cette éviction . Tout d’abord ce n’est pas forcément tout le droit étranger que l’on écarte mais seulement la disposition choquante.
Ensuite , au-delà de ce fait que l’on n’écarte que les dispositions choquantes, si l’éviction entraîne des conséquences logiques de la solution concrète on va tirer ces conséquences .
Ex : dans l’affaire PATINO.
2) Effet atténué ( cf supra)
3) Effet réflexe.
On a vu qu’on ne tient pas compte de l’ordre public étranger, l’exception est l’ordre public réflexe = C’est lorsqu’il y a concordance entre l’ordre public étranger et le notre, et où il s’agit de reconnaître en France la décision d’un juge étranger et on suppose que ce juge étranger a écarté la loi étrangère applicable comme étant contraire à l’ordre public . Et s’il y a assimilation , on va accepter cette situation , de reconnaître la décision.
Ex : 2 Polonais de religions différentes s’étaient mariés en Belgique alors que leur loi nationale interdisait le mariage de 2 personnes de religions différentes. Les autorités belges ont écarté la loi polonaise comme contraire à l’ordre public car estiment que la loi est discriminatoire.
Section 2 : la fraude à la loi.
Ici ce n’est pas un cas où la loi est choquante, donc fondement différent.
Un exemple célèbre : 18 mars 1978, Princesse de Bauffremont.
Il s’agissait des époux de Bauffremont qui étaient mariés à une époque où le divorce était interdit en France. Et cela ne convenait pas à la princesse de Bauffremont, et elle s’est rendue en Allemagne où elle a pu obtenir allemande et elle a donc pu obtenir le divorce. Une fois le divorce obtenu elle en profite pour épouser un autre prince et le prince de Bauffremont , mécontent , intente une action pour faire annuler la nationalisation de la princesse et annuler le second mariage. Les tribunaux ont accueilli cette demande de fraude à la loi car ils ont estimé qu’il y avait eu manipulation du facteur de rattachement pour que la princesse puisse divorcer.
A/ Constitution de la fraude.
La fraude, c’est l’utilisation volontaire d’une règle de conflit dans le but d’échapper à l’application d’une loi. 3 éléments sont nécessaires :
- Un élément matériel qui est en fait le moyen de la fraude. Ce moyen consiste à se placer sous l’empire de la loi étrangère qui permet ce que la loi française ne permet pas. Et on peut se placer sous l’empire de la loi étrangère par exemple, en modifiant l’élément de rattachement.
- Un élément légal : c’est l’impératif auquel on veut échapper. Et cet élément existe puisque la personne veut se soustraire soit à l’obligation, soit à une interdiction de la loi initialement compétente. Ex : échapper à l’interdiction du divorce.
- L’élément intentionnel : la volonté de se servir du droit dans un seul but (but exclusif). Par exemple, le fait de changer de nationalité dans le seul but d’échapper à la loi française interdisant le divorce.
B/ Sanction de la fraude.
La sanction traditionnelle de la fraude, c’est l’inopposabilité de la situation (pas la nullité).
Depuis quelques années en matière de mariage, l’article 190-1 code civ. dit que le mariage célébré en fraude à la loi peut être annulé sous certaines conditions . Donc ici la sanction c’est bien la nullité. Le but était de lutter contre les « mariages blancs ».