Cours de droit pénal général

Cours de droit pénal

Si on prend la définition du crime dans le dictionnaire Cornu, c’est « une transgression particulièrement grave attentatoire à l’ordre et à la sécurité, contraire aux valeurs sociales admises, réprouvée par la conscience, et punie par la loi ».

Il y a deux objectifs au droit pénal, que le législateur va tenter de concilier, et qui sont tout aussi louables l’un que l’autre :

  • une réponse adaptée aux nécessités de la répression : lorsqu’un crime est commis, on ne doit pas le laisser impuni
  • la sauvegarde de la liberté individuelle : on ne peut pas arrêter arbitrairement une personne qu’on pourrait considérer coupable du crime et délit, il faut suivre une procédure particulière qui respecte les droits du suspect ou coupable (pas de torture, d’écoute sans autorisation…)
  • Depuis quelque temps, on considère également un troisième objectif : que la victime doit prendre part au procès.

Plan du cours :

Introduction

§1 : Définition du droit pénal

Le droit pénal général est un droit pénal très original, dans la mesure où il est normatif : cela signifie qu’il ne se borne pas à observer les évènements, mais qu’il va prescrire ce qui doit être fait dans l’intérêt général. Ce droit pénal général crée également des notions qui lui sont propres, comme la complicité ou encore la tentative, et qui vont recevoir des définitions qui ne vont jouer qu’en droit pénal.

Le droit pénal doit également faire preuve de réalisme : son rôle principal est de combattre la délinquance, et pour ce faire les concepts vont évoluer en fonction de l’époque. Certaines infractions ont été abrogées, alors même que d’autres ont été créées pour s’adapter à une délinquance nouvelle.

Il faut garder à l’esprit que le droit pénal refuse le mécanisme de la fiction, qui consiste à considérer comme vrai quelque chose qui n’a pas été démontré. La plupart des auteurs sont très défavorables aux recours à ces fictions en droit pénal, car ils considèrent que ces derniers vont porter atteinte aux droits de la défense, et notamment à la présomption d’innocence (d’où l’interdiction de filmer ou de photographiée un suspect menotté sans preuve de sa culpabilité).

Le droit pénal doit donc protéger la victime, qui peut se constituer partie civile, ce qui signifie qu’elle va pouvoir avoir un rôle actif dans la procédure. Ce n’est en réalité que depuis un arrêt de 1906 que la victime va pouvoir mettre en mouvement l’action publique en se constituant partie civile (si elle ne le fait pas, c’est alors le rôle du ministère public, qui a le choix de la mettre en mouvement ou pas).

Depuis cette période, on a admis que la victime pouvait se prévaloir d’un certain nombre de droits, notamment d’être assistée d’un avocat (la victime a le droit de se défendre) ou d’être effectivement reconnue comme victime (pas de présomption de tromperie ou de faux témoignage).

Certains auteurs ont également souligné que la victime avait le droit de rester passive lors de l’instance en laissant le ministère public activer le procès, ainsi que celui d’avoir un rôle actif : elle va pouvoir demander des actes d’instruction, des examens médicaux, psychologiques, ou toute mesure pouvant être utile à la manifestation de la vérité. Le problème est cependant qu’elle peut demander ces actes, mais que le juge d’instruction peut refuser ces mesures.

La loi du 9 septembre 2002 a apporté une modification substantielle concernant le droit des victimes, et depuis cette loi, les officier de police judiciaire doivent informer les victimes qu’elles peuvent se constituer partie civile, demander réparation de préjudice subi, et être aidées par des associations d’aide aux victimes.

L’originalité du droit pénal tient encore au fait qu’il doit garantir les droits de certaines personnes, ce qu’il fait à travers le principe de légalité criminelle.

Le droit pénal est autonome par rapport aux autres branches du droit : certains considèrent d’ailleurs qu’il appartient au droit public, même s’il est rangé dans la catégorie des branches du droit privé. Ainsi, le droit pénal peut refuser une interprétation faite d’après des notions d’autres branches du droit (exemple : la banqueroute, qui est différente en droit commercial et en droit pénal). Ce droit pénal va pouvoir se diviser en plusieurs disciplines, réparties en deux types de branches :

o les branches classiques :

  • Droit pénal spécial: son objectif est de fixer la nature des comportements que le législateur considère comme étant nocif pour la société, et de dresser la liste des infractions
  • Droit pénal général (objet du cours): toutes les incriminations pénales vont s’appuyer sur des principes communs, et l’analyse de ces principes forme le droit pénal général, qui trouve son assise dans les articles 111-1 à 133-17 du Code pénal. Le droit pénal général permet d’établir le portrait des catégories d’infractions, et vise à analyser le régime des peines qui vont leur être applicables. Il va fixer les règles qui méritent une protection par le droit pénal : c’est la fonction expressive du droit pénal. Le droit pénal général comprend tout ce qui a trait à la peine et leur attribution aux infractions.
  • La procédure pénale: l’application du droit pénal nécessite le déclenchement d’un procès devant une juridiction pénale. Là encore l’objet de la procédure pénale est double : il doit en premier lieu déterminer les règles de compétence et d’organisation des juridictions répressives, et détailler en second lieu les étapes de la découverte de l’infraction jusqu’au procès et l’épuisement des voies de recours.

o les branches plus modernes, beaucoup plus nombreuses :

  • La science pénitentiaire: elle va analyser les difficultés engendrées par l’exécution des peines
  • Le droit pénal spécial
  • Le droit pénal des affaires: celui-ci comprend de nombreuses autres branches comme le droit pénal de la presse, le droit pénal économique, le droit pénal de la consommation…
  • Le droit pénal international : lorsqu’une infraction est commise par un français à l’étranger, par un étranger en France, ou encore par un étranger sur un français.

§2 : L’évolution du droit pénal général

A/ Jusqu’à 1810

Cette évolution a été marquée par plusieurs étapes. La première fut ce qu’on appelle le déclin de la justice privée, et deux systèmes se sont successivement imposés : la procédure accusatoire et la procédure inquisitoire. Celles-ci vont avoir une répercussion importante sur la charge de la preuve et la protection des libertés individuelles.

Jusqu’au XIIIe siècle, la procédure était de type accusatoire : il appartenait à l’accusateur de prouver la véracité de ses allégations, la défense était libre et l’audience publique. On considérait à l’époque que toute accusation est une atteinte à la liberté individuelle, d’où l’obligation de l’accusateur. Sur le plan des principes, on peut considérer que ce système était assez favorable à la personne poursuivie dans la mesure où la charge de la preuve incombe à l’accusation et que la personne accusée est considérée comme innocente jusqu’au procès.

Cette image de protection est totalement illusoire : depuis l’époque mérovingienne, certaines preuves étaient utilisées comme le serment entre parties, ou encore l’ordalie (principe selon lequel Dieu est toujours du coté des innocents).

A partir du XIIIe siècle, on a commencé à privilégier la procédure inquisitoire, dans laquelle la procédure était déclenchée par le ministère public ou par le juge : on présumait la culpabilité de l’accusé, on essayait donc de transformer cette présomption en certitude. On va faire prévaloir l’ordre public sur la liberté individuelle.

Le système des ordalies a été abandonné et remplacé par ce qu’on appelle les preuves légales : sa vocation principale était d’assurer la protection de l’accusé contre les pouvoirs excessifs dont étaient dotés les juges, mais ce système a amplifié l’arbitraire. En effet, dans le système des preuves légales, chaque preuve a une force probante définie, et le juge est tenu de tirer les conséquences des preuves présentes (en cas d’aveux, la personne devait être condamnée même en cas de preuves contraires). Ainsi, le juge a cherché à obtenir des aveux à tout prix par la torture, qui a été généralisée à l’époque.

C’est la raison pour laquelle au XVIIe siècle, les auteurs ont commencé à dénoncer les faiblesses du système inquisitoire et des preuves légales, et on a commencé à considérer qu’il fallait mieux absoudre 1000 coupables que de condamner un innocent. C’est alors que la présomption d’innocence a fait son apparition : « lorsque l’innocence des citoyens n’est pas assurée, la liberté ne l’est pas non plus » (Montesquieu).

Le principe de présomption d’innocence sera par la suite consacré dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, amenant ainsi la charge de la preuve à être incombée à la partie poursuivante. Le système des preuves légales a été abandonné au profit de la liberté de la preuve : tous les moyens de preuve peuvent être utilisés par le juge, mais aucun n’a de force probante supérieure.

Le Code pénal napoléonien a été adopté en 1810. Il faisait preuve d’une grande sévérité dans la répression, avec notamment des châtiments corporels, des peines planchers et des peines maximum.

B/ Depuis 1810

Un certain nombre d’écoles de pensée ont pu se créer et avoir une influence sur l’évolution du droit pénal général :

o L’école néo-classique, dont les plus grands représentants sont Rossi et Ortolan : « punir pas plus qu’il n’est juste et pas plus qu’il n’est nécessaire ». Cette école dénonce la sévérité du Code napoléonien : ils veulent graduer la peine en fonction de la personnalité du coupable. Ce mouvement a eu pour conséquence l’adoption de circonstances atténuantes, l’adoucissement en 1832 et 1863 du Code pénal napoléonien, et la personnalisation de la peine.

o L’école positiviste : le Docteur Lumbroso a posé les bases de cette école dans L’homme criminel. L’auteur y parle de déterminisme : le sort de chaque personne est écrit à l’avance, il faut donc remplacer les peines par des mesures de sûreté fixées non pas en fonction de la personnalité du délinquant, mais en fonction de son caractère dangereux. C’est en s’appuyant sur ces idées que le législateur a prévu que les mineurs délinquants puissent faire l’objet de mesures éducatives.

o L’école de la défense sociale nouvelle, de Marc Ancel : les principes de cette école ont été posés dans La défense sociale nouvelle, en 1954. Selon Ancel, il faut prévenir l’infraction et permettre au délinquant de se réinsérer dans la société (la réinsertion empêche la récidive). C’est sur cette base que le sursis a été admis.

C/ L’état actuel de l’évolution

Le Code pénal de 1810 a été remplacé par le Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994. Les puristes considèrent qu’il n’y a qu’un seul Code pénal, mais qu’il faut parler d’anciennes et de nouvelles dispositions. On a reclassifié et recodifié les infractions, et chaque chiffre de l’article renvoie à un élément du Code pénal (l’article 112-1 renvoie au livre 1er, titre 1er, chapitre 2).

Sur le fond, le Code pénal de 1994 a apporté d’importantes modifications telles que l’admission de la responsabilité pénale des personnes morales, la suppression de toutes les peines planchers, la délimitation morale de l’infraction. Plusieurs lois sont cependant venues modifier le Code pénal 1994 :

o la loi du 10 juillet 2000 a redéfini la faute pénale d’imprudence

o la loi Perben II du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, qui apporte de profondes modifications concernant la criminalité organisée, crée une nouvelle peine (le stage de citoyenneté), ainsi que la réduction de peine pour les repentis (article 132-78 du Code pénal)

Première partie : la loi pénale

La loi pénale est une condition antérieure et préalable à tout acte infractionnel. Elle suppose l’incrimination et, selon le vocabulaire juridique Capitan, l’incrimination est une mesure de politique criminelle consistant pour l’autorité compétente à ériger un comportement déterminé en infraction en déterminant les éléments constitutifs de celle-ci et la peine applicable.

Chapitre I : L’objet de la loi pénale

En application de l’article 111-1 du Code pénal, les infractions sont classées suivant leur gravité en crimes, délits et contraventions. Il est apparu assez logique de classifier les comportements et de les catégoriser.

Section 1 : La distinction fondée sur la gravité de l’infraction

Plusieurs types de classification ont été envisagés par la doctrine : l’élément intentionnel, moral, etc… Mais la plus importante de ces classifications s’appuie sur l’élément légal, autrement dit le Code pénal a pris en considération les peines qui régissent les infractions pour les classer.

Le législateur va prendre en considération la gravité de l’infraction en fonction de la valeur méconnue. On peut déduire de la peine appliquée de quelle infraction il s’agit : il faut se référer à différents articles du Code pénal, notamment l’article 131-1, qui dispose que les peines criminelles encourues par les personnes physiques sont la réclusion criminelle ou la détention criminelle à perpétuité. L’article 131-3 du Code pénal ajoute que les peines correctionnelles encourues par les personnes physiques sont l’emprisonnement et l’amende, et enfin l’article 131-12 relève que les peines contraventionnels encourues par les personnes physiques sont l’amende et les peines restrictives ou privatives de droits.

Par exemple, le Code pénal dispose que le vol est puni de 3 ans d’emprisonnement, ainsi on peut en déduire que c’est un délit. Cependant, il ajoute que s’il est assorti de la menace d’une arme, le coupable encourt 10 ans d’emprisonnement, ce qui en fait un crime. Ainsi la même infraction peut avoir des qualifications différentes selon les circonstances de cette infraction.

Ce critère de classification a des conséquences : tout notre système pénal s’est bâti autour d’elle, et les conséquences sont relativement importantes.

La première influence se fait ressentir sur l’élément matériel : en matière criminelle, la tentative est toujours punissable, tandis qu’ne matière délictuelle, la tentative ne sera sanctionnée que si le texte d’incrimination le prévoit. Enfin, la tentative n’est jamais punissable en matière de contravention.

La complicité est toujours possible en matière criminelle et délictuelle, alors qu’en matière contraventionnelle, il n’y a que certaines hypothèses prévues par la loi qui admettent la complicité.

La distinction a également des conséquences sur l’élément moral de l’infraction : l’article 121-3 du Code pénal précise que tous les crimes sont intentionnels, il ajoute que les délits peuvent être intentionnels, d’imprudence, ou de mise en danger de la vie d’autrui. Il n’est jamais nécessaire de rapporter la preuve du caractère intentionnel d’une contravention, le seul fait suffit à caractériser l’infraction.

La distinction crime/délit/contravention a également des conséquences sur la peine, plus précisément sur le quantum (montant) de la peine. Le Code pénal a supprimé les peines planchers pour les crimes et les délits, la dispense de peine ne peut jouer qu’en matière délictuelle ou contraventionnelle, le sursis ne peut être prononcé qu’en matière correctionnelle ou délictuelle, la prescription de la peine est différente (20 ans en matière criminelle, 5 ans en matière délictuelle, et 2 ans en matière contraventionnelle).

On retrouve les conséquences de cette distinction en matière procédurale : la procédure va être liée à la nature des infractions en cause. En matière criminelle, l’instruction est obligatoire, alors qu’elle n’est que facultative en matière délictuelle. Si le juge estime que tous les éléments de preuve sont réunis, il ne va pas ouvrir d’instruction, contrairement au cas où la situation est complexe et nécessite des éclaircissements.

La comparution immédiate est possible pour les crimes et les délits, et la contravention fait l’objet d’une citation directe. Le plaider coupable (procédure et peine amoindries) n’est possible que pour les contraventions et délits. Les contraventions relèvent du tribunal de police, les délits du tribunal correctionnel, et les crimes de la Cour d’assise.

Section 2 : La distinction fondée sur la nature de l’infraction

Il y a trois types de classification : les infractions politiques, les infractions de terrorisme et les infractions militaires.

§1 : Les infractions politiques

Il n’existe pas de critère légal définissant une infraction politique : c’est la jurisprudence et la doctrine qui ont dégagé deux critères.

Selon le critère objectif, on va considérer comme étant des infractions politiques toute infraction portant atteinte à l’organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics.

Selon le critère subjectif (développé par la doctrine), on va prendre en considération le mobile du délinquant : s’il a commis une infraction de droit commun en étant animé d’une intention politique (séquestrer un homme politique parce que c’en est un), alors il est coupable d’une infraction politique.

Seul le critère objectif est retenu.

Les peines politiques sont différentes des peines de droit commun lorsqu’il s’agit d’un crime. Le Code pénal a établi une échelle des peines différentes de ce qu’on peut retrouver de façon classique : perpétuité, réclusion de 30 ou de 15 ans.

En matière délictuelle, il n’y a pas de différence, et les peines applicables aux délits politiques n’entraînent jamais de déchéance, et aucune contrainte par corps ne peut être demandée.

Les crimes politiques relèvent de la Cour d’assise comme les crimes de droit commun, néanmoins le législateur a prévu une dérogation à cette règle lorsque le crime d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation est commis en temps de guerre, où il relève de la juridiction des forces armées. Certains crimes politiques commis en temps de paix relèvent d’une Cour d’assise spécifique, qui n’est pas composé d’un jury populaire mais de sept magistrats professionnels. Lorsqu’un appel est formé, la Cour d’assise d’appel sera composée de neuf magistrats professionnels. Seuls les crimes de trahison et d’espionnage sont concernés par cette Cour.

Les délits politiques sont soumis aux juridictions de droit commun, néanmoins on ici encore deux exceptions à ce principe : en effet, les infractions prévues aux articles 411-1 à 411-11 qui sont commises en temps de paix vont relever d’un tribunal correctionnel spécialisé en matière militaire. Enfin, les délits contre les intérêts fondamentaux de la nation commis en temps de guerre sont soumis à la juridiction des forces armées.

La comparution immédiate est impossible en matière politique, ainsi que la procédure d’extradition.

§2 : Les infractions militaires

Ces infractions sont encore plus anecdotiques que les infractions politiques, et la jurisprudence dans ce domaine est quasiment inexistante. Les infractions militaires sont assimilées à des infractions disciplinaires : on va donc devoir se référer au Code de justice militaire, qui détermine quelles sont les infractions militaires et va fixer les règles applicables en la matière.

Selon ce dernier, ces infractions sont des « manquements au devoir ou à la discipline militaire » (mutilation volontaire, désertion, etc.). La jurisprudence a cependant étendu le domaine des infractions militaires : elle a considéré qu’elles concernaient également les infractions de droit commun commises par des militaires. Pour que cette jurisprudence puisse s’appliquer, il faut que l’infraction ait été commise à l’occasion de l’exécution de l’activité militaire.

Des règles spécifiques vont être mises en œuvre en ce qui concerne les juridictions compétentes :

o En temps de paix, les délits militaires vont relever de juridictions spécialisées en matière militaire, et les crimes relèvent de la Cour d’assise de droit commun.

o En temps de guerre, ce sont les juridictions des forces armées qui vont avoir la compétence. La seule particularité concerne certaines peines complémentaires relatives à l’activité militaire (perte de grade, destitution…).

L’extradition n’est possible que lors d’un crime de droit commun commis par un militaire, ou encore lors de la désertion de marins à terre.

§3 : Les infractions de terrorisme

Selon l’article 421-1 du code pénal, « constituent des actes de terrorisme lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public, par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes : toutes les atteintes à la vie, les vols ou extorsion de fonds, la fabrication d’engins meurtriers », etc.

Les infractions de terrorisme peuvent être commises par toute personne, et la particularité est qu’on va prendre en compte le but poursuivi par le délinquant. En l’occurrence, le mobile va avoir une fonction déterminante sur la qualification juridique de l’infraction.

La Cour de cassation rappelle régulièrement que les juges du fond vont devoir vérifier l’état d’esprit du délinquant pour qu’on puisse en conclure à une infraction de terrorisme. Si tel est le cas, on va là encore avoir des règles de procédure et de compétence particulières :

o En ce qui concerne la procédure, les conséquences sont extrêmement lourdes : les règles de garde à vue ne sont pas les mêmes (4 jours au lieu de 2), l’intervention de l’avocat n’intervient qu’au bout de 72 heures, le consentement de la personne n’est pas nécessaire lors d’une perquisition, et les empreintes d’auteurs d’actes de terrorisme sont centralisées dans un fichier

o Pour la compétence juridictionnelle, peu importe où l’infraction a été commise, seules les juridictions de Paris sont compétentes. C’est une Cour d’assise spécifique qui sera compétente en matière de crimes de terrorisme, et qui n’est composée que de magistrats professionnels.

Chapitre II : Le principe de la légalité

En vertu du principe de la légalité criminelle, il ne peut pas y avoir d’infraction en dehors d’un texte légale (nullum crimen, sine lege), et la loi est nécessaire pour toute incrimination. Ainsi le juge n’a pas le droit de créer un délit, ou de déclarer punissable des faits que le législateur ou le pouvoir exécutif n’a pas incriminé.

Section 1 : Les origines et les évolutions de la règle légaliste

 

§1 : Les origines et les fondements du principe

Ce principe de la légalité, on en retrouve des traces dans le Code qui avait fixé une échelle des peines. Au Moyen-âge, le système des peines a été adopté, mais pendant très longtemps, le droit pénal a connu des difficultés car il était divers : les règles pouvaient être issues de beaucoup de sources. Cela créait un arbitraire pour les justiciables, et c’est donc pour combattre cet arbitraire qu’au XVIIIe, on a considéré que ce système n’était pas juste pour le justiciable : la DDHC a alors posé le principe de la légalité pénale.

En vertu de l’article 5 de la Déclaration : « tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché ». L’article 8 de la DDHC ajoute que « la loi ne peut établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit ».

Ce principe a valeur constitutionnelle, et a également été consacré au niveau international et européen : en effet, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 affirme en son article 11 que « nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national et international.

Ce principe de la légalité a été repris par la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, qui rappelle qu’il « n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise ».

Le Code pénal a repris ce principe de légalité à l’article 111-3, en vertu duquel « nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par un règlement ; nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi si l’infraction est un crime ou un délit, ou par un règlement si l’infraction est une contravention.

§2 : L’évolution de la règle de légalité

A/ L’affaiblissement progressif du principe par rapport à sa conception originale

Certains auteurs estiment que le principe de légalité criminelle a connu, depuis sa création dans la DDHC, un certain affaiblissement. On a pu constater qu’on pouvait trouver certaines sources de ce déclin dans le domaine législatif, mais aussi dans le domaine judiciaire.

On notera tout d’abord la disparition de l’exclusivité législative dans la création des textes à caractère répressif : ce pouvoir législatif va accorder au pouvoir exécutif le droit de décrire des incriminations (il reviendra alors au pouvoir législatif de fixer des peines associées, sauf en matière contraventionnelle ou l’exécutif pourra s’en charger). Le pouvoir exécutif pourra aussi fixer des peines complémentaires ou restrictives de droits en matière délictuelle et criminelle.

Des auteurs ont également souligné que la multiplicité des actes répressifs peut avoir une conséquence négative sur le principe de la légalité : ils soulignent qu’on a de plus en plus de textes, qui sont de plus en plus souvent modifiés, et parfois assez vagues. Portalis avait souligné qu’en matière criminelle, où il n’y a qu’un texte formel et préexistant pouvant former l’action du juge, il faut des lois précises, et point de jurisprudence.

Cela signifie qu’en matière pénale, seule la loi doit créer des infractions, délimiter leur champ d’application, les textes pénaux ne doivent pas être incertains, et ainsi la jurisprudence ne devrait avoir qu’un rôle accessoire en appliquant des dispositions pénales claires.

Or la jurisprudence a un rôle de plus en plus important, en cela on peut considérer qu’il y a un déclin du principe de légalité criminelle.

B/ La transformation du principe

Ce principe de légalité a dû évoluer et se transformer pour s’adapter, car là encore on a octroyé de nouveaux droits au juge répressif. En effet, il pourra apprécier la légalité d’un texte lorsqu’il sera un règlement administratif : c’est ce qu’on appelle l’exception d’inégalité, consacrée à l’article 111-5 du Code pénal.

En effet, les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, règlementaires ou individuels, et pour en apprécier la légalité. Lorsque de cet examen dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis, en vertu de l’article 111-5 du Code pénal, le juge pénal va pouvoir rechercher si l’acte administratif n’est pas entaché d’un vice d’incompétence de forme, de violation de la loi, ou encore de détournement de pouvoir.

Pour pouvoir exercer ce contrôle, il faut nécessairement que l’acte administratif mis en cause soit à l’origine des poursuites pénales, et que de cette interprétation dépende l’issue de ce procès pénal. Dans cette hypothèse, le juge va pouvoir vérifier que l’acte administratif est conforme à toutes les normes supérieures à cet acte.

Dans ce cas là, la décision que le juge pénal va prendre ne vaudra que pour le jugement pénal en cause.

Section 2 : La signification du principe de légalité pénale

Le principe de légalité suppose qu’on ait recours à la loi répressive afin de créer des crimes et des délits, ce qui signifie qu’on aura recours à la loi que pour protéger des valeurs sociales fondamentales. Le législateur et le juge vont être tenus de respecter ce principe de légalité.

§1 : La signification du principe à l’égard du législateur

Le législateur est tenu de respecter un certain nombre d’obligations dans l’élaboration des lois, lorsqu’il crée une incrimination, mais aussi lorsqu’il prévoit des sanctions à cette incrimination.

A/ Le respect de la hiérarchie des normes

Le Conseil constitutionnel est selon l’expression le gardien des libertés et droits fondamentaux contenus dans un bloc de constitutionnalité fixé par le Conseil lui-même. A priori, les lois peuvent être soumises à la censure du Conseil constitutionnel.

Ce dernier, dans une décision du 2 mars 2004, a estimé qu’à partir du moment où les dispositions contenues dans la loi Perben II se référaient à des dispositions expresses du Code procédure pénale pour la délimitation des nouvelles règles de procédure dans la délimitation des nouvelles règles applicables en matière de criminalité organisée, cette loi n’était pas illégale.

Un arrêt de la CEDH du 30 mars 2004 permet d’éclairer la précédente décision. En l’espèce, la radio France Info a diffusé lors d’un de ses flashs une information diffamatoire à l’encontre d’un fonctionnaire, qui a été reprise pendant 24 hures, toutes les heures et en direct. En matière d’infraction de presse, c’est le directeur de publication qui engage sa responsabilité, mais dans une émission en direct, c’est l’auteur de la diffamation.

Or dans cette affaire, c’est le directeur de publication qui a été poursuivi, et qui a donc fait valoir la règle ci-dessus. Les juridictions françaises ont condamné le directeur de publication en estimant que la réitération du message toutes les heures équivalait à une fixation.

La CEDH a estimé que la Convention Européenne des Droits de l’Homme ne proscrit pas la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l’interprétation jurisprudentielle d’une affaire à l’autre, à condition que le résultat soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablement prévisible. La jurisprudence européenne admet dans cet arrêt la rétroactivité d’une peine plus sévère si elle est cohérente avec l’infraction.

B/ Les obligations concernant les incriminations

A priori, le législateur est tenu de rédiger des textes clairs et précis, et en vertu de l’article 111-3 du Code pénal, le législateur doit définir les éléments constitutifs des infractions, et a une compétence exclusive en matière délictuelle et criminelle. Cela signifie que lorsqu’un acte choquant n’a pas été envisagé par la loi, son auteur ne peut pas être poursuivi par la loi.

Dès lors que la disposition pénale renvoie à un règlement afin de décrire les agissements frauduleux, aucune infraction ne sera caractérisée tant que les agissements n’auront pas fait l’objet de cette description. Quoi qu’il en soit, les dispositions pénales qui créent un crime ou un délit doivent caractériser les éléments matériel et moral constitutifs de l’infraction.

C/ Les obligations quant aux sanctions

L’individu doit connaître a priori les faits qui sont pénalement sanctionnés, ainsi que les peines auxquelles il s’expose. Ainsi sera censuré un arrêt qui condamne un individu à une peine supérieure à ce que le Code pénal prévoit au maximum pour l’infraction commise, ou si la condamnation comporte une peine complémentaire qui n’est pas prévue par le Code pénal.

§2 : La signification du principe à l’égard du juge

Le juge peut apprécier les dispositions pénales qui lui sont soumises, et ce en respectant le principe de l’interprétation stricte des dispositions pénales. Le juge ne peut retenir que les actes qui ont fait l’objet d’une incrimination sous forme de crime ou de délit par la loi ou par un règlement pour une contravention.

Cela concerne toutes les infractions, ce qui veut dire que le ministère public, les juridictions d’infraction ainsi que les juridictions de jugement vont devoir rechercher le texte applicable à l’espèce. Ils doivent rechercher si l’élément légal est caractérisé, et vérifier que les éléments constitutifs énumérés par la loi sont réunis.

En l’absence de texte applicable, le procureur de la République doit classer l’affaire sans suite, le juge de juridiction doit rendre une ordonnance de non-lieu, et la juridiction de jugement doit acquitter s’il s’agit d’un crime.

La correctionnalisation judiciaire, très critiquée par la doctrine, est une pratique qui va permettre de considérer qu’un crime est un délit, et ce pour que l’affaire relève d’un tribunal correctionnel, qui est souvent plus sévère et plus facile à réunir.

Le principe d’interprétation stricte des dispositions pénales est consacré à l’article 111-4 du code pénal. Il peut être rattaché au principe de la présomption d’innocence : en effet, on estime que l’on doit toujours donné un sens favorable à l’accusé en cas de dispositions peu claires (le doute profite à l’accusé).

Les lois doivent donc être interprétées de façon stricte, ce qui ne s’oppose pas à ce que le juge tienne compte de la volonté du législateur. C’est d’ailleurs ce que les juges ont fait lorsqu’il s’est agi de refonder la responsabilité pénale.

Ce principe ne s’oppose pas non plus à ce que le juge prennent en considération les évolutions techniques ou des comportements nouveaux qui n’avaient pu être envisagés au moment de l’adoption de la loi (exemple : infractions sur internet, rapprochées de la législation audiovisuelle).

Si la loi est obscure, le juge devra l’interpréter et lui rendre son sens réel. A cet égard, on peut citer l’arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 29 juin 2001. Il s’agissait ici de femmes enceintes depuis une longue période, et qui étaient victimes d’accidents de la route entraînant la mort du fœtus.

La Cour a rappelé que le principe de légalité des délits et des peines qui impose une interprétation stricte de la loi pénale s’oppose à ce que l’incrimination prévue par l’article 121-6 du Code pénal réprimant l’homicide involontaire d’autrui soit étendu au cas de l’enfant à naître dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l’embryon et le fœtus.

Le principe d’interprétation stricte est parfois méconnu par la Cour de cassation, notamment en cas de prescription des infractions d’affaire.

Chapitre III : L’application de la loi pénale

Pour être appliquée, la loi suppose que le juge détermine celle qui va être applicable aux faits de l’espèce, et un certain nombre de difficultés vont pouvoir se poser dans la qualification des faits : on va pouvoir avoir des conflits de loi dans le temps ou entre différents textes applicables.

Section 1 : La détermination de la loi pénale applicable

C’est ce qu’on appelle la qualification pénale, qui doit respecter certaines règles strictes.

§1 : Les modalités de la qualification

En application des articles 176 et 215 du Code de procédure pénale, la chambre de l’instruction a pour mission de qualifier les faits qui lui sont soumis. Ce Code prévoit également que la citation doit viser les articles de lois enfreints. Cette qualification présente un caractère temporaire : en effet, il peut s’avérer que cette qualification première doive par la suite être modifiée.

Les juridictions de jugement sont saisies in rem, c’est-à-dire des faits et uniquement des faits, et non pas sur une qualification : on dit qu’elles sont maîtres de leur qualification.

Si une Cour d’assise a à connaître d’un homicide volontaire, mais se rend compte en cours de procédure qu’il est involontaire, la Cour d’assise pourra requalifier le crime en délit, mais contrairement à ce qu’il se passe en matière délictuelle, la Cour d’assise pourra quand même juger le délit. On ne doit cependant pas, sous prétexte de modifier la qualification, englober de nouveaux faits dont la juridiction n’avait pas été saisie.

La Cour de cassation va ensuite pouvoir contrôler la qualification des faits donnée par les juridictions inférieures, puisque la qualification est une question de droit. Ce contrôle peut se faire d’office : il n’est pas nécessaire que le demandeur au pourvoi le demande à la Cour.

L’erreur de qualification n’entraîne pas nécessairement la censure de l’arrêt examiné par la Cour de cassation : il n’y aura cassation que lorsque les droits de la défense où les intérêts du condamné ont été lésés. Dans cette hypothèse, la Cour de cassation fait application de la théorie de la peine justifiée : on considère qu’on ne peut pas censurer dès lors que la peine encourue par le délinquant est la même que sous l’ancienne qualification.

Il n’existe qu’une seule hypothèse où la requalification est interdite : en matière d’infraction de presse, où le régime applicable diffère.

§2 : Le choix de la qualification en cas de conflit de textes

Il est assez fréquent qu’un même fait puisse tomber sous le coup de plusieurs qualifications pénales : on est alors en présence de ce qu’on appelle un « conflit de qualifications ». Dans ce cas, plusieurs hypothèses doivent être envisagées :

o Conflit de qualifications inconciliable

o Conflit de qualifications successif

o Conflit de qualifications simultané

A/ Le conflit de qualifications inconciliable

Lorsque l’infraction en cause est la conséquence logique d’une autre infraction. C’est l’hypothèse du vol et du recel : si le voleur est également receleur, la jurisprudence estime que le recel ne doit pas être caractérisé.

B/ Le conflit de qualifications successif

C’est l’hypothèse d’une personne poursuivie devant le Tribunal correctionnel pour homicide involontaire qui serait condamnée à six mois d’emprisonnement. Si des faits nouveaux permettent d’établir que l’homicide est en réalité volontaire, on s’est demandé si les poursuites pouvaient être renouvelées sur un nouveau fondement.

Pendant très longtemps les auteurs ont mis en avant l’autorité de la chose jugée, principe en vertu duquel les faits qui ont donné lieu à la décision pénale ne peuvent pas faire l’objet d’une condamnation devant une autre juridiction. La jurisprudence a transposé les exigences de la jurisprudence civile en établissant trois conditions qui justifient de ne pas réitérer les poursuites :

o Identité d’objet

o Identité de parties

o Identité de cause (identité du fait infractionnel qui va justifier les poursuites successives)

La jurisprudence estime au contraire que les poursuites sont possibles si les faits diffèrent : c’est ce que l’assemblée Plénière a décidé dans un arrêt du 3 juin 1994, en établissant que le renouvellement des poursuites est possible dès lors qu’on est en présence de faits nouveaux. Cela a également été consacré par le législateur.

La jurisprudence a donc élargi la possibilité de renouvellement des poursuites en s’appuyant sur l’élément moral de l’infraction : si on a admis que l’élément intentionnel pouvait être différent, l’élément matériel est le même (victime décédée).

Pour justifier cette prise de position, la Cour de cassation s’est référée à la théorie du cumul idéal, qui permet des poursuites simultanées lorsque les qualifications en présence protègent des valeurs sociales différentes.

Cette jurisprudence est néanmoins critiquée par la doctrine : il arrive qu’elle admette le renouvellement des poursuites alors que les infractions en cause sont assez proches. Par exemple, une personne a été relaxée de poursuites sur fondement d’abus de confiance, et la Cour de cassation a admis le renouvellement des poursuites sur le fondement d’abus de biens sociaux.

En matière criminelle, une personne qui a été acquittée ne peut plus être poursuivie sous une qualification différente pour un même fait infractionnel, quand bien même l’élément intentionnel serait différent. Certains auteurs estiment que cette règle de la non-possibilité de poursuivre devrait être entendue devant les juridictions correctionnelles : en réalité, la jurisprudence n’a pas été modifiée.

C/ Le conflit de qualifications simultané

Ce conflit va exister lorsque plusieurs infractions seront commises en même temps : par exemple, un piratage qui serait assorti d’une extorsion de fonds. Dans ce cas là, la jurisprudence considère que ce fait va pouvoir revêtir plusieurs qualifications pénales : on parle alors de « concours idéal » d’infractions, où un acte unique va méconnaître plusieurs dispositions légales.

Dans cette hypothèse, la jurisprudence estime qu’on est en présence d’un seul et même délit, dont il va falloir trouver la qualification. Pour cela, on va se demander quel était le but du délinquant, et quelle est l’infraction la plus grave qu’il ait commise.

Toute infraction qui fait l’objet d’une poursuite doit être envisagée sous la plus haute expression pénale dont elle est susceptible, ce qui signifie que lorsque le délinquant a accédé frauduleusement au système (piratage), ce n’était que dans le but d’extorquer des fonds : le délinquant sera donc poursuivi et condamné pour extorsion de fonds (sauf si l’accès frauduleux est plus lourdement puni, auquel cas c’est sur ce fondement qu’il sera condamné).

Section 2 : L’application de la loi pénale dans le temps

Le problème de l’application de la loi pénale dans le temps se pose souvent, car les réformes législatives sont nombreuses.

§1 : L’application dans le temps des lois pénales de fond

A/ Le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère

Aux termes de l’article 112-1 du Code pénal : « sont seuls punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ; seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la même date ».

Malgré le principe de légalité des peines, dès lors qu’un nouveau texte va entrer en vigueur, certaines difficultés vont se poser, et on considère que lorsqu’on décide d’agir, il faut savoir que nos actions tombent sous le coup de la loi pénale.

Selon l’arrêt du 25 mai 1993 de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, la condition de prévisibilité va être respectée dès l’instant où le justiciable peut savoir à partir du libellé de la disposition pertinente, et au besoin à l’aide de son interprétation par les tribunaux, quels actes ou omissions engagent sa responsabilité pénale.

On va appliquer une règle qui découle directement de ce principe de prévisibilité, selon lequel une loi pénale plus sévère ne peut pas rétroagir. En vertu de ce principe, une personne ne peut pas faire l’objet de poursuites pénales ou d’une condamnation sur le fondement d’une disposition pénale qui est entrée en vigueur après la commission de l’acte litigieux. Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère joue aussi bien pour l’infraction elle-même que pour les sanctions qui lui sont attachées.

La question s’est posée de savoir comment on devait définir l’expression « loi pénale ».

La jurisprudence estime que la non-rétroactivité de la loi pénale concerne tous les textes pénaux, règlementaires ou législatifs. Dès lors, une difficulté s’est posée concernant la jurisprudence : une jurisprudence plus sévère peut-elle rétroagir ou non ? En effet, il arrive souvent qu’un revirement de jurisprudence transforme un fait auparavant non-infractionnel en infraction (notamment le cas du recel, qui est passé de la simple possession d’un objet infractionnel au fait d’en tirer un profit).

La CEDH a apporté un certain nombre de précisions à cet égard : en effet, elle a indiqué que le terme « droit » s’applique aussi bien à la norme écrite qu’à son interprétation par les tribunaux.

Dans un arrêt du 22 novembre 1995, les faits étaient les suivants : une personne viole son épouse alors que la Common-law ne le réprime pas. Les juridictions ont par la suite levé l’immunité dont bénéficiaient les époux, et il a été condamné. Il a donc saisi la CEDH pour violation de l’article 7 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, mais sa demande a été rejetée par la Cour, qui a invoqué le principe de prévisibilité concernant le revirement de jurisprudence : « on ne saurait interpréter l’article 7 comme proscrivant les règles de la qualification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l’interprétation judiciaire d’une affaire à l’autre, à condition que le résultat soit cohérent avec la substance de l’infraction, et raisonnablement prévisible ».

Dans un autre arrêt, rendu cette fois le 14 novembre 2007 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, les faits étaient les suivants : une personne est poursuivie pour escroquerie au préjudice de sa belle-mère en 1992, date à laquelle l’ancien article 380, qui prévoyait une immunité invoquée par le prévenu, s’applique toujours. Les héritiers de la belle-mère soutenaient au contraire que les nouvelles dispositions s’appliquaient, plus précisément l’article 112-2-2.

Les juges du fond ont estimé que la loi nouvelle, qui exclue le prévenu du bénéfice de l’immunité, est une loi plus sévère, et que cette loi n’a pas supprimé les éléments constitutifs de l’infraction ni aggravé les peines encourues. Ils ont considéré que cette peine étendait le champ d’application de l’infraction à une nouvelle catégorie d’individus en réduisant le champ de l’immunité dont certaines personnes pouvaient bénéficier jusqu’alors.

La Cour de cassation rappelle que l’article 112-1 du Code pénal parle de faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis. On peut dès lors considérer que le texte est assez clair : la non-rétroactivité ne concerne que les faits constitutifs nouveaux et les nouvelles peines. Ainsi la Cour de cassation a considéré dans cet arrêt qu’une loi qui exclue du bénéfice de l’immunité familiale les soustractions commises par des alliés au même degré constitue une loi pénale plus sévère, et n’est donc pas applicable aux faits commis antérieurement.

La difficulté de détermination précise de la date des faits va se poser lorsque ces derniers ont une réalisation qui perdure dans le temps (infractions continues, comme par exemple le recel). La jurisprudence estime que dans l’hypothèse d’une infraction continue, la loi à appliquer est celle applicable au dernier acte infractionnel.

On a aussi quelques difficultés concernant la date d’entrée en vigueur d’un texte, lorsque par exemple l’infraction est commise le jour même d’entrée en vigueur de la loi nouvelle. Dans ce cas, on estime que la loi nouvelle est applicable un jour entier après son entrée en vigueur.

La non-rétroactivité des lois pénales de fond concerne également les peines : dans cette hypothèse, il faut que la loi nouvelle reçoive cette qualification. A cet égard, on peut citer un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 31 octobre 2006.

On a ici un individu condamné pour agression sexuelle aggravée à une peine de sursis. Il est également inscrit au Fichier Judiciaire National Automatisé des Empreintes Génétiques (FJNAEG), et va former un pourvoi contre cette décision car l’inscription de la condamnation s’est faite en application de la loi du 9 mars 2004 ; or les faits ont été commis en 1997. Pour lui, cette peine complémentaire ne pouvait pas être appliquée, car la loi en était plus sévère.

La Cour de cassation a écarté cet argument en faisant valoir que l’inscription au FJNAEG n’était pas une peine au sens de l’article 7 de la CEDH : c’est une simple mesure ayant pour objet de prévenir le renouvellement des infractions sexuelles, et de faciliter l’identification des auteurs. Ainsi, la rétroactivité est possible, car il ne s’agit pas d’une peine plus sévère.

Toutes les lois qui modifient le régime de certaines mesures à caractère pénale vont poser difficulté : la jurisprudence a estimé que le principe de non-rétroactivité ne les englobait pas. C’est notamment le cas des contraintes par corps et de certaines mesures préventives.

Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère peut connaître une dérogation : c’est le cas d’une loi interprétative destinée à préciser des dispositions peu claires de la loi ancienne. Même si elle est plus sévère, elle va rétroagir au jour de la publication de la loi dont elle a précisé le sens.

B/ Le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce

Le problème est de déterminer si on est confronté à des lois de fond plus douces ou plus sévères : il appartient alors à la Cour de cassation de se prononcer sur ce caractère. En application de l’article 112-1 du code pénal, les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes.

La Cour régulatrice applique le principe de la rétroactivité in musius conformément à la doctrine du Conseil constitutionnel, c’est-à-dire qu’elle va privilégier la loi nouvelle plus douce pour les infractions réalisées sous l’empire de la loi ancienne plus sévère. La rigueur antérieure n’est alors plus justifiée après modification de la loi. On considère la loi comme plus douce lorsqu’elle :

o réduit le champ d’application d’une infraction

o ajoute une nouvelle condition à la constitution d’un crime/délit

o supprime une présomption de mauvaise foi

o abaisse la peine envisagée

o supprime une sanction

o supprime une circonstance aggravante.

Lorsque les lois sont équivalentes en termes de sévérité, la jurisprudence va faire prévaloir la loi la plus récente, après avoir constaté que les faits tombent à la fois sous le coup de l’ancienne et de la nouvelle disposition.

La jurisprudence manifeste de plus en plus d’hostilité au principe de la loi pénale plus sévère : en effet, elle rappelle régulièrement que la loi nouvelle qui modifie une incrimination ne trouve à s’appliquer aux faits commis avant sone entrée en vigueur e non définitivement jugés qu’à la condition que cette loi n’ait pas prévu de disposition expresse contraire.

Il existe une difficulté particulière en matière d’application de la loi pénale dans le temps : elle concerne ce qu’on appelle la « codification à droit constant ». Cette dernière va intervenir de la façon suivante : on va codifier certains textes, et lors de leur codification, on va laisser de coté toutes les dispositions règlementaires au profit des seules dispositions législatives. Or les décrets peuvent contenir les modalités d’application de ces lois.

Pour la doctrine, un décret pris en application d’une loi abrogée étant dépourvu de base légale, la doctrine considère que comme la loi a été abrogée, ces décrets perdraient toute force et leur méconnaissance ne pourrait pas être légalement sanctionnée.

La Cour de cassation a adopté une position beaucoup plus nuancée en estimant que l’abrogation d’une loi à la suite de sa codification à droit constant ne modifie ni la teneur des dispositions transférées, ni leur portée : les arrêts ou règlements légalement pris par l’autorité compétente revêtent un caractère de permanence qui les fait survivre aux lois dont ils procèdent tant qu’ils ne sont pas devenus inconciliables avec les règles fixées par une législation postérieure.

C/ La loi nouvelle complexe

Une loi nouvelle est complexe lorsque par certains aspects, elle est plus sévère, et par d’autres, elle est plus douce. La jurisprudence a opéré une distinction selon le caractère divisible ou non des dispositions : si les dispositions apparaissent comme étant divisibles on va alors pouvoir les dissocier, les aspects plus doux vont pouvoir rétroagir, mais pas les aspects plus sévères.

Lorsque les dispositions paraissent indivisibles, le juge va devoir se référer à la disposition principale du texte pour procéder à une appréciation globale.

§2 : L’application dans le temps des lois pénales de forme

A/ Le principe de l’application immédiate des lois pénales de forme

L’article 112-2 du Code pénal prévoit l’application immédiate de ces lois pénales de forme. On peut définit ces dernières comme toutes les lois relatives à la compétence, à l’organisation judiciaire, aux modalités de la poursuite, ainsi qu’aux formes de la procédure.

Le principe de l’application immédiate s’appuie sur l’idée que les lois de procédure ont pour objet d’améliorer l’exercice de la justice. Les lois de procédure sont donc censé être prises dans l’intérêt de la personne poursuivie, mai aussi dans l’intérêt de la justice.

Certains auteurs estiment qu’il ne faut pas considérer que toute nouvelle loi de forme est nécessairement un progrès pour la personne poursuivie, et qu’il faudrait donc uniformiser les principes d’application de lois pénales dans le temps, avec une loi pénale de forme plus douce rétroactive, mais non-rétroactive si plus sévère.

Un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 4 janvier 2007 concerne l’application dans le temps de la loi du 30 décembre 2004, qui a créé la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE).

On a un juge saisi pour des faits de discrimination dans une banque (en raison d’un handicap) commis en février 2004. On a demandé à la HALDE d’émettre un avis sur ces faits présumés de discrimination, quia été transmis au juge et a conduit à la mise en examen en mai 2006 de la Caisse d’Épargne. Cette dernière a fait valoir qu’on ne pouvait pas demander d’avis à la HALDE pour des faits antérieuress à sa création

Le juge a estimé que la loi qui a créé la HALDE ne contient que des dispositions de procédure fixant les modalités de poursuite. La Cour de cassation estime donc que cette loi est directement applicable aux infractions commises avant son entrée en vigueur.

B/ Les lois de prescription et les lois relatives au régime d’exécution des peines

Les lois relatives au régime d’exécution des peines doivent s’appliquer immédiatement aux condamnés qui sont en train d’exécuter leur peine. Cette application immédiate trouve sa justification dans deux idées : les lois relatives à l’exécution des peines ne modifient pas la responsabilité pénale du délinquant, et le régime nouvellement créé est considéré comme meilleur que l’ancien régime.

Selon l’article 112-2 du Code pénal, une nuance a néanmoins été apportée : en effet, sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur lorsque les prescriptions ne sont pas acquises les lois relatives au régime d’application des peines. Toutefois ces lois, lorsqu’elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les lois prononcées lors de la condamnation, ne sont applicables qu’aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur.

Concernant les lois relatives à la prescription de l’action publique et de la peine, l’article 112-2 du Code pénal prévoit leur application immédiate lorsque les prescriptions ne sont pas acquises, et sauf quand elles auraient pour résultat d’aggraver la situation de l’intéressé. Cela signifie que l’on va devoir apprécier le caractère plus doux ou plus sévère de la loi par comparaison avec la loi applicable au moment des faits litigieux.

La seule dérogation à ce principe concerne les crimes contre l’humanité, qui sont imprescriptibles.

Cass. Crim., 7 novembre 2007 : un moniteur de colonie de vacances a été condamné pour des viols commis en 1981 sur un mineur né en 1975, les poursuites ayant été engagées en 2001. Le moniteur a donc invoqué la prescription du crime commis (prescription de 10 ans). On s’est alors demandé si on pouvait appliquer la loi de 1989, qui a retardé le point de départ du délai de prescription à la majorité de la victime. L’accusé a fait valoir qu’on ne pouvait pas appliquer cette loi à des faits commis 8 ans avant son application, dans la mesure où elle est plus sévère. La Cour de cassation a posé le principe que la loi de 1989 était immédiatement applicable, et qu’elle pouvait s’appliquer aux faits commis avant son entrée en vigueur, dès lors que la prescription n’était pas encore acquise au moment des poursuites.

Section 3 : L’application de la loi pénale dans l’espace

Cette application ne pose bien entendu aucun problème lors d’un coupable et d’une victime français, avec une infraction commise sur le territoire français. En revanche, si l’un de ces trois critères n’est pas présent, le problème de l’application de la loi pénale dans l’espace va se poser.

Le principe est qu’en matière pénale, le juge français a une compétence assez large : l’article 113-2 du Code pénal dispose que la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République. Cela signifie que dès lors qu’un des éléments de l’infraction est commis sur le territoire français, le juge pénal est compétent.

La jurisprudence a eu l’occasion de définir la notion de territoire : il est composé de l’espace terrestre, lui-même composé de tous les départements métropolitains, mais également tous les départements d’outre-mer. A cet espace terrestre, on ajoute l’espace maritime et l’espace aérien. La jurisprudence a ainsi considéré que la diffusion d’images pédophiles depuis la Suède jusqu’en France était du ressort du juge pénal français.

Pour résoudre la difficulté liée à internet, la jurisprudence a considéré que du moment où le message infractionnel est reçu en France, le juge pénal français est compétent. L’article 113-5 du Code pénal ajoute que la loi française sera applicable à quiconque s’est rendu coupable sur le territoire de la République, comme auteur ou comme complice, d’un délit commis à l’étranger.

La jurisprudence, lorsqu’elle met en œuvre ce principe, applique la règle de la double incrimination : cela signifie que pour que cette règle joue le fait doit être puni à la fois par la loi française et la loi étrangère. Il faut également que le fait qualifié crime ou délit ait été constaté par une décision de justice étrangère.

Le droit français a encore vocation à s’appliquer lorsqu’une infraction est commise hors de France, mais par un ressortissant français : l’article 113-6 du Code pénal dispose que la loi pénale française va s’appliquer à tout ressortissant français commettant un crime à l’étranger.

En matière délictuelle, la règle est légèrement différente : lorsque le ressortissant français commet un délit à l’étranger, le juge français ne sera compétent que si le délit est également puni dans le pays dans lequel l’infraction a eue lieu : c’est le principe de réciprocité d’incrimination.

La loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs a modifié cette règle : en effet, si un Français commet à l’étranger u délit à caractère sexuel ou à l’encontre d’un mineur, le juge pénal français sera compétent, quand bien même l’infraction ne serait pas sanctionnée dans le pays où elle a été commise.

L’article 113-7 du Code pénal prévoit enfin que la loi française va être applicable dès lors qu’un ressortissant français est victime d’un crime commis à l’étranger par un ressortissant étranger. En matière délictuelle, il faut également le respect du principe de réciprocité de l’incrimination.

Cass. Crim., 11 juin 2008 : des agents de l’administration des douanes visitent un bateau au large du Touquet, à bord duquel ils trouvent 10 tonnes de cannabis. Ils apprennent par la suite que ce navire provenant du Maroc devait se rendre aux Pays-Bas pour livrer la marchandise, et qu’un mécanicien britannique se trouvait dur le bateau.

Il est poursuivi pour importation en contrebande de produits stupéfiants, et pour association de malfaiteurs. La Cour d’appel condamne le prévenu britannique en estimant que la contrebande et l’association de malfaiteurs ayant été commises en France, le juge pénal est compétent.

La Cour de cassation opère une distinction entre les deux délits : pour la contrebande de produits stupéfiants, elle rejette le pourvoi, et en ce qui concerne l’association de malfaiteurs, la Cour relève que l’association de malfaiteurs est un délit qui a été commis au Maroc, par un étranger. Néanmoins, la Cour de cassation va considérer que le délit d’association de malfaiteurs est indissociable du délit de contrebande commis en France, ce qui justifie la compétence des juridictions françaises.

Lorsqu’elle explique le principe d’application du droit pénal dans l’espace, la doctrine parle d’impérialisme du droit français, dans la mesure où il suffit qu’une partie infime de l’infraction ait été commise en France pour justifier la compétence des juridictions pénales françaises.

  • Cass. Crim., 26 septembre 2007 : des œuvres d’art sont volées en France mais sont acheminées vers la Belgique et vendues là-bas. Le problème était alors de savoir si on pouvait poursuivre les voleurs belges, et la Cour de cassation a considéré qu’à partir du moment où un des éléments de l’infraction avait eu lieu en France, le droit pénal français avait vocation à s’appliquer
  • Cass. Crim., 29 janvier 2008 : en l’espèce, on a un ressortissant d’origine algérienne interpelé par les services de sécurité algériens sur le territoire algérien. L’épouse de cette personne a porté plainte pour enlèvement, séquestration et complicité de ces infractions en dénonçant l’arrestation dont aurait été victime son mari, en impliquant la DST française.

Le juge d’instruction saisi en France rend une ordonnance de refus d’informer, en estimant qu’il n’est pas compétent, et un pourvoi en cassation a été formé. La Cour de cassation affirme que la loi française est applicable à celui qui se rend complice sur le territoire de la République d’un crime ou d’un délit commis à l’étranger, à condition que cette infraction ait été constatée par une décision définitive de la juridiction étrangère.

Deuxième partie : la responsabilité pénale

Comme l’a écrit le professeur Fauconnet, «la responsabilité est la qualité de ceux qui doivent, l’irresponsabilité la qualité de ceux qui ne doivent pas, en vertu d’une règle, être choisis comme sujets passifs d’une sanction». On peut donc définir la responsabilité pénale comme l’obligation pour une personne physique ou morale qui a été impliquée dans une infraction d’en assumer les conséquences pénales, autrement dit en subir la sanction qui a été attachée à l’incrimination lésée. La responsabilité pénale se distingue de la responsabilité civile : ces deux responsabilités sont autonomes l’une par rapport à l’autre, néanmoins il existe entre elles une relation étroite, dans la mesure où un même fait engage la responsabilité pénale et la responsabilité civile de son auteur.

Elles sont différentes dans la mesure où la responsabilité civile peut être recherchée même en l’absence de faute, alors que la responsabilité pénale suppose obligatoirement une faute pénale de son auteur dont la sanction est prévue par un texte de loi. On peut également souligner que le dommage est une pièce maîtresse en matière de responsabilité civile, alors que la responsabilité pénale peut être engagée alors que la victime n’a pas subi de préjudice : en effet, la tentative est punie pénalement.

Il peut arriver qu’un même fait engage la responsabilité civile et la responsabilité pénale de son auteur : dans cette hypothèse, le législateur estime que la seconde pourra avoir des répercussions sur la première. En vertu du l’article 3 alinéa 2 du Code de procédure pénale, la victime d’un dommage peut choisir de porter son action civile en réparation devant la juridiction pénale plutôt que devant la juridiction civile pour tout chef de dommage aussi bien matériel que corporels ou moraux qui découlent des faits objets de la poursuite.

Lorsque le juge civil doit se prononcer sur la faute civile, il ne doit pas contredire la décision prise par le juge pénal relativement à la faute pénale : cette règle a été posée par la jurisprudence, qui considère que le jugement pénal a autorité de la chose jugée sur le civil. Néanmoins, cette règle ne joue que si la chose jugée a été nécessairement et certainement décidée par la juge criminel.

Par ailleurs, une autre règle veut que le criminel tienne le civil en l’état, ce qui a pour conséquence que la juridiction civile doit se soumettre à la juridiction pénale en ce qui concerne l’existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé. En principe, lorsqu’un accusé est acquitté ou lorsqu’un prévenu est relaxé, on considère que sa responsabilité pénale est écartée et donc que sa responsabilité civile doit être écartée.

Néanmoins, le législateur a prévu des exceptions au principe, et a autorisé le juge répressif à statuer sur l’action civile après une décision de relaxe ou d’acquittement. Dès lors, la victime d’un crime peut demander au juge qu’il l’indemnise du préjudice causé par la faute de l’accusé, alors même que cet accusé a été acquitté.

Pour que le juge répressif puisse condamner civilement une personne acquittée, plusieurs conditions doivent être réunies : il faut tout d’abord que la faute dont se prévaut la victime soit fondée sur des faits qui ont été l’objet de l’accusation, ensuite que la faute civile soit compatible avec la décision de non-culpabilité, et enfin que cette faute soit distincte de celle pour laquelle l’accusé a été acquitté.

La Cour de cassation contrôle rigoureusement l’existence de ces trois conditions, et un système similaire a été organisé devant les juridictions correctionnelles : en effet, le tribunal correctionnel a la possibilité d’accorder des dommages et intérêts dès lors qu’il n’a pas nié les faits délictueux, la participation du prévenu, ou encore son intention frauduleuse.

Enfin, la loi du 13 mai 1996 a posé le principe suivant : le tribunal saisi de poursuites exercées pour une infraction non-intentionnelle et qui prononce une relaxe demeure compétent sur la demande de la partie civile pour accorder réparation de tous les dommages résultant des faits qui on fondé la poursuite. Autrement dit, en matière d’homicide ou de blessures involontaires, le tribunal correctionnel reste compétent pour attribuer des dommages et intérêts à la victime.

Un problème s’est posé lorsque l’action civile était renvoyée devant la juridiction civile : pendant très longtemps, la jurisprudence a assimilé la faute civile à la faute pénale. Dès lors, la reconnaissance par le juge pénal d’une faute pénale interdisait au juge civil de la nier, et inversement.

Le principe de l’identité ou de l’unité de la faute pénale a été vigoureusement critiquée par la doctrine. En effet, cette identité avait des conséquences négative pour le justiciable, les juges étant parfois tentés de relever ce que la doctrine a appelé « une poussière de faute » pour permettre une indemnisation civile. Il arrivait que le justiciable soit condamné à une très mince peine pénale pour pouvoir obtenir une indemnisation au civil.

Le législateur a donc modifié le système dans une loi du 10 juillet 2000 : désormais, l’absence de toute faute pénale non-intentionnelle ne fait pas obstacle à l’exercice d’une action devant les juridictions civiles afin d’obtenir la réparation d’un dommage sur le fondement de l’article 1383 du Code civil, dès lors que la faute civile prévue par cet article est établie.

Depuis la loi du 10 juillet 2000, le principe de l’unité de la faute pénale d’imprudence et de la faute civile a été abandonné : dès lors, lorsqu’une personne est relaxée d’une accusation de blessures ou d’homicide involontaire, les ayants droit pourront saisir la juridiction civile pour obtenir réparation du préjudice. La Cour de cassation a appliqué ces principes dans un arrêt du 16 septembre 2003.

Chapitre I : Le fait générateur de la responsabilité pénale

Pour pouvoir parler de responsabilité pénale, il faut obligatoirement qu’un acte infractionnel ait été commis : toute infraction suppose un fait matériel prévu et réprimé par la loi, commis intentionnellement ou non par une personne physique, mais le législateur a également permis qu’une personne morale puisse engager sa responsabilité pénale. Dès lors, pour caractériser l’infraction, trois éléments vont être nécessaires :

o un élément légal

o un élément matériel

o un élément moral

Certains auteurs estiment néanmoins que l’élément moral n’est pas un élément de l’infraction : en réalité, la jurisprudence estime qu’il ne peut pas y avoir d’infraction si l’auteur n’a pas agi volontairement. Il faut que l’auteur du fait litigieux ait fait preuve de certaines aptitudes mentales.

D’autres auteurs estiment que l’élément légal est extérieur à l’infraction : pour le professeur Vouin, la loi pénale se présente plutôt comme un agent de la répression. En réalité, une autre règle va balayer toutes les difficultés : la présomption d’innocence. La partie poursuivante va devoir démontrer ces trois éléments si elle veut emporter la conviction des juges.

Section 1 : L’élément matériel de l’infraction

On peut définir l’élément matériel comme « le fait ou l’acte extérieur par lequel va se révéler l’intention criminelle ou la négligence du délinquant ».

§1 : L’infraction consommée

A/ Le mode de réalisation de l’infraction

Le droit pénal ne sanctionne pas la simple pensée criminelle : pour qu’une infraction soit constituée, il faut que la personne poursuivie ait extériorisé sa pensée. Cet élément matériel comprend plusieurs éléments que nous allons distinguer :

o les éléments intrinsèques, qui vont caractériser l’infraction proprement dite

o les éléments extrinsèques, qui sont indispensables mais extérieurs à l’objet même de l’infraction

1 – Les éléments intrinsèques

Leur inexistence peut faire obstacle à une poursuite. C’est également la matérialité stricto sensu pour tous les crimes ou délits.

  • a) La matérialité au sens stricte

Elle englobe la preuve de la réalisation d’un acte frauduleux, qui peut être soit un acte positif caractérisant ce qu’on appelle une infraction de commission, soit un acte négatif, lequel va caractériser une infraction d’omission.

Dans la première hypothèse, la matérialité va résider dans l’acte positif qui consiste à réaliser un acte interdit par la loi. A l’opposé, un comportement passif va caractériser une infraction d’omission : il revient à s’abstenir d’agir, alors que la loi prescrit cette action dans l’intérêt général (par exemple, la non-assistance à personne en danger).

Au début, la plupart des auteurs étaient assez défavorables à l’admission de ces infractions d’omission : on estimait qu’il était normal d’interdire des infractions positives, en revanche, sanctionner des infractions passives apparaissait plus difficile à la doctrine. Mais progressivement, le législateur a incriminé ces comportements négatifs, et cette politique d’incrimination s’est accélérée dans ces 20 dernières années : on a multiplié les délits d’omission dans le Code pénal.

En réalité, démontrer un fait négatif est assez simple : en effet, la jurisprudence considère qu’il suffit d’établir la proposition contraire positive, ce qui permet de rapporter la preuve du délit d’omission.

Cass. Crim., 22 novembre 2005 : les faits concernaient l’application de l’article 134-11 du Code pénal, qui réprime le fait pour quiconque a les preuves de l’innocence d’une personne de ne pas les apporter à l’autorité judiciaire. Il s’agissait de Jean-Louis Turquin, qui a été accusé de tuer son fils, alors âgé de 10 ans. Son épouse avait enregistré sa confession contre son gré en échange de relations sexuelles, et il a été condamné à une peine relativement lourde pour le meurtre de son enfant.

Un prisonnier est alors poursuivi sur le fondement de l’article 134-11, au motif qu’il était enfermé avec un détenu qui lui aurait avoué le meurtre du fils Turquin, sans rapporter les faits à l’autorité judiciaire. La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel ayant condamné le prisonnier, au motif que les preuves n’étaient que des ouï-dire.

Dans certains arrêts, la Cour de cassation a dû trancher la question suivante : est-ce qu’une omission dans l’action peut être punissable ?

L’escroquerie est le fait de tromper une personne afin de conduire cette personne à vous remettre un bien qu’elle ne vous aurait pas remis s’il n’avait pas été trompé. C’est d onc une infraction de commission, mais en matière d’escroquerie, la jurisprudence a opéré une distinction entre l’abstention pure et simple (non- punissable) et l’abstention dans l’action (pouvant relever du droit pénal).

Dans la première hypothèse (laisser sciemment une personne se tromper), on considère que cet acte ne rentre pas dans le champ de l’escroquerie. L’abstention dans l’action est l’hypothèse suivante : le prévenu va prendre l’initiative d’une action positive, puis omet de mentionner des éléments dont la connaissance aurait dissuadé la victime d’agir.

Le droit français ne subordonne pas la condamnation à la découverte du corps du délit : on peut être poursuivi et condamné pour un homicide volontaire alors même qu’on ne retrouve pas le cadavre de la victime. Les juges sont souvent réticents à condamner en l’absence de corps du délit, puisque matériellement on ne sait pas à quel moment ou comment la personne est décédée. On ne peut admettre de condamnation sur des probabilités : il faut des certitudes.

D’autres éléments sont parfois nécessaires à la constitution de l’infraction, il appartient toujours à la partie poursuivant de les apporter. Ainsi la qualité professionnelle de la personne poursuivie peut être un élément constitutif de l’infraction, dès lors il faudra démontrer que la personne poursuivie avait bien cette qualité professionnelle au moment des faits : en droit pénal, on dit que certaines infractions sont imputables à une catégorie particulière d’individus.

De la même façon, certaines qualités de la victime vont être prises en considération dans la constitution de l’infraction : c’est le cas notamment s’agissant du délit prévu par l’article 225-13 du Code pénal, qui réprime d’héberger ou de faire travailler une personne dans des conditions contraires à la dignité humaine si la personne est vulnérable.

  • b) Le lien de causalité

α)l’existence du lien de causalité

L’existence de certaines infractions va être subordonnée à l’existence d’un lien de causalité entre la faute commise par le prévenu et le dommage causé à la victime : on dit que la causalité est un rapport qui unit la cause à l’effet. En droit pénal, ce lien de causalité va relier un comportement au résultat que la loi prévoit comme élément de l’infraction.

La plupart des crimes et délits vont provoquer un résultat dommageable. Ce résultat sera la conséquence immédiate et directe du comportement répréhensible. Les infractions classiques d’atteinte aux biens ont pour conséquence une appropriation du bien d’autrui : on dit alors que ce sont des infractions matérielles, par opposition aux infractions formelles, pour lesquelles aucun résultat n’est exigé.

On doit souligner que pendant très longtemps, la jurisprudence a privilégié une définition très large de la notion de lien de causalité.

Cass. Crim., 8 mars 1995 : un voisin accepte d’aider un particulier à couper du bois, et se fait confier une scie sans protection, avec laquelle il se coupe le bras. Une plainte a été déposée pour blessures involontaires, et la Cour de cassation a considéré que le lien de causalité était caractérisé, même non exclusif.

La Cour de cassation a également considéré que plusieurs personnes pouvaient être poursuivies pour homicide involontaire : c’est le cas dans un arrêt de la Chambre criminelle du 23 mars 1994. Il s’agissait ici d’un accident de la circulation qui va concerner plusieurs véhicules : un véhicule léger est percuté par un premier poids lourd, qui va envoyer le véhicule à l’encontre d’un autre poids lourd.

Le deuxième poids lourd n’a été engagé dans l’action qu’en raison de la faute du premier poids lourd, mais la Cour de cassation a considéré que les deux conducteurs de poids lourd étaient coupables d’homicide involontaire : la faute des deux prévenus a contribué, au moins pour partie, au dommage.

La Cour de cassation a jugé que le lien de causalité ne devait pas être immédiat. Il suffit d’établir que la faute initiale ait rendu possible la réalisation du délit, mais il n’est pas nécessaire d’établir qu’elle a matériellement provoqué le dommage. C’est notamment le cas d’une société dont l’employeur ne va pas former les employés au respect des normes de sécurité.

Enfin, la Chambre criminelle a élargi la notion de lien de causalité en retenant qu’un lien de causalité indirect pouvait être rattaché à la faute originelle, et dans ce cas là, la responsabilité pénale de son auteur pourra être engagée. La jurisprudence a consacré ce qu’on appelle la responsabilité en cascade : la faute du prévenu peut ne pas être la cause exclusive, directe et immédiate du dommage. La seule exigence concernait la certitude du lien de causalité.

La Cour de cassation a semblé admettre un lien de causalité éventuel. Les faits étaient les suivants : une victime de 85 ans décède 5 jours après son admission à l’hôpital suite à un accident de la route, du fait d’un choc septique. L’expert a estimé qu’il était possible de rattacher le décès à l’accident, la Cour d’appel en a déduit la certitude du lien de causalité, et la Cour de cassation a rejeté le pourvoi qui avait été formé en estimant à son tour que le lien de causalité était certain.

β) Le délit de risque causé à autrui

L’article 223-1 du Code pénal, qui reprend le délit de risque causé à autrui, suppose pour être constitué que la relation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité imposée par la loi ou le règlement ait exposé directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures. C’est le fait par exemple d’être arrêté au volant de sa voiture en état d’ébriété, même s’il n’y a eu aucun accident.

Le ministère public doit prouver le lien de causalité doit exister entre la violation de la règle et l’exposition d’un risque. Le législateur exige « un risque immédiat de mort ou de blessures ». Lors de l’entrée en vigueur du nouveau texte, la doctrine s’est demandé si on pouvait déduire ce lien de causalité de la simple violation de la règle de droit.

A cet égard, la jurisprudence, dans un arrêt de la Cour d’appel de Douai du 26 octobre 1994 (lendemain de l’entrée en vigueur de la loi), a jugé que la violation si grave et délibérée des limitations de vitesse ne dispense pas le ministère public de prouver qu’il en résulte un risque immédiat de mort ou de blessures.

Malgré cela, la plupart des décisions postérieures ont interprété de façon large la notion de lien de causalité. Dans un arrêt de la Chambre criminelle du 11 février 1998, un commandant de bord ayant accueilli trop de passagers par rapport aux places sur les canots de sauvetages : la traversée s’est faite sans aucun problème, mais une plainte a été déposée à l’encontre du capitaine pour mise en danger de la vie d’autrui. La Cour d’appel l’a relaxé en estimant que les conditions météorologiques étant clémentes, le lien de causalité n’était pas caractérisé. La Cour de cassation a au contraire jugé que le risque immédiat était de mort ou de blessures, et que rien n’empêchait un accident hors météo (collision, incendie…), ce qui permettait de caractériser le lien de causalité.

  • c) Les apports de la loi du 10 juillet 2000

Cette loi a profondément remanié l’article 121-3 du Code pénal : nous avions auparavant une seule faute non-intentionnelle et un lien de causalité nécessaire, désormais nous avons deux types de faute (faute caractérisée et faute légère), et la certitude du lien de causalité est toujours exigée. En revanche, la théorie de l’équivalence des conditions ne joue que pour la faute lourde caractérisée : elle est exclue pour la faute légère.

Selon cette théorie d’équivalence des conditions, toutes les fautes ayant contribué à la réalisation du dommage sont considérées comme causales, puisque si on retirait une de ces causes, le dommage ne se serait pas produit.

La loi du 10 juillet 2000 a donc remis en cause la jurisprudence antérieure, puisqu’elle différencie l’auteur direct et l’auteur indirect du dommage : lorsque nous sommes confrontés à l’auteur direct, une faute légère suffit à engager sa responsabilité pénale, ce qui n’est pas le cas en présence d’un auteur indirect, où une faute lourde est nécessaire.

Cass. Crim., 13 novembre 2002 : il s’agit de l’hypothèse d’une enfant qui vient au monde à la suite d’un accouchement difficile, qui est confié à un médecin pédiatre qui va essentiellement s’occuper des lésions oculaires dont pouvait souffrir l’enfant et non de son hématome, et ne va pas mettre en place une surveillance particulière de cet enfant. L’enfant est décédé peut de temps après des suites de son hématome, et une plainte a été déposé contre le médecin pour homicide involontaire.

La Cour de cassation retient la responsabilité du pédiatre, en considérant que ses actions sont en relation directe avec le décès de l’enfant, qui aurait pu être évité si ce dernier avait été transféré à temps dans un service spécialisé.

Cass. Crim., 4 mars 2008 : on a en l’espèce un homme qui tire à la carabine sur l’adjoint d’un maire, qui va mourir des suites de ses blessures. Le problème est que la procédure est classée sans suite car le tireur souffrait de troubles psychologiques qui ont aboli son discernement au moment des faits. Les ayants droit de la victime vont alors porter plainte contre le tireur, mais également contre deux fonctionnaires de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, pour homicide involontaire.

En ce qui concerne le tireur, la Cour d’appel va considérer que sa responsabilité pénale ne peut être utilement invoquée, mais elle va condamner les fonctionnaires. Selon elle, ils ont en effet commis une faute caractérisée dans la mesure où ils savaient que le tireur souffrait de troubles psychiques, et auraient dû demander son internement d’office. Un pourvoi relatif est formé contre cette décision.

La Cour de cassation va censurer l’arrêt d’appel en considérant que la Cour d’appel n’avait pas rapporté la preuve que la saisine d’un psychiatre aurait forcément conduit à l’internement du tireur.

La loi du 10 juillet 2000 n’a donc pas remis en cause la nécessité d’un lien de causalité certain.

Cass. Crim., 9 juin 2009 : en l’occurrence, on a des travaux qui se déroulent dans une salle de sport municipale. Or, cette salle n’est pas fermée durant la rénovation, et des employés communaux ont descellé un panneau de 80kg pour pouvoir le déplacer e fonction de l’avancement des travaux. Un enfant en train de consulter le panneau d’affichage à été mortellement blessé, et la société de travaux ainsi que son gérant ont été poursuivis pour homicide involontaire.

Factuellement, les juges du fond relèvent que le gérant savait que le chantier n’était pas fermé et qu’il y avait un passage incessant de personnes se rendant dans une autre salle, et qu’il avait émis des réserves sans prendre aucune mesure. La Cour d’appel a donc condamné le gérant et la société, et un pourvoi a été formé.

La Cour de cassation a estimé que le lien de causalité était établi entre les faits des prévenus et le dommage de la victime.

2 – Les éléments extrinsèques

Ce sont des éléments particuliers dans la mesure où on ne les inclut pas dans les éléments constitutifs de l’infraction. Les deux éléments de cette catégorie sont :

o la condition préalable

o les circonstances aggravantes

  • a) La condition préalable

Pour un grand nombre de crimes ou de délits, une situation matérielle doit leur préexister : par exemple, en matière de vol, il faut que la chose soustraite appartienne à autrui. Cette condition préalable délimite le domaine dans lequel l’infraction peut se commettre : cet évènement n’est pas forcément illicite, dans la mesure où il préexiste à l’acte infractionnel tout en étant indispensable à sa constitution.

Cela signifie que cet élément doit être examiné par le juge, quand bien même il n’est pas le fait de l’auteur poursuivi. Cet élément peut être de nature pénale, mais également appartenir à une autre branche : le cas échéant, en principe, sa preuve doit être établie selon les modes admis par la matière dont elle dépend. C’est notamment le cas de l’abus de confiance, qui suppose l’existence d’un environnement contractuel, ce qui sera prouvé d’après les règles civiles ou commerciales selon la nature du contrat.

TCorr. Paris, 14 janvier 2009 (affaire des hormones de croissance) : le Tribunal a considéré qu’on ne pouvait pas poursuivre les médecins pour délit de tromperie puisqu’il n’y avait pas de contrat entre les victimes et les prévenus.

Il peut arriver que la preuve puisse se faire indépendamment de la branche du droit dont elle dépend : c’est notamment le cas du délit de banqueroute, dont la condition préalable est l’existence d’une cessation des paiements. Cette dernière est définie par le Code de commerce comme « l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ». En vertu du principe de l’autonomie du droit pénal, le juge pénal peut choisir une date de banqueroute différente de celle choisie par le tribunal de commerce (Cass. Crim, novembre 1991).

Lorsqu’elle relève du droit pénal, la condition préalable va être analysée en fonction des dispositions pénales. Par exemple, le recel de chose ne peut exister que si un crime/délit a été préalablement commis. Dans toutes les poursuites pour recel, les juges vont donc devoir démontrer qu’il y a eu une infraction à l’origine : si le voleur a été puni, la preuve sera facile à apporter, mais en l’absence de condamnation, il leur faudra prouver l’infraction.

Cass. Crim., 3 avril 1995 : le Canard Enchaîné va publier des feuilles d’imposition de Jacques Calvet, alors président de Peugeot-PSA, sur son augmentation de revenus. Les journalistes du Canard Enchaîné ont été poursuivis pour recel de violation du secret fiscal, mais ces derniers ont refusé de donner leur source. Or la violation du secret fiscal suppose que l’infraction ait été commise par une personne tenue au secret fiscal. Ils ont cependant été condamnés : la Cour de cassation a considéré que ces documents n’avaient pu être obtenus que par une violation du secret fiscal, ce qui a causé une grande polémique.

La CEDH a condamné la France en considérant qu’on ne pouvait pas condamner des journalistes pour recel de documents qui vérifient la véracité de leurs propos. La Cour de cassation a depuis changé sa jurisprudence en allant dans ce sens, permettant ainsi aux journalistes de taire le nom de leurs sources sans être poursuivis pour recel.

Cette conditio préalable est importante car elle va permettre de différencier le délit de risque causé à autrui (qui suppose la violation d’une obligation légale ou règlementaire de prudence) du délit d’imprudence (qui suppose la violation d’une obligation générale de prudence).

La Cour de cassation a précisé que la plupart des dispositions du Code de la route étaient des dispositions particulières de prudence, dont la méconnaissance permettre des poursuites sur fondement de l’article 223-1 du Code pénal.

  • b) Les circonstances aggravantes

Les circonstances aggravantes son des faits exhaustivement énoncés par la loi, et qui entraînent une aggravation de la peine. Elles se distinguent des éléments constitutifs dans la mesure où la non-existence d’une de ces circonstances n’a aucune influence sur la constitution du crime ou du délit. Dans chaque espèce, il va appartenir aux juges du fond de caractériser l’infraction, puis de… Il y a deux catégories de circonstances aggravantes :

o les circonstances aggravantes personnelles, qui tiennent à la personnalité du délinquant et comprennent notamment:

  • la récidive, qui va permettre à une personne ayant déjà été condamnée d’être condamnée à une peine plus lourde
  • la qualité professionnelle de la personne poursuivie : si un fonctionnaire commet un vol dans l’exercice de ses fonctions, la peine encourue est plus lourde
  • la qualité d’ascendant légitime, naturel ou adoptif de l’auteur, ou le fait d’avoir autorité sur la victime. La jurisprudence établit une différence entre l’autorité légale (issue de la loi, accordée aux pères, mères et curateurs) et l’autorité de fait (issue de la situation de la personne poursuivie, qu’il faut démontrer)
  • CA Toulouse, 8 septembre 2008: la circonstance aggravante d’autorité de fait a été étendue lorsque les violences sont commises par un concubin, mais également par un partenaire pacsé. L’article 132-80 du Code pénal, introduit par la loi de 2006, a étendu le domaine de cette circonstance aggravante aux faits commis par l’ancien conjoint, l’ancien concubin ou l’ancien partenaire de PACS. La même loi précise que les dispositions sont applicables dès lors que l’infraction a été commise en fonction des relations ayant existé entre l’auteur et la victime.

o les circonstances aggravantes réelles, qui vont tenir soit aux faits, soit à la qualité de la victime. Cette dernière peut concerner la vulnérabilité, qui doit être connue par l’auteur des faits ou bien visible, ou bien la qualité professionnelle (magistrat, avocat, personne dépositaire de l’autorité publique). Quant aux faits matériels, ils sont énumérés par les articles 132-70 à 132-75 du Codé pénal, et on va définir :

  • l’usage d’une arme
  • l’effraction
  • l’escalade

La distinction entre les deux types de circonstances aggravantes ont des conséquences juridiques : les circonstances aggravantes personnelles ne s’étendent pas aux complices, contrairement aux circonstances aggravantes réelles. On dit que le complice encourt la responsabilité de toutes les circonstances qui caractérisent l’acte poursuivi, sans qu’il soit nécessaire que celles-ci aient été connues de lui.

B/ La durée de réalisation de l’infraction

1 – L’infraction instantanée

L’infraction va ici se réaliser de façon immédiate. L’infraction instantanée peut se définir comme une infraction dont l’élément matériel s’exécute en un instant, comme par exemple le vol. La durée de l’acte d’exécution n’entre pas dans la définition de l’infraction : dès lors, peu importe que l’infraction se réalise en quelques secondes ou en plusieurs heures.

L’infraction instantanée est soumise à la loi en vigueur au moment de l’exécution de l’infraction. Son délai de prescription commence au jour de l’acte infractionnel, et la seule juridiction compétente est celle du lieu de commission du fait infractionnel.

2 – Le délit continué

Le délit continué peut se définir comme une infraction instantanée qui se réitère dans le temps : dans ces cas là on va considérer qu’il y a unité de but et unité de droits bafoués. En revanche, il y a pluralité d’actions distinctes dans le temps. C’est par exemple le cas si une personne prend tous les jours une pomme sur un étalage.

3 – L’infraction permanente

Ce sera le cas lorsque le résultat perdure dans le temps, sans qu’il y ait réitération de l’activité matérielle. En d’autres termes, l’infraction entraîne un résultat matériellement durable : c’est par exemple le cas de la construction d’un immeuble sans permis de construire.

4 – L’infraction continue

Dans les trois hypothèses précédentes, on considère que l’infraction se réalise matériellement en un instant, par opposition à l’infraction continue.

Cette dernière peut se définir comme une infraction dont l’exécution se prolonge dans le temps : on dit alors qu’il y a réitération de la volonté coupable. On peut notamment citer comme exemple le recel de choses.

Comme ces infractions perdurent dans le temps, à partir du moment où l’acte infractionnel a continué après l’entrée en vigueur du nouveau texte, celui-ci pourra s’appliquer.

En matière procédurale, le point de départ du délai de prescription est fixé à la date du dernier acte infractionnel.

C/ Le caractère unique ou plural de l’infraction

Généralement, l’acte punissable par la loi ne contient qu’un seul acte infractionnel : on parle alors de délit simple ou d’occasion. Il se peut cependant que le délit englobe différents actes matériels : on est alors face soit à une infraction complexe, soit à une infraction d’habitude.

Une infraction complexe suppose l’accomplissement de plusieurs actes de nature différentes, mais qui participent tous à un objectif unique : ces actes doivent être constitutifs de l’infraction en cause. Par exemple, l’escroquerie est considérée comme une infraction complexe : elle va supposer l’emploi de manœuvres frauduleuses (faux nom, etc…) dans un premier temps, puis la remise du bien convoité à l’escroc par la victime.

L’infraction d’habitude est composée de plusieurs actes identiques qui, analysés séparément, ne seraient pas sanctionnables : on dit que c’est la répétition qui va faire l’infraction. C’est notamment le cas de l’exercice illégal de la médecine, du recel de délinquance habituel de mineur.

Le caractère complexe ou habituel de l’infraction comporte plusieurs intérêts : s’agissant de la compétence territoriale, dès qu’un acte a lieu dans un endroit, la juridiction territorialement compétente peut être saisie.

D’autre part, la nature de l’infraction va avoir des conséquences sur la prescription de l’action publique : pour l’action complexe, on considère qu’elle ne sera consommée que dans l’hypothèse où tous ses actes matériels se seraient réalisés, et le point de départ de la prescription va être fixé au jour du dernier acte constitutif de l’infraction. Pour l’infraction d’habitude, la prescription commence à la commission du deuxième acte.

§2 : L’infraction inachevée

A partir du moment où le résultat envisagé par le législateur n’est pas atteint, on parle d’infraction tentée : la tentative est une action qui consiste à essayer de commettre une infraction. Elle est envisagée par l’article 121-4 du Code pénal, qui dispose que « celui qui tente de commettre un crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit, est considéré comme auteur de l’infraction ».

L’article 121-5 du Code pénal ajoute que la tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d’exécution, elle n’a été suspendue ou n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur. La tentative pourra donc être réprimée seulement lorsque l’infraction envisagée était réalisable : si elle ne l’était pas, on considère que la tentative de cette infraction ne peut pas être sanctionnée.

La doctrine et la jurisprudence ont apporté un certain nombre de précisions s’agissant de cette théorie.

A/ L’infraction réalisable

Dans cette hypothèse, la tentative ne sera sanctionnable que si elle révèle un comportement dangereux de la part de son auteur : l’article 121-5 du Code pénal pose deux conditions à la caractérisation de la tentative. En effet, selon ce texte, la tentative ne pourra être sanctionnée que s’il existe un commencement d’exécution, ainsi qu’une absence de désistement volontaire.

Dans tout processus criminel, plusieurs étapes vont se succéder dans le temps avant que l’on ne parvienne au résultat final. C’est la doctrine qui en a distingué les étapes :

o le dessein criminel : c’est la simple idée que l’on peut avoir de commettre une infraction

o la résolution : dans ce cas, on n’a plus la simple idée de commettre une infraction, on a décidé de la commettre

o l’extériorisation : on va extérioriser sa volonté infractionnelle

La tentative n’est pas sanctionnable lors des deux premières étapes : il faut nécessairement une extériorisation de la volonté infractionnelle. Lors de cette phase, différentes étapes se distinguent :

o la commission des actes préparatoires, qui vont permettre au délinquant de se procurer les moyens de l’infraction

o l’achèvement de l’infraction

1 – Le commencement d’exécution

On s’est demandé à partir de quel moment la tentative pouvait être sanctionnée, à quel moment l’infraction est considérée comme extériorisée. La doctrine a posé la règle que la tentative ne pouvait pas être sanctionnée qu’en présence d’actes préparatoires : il faut nécessairement un commencement d’exécution. Cette exigence législative n’a pas été définie par le Code pénal, c’est donc la doctrine qui a posé les critères permettant de dire si tel acte caractérise un commencement d’exécution ou non.

Un premier critère objectif a été dégagé par la doctrine, et en application de ce critère, on considère qu’il n’y aura commencement d’exécution que dans l’hypothèse où l’acte réel visé constitue un des éléments constitutifs de l’infraction ou une circonstance aggravante. Par exemple, celui qui pénètre par effraction dans une maison pour la cambrioler peut être condamné pour tentative de vol du fait des circonstances aggravantes de l’effraction.

Le commencement d’exécution est envisagé d’un point de vue strictement matériel, c’est-à-dire en fonction de faits extérieurs à l’individu. Ce critère a cependant été critiqué par des auteurs, qui en ont dénoncé l’étroitesse : pour eux, il y a confusion entre infraction tentée et infraction manquée.

C’est la raison pour laquelle la doctrine a dégagé un critère subjectif, selon lequel on va devoir prendre en considération l’état d’esprit du délinquant : la tentative sera considérée comme constituée dès lors que l’acte qui a été commis témoigne du projet criminel. Ce second critère a lui aussi été critiqué dans la mesure où il est très délicat à mettre en œuvre.

La jurisprudence a donc mélangé les deux critères, et selon la formule de la Cour régulatrice : « doit recevoir la qualification de commencement d’exécution tout acte délibéré qui tend directement au délit ». Le commencement d’exécution est donc un acte qui doit avoir pour conséquence directe et immédiate de consommer le crime ou le délit.

On perçoit que pour la jurisprudence, l’achèvement doit être hautement probable : il faut donc une intention irrévocable et un lien de causalité qui suppose que le commencement de l’exécution soit assez proche dans le temps de la réalisation proprement dite.

  • a) Le contrat d’assassinat

L’application extrêmement stricte de ces principes par la jurisprudence a donné lieu à un contentieux très important dans les espèces suivantes. Lorsqu’une personne décide de faire tuer une autre personne et va payer un tiers pour exécuter le meurtre, mais que ce dernier n’exécute pas le contrat : on a considéré qu’on en pouvait pas être complice d’une tentative qui n’a pas eu lieu, et ainsi le commanditaire a été acquitté.

A la suite de critiques, on a admis le contrat d’assassinat dans la loi Perben du 29 mars 2004, malgré un projet qui n’a pas été repris dans le Code pénal de 1994. l’article 221-5 du Code pénal punit de 10 ans d’emprisonnement et de 50 000 euros d’amende le fait de faire à une personne des dons ou des promesses ou de lui proposer des dons présents ou avantages quelconques afin qu’elle commette un assassinat ou un empoisonnement lorsque ce crime n’a été ni tenté, ni commis.

  • b) L’association de malfaiteur

Un arrêt du 15 mai 1979 concernait une hypothèse proche, et en même temps lointaine : une personne va remettre des fonds à une autre personne afin que cette dernière achète une quantité de drogue à un revendeur. Or la mère de l’intermédiaire a trouvé les fonds, et les a confisqués : l’intermédiaire n’a onc pas pu acheter les stupéfiants. Une plainte a néanmoins été déposée à l’encontre le la personne ayant transféré les fonds.

Ici, il n’y a pas de complicité de tentative puisqu’encore une fois, il n’y a pas tentative. La condamnation a cependant eu lieu sur le fondement de l’article 450-1 du Code pénal modifié par la loi du 15 mai 2001, relatif à l’association de malfaiteurs.

Dans un arrêt de 1996, on a une personne qui souhaite défigurer son ex-petite amie au vitriol, et qui pour ce faire engage une tierce personne à qui il va donner des instructions et des fonds. Celui qui a reçu les fonds les a dilapidés, mais n’a pas exécuté le contrat. Les juges ont ici fait application de l’article 450-1 du Code pénal, en considérant qu’il y avait association de malfaiteurs.

Dans un second arrêt, trois hommes emprisonnés projettent l’évasion de l’un d’entre eux, mais n’avaient pas techniquement les capacités de parvenir à cette évasion : ils ont ici également été condamnés sur le fondement de l’association de malfaiteurs.

La jurisprudence considère que la tentative sera caractérisée en présence d’actes non-équivoques : c’est par exemple le cas lorsqu’une personne attend dans un couloir, armé, un encaisseur de banque. Selon la formule du professeur Larguier, « le commencement d’exécution doit prendre le chemin même du délit » : en l’espèce, il n’y avait pas d’autre raison d’attendre dans un couloir en étant armé que dans le but de commettre une infraction.

  • c) La tentative d’escroquerie

A l’égard de la tentative d’escroquerie, on peut citer un arrêt rendu par la Chambre criminelle le 8 septembre 2004 : selon ce dernier, la tentative d’escroquerie à l’assurance est caractérisée à partir du moment où le prévenu fait une fausse déclaration de sinistre à la gendarmerie, et qu’ensuite il envoie cette fausse déclaration à son assureur.

Un autre arrêt du 17 décembre 2008 présentait l’espèce suivante : le propriétaire d’un véhicule qui connaissait des problèmes financiers et qui n’arrivait pas à la vendre a demandé à un ami de mettre le feu audit véhicule. Le sinistré s’est alors rendu au commissariat où il a déposé plainte pour vol de véhicule. Les faits furent découverts et il a été poursuivi pour tentative d’escroquerie et a été condamné en première instance. La Cour de cassation a censuré l’arrêt de la Cour d’appel en estimant qu’il n’y avait pas commencement d’exécution constitutif d’une tentative punissable dans la mesure où il n’y a pas eu de déclaration de sinistre auprès de l’assureur. La Cour rappelle ici que la destruction du véhicule et que la déclaration au commissariat de police ne sont que des actes préparatoires, le commencement d’exécution étant la déclaration de sinistre.

2 – L’absence de désistement volontaire

Dans le cas où le désistement est volontaire, il n’y a pas tentative punissable. Pour que le désistement volontaire soit admis, il faut deux conditions.

  • a) Le caractère volontaire du désistement

Il faut tout d’abord que le désistement soit totalement volontaire : il ne doit pas être le résultat d’un évènement extérieur. Lorsque le désistement est totalement spontané, il n’y a pas de difficulté d’interprétation : il est l’expression d’une volonté libre. Il en est de même lorsqu’il est dû à une cause totalement étrangère à l’agent : l’absence de désistement volontaire est ici aisément caractérisée.

Un arrêt rendu par la Chambre criminelle concernait une tentative de viol, durant laquelle l’auteur a été victime d’une impuissance. La Cour de cassation a ici considéré que le désistement était dû à une incapacité physique, et qu’il était donc involontaire. Il en est de même lorsqu’un tiers interrompt l’acte soit moralement, soit physiquement.

A partir du moment où l’interruption, sans être le résultat d’une contrainte, ne va pas être totalement libre, va se poser le problème de savoir si l’infraction est punissable ou non. Si une personne s’arrête volontairement, mais sous l’influence d’une cause extérieure (peur d’être dénoncé, par exemple), la jurisprudence considère qu’il y a deux facteurs : un facteur externe (raison du désistement), et un facteur interne (arrêt volontaire). Dans une telle hypothèse, il va falloir déterminer quel facteur va jouer un rôle essentiel.

Dans un arrêt, une personne souhaitait voler des marchandises dans un supermarché : il a remplacé les bouteilles d’un vin à bas prix par du vin plus cher dans un carton. Son complice devait l’attendre sur le parking du magasin, et le délinquant abandonne le chariot, quitte le magasin, et est arrêté à ce moment là par le vigile. Une plainte est alors déposée pour tentative de vol.

La Cour de cassation a considéré que le facteur externe est qu’il a surpris un vigile qui le regardait avec insistance ainsi que le départ de son complice, et que donc le désistement était involontaire.

  • b) L’antériorité du désistement

Pour être effectif, le désistement doit être antérieur à l’infraction : ainsi, quelqu’un qui vole un portefeuille mais rend ce dernier à la victime peu après pourra tout de même être poursuivi pour vol. On parle cependant de « repentir actif » : bien qu’il n’efface jamais l’infraction, ce repentir actif permettra aux juges de réduire le quantum de la peine.

B/ L’infraction impossible

Dans ce cas, le délinquant va accomplir totalement les différentes opérations devant conduire à l’infraction, sans atteindre le résultat escompté : il n’a pas été interrompu, mais un évènement qui lui était totalement étranger a empêché la réalisation de l’infraction. On s’est alors demandé si cet acte pouvait être condamné sur le fondement de la tentative, bien qu’elle soit nécessairement infructueuse.

On a commencé à s’interroger sur l’infraction impossible à partir du XIXe siècle. On s’était alors posé la question suivante : peut-on condamner un paysan ayant effectué un pèlerinage pour souhaiter la mort de son voisin ? La doctrine a appelé ce type de comportement l’infraction surnaturelle, qui a donné naissance au concept d’infraction impossible.

Au début du XIXe, la plupart des auteurs se sont prononcés sur l’impunité : ils se sont appuyés sur l’inexistence d’un commencement d’exécution. Pourtant, certains auteurs comme Saleilles ont souligné qu’à partir du moment où la volonté criminelle s’est manifestée par des actes suffisamment explicites, on ne devait pas distinguer si le résultat de l’action était ou non réalisable. Les auteurs ont alors proposé de dissocier deux hypothèses : l’hypothèse de l’impossibilité absolue (impunité), et l’hypothèse de l’impossibilité relative (permettant des poursuites).

La jurisprudence aussi a apporté une pierre à la création du concept d’infraction impossible : ainsi, lorsqu’une personne souhaite empoisonner une autre personne avec un produit qui s’est révélé totalement inoffensif, ou encore lorsque quelqu’un essaye de tirer sur quelqu’un avec un pistolet qui s’avère vide, les juges appréciaient au cas par cas les faits.

La Cour de cassation, après plusieurs années (voire siècles) d’hésitation jurisprudentielle, a posé le principe dans un arrêt du 9 novembre 1928 que l’impossibilité du résultat n’ayant été qu’une circonstance indépendante de la volonté des auteurs, par suite de laquelle la tentative a manqué ses effets, la tentative est constituée.

Selon une formule d’un arrêt du 16 janvier 1989, «il importe peu, pour caractériser une tentative d’homicide volontaire, que la victime soit déjà décédée au moment où les violences dans l’intention de donner la mort dont exercées par l’accusé».

Dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Douai le 21 septembre 2004 à l’égard de l’infraction impossible, il s’agissait d’une tentative d’évasion dont le prévenu a fait valoir qu’il s’agissait d’une infraction impossible puisque sa cellule se trouvait à 6 mètres du sol. La Cour d’appel a décidé que peu importaient que l’infraction soit réalisable ou non, seules les conditions de la tentative doivent être analysées. Or la volonté d’évasion avait été clairement établie, bien que l’infraction soit irréalisable.

Transition

A partir du moment où l’accusation a réussi à caractériser l’élément infractionnel, il reste à établir que la personne poursuivie en est bien l’auteur matériel : c’est ce que la doctrine appelle l’imputation objective, le fait de rattacher matériellement une infraction à un auteur déterminé. Les juges doivent seulement relever l’identité physique du délinquant ; en revanche, l’identité civile n’est pas une condition sine qua non de l’infraction : peu importe qu’on ne connaisse pas le nom du délinquant, seule compte son identité physique.

Cette imputation objective sera le plus souvent rapportée par des indices matériels, qui vont permettre d’établir par exemple la présence de la personne poursuivie sur les lieux au moment de l’infraction, que c’est bien elle qui a tenu l’arme ayant tué la victime, etc. La Cour de cassation censure cependant les arrêts de Cour d’appel qui condamnent les conducteurs ayant été condamnés au seul motif qu’ils sont les propriétaires de leur véhicule.

A partir du moment où ces éléments matériels sont caractérisés, un dernier élément est nécessaire à la constitution de l’infraction : l’élément moral.

Section 2 : L’élément moral de l’infraction

L’élément moral est une des notions les plus floues du Droit pénal. Il englobe deux aspects.

  • Le premier, commun à toutes les infractions intentionnelles : il faut que la personne poursuivie ait compris et voulu l’acte qu’elle a commis, il faut autrement dit qu’elle dispose de son libre arbitre. Cette exigence a été posée par le célèbre arrêt Laboube du 13 décembre 1956 : en l’espèce, on a un jeune garçon qui blesse grièvement un camarade en jouant avec un bâton. Selon la Cour de cassation, «toute infraction, même non-intentionnelle, suppose que son auteur ait agi avec intelligence et volonté».

L’imputabilité subjective doit être envisagée avant la culpabilité, et ces dernières vont former la responsabilité pénale. A priori, les éléments doivent être rapportés par le Ministère public, mais on va présumer que l’auteur de l’infraction disposait de son libre arbitre au moment des faits.

  • Le deuxième élément va être différent selon la nature du crime ou du délit envisagé : ces éléments sont précisés par l’article 121-3 du Code pénal. Selon ce dernier, «il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ; toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui ; il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence, ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer».

La faute intentionnelle est nécessaire en matière criminelle et a été placée au sommet de la hiérarchie des fautes, parce qu’elle symbolise une opposition plus marquée aux valeurs sociales protégées par la loi. La plus basse est la faute d’imprudence, et entre les deux, on trouve la faute de mise en danger.

Le Code pénal de 1994 a supprimé ce qu’on appelle les délits matériels, qui étaient caractérisés dès lors que matériellement, la faute était caractérisée, sans s’interroger sur la faute morale. La loi d’adaptation de 1992 a précisé que tous les délits matériels devaient être requalifiés en délits de mise en danger ou d’imprudence.

§1 : La faute intentionnelle

A/ La distinction entre le dol général et le dol spécial

Toutes les infractions intentionnelles sont caractérisées par un dol général, mais parfois, à ce dol général va s’ajouter un dol spécial.

1 –La définition de l’intention

Le Code pénal ne définit pas l’intention criminelle, et cette intention est distincte du mobile (le mobile est propre à chacun). On dit souvent que le mobile est inopérant en droit pénal (il n’a aucune incidence sur la condamnation).

Il existe une particularité créée par la jurisprudence depuis plusieurs années : c’est l’hypothèse où une personne apprend qu’elle va bientôt être licenciée pour faute, et entend prouver qu’elle a bien effectué son travail. Elle va donc photocopier des documents de l’entreprise sans l’autorisation du patron, ce qui est constitutif d’un vol. Le problème est cependant que son mobile est la volonté de se constituer une preuve.

On s’est alors demandé si le mobile pouvait avoir un effet exonératoire pour le voleur. La Chambre criminelle avait une attitude très stricte envers eux, en ce qu’elle les condamnait systématiquement. Or cette jurisprudence s’est avérée contraire à celle de la Chambre sociale, qui admettait les preuves obtenues à la suite d’un vol.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 11 mai 2004, a posé le principe que le salarié n’était pas responsable pénalement à partir du moment où il photocopie des documents appartenant à son futur ex-employeur afin de constituer sa défense : «le salarié peut, au cours du litige l’opposant à son employeur, produire des documents de l’entreprise photocopiés sans autorisation, dès lors que ces documents sont strictement nécessaires à l’exercice des droits de la défense de ce salarié».

Depuis le début du XIXe siècle, la doctrine a essayé de définir le dol général, le Code pénal étant muet à cet égard. Plusieurs définitions de l’intention ont été données, parfois maladroites ou incomplètes :

o Pour Garçon, l’intention est à la fois la volonté de commettre le délit tel qu’il est déterminé par la loi, mais aussi la conscience, chez le coupable, d’enfreindre les prohibitions légales : l’intention est donc le fait d’accomplir volontairement un acte dans les termes que donnent la définition légale de cet acte, et de méconnaître ainsi librement ce que la loi ordonne ou défend.

o Certains auteurs ont estimé qu’il fallait écarter le caractère volontaire de l’acte, en considérant que l’intention coupable est une démarche de l’intelligence

o Pour le professeur Donnedieu de Vabres, l’intention est la simple connaissance du fait que les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis : c’est la connaissance de l’illicéité de l’acte, ce qui serait toujours le cas puisque nul n’est censé ignorer la loi. Cette définition n’a donc pas été reprise par la doctrine, étant considérée trop réductrice

o Pour redonner tout son sens à la notion d’intention, certains auteurs l’ont considérée comme la volonté de transgresser un interdit : il faut que l’auteur ait fait preuve d’antisociabilité pour caractériser ‘l’infraction.

o Le professeur Decocq a considéré que le comportement intellectuel de la personne poursuivie supposait une hostilité à l’égard des valeurs sociales protégées par la loi. Selon lui, il faut que l’agent veuille l’acte, mais également le résultat de cet acte.

o Les auteurs ont alors considéré que l’intention pouvait se réduire à l’utilisation qui est faite de la volonté : c’est la volonté tendue vers un certain résultat, la volonté consciente de parvenir au résultat illicite désiré. C’est cette définition qui est aujourd’hui la plus répandue, bien qu’on se réfère encore à celle de Garçon.

Le dol spécial est un élément qui va être nécessaire à la constitution d’une infraction : il est expressément précisé par le législateur. C’est soit la conscience de provoquer un préjudice, soit la volonté de rechercher un résultat déterminé. Par exemple, l’homicide volontaire suppose un dol général (par exemple, tir sur la personne), mais également un dol spécial (volonté de la tuer).

Le dol spécial devra être démontré par l’accusation pour emporter la conviction des jurés, même en cas d’empoisonnement (affaire du sang contaminé). Certains auteurs considèrent que seul le dol spécial permet de caractériser l’intention.

Cette intention infractionnelle doit se distinguer de ce qu’on appelle la préméditation, dans la mesure où l’intention va exister au moment du passage à l’acte, alors que la préméditation va préexister à l’infraction : c’est un but envisagé avant l’action, un dessein formé avant l’action. C’est une circonstance aggravante qui va se rajouter à l’élément intentionnel, et suppose un examen détaillé de la volonté de l’auteur : on dit que le juge donne une coloration morale à l’acte matériel.

2 – La preuve de l’intention

Définir l’intention est une étape extrêmement difficile : malgré cela, la Cour de cassation rappelle souvent que l’élément intentionnel est un élément constitutif de l’infraction, et qu’on ne peut pas condamner sans rapporter la preuve de la mauvaise foi, quand bien même sa définition serait très floue.

Depuis le début du XIXe siècle, on s’est demandé comment on pouvait rapporter la preuve de cet élément immatériel. La jurisprudence a précisé que le Ministère public devait seulement rapporter la preuve des éléments psychologiques imposés par la loi, de sorte que le texte de loi permet non seulement d’établir le champ d’action du Ministère public, mais également de fixer la limite de la charge de la preuve.

Le principe de la liberté de la preuve signifie que tous les moyens de preuve peuvent être utilisés, sans qu’aucun n’ait de force probante prédéterminée : c’est le juge qui va leur apporter une force probante (ou non). Afin de faciliter le travail du Ministère public, on a eu recours au principe de la présomption : c’est une technique de raisonnement qui permet au juge de partir du fait connu pour arriver à un fait inconnu.

A cet égard, on peut citer un arrêt rendu par la Chambre criminelle le 28 juin 2005 : une personne rentre dans une boutique pour acheter des oiseaux, qui appartiennent en réalité à une famille protégée (et qu’on ne peut donc pas acheter). Une plainte est déposée à l’encontre de l’acheteur de ces oiseaux, qui a invoqué qu’il pensait avoir acheté ces oiseaux en toute légalité du fait de la facture qui lui a été faite, et qu’il n’était pas animé de mauvaise foi. La Cour de cassation a confirmé la condamnation du prévenu, en estimant que la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable exigée par ce texte.

Depuis quelques années, on constate que le Ministère public se contente de faire application de présomptions, ensuite reprises par les magistrats. On va retrouver le mécanisme de la présomption aussi bien en matière d’infractions contre les personnes qu’en matière d’infractions contre les biens.

L’article 221-1 du Code pénal définit l’homicide volontaire comme le fait de donner volontairement la mort à autrui : cette intention de donner la mort est appelée l’animus necandi. La jurisprudence a créé trois présomptions (non-cumulatives) de fait qui vont lui permettre de considérer de fait que l’intention de tuer est caractérisée :

o la dangerosité du moyen employé par la personne poursuivie

o la partie du corps visée par l’auteur (vitale ou non)

o la violence des coups portés par l’auteur poursuivi, son acharnement

Selon une formule traditionnelle de la Cour de cassation, «l’élément intentionnel résulte de la nature même du délit, et n’a pas besoin d’être affirmé par le juge». Cela signifie que l’on va partir des éléments matériels pour en déduire la mauvaise foi du prévenu : ce mécanisme est appliqué pour quasiment toutes les infractions contre les biens.

La plupart des auteurs sont assez défavorables à ce mécanisme, dans la mesure où il ne s’agit pas d’une preuve parfaite mais par induction. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a admis ce mécanisme sans le considérer contraire à la présomption d’innocence, dès lors qu’elle est réfragable. Ce renversement de la charge de la preuve est contestable, car renverser ces présomptions est quasiment impossible.

B/ Les discordances entre la volonté de l’acte et le résultat de l’infraction

L’intention infractionnelle suppose que la conscience de la réalisation matérielle de l’acte et son résultat correspondent véritablement à ce qui est incriminé : si objectivement une personne soustrait une chose à autrui en pensant qu’elle lui appartient, l’intention fait défaut. Il va donc falloir envisager l’intention et son résultat.

En matière d’infraction intentionnelle, le résultat doit être précisément voulu : on parle alors de dol déterminé, ce qui signifie que l’auteur a souhaité de façon précise commettre tel acte à l’égard de telle personne. La détermination du dol dépend de l’étendue de la volonté par rapport au résultat du crime ou du délit.

Il peut arriver que le résultat ne soit pas précisément recherché : on dit alors qu’on est en présence d’un dol indéterminé. Dans cette hypothèse, l’auteur s’est représenté le résultat, et a accepté l’éventualité qu’il se réalise. Si une personne donne volontairement des coups à un tiers, le résultat peut varier, pour le même coup, d’une simple ecchymose à des dégâts beaucoup plus importants (ITT). La jurisprudence va assimiler ce dol indéterminé au dol éventuel, en considérant que le délinquant sera condamné en fonction du résultat produit.

Le résultat produit peut dépasser les prévisions de l’auteur : dans cette hypothèse, le résultat va être plus grave que celui recherché. On parle alors d’infraction praeter intentionnelle : c’est par exemple le cas des coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. La jurisprudence estime que le résultat qui s’est produit n’était pas souhaité en totalité, mais partiellement.

Enfin, le dol éventuel sera caractérisé lorsque le résultat de l’infraction a été envisagé par l’auteur, mais qu’il a pensé pouvoir l’éviter : il a prévu le résultat en le considérant comme possible. C’est par exemple le cas d’une personne qui, doublant un véhicule sans visibilité, va percuter un second véhicule et entraîner la mort du conducteur. Pour la jurisprudence, le dol éventuel est assimilé à une simple faute, mais une faute non-intentionnelle. Même si le résultat est probable, le fait d’avoir agi sans le rechercher est caractéristique d’une infraction involontaire. Le dol éventuel a été consacré par le nouveau Code pénal, lequel a créé la mise en danger de la vie d’autrui.

§2 : Les fautes délictuelles non-intentionnelles

On a toujours enseigné que la faute était une notion unitaire, mais la loi du 13 mai 1996 sur la responsabilité pénale des faits d’imprudence ou de négligence a fait éclater cette unité en opérant une distinction très nette entre faute d’imprudence et faute de mise en danger.

La faute non-intentionnelle ne procède pas toujours de la même démarche psychologique : la faute de mise en danger présente un caractère délibéré lui conférant une plus grande gravité. C’est une faute volontaire, commise en parfaite connaissance de cause, alors qu’en ce qui concerne la faute d’imprudence, sa réalisation échappe le plus souvent à son auteur.

A/ La faute de mise en danger délibérée

Cette faute, introduite dans le Code pénal de 1994 à l’article 121-3, va caractériser un certain nombre d’infractions, notamment le délit prévu et réprimé à l’article 221-3 du Code pénal : le délit de risque causé à autrui. Ce dernier se définit comme le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement.

Cette faute de mise en danger suppose que l’auteur ait pris délibérément un risque, tout en voulant qu’aucun dommage n’en résulte. Cette prise de risque procède à la fois de la faute d’imprudence et de la faute intentionnelle, raison pour laquelle elle est hiérarchiquement entre les deux.

La faute de mise en danger se rapproche de la volonté, en ce sens que contrairement à l’intention qui suppose la volonté du résultat, la volonté au sens stricte s’apparente seulement à l’action. On dit que la faute de mise en danger caractérise une infraction formelle dans la mesure où la mise en danger n’intègre pas la volonté du résultat.

Elle consiste dans le fait de mettre autrui en danger, sans qu’un résultat dommageable n’ait été provoqué. Pour le professeur Mayaud, la faute de mise en danger n’est pas une méconnaissance intentionnelle, mais une méconnaissance volontaire. Le professeur Robert précise que la mise en danger est l’état d’esprit d’une personne qui, sachant que son comportement pourrait porter atteinte à un intérêt protégé ou réaliser une situation infractionnelle sans en avoir la certitude, persiste néanmoins à l’adopter.

La circulaire du 24 juin 1993 a apporté quelques précisions en estimant qu’il s’agissait d’un manquement délibéré à une obligation de sécurité. Cette faute réside donc dans la volonté de violer une obligation particulière de prudence ou de sécurité, et rapporter la preuve d’un tel manquement est alors très difficile. Il faut bien évidemment démontrer la violation, mais également le risque immédiat de mort ou de blessures, ainsi que l’intention délibérée.

Une partie de la doctrine s’est demandé s’il fallait démontrer la connaissance du risque auquel il a exposé autrui. D’autres auteurs ont au contraire considéré que cette connaissance du risque ne devait pas être rapportée. On peut également rajouter que la conscience du risque ne signifie pas que celui qui méconnaît l’obligation a souhaité qu’il se réalise. En revanche, le délinquant prend le risque, tout en croyant qu’aucun dommage n’en découlera.

La Cour de cassation, dans l’arrêt du 11 février 1998 (commandant de bord et canots de sauvetages), a adopté une position très stricte envers le prévenu : peu importe que le danger soit hypothétique, selon la Chambre criminelle, le prévenu «percevait nécessairement les risques d’un chargement excédant largement les capacités de son navire ; il a délibérément violé les règles de sécurité qui s’imposaient à lui».

Depuis, la doctrine et la jurisprudence ont considéré que la faute de mise en danger est une faute délibérée, une attitude persistante dans une conduite négligente, la conscience du péril ou des risques que l’on fait courir par un comportement doublé de la volonté de s’y engager malgré tout. Pour la jurisprudence, le caractère délibéré de la faute va ressortir de la réitération de la violation : c’est par exemple le cas d’une personne ivre qui se déporte à trois reprise sur le coté gauche de la route.

Dans un arrêt rendu par la Chambre criminelle le 22 juin 2005, deux personnes sont dans un véhicule (conducteur et passager), et le passager va inopinément tirer sur le frein à main alors même que le véhicule est en train de doubler un camion. Dans cette affaire, le passager a été poursuivi pour mise en danger de la vie d’autrui, alors même que le conducteur est seul responsable des infractions au Code de la route. La Cour a relevé que le passager s’est comporté momentanément comme le conducteur de fait du véhicule, et que le délit de mise en danger était caractérisé.

B/ La faute d’imprudence

Pendant très longtemps, on a considéré que seule une personne qui avait agi intentionnellement pouvait être pénalement poursuivie, dès lors que son comportement avait perturbé l’ordre social. Progressivement, on a admis que lorsqu’une personne porte atteinte à une valeur extrêmement importante telle que la vie ou l’intégrité d’une personne, elle peut être pénalement sanctionnée pour faute non-intentionnelle : on reproche alors au prévenu ce qu’on appelle une faute d’imprudence.

On a ensuite admis la faute d’imprudence pour les infractions contre les biens, et progressivement, on a élargi la liste des infractions dont la faute morale pouvait donner lieu à une faute d’imprudence. On assimile très souvent faute involontaire et faute d’imprudence : ce raccourci peut parfois être trompeur, en ce qu’un acte peut être volontairement accompli, sans pour autant avoir recherché le résultat.

En 1994, on distinguait deux types d’imprudence : la faute d’imprudence inconsciente, et la faute d’imprudence consciente. Cette dernière est l’état d’esprit de l’auteur qui consiste à vouloir un acte et à envisager son résultat en pensant qu’il pourra l’éviter : c’est par exemple le cas d’un automobiliste qui grille volontairement un stop. Quant à a faute inconsciente, c’est l’état d’esprit de la personne qui consiste à vouloir un acte sans avoir envisagé les conséquences ni les risques qui en résultent.

L’imprudence, consciente ou inconsciente, se caractérise par une non-volonté du résultat, mais également par une non-prévoyance de leur auteur. On a alors considéré que l’imprudence est le fait de ne pas avoir pris les précautions de nature à empêcher le dommage de survenir : il s’agit de la maladresse et de l’imprudence, et du manquement à une obligation de prudence ou de sécurité.

Pendant très longtemps, on a dressé une liste des fautes d’imprudence : tout d’abord, la maladresse et l’imprudence, qui sont considérées comme des fautes de commission qui vont être réalisées à l’occasion d’une action dommageable. Il existe également des fautes d’inattention ou de négligence, qui sont a priori considérées comme des fautes d’abstention. Enfin, nous avons le manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement : c’est ici l’inobservation d’une disposition pénale ou règlementaire qui sera pénalement sanctionnée.

Dans tous les cas, cette faute suppose un décalage entre ce que l’auteur a fait et ce qu’il aurait dû faire. Il faut alors déterminer le système e référence auquel le juge devra avoir recours lorsqu’il va apprécier la réalité de la faute. La doctrine oppose deux types d’appréciation :

o L’appréciation in concreto: les juges vont devoir se référer au comportement du prévenu et à ses aptitudes psychologiques et professionnelles, ses compétences

o L’appréciation in abstracto: le juge va analyser ce qu’aurai fait un homme prudent avisé dans la même situation

La jurisprudence a estimé pendant très longtemps qu’il fallait privilégier l’appréciation in abstracto. Néanmoins, cette jurisprudence a été très vivement critiquée, car ce n’était pas la faute qui était sanctionnée, mais le dommage occasionné à la victime.

Face à ces critiques, le législateur est intervenu et a inséré par la loi du 13 mai 1996 un troisième alinéa à l’article 121-3 du Code pénal. Cette loi a posé le principe que l’on va considérer comme fautif le comportement d’une personne qui n’aurait pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences. Cette faute concrète suppose que l’on prenne en considération les compétences et les pouvoirs du prévenu. La Cour de cassation a appliqué cette nouvelle exigence dans un arrêt du 19 novembre 1996 : il s’agissait en l’espèce d’un accident du travail pour lequel la Cour d’appel avait condamné le prévenu sur le fondement du « bon chef d’entreprise », ce que la Cour de cassation a censuré, au profit d’une appréciation des diligences accomplies compte tenu des pouvoirs et compétences du prévenu. Cette solution a été confirmée dans de nombreux arrêts.

La loi du 13 mai 1996 a également imposé la preuve d’une faute s’ajoutant à la violation d’une règle de prudence ou de sécurité. Certains auteurs ont dénoncé cette nouvelle exigence, dans la mesure où elle imposait une nouvelle preuve à apporter par le Ministère public.

Le Tribunal correctionnel de Toulouse, dans un jugement du 19 février 1997, a le premier appliqué cette exigence, et dans une formule qui a ensuite été reprise par la Cour de cassation : il a indiqué que «la simple démonstration de la violation d’un règle de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement n’est pas suffisante pour caractériser le délit, la faute résultant de cette violation devant être également analysée au regard des circonstances de l’espèce».

La doctrine craignait une baisse sensible des condamnations pour faute d’imprudence, et depuis 1996, des arrêts ont encore parfois recours à l’appréciation abstraite de la faute : c’est notamment le cas d’un arrêt du 21 janvier 1998, dans lequel la Cour de cassation considère que le professionnel qui a été poursuivi «a commis un manquement aux règles de l’art facilement décelable». Or ces termes semblent privilégier une appréciation abstraite et pas seulement concrète.

La doctrine s’est dans un premier temps demandé qui allait devoir supporter la preuve de ce nouvel élément. La plupart des auteurs, dont le professeur Mayaut, ont considéré que la charge de la preuve devait être assumée par le Ministère public. La jurisprudence a adopté une position intermédiaire : la Cour de cassation a considéré qu’à partir du moment où l’accusation a démontré, à partir des éléments factuels, l’existence d’une faute d’imprudence, il va appartenir au prévenu d’établir que son comportement était normal.

C’est dans ce sens que s’est prononcée la Cour d’appel de Versailles dans un arrêt du 13 septembre 1996 : elle a rappelé les manquements dont s’étaient rendus coupables les auteurs d’un accident de navigation, et a reconnu la culpabilité des prévenus dans la mesure où ils n’ont pas pu justifier de diligences normales compte tenu de leurs fonctions et pouvoirs.

La Cour de cassation a de façon très claire, dans un arrêt du 14 octobre 1997, précisé que la loi du 13 mai 1996 n’avait institué aucun fait justificatif : la preuve de ces diligences n’est doc pas une mise en cause de la responsabilité pénale, mais il appartient à celui qui est poursuivi qu’il a accompli ces diligences normales, même s’il ne s’agit pas d’un fait justificatif.

Dans un arrêt du 2 avril 1998, la Cour de cassation a affirmé que «tout manquement par le conducteur d’un véhicule à ses obligations de prudence et de sécurité est nécessairement incompatible avec les diligences normales imposées par le Code de la route, et caractérise à sa charge la faute définie par la loi». Cette solution a elle aussi été dénoncée par une partie de la doctrine, dans la mesure où on pourrait considérer que cette jurisprudence crée une présomption à l’encontre de la personne poursuivie, en ce qu’elle vient conforter l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles précité.

C’est la raison pour laquelle le législateur est de nouveau intervenu, et a apporté une précision à travers la loi du 10 juillet 2000 sur la faute d’imprudence.

Tribunal correctionnel de Narbonne, 12 avril 1997 : un enfant est décédé par électrocution après avoir touché un lampadaire défectueux. Le maire de la commune a alors vu sa responsabilité engagée pour homicide involontaire. Dans une autre affaire, un enfant qui s’amusait sur une pièce de chantier municipal est mort écrasé, et le maire a une fois de plus était condamné pour homicide involontaire.

La loi de 2000 a opéré une distinction entre deux types d’auteurs : l’alinéa 3 de l’article 121-3 vise l’auteur direct, et l’alinéa 4 l’auteur indirect. Lorsque le prévenu n’est que la cause indirecte du dommage, autrement dit s’il a créé ou participé à la création de la situation qui a permis la réalisation du dommage, ou s’il n’a pas pris les mesures qui auraient permis de l’éviter, sa responsabilité pénale ne pourra être engagée que s’il a commis une faute caractérisée.

Cette notion de faute caractérisée a donc due être définie : certains auteur l’ont définie comme une faute qui, en l’absence d’une prescription légale ou règlementaire édictant une obligation de sécurité, expose autrui à un risque d’une particulière gravité que l’auteur de la faute ne pouvait ignorer.

Pour préciser cette définition, la doctrine a opéré un rapprochement entre cette faute et la faute inexcusable que l’on trouve en droit du travail et en droit social : c’est une faute d’une exceptionnelle gravité dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait avoir eu son auteur, de l’absence de toute cause justificative, et se distinguant par l’absence d’élément intentionnel de la faute intentionnelle.

Lors des travaux parlementaires, un certain nombre d’hypothèses ont été envisagées pour délimiter la notion d’auteur indirect : c’est celui qui n’a pas lui-même heurté ou frappé la victime, mais qui a commis une faute qui a créé la situation à l’origine du dommage. C’est par exemple le cas si une personne gare sa voiture sur un passage piéton, ce qui amènerait un piéton à contourner le passage et à se faire percuter par une voiture.

Dans un arrêt du 12 décembre 2000, une sortie scolaire avait été organisée par une institutrice, et plusieurs enfants sont tombés dans un ruisseau et se sont noyés. Sous l’empire de l aloi du 13 mai 1996, l’institutrice a été condamnée pour homicide involontaire. La Cour de cassation a censuré cette décision, et a fait application de la loi du 10 juillet 2000 : l’institutrice ne peut être considérée que comme un auteur indirect.

Dans un arrêt rendu par la Chambre criminelle de 10 janvier 2001, le dirigeant d’une société a concédé à une filiale de la société la licence d’exploitation d’un procédé de nettoyage. Or il a oublié d’avertir le gérant de la filiale du risque de réaction chimique de ce produit, ce qui a entrainé le décès d’un salarié. Le dirigeant a été poursuivi pour homicide involontaire, mais la Cour de cassation a estimé qu’il avait commis une faute caractérisée en omettant de divulguer ces informations.

Dans un arrêt du 2 décembre 2003, il s’agit d’un accident survenu sur une aire de jeu municipale, dans un centre de loisir communal : un enfant qui jouait près d’une buse en béton s’est trouvé écrasé par cette dernière. Les juges du fond ont relevé que le maire savait que la buse n’était plus accrochée au sol, démontré que le maire ne l’avait pas fait enlever, ce qui constituait une faute caractérisée et a donc engagé la responsabilité pénale du maire.

Chapitre II : La détermination de la personne pénalement responsable

L’article 121-4 du Code pénal dispose que «est auteur de l’infraction la personne qui commet les faits incriminés ou qui tente de commettre un crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit».

Section 1 : La responsabilité pénale des personnes physiques

Le plus souvent, on va considérer que l’auteur principal est la personne qui a réalisé le fait infractionnel, et dont le comportement est la cause principale du trouble social et du dommage occasionné à la victime. Dès lors, pour être un délinquant, il faut avoir commis une infraction, c’est-à-dire un acte prévu et réprimé par le législateur.

On oppose l’auteur principal à l’auteur secondaire (ou accessoire), ce dernier ayant juridiquement la qualité de complice, qui eut avoir un rôle extrêmement important dans al réalisation infractionnelle, mais son rôle peut être soit d’apporter une aide à l’auteur principal, soit l’inciter à passer à l’acte.

§1 : L’auteur principal

L’imputation objective est le rattachement d’un crime ou d’un délit à une personne déterminée : c’est une phase extrêmement importante dans la démonstration de la culpabilité de la personne poursuivie (« Ce ne sont pas les faits qui violent le droit, ce sont les personnes », Ortolan).

A/ Une définition de l’auteur et du coauteur

Afin de déterminer l’auteur d’un acte infractionnel, on doit distinguer plusieurs hypothèses, selon le caractère intentionnel ou non-intentionnel de l’infraction.

Si l’infraction est intentionnelle, sera considéré comme auteur de l’infraction celui qui a réalisé matériellement les actes incriminés. Dans une telle hypothèse, celui qui va initier l’infraction ne peut pas être poursuivi en tant qu’auteur, mais sur le fondement de la complicité.

Si l’infraction n’est pas intentionnelle, sera considéré comme auteur celui dont le comportement a été la cause du résultat préjudiciable.

Lorsque l’infraction est le fait de plusieurs personnes, on parle de coaction : le coauteur est celui qui a matériellement commis l’acte incriminé. La responsabilité du coauteur est personnelle, ce qui signifie que les responsabilités des différents coauteurs sont totalement indifférents les unes des autres. Il peut alors arriver que l’un des coauteurs ne soit pas condamné (par exemple, grâce à une immunité entre époux), alors qu’un autre sera condamné.

Dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Reims le 7 juillet 2004, des véhicules banalisés de la police ont organisé un contrôle, alors que deux personnes se trouvaient dans un autre véhicule. Le conducteur va utiliser son véhicule pour pousser un policier qui tentait de lui faire barrage, et le policier va être blessé. Le conducteur et le passager vont être poursuivis pour violences volontaires aggravées (car sur un policier en fonction), et la Cour d’appel a estimé que le passager pouvait être condamné en sa qualité de coauteur, en ce qu’il a participé par sa présence à la commission de violences volontaires.

B) celui qui, sans agir matériellement, a facilité la réalisation de l’infraction commise par un autre.

Contrairement au droit civil, où la responsabilité du fait des tiers est admise, le principe consacré en droit pénal est celui de la responsabilité personnelle : cette règle est d’ailleurs expressément consacrée par l’article 121-1 du Code pénal, qui dispose que «nul n’est responsable que de son propre fait».

Cette règle a été réaffirmée dans un arrêt de la Chambre criminelle du 28 juin 2005 : il s’agissait en l’espèce d’un dirigeant de supermarché qui va être pénalement poursuivi pour la divagation des ordures laissées par des clients sur le parking sur un terrain voisin. Les juridictions du fond ont condamné le dirigeant du supermarché, mais al Cour de cassation a censuré cette décision en considérant qu’elle était contraire au principe énoncé dans l’article 121-1 du Code pénal.

Néanmoins, la doctrine considère que le principe de la responsabilité personnelle ne fait pas obstacle à la poursuite de celui qui, sans agir matériellement, a facilité la réalisation de l’infraction commise par un autre.

D’ailleurs, on considère que certains individus, en raison de leur qualité professionnelle, vont être tenus à un devoir de surveillance. En ne l’assumant pas, il vont être à l’origine d’un état délictueux latent, et c’est sur ce terrain qu’une infraction va pouvoir être réalisée par une autre personne. On considère alors que cette personne va pouvoir engager sa responsabilité pénale personnelle pour une infraction commise par un autre.

La plupart des auteurs parlement alors de « responsabilité du fait d’autrui », et cette hypothèse va concerner le chef d’entreprise qui, en n’assumant pas son devoir de surveillance, va permettre à un employé de commettre une infraction.

Le législateur a alors institué une présomption légale de faute à l’encontre de celui qui, en raison de l’autorité qu’il détient au sein de son entreprise sur ses employés, est tenu de veiller au respect de la loi par ses subordonnés.

Pour que la responsabilité du dirigeant soit recherchée, il faut nécessairement la commission d’une infraction par le préposé et que l’infraction ait un lien avec l’entreprise (autrement dit, le préposé doit commettre son acte délictueux à l’occasion du fonctionnement de l’entreprise ou en son sein). La définition de l’entreprise adoptée par les pénalistes est une collectivité organisée en vue d’un objectif économique.

Il faut également un chef d’entreprise, c’est-à-dire le chef de l’organe légal du groupement : il peut être le gérant de la société, le président du conseil d’administration, un membre du directoire, l’exploitant d’une entreprise agricole. C’est celui qui va exercer le pouvoir de gestion au sein d’une unité organisée et règlementée, ce qui signifie que les organes investis d’un simple pouvoir de contrôle ne rentrent pas dans la définition de chef d’entreprise.

Les juges du fond doivent rechercher qui est le dirigeant de fait de la société : en présence d’un dirigeant de droit et d’un dirigeant de fait, c’est ce dernier qui sera poursuivi.

Pour échapper à sa responsabilité, le chef d’entreprise peut prouver sa bonne foi, autrement dit démontrer qu’il n’a pas commis de faute. En pratique, cette preuve est très difficile à apporter : il faut qu’il prouve avoir accompli toutes les diligences requises.

Un autre moyen de s’exonérer de sa responsabilité est la délégation de pouvoir : c’est un mécanisme qui va permettre d’identifier un nouveau responsable pénal qui, par hypothèses, sera plus proche de la situation infractionnelle que le chef d’entreprise. De ce fait, on va considérer qu’elle est plus apte à la prévenir : elle va alors engager sa responsabilité pénale. Cette possibilité devient même une obligation lorsque le chef d’entreprise n’est plus capable de veiller personnellement au respect des règles au sein de l’entreprise.

La délégation de pouvoir est un concept purement prétorien : un arrêt du 28 juin 1902 qui a le premier reconnu à al délégation de pouvoir un caractère exonératoire. C’est un mécanisme assez simple dans a mesure où elle va transmettre la responsabilité pénale du chef d’entreprise vers celui ayant accepté la délégation de pouvoir.

Un certain nombre de conditions sont requises pour mettre en œuvre l’exonération de responsabilité :

o n’avoir commis aucune faute personnelle

o Cass. Ass. Plénière, 11 mars 1993 : «sauf si la loi en dispose autrement, le chef d’entreprise qui n’a pas personnellement pris part à la réalisation de l’infraction peut s’exonérer de sa responsabilité pénale s’il rapporte la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l’autorité, et des moyens nécessaires»

Il appartient au chef d’entreprise d’invoquer et de prouver l’existence de la délégation de pouvoir. La délégation de pouvoir ne peut intervenir que dans le cadre d’une structure complexe : il faut que l’entreprise soit importante.

Quant à l’acte de délégation, la jurisprudence a posé que le chef d’entreprise ne pouvait déléguer qu’une partie de ses fonctions : s’il les délègue tous, cela signifie qu’il se délaisse de l’entreprise et commet une faute en ne démissionnant pas. Pour être admise, la délégation doit être partielle, limitée, et ne pas porter sur les obligations légales pesant personnellement sur le chef d’entreprise.

La délégation doit être certaine et dépourvue d’ambigüité : elle peut être passée par écrit ou oralement. Le chef d’entreprise ne va pas pouvoir déléguer ses responsabilités à plus d’un salarié.

En ce qui concerne le bénéficiaire de la délégation, la jurisprudence a encore une fois posé des conditions le concernant : cette personne doit être salariée de l’entreprise, dotée de la compétence et des pouvoirs nécessaires (éléments appréciés souverainement par les juges du fond).

On s’est demandé si le salarié qui avait accepté la délégation de pouvoir allait pouvoir déléguer de nouveau ses pouvoirs : la jurisprudence a admis cette subdélégation, la seule exigence étant que cette dernière remplisse toutes les conditions que remplissait la première délégation. La Cour de cassation a par la suite admis qu’il n’était plus nécessaire d’obtenir l’autorisation du chef d’entreprise pour que la subdélégation ait un effet exonératoire (Cass. Crim., 30 octobre 1996).

§2 : La complicité

L’article 121-7 du Code pénal précise les différentes modalités de la complicité punissable : il dispose qu’ «est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation ; est également complice la personne qui, par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir, aura provoqué une infraction ou donné des instructions pour la commettre».

A/ Les éléments constitutifs de la complicité
1 – L’exigence d’un fait principal punissable

Il existe des conceptions et des définitions différentes de cet élément : a priori, le complice est celui qui va participer à une infraction commise par un autre. On considère que le complice va s’associer, et les auteurs ont alors parlé d’une «criminalité d’emprunt».

Envisagé en lui-même, le fait de complicité n’est pas nécessairement punissable : le prêt d’une arme à feu n’est pas une infraction en elle-même, mais peut devenir punissable en se rattachant à un fait principal qui lui est punissable. La doctrine dit très justement que la complicité est une infraction par rattachement, et sa coloration pénale va lui être donnée de par le caractère infractionnel du fait sur lequel elle porte, et en fonction de l’intention de s’associer au fait principal punissable.

  • Cass. Crim., 14 avril 1999 : si le fait principal est punissable, les éléments de ce fait doivent être constatés.

La culpabilité du complice doit être dissociée de la culpabilité de l’auteur de l’infraction d’origine : le professeur Robert, dans un de ses ouvrages, avait écrit que «complicité et action principale sont deux branches greffées sur un même tronc qui peuvent exister l’une sans l’autre».

  • Cass. Crim., 8 janvier 2003 : une personne va cacher les produits stupéfiants dans les roues d’une voiture, et donner des instructions au conducteur pour amener la voiture à la frontière, sans qu’il ait connaissance de la présence de drogue. Les produits stupéfiants vont être trouvés, et les deux personnes être poursuivies.

L’auteur principal (conducteur) a été relaxé pour défaut d’élément moral, et la Cour a considéré qu’à partir du moment où l’existence d’un fait principal punissable a été souverainement constatée par les juges du fond, la relaxe en faveur de l’auteur principal n’exclut pas la culpabilité du complice.

  • Cass. Crim., 18 juin 2003 (affaire du sang contaminé) : le problème qui s’est posé était de savoir si les médecins prescripteurs pouvaient être poursuivis. La Cour a ici considéré que l’empoisonnement ne pouvait pas être caractérisé en l’absence d’intention de tuer. Une personne ayant apporté une aide à ces médecins ne pouvaient ainsi pas être poursuivie sur le fondement de la complicité, puisqu’il n’y avait pas de fait principal punissable. Cet arrêt est dérogatoire au principe évoqué par l’arrêt du 8 janvier 2003.

Selon l’article 121-7, la complicité ne concerne que l’association à un crime ou à un délit, mais on s’est demandé si on pouvait être pénalement poursuivi sur le fondement de complicité d’un délit non-intentionnel (l’auteur a voulu l’acte, mais pas ses conséquences). La doctrine est très partagée sur ce point : certains auteurs estiment que c’est inconciliable, et considèrent que la complicité suppose la volonté de s’associer à un fait principal punissable.

D’autres adoptent une position plus nuancée, et estiment au contraire qu’on peut envisager l’hypothèse d’une poursuite pour complicité d’infraction d’imprudence : on considèrera alors que l’intention du complice ne se rapporte pas au résultat de l’infraction principale, mais seulement au comportement de son auteur. En poursuivant le raisonnement, on peut envisager l’hypothèse où deux personnes vont s’entendre pour que l’un d’entre eux adopte une conduite imprudente.

Cass. Crim., 6 juin 2000 : un incident a lieu à l’occasion de la conduite d’un véhicule qui va méconnaître la signalisation rouge d’un feu. Le conducteur est poursuivi, ainsi que le passager du fait de son incitation à griller le feu, sur le fondement de la mise en danger de la vie d’autrui. Le conducteur a été poursuivi comme auteur, et le passager comme complice par ordre. La Cour de cassation a considéré que ces actes caractérisaient une complicité par ordre de commettre l’infraction.

Cet arrêt admet la poursuite d’une personne sous la prévention de complicité, alors même que le fait principal punissable est une infraction non-intentionnelle. Certains auteurs ont souligné que depuis la loi du 10 juillet 2000, on distingue l’auteur direct de l’auteur indirect : or l’article 121-3 du Code pénal précise que l’auteur indirect est celui qui n’a pas causé directement le dommage, mais qui a créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage, ou encore celui qui n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter. Cette définition de l’auteur indirect a donc été considérée comme parfaitement compatible avec le concept de complicité d’infraction d’imprudence.

Ainsi, un débitant de boisson ayant servi de l’alcool à une personne ivre qui a repris le volant par la suite et causé un accident a été considéré dans certaines décisions comme complice de l’homicide involontaire, dans d’autres comme auteur indirect.

Le fait principal punissable doit donc être prévu et réprimé par la loi. Si le fait principal n’est pas pénalement sanctionné, alors la complicité est écartée, quand bien même le comportement serait moralement inadmissible.

Lorsque le fait punissable est qualifié par la loi d’infraction d’habitude, la commission d’un acte isolé peut-elle être suffisante pour caractériser la complicité ?

Cass. Crim., 19 mars 2008 : une femme est poursuivie pour exercice illégale de la profession de banquier pour avoir collecté les salaires de travailleurs clandestins colombiens non-déclarés. Or l’article L511-5 du Code monétaire et financier interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit d’effectuer des opérations de banque à titre habituel : en l’espèce, la femme avait confié une partie des sommes avec mandat à un tiers pour que de sommes soient virées sur un compte à Miami. Ce tiers est poursuivi sur le fondement de complicité.

Pour être punissable, la complicité d’une infraction d’habitude n’exige pas l’aide du prévenu à plus d’une infraction principale : un acte isolé suffit donc à la condamnation pour complicité.

Cass. Crim., 4 juin 1998 : un ancien dirigeant de société souhaite vendre des titres de la société qu’il a conservé, et trouve que le prix qu’on lui propose est insuffisant. Il va alors recruter une personne pour qu’elle exerce des menaces à l’encontre du nouveau dirigeant, mais cette personne va être interpelée par la police avant d’avoir pu exécuter sa mission.

Le tiers est poursuivi pour tentative d’extorsion de fonds, et l’ancien chef d’entreprise pour complicité de tentative d’extorsion de fonds. La Cour a dans cet arrêt reconnu la complicité de tentative, et ainsi condamné les deux prévenus.

Sur la question de culpabilité du complice du complice, un certain nombre d’arrêts au début du XXe siècle étaient contraires.

Cass. Crim., 1er septembre 1987 : deux personnes ont été renvoyées devant la Cour d’assises pour assassinat, et une troisième personne pour complicité par provocation d’assassinat. Ce dernier prétendait que l’un des deux accusés n’était pas coauteur, mais complice, et qu’ainsi il n’était qu’un complice au second degré, et ne pouvait donc pas être pénalement poursuivi.

Cet arrêt est particulier dans la mesure où il se prononce de manière indirecte sur la complicité au second degré à travers cette formule : «il est vainement fait grief à la Cour d’appel d’avoir retenu contre le complice des faits qui constitueraient une complicité au second degré, non punissable légalement».

Cass. Crim., 15 décembre 2004 : une employée d’une compagnie d’assurance va imaginer une opération frauduleuse consistant à profiter de la résiliation récente de contrats d’assurance pour y imputer des déclarations de sinistre imaginaires, à la suite desquelles la société d’assurance émettait des chèques dont bénéficiait l’employée. Un complice de l’employée avait été chargé de recruter des tierces personnes qui encaissaient les chèques contre une partie des fonds. Le prévenu en l’espèce était une de ces tierces personnes.

La Cour de cassation a estimé que «est complice d’escroquerie celui qui a prêté son concours à l’infraction en servant de prête-nom et en recrutant d’autres personnes aux même fins, dès lors que l’aide ou l’assistance apportée en connaissance de cause à l’auteur de l’escroquerie, même par l’intermédiaire d’un autre complice, constitue la complicité incriminée à l’article 121-7 du Code pénal».

2 – Le fait de complicité
  1. a) L’élément matériel

La complicité suppose toujours soit une aide ou une assistance à l’auteur principal de l’infraction, soit une provocation à la commission de l’infraction.

α) La complicité par collaboration ou assistance

C’est le fait d’aider ou d’assister, ou encore de faciliter la réalisation d’une infraction. Ce type de complicité suppose à priori un acte positif, et traditionnellement, la jurisprudence considère que celui qui assiste passivement à la réalisation d’une infraction ne se rend pas coupable de complicité, mais progressivement, cette idée a été écartée.

La jurisprudence a alors adopté une conception beaucoup plus large de la complicité : pourra être condamné pour complicité celui qui a eu une attitude contestable sans pour autant avoir commis un acte positif (ce sera notamment le cas lorsque la seule présence du complice encourage l’auteur à agir, comme pour une intimidation par le nombre).

β) La complicité par instigation

L’alinéa 2 de l’article 121-7 du Code pénal dispose que «est également complice la personne qui, par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir, aura provoqué une infraction ou donné des instructions pour la commettre».

Cass. Crim., 3 octobre 2006 : dans un cabinet, un avocat avait des difficultés avec une ancienne collaboratrice qui avait été licenciée et se trouvait dans les locaux. L’avocat a demandé à la secrétaire de l’enfermer dans un bureau et a appelé la police, et a été condamné pour complicité de séquestration.

La jurisprudence a affirmé que la provocation doit être directe et individuelle, autrement dit elle doit suggérer, sans hésitation possible, l’idée de l’infraction à une personne déterminée. Cette provocation doit être suivie des faits, et la jurisprudence a dû délimiter les différents termes de l’article 121-7 du Code pénal.

L’ordre va se distinguer de l’abus d’autorité dans la mesure où il émane d’un complice qui, dépourvu de tout pouvoir juridique sur l’auteur principal, a su s’imposer par la puissance de son caractère. En revanche, il peut y avoir ordre alors même qu’il n’y a pas de relation d’autorité entre le complice et l’auteur principal.

Cass. Crim., 18 mars 2003 : un barrage de police est organisé, et un véhicule occupé par un conducteur et un passager va forcer ce barrage et blesser un des policiers. Le passager ayant dit au conducteur « vas-y, fonce, ne t’arrête pas », il est poursuivi pour complicité de violences volontaires aggravées, le problème étant de savoir si l’expression précitée est une provocation directe et circonstanciée permettant de retenir la culpabilité du passager.

Les juges du fond ont considéré qu’il s’agissait là d’une injonction de commettre un acte précis : ils ont relevé que le propos provocateur s’inscrivait dans un contexte de tension particulière, et donc que cette injonction avait été un facteur déclenchant du passage à l’acte en encourageant l’auteur principal.

La Cour de cassation a confirmé cette solution, et a ainsi approuvé la condamnation du passager en tant que complice.

La complicité par instigation peut également être la conséquence d’instructions données : néanmoins, la Cour de cassation estime que cette forme de complicité ne peut pas se satisfaire de la fourniture de simples renseignements, mais suppose que le complice donne des informations précises en vue de l’infraction.

CA Aix-en-Provence, 28 septembre 1994 : le président d’un office HLM va donner des instructions à un de ses subordonnés afin qu’il mette en place une bande de choc chargée d’entrer par effraction dans un appartement et d’y enlever les meubles.

Les juges du fond ont considéré que le prévenu avait donné des informations suffisamment précises pour la commission du fait infractionnel, et il a été condamné pour complicité de violation de domicile.

Cass. Crim., 21 mai 1996 : une personne va donner des instructions à une autre personne afin qu’elle effraie la victime. Or cette seconde personne va aller jusqu’à battre la victime : l’instigateur peut-il être condamné pour complicité de violences volontaires ? La Cour a ici considéré qu’il sera responsable de cette complicité, même si les actes commis sont plus graves que ceux escomptés : il suffit de démontrer qu’il savait que ses instructions allaient entraîner un acte infractionnel.

γ) Le temps de la complicité

La participation du complice à une action délictueuse commise par une autre personne consiste à accomplir l’acte matériel de complicité, mais la question s’est posée de savoir à quel moment cet acte doit se situer. La jurisprudence a posé la règle qu’il devait être commis soit antérieurement à l’action principale délictueuse principale, soit au moment même où cette dernière se réalise : on considère généralement que cette règle découle des termes utilisés dans l’article 121-7 du Code pénal.

C’est la raison pour laquelle certains actes commis postérieurement à l’acte infractionnel, pour ne pas rester impunis, sont incriminés spécifiquement. Par exemple, celui qui va aider un voleur à cacher le fruit de ce vol pourra être condamné sur le fondement du recel.

Il existe cependant une exception à ce principe : dans un arrêt de la Chambre criminelle du 11 juillet 1994, la Cour de cassation a jugé que «l’aide ou l’assistance postérieure à l’infraction principale constitue un acte de complicité dès lors qu’elle résulte d’un accord antérieur».

Cass. Crim., 1er décembre 1998 : le président d’un tribunal de commerce rend un jugement d’ouverture de procédure de redressement judiciaire et désigne un administrateur judiciaire. Pendant plusieurs mois, cet administrateur refuse sa mission, puis accepte de signer des bons de commande présentés par celui qui avait été placé en redressement judiciaire. Il va ensuite exercer des pressions sur ce dernier pour qu’il se fournisse exclusivement auprès d’une certaine société dans laquelle le président du tribunal de commerce était directement intéressé.

Il s’agit en l’espèce de délit de prise illégale d’intérêt, et la Cour d’appel a estimé que ces commandes n’étaient que la mise en application d’une convention conclue antérieurement à l’ouverture de la procédure, et que le président du tribunal de commerce savait que l’administrateur judiciaire qu’il allait désigner chercherait à contraindre le commerçant à se fournir auprès de la société. La Cour d’appel a donc condamné le président sur le fondement de complicité de prise illégale d’intérêt.

D’après la Cour de cassation, «la complicité peut résulter d’actes postérieurs au fait principal dès lors qu’ils résultent d’un accord antérieur».

  • b) L’élément intentionnel

L’article 121-7 du Code pénal prévoit qu’est « complice la personne qui, sciemment, […] ». L’élément intentionnel est donc fondamental pour condamner quelqu’un sur le fondement de la complicité : pour qu’elle soit punissable, il faut un concours matériel auquel doit s’ajouter un concours moral, le problème étant de savoir quelle va être la teneur de ce concours moral, l’intention requise.

On va considérer que c’est la volonté pour le complice de s’associer pleinement à l’infraction commise par l’auteur principal. Ce concours moral résulte de ce que la volonté du complice vient se positionner en parallèle de celle de l’auteur principal. L’intention requise chez le complice comprend deux éléments :

o la connaissance du caractère frauduleux des agissements commis par l’auteur principal

o la volonté de participer à l’infraction principale

La doctrine et la jurisprudence se sont alors demandé si le dol spécial requis pour l’auteur principal devait être exigé pour le complice. Une partie des auteurs ont estimé qu’à partir du moment où un dol spécial est nécessaire pour l’infraction principale, il doit également l’être pour le complice. La doctrine favorable à cette thèse a souligné qu’en 1994, il a été précisé que le complice est puni comme l’auteur. Néanmoins, la jurisprudence ne partage pas forcément cette idée.

Cass. Crim., 23 janvier 1997 : une personne était poursuivie pour complicité de crime contre l’humanité, et le problème était de savoir s’il fallait rechercher si l’accusé (Maurice Papon) était animé du dol spécial. La Cour de cassation a considéré qu’on pouvait poursuivre le complice sans qu’il soit démontré chez lui un dol spécial.

L’intention du complice ne doit pas nécessairement être dirigée vers le résultat de l’infraction principale, il faut juste en réalité qu’elle soit dirigée vers l’activité de l’auteur principal.

On s’est également demandé s’il fallait démontrer une entente entre les deux complices. Certains auteurs ont considéré que la complicité est indissociable de l’idée de concert frauduleux (le fait de s’entendre sur un projet infractionnel), qui serait ainsi une condition d’existence de la complicité punissable.

Au contraire, d’autres auteurs contestent cette idée et analysent la complicité comme une simple adhésion unilatérale du complice à l’infraction commise par l’auteur principal. L’article 121-7 du Code pénal exige seulement une participation intentionnelle, sans jamais parler d’entente : d’ailleurs, la jurisprudence évoque rarement l’idée de concert frauduleux.

B/ La répression de la complicité

L’ancien article 59 du Code pénal disposait que «les complices d’un crime ou d’un délit seront punis des mêmes peines que les auteurs de ce crime ou de ce délit». C’est en se fondant sur cette disposition que la doctrine a fondé ce qu’elle a appelé la théorie de l’emprunt de criminalité, en vertu duquel le complice encourait les peines encourues par l’auteur principal. En 1994, le Code pénal a réécrit cette disposition dans l’article 121-6, qui dispose que «sera puni comme auteur le complice de l’infraction au sens de l’article 121-7».

Avec cette nouvelle formulation, la condamnation de l’auteur principal n’a pas d’influence sur la condamnation du complice : il sera puni de la peine qu’il aurait subie s’il avait été auteur de l’infraction. L’auteur et le complice encourent la même peine, mais ne seront pas forcément condamnés à l’identique.

Concernant les circonstances aggravantes, on s’est demandé si elles devaient obligatoirement être suivies par le complice. La jurisprudence distingue plusieurs hypothèses, et on considère que les circonstances aggravantes personnelles (par exemple, état de récidive légale) ne s’étendent pas au complice mais sont attachées à la personne même de l’auteur. En revanche, les circonstances aggravantes réelles (qui concernent la manière dont l’acte a été accompli) vont être étendues au complice.

Cass. Crim., 21 mai 1996 : le complice encoure la responsabilité de toutes les circonstances aggravantes matérielles qui qualifient l’acte poursuivi sans qu’il soit nécessaire que celles-ci aient été connues de lui.

Certains auteurs estiment que le complice ne devrait encourir la responsabilité des circonstances aggravantes que s’il les a connues, mais cette doctrine n’est pas retenue par la jurisprudence.

Les circonstances aggravantes mixtes tiennent à la fois à la personne de l’auteur et à l’acte : elles sont en réalité personnelles, mais influent sur la façon dont l’acte a été commis (c’est notamment le cas de la préméditation ou du lien de parenté entre l’agent et la victime). Ces circonstances aggravantes posent beaucoup de difficultés dans la mesure où l’on considère parfois de façon arbitraire qu’elles doivent rentrer dans l’une des catégories.

La jurisprudence a longuement hésité, mais aujourd’hui, la Cour de cassation a tendance à appliquer ces circonstances aggravantes au complice.

Cass. Crim., 7 septembre 2005 : un notaire et un dirigeant de société sont poursuivis en 2001 pour des faits commis en 1992, date à laquelle la société va souscrire un emprunt auprès du comptoir des entrepreneurs. Cet acte va être rédigé par un notaire, qui va y annexer deux documents, dont un PV par lequel l’assemblée générale de la société autorisait la souscription du prêt. Or l’assemblée générale n’a jamais eu lieu, et l’acte est donc un faux.

Le notaire et le dirigeant sont donc poursuivis pour faux et complicité de faux. Or un faux fait par un notaire n’est plus un délit, mais un crime. Le notaire est mort en cours de procédure, et le complice a fait valoir qu’en 2001, les faits étaient prescrits car il était coupable de complicité de délit.

La Cour de cassation a considéré que l’action publique n’était pas acquise à l’égard du complice lors du dépôt de la plainte en 2001 et a donc censuré la décision de la Cour d’appel qui exonérait le dirigeant de toute responsabilité pénale : «les circonstances liées à la qualité de l’auteur principal sont applicables au complice».

Section 2 : La responsabilité pénale des personnes morales

Cette responsabilité pénale a été introduite à l’article 121-1 du Code pénal, qui dispose que «les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants ; toutefois, les collectivités territoriales et leur groupement ne sont pénalement responsables que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de convention de délégation de service public. La responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits».

Les raisons de l’introduction d’une telle responsabilité dans le Code pénal sont les suivantes :

o pour éviter que les poursuites soient à chaque fois dirigées contre le chef d’entreprise : on a voulu « détourner les foudres répressives du dirigeant vers la personne morale »

o les personnes morales sont plus solvables que les personnes physiques

Cass. Crim., 8 septembre 2004 : le problème en l’espèce était de savoir si la relaxe du représentant de la personne morale devait se traduire par la relaxe de la personne morale. La Cour de cassation rappelle qu’il faut dissocier les deux responsabilités, et affirme que la relaxe prononcée en faveur des organes ou représentants n’exclut pas nécessairement la responsabilité de la personne morale.

Pour que la responsabilité pénale d’une personne morale puisse être recherchée, il faut que plusieurs conditions soient réunies :

o toutes les personnes morales de droit public ou de droit privé peuvent engager leur responsabilité pénale, à l’exception de l’Etat

o les collectivités territoriales ne peuvent engager leur responsabilité qu’en matière d’infractions commises dans le cadre d’une activité susceptible de faire l’objet d’une convention de délégation de service public (liste dressée par le Conseil d’Etat : ne sont pas concernées les activités qui, par leur nature ou par la volonté du législateur, ne peuvent être assurées que par la collectivité territoriale elle-même)

  • Cass. Crim., 12 décembre 2000 : il s’agissait d’un accident qui avait eu lieu pendant l’animation d’une classe de découverte pendant une période scolaire. La Cour de cassation a considéré qu’il s’agissait d’une action de service public, qui par sa nature ne peut donc pas faire l’objet d’une délégation de service public, et faisait donc obstacle à l condamnation de la collectivité territoriale
  • Cass. Crim., 3 avril 2002 : il s’agissait d’un accident dans un théâtre, les juges du fond et la Cour de cassation ont considéré que le théâtre pouvait faire l’objet d’une délégation de service public, ce qui a permis la condamnation de la collectivité territoriale

Le principe de généralité a été consacré par la loi Perben II du 2 mars 2004 : la responsabilité pénale des personnes morales peut être engagée pour toutes les infractions, sauf dispositions expresses contraires. La seule hypothèse pour laquelle la responsabilité des personnes morales ne peut être engagée est en matière d’infractions de presse.

L’article 55 de la loi Perben II a prévu que lorsque la personne morale a commis un crime pour laquelle aucune peine d’amende n’a été prévue à l’encontre de la personne physique, la peine encourue par la personne morale est une amende de 1,000,000€.

Il faut que l’infraction ait été commise par un de ses organes de gestion ou représentants agissant pour son compte.

  • Cass. Crim., 23 mai 2006 : le salarié d’une société monte sur une nacelle, et chute mortellement. Le salarié coordinateur et la société sont poursuivis pour homicide involontaire, et la Cour d’appel condamne le salarié et la société sans préciser quel organe ou représentant a agi. Un pourvoi est formé contre cet arrêt, qui sera censuré par la Cour de cassation en estimant que la Cour d’appel aurait dû rechercher si les manquements aux obligations de prudence ou de sûreté avaient bel et bien été commis par un organe ou représentant de la société.
  • Cass. Crim., 15 janvier 2008 : un salarié a utilisé une nacelle sans respecter la notice d’utilisation et a chuté mortellement. Les juges du fond ont condamné la société, et la Cour de cassation a rejeté le pourvoi. Cet arrêt a été très critiqué car on a retenu la responsabilité pénale de la personne morale sans préciser si le manquement aux obligations de prudence ou de sécurité avait été commis par un organe ou représentant de la société
  • Cass. Crim., 24 mars 2009 : une campagne promotionnelle est organisée par la société « Lidl » indiquant la vente de fours micro-ondes au prix de 49€. Cette opération a eu un succès relativement important, et seules 11 personnes ont pu en acheter. Une plainte a été déposée pour pratique commerciale trompeuse contre la société « Lidl », et là non plus, les organes ou représentants de la société n’ont pas été identifiés. Selon la Cour de cassation, «les infractions retenues s’inscrivent dans le cadre de la politique commerciale des sociétés en cause et ne peuvent dès lors avoir été commises pour le compte des sociétés que par leurs organes ou représentants».

La personne morale qui commet un acte infractionnel va être pénalement sanctionnée, la peine ne pouvant être qu’une amende égale au quintuple de la peine d’amende prévue pour une personne physique qui aurait commis les mêmes faits.

 

Chapitre 3 : Les causes d’irresponsabilité pénale ou d’atténuation de la responsabilité pénale

Le Code pénal n’opère aucune distinction entre les différentes causes d’irresponsabilité pénale, contrairement à la doctrine qui distingue les causes subjectives et objectives d’irresponsabilité pénale. Les causes objectives ressortent des éléments extrinsèques à l’acte sont extérieures à la personne poursuivie, tandis que les causes subjectives sont celles qui se rapportent aux dispositions psychologiques de la personne poursuivie.

La charge de la preuve des éléments défavorables, en vertu du principe de présomption d’innocence, incombe à la partie poursuivante. Certains auteurs se sont alors demandé si ces éléments favorables ne devaient pas incomber également à la partie poursuivante.

La jurisprudence a posé le principe que toute personne poursuivie ne bénéficie pas d’une cause d’irresponsabilité pénale : c’est à elle de l’invoquer.

Section 1 : Les causes subjectives d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité pénale

Pour pouvoir engager la responsabilité pénale de la personne poursuivie, il faut que l’infraction lui soit imputable, ce qui suppose que soient réunies chez lui l’intelligence, la volonté et la liberté. A partir du moment où cette volonté, cette intelligence ou cette liberté disparaît, la personne poursuivie ne pourra plus engager sa responsabilité pénale.

Un certain nombre d’éléments énumérés par la Code pénal vont faire disparaître un de ces éléments.

§1 : Le défaut de discernement résultant d’un trouble mental

Cette cause d’irresponsabilité est prévue par l’article 122-1 du Code pénal, qui dispose que «n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte au moment des faits d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes». Le deuxième alinéa du même article introduit que «la personne qui était atteinte au moment des faits d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime».

La loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour trouble mental n’a pas modifié le système posé par l’article 122-1, mais a organisé la possibilité de la comparution du malade irresponsable devant la chambre d’instruction. Si à la fin de l’information, le juge d’instruction estime que la personne poursuivie souffre d’un trouble mental, il avertit le procureur et la partie civile.

A/ Le trouble mental ayant aboli le discernement

Pour exonérer la personne poursuivie de sa responsabilité pénale, trois conditions doivent ici être réunies au sens de l’article 122-1 du Code pénal :

o la personne poursuivie doit souffrir de troubles psychiques ou neuropsychiques

o le trouble psychique ou neuropsychique doit avoir aboli le discernement de la personne poursuivie

o le trouble doit avoir existé au moment de la commission de l’acte infractionnel

Il faut que la personne poursuivie souffre de troubles psychiques ou neuropsychiques : cette notion est beaucoup plus large que celle de « démence » de l’ancien Code pénal. Le législateur a voulu atteindre toutes les formes de troubles mentaux, peu importe l’origine ou la nature de ce trouble. Certaines hypothèses posent cependant problème : l’ivresse et le somnambulisme.

La doctrine a envisagé deux hypothèses pour le somnambulisme : la première est le somnambulisme naturel, hypothèse dans laquelle la doctrine considère qu’elle doit bénéficier de cette cause d’irresponsabilité pénale, encore faut-il qu’elle n’ait pas commis de faute ayant permis la réalisation du dommage (par exemple, disposer des armes à proximité du lit en se sachant atteint de somnambulisme).

Quant au somnambulisme hypnotique, les cas sont rares, mais la doctrine a considéré que soit la personne poursuivie a perdu tout son libre arbitre, auquel cas on pourra invoquer la cause d’irresponsabilité pénale, soit elle disposait encore de son libre arbitre. Dans cette hypothèse, l’hypnotiseur sera condamné comme auteur ou complice.

L’ivresse est la consommation excessive de produits alcoolisés, à la suite de laquelle on perd alors une partie de son libre arbitre. La doctrine et la jurisprudence sont très partagées sur ce point : ce n’est en réalité que lorsque la personne souffre d’un alcoolisme chronique qu’on va rentrer dans la définition du trouble mental, et ainsi pouvoir envisager l’application de la cause d’irresponsabilité pénale.

Le trouble psychique ou neuropsychique doit avoir aboli le discernement de la personne poursuivie, ou bien le contrôle qu’elle avait de ses actes. Il faut que l’individu ait perdu sa capacité de comprendre, autrement dit d’interpréter ses actes dans la réalité, ainsi que sa capacité de vouloir, c’est-à-dire qu’elle ne parvient plus à contrôler ses actes.

Les troubles qui ne font qu’entraver le contrôle des actes de la personne poursuivie ne pourront pas s’appliquer au sens de l’article 122-1 du Code pénal. Le trouble psychique ou neuropsychique dont la personne poursuivie veut se prévaloir doit être absolu : elle va devoir prouver qu’elle était privée de ses capacités de discernement.

Enfin, le trouble doit avoir existé au moment de la commission de l’acte infractionnel, ce qui signifie que les juges du fond vont devoir se replacer au jour d l’acte infractionnel pour déterminer si la personne poursuivie subissait effectivement ce trouble mental au moment des faits.

B/ Le trouble mental ayant altéré le discernement

Depuis 1994, le législateur va prendre en considération la situation des personnes qui souffrent d’un trouble psychique ou neuropsychique qui va entraver le contrôle que les personnes poursuivies peuvent avoir sur leurs actes, sans pour autant totalement détruire leur libre arbitre. L’article 122-2 du Code pénal va poser le principe que les personnes poursuivies sont responsables pénalement, mais bénéficient d’une responsabilité pénale atténuée.

Cette hypothèse pose beaucoup de problèmes en pratique, tant il est difficile de prouver que le trouble a altéré et non pas aboli le discernement. La jurisprudence a alors établi un tableau des troubles qui abolissent ou altèrent le discernement.

Ici encore, la charge de la preuve va peser sur la personne poursuivie, mais en pratique, les choses sont différentes : en matière criminelle, les examens psychiatriques sont opérés automatiquement.

§2 : La contrainte

La contrainte est prévue et envisagée par l’article 122-2 du Code pénal, selon lequel «n’est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l’empire d’une force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pu résister».

Classiquement, la doctrine envisage deux types de contrainte : la contrainte morale (« contrainte ») et la contrainte physique (« force »). Dans les deux cas, pour avoir un effet exonératoire sur la responsabilité pénale, il faut qu’elle ait fait perdre à l’agent toute initiative propre.

A/ La contrainte physique

La jurisprudence va prendre en considération la contrainte physique dès lors qu’elle provient d’une force qui s’est exercée matériellement sur l’agent et l’a obligé à faire ce qu’il ne devait pas faire, ou l’a empêché de faire ce qu’il aurait dû faire. C’est la jurisprudence qui a posé toutes les conditions à l’admission de la contrainte physique, et deux types ont été envisagés :

o la contrainte physique externe : elle résulte ici d’une force étrangère à l’agent. Par exemple, l’agissement de la personne poursuivie est consécutif à une force naturelle, ou à l’agissement d’un animal

o la contrainte physique interne : dans cette hypothèse, la personne poursuivie va être victime d’une impulsion interne qui supprime sa liberté. Par exemple, une personne qui prend le train mais dépasse sa gare d’arrivée du fait de son sommeil, et ce malgré sa demande d’être réveillée, sera irresponsable pénalement

Que la contrainte physique soit externe ou interne, pour qu’elle ait un effet exonératoire, il faut qu’elle présente plusieurs caractères. Le législateur, à l’article 122-2, exige que la contrainte présente un caractère irrésistible : cependant, la jurisprudence a ajouté une condition d’imprévisibilité.

En ce qui concerne le caractère insurmontable, il faut démontrer que la personne poursuivie s’est trouvée dans l’impossibilité d’y résister : la Cour de cassation parle d’impossibilité absolue de se conformer à la loi. Ce caractère est apprécié in abstracto par la jurisprudence, ce qui signifie que les juges vont se référer au standard du bon père de famille, diligent et avisé, alors même que la doctrine était plutôt favorable à une appréciation in concreto.

La condition d’imprévisibilité est exigée par la jurisprudence, et a comme conséquence que toute faute antérieure de l’agent permet d’exclure la contrainte : c’est notamment le cas du marin qui ne revient pas à temps sur son navire et est poursuivi pour désertion, alors même que son retard est dû à son état d’ébriété (on va ici considérer qu’il a commis une faute, qui est celle de boire).

  • Cass. Crim., 15 novembre 2005 : un automobiliste est pris d’un malaise au volant de son véhicule. Sa femme parvient à stopper le véhicule en actionnant le frein à main, mais le conducteur a eu une crispation de son pied sur l’accélérateur, et le véhicule est allé percuter d’autres véhicules, causant ainsi la mort de plusieurs personnes.

Le conducteur est poursuivi pour homicide involontaire, et a invoqué qu’il était victime d’une contrainte physique interne. Les juges du fond ont relevé que le prévenu pensait être en bonne santé, et ont donc considéré que ce malaise était «brutal et imprévisible», et qu’en conséquence, il avait agi sous l’emprise d’une contrainte à laquelle il n’avait pu résister.

  • Cass. Crim., 15 novembre 2006 : une femme est enceinte de huit mois, prend son véhicule, fait un malaise, et va se garer sur une place handicapée. Elle est poursuivie pour stationnement gênant, et invoque la contrainte physique interne dont elle a été victime.

La Cour de cassation a considéré qu’il n’y avait pas d’imprévisibilité de cette contrainte physique, qui était due à son état de grossesse.

B/ La contrainte morale

La jurisprudence considère que la contrainte morale résulte d’une force qui va s’opérer sur la volonté de l’individu par la crainte d’un danger. Dans cette hypothèse, la personne poursuivie, même si elle a gardée la faculté de suivre la loi, a été poussée à agir, et sa liberté lui a été ôtée.

Là encore, la doctrine a proposé de distinguer la contrainte morale interne de la contrainte morale externe.

En ce qui concerne la contrainte morale interne, qui trouve sa source dans la personne même de la personne poursuivie, elle n’a aucun effet sur la responsabilité pénale de la personne qui l’invoque : la jurisprudence a depuis longtemps estimé que la contrainte morale interne ne pouvait pas avoir d’effet exonératoire sur la responsabilité pénale.

La contrainte morale externe, pour être exonératoire de responsabilité pénale, doit présenter les mêmes caractères que pour la contrainte physique, à savoir l’imprévisibilité et l’irrésistibilité. Elle doit détruire la liberté de l’individu par la peur d’un péril suffisamment grave pour provoquer de façon irrésistible son action en supprimant sa faculté de décision.

La contrainte morale peut être le résultat d’une suggestion : c’est le cas notamment lorsqu’un tiers menace l’individu poursuivi, qui va alors redouter un danger pour lui-même s’il n’obéit pas. Néanmoins, la Chambre criminelle exige que la menace soit suffisamment grave pour abolir la liberté de l’individu.

Il faut que la menace fasse craindre à la personne poursuivie un péril imminent, et qu’elle soit suffisamment forte pour que celui sui en est l’objet n’ait que deux possibilités : commettre l’infraction ou subir les violences dont il est menacé.

Cette cause d’irresponsabilité pénale n’est pas fréquemment admise par la jurisprudence : quelques arrêts ont été rendus au début du XXe siècle, mais aucune décision intéressante en la matière n’a été rendue dans la dernière décennie. L’appréciation des juges dépend des faits et de l’intention du délinquant : le caractère imprévisible est apprécié de manière plus stricte en matière de contrainte morale, et la personne poursuivie doit apporter la preuve de ce caractère.

§3 : L’erreur de droit

On peut commettre une erreur en se faisant une fausse idée de la réalité soit parce qu’on est dans l’ignorance, soit parce que, connaissant certains éléments, on les interprète mal. C’est pourquoi le droit pénal a envisagé l’hypothèse où l’erreur commise par la personne poursuivie pourrait se traduire par son irresponsabilité pénale.

Cette erreur va alors avoir des répercussions sur l’élément moral de l’infraction, et la personne poursuivie va alors prétendre que l’élément moral n’est pas constitué. La personne poursuivie peut donc avoir commis une erreur sur la loi applicable soit parce qu’elle l’a ignorée, soit parce qu’elle la mal comprise.

Pendant très longtemps, la jurisprudence a considéré que cette notion n’était pas applicable, car nul n’est censé ignorer la loi.

Il a fallu attendre la refonte du Code pénal de 1994 pour que l’erreur de droit soit introduite comme cause d’exonération de la responsabilité pénale. L’article 122-3 du Code pénal dispose à ce sujet que «n’est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par erreur sur le droit qu’elle n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir l’acte». Là encore, il appartient à la personne poursuivi d’invoquer cette cause d’exonération.

L’article 122-3 du Code pénal enferme l’erreur sur le droit dans des conditions restreintes, puisque certaines conditions doivent obligatoirement être remplies :

o une erreur sur le droit : la doctrine a considéré que cette notion concernait aussi bien les lois pénales que les lois non-pénales

o un caractère inévitable : cette condition a considérablement restreint la possibilité d’invoquer l’erreur de droit, et on a considéré qu’il fallait se référer aux travaux parlementaires pour savoir dans quels cas l’erreur de droit était inévitable. Deux hypothèses ont été envisagées :

  • défaut de publication du texte
  • information erronée : l’administration a été interrogée et a répondu par une information erronée

Cass. Crim., 11 octobre 1995 : le président du TGI rend une ordonnance accordant le domicile conjugal à l’épouse d’un couple. Le mari demande à son avocat s’il peut pénétrer dans son ancien domicile pour y récupérer des affaires personnelles, ce à quoi l’avocat répond par l’affirmative. Il va donc pénétrer dans le domicile et va être poursuivi pour violation de domicile.

Il va invoquer son erreur sur le droit, et va être relaxé en première instance. La Cour de cassation va estimer qu’un avocat n’est pas une autorité administrative compétente, et va indiquer que le prévenu aurait dû directement s’adresser au TGI, afin que celui-ci explique l’ordonnance rendue par le président. Elle condamne donc le mari.

Cass. Crim., 11 mai 2006 : une personne est poursuivie en France pour conduite sans permis, or l’attestation de situation administrative régulière lui avait été remise par erreur par un agent de police judiciaire. Le prévenu a donc cru qu’il pouvait conduire avec un permis international alors qu’il n’était pas valable en France. La Cour de cassation a considéré que l’erreur de droit était inévitable.

Section 2 : Les causes objectives d’irresponsabilité pénale

Elles sont indépendantes de la volonté de la personne poursuivie, et supposent un examen des circonstances extérieures à l’acte. On dit qu’elles présentent un caractère réel, et vont faire disparaître le délit à l’égard de tous les participants.

§1 : L’ordre ou autorisation de la loi ou du règlement et le commandement de l’autorité légitime

A/ L’ordre ou l’autorisation de la loi ou du règlement

D’après l’article 122-4, alinéa 1 du Code pénal «n’est pas responsable la personne sui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou règlementaires». Plusieurs conditions doivent don être réunies, et lorsque quelqu’un agit sur ordre direct de la loi, on parle de « prescription légale ». Par exemple, les médecins sont tenus au secret professionnel, mais si un mineur de moins de 15 ans est victime de sévices, le médecin est tenu d’en avertir les autorités.

Il peut arriver que la loi, sans l’autoriser expressément, donne la permission à un individu d’exécuter un acte caractérisant une infraction. Il faut que l’acte constitue l’exercice régulier et normal de la profession ou de la fonction de la personne poursuivie.

B/ Le commandement de l’autorité légitime

L’article 122-4, alinéa 2 du Code pénal dispose que «n’est pas responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime sauf si cet acte est manifestement illégal». L’ordre doit donc émaner d’une autorité publique (civile ou militaire) et doit être ordonné ou autorisé par la loi.

Cass. Crim., 13 octobre 2004 : un préfet a donné l’ordre à un colonel de gendarmerie de détruire des paillotes en les brûlant, et le colonel de gendarmerie a invoqué l’article 122-4, alinéa 2.

La Cour de cassation a refusé car l’ordre était manifestement illégal : les instructions comprenaient l’ordre de laisser des éléments sur place destinés à incriminer d’autres personnes.

§2 : Les autres causes d’exonération de responsabilité pénale objective

A/ La légitime défense

Depuis toujours, on considère que lorsqu’on est victime d’une attaque, on a le droit de riposter. Cela concerne la défense des personnes, soi-même ou autrui, mais aussi la défense des biens.

La légitime défense est prévue par l’article 122-5 du Code pénal, au terme duquel «n’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit dans le même temps un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte».

L’alinéa 2 ajoute que «n’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre la commission d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense autre qu’un homicide volontaire lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi, dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction».