Cours de droit pénal sur la responsabilité pénale

LA RESPONSABILITÉ PÉNALE

En général, un cours de droit pénal est divisé en deux partie. La deuxième partie se trouve ici.

  • Première partie, sur les principes générales du droit pénal, se trouve sous ce lien : cours de principes généraux du droit
  • Deuxième partie étudiée ici : Ce cours porte sur la responsabilité pénale.

 Le terme de responsabilité, vient du verbe latin respondere, qui veut dire répondre de, se porter garant de quelque chose. On peut dire que la responsabilité c’est l’obligation de répondre des conséquences de ses actes. Cette responsabilité peut alors être de différente nature. La responsabilité peut être d’abord d’ordre moral, c’est celle qui met un individu face à lui même face à sa conscience. La responsabilité peut être aussi d’ordre politique, ce qui oriente vers le droit public, et pour les ministres c’est dans le régime parlementaire, l’obligation de quitter le pouvoir lorsque le gouvernement n’a plus la conscience du parlement. La responsabilité peut être civile, l’obligation de réparation d’un dommage. Cette responsabilité civile au sens large, englobe la responsabilité contractuelle et la responsabilité extracontractuelle. Au sens étroit elle renvoie à la responsabilité délictuelle par opposition à la responsabilité pénale. C’est l’obligation de répondre devant la justice pénale et envers la société des infractions commises et de subir la peine à laquelle on a été condamné, l’infraction et la peine devant être prévue par un texte conformément au principe de légalité de délits et des peines. Ces différents types de responsabilité peuvent selon les cas de figurent coexister ou non.

On peut considérer qu’il y a responsabilité morale mais pas responsabilité pénale, c’est ce qui résulte du non lieu, puis qu’il n’y a pas de responsabilité pénale mais moralement oui.

Dans une décision de la cour de justice de la république, du 9 mars 1999, dans le volet ministériel de l’affaire du sang contaminé. La cour de justice indique que la responsabilité politique n’est pas de sa compétence exclusive ni de la responsabilité civile ni pénale.

En matière d’infraction non intentionnelle, depuis la loi Fauchon, l’article 4 – 1 du code de procédure pénale prévoit que l’absence de faute pénale non intentionnelle peut laisser subsister une responsabilité civile, sur le fondement de la faute civile, article 1383.

Le droit pénal français part du postulat que les hommes sont libres et conscient et que des lors ils doivent répondre des conséquences de leurs actes. Le juge qui est saisit effectue alors un raisonnement en deux temps. Premier temps, le juge doit d’abord se demander si l’infraction est constituée dans tous ces éléments constitutifs, l’élément légal, l’élément matériel et l’élément moral. Cet élément moral renvoie à la notion de culpabilité, c’est la commission d’une faute. Cette faute pénale peut être une faute intentionnelle, volontaire, ou non intentionnelle, ou même une faute matérielle. S’il n’y a pas culpabilité, un élément constitutif fait défaut, alors aucun problème de responsabilité pénale ne se pose. Mais si l’infraction est constituée, le juge doit déterminer la ou les personnes susceptibles d’être déclarées pénalement responsables de cette infraction. Cela renvoie à l’imputation de la responsabilité et l’imputabilité de la personne. Positivement la responsabilité pénale suppose d’abord une opération technique qui est l’imputation.

L’imputation consiste à imputer une infraction à une personne, mettre une infraction au compte de cette personne. On cherche donc à établir un lien entre une infraction et une personne. Cette personne c’est celle que l’on appelle le responsable. Seulement dans certaines circonstances il n’est pas possible d’imputer la responsabilité à une personne parce que celle-ci bénéficie de ce qu’on appelle une cause de non imputabilité.

Il y a une non imputabilité parce que pour des raisons diverses cette personne n’a pas la capacité de répondre de l’infraction. Soit parce qu’elle était atteinte de trouble mentaux ou que c’était un jeune enfant. C’est une notion très différente et c’est une opération intellectuelle et subjective.

Il en résulte qu’en droit français il y a d’abord des personnes qui sont pénalement responsables, mais il arrive aussi qu’il y ait des personnes pénalement irresponsables.

  

Livre 1er : Les personnes responsables, l’études des conditions de la responsabilité pénale.

  Cette opération d’imputation n’est pas très compliquée lorsque l’infraction est une infraction de commission, un acte positif, qui a été accompli par une seule personne. L’imputation est toujours plus délicate en cas de pluralité de participants à l’infraction, surtout si cette infraction a lésée beaucoup de personnes.

Dans les affaires de ce type, les victimes et l’opinion publique réclament l’établissement des responsabilités en cause et donc la tache peut être difficile pour le juge pénal puisque que, pour le juge, il s’agit à la fois d’éviter de condamner un bouc émissaire et un lampiste. Le juge pénal est guidé dans cette opération par les principes qui gouvernent la détermination des personnes responsables.

C’est seulement la personne qui a personnellement participé à la réalisation de l’infraction qui peut voir sa responsabilité pénale engagée. Cette personne peut être, une personne physique, mais aussi une personne morale.

Cette personne peut engager sa responsabilité pénale soit à titre d’auteur soit a titre de complice.

 

Titre 1 : Les conditions communes de déterminations de la personne pénalement responsable.

 

 Ces conditions portent sur ce qu’on appelle la participation criminelle, c’est la participation de la personne au crime, à l’infraction. Elle doit obéir à deux caractères et elle peut revêtir deux modalités, auteurs ou complices.

 

  1. Le caractère de la participation criminelle.

  Chapitre 1 : Le caractère personnel de la responsabilité pénale.

 

On trouve une différence importante entre le droit civil et pénal. Il y a plusieurs faits générateurs de la responsabilité civile. Il y a la responsabilité du fait personnel, la responsabilité du fait des choses et du fait d’autrui.

En droit pénal la responsabilité pénale est exclusivement du fait personnel. Ce principe c’est le principe du caractère personnel et individuel de la responsabilité pénale. Il a été expressément consacré par le nouveau code pénal. Il n’était pas consacré auparavant.

 

Section 1 : L’affirmation du principe.

 

Ce principe de figurait pas dans le code pénal de 1810 pourtant il existait mais il avait été posé seulement par la jurisprudence, arrêt du 3 mars 1859, et donc la jurisprudence venait affirmer que la responsabilité pénale ne peut résulter que d’un fait personnel ou que nul n’est punissable, qu’en raison de ce fait personnel. Le principe a été expressément et solennellement consacré par le législateur dans l’article 121 – 1 du Code pénal, et d’après ce texte nul n’est responsable pénalement que de son propre fait. En dehors de cette affirmation expresse le législateur n’a introduit aucune modification sur ce point et donc les solutions anciennes demeurent et il ne faut pas confondre le caractère personnel de la responsabilité pénale avec le principe de la personnalité des peines, qui en est proche. Le principe de personnalité des peines signifie simplement que la personne qui a été déclarée pénalement responsable, peut seule exécuter la peine. La peine ne peut pas être exécutée par un autre membre de la famille.

Puisque le nouveau code pénal est venu ajouter à la responsabilité pénale des personnes physique celle des personnes morales il faut en déduire que le principe de l’article 121 – 1 vaut pour les deux catégories de personnes. D’ailleurs la chambre criminelle l’a confirmé très nettement dans deux arrêts, le premier du 20 juin 2000 et le second du 14 octobre 2003, en l’occurrence c’était une hypothèse de fusion absorption de société. Le principe de l’article 121 – 1 s’applique aussi aux personnes morales.

 

Section 2 : la signification du principe.

 

1§ Détermination négative.

 

Ce principe de traduit par deux exclusions. Exclusions par la responsabilité pénale collective et du fait d’autrui.

 

  1. A) Exclusion de la responsabilité pénale collective.

 

Il n’est plus possible de diriger la réaction pénale contre le groupe auquel appartient celui qui a commis l’infraction. Le principe de la responsabilité pénale personnelle interdit donc de condamner tous les membres d’un groupe informel pour la seule raison que l’infraction aurait été commise par l’un d’entre eux. Ce n’est pas parce que l’infraction a été commise au sein d’un groupe que l’on peut condamner tout le groupe. Dans un arrêt la chambre criminelle a reproché à la cour d’appel de ne pas avoir cherché à savoir si la responsabilité pénale personnelle était engagée. Mais l’absence de responsabilité pénale collective n’empêche pas le droit de prendre en compte l’appartenance d’un individu à un groupe délinquant.

Le droit pénal spécial prend en considération le fait que l’infraction à été commise par plusieurs personnes en qualité de coauteur ou de complice. Le droit pénal spécial prend aussi en compte la notion de bande organisée. Donc cette appartenance à un groupe est prise en considération à titre de circonstance aggravante de certaines infractions. De même certaines infractions sont des infractions collectives. C’est le cas du complot ou l’association de malfaiteur.

Au-delà du droit pénal spécial il arrive à la jurisprudence de retenir la responsabilité pénale de tous les membres d’un groupe au motif soit qu’ils ont tous participé a une scène de violence soit qu’ils ont tous participé à une imprudence commune si c’est une infraction non intentionnelle.

 

  1. B) L’exclusion de la responsabilité pénale du fait d’autrui.

 

En application de cette idée il n’est pas possible par exemple de condamner pénalement les parents d’un mineur délinquant. Ils ne sont pas pénalement responsables, mais au plan civil, les parents sont civilement responsables des conséquences des actes de leur enfant et donc ils devront réparer les dommages.

L’employeur n’est pas pénalement responsable des infractions commises par ses préposés alors que civilement sauf dans l’hypothèse d’un abus de fonction, les commettants doivent réparés les dommages causés par leurs préposés. Cette absence de responsabilité pénale trouve une limite. Elle n’interdit pas au législateur de poser des présomptions de culpabilité à l’encontre d’une personne déterminée. Par exemple dans le cas d’un titulaire d’une carte grise d’un véhicule, le propriétaire sera responsable en cas d’excès de vitesse ou de mauvais stationnement.

Mais ces présomptions sont des présomptions simples, réfragable. De plus ces présomptions ne peuvent jouer que pour les infractions édictées. La convention européenne des droits de l’homme n’entend pas prohiber de manière absolue l’édiction de prévention. Le conseil constitutionnel a validé le procédé dans une décision du 16 juin 99 à propos d’une loi sur la sécurité routière. Il a déclaré que ces présomptions de culpabilité peuvent être établies en matière contraventionnelle dés lors que trois conditions sont remplies. Il faut que ces présomptions n’aient pas un caractère irréfragable. Il faut que soit assurer le respect de droit de la défense. Il faut que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l’imputabilité.

 

2§ La détermination positive de la signification du principe.

 

Une personne ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée si elle n’a pas elle même participée a la perpétration de l’infraction. Il appartient au juge de vérifier cette participation.

En 1993 certains auteurs ont écris que la consécration du principe dans l’article 121 – 1 était seulement symbolique, pour ne pas dire inutile. La jurisprudence rendue depuis montre que ce n’est pas le cas. La chambre criminelle a rendu un certain nombre de cassation, de condamnation, sous le visa de l’article 121 – 1. Pour les personnes morales il y a déjà les arrêts du 20 juin 2000 et du 14 octobre 2003. Si on s’intéresse aux personnes physiques la aussi la jurisprudence existe sur la question.

Deux illustrations, l’une tirée du droit de l’indivision, l’autre dans l’hypothèse de la délibération de l’organe collégial.

L’indivision : trois frères sont propriétaires indivis, dont un sur place. Celui qui est sur place défriche la propriété. Ils sont condamnés tous les trois. La condamnation des deux autres frères a été cassée pour violation du principe du caractère personnel de la responsabilité pénale.

Dans l’hypothèse ou une décision est prise par une délibération collégiale. Si un conseil municipal décide de suspendre des fournitures à des écoles de la commune en raison d’un nombre excessif de nationalité différentes.

Dans un arrêt de la chambre criminelle du 11 mai 99, la délibération discriminatoire ayant été prise par l’organe collégial ne peut pas être imputée aux conseillers municipaux ayant pris la décision.

Dans un arrêt du 17 décembre 2002 la chambre criminelle est venue dire que la responsabilité pénale pouvait être retenue des que l’on pouvait relever une participation personnelle à l’infraction, en quelque sorte, distincte de la délibération collective. Par exemple, responsabilité de l’adjoint au maire qui propose la délibération au vote du conseil. Ou complicité du maire qui n’était pas présent pour le vote mais qui s’est félicité publiquement de son adoption.

Chapitre 2 : Une participation fautive.

 

Il ne suffit pas qu’un acte interdit par la loi ait été accompli. Il faut encore que la personne concernée ait eu la volonté d’enfreindre la loi pénale pour que l’infraction soit constituée. Cette volonté est l’élément intellectuel ou moral de l’infraction.

Cette appellation se justifie doublement. L’élément moral permet de porter un jugement de valeur, donc un jugement moral sur le comportement du délinquant et donc il conduit à s’intéresser à sa psychologie. Par ailleurs cet élément est constitué par une faute pénale qui aujourd’hui peut prendre différente forme. Cet élément moral renvoie à l’article 121 – 3 du code, déjà modifié à deux reprises, et ce texte prévoit quatre grands types de fautes.

La première est la faute pénale intentionnelle.  Il n’y a point de crime ou de délit sans l’intention de le commettre.

La deuxième est la faute de mise en danger délibérée de la personne d’autrui visé par l’alinéa deux, qui dit que toutefois lorsque la loi le prévoit il y a délit en cas de mise en danger délibéré de la personne d’autrui.

Dans les alinéas trois et quatre il y a diverses fautes pénales d’imprudences, non intentionnelle et dans l’alinéa cinq la faute contraventionnelle ou matérielle, et il n’y a point de contravention en cas de force majeure.

L’élément moral permet une classification bipartite des infractions entre infraction intentionnelle et non intentionnelle.

Il y a d’un coté l’intention criminelle et de l’autre toute l’autre faute pénale.

 

Nature et régime de l’infraction.

 

Les infractions intentionnelles sont celles dont l’élément moral consiste en une faute intentionnelle. Le délinquant a voulu le résultat illicite.

Dans l’infraction non intentionnelle le délinquant n’a pas directement recherché le résultat illicite. Dans l’homicide involontaire il n’a pas voulu tuer la victime mais elle est morte quand même.

Ces infractions non intentionnelles forment une catégorie résiduelle. Ce sont toutes les infractions dont l’élément moral n’est pas l’infraction. Par exemple la faute de mise en danger délibéré, l’une des fautes d’imprudence, qui peut être faute d’imprudence simple ou une faute caractérisée, ou une faute contraventionnelle ou matérielle. Si on applique cela à la classification tripartite des infractions, il en résulte alors que les crimes sont par principe toujours intentionnels. Le nouveau Code pénal a supprimé la catégorie des crimes non intentionnels, soit ils ont été abrogés, soit ils ont été correctionnalisés.

Pour les délits, à titre de principe, sont intentionnels. Mais lorsque la loi le prévoit ils peuvent être des délits non intentionnels. Depuis le nouveau code pénal on trouve les deux.

Le nouveau code pénal a entendu supprimer une catégorie qui existait auparavant, la catégorie des délits matériels, dont l’élément moral reposé sur une simple faute, contraventionnelle ou matérielle.

Les contraventions ont un élément moral constitué en principe d’une simple faute contraventionnelle ou matérielle ce qui veut dire que le simple constat de la violation matérielle de la réglementation suffit à constituer l’infraction. Mais il existe des contraventions qui reposent sur une faute intentionnelle mais aussi non intentionnelle. Par exemple les contraventions de 5e classe sur les violences volontaires, et par des violences on a causé a quelqu’un une incapacité de travail inférieur a huit jour, c’est une contravention involontaire. Il existe aussi des contraventions qui reposent sur des fautes de négligences, comme le fait d’avoir causé à quelqu’un une incapacité de travail inférieure à trois mois.

 

Les intérêts de fond :

 

Le principal intérêt de fond réside dans la différence de répression. Les infractions intentionnelles sont plus sévèrement réprimées que les non intentionnelles.

Pour l’infraction tentée, les infractions non intentionnelles sont incompatibles avec la tentative, car elle suppose l’intention de consommer l’infraction.

Pour la responsabilité pénale, on peut se poser la question de savoir s’il y peut y avoir complicité d’homicide involontaire. Il faut prendre en compte les différents degrés de faute non intentionnelle et la chambre criminelle a admis la complicité de mise en danger délibéré.

Pour ce qui est de la légitime défense, on peut se demander si la légitime défense peut justifier la commission d’une infraction non intentionnelle.

Enfin on peut commettre une infraction en commettant une erreur de fait ou une erreur de droit. L’erreur de fait, fait disparaître la faute intentionnelle mais elle peut laisser subsister une infraction non intentionnelle. Il y a aussi des intérêts de procédure à cette distinction. Par exemple l’intervention de l’assureur au procès pénal. L’erreur de droit est difficilement admise par la jurisprudence.

 

Section 1 : La faute dans les infractions intentionnelles.

 

De très nombreuses infractions, les crimes, plus un grand nombre de délits, sont des infractions intentionnelles, dont l’élément moral consiste en ce qu’on appelle l’intention criminelle. Cette intention est exigée par l’article 121 – 3 al 1 mais n’est pas définit par le texte. On peut dire que cette intention criminelle se ramène à la conscience du caractère illicite de l’acte et à la volonté de l’accomplir quand même. Ainsi définit cette intention criminelle est ce qu’on appelle le dol général.

Ce dol général n’a rien à voir avec le dol dans la formation du contrat.

Parfois pour certaines infractions s’ajoute une autre forme de dol en plus de ce dol.

 

1§ Le dol Général.

           

                        Puisqu’en principe les crimes et les délits sont intentionnels le législateur n’a pas besoin de dire pour une infraction précise que cette infraction est une infraction intentionnelle et bien souvent il utilise des adverbes qui sont révélateurs. Il dit que l’infraction doit avoir été commise volontairement, sciemment… c’est la marque de l’exigence de l’intention criminelle. Cette intention criminelle peut être définie plus précisément en partant de l’étymologie du terme. Intention vient de intendere, ce qui signifie diriger vers, tendre vers, mais ça veut dire aussi donner de la tension. L’intention criminelle c’est la volonté du délinquant tendu vers un résultat illicite interdit par la loi pénale. Cette intention criminelle peut concerner des infractions de commissions mais aussi des infractions d’omissions. Elles se décomposent alors en deux éléments, la conscience et la volonté.

En ce qui concerne la conscience le délinquant devait avoir conscience de l’illicéité de son comportement. Les choses sont ici grandement facilitées par ce que l’on appelle la présomption de connaissance de la loi, nul n’est censé ignorer la loi.

L’intention implique ensuite que le délinquant tout en ayant eu cette conscience, ait eu la volonté d’accomplir quand même l’infraction, cette volonté doit englober à la fois le comportement du délinquant, comme les violences et le résultat de ce comportement. Cette définition de l’intention est le plus petit dénominateur commun à toutes les infractions intentionnelles. C’est-à-dire que ce dol général se retrouve au minimum à la base de toutes les infractions intentionnelles. D’où le dol général. Mais parfois on peut trouver autre chose en plus de ce dol général.

 

 

2§ Les autres formes de dol.

 

On peut trouver des variations de dol.

Dans certains cas la loi, exige une intention plus précise, particulière. Donc la loi exige au delà du dol général, un dol spécial. Dans d’autres cas, on se rend compte parfois qu’il y a discordances entre l’intention initiale et le résultat qui a été effectivement accompli. Le délinquant ne voulait pas tuer la victime, mais cela est arrivé quand même…

 

  1. A) L’intention plus précise que le dol général, le dol spécial.

 

On est en présence d’un dol spécial lorsque le texte d’incrimination indique quelque chose de plus au delà du dol général, c’est le dol spécial. Ce dol quelque qu’il soit il ne faut pas le confondre avec le mobil.

 

  1. 1) Dol général et spécial.

 

Pour une infraction le législateur exige ou la conscience, outre la volonté de l’accomplir quand même, une volonté particulière d’obtenir un résultat précis. Si cette volonté particulière n’est pas remplie, l’infraction n’est pas constituée. C’est le cas dans le vol, puisqu’il exige l’intention de se comporter, même de façon momentanée comme le propriétaire de la chose. Mais il est parfois difficile de savoir si une infraction intentionnelle comporte ou non un dol spécial. La question s’est posée ces dernières années notamment à propos de l’empoisonnement, article 221 – 5 du code pénal. La difficulté est de savoir si l’empoisonnement comporte ou non comme dol spécial l’intention de tuer, l’animus necandi, ou suffit il que l’agent ait eu l’intention de donner la mort.

Un arrêt de la chambre criminelle de 94, a suscité le doute parce que cet arrêt n’exigeait pas l’intention d’homicide. Mais par la suite dans deux arrêts ultérieur, la chambre criminelle a confirmée l’exigence de ce dol spécial, et elle l’a fait d’abord dans un arrêt du 2 juillet 1998, où elle affirme que la seule connaissance du pouvoir mortel de la substance administrée ne suffit pas a caractérisée l’intention homicide.

L’arrêt de 2003 indique que l’intention homicide est l’élément commun à l’empoisonnement et à l’atteinte volontaire à la vie d’une personne.

 

  1. 2) Le dol et mobile.

 

Les mobiles ce sont les raisons, les motifs, pour lesquels une infraction a été commise. En droit français, le principe est celui de l’indifférence des mobiles, mais ces principes connaissent des exceptions.

 

En raison de leur extrême diversité, car ce sont les raisons personnelles de l’individu qui l’ont conduit à commettre l’infraction. Il peut y avoir autant de mobiles que d’individus. Dés lors ces mobiles extrêmement variables n’ont pas à être pris en considération au stade de la constitution de l’infraction. Il suffit que le dol général et le dol spécial soit constaté.

En pratique le juge et notamment les jurés d’assise peuvent être plus ou moins sensibles à ces mobiles en ce qui concerne le choix et le quantum de la peine. On sait très bien que devant la cours d’assises que des crimes passionnels peuvent aboutir à un acquittement.

Ce principe reçoit parfois exception lorsque le législateur décide dans un texte d’incrimination de prendre en compte un mobil particulier. On dit alors que ce mobil est érigé en dol aggravé.

Ce mobil exceptionnellement pris en compte peut l’être soit a titre d’élément constitutif de l’infraction soit à titre de circonstances aggravantes. Par exemple, l’article 314 – 7 du code pénal punit le délit d’organisation frauduleuse d’insolvabilité. Le texte dit que le débiteur organise son insolvabilité en vue de se soustraire à l’exécution d’une condamnation. Donc c’est un but particulier, un mobil particulier, érigé en élément constitutif de l’infraction.

Généralement c’est à titre de circonstance aggravante qu’il est pris en considération.

Ces circonstances peuvent être variables selon les infractions concernées mais il y en a une qui peut s’appliquer à beaucoup de cas c’est la préméditation.

Par exemple, ces mobiles ont été multipliés par le nouveau code pénal, pour le mobile terroriste et le mobile raciste.

Le mobile terroriste c’est le fait de commettre un certain nombre d’infraction pour semer l’intimidation dans un but particulier.

Le mobile raciste c’est le fait de commettre des infractions qui sont liées à l’appartenance de la victime à une ethnie, une nation, une religion… Depuis la loi Perben 2 la circonstance aggravante du mobile raciste est définit par l’article 132 – 76 al 2.

La préméditation est définie à l’article 132 – 72 comme le dessein formé avant l’action de commettre un crime ou un délit déterminé. C’est le fait d’organiser, d’anticiper l’infraction. Si elle est établie par l’accusation, elle entraîne dans les cas prévus par la loi, l’aggravation des peines encourues. L’exemple le plus évident est l’homicide volontaire. Le meurtre est puni de 30 de réclusion criminelle tandis que le meurtre avec préméditation, l’assassinat est puni de la réclusion criminelle à perpétuité. On est en présence d’une intention qui est plus précise, plus déterminé.

 

  1. B) L’intention moins précise que le dol général.

 

On regroupe ici des hypothèses où l’on est en présence d’une discordance entre le résultat qu’a produit l’infraction, ce qui s’est réellement réalisé, et le résultat tel que le délinquant l’avait prévu. C’est le résultat sur lequel l’intention criminelle du délinquant s’était exercée. Cette discordance recouvre trop variété de dol, qu’on appelle le dol indéterminé, le dol dépassé ou praeter intentionnel et puis le dol éventuel, mais nous verrons que le dol éventuel se rattache aux infractions non intentionnelles.

 

  1. 1) Le dol indéterminé.

 

Le résultat d’une action délictueuse ou criminelle n’est pas toujours bien connu à l’avance. Il peut y avoir une part d’indétermination. Cette indétermination peut porter soit sur le dommage, on ne sait pas quel dommage il va causer, ou cette indétermination peut porter sur la victime elle même. Est-ce que cette indétermination est prise en compte par le droit pénal ?

Si on prend le cas des violences volontaires, un délinquant donne un coup de barre de fer sur sa victime, il peut lui causer un dommage léger ou la tuer, il a l’intention de causer des blessures à sa victime mais il ne connaît pas le préjudice exact qu’il va lui causer, et donc le délinquant est réprimé en fonction de la gravité du dommage causé. Donc s’il a causé à sa victime une mutilation ou une infirmité permanente, c’est 10 ans d’emprisonnement et 150 milles euro d’amende. S’il ne lui a causé qu’une ITT, inférieure à 8 jours c’est une simple contravention de 5e classe.

L’indétermination de la victime, c’est par exemple le cas d’un terroriste qui va faire exploser une bombe dans un métro ou un avion, et dans ce cas le droit pénal ne prend pas en considération l’indétermination de la victime, et donc l’infraction intentionnelle est parfaitement constituée et réprimée. Dés lors on dit que le dol indéterminé est équipollent, équivalent, au dol déterminé, il est puni de la même façon. Cette équivalence, ne connaît qu’une seule limite. Dans l’incrimination de ce qu’on appelle les coups mortels, qui sont punis en droit français depuis 1832, que l’on trouve dans l’article 222-7 du code pénal. C’est le fait d’avoir porté à la victime des coups qui ont entraînés sa mort mais sans intention de la tuer. Si on appliquait le principe, on devrait considérer qu’il y a meurtre mais ce n’est pas le cas puisqu’ils sont punis de 15 ans de réclusions, ce qui est une limite.

 

  1. 2) Le dol praeter intentionnel ou le dol dépassé.

 

Dans cette hypothèse le résultat qui a été effectivement réalisé par le délinquant est allé au-delà, a dépassé le résultat qu’il avait l’intention de causer. Donc le délinquant a voulu frapper la victime pour la blesser mais en fin de compte il l’a tué. Face à cette hypothèse deux réponses sont possibles. Soit on s’en tient à l’intention, c’est-à-dire de porter des violences volontaires, soit on s’en tient au résultat, c’est-à-dire qu’il a causé la mort de la victime involontairement. On peut se demander s’il n’y a pas de solution intermédiaire, de compromis. En principe, il n’est pas possible de considérer l’infraction praeter intentionnel, comme une pure infraction intentionnelle, y compris dans son résultat. C’est donc l’exemple de l’article 222 – 7, avec les coups volontaire ayant entraînés la mort sans intention de la donner, la répression est moindre que le meurtre mais elle est supérieure à la violence volontaire sans causer la mort, qui puni de 10 ans.

Ce principe sert dans certaines circonstances pour des raisons de politique criminelles. Dans certains cas le législateur estime qu’il doit faire preuve d’une plus grande répression, et donc il va punir le délinquant comme s’il avait voulu causé le dommage. Deux exemples.

C’est ce qui se passe en matière de détournement d’avion ayant entraîné la mort d’une ou plusieurs victimes, 224 – 7, et aussi dans le cas d’enlèvement et de séquestration de personnes se terminant par la mort, article 224 – 2 al 2.

 

  1. 3) Le dol éventuel.

 

Traditionnellement jusqu’au nouveau code pénal, on rattaché aux deux hypothèses précédentes celle du dol éventuel et l’on considéré que le dol éventuel était une sorte de faute intermédiaire entre la faute intentionnelle et la faute non intentionnelle.

LE délinquant a volontairement pris un risque en espérant que ce risque n’aboutirait pas à un dommage grave. C’est l’exemple classique en matière routière de l’automobiliste qui double sans visibilité. C’est une forme d’imprudence consciente, puisque le risque a été pris consciemment mais le dommage n’a pas été entièrement voulu.

L’ancien code pénal ne tirait aucune conséquence particulière de cette hypothèse. Si un dommage était survenu, la répression s’exerçait en fonction de se dommage. Donc concrètement le délinquant, si la victime était morte, encourait la répression d’homicide involontaire. Il n’y avait que dans le cadre du code de la route qu’était prévu un doublement des peines de l’homicide et des blessures involontaires causées en état d’ivresse. En revanche si aucun dommage n’était survenu, soit il n’y avait pas d’infraction, soit une contravention pour infraction au code de la route.

Le nouveau code pénal a été influencé par plusieurs paramètres sur cette question. Il a été influencé par le droit comparé, mais surtout par le nombre de victime de la route. Il a réagit en créant une faute pénale adapté qui est la faute de mise en danger délibérée de la personne d’autrui. Seulement cette faute fait partie des fautes non intentionnelles. Donc le dol éventuel que l’on considéré comme une faute intermédiaire, est aujourd’hui intégré dans les fautes non intentionnelles.

 

 

Section 2 : La faute dans les infractions non intentionnelles.

  Il y au minimum trois grandes catégories de fautes non intentionnelles dans le nouveau code pénal. Si on se situe dans le code de 1810 on peut dire qu’il y a eu création d’une faute, de la faute de mise en danger délibérée, diversification de la faute pénale d’imprudence, et réduction du domaine de la faute contraventionnelle.

 

 

1§ La faute de mise en danger délibérée.

 L’ancien code pénal présentait une lacune puisqu’il n’attachait aucune conséquence particulière au dol éventuel, c’est-à-dire lorsqu’une personne prend délibérément un risque qui peut aboutir à un résultat qu’elle n’a pas voulu. Ce comportement est moins grave qu’une véritable faute intentionnelle. Ce comportement est plus grave qu’une simple infraction d’imprudence. C’est pourquoi l’alinéa 2 de l’article 121 – 3 est venu viser la mise en danger délibérée de la personne d’autrui, que l’on rencontre en matière de délit.

Cette faute est aujourd’hui définie de façon unifiée. Le code pénal de 1992 lui avait attribué un double rôle, et depuis la réforme de la loi Fauchon du 10 juillet 2000, cette faute fait encore jouer un troisième et nouveau droit.

 

  1. A) La nature de la faute de mise en danger délibérée.

 

Cette faute n’est pas définie, on trouve sa définition dans les textes d’incriminations qui mettent en œuvre cette faute. Jusqu’à la loi fauchon il existait des différences de rédactions non négligeables entre ces textes. La loi Fauchon a simplifiée la question car elle a harmonisé la question sur la base la plus restrictive qui est celle du délit de risque causé à autrui, le délit de l’article 223 – 1. D’après cette définition cette faute est la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.

 

 

  1. 1) Le texte.

 

On doit être en présence d’un manquement à une obligation prévue par la loi ou le règlement. Ce texte réglementaire doit être entendu au sens constitutionnel du terme, c’est-à-dire comme un texte général et impersonnel, pris par une autorité publique. Un décret ou un arrêté. A contrario, des règles purement sportives ou déontologiques, non reprises par décret ou le règlement intérieur, ne sont pas des règlements au sens constitutionnel du terme. Leur violation ne permet pas de conclure à l’existence d’une faute délibérée.

Depuis 2000 le texte doit imposer une obligation particulière de sécurité ou de prudence. La réglementation sur la sécurité du travail par exemple. La difficulté a été de savoir ce qu’est une obligation particulière de sécurité ou de prudence, donc le caractère de cette obligation.

 

  1. 2) L’obligation.

 

L’obligation particulière c’est celle qui impose un modèle de conduite circonstancier, la conduite à adopter dans telle ou telle situation.

Par exemple, un capitaine embarque 112 passagers en surnombre, qu’elles étaient les obligations particulières violées ? Insuffisance de nombre de place et de brassières de sauvetages, réglementation particulière maritime.

Contre exemple, on peut dire qu’on est en présence d’une obligation générale, lorsque le texte laisse à son destinataire toute liberté d’appréciation du moyen à mettre en œuvre. Arrêt Chambre Criminelle du 25 juin 1996, obligation faite aux maires de prévenir et de faire cesser tous les évènements de nature à compromettre la sécurité des personnes. C’est une obligation seulement générale, il est libre de définir les moyens pour parvenir à respecter cette obligation.

Autre exemple, avec l’obligation pour le préfet de surveiller la qualité de l’air, il a toute liberté pour apprécier les moyens à mettre en œuvre.

 

  1. 3) La violation.

 

Il faut être en présence d’une transgression manifestement délibérée. Il faut établir que cette violation était volontaire intentionnelle. Cette exigence est source de confusion.

Il ne faut pas confondre la nature de la violation, et la nature de la faute pénale. Ce n’est pas parce que la violation doit être manifestement délibérée que l’on est en présence d’une faute intentionnelle, la faute délibérée reste une faute non intentionnelle.

Cette exigence conduit les juges à une motivation particulière pour caractériser la violation. La plupart du temps le caractère manifestement délibéré résulte du renouvellement de la transgression, on a eu une transgression répétée, sauf lorsque cela ne fait aucun doute.

Par exemple, le fait de brûler un stop ne suffit pas à établir le caractère délibéré de l’infraction. En revanche quelqu’un qui brûle une série de feux rouge établira le caractère manifestement délibéré. Par exemple un arrêt du 22 juin 2005, le passage d’une voiture tire le frein a main alors que la conductrice est en train de dépasser un camion.

 

  1. B) Le régime de la faute de mise en danger délibérée.

Le rôle de la faute n’est pas le même selon qu’il y a eu ou pas dommage.

  •    La faute de mise en danger en présence d’un dommage.

 Le risque qui avait été pris s’est réalisé. Il faut alors retenir la qualification qui correspond au dommage qui a été causé. En outre la faute de mise en danger délibérée joue alors le rôle d’une circonstance aggravante par rapport au même dommage causé par une faute d’imprudence ordinaire. C’est ce que l’on trouve en matière de blessure et d’homicide. Les textes prennent en compte cette circonstance aggravante.

Par exemple l’homicide involontaire avec faute d’imprudence est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 milles euro d’amende. Ce même homicide sur la base d’une faute délibéré sur la base de l’article 221 – 6 al 2 de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euro d’amende. Si s’ajoute à cette faute de mise en danger une autre circonstance aggravante, on passe à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euro d’amendement, article 221 -6 – 1.

Quand on est dans ce cas il ne peut pas y avoir cumul avec le délit de risque causé à autrui de l’article 223 – 1 du code pénal. Le délinquant sera réprimé sur la base de l’homicide involontaire. La chambre criminelle a rappelé cette comptabilité dans un arrêt du 11 sept 2001.

 

  •    La faute de mise en danger délibéré en l’absence de dommage.

 Depuis le nouveau code pénal la faute de mise en danger délibérée est prise en considération comme l’élément moral d’une nouvelle infraction qui est le délit de risque causé à autrui, de l’article 223 – 1. Ce délit est une création du nouveau code pénal, l’article 223 – 1 puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euro d’amende le fait d’exposer directement autrui a un risque immédiat de mort ou de blessure dans le but d’entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la commission d’une faute de mise en danger délibéré.

 

  1. L’élément matériel.

 

La faute délibérée doit avoir exposé autrui à un risque.

 

La répression se situe en amont d’un éventuel dommage, on puni le délinquant pour avoir exposé autrui à un risque très grave, puisque c’est un risque immédiat de mort, de blessure, d’où doit résulter une mutilation ou une infirmité permanente.

Ce risque ne se déduit pas de la seule transgression particulière de sécurité ou de présence, par exemple il ne se déduit pas de quelqu’un qui se conduit sans permis. Il ne se déduit pas du seul dépassement de la vitesse autorisée.

La chambre criminelle dans un arrêt du 19 avril 2000 a décidé que le fait de rouler à 200 Km/H ne constitue pas en soit le délit de risque causé à autrui et elle a ajouté qu’il faut que s’y ajoute un comportement particulier exposant autrui à un risque immédiat.

Elle a en revanche considéré que le fait de faire la course à trois voitures un dimanche après midi dans une cité où jouent des enfants constitue un délit de risque causé à autrui.

Il n’est pas nécessaire que les victimes de risques soient identifiées ou même identifiable. Le risque doit avoir été direct. Il faut s’interroger sur le lien de causalité.

 

  1. La causalité.

  

Le lien de causalité entre la faute et le risque ne peut pas être présumé. Il doit donc être établi, prouvé, la chambre criminelle l’a dit dans un arrêt du 16 février 1999, sur un moyen relevé d’office. Le prévenu peut toujours essayé de contester ce lien de causalité. Par exemple dans un arrêt du 11 février 98, ou le capitaine embarque 112 passagers en trop, le capitaine disait qu’il y avait de bonnes conditions météorologiques. La chambre criminelle a considéré que les conditions météo favorables ne sauraient exclure la survenance d’une collision, d’une avarie mécanique ou d’un incendie. Il y avait bien lien de causalité en dépit des bonnes conditions météo.

 

  1. L’élément moral.

 

La faute de mise en danger délibéré constitue à elle seule l’élément moral du délit autonome de l’article 123 – 1. La jurisprudence décide qu’il n’est pas nécessaire que le délinquant ait eu connaissance, ni même conscience, de la nature du risque qu’il prenait, arrêt du 16 février 1999.

 

Ces deux rôles ont un point commun, c’est de durcir la répression. En revanche la loi Fauchon, du 10 juillet 2000, est venue faire jouer à la faute de mise en danger délibérée un troisième rôle qui est en sens opposé. Il est au contraire dans le sens de l’allègement de la répression, mais cet allègement ne bénéficie qu’aux personnes physiques et non pas morales à qui est reprochée une infraction non intentionnelle et uniquement en cas de causalité indirecte, entre la faute et le dommage.

 

  

2§ La faute d’imprudence.

  

La faute d’imprudence est au sein des fautes non intentionnelle une faute d’imprévoyance. Il n’y a pas eu prévision du résultat du dommage. Cette faute d’imprévoyance peut se diversifier, puisqu’on distingue l’imprévoyance consciente et inconsciente, c’est toute la différence selon que l’on grille un feu ou un stop, selon que l’on ne l’ait pas vu ou selon que l’on est fait exprès. Qu’elle soit consciente ou inconsciente, l’imprévoyance ne constitue pas en elle même une infraction pénale. Elle ne le devient que lorsqu’elle a aboutie à un résultat prohibé par la loi, donc à des blessures ou à la mort de la victime. Sauf dans l’hypothèse du risque opposé à autrui. Cette faute d’imprudence, difficile à définir, l’est d’autant plus à l’heure actuelle que deux modifications importantes sont intervenues sur la question depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal.

La première par la loi du 13 mai 96, relative à la loi d’imprudence ou de négligence, la seconde par la loi Fauchon du 10 juillet 2000, qui tend à préciser la définition des délits non intentionnels et la portée de cette loi a été étendue aux contraventions non intentionnelles avec un décret du 20 septembre 2001. Cette loi a eu un double apport, elle a diversifiée les fautes pénales d’imprudences, et par ailleurs elle a très largement consacré la dualité des fautes pénales et civiles d’imprudences.

 

 

  1. La diversification des fautes pénales d’imprudences.

 

Sous l’empire de l’ancien Code pénal on considérait qu’il résultait des anciens articles 319 et 320 du code, une faute d’imprudence, on la commettait par maladresse. Aujourd’hui il faut conclure à la pluralité de faute, la difficulté c’est ce que ces différentes fautes ne relèvent pas d’un régime juridique unique qui vaudrait pour tout le monde, toutes les personnes physiques et toutes les personnes morales. Les fautes simples en vertu de l’alinéa 3 de l’article 121 – 3 peuvent être commises par n’importe qui.

En revanche l’alinéa 4 du texte traite de deux fautes pénales qualifiées. La faute délibérée, et la faute caractérisée. Mais ces fautes qualifiées ne concernent que les seules personnes physiques et uniquement en cas de causalité indirecte avec le dommage.

 

  1. Les fautes simples ou ordinaires.

 

Les fautes simples sont les fautes qui peuvent être reprochées à une personne morale dans tous les cas. Pour les personnes physiques ces fautes les concernent en cas de causalité directe avec le dommage.

 

  • La nature de la faute.

 

L’alinéa 3 de l’article 121 – 3 dit qu’il y a également délit lorsque la loi le prévoit en cas de faute d’imprudence, de négligence, ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité, prévue par la loi ou le règlement. La faute simple, ordinaire, peut donc reposer ou non sur la violation d’un texte. La faute simple peut d’abord consister dans la violation d’un texte de loi ou d’un texte réglementaire. Ce texte édictant une simple obligation de prudence ou de sécurité. De la même façon le manquement peut être simple.

Mais tout n’est pas interdit par les textes. Au delà la faute simple, peut consister comme le dit l’alinéa 3 dans une imprudence ou une négligence, c’est-à-dire, le fait de ne pas se comporter dans un domaine comme un homme prudent, diligent, avisé. Il en résulte par exemple que cette faute doit être caractérisée notamment par exemple en matière médicale.

Par exemple l’erreur de diagnostique en soi ne constitue pas une faute pénale. Pour qu’il y ait faute il faudra prouver que l’examen médical a été bâclé.

On peut conclure à l’existence de deux fautes simples. Toute simplement parce que ces fautes n’entraîne pas exactement les mêmes conséquences.

S’il y a eu violation d’un texte, même s’il n’y a pas eu d’accident ou de dommage, c’est constitutif d’une contravention, en revanche s’il n’y a pas eu en l’absence de violation d’un texte, la répression est recevable s’il y a un dommage.

Comment apprécier cette faute d’imprudence ? C’est l’un des points sur lesquels ont portées les modifications législatives.

Au départ, en 1992 – 94 on était sur la lancé du code antérieur, et c’est donc le système d’appréciation in abstracto qui jouait. On se demandait comment se serait comporté le bon français moyen dans la même situation. La loi du 13 mai 96 est alors intervenue au motif que ce système aboutissait à une répression trop systématique et notamment des élus et autres décideurs publics.

Modification dans l’alinéa 3 de l’article 121 – 3.  Il y a délit non intentionnel sauf si l’auteur des faits a accompli les diligences normales compte tenu de la nature de ces missions et de ses fonctions de ces compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. Et cette nouvelle règle était répétée, déclinée, dans les textes propres aux élus et aux décideurs publics, c’est-à-dire dans le code général des collectivités territoriales et dans le statut des fonctionnaires et des militaires. On a déduit de cette réforme que l’on passait à un système d’appréciation in concreto de la faute d’imprudence, puisque le texte exige de tenir compte de la compétence de l’autorité des moyens de la personne considéré. En pratique cette réforme a été un coup d’épée dans l’eau. La jurisprudence n’a quasiment pas été modifiée et donc elle n’a pas été moins sévère dans l’appréciation de la faute d’imprudence. Ceci explique que le législateur ce soit remis à l’ouvrage 4 ans plus tard et qu’est était adopté une seconde réforme avec la loi Fauchon. Cette loi a introduit une toute petite modification dans l’alinéa trois.

Le texte disait, « il y a délit sauf si… » et avec la loi fauchon dit « qu’il y a délit s’il n’a pas… ». En théorie la nouvelle formule montre mieux que la charge de la preuve revient à l’accusation d’établir l’absence de diligence normale. L’apport de la loi Fauchon est ailleurs. Elle s’est surtout orientée dans une autre direction qui a consisté pour les personnes physiques à établir une liaison entre le caractère de la causalité et la gravité de la faute. La causalité peut être directe ou indirecte.

Quand la causalité est directe le droit n’est pas très exigent il suffit d’une faute simple d’imprudence.

Mais en cas de causalité indirecte, on est moins à l’origine du dommage, dans ce cas pour qu’il y ait répression le droit est plus exigent, le droit exige une faute qualifiée. Il y a bien un lien entre le caractère de causalité et la gravité de la faute. En cas de causalité directe qu’on soit personne morale ou physique on sera condamné sur la base d’imprudence ordinaire mais si on est dans le cas d’une causalité indirecte et qu’on est une personne physique il faut une faute qualifiée.

 

  1. Les fautes pénales qualifiées.

 

Il faut comprendre le mécanisme législatif de la loi fauchon avant de dresser un bilan législatif de cette réforme.

 

  1. Le mécanisme législatif.

 

Il établi un lien entre le caractère de causalité et la gravité de la faute. Plus le lien est distendue plus la faute doit être grave, qualifiée.

L’alinéa 4 de l’article 121 – 3 qui le dit. D’après ce texte les personnes physiques qui n’ont pas causées directement le dommage mais qui ont créées ou contribuées à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage on appelle ça l’auteur média. Ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, ces personnes physiques sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont commis une faute qualifiée. On a donc ici la définition des deux hypothèses de la causalité indirecte.

Par exemple, dans le cas d’une sortie scolaire qui aboutit à un accident de car, le chauffeur de car est dans la causalité directe mais on peut rechercher la responsabilité d’autres personnes au titre de la responsabilité indirecte, comme par exemple l’organisateur du séjour. Il faut qu’il y ait une faute qualifiée. Cela peut être la faute de mise en danger délibérée. Mais ici la faute délibérée joue un rôle différent. Elle ne sert plus à accroître la répression mais à l’alléger. En principe on peut être condamner quand on a commis une faute ordinaire, mais en cas de causalité indirecte cela sert à restreindre la responsabilité des personnes physiques.

Mais cette faute qualifiée peut être aussi une faute caractérisée, qui est une faute crée par la loi Fauchon. La personne physique est responsable pénalement si elle a commis une faute caractérisée qui a imposé autrui à un risque d’une particulière gravité que la personne physique ne pouvait ignorer. Cela suppose la réunion de deux éléments, la faute et le risque.

La faute est une faute caractérisée, c’est-à-dire bien marquée d’une particulière évidence, donc une faute bien affirmée, ce qui exclue les fautes ordinaires. Cette faute peut être de commission ou d’omission mais surtout à la différence de la faute délibérée elle n’exige pas la violation d’un texte. Donc elle peut exister même s’il n’y a pas de texte interdisant ce comportement.

Le second élément est relatif au risque créé.

L’objet de ce risque c’est autrui. Si ça menace juste un bien la faute ne peut pas exister. Le risque doit être d’une particulière gravité et la gravité du risque ce n’est pas la gravité de la faute ni la gravité du dommage. Enfin quant à sa connaissance, le texte dit qu’il s’agit d’un risque que la personne ne pouvait ignorer, qui est une situation intermédiaire entre la connaissance et la conscience. On n’exige pas que la personne ait effectivement connaissance du risque. On ne dit pas non plus que ce soit un risque dont elle aurait du avoir conscience.

 

  1. Le bilan législatif.

 

La loi Fauchon n’a rien changé dans un certain nombre d’hypothèses. Elle n’a rien changé s’il s’agit d’une infraction non intentionnelle commise par une personne morale, si le dommage n’est pas un élément constitutif de l’infraction, en cas de causalité directe et en cas de risque qui ne concernerait pas autrui pour la faute caractérisée.

Dans les autres cas cette loi nouvelle était manifestement une loi de fond plus douce. Avant la loi de 2000 on pouvait être condamner pour une faute ordinaire alors qu’après cette loi il faut une faute qualifiée. Elle est donc rétroactive, et c’est ce que la chambre criminelle a décidé dans un arrêt du 12 décembre 2000, affaire du Drac, au profit de l’institutrice. A partir de la on observe que les condamnations sur le fondement de la première faute qualifiée, la faute délibérée, sont très rares. On peut trouver une illustration dans un arrêt de la chambre criminelle du 12 septembre 2000. Cela s’explique parce que la faute caractérisée, étant plus simple à établir, elle a absorbé la faute délibérée. Ce bilan repose sur cette faute caractérisée. Les appréciations en doctrine sont contrastées.

Il y a ceux pour qui c’est une bonne chose et d’autres pour qui c’est une loi anti républicaine, où elle permettrait d’être plus clément avec certain et plus dure envers d’autres.

Cette réforme n’a quasiment pas modifié la responsabilité pénale du chef d’entreprise, quand on est en présence d’un accident du travail qui a causé des blessures ou un homicide, le chef d’entreprise voit sa responsabilité engagée. Cette réforme a surtout profité aux décideurs publics, aux élus locaux, notamment les maires, aux chefs de services hospitaliers et aux agents publics. Ça ne veut pas dire que cette réforme leur assure une impunité absolue. Il y a encore des condamnations d’élus, de fonctionnaires.

Arrêts des 11 juin et 2 décembre 2003 pour la condamnation de maires, et pour un instituteur un arrêt du 6 septembre 05.

Elle a eu un autre apport non négligeable puisqu’elle a permis de revenir au système de dualité des fautes d’imprudences.

 

  1. La dualité des fautes pénales et civiles d’imprudences.

 

Il faut partir du 19e, où la jurisprudence appliquait un système de la dualité des fautes pénales et civiles d’imprudences. Elle considérait que la faute pénale d’imprudence était distincte de la faute civile d’imprudence c’est-à-dire du quasi délit civil de l’article 1383.

Puis est intervenu, bien plus tard un revirement de jurisprudence avec un arrêt de la cour de cassation du 18 décembre 1912 qui s’est prononcé en faveur du système d’unité ou d’identité des deux fautes. Il en résultait donc que la décision du juge pénal avait autorité de chose jugée sur le civil. Si le juge pénal avait exclu la faute pénal, le juge civil ne pouvait pas retenir la faute civile. C’est ce système qui a régné en France depuis le début du 20e. On s’est en éloigné de deux façons.

Une première démarche législative a consisté a limité le système d’inconvénient         du principe de l’unité des fautes et ce système de l’unité a été abandonné depuis la loi Fauchon.

 

La limitation des inconvénients du principe de l’unité des fautes.

 

Le premier portait sur la prescription des actions en responsabilité.

En présence de l’unité des fautes, a longtemps joué la règle des solidarités des prescriptions, c’est-à-dire que les actions que ce soir au pénal ou au civil se prescrivaient par la prescription la plus courte. Cette solidarité qui était un inconvénient pour la victime a été abandonnée par une loi du 23 décembre 1980 qui est venu modifier l’article 10 du code de procédure pénale.

Le second portait sur l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.

En raison de l’unité des fautes on voulait limiter les contrariétés de décision entre le juge pénal et le juge civil. Le juge civil devait respecter ce qu’avait respecter le juge pénal. Ce n’est qu’en cas de condamnation par le juge pénal que des dommages intérêts pouvait être accordés à la victime.

Cet inconvénient a été partiellement gommé à partir du 10 juillet 83 qui a introduit l’article 470 – 1 dans le code de procédure pénal, qui concerne les délits non intentionnels. Ce texte instaure une prorogation de compétence, et il prévoit que le tribunal correctionnel qui relaxe le prévenu, demeure néanmoins compétent pour accorder une réparation à la victime en application des règles du droit civil.

 

  1. L’abandon du principe d’unité des fautes.

 

A partir de 2000 on est passé de l’unité des fautes à la dualité des fautes. La loi Fauchon a instituée une dualité procédurale. Ensuite la jurisprudence par un nouveau revirement a elle instituée une dualité fondamentale. La dualité procédurale se trouve dans l’article 4 – 1 qui a été introduit par la loi Fauchon dans le code de procédure pénale. D’après ce texte, l’absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l’article 121 – 3 du code pénal, ne fait pas obstacle à l’exercice d’une action devant les juridictions civiles afin d’obtenir la réparation d’un dommage sur le fondement de l’article 1383 du code civil si l’existence de cette faute est établie.

Le texte dit que le texte n’empêche pas de saisir la juridiction civile. Supposons que le juge pénal dans une hypothèse de causalité indirecte a estimé que la personne physique n’a pas commis de faute caractérisée. Il n’y a donc pas faute pénale. Mais il est évident que cela laisse la place devant le juge civil, à la faute simple. Mais le texte ne renvoie pas seulement à cette hypothèse de causalité indirecte. L’article 4 – 1 ne parle pas de la faute pénale non intentionnelle, il se réfère de façon globale à l’article 121 – 3. La jurisprudence est allée plus loin et elle a instaurée une dualité plus fondamentale. En effet le système de l’unité des fautes avait été instauré par la jurisprudence au terme d’un revirement en 1912. On peut se demander s’il n’y a pas eu après la loi Fauchon, un nouveau revirement de jurisprudence à travers un arrêt de la première chambre civile du 30 janvier 2001. Cet arrêt de 2001 est venu dire que la déclaration par le juge répressif de l’absence de faute pénale non intentionnelle ne fait pas obstacle à ce que le juge civil retienne une faute civile d’imprudence ou de négligence. Cet arrêt est relatif à des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi Fauchon. Cet arrêt ne contient aucune référence à l’article 4 – 1 du code de procédure pénale introduit par cette loi Fauchon. Le visa dans cet arrêt renvoi à d’autres textes article 1147 du code civil, article 1383 du code civil et l’article 1351, c’est-à-dire l’autorité de la chose jugée. Dés lors puisque cette jurisprudence ne se réfère pas à la loi nouvelle, on peut en déduire que au delà de cette réforme de façon plus large il s’agit d’un revirement de jurisprudence en faveur de la dualité des fautes.

 

3§ La faute contraventionnelle ou faute matérielle.

C’est la faute qui est visé par l’article 121 – 3 al 5, c’est la faute pénale la moins grave. Cette faute ne comporte aucune anti socialité volontaire, elle ne comporte pas non plus une dimension d’imprudence grave, mais elle résulte seulement du manquement à une règle de discipline collective que nécessite l’organisation de la vie en société. On l’appelle la faute contraventionnelle car le plus souvent cette faute correspond à l’élément moral requis pour cette catégorie d’infraction. On l’appelle aussi la faute matérielle puisque cette faute est établie dés lors que l’élément matériel est constaté.

 

  1. La notion de faute contraventionnelle.

 

La particularité de cette faute est que son existence est déduite de l’accomplissement matériel des faits interdits. Si l’agent a accompli matériellement ces faits on en déduit l’élément moral correspondant. On parle parfois à cet égard de présomption d’élément moral et on ajoute même parfois que cette présomption serait irréfragable.

On veut dire par présomption que l’accusation, le parquet, n’a pas spécialement à rapporter la preuve de cette faute.

L’agent ne peut pas finalement combattre cette présomption en faisant valoir qu’il n’a pas voulu commettre cette infraction. La seule échappatoire possible est celle qui est rappelée par l’article 123 al 5, c’est l’exonération en raison d’un évènement de force majeure.

Il faut y ajouter les causes d’irresponsabilité pénale générale, comme par exemple la démence.

 

  1. Le domaine de la faute.

 

Ce domaine a évolué depuis le nouveau code pénal.

 

  1. Sous l’empire de l’ancien code.

 

Cette faute contraventionnelle par respect pour les libertés individuelles ne peut concerner que les infractions les moins graves. Un auteur, le doyen Legal, avait dégagé les critères de la faute contraventionnelle, en disant que cette faute ne devrait concerner que des infractions ayant un simple but de police, c’est-à-dire celles qui visent à l’organisation d’un discipline collective, des infractions n’entraînant qu’une faible réprobation sociale et des infractions punies de peines de sanctions légères.

Néanmoins sous l’empire de l’ancien code pénale la chambre criminelle est allée au delà des contraventions et a retenu la faute contraventionnelle dans le cadre de certains délits qu’on a appelé les délits contraventionnels. Délits dont l’élément moral est constitué par une simple faute contraventionnelle.

Cela a été le cas pour le délit de pollution, à partir d’un arrêt du 28 avril 77, puisque dans cet arrêt la cour de cassation affirme que le délit de pollution a seulement le caractère d’une infraction matérielle, que sa preuve n’a pas à être rapportée par le ministère public et que le prévenu ne peut s’en exonérer que par la force majeure. La chambre criminelle a également affirmé que le délit de tenue d’un fichier informatique sans déclaration, sans autorisation de la CNIL, était lui aussi un délit matériel. Ces délits étaient donc relativement nombreux jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau code pénal.

 

  1. Sous l’empire du nouveau code.

 

Avec l’entrée en vigueur du nouveau code ces délits ont été supprimés. En pratique c’est moins vrai.

En théorie cette suppression résulte des textes adoptés. En effet on a considéré que la présomption de faute contraventionnelle heurtait le principe de la présomption d’innocence, qui est affirmé à l’article 6 – 2 de la convention européenne des droits de l’homme. Par ailleurs, la jurisprudence de la CEDH, dans l’arrêt Salabiaku, du 7 octobre 1988, ne prohibe pas de façon totale les présomptions mais les encercle quand même dans certaines limites, notamment au regard de la gravité de l’infraction commise. On voulait faire reculer cette faute contraventionnelle. Dés lors deux textes doivent être pris en considération. D’abord l’article 121 – 3 du code pénal, qui indique que les délits sont soit intentionnels comme les crimes soit reposent sur une faute non intentionnelle. Ils ne peuvent plus reposer sur une simple faute matérielle. La catégorie de ces délits aurait donc disparu. On en trouve confirmation dans un autre texte, l’article 339 de la loi d’adaptation du nouveau code pénal, c’est-à-dire la loi du 16 décembre 92. D’après ce texte tous les délits non intentionnels réprimés par des textes antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi, demeurent constitués en cas d’imprudence, de négligence ou de mise en danger délibérée, même lorsque la loi ne le prévoit pas expressément. On avait différents codes qui contenaient ces anciens délits matériels. La catégorie est supprimée par le nouveau code. L’article 339 dit que ces délits n’ont pas totalement disparus mais à condition qu’on trouve une faute délibérée ou une faute d’imprudence. La pratique est assez éloignée. Elle résulte de la jurisprudence de la chambre criminelle rendue sur la question depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal. Il en résulte que les anciens délits matériels ont connus un double sort. Pour certains la jurisprudence a appliquée le mécanisme de l’article 339 de la loi d’adaptation. Ces anciens délits matériels sont donc devenus des délits non intentionnels. Dés lors pour ces anciens délits matériels devenus non intentionnels, la loi fauchon s’applique et en cas de causalité indirecte pour une personne physique, il faudrait prouver que cette personne physique a commis une faute pénale qualifiée. Mais d’autres anciens délits matériels n’ont pas connus le même sort. D’autres anciens délits matériels ont été transformés en délits intentionnels, donc relevant de l’article 121 – 3 al 1. Mais ce sont des délits intentionnels particuliers, dans la mesure où la chambre criminelle affirme que la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l’intention exigée par l’article 121 – 3 du code pénal. En théorie ces délits sont intentionnels, en pratique la présomption existe toujours. C’est ce que la chambre criminelle a affirmé dans un arrêt du 12 juillet 94 a propos de la construction sans permis. Cette formule a deux conséquences. D’abord s’il s’agit d’un délit intentionnel le mécanisme de la loi Fauchon ne joue pas, car cela ne joue que pour les délits non intentionnels. De façon plus large cette formule rend plus facile l’établissement de la faute non intentionnelle alors que c’est pourtant la faute la plus grave. C’est donc une formule et une jurisprudence très contestable.

 

 

Sous titre 2 : Les modes de participation à l’infraction.

 

Le droit français est dominé par le principe de l’article 121- 3.

La mise en œuvre de ce principe est simple quand un seul individu a commis une infraction qui se manifeste par une activité positive visible. Cette mise en œuvre est plus difficile lorsque l’infraction est le fait de plusieurs participants. La question est alors de savoir quels sont modes, les modalités de participation à une infraction pénale qui peuvent être source de responsabilité pénale. Pour répondre à cette question, le droit français distingue suivant qu’il y avait eu ou non entente préalable entre les différents participants. Il se peut qu’une infraction ait été commise par plusieurs participants mais sans aucune entente préalable entre eux. C’est ce qu’on appelle le crime des foules. Par exemple à l’issue d’un match, les supporters s’en prennent à tout à la sortie du match. Il n’y a pas d’entente. Il faut cerner la participation de façon individuelle. Ces participants, ce sont regroupés pour commettre une infraction. La réponse dépend du caractère plus ou moins durable de cette entente préalable. Lorsque l’infraction est le résultat d’une entente préalable durable, le droit pénal spécial estime que cette activité criminelle est plus dangereuse et donc qu’elle doit entraîner une répression accrue. Cette répression s’exerce soit par l’intermédiaire d’une circonstance aggravante, comme la bande organisée, soit par l’intermédiaire d’une infraction particulière du type association de malfaiteurs. Lorsque l’entente préalable était plus momentanée il s’agit de savoir a partir de quel degré de participation à l’infraction la responsabilité pénale d’une personne pourra être engagée. Ces degrés sont en droit français au nombre de deux. Il y a deux manières d’être pénalement responsable d’une infraction en étant soit l’auteur, soit le complice. L’article 121 – 7 donne une définition de la complicité. En revanche l’article 121 – 4 énonce qu’est auteur de l’infraction la personne qui comment les faits incriminés ou au moins qui tente de commettre un crime et dans les cas prévus par la loi, un délit. L’auteur serait le principal responsable de l’infraction tandis que le complice serait un responsable de second plan. On dit aussi que pour l’auteur c’est la participation immédiate à l’infraction qui est réprimée tandis que pour le complice c’est la participation médiate qui est réprimée. Soit on commet soit même l’infraction, c’est l’action, soit on participe à la commission de l’infraction par quelqu’un d’autre, c’est la complicité. L’avant projet de code pénal avait envisagé de créer un troisième mode de participation qui était l’instigation. Le projet de texte définissait l’instigateur comme la personne qui sciemment fait commettre par un tiers les faits incriminés, ou qui provoque directement un tiers à commettre un crime, alors même qu’en raison indépendante de la volonté de l’instigateur la provocation n’a pas été suivie de faits. Cette proposition a été abandonnée. De la même façon le recel n’est pas un troisième mode de participation criminel. S’associer à une infraction après sa commission n’est pas un mode de participation criminelle parce que le recel relève du droit pénal spécial et il n’existe que dans trois cas. Le recel de choses dans l’article 321 – 1, le recel de délinquant dans l’article 434 – 6, et le recel de cadavre dans l’article 434 – 7. Les deux qualités d’auteurs et de complices sont en revanches communes aux personnes physiques et aux personnes morales. En effet le texte relatif aux personnes morales, l’article 121 – 2 al 1, dit que les personnes morales sont responsables pénalement selon les distinctions des articles 121 – 4 à 7. Or 121 – 4 et 5 c’est auteur d’une infraction consommée ou tentée, alors que 121 – 6 et 7 sont relatifs à la complicité.

 

Chapitre 1 : L’auteur de l’infraction.

 

On peut commettre une infraction, seul ou à plusieurs. Seul c’est l’action et à plusieurs c’est la coaction.

 

Section 1 : L’action.

 L’ancien code pénal de contenait pas de définitions de l’auteur de l’infraction. Le nouveau code pénal désigne dans l’article 121 – 4 comme auteur la personne qui commet les faits incriminés ou qui tente de commettre l’infraction à condition que la tentative soit punissable. Or la tentative est générale en matière de crime, alors qu’elle est spéciale en matière de délit. Elle existe pour les délits que si elle est prévue par la loi. L’auteur est donc la personne qui a elle même commis ou tentée de commettre les éléments constitutifs de l’infraction. Cette présentation des choses correspond à l’auteur matériel de l’infraction, l’exécutant. Pourtant on peut être aussi l’auteur moral, intellectuel de l’infraction et être réprimé.

 

1§ L’auteur matériel.

 L’auteur matériel c’est celui qui accompli les différents éléments constitutifs et avant tout l’élément matériel de l’infraction. Bien évidemment il dépend alors du texte d’incrimination. Si l’infraction est une infraction de commission qui suppose d’accomplir un acte positif, les choses sont simples. Dans le meurtre l’auteur matériel c’est celui qui a tué la victime et non pas celui qui l’a commandité. Ces infractions ne posent pas de difficultés. Peu importe que cet auteur matériel ait tout conçu ou exécuté de A à Z ou qu’il n’ait été qu’un simple exécutant, sa responsabilité pénale est engagée en tant qu’auteur. Si l’infraction est une infraction d’omission, c’est plus compliqué car pour savoir qui est l’auteur matériel il faut savoir qui avait obligation d’agir et qui ne l’a pas fait. La réponse est variable en fonction des textes d’incriminations. Cet auteur matériel parfois peut être n’importe qui. C’est le cas dans l’article 223 – 6 al 2 pour l’omission de porter secours à une personne en péril. Dans d’autres textes l’auteur matériel est plus ciblé. Par exemple le code du travail, dans les infractions d’omissions va viser l’employeur, le code pénal vise dans l’article 321 – 7 l’organisateur d’une manifestation, donc on ne peut le savoir qu’en se référant au texte même. Si cette infraction d’omission est au surplus une infraction non intentionnelle ou une infraction matérielle, la responsabilité pénale de l’auteur matériel repose sur une base assez faible. La loi fauchon impose au surplus aujourd’hui de distinguer de nouvelles sous catégories d’auteurs en matière d’infractions non intentionnelles pour les personnes physiques selon que la causalité avec le dommage était directe ou indirecte. En cas de causalité directe, on est en présence d’un auteur directe de l’infraction. L’auteur direct est celui qui a heurté ou frappé lui même la victime. Mais l’article 121 – 3 al 4 envisage aussi l’hypothèse de la causalité indirecte et le texte renvoie à deux autres auteurs, l’auteur indirect qui est la personne physique qui a créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage, et l’auteur médiat qui est la personne qui n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter.

 

2§ L’auteur moral ou intellectuel.

 L’auteur moral ou auteur intellectuel c’est celui qui fait commettre l’infraction par quelqu’un d’autre, par un tiers. Cet auteur moral n’a pas accompli lui même les actes matériels interdit néanmoins il apparaît moralement responsable de cette infraction.

Au plan criminologique le rôle de l’auteur moral apparaît essentiel puisque c’est lui qui est directement à l’origine de l’infraction. Mais au plan strictement juridique, faire commettre une infraction par quelqu’un ce n’est pas la même chose que la commettre soi même et donc on ne peut pas l’assimiler à l’auteur matériel.

Le nouveau code pénal n’a pas retenu l’instigation comme un troisième mode de participation de l’infraction. En cet état on peut dire que le droit pénal français traite en principe l’auteur moral comme un complice et notamment au titre de la complicité par provocation ou par instruction donnée. Néanmoins dans un certain nombre de cas le législateur et la jurisprudence vont plus loin et accepte de considérer celui qui a fait exécuter l’infraction comme un véritable auteur.

 

  1. A) L’auteur moral selon les textes.

 

Cette tendance n’est pas nouvelle. Elle existait déjà sous l’empire de l’ancien code pénal, par exemple l’ancien article 354 considéré comme un auteur celui qui faisait enlever un mineur. Donc cette tendance se retrouve toujours dans le nouveau code pénal. Le nouveau code pénal utilise différente formule pour atteindre cet auteur moral. Par exemple certains textes incriminent le fait d’exécuter telle infraction ou de la faire exécuter. Par exemple le génocide, dans l’article 211 – 1, vise le fait de commettre ou de faire commettre un certains nombres d’atteintes volontaires à la vie en exécution d’un plan concerté. L’article 434 – 35, incrimine le fait de remettre à un détenu des objets interdit ou le fait de le lui faire parvenir. Dans d’autres textes ce qui est visé c’est le fait de provoquer à la commission d’une infraction ou le fait de laisser faire. Ces infractions de provocations sont assez nombreuses, par exemple dans les articles 227 – 18 et suivant, on trouve les différentes provocations d’un mineur. Ces provocations peuvent même porter parfois sur des infractions d’omissions. Par exemple l’article 423 – 10 al 2 vise l’auteur moral par abstention dans le fait de laisser commettre une atteinte au secret de la défense nationale. Les textes de ce type présentent deux avantages.

Ces textes permettent une répression plus certaine que la complicité. En effet sur la base de ces textes l’auteur moral reste pénalement responsable, même si la provocation n’a pas été suivie des faits. C’est-à-dire même si l’auteur matériel ne s’est pas exécuté. Alors que dans cette hypothèse, la complicité ne serait pas punissable. Ceci explique que la loi Perben 2 du 9 mars 2004 ait créée un nouvel article 221 – 5 – 1 dans le code pénal pour réprimer l’instigation d’un assassinat même quand la provocation n’a pas été suivie des faits. Dans le même ordre d’idée ces textes permettent la répression même lorsque l’acte auquel il a été incité ne constitue pas en soit une infraction pénale. Par exemple le suicide n’est pas une infraction pénale mais l’incitation au suicide est une infraction pénale. Ces textes permettent d’édicter une répression plus sévère à l’encontre de l’auteur moral. Normalement l’auteur et le complice encourent la même répression. Ici les textes peuvent prévoir à l’encontre des instigateurs, une répression plus dure qu’a l’encontre des simples participants. C’est le cas par exemple pour tous les organisateurs de groupements divers.

 

  1. B) L’auteur moral en jurisprudence.

 

La jurisprudence préfère parfois considérer l’auteur moral non pas comme un simple complice, mais comme un véritable auteur de l’infraction. Elle le fait lorsque le tiers qui a exécuté l’infraction, lorsqu’il a été instrumentalisé par l’auteur moral. Il s’est servit d’un tiers pour commettre cette infraction. Cette tendance jurisprudentielle est assez ancienne. La chambre criminelle l’a retenu dans un arrêt du 21 mai 1963 à l’encontre d’une personne qui avait volontairement dictée des indications erronée à un officier d’état civil. L’auteur du faux c’est l’officier public. Donc la chambre criminel a considéré que le véritable auteur de l’infraction est celui qui a dicté des informations erronés, et ce au regard de l’article 421 – 1 du code civil. La jurisprudence adopte cette tendance pour pouvoir réprimer un individu qui pour une raison ou une autre ne peut pas être puni comme complice.

C’est le cas par exemple dans le cas de contravention. La jurisprudence peut accepter de le considérer comme un auteur mais pas comme complice.

 

 

Section 2 : La coaction.

 

Il y a coaction quand chacun des coauteurs a individuellement tenté de commettre des éléments de l’infraction. Lorsque l’on est en présence d’un auteur moral ou intellectuel, il est alors coauteur de l’infraction avec l’auteur matériel. Dans tous ces cas la responsabilité pénale de chacun est appréciée de façon individuelle par le juge ce qui fait que toutes les solutions sont possibles. Ils peuvent être tous condamnés, tous relaxés, peut importe, c’est individuel. A partir de cette définition on constate une tendance à l’extension de la catégorie des coauteurs qui s’opèrent au détriment de celle des complices sous l’influence, soit de la loi, soit de la jurisprudence. La loi le fait lorsqu’elle intègre la pluralité de participants à l’élément constitutifs de l’infraction. C’est ce qui se passe quand on est en présence de l’infraction collective par nature, c’est-à-dire une infraction qui ne peut pas être commise par une seule personne. Ici l’infraction nécessite une pluralité de participants. On trouve plusieurs types d’infractions dans cette catégorie. On retrouve les crimes contre l’humanité des articles 211 – 1 et suivants, dans la mesure où cela doit être commis en concertation, c’est-à-dire plusieurs participants. On y trouve toute une série d’infraction en matière politique qui constitue des atteintes soit aux intérêts fondamentaux de la nation, livre 4 titre 1 du code pénal, soit des atteintes à l’autorité de l’état, titre 4 livre 3. Par exemple le complot dans l’article 412 – 2, c’est la résolution arrêtée entre plusieurs personnes de commettre un attentat contre la république. On range dans cette catégorie l’association de malfaiteur, de l’article 450 – 1. La jurisprudence étend la catégorie des coauteurs lorsqu’elle préfère traiter deux individus comme deux auteurs et non pas l’un complice de l’autre. C’est ce qu’elle fait à l’encontre des comparses. Les comparses ce sont ceux qui ont agit simultanément avec l’idée de se substituer l’un à l’autre en cas de besoins. Cette jurisprudence est ancienne, par exemple, au 19e, en 1827, la chambre criminelle considérait déjà comme un coauteur celui qui assiste l’auteur dans les faits de consommation de l’infraction. Sur cette base la chambre criminelle a considéré comme un coauteur le guetteur ou celui qui distrait la victime pendant que l’auteur matériel va agir. A l’époque, considérer le guetteur comme un coauteur avait un intérêt car cela permettait d’appliquer la circonstance aggravante de commission de l’infraction en réunion. Aujourd’hui cet intérêt n’existe plus dans la mesure ou le nouveau code pénal a définit la réunion comme la commission de l’infraction par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice.

La jurisprudence illustre cette tendance à l’extension de la catégorie des coauteurs en matière de participation à des violences, volontaires ou involontaires, lorsqu’il n’est pas possible de savoir qui a exactement fait quoi au cours d’une scène de violence. La jurisprudence a pris le parti de dire que tous ceux qui ce sont associés à ces violences doivent répondre pénalement de ces conséquences en tant que coauteurs, et sans qu’il soit nécessaire de préciser la part respective de chacun. On trouve cette jurisprudence en matière de violence volontaire, d’homicide et de blessure intentionnelle. La chambre criminelle a affirmé dans un arrêt du 13 juin 1972 que chacun des auteurs avait volontairement pris part au fait unique que constituait cette scène de violence. Cette jurisprudence n’est pas très critiquable en matière d’infraction volontaire. Dans le cas de celui qui est condamné sans avoir porté le coup fatal. Cette personne pourrait être considérée comme complice. Or le complice est puni comme auteur de l’infraction. On pourrait au moins le considérer comme auteur d’une tentative d’homicide, or dans ce cas la responsabilité pénale est en jeu. En matière d’infraction non intentionnelle, plusieurs personnes tirent successivement avec la même arme en direction de la victime. On ne sait pas qui a tiré la balle qui a atteint la victime. La chambre criminelle dans un arrêt du 15 mai 1978 a retenu la responsabilité pénale de tous les participants en disant qu’ils avaient participés ensemble à une action essentiellement dangereuse et créé un risque grave par leur commune imprudence, dont un tiers a été la victime. Ici la solution est plus contestable dans la mesure où il ne serait pas possible de considérer celui qui n’a pas atteint la victime comme un complice ou l’auteur d’une infraction tentée. La complicité d’une infraction involontaire est une question très controversée. Par ailleurs il n’y a pas de tentative d’infraction involontaire. La jurisprudence est beaucoup plus critiquable.

 

Chapitre 2 : La complicité.

 

C’est le cas où certaines personnes n’ont pas personnellement accomplis tous les éléments constitutifs de l’infraction, donc on ne peut pas les considérer comme coauteur mais elles se sont associées à la commission de l’infraction par l’auteur principal. Ce second mode de participation est régit par les articles 121 – 6 et 7 du code pénal. L’article 121 – 6 traite de la répression du complice tandis que l’article 121 – 7 donne une double définition du complice.

 

Section 1 : les conditions de la complicité punissable.

 

D’après l’article 121 – 7 le complice est la personne qui sciemment par aide ou assistance a facilité la préparation ou la consommation d’un crime ou d’un délit ou la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir, aura provoqué à une infraction ou donné des infractions pour la commettre.

A partir de cette définition, on peut dire que la complicité punissable suppose trois éléments, éléments légal, matériel et moral.

 

1§ L’élément légal de la complicité.

 

Deux systèmes sont concevables pour savoir comment punir le complice. Le premier système est celui de la criminalité d’emprunt, le second consiste à faire de la complicité un délit distinct.

 

Le premier système, la criminalité d’emprunt, repose sur l’idée que le complice emprunte sa criminalité à l’auteur principal. Il accomplit des actes qui en eux-mêmes sont dépourvus de criminalité et qui n’acquièrent de criminalité que par référence à l’infraction de l’auteur principal. La conséquence de ce système est que le complice se voit alors appliquer les mêmes qualifications et les mêmes peines que l’auteur principal.

 

Le second système consiste à punir le complice de façon autonome, distincte et donc à envisager sa responsabilité, indépendamment de celle de l’auteur principal et donc à nier la notion de complicité. Le nouveau code pénal a consacré dans l’article 121 – 6 le système d’emprunt de criminalité. L’idée est que le complice n’a pas de criminalité propre car on est complice d’une infraction commise par quelqu’un d’autre. Il emprunte sa criminalité au fait commis par l’auteur principal.

Techniquement il en résulte que la complicité n’est punissable qu’en présence d’un fait principal lui même punissable.

  1. L’exigence d’un fait principal.

 

Le fait principal doit être une infraction pénale, un crime ou un délit, parfois une contravention, et ce peut être une infraction consommée ou tentée.

 

  1. L’existence d’un fait principal infraction.

 

Si le fait principal ne constitue pas une infraction pénale, le complice n’emprunte aucune criminalité, et donc le complice ne peut pas être puni. En droit français par respect pour la liberté individuelle le suicide n’est pas une infraction pénale. Celui qui aide quelqu’un à se suicider ou le provoque, techniquement il ne pouvait pas être considéré comme un complice. La faille de la législation française est apparue quand a été publié l’ouvrage suicide mode d’emploi. Le législateur est intervenu pour ériger la provocation au suicide en infraction autonome dans les articles 223 – 13 et suivants. Le code pénal fait de même à l’égard de différentes provocations  ou de comportements qui ne constituent pas ou plus une infraction pénale. La mendicité n’est plus un délit pénalement répréhensible. En revanche la provocation des mineurs à la mendicité est une infraction autonome.

 

 

  1. La nature du fait principal.

 

Il faut mettre d’un coté les crimes et délits et de l’autre les contraventions.

Pour les crimes et délits l’article 121 – 7 al 1, comme le faisait auparavant les anciens articles 59 et 60, incriminent systématiquement la complicité. Néanmoins on s’interroge pour savoir si la complicité est concevable pour certains délits non intentionnels, c’est-à-dire les délits d’imprudences non conscientes. S’agissant des contraventions, sous l’empire de l’ancien code pénal, la complicité de contravention n’était pas en principe punissable, sauf texte spécial. Depuis le nouveau code pénal on est obligé de distinguer suivant les deux formes de complicité, la complicité par aide ou assistance, et la complicité par instigation.

La complicité par aide ou assistance ne vise que le complice d’un crime ou d’un délit. Il faut donc en déduire que cette complicité n’est pas en principe punissable, en matière de contravention. On peut dire que la complicité par aide ou assistance est donc générale pour les crimes et les délits et spéciales pour les contraventions. Un texte doit la prévoir en matière de contraventions. Ils existent en matière de tapage nocturne, de violence volontaire.

La seconde forme de complicité, par instigation vise sans distinction le complice de l’infraction ce qui fait que la complicité est générale, même pour les contraventions, de n’importe quelle classe.

Ce fait principal pourra être une infraction consommée ou tentée.

 

 

  1. Les modalités du fait principal, une infraction consommée ou tentée.

 

 

Pour qu’il y ait complicité, il faut qu’une infraction principale ait été commise. Cette exigence ne pose pas de difficulté quand le fait principal a été totalement consommé. Ce qui pose le plus de problème c’est lorsque le fait principal est une tentative d’infraction. On dit que la complicité de tentative est punissable tandis que la tentative de complicité ne l’est pas.

La tentative d’infraction est générale, en matière de crime, et spéciale en matière de délit. Dès lors a priori, la complicité de tentative est punissable, on peut être dans tous les cas, complice d’une tentative de crime et on peut être complice d’une tentative de délit à condition que cette tentative de délit ait été prévue par le législateur.

Pour être réprimée, la tentative d’infraction doit avoir été complètement caractérisée. Or ce n’est pas toujours le cas, il n’y a pas commencement d’exécution, et il y a eu des actes préparatoires. Parfois il peut y avoir un désistement volontaire de l’agent et, dans ce cas, la tentative d’infraction n’est pas punissable. Il ne peut pas y avoir fait principal punissable, donc le complice ne peut pas être puni. Le complice d’une infraction tentée qui n’est pas entièrement caractérisée, n’encours pas la répression pénale. C’est une expression qui est critiquable parce qu’elle prête à la confusion. Cette dernière solution peut aboutir en pratique à des résultats choquants.

Tel est le cas quand il y avait eu aide ou provocation à la commission d’une infraction, mais qu’ils n’ont pas été suivis des faits. Au final, il n’y a ni infraction consommée, ni tentée.

Hypothèse que l’on trouve dans les arrêts du 25 octobre 1962, Lacour et Shieb/Benamar. La chambre criminelle a conclu qu’il y avait impossibilité de punir un médecin qui a engager un tueur à gage pour tuer sa femme, ce dernier ayant pris l’argent mais sans rien faire. On ne peut pas réprimer l’instigateur en tant que complice. À défaut d’un texte formel, la provocation non suivie des faits n’est pas punissable au titre de la complicité.

Le législateur a estimé opportun d’intervenir dans certains cas pour réprimer la complicité, même si la provocation n’a pas été suivie des faits. Par exemple provocation de mineur à commettre des crimes et des délits.

De façon paradoxale, l’hypothèse de cette jurisprudence est restée très longtemps imprévue. Il a fallu attendre la loi Perben 2 du 9 mars 04, pour que cette provocation non suivie des faits soit incriminée dans le nouvel article 221 – 5 – 1. le fait de faire à une personne, des offres ou des promesses, ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconque, afin qu’elle commette un assassinat ou un empoisonnement, ce fait ni commis, ni tenté, est punie de 10 ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

Ce fait principal doit être punissable.

 

  1. Le caractère punissable du fait principal.

 

Le complice ne sera pas punissable si le fait principal ne l’est pas. Le caractère punissable du fait principal est une condition nécessaire et suffisante de la répression du complice.

 

  1. Les conditions nécessaires.

 

En tant que condition nécessaire, le caractère punissable exige que ce fait puisse être objectivement sanctionné. Or il s’avère que ce fait principal ne peut pas être objectivement sanctionné. Il se peut que la participation de l’auteur principal à l’infraction ne soit pas suffisamment établie. Il se peut que l’auteur du fait principal bénéficie d’une cause objective d’irresponsabilité pénale, ce qu’on appelait un fait justificatif sous l’ancien code, et cette cause fait disparaître l’infraction. C’est le cas quand l’auteur principal a accompli l’infraction, dans le cas d’une légitime défense, en situation d’état de nécessité ou en obéissant aux ordres de la loi.

Lorsque l’auteur principal bénéficie d’une immunité telle que l’immunité familiale. Elle est prévue par l’article 311 – 12 du Code pénal. C’est sur cette base que l’on dit qu’il n’y a pas de vol entre époux.

Il y a des circonstances ou le fait principal n’est plus punissable. Par exemple quand il y a eu abrogation de la loi pénale (adultère), le fait principal n’est plus punissable parce que l’action publique est prescrite, quand l’auteur bénéficie d’une amnistie à caractère réel. Dans tous ces cas, l’auteur principal ne peut pas être puni et le complice non plus.

Cette solution jurisprudentielle semble avoir été remise en cause à partir d’un arrêt de la chambre criminelle du 8 janvier 2003, présenté comme un revirement de jurisprudence.

C’est une affaire de trafic de drogue.

L’exécutant avait été poursuivi comme auteur matériel, l’instigateur qui avait l’exécutant en rapport avec le fournisseur de stupéfiant avait été poursuivi comme complice, mais les juges du fond ont relaxé l’auteur principal, l’auteur matériel pour défaut d’élément moral, mais elle avait néanmoins condamné le complice aux motifs que lui savait ce qui était transporté. Le complice, dans son pourvoi, invoquait la jurisprudence traditionnelle, pas de complice si l’auteur principal n’est pas punissable. La chambre criminelle a rejeté le pouvoir aux motifs la relaxe en faveur de l’auteur principal n’exclut pas la culpabilité d’un complice dès lors que l’existence d’un fait principal punissable ait été constatée par la cour d’appel. Cette solution de 2003 est défendue par quelques auteurs. Cette solution est très largement critiquée au regard du respect du principe de légalité. Si l’auteur ne réalise pas lui-même tous les éléments constitutifs de l’infraction il n’y a pas infraction principale et donc il n’y a pas de complicité punissable. Depuis la jurisprudence est contrastée, puisque successivement a rendu le 18 juin 03 un arrêt qui reprend la solution traditionnelle, mais l’année suivante la chambre criminelle dans un arrêt du 15 décembre 2004 a réaffirmé la nouvelle jurisprudence, même si c’est dans un domaine particulier, le droit fiscal.

Ce revirement est contestable puisqu’il aboutit à réprimer la complicité à titre autonome, indépendamment de l’action principale, et en l’absence de texte permettant de considérer l’instigateur comme un auteur à part entière.

 

  1. Une condition suffisante.

 

On veut dire par là, qu’il n’est pas exigé que l’auteur du fait principal soit effectivement puni pour que le complice soit punissable. Dès lors peu importe que l’auteur principal échappe pour des raisons personnelles à la répression, si le fait principal est objectivement punissable, le complice pourra être puni. Ces raisons personnelles qui permettent à l’auteur principal d’échapper à la répression effective peuvent être des circonstances de fait ou des circonstances de droit.

Ces circonstances peuvent aussi être des circonstances de droit.

L’auteur peut bénéficier d’une cause subjective d’irresponsabilité pénale, c’est-à-dire qu’il a agi sous l’empire de la contrainte (122 – 2) ou sous l’empire de la démence (art 122 – 1) ou qu’il était mineur (art 122 – 8). Il peut ne pas engager sa responsabilité.

S’il a commis l’infraction mais qu’il a bénéficié d’une grâce ou d’une amnistie, peut importe ces circonstances de fait ou de droit, le complice pourra être réprimé, il suffit que le fait principal soit objectivement punissable.

 

 

2 § Les éléments matériels de la complicité.

 

Ces deux grandes formes de la complicité se trouvent dans l’article 121 – 7.

L’alinéa 1 est consacré à la complicité par aide ou assistance, c’est la complicité par collaboration. L’alinéa 2 est consacré à la complicité par provocation ou par instruction donnée, c’est la complicité par instigation. Si l’une de ces deux formes de complicité n’est pas entièrement caractérisée, la responsabilité pénale du complice ne peut pas être retenue.

 

  1. La complicité par aide ou assistance.

 

Cette complicité prend la forme d’une collaboration du complice à l’activité de l’auteur principal. Le code exige que cette collaboration réponde à certains caractères et certaines formes.

 

  1. Les caractères de la collaboration du complice.

 

Traditionnellement on dit que l’acte de collaboration doit être un acte positif, antérieur ou concomitant à l’acte de l’auteur principal.

Le plus souvent le complice apporte une participation positive à l’activité de l’auteur principal, ce qui fait qu’on en a déduit qu’il n’y avait pas de complicité par abstention. Cette solution a été posée de façon traditionnelle par la jurisprudence à la fin du 19e et au début du 20e, la jurisprudence considérant que ceux qui ne font qu’assister de façon passive à la commission d’une infraction ne peuvent pas être considéré comme des complices de cette infraction car ils n’ont eu aucun rôle actif. Solution posée par la chambre criminelle dans un arrêt du 30 novembre 1810, et peut aboutir à des résultats moralement choquants, dans un arrêt du 15 janvier 1948.

Cela peut expliquer qu’à l’époque contemporaine, la loi et la jurisprudence ont facilement accepté de réprimer la complicité par abstention. Le législateur a parfois érigé en infraction autonome, un certain nombre d’omissions et d’abstentions fautives. Est alors non plus complice, mais auteur, celui qui laisse faire, qui laisse commettre l’infraction, par exemple dans l’article 423 – 10, où est incriminé comme auteur celui qui ne s’oppose pas à l’infraction, article 223 – 6 al 1.

Dès lors, la jurisprudence constate que des individus ont été passifs, alors qu’ils ont joué un rôle déterminant dans la commission de l’infraction.

Elle le fait lorsque l’entente préalable a déterminé le caractère passif d’un des complices.

Par exemple en matière de tapage nocturne, on peut considérer que la personne qui laisse se dérouler le tapage, alors qu’elle a le pouvoir d’y mettre un terme, se rend complice par abstention.

On trouve aussi cette tendance dans le droits des affaires, avec la complicité d’un banquier ou d’un expert-comptable.

La jurisprudence s’oriente aussi vers la sanction du complice, avec la présence d’une attention participative, la présence du complice, même passive peut être considérée comme un encouragement à son attitude. Par exemple dans un arrêt du 2à janvier 92 la jurisprudence l’a retenu en matière de complicité de violences volontaires, à l’encontre d’individus qui par leur simple présence et, par leur nombre, les victimes s’étaient retrouvées en nombre inférieur et les tiers avaient été dissuadés d’intervenir. Si le comportement du complice en lui-même n’est pas positif, sa conséquence constitue bien une aide pour l’auteur principal, au sens de l’article 121 – 7 al 1.

 

  1. Un antérieur ou concomitant.

 

Le principe résulte des termes mêmes employés par l’article 121 – 7 al 1. Le complice doit avoir facilité la préparation ou la consommation du crime ou du délit. Si on parle de consommation, l’acte du complice doit avoir été concomitant à l’acte de l’auteur principal. Normalement des agissements postérieurs ne sont pas punissables au titre de la complicité.

Ce principe est attaqué par le législateur et la jurisprudence.

La jurisprudence, réprime l’acte postérieur du complice dès lors qu’il résultât d’un accord antérieur à la commission de l’infraction. Par exemple si le complice s’est entendu avec l’auteur d’un cambriolage pour faciliter sa fuite. Arrêt du 1er décembre 1998.

 

Il arrive au législateur d’érigé l’aide à l’auteur de l’infraction en infraction autonome. C’est le cas lors des infractions de conséquences, comme le recel et le blanchiment.

Jusqu’à 1915, le receleur était considéré comme un complice, mais le législateur a considéré que le receleur faisant le voleur, il est considéré comme l’auteur d’une infraction distincte de l’infraction principale. Cela permet une répression plus sévère que la complicité.

Le blanchiment, c’est le fait de faciliter par tout moyen la justification mensongère de l’origine de biens ou de revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit.

 

  1. Les formes de la collaboration du complice.

 

Ce sont l’aide ou l’assistance.

 

   L’aide.

 On peut inclure dans l’aide la fourniture de moyen par le complice de l’auteur principal, qui était visé avant par l’article 60 al 2 de l’ancien Code pénal.

La jurisprudence antérieure sur la fourniture de moyen conserve dès lors sa valeur, sa pertinence. La fourniture de moyen peut être la fourniture d’un bien, le plus souvent mobilier. Le bien fournit peut-être un immeuble, c’est le cas quand le complice met un bien immobilier à la disposition de l’auteur principal, pour que celle-ci y soit exécutée.

 

   L’assistance.

 Elle suppose la présence du complice sur les lieux et donc elle permet à l’auteur principal de se sentir soutenue, assisté.

Cette aide ou assistance est apportée directement par le complice à l’auteur principal, mais la jurisprudence accepte aussi de réprimer l’aide indirecte.

L’aide ou l’assistance apportée en connaissance de cause, même par l’intermédiaire d’un tiers, constitue la complicité punissable.

 

  1. La complicité par provocation ou instruction.

 

On l’appelle la complicité par instigation parce que l’instigateur est à l’origine de l’infraction principale, parce que, soit il l’a provoqué, soit il donne des instructions pour la commettre.

 

  1. Les caractères exigés de l’instigation.

 

Il est évident que la complicité consiste en un acte positif antérieur ou concomitant à celui qui commet l’infraction principale.

On exige que la complicité ait un caractère personnel et précis. Il faut donc que la provocation ou la fourniture d’instruction soient personnelles, c’est-à-dire adressées à une personne ou un groupe de personnes déterminé.

Il n’y a pas de complicité si elles sont adressées au public en général. Certaines provocations sont spécifiquement incriminées par le législateur.

Il faut que la provocation ou la fourniture d’instruction soit suffisamment précise et directe. Elles doivent donc être en rapport avec une infraction donnée. Les instructions données doivent par ailleurs être utilisable par l’auteur principal. Elles doivent lui servir à quelque chose. Si ce sont de simples indications vagues et générales il n’y aura pas complicité punissable.

 

  1. Les formes de la complicité.

 

La provocation.

C’est le fait d’inciter une personne à commettre une infraction, le fait de lui inspirer une infraction. En l’absence de texte, faisant de l’instigateur, un auteur à part entière, il est considéré comme un complice.  L’alinéa 2 exige alors que cette provocation ait été effectuée par certains moyens, qu’elle ait été accompagnée de certains procédés qui sont énumérés par le texte et qu’on appelle des adminicules. La provocation doit avoir été effectuée par don, par promesse, par menace, par ordre, par abus d’autorité ou de pouvoir.

Cette autorité et ce pouvoir peuvent être légaux.

Cette autorité ou ce pouvoir peuvent être de nature morale, comme l’autorité morale d’un leader syndical. À défaut d’autorité, il n’y a pas complicité par provocation. Cette énumération est limitative, il faut donc en caractériser au moins un, le cas échéant il n’y a pas complicité par provocation.

 

La fourniture d’instruction.

Fournir des instructions, c’est donné des renseignements, des informations, nécessaires à la commission de l’infraction principale.

Les instructions données doivent présenter une utilité pour l’auteur principal. Logiquement, on devrait exiger que l’auteur principal ce soit servi de ces informations mais la jurisprudence retient la complicité même si l’auteur principal n’a pas utilisé ces informations, ou en a utilisés d’autres. La jurisprudence réprime le complice même lorsque le moyen recommandé par le complice s’est révélé inefficace.

À la différence de la complicité par provocation, bien que le texte soit mal rédigé sur ce point, la présence d’un des cinq adminicules n’est pas ici nécessaire.

 

 

3§ L’élément moral de la complicité.

 

            L’exigence de cet élément moral résulte du fait que l’alinéa 1 de l’art 121 – 7, dit que la complicité par aide ou assistance doit avoir été apportée sciemment. L’alinéa 2 concerne l’application d’une infraction et de la fourniture d’instruction pour commettre l’infraction.

Cet élément moral c’est le caractère intentionnel de la participation du complice, dès lors, il fau que le complice ait eu conscience du caractère licite, infractionnel, des actes de l’auteur principal. Il faut ensuite qu’il ait eu néanmoins la volonté de s’associer à cette infraction. Bien sûr la charge de la preuve pèse sur le ministère public et donc cette intention devait exister au moment de la provocation.

Il se peut que l’élément moral n’ait pas existé. On peut en toute bonne foi fournir une aide ou une assistance sans savoir que cela va être pour commettre une infraction.

On n’est pas complice par simple imprudence, simple négligence. Cette intention du complice pose deux difficultés.

Peut-on être complice d’une infraction non intentionnelle ?

Que fait-on lorsqu’il y a discordance entre intention du complice et l’infraction qui a été effectivement réalisée.

 

  1. La complicité d’une infraction non intentionnelle.

 

Peut-on être complice d’une infraction non intentionnelle commise par l’auteur principal. Le complice ne peut pas avoir voulu participer à ce qu’il n’a pas pu prévoir. L’imprudence, la non-intention, exclue l’entente nécessaire entre l’auteur principal et le complice.

 

  1. La distinction jurisprudentielle.

 

La jurisprudence est double.

Elle a d’abord posé le principe que la complicité est incompatible avec les infractions non intentionnelles dans la mesure où les principes de la complicité sont d’ordre général.

Néanmoins la jurisprudence préfère utiliser la coaction plutôt que la complicité. Elle considère l’intéressé comme un coauteur.

Arrêt 12 avril 1930, la chambre criminelle a considéré comme coauteur d’homicide involontaire celui qui prête en connaissance de cause un véhicule à une personne sans permis.

Arrêt 4 octobre 56, un employeur a donné l’ordre à son chauffeur alors que le camion n’est pas conforme et que le trajet est trop long. Le chauffeur cause un accident. Il est l’auteur principal du délit de blessures ou d’homicides involontaires, mais la cour d’appel avait déclaré les deux supérieurs complices de ce délit non intentionnel. Les deux ont formé un pourvoi, la chambre criminelle n’a pas cassé l’arrêt, mais par substitution de motifs les a considérés comme coauteur de l’acte et leur a appliqué la théorie de la peine justifiée.

Ces arrêts ne doivent pas être interprétés comme une indisponibilité d’appliquer les règles de la complicité aux infractions non intentionnelles, rien dans les textes ne l’interdit, simplement la jurisprudence estime que la coaction est un fondement moins compliquer, mieux adapter aux infractions non intentionnelles.

Les fautes non intentionnelles se sont considérablement diversifiées. En l’état de cette diversification, certaines de ces fautes permettent de faire une place à la complicité.

 

La distinction doctrinale.

 

La doctrine souligne qu’il ne faut pas confondre l’élément moral du complice et l’élément moral de l’infraction commise par l’auteur principal. Dire que la complicité est intentionnelle ne signifie pas que l’auteur principal doit nécessairement avoir commis une infraction intentionnelle. Le complice ne s’est peut-être pas intentionnellement associé aux résultats de l’auteur principal. Mais le complice s’est peut-être intentionnellement associé à l’acte qui a permis ce résultat.

Il faut distinguer de l’infraction intentionnelle commise par l’auteur principal.

La complicité commise par instigation est réprimée. En dehors de ces infractions matérielles il faut distinguer suivant qu’on est en présence d’une imprudence consciente et d’une imprudence inconsciente. C’est la faute de mise en danger délibérée.

Cette dimension consciente permet de retenir cette complicité. La jurisprudence a suivie dans un arrêt de la chambre criminelle du 6 juin 00, ou la chambre criminelle a accepté de retenir la complicité du risque causé à autrui de l’article 223 – 1 du Code pénal.

Il y a une dimension d’imprudence consciente dans cette faute caractérisée. On ne peut pas dire que la complicité est incompatible avec les intentions non intentionnelles.

 

  1. L’adéquation entre l’intention du complice et l’infraction commise par l’auteur principal.

 

Le plus souvent l’auteur principal a réalisé l’infraction avec la même intention que celle du complice, on applique la règle de l’emprunt de criminalité.

 Peut-on toujours parler d’emprunt de criminalité lorsqu’il y a discordance entre les deux et surtout si l’infraction accomplie par l’auteur principal est plus grave que celle à laquelle le complice avait voulu s’associer.

On distingue trois degrés de discordances :

          La discordance est totale, le complice ne sera pas punissable, c’est le cas quand l’infraction réalisée reçoit une qualification différente de celle qui avait été projetée par le complice.

          La discordance est partielle, la complicité reste punissable, la qualification de l’infraction n’a pas été fondamentalement modifiée. Le complice sera punissable et on lui appliquera les circonstances aggravantes réelles et mixtes, même s’il ne les avait pas voulus. Le complice devait prévoir toutes les qualifications dont le fait été susceptible, toutes les circonstances dont il pouvait être dégagé.

          Si le complice était prêt à s’associer à n’importe quelle infraction. Il sera responsable de toute infraction effectivement commise par l’auteur principal.

 

 

Section 2 : La répression du complice.

 

La répression de la complicité est édictée à l’article 121 – 6 du Code pénal d’après lequel sera puni comme coauteur le complice de l’infraction au sens de l’article 121. Cet article évite par rapport à l’ancien code, une répression modifiée puisqu’il assimile le complice non pas à l’auteur principal mais à un auteur.

 

1§ Le principe d’assimilation du complice à un auteur.

 

Sous l’empire de l’ancien code, l’article 59 soumettait la répression du complice au système de l’emprunt de pénalité. En effet, les complices étaient punis de la même peine que les auteurs du crime ou du délit commis.

Ce système de l’emprunt de pénalité complétait l’emprunt de criminalité du complice. Et l’emprunt de criminalité portait sur la peine encourue et le complice encourait la même peine que l’auteur principal. En pratique, le juge pouvait très bien prononcer des peines différentes pour les deux. L’article 121 – 6 actuel édicte un principe de répression différent. Le texte ne dit pas que le complice sera puni comme l’auteur principal de l’infraction.

Le texte dit que le complice sera puni comme un auteur, c’est-à-dire comme si l’était lui-même auteur principal de l’infraction.

Il se peut qu’une personne physique et morale soit auteur et complice d’une infraction.

La personne physique ou morale complice sera réprimée comme si elle avait été elle-même auteur de l’infraction.

Le juge pourra en vertu de son pouvoir d’individualisation, adapter les peines à l’encontre du complice de l’auteur principal. Ce nouveau principe de répression entraîne à titre de conséquences certaines modifications par rapport au droit antérieur.

 

2§ Les conséquences du principe d’assimilation du complice à un auteur.

 

Ces conséquences concernent des hypothèses particulières de commission, soit de l’acte de l’auteur principal, soit de l’acte du complice.

L’auteur est poursuivi sur la base d’un texte d’incrimination qui exige une qualité spécifiée.

Peut-on punir le complice en l’assimilant à un auteur lorsque lui est dépourvu de cette qualité spécifiée.

Il se peut que l’acte commis par l’auteur principal et le complice ait été assorti de certaines causes d’aggravations ou d’atténuations de la répression. Va-t-on appliquer aux complices les causes d’aggravations de l’auteur.

 

  1. Principe d’assimilation et qualité spécifiée de l’auteur.

 

Le texte d’incrimination prévoit que cette infraction ne peut être commise que par un auteur pourvu d’une qualité, d’une fonction particulière.

La question qui se pose est de savoir si le complice peut être puni alors qu’étant lui dépourvu de cette qualité ou de cette fonction spécifiée, il ne pourrait pas commettre cette infraction en tant qu’auteur. Par exemple toutes les infractions qui ne peuvent être commises par les chargés de services publics, ou encore l’abus de biens sociaux ne peut être commis que par des dirigeants de société.

Une personne qui n’est pas dirigeante peut être, elle punit de complicité de ces infractions. Sous l’ancien Code pénal, c’était possible, puisque le complice était puni comme auteur principal. La chambre criminelle dans un arrêt du 13 mars 1936 avait dit que la circonstance de la qualité personnelle de l’infraction est un élément constitutif et personnel de celle-ci, n’exclut en rien la complicité du tiers. Le complice étant assimilé à un auteur, certains auteurs, ont soutenus que cette solution ne pouvait plus jouer néanmoins, la cour de cassation a maintenue la solution antérieure, la complice peut être punie, et la question qui se pose c’est si se complice pourra ou non se voir appliquer certaines circonstances qui sont liées à la qualité de l’auteur principal.

 

  1. Principe d’assimilation et cause d’aggravation ou d’atténuation de la peine de l’auteur principal.

 

Faut-il tenir compte de l’aggravation ou de l’atténuation de la peine qui frappe l’auteur principal. Tout dépend de la nature de ces causes, elles peuvent être des causes réelles ou objectives, elles peuvent être des causes personnelles ou subjectives, ou encore des causes mixtes.

 

 

  1. Les circonstances réelles.

 

Elles tiennent à l’infraction elle-même. Elles résultent de la façon dont l’acte principal a été matériellement commis. C’est le cas de nombreuses circonstances aggravantes réelles en matière de vol. Le vol peut être commis par effraction, en bande organisée… Dès lors le complice est puni comme s’il était auteur lui-même de l’infraction telle qu’elle a été matériellement réalisée. Le complice encours lui aussi des peines aggravées. On a vu selon la jurisprudence, même quand le complice a ignoré ces circonstances qu’il ne les a pas voulues.

 

  1. Les circonstances personnelles.

 

Les circonstances ne sont pas liées à l’infraction mais à l’auteur principal. Elles peuvent jouer dans le sens de l’aggravation. Il y a aggravation de la peine quand l’auteur est un récidiviste.

C’est le cas quand l’auteur est un mineur, puisque ces circonstances sont propres à l’auteur principal, elle n’affecte pas le complice, il ne peut pas se les voir appliquer. Il n’est pas lui récidiviste ou mineur.

 

  1. Les circonstances mixtes.

 

Elles sont mi-réelles et mi-personnelles. Ces circonstances mixtes trouvent leur cause, leur origine, dans la personne de l’auteur, mais produisent sur la manière dont l’acte ou l’infraction a été réalisé. Par exemple la préméditation ou la qualité d’ascendant ou de descendant par rapport à la victime.

Si la circonstance mixte tient à l’auteur principal, sous l’empire de l’ancien code pénal, la jurisprudence étendait alors les circonstances mixtes au complice sur le fondement de l’emprunt de pénalité. Par exemple, le complice d’un parricide encourait la peine capitale s’il avait été le complice du fils de la victime, il encourait l’aggravation même s’il n’en était pas lui-même le descendant.

La jurisprudence faisait de même à l’égard du coauteur. C’est-à-dire qu’en application de la théorie de la complicité cor respective, elle l’appliquait au complice. Logiquement il aurait dû encourir la réclusion criminelle à perpétuité. Dans un arrêt de la chambre criminelle du 15 juin 60, elle considérait que le coauteur était nécessairement un complice. La suppression de la peine de mort en 81 a grandement diminué l’intérêt de cette théorie. Aujourd’hui, du fait de la modification, la question de l’application de la circonstance mixte a suscité une controverse chez certains auteurs, ils ont soutenu que l’emprunt de criminalité n’avait pas été remis en cause et que donc le complice devait se voir appliquer la circonstance mixte tenant à l’auteur principal.

Pour d’autres auteurs, la modification de l’emprunt de pénalité conduirait à décider que les circonstances mixtes ne s’appliquent plus au complice, si bien que pour eux, le tiers complice d’un meurtre commis par le fils de la victime, encourait non pas la réclusion criminelle à perpétuité, mais simplement le meurtre simple. La solution serait la même pour le complice de violence conjugale, c’est-à-dire pour le tiers qui aide le mari ou le concubin qui aide à taper sa femme. Cette dernière opinion vient d’être démentie par un arrêt du 7 sept 2005, la jurisprudence a repris la solution antérieure, c’est-à-dire l’application au complice, l’extension au complice, des circonstances mixtes tenant à l’auteur principal. Sont applicables au complice les circonstances aggravantes liées à la qualité de l’auteur principal, en l’espèce c’était un tiers qui était complice d’un notaire, auteur d’un faux en écriture publique.

 

La circonstance mixte tient au complice.

 

Selon certains auteurs il y aurait modification de la jurisprudence.

 

Sous l’ancien Code pénal, supposons que le fils de la victime ait été complice du meurtre de son père qu’il a fait exécuter par un tiers. Dans ce cas, la jurisprudence considérait que le fils de la victime était complice de meurtre, et donc la jurisprudence préférait le considérer comme un coauteur ce qui permettait de lui appliquer le parricide. Depuis le nouveau code, on n’a pas de jurisprudence précise sur ce cas, mais on pense que le complice pourrait voir sa peine aggravée par une circonstance qui lui est propre, sans que cette aggravation s’applique forcément à l’auteur principal.

 

Titre 2 : les règles particulières d’imputation de la responsabilité pénale aux personnes.

 

Chapitre I : L’imputation de la responsabilité pénale aux personnes physiques.

 

La responsabilité pénale des chefs d’entreprises.

 

Cette responsabilité a une importance évidente, notamment quand est survenu un accident du travail dans l’entreprise. Elle a aussi une importance théorique certaine, dans la mesure où elle continue à engendrer une controverse doctrinale. Comme la responsabilité pénale est engagée pour un acte commis par un de ses préposés, acte qu’il ignorait, certains auteurs soutiennent que l’on serait en présence d’une hypothèse de responsabilité du fait d’autrui. C’est critiquable au regard de l’article 121 – 1 du Code pénal, qui est le caractère personnel de la responsabilité pénale. En réalité, la responsabilité pénale du chef d’entreprise est une application, complexe, de la responsabilité pénale individuelle.

 

Section 1 : Le domaine de la responsabilité pénale dite du fait d’autrui, donc du chef d’entreprise.

 

On peut délimiter ce domaine.

 

1§ Détermination négative du domaine de cette responsabilité.

 

  1. Exclusion des cas de responsabilité personnelle directe des dirigeants.

 

Bien souvent, la responsabilité pénale des dirigeants d’entreprise est une responsabilité personnelle au titre d’infraction qu’ils peuvent commettre dans la direction de l’entreprise. Dans ce cas les dirigeants commettent personnellement tous les éléments constitutifs de l’infraction, élément matériel et moral, et ils en seront déclarés responsables, en tant qu’auteur et en tant que complice. C’est ce qui se passe pour de nombreuses infractions de droits commun prévus par le droit pénal. Un chef d’entreprise peut commettre une escroquerie, un abus de confiance (314 – 1), un faux ou usage de faux (341 – 1). Par ailleurs les dirigeants d’entreprises sont concernés par les infractions relevant du droit pénal des affaires, notamment le droit pénal des sociétés. L’incrimination la plus connue est l’abus de bien sociaux prévu par l’article L 241 – 3 quatrièmement du code de commerce. Ce texte s’applique aux dirigeants de certaine société, et ils s’appliquent aux dirigeants qui auront fait des biens ou du crédit de la société un usage qu’il savait contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés. Cette infraction est commise dans tous les éléments par le chef d’entreprise.

 

  1. Exclusion des atteintes aux principes de la personnalité des peines.

 

Il n’y a pas responsabilité du fait d’autrui, il y a atteinte au principe de personnalité des peines. Deux illustrations.

 

  1. Dans le droit du travail.

 

Le texte prévoit que lorsqu’un manquement aux règles d’hygiène et de sécurité à provoquer un incident corporel, le tribunal peut compte tenu des circonstances de fait et des conditions de travail de l’intéressé, décider que le paiement des amendes prononcer et des frais de justice sera mis en totalité ou en partie à la charge de l’employeur.

 

  1. Dans le droit de la circulation routière.

 

Article L 121 – 1 al 2 du code de la route. Le tribunal peut pareillement mettre à la charge de l’employeur le paiement des amendes relatives aux infractions commises par un préposé dans la conduite d’un véhicule. Dans ces deux cas il y a atteinte au principe de la personnalité des peines. Le paiement de l’amende, l’exécution de la sanction pénale est reportée sur un tiers. Il n’y a pas responsabilité pénale du fait d’autrui. Dans ces hypothèses, l’employeur n’est ni auteur ni coauteur, ni complice, il n’est pas condamné pénalement. On lui fait supporter la charge financière des amendes et des frais de justice.

 

  Détermination positive du domaine de la responsabilité pénale.

 

Ce sont la loi et la jurisprudence qui attribue cette responsabilité pénale aux dirigeants en leur qualité de chef d’entreprise.

 

De nombreux textes désignent comme responsable de l’infraction l’employeur, le dirigeant de droit ou de fait, la personne qui est en charge de la direction, de la gestion ou de l’administration de l’entreprise. Dans tous ces cas, c’est le chef d’entreprise qui est visé. Ces textes qui instituent une responsabilité pénale du fait d’autrui, on les trouve dans les domaines les plus divers mais deux textes méritent de retenir plus particulièrement l’attention en raison de l’importance de leur champ d’application.

 

  1. Les infractions commises par la voie de la communication.

 

Cela concerne la presse écrite ou la presse audiovisuelle. Dans ce domaine, en application de la vieille loi de 1881, sur la liberté de la presse, et en application de la loi du 29 juillet 82, sur la communication audiovisuelle, joue une responsabilité en cascade. En effet pour ces infractions, l’auteur prioritairement désigné est le directeur de publication. C’est la personne qui est chargée de décider ou nom un article ou une émission. Mais ces textes prévoient une cascade de responsabilité, c’est-à-dire à défaut de publication, l’auteur de l’article, à défaut l’imprimeur ou le producteur, à défaut les vendeurs…Cette responsabilité pénale en cascade a connu une double évolution ces dernières années, pour l’adapter à l’évolution du monde contemporain.

Une première évolution porte sur ces infractions concernées par ce mécanisme. Au départ cette responsabilité ne concernait que les délits prévus par la loi de 1881.

Le nouveau Code pénal a étendu ce mécanisme à de nombreuses infractions qu’il édicte, comme la provocation au suicide par voie de presse, la publication qui porte atteinte à la représentation de la personne, les provocations de mineurs. Le législateur a précisé que lorsque le délit a été commis par la voie de la presse écrite ou audio visuelle les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.

 

Les infractions commises sur internet.

 

Une loi du 23 juin 2004, loi pour la confiance dans l’économie numérique est venue prévoir dans son article 6 – 3 un régime spécifique de responsabilité pénale pour les hébergeurs. Ils peuvent voir en raison des informations stockées s’ils n’ont pas connaissance des informations ou activités illicite, que s’ils ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible dès le moment ou ils en ont eu connaissance.

 

L’hygiène et la sécurité du travail dans l’entreprise, article L 263 – 2.

 

D’après ce texte les chefs d’établissement directeurs gérants qui par leur faute personnelle ont enfreins ces dispositions sont punis d’une amende. Ces dispositions sont importantes car le manquement à l’hygiène et à la sécurité du travail a provoqué un accident du travail et donc un délit d’homicide ou de blessures involontaires.

L’amende peut être appliquée autant de fois qu’il y avait de salariés de l’entreprise concernés par l’infraction.

 

  1. L’attribution de la responsabilité pénale par la jurisprudence.

 

Cette attribution s’est faite à partir de la seconde moitié du 19e. À cette époque la jurisprudence rappelait le principe selon lequel nul n’est punissable qu’en raison de son fait personnel. Mais parallèlement elle affirmait que la responsabilité pénale peut naître du fait d’autrui dans les cas exceptionnels ou certaines obligations légales imposent le devoir d’exercer une action directe sur les faits d’un auxiliaire ou d’un subordonné.

On dit alors que l’infraction, qui a été commise par un préposé, fait remonter la responsabilité pénale au chef d’entreprise. C’est la formule que l’on trouve dans un arrêt de la chambre criminelle du 28 février 1956. Aujourd’hui cette responsabilité pénale du fait d’autrui est retenue par la jurisprudence, essentiellement dans deux grandes séries d’hypothèses. Tout d’abord elle l’applique quand il y a eu violation de la réglementation spéciale de l’entreprise.

 

 

Section 2 : Les conditions d’engagement de cette responsabilité pénale dite du fait d’autrui.

 

 

La condition relative au préposé, il faut qu’une infraction ait été commise par préposé.

 

Le chef d’entreprise va être déclaré pénalement responsable des infractions pénalement commises par ses préposés, c’est-à-dire par les personnes qui sont placées sous son autorité, les salariés.

À la base de la responsabilité pénale du chef d’entreprise, il faut trouver une infraction dont le préposé est l’auteur matériel.

Cette infraction est une infraction de commission, mais c’est aussi une infraction d’omission dans l’entreprise.

L’infraction commise par le préposé peut être une infraction matérielle. Cette infraction peut être ensuite une infraction non intentionnelle, et bien sûr un délit d’homicide ou de délit commis par imprudence.

Le préposé, la plupart du temps, sera retenu dans le cadre d’un lien de causalité directe. Il est auteur direct. Pour lui, il suffit d’une faute simple, une faute ordinaire. Le chef d’entreprise lui apparaît quasiment toujours comme lié par un lien de causalité indirect, avec le dommage. Pour retenir sa responsabilité pénale, il faut établir une faute pénale qualifiée, soit une faute délibérée, soit une faute caractérisée. Pour autant l’application de la loi fauchon n’a pas diminué la répression dans l’entreprise. En effet, ponctuellement, la jurisprudence a retenu la faute délibérée du chef d’entreprise, elle l’a fait dans deux arrêts du 12 sept 2000 et du 6 janvier 2004. Un salarié était mort dans une tranchée qui n’était pas protégée. L’arrêt a considéré que le fait d’avoir laissé le matériel de protection au dépôt constituait pour le gérant de la société une faute délibérée. Mais encore plus fréquemment, la jurisprudence depuis 2000, retiens la responsabilité pénale du chef d’entreprise sur le fondement de la faute caractérisée donc il n’y a pas eu d’affaiblissement de la répression en droit pénal du travail.

 

Peut-il s’agir d’une infraction intentionnelle. Peut-on imputer au chef d’entreprise, au dirigeant, une infraction intentionnelle, commise par son préposé. Cela semble difficile, car l’intention n’a existé que pour le subordonné. Il paraît difficile de faire assumer à l’employeur, en raison de sa négligence une infraction intentionnelle commise par son subordonné. Pourtant quelques décisions très critiquées l’avaient admis sous l’empire de l’ancien Code pénal. C’est ce qui s’était passé en matière de tromperie, dans un arrêt du 2 novembre 63, et en matière de pollution, 28 février 1956. Aujourd’hui sous l’empire du nouveau Code pénal la réponse est différente. Nous savons que le nouveau Code pénal a supprimé ce qu’on appelait les délits matériels. Ces délits matériels ont souvent été transformés par la jurisprudence en pseudo délits intentionnels. Pour ces délits, la seule constatation de la violation en connaissance de cause de la prescription suffit à caractériser l’intention. Pour ces délits, puisque l’intention est présumée il n’y a pas d’obstacle à les imputer au chef d’entreprise.

 

La charge que la loi et la jurisprudence imputent ainsi au chef d’entreprise est énorme. Le chef d’entreprise ne peut pas être partout, en tout lieu, à tout moment. La jurisprudence lui a permis de se dégager de cette charge, de cette responsabilité pénale, au moyen de la délégation de pouvoir. Dès lors ce qu’en l’absence de délégation de pouvoir que la responsabilité pénale peut être imputée au chef d’entreprise.

 

2§ L’absence de délégation de pouvoir.

 

Le meilleur moyen de défense pour le chef d’entreprise pour échapper à la responsabilité pénale que lui impute les textes et la jurisprudence. Ce meilleur moyen consiste à prouver l’existence d’une délégation de pouvoir.

Les conditions de validité de cette délégation résultent uniquement de la jurisprudence, le nouveau Code pénal n’a pas traité de cette délégation. Si le chef d’entreprise parvient à prouver cette délégation, c’est lui-même qui sera pénalement responsable à sa place de l’infraction commise par le préposé.

 

Les conditions et les effets de cette délégation de pouvoir.

 

  1. Le domaine de la délégation de pouvoir.

 

Pour quelles infractions la délégation de pouvoir peut être admise et peut permettre au chef d’entreprise d’échapper à sa responsabilité pénale. Aujourd’hui la délégation de pouvoir a en principe un domaine général.

 

  1. L’étendue de principe.

 

La délégation de pouvoir à un domaine d’élection, privilégié, qui est son domaine initial, celui dans lequel elle est apparue à savoir les infractions en matière d’hygiène et de sécurité du travail. Mais ce domaine privilégié n’est pas limitatif. À une époque la jurisprudence a refusé au chef d’entreprise, la possibilité d’invoquer la délégation de pouvoir en matière d’infraction économique. Ces infractions relevaient des fonctions de directions que le chef d’entreprise assume personnellement. Un revirement de jurisprudence est intervenu avec 4 arrêts du 11 mars 93, qui portait sur des infractions économiques (publicité mensongère, contre façon, achat sans facture, revente à perte). Depuis la jurisprudence décide que sauf si la loi en dispose autrement, le chef d’entreprise qui n’a pas personnellement pris part à la réalisation de l’infraction peut s’exonérer de sa responsabilité pénale, s’il rapporte la preuve d’une délégation de pouvoir. Le domaine de délégation de pouvoir est donc un domaine général.

 

  1. Les limites.

 

La formule a été depuis réaffirmée à plusieurs reprises. Le chef d’entreprises peut déléguer ses pouvoirs sous une double réserve. La première réserve c’est l’existence d’une disposition contraire de la loi. On peut considérer qu’il y a disposition contraire de la loi lorsqu’elle énumère de façon limitative et exclusive les personnes à qui l’infraction doit être imputée. Ces personnes ne peuvent alors se décharger de la responsabilité par une délégation de pouvoir. La chambre criminelle a eu l’occasion de dire qu’il en allait ainsi dans deux hypothèses.

C’est le cas pour les différents délits d’entrave au fonctionnement du comité d’entreprise, ou au fonctionnement du comité d’hygiène et de sécurité, parce que le code du travail, fait alors expressément peser sur le chef d’établissement l’obligation de consulter ce comité.

La chambre criminelle, a également décidée, dans un arrêt du 30 janvier 96 que le mécanisme de la délégation de pouvoir n’est pas concevable entre le chef d’une entreprise en difficulté, et l’administrateur judiciaire désigné par le tribunal.

La seconde limite, c’est la participation personnelle du chef d’entreprise à l’infraction. Il se peut que le chef d’entreprise, tout en ayant délégué ses pouvoirs, se soit mêlé de l’infraction et ait participé à l’infraction d’une façon ou d’une autre. La chambre criminelle, l’a jugé dans un arrêt du 19 octobre 1995, à propos d’un délit d’initié, et elle l’a jugé également dans un arrêt du 20 mai 2003.

 

  1. La délégation de pouvoir dans l’entreprise n’est pas soumise à une condition de forme mais à deux conditions de fond.

 

C’est une délégation du chef d’entreprise qui est le délégant.

 

  1. La condition relative au délégant.

 

Il faut que la demande de transfert effectif de pouvoir émane de l’entreprise. La jurisprudence a longtemps considéré qu’elle devait être d’une certaine taille pour que la délégation de pouvoir se justifie. Depuis le revirement de 1993, il n’est plus nécessaire que le chef d’entreprise démontre qu’il était dans l’incapacité de tout contrôler lui-même. À partir de là le transfert de pouvoir qu’opère le chef d’entreprise doit remplir trois caractères. Il doit choisir d’un transfert effectif et limité.

Le transfert effectif signifie que le délégataire doit bénéficier concrètement des moyens nécessaires pour veiller au respect de la réglementation.

Le transfert limité signifie qu’une délégation de pouvoir général et permanente n’est pas possible, de la part du chef d’entreprise. La délégation ne peut concerner qu’un secteur donné d’activité. Elle ne peut pas tout couvrir dans l’entreprise de façon permanente. Le transfert direct signifie que le délégué doit recevoir directement les pouvoirs transférés de celui qui les détient.

À cet égard la jurisprudence a admis la subdélégation, la super-délégation, mais elle a condamné la codélégation.

La subdélégation a été admise partir d’un arrêt du 10 février 1983, au motif qu’aucun texte ne l’interdit. Il n’est pas nécessaire que le premier délégant ait autorisé la subdélégation, mais il faut que le subdélégué dispose comme le délégué des moyens pour remplir sa mission. Arrêt Ch. Criminelle du 26 mai 94 a admis la super-délégation, car elle s’inscrivait dans un groupe de société. Le chef d’entreprise de la société-mère peut déléguer ses pouvoirs à une personne d’une société filiale.

En revanche la codélégation, donc la transmission de pouvoir à plusieurs personnes a l’exécution d’une même tache, a été condamnée par la chambre criminelle à deux reprises, 6 juin 89 et 23 novembre 2004. Elle a été condamnée au motif que le cumul de délégation est de nature à entraver les initiatives de chacun des délégataires.

 

    1. La position relative au bénéficiaire de la délégation.

 

La délégation doit bénéficier à un préposé pourvu de la compétence et investi de l’autorité nécessaire pour veiller au respect de la réglementation. Le délégué doit être une personne pourvue de certaines qualités. Cette personne, la plupart du temps c’est un salarié. Mais, cela peut être aussi quelqu’un d’extérieur de l’entreprise si le chef à autorité sur lui. Ce délégué doit alors posséder deux qualités.

D’abord l’autorité. Cette exigence d’autorité est une exigence de permanence et de stabilité dans l’exercice des pouvoirs délégués. Il doit avoir les moyens de se faire respecter et obéir.

La compétence est une notion double. C’est la potentialité d’empêcher l’infraction. La compétence, c’est aussi les aptitudes personnelles, les connaissances techniques du bénéficiaire de la délégation de pouvoir, elle exige une certaine qualification.

 

Il n’y a pas en revanche de conditions de formes spécifiques. La charge de la preuve de la délégation de pouvoir pèse sur celui qui l’invoque. Il doit prouver qu’existait une délégation certaine et antérieure à la commission de l’infraction.

Il n’est pas alors nécessaire que cette délégation résulte d’un écrit spécifique. Elle peut résulter de l’organigramme de l’entreprise, d’une note de service.

 

  1. Les effets de la délégation de pouvoir.

 

Tout dépend de savoir si cette délégation est efficace ou pas.

 

La délégation de pouvoir est valable.

 

Dans ce cas, le cumul de responsabilité pénal entre le dirigeant de l’entreprise et le délégué est exclu. La responsabilité est alternative. C’est ou l’un ou l’autre. La jurisprudence estime que le chef d’entreprise est exonéré de toute responsabilité pénale s’il a délégué ces pouvoirs légalement.

Elle est considérée par la jurisprudence et de nombreux auteurs comme une cause d’exonération. Il y a plutôt absence d’une condition d’engagement de la responsabilité pénale du chef d’entreprise.

 

Se trouve mise en jeu la responsabilité pénale du délégué ou du subdélégué pour les infractions commises ou matériellement commise pour les salariés sous son autorité.

 

La délégation de pouvoir était exclue absente ou non valable, inefficace.

 

La portée de la délégation de pouvoir relève du pouvoir d’appréciation souverain des juges du fond.

La chambre criminelle a affirmé dans un arrêt de 1998, que les juges du fond ne peuvent pas relaxer le chef d’entreprise sans rechercher s’il avait délégué ses pouvoirs.

Les juges du fond doivent aussi vérifier que la délégation de pouvoir invoquer s’appliquait bien au secteur d’activité dans lequel l’infraction a été commise.

Si la délégation de pouvoir est exclue, deux responsabilités pénales vont pouvoir être engagée.

La responsabilité pénale du chef d’entreprise mais aussi du préposé, auteur matériel de l’infraction qui a été constaté.

 

Le chef d’entreprise doit faire respecter la réglementation. De ce fait s’il est condamné le chef d’entreprise devra s’acquitter personnellement des amendes et n’aura pas la possibilité de faire supporter le poids de ces amendes par la personne morale. En effet dans le cas contraire, la chambre criminelle considère que le chef d’entreprise commettrait un abus de bien sociaux.

 

En théorie lorsque, faute de délégation, la responsabilité pénale du chef d’entreprise est engagée cela n’exclut pas la responsabilité pénale du salarié auteur matériel de l’infraction. C’est le cas dans l’hypothèse d’un accident du travail qui a entraîné un délit de blessure ou d’homicide involontaire.

Cette réponse appelle une comparaison avec la responsabilité civile du commettant.

Il y a sur ce point une différence importante entre la responsabilité pénale et la responsabilité civile. Au civil, depuis la jurisprudence COSTEDOAT, du 25 février 2000, le préposé qui n’a pas commis un abus de fonction n’engage plus sa responsabilité civile.

Seule la responsabilité civile du commettant est engagée. Au pénal le salarié, le préposé engage sa responsabilité pénale, et du même coup sa responsabilité civile au moins dans le cas d’une infraction intentionnelle. Un arrêt ultérieur de l’assemblée plénière, arrêt Cousin, du 14 décembre 2001, était venu dire que le préposé condamné pénalement pour une infraction intentionnelle ayant causé un dommage à un tiers, engageait sa responsabilité civile à l’égard de ce tiers.

La solution qui joue au pénal connaît une exception qui concerne l’hypothèse ou un manquement aux règles d’hygiène ou de sécurité du travail, n’a pas causé d’accident. Dans ce cas, la jurisprudence estime que la responsabilité pénale du préposé n’est pas engagée donc que l’infraction d’hygiène et de sécurité du travail ne peut pas lui être imputée car il s’agit de règles qui ont pour but de protéger les salariés. Le manquement ne sera imputé qu’au chef d’entreprise.

En pratique, les préposés échappent très largement à la répression pénale. Bien sûr, sur le fondement du pouvoir d’opportunité des poursuites qui appartient au parquet, au ministère public. On peut penser que l’exercice de la répression pénale à l’encontre des ouvriers et des employés pourrait les dissuader d’accepter certains postes de responsabilité dans l’entreprise et quand exceptionnellement ces salariés sont poursuivis, il arrive assez fréquemment qu’ils soient relaxés.

  

Section 3 : le fondement de cette responsabilité pénale du fait d’autrui du chef d’entreprise.

  

L’entrée en vigueur du nouveau Code pénale a conduit à réexaminer la justification qui était traditionnellement donnée à cette responsabilité pénale du chef d’entreprise.

 

1§ Sous l’ancien Code pénal.

  

Cette responsabilité était déjà à l’époque une responsabilité de caractère personnel.

 

  1. Quant à l’élément moral.

 

On a parfois tenté de justifier la responsabilité du chef d’entreprise par le fondement objectif du risque. Cette justification traditionnelle est plus adaptée à la responsabilité civile. Ce fondement est inadapté à la responsabilité pénale, parce que la responsabilité pénale est une responsabilité personnelle qui repose sur la faute individuelle, personnelle du délinquant.

Le dirigeant, le chef d’entreprise ne pourra donc être pénalement responsable, que si une faute lui est imputable. C’est bien ce qui se passe dans cette responsabilité, simplement, on a pu dire que l’existence de la faute du chef d’entreprise était présumée, parce que le chef d’entreprise dans le cadre de son devoir général de contrôle a l’obligation de faire respecter la législation et la réglementation applicable, en tout domaine. Si un manquement est constaté, on présume que le dirigeant a commis une faute personnelle d’imprudence ou de négligence dans le fonctionnement de son entreprise, il n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour veiller au bon respect de la réglementation. La faute personnelle est toujours présumée car il lui appartenait de recourir à la délégation de pouvoir, s’il n’arrive pas à tout contrôler. Cette présomption de faute constitue normalement une simple règle de preuve, ce qui fait que devrait s’agir d’une présomption simple, qui peut être combattu par la preuve contraire. Mais la jurisprudence s’est montrée très sévère et la possibilité d’exonération du chef d’entreprise était exceptionnelle, la jurisprudence ne l’admettant que lorsque l’infraction était du a la faute exclusive de la victime ou la faute exclusive d’un salarié qui avait désobéi aux instructions du chef d’entreprise. Cette jurisprudence a donné l’impression qu’on était passé a un système de présomption irréfragable qui permettait d’engager automatiquement la responsabilité du chef d’entreprise, sauf délégation de pouvoir. Le législateur a voulu réagir, et il est intervenu par une loi du 6 décembre 1976 qui est venue modifier l’article L 263 – 2 du code du travail, qui est le texte essentiel en matière d’hygiène et de sécurité du travail. Le législateur est venu expressément subordonner l’engagement de la responsabilité pénale du chef d’entreprise à l’exigence d’une faute personnelle. Cette réforme n’a pas servit. La jurisprudence n’a quasiment rien changé dans l’appréciation de la responsabilité pénale du dirigeant.

Qu’elle repose sur une faute personne prouvée ou qu’elle repose dans d’autres domaines, or le domaine de l’hygiène et de la sécurité ou qu’elle repose sur une présomption de faute, la responsabilité pénale du chef d’entreprise du fait de son préposé demeure néanmoins une responsabilité à caractère personnel.

 

  1. Quant à l’élément matériel.

 

Une double analyse a été proposée.

 

Soit on considère que le chef d’entreprise emprunte l’élément matériel du préposé, puisque c’est lui qui est auteur de l’infraction.

Soit il n’y a pas d’emprunt, de transfert, le préposé est bien auteur matériel de l’infraction, le chef d’entreprise a une dimension matérielle propre dans sa responsabilité qui est une abstention dans le cadre d’une activité où il était tenu d’agir.

 

2§ Sous l’empire du nouveau Code pénal.

 

 La question a rebondi avec le nouveau Code pénal, dans la mesure où le code de 1992 est absolument muet sur la question de la responsabilité pénale du chef d’entreprise alors que les avants projets, celui de 1978 et celui de 1983, avaient tous deux prévus de légaliser le double système prétorien, celui de l’imputation de la responsabilité au dirigeant et celui de la possibilité d’exonération par la délégation de pouvoirs. Le gouvernement s’était finalement opposé à l’insertion de ces dispositions dans l’article 121 – 4, aux motifs qu’il s’agirait de questions de droit pénal spécial et non pas de droit pénal général. On peut s’imaginer que le silence confirme la jurisprudence antérieure, ou alors qu’il a voulu condamner le système jurisprudentiel applicable.

On sait que la chambre criminelle, dès 1993 a maintenu le système de la délégation de pouvoirs, reste à voir comment cette responsabilité et cette délégation qui perdure peuvent être aujourd’hui justifiées par rapport à ce nouveau Code. Cette justification, certains ont estimé l’avoir trouvé dans les modifications qu’a subi l’article 121 – 3 du Code pénal en matière de délit non intentionnel. La loi du 13 mai 1996, est venue dire qu’il y avait infraction non intentionnelle sauf s’il est établi que l’auteur des faits a accompli les diligences normales comte tenu de la nature de ces missions ou de ses fonctions, de ces compétences ainsi que du pouvoir ou des moyens dont il disposait. Ce sont les mêmes termes employés pour qualifier la faute pénale non intentionnelle ordinaire et ce sont les mêmes expressions qui sont employées pour définir les conditions de la délégation de pouvoir.

Deux conséquences ont été déduites de cette similitude de termes. D’abord en ce qui concerne la responsabilité du chef d’entreprise, on a constaté qu’après 1996, la jurisprudence n’avait pas modifié a position. En effet comment le chef d’entreprise pourrait-il démontrer qu’il ne disposait pas de la compétence, des pouvoirs, des moyens pour faire respecter la réglementation. Ce respect lui incombe s’il n’est pas en mesure de l’assurer, il commet une faute et engage sa responsabilité pénale. S’il y avait délégation de pouvoir, la conséquence est encore plus précise. Si la délégation de pouvoir est valable, il faut donc déduire que les conditions d’autorités, de compétences, de moyens nécessaires pour remplir sa mission sont remplies. Dès lors s’il y a une infraction c’est qu’il n’a pas accompli les diligences normales.

Ce lien entre les deux a été clairement retenu à partir d’un arrêt de la chambre criminelle du 14 octobre 1997, dans une hypothèse d’accident du travail. Si bien que certains auteurs ont pu écrire que la jurisprudence, la chambre criminelle avait trouvé dans ce nouvel article 121 – 3 al 3, un fondement légal implicite à sa double construction prétorienne : la responsabilité pénale et la délégation.

 

Chapitre II : l’imputation de la responsabilité pénale aux personnes morales.

L’introduction en droit français de la responsabilité pénale des personnes morales, a été présentée comme l’innovation la plus remarquable du Code pénal de 1992. Cette innovation a été insérée dans les dispositions générales du code, plus précisément dans l’article 121 -2 du Code pénal. D’après l’alinéa 1 les personnes morales à l’exclusion de l’état sont responsables pénalement selon la distinction des articles 121 – 4 à 121 – 7, donc en tant que complice et dans les cas prévus par la loi et le règlement, ces termes ont été abrogés à compter du 31 décembre 2005, les personnes morales sont responsables des infractions commises pour leurs comptes par leurs organes ou représentants. Cette responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas selon l’alinéa 3 du texte, la responsabilité pénale des personnes physiques auteur ou complice des mêmes faits, sous réserves depuis la loi Fauchon, des dispositions du 4e alinéa de l’article 121 – 3.

Cette innovation a donc marqué une rupture très nette entre l’ancien et le nouveau Code pénal. Il est vrai que, sous l’ancien droit, la responsabilité pénale des personnes morales avait existait puisqu’une ordonnance royale de 1670 avait prévu la possibilité de sanction à l’encontre des communautés des bourgs et des villages. Mais la révolution avait voulu réagir contre les corporations et elle avait supprimé cette responsabilité. Le Code pénal de 1810 se situait donc dans le droit-fil de la révolution et il n’avait édicté aucune responsabilité pénale des personnes morales. C’est ce qu’exprimait l’adage selon lequel une personne morale ne peut pas commettre d’acte de délinquance « societas delinquere non potest »

Section préliminaire : l’avènement de la responsabilité pénale des personnes morales.

1§ L’évolution des idées.

A) L’évolution juridique.

Le mouvement est simple, tous les arguments qui avaient été avancés au 19e à l’encontre de la responsabilité pénale des personnes morales ont été réfutés, abandonnés, à la fin du 20e. Ces arguments tenaient à la fois aux conditions et aux effets de cette responsabilité.

 

1) Quant aux conditions de la responsabilité pénale des personnes morales.

Il y avait deux arguments hostiles. La personnalité morale a longtemps été considérée comme une fiction juridique au motif qu’il ne s’agit pas d’un être corporel. Dès lors on considérait qu’une personne morale ne pouvait pas personnellement commettre l’infraction, ni matériellement, ni moralement dans la mesure où elle n’aurait pas de conscience, de volonté propre. Cet argument a été ensuite réfuté, car la théorie de la fiction a été abandonnée en droit civil au profit de la théorie de la réalité.

Dès lors cette évolution qui avait existée en droit civil pouvait être prise en compte aussi en droit pénal. On a fait valoir le fait qu’une personne morale peut avoir une volonté propre, collective, différente de la volonté individuelle de ses membres, et elle permet de lui appliquer l’imputation de la responsabilité pénale, cette volonté étant exprimée par les organes sociaux, dans le cas des sociétés.

En droit civil les personnes morales ont un objet social qui est limité conformément au principe de spécialité.

Une personne morale ne peut pas avoir pour objet social déclaré de commettre une infraction. Il est tout aussi évident que l’activité de la personne morale peut donner lieu à la commission de l’infraction et il y a même des personnes morales qui sont constituées pour ça (société écran).

 

2) Les effets de la responsabilité pénale des personnes morales.

Les fonctions et la nature des peines ne pouvaient concerner des personnes physiques. Quant aux fonctions on faisait alors valoir que les idées diverses d’expiation, d’intimidation, de rétribution, de reclassement, de réinsertion n’avait de sens que pour les personnes physiques. Quant à la nature des peines, on ne pouvait que constater que la peine de mort, l’emprisonnement, avaient été conçues que pour les personnes physiques. Néanmoins l’argument était facile à retourner.

En ce qui concerne la nature des peines, on pouvait très bien trouver des équivalents spécifiques pour les personnes morales. À la peine de mort pouvait correspondre la dissolution de la personne morale. À la privation de liberté peut très bien correspondre l’interdiction d’exercice. Les personnes morales n’ont pas de corps, mais elles ont un patrimoine et l’on peut édicter des peines restrictives de droits et d’amendes. Ces différentes peines plus adaptées aux personnes morales auraient pour fonction l’idée de moralisation de ces personnes.

Certains disaient qu’édicter la responsabilité pénale des personnes morales porterait atteintes au principe de personnalité des peines dans la mesure où les peines prononcées contre la personne morale seraient en définitive supportées par des personnes physiques, comme les dirigeants, les associés, les salariés, la clientèle…

Il n’y a rien de différent entre les personnes physiques et morales. Quand une personne physique est condamnée, sa famille en subit aussi les conséquences matérielles et morales. Mais il n’y a pas pour autant principe à la personnalité des peines.

Ce principe signifie simplement que la sanction prononcée est propre au condamné et elle ne peut être exécutée que par lui.

 

B) L’évolution de la politique criminelle.

Il faut partir des perspectives économiques qui ont évolués au 19e et au 20e. Au 19e on considérait que le moteur de l’économie c’était l’initiative individuelle des personnes physiques. Le 20e aura été le siècle de l’entreprise et du droit de l’entreprise, qui est souvent organisé sous la forme d’une personne morale. Au plan pénal, on s’est rendu compte que ces entreprises pouvaient être le théâtre de la commission d’infraction de plus en plus nombreuse dans les secteurs les plus divers. La criminologie a montrée que ces groupements constituaient des forces génératrices de délinquance, dans la mesure où les moyens économiques et financiers qui sont à la disposition d’une société, d’un groupement, n’ont rien à voir avec ceux d’une personne physique ordinaire. Dès lors le droit pénal au titre de la politique criminelle devait fournir une réponse adaptée à cette évolution et cette réponse a été l’introduction de la responsabilité pénale des personnes morales dans le Code pénal de 1992. Au demeurant cette responsabilité pénale n’était pas tout à fait inconnue même avant l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal.

 

2§ L’admission exceptionnelle d’une répression des personnes morales avant le nouveau Code pénal.

 Cette répression existait de façon occasionnelle en droit français, un certain nombre d’états étranger avait admis cette responsabilité pénale.

 A) En droit français.

 En droit interne, la répression ponctuelle des personnes morales était le fait, soit de quelques textes, soit même de la jurisprudence.

1) Les textes.

 Il y a chronologiquement deux séries de textes différents.

  • La première, ce sont des textes, abrogés aujourd’hui, qui ont été édictés à l’issue de la seconde guerre mondiale et qui avait expressément admis la possibilité de condamner pénalement une personne morale. Il y a en ce sens trois textes de 45 qui sont restés célèbres. L’ordonnance du 5 mai 45 relatives aux entreprises de presse coupables de collaboration avec l’ennemie et deux ordonnances des 30 mai et 30 juin 1945 en matière de réglementation de change et de prix.
  • La seconde série de textes, qui existent toujours, sont les textes relevant du droit répressif administratif, le droit « administratopénal », c’est-à-dire tout le droit répressif non directement pénal. Ces différents textes permettent aux Autorités Administratives Indépendantes, d’infliger des sanctions à des sociétés lorsque ces autorités constatent à un manquement à des prescriptions législatives ou réglementaires.

Au sens de l’article 6 de la CEDH, ces matières relèvent de la matière pénale et donc la cour le soumet aux principes du droit commun.

L’existence de ces autorités administratives indépendantes a influencé l’admission de la responsabilité pénale des personnes morales.

À l’époque on s’est dit que si ces AAI pouvaient prononcer des amendes quasi pénales a l’encontre des personnes morales, pourquoi ne pas permettre au juge pénal de les sanctionner en cas de violation de la loi pénale.

On a donc pu considérer que si ces AAI s’étaient développées, c’était peut-être à titre de palliatif car le juge pénale ne pouvait pas condamner pénalement les personnes morales.

Ceci étant l’introduction de la responsabilité pénale des personnes morales, non seulement n’a pas fait disparaître ces AAI, mais on a assisté à la création de nouvelles autorités, avec l’AMF en 2003 (Autorité Marché Financier), la HALDE en 2004.

La seconde incidence, c’est que l’on a assisté ces dernières années à un réencadrement de ces AAI dans le sillage de la CEDH et la cour de cassation les a soumises à plusieurs principes essentiels de procédure pénale, la présomption d’innocence, l’impartialité du juge, le principe de l’égalité des armes (entre les parties).

2) La jurisprudence.

La jurisprudence sous l’ancien Code pénal posait bien sûr comme principe l’irresponsabilité pénale, même simplement pécuniaire des personnes morales, mais ce principe avait quand même reçu une atténuation.

Le principe d’irresponsabilité avait été à plusieurs reprises affirmé par la chambre criminelle dans des formules diverses, par exemple elle énonçait que toute peine étant personnelles sauf exceptions prévues par la loi, elle ne peut donc être prononcée contre un être moral qui peut seulement être déclaré civilement responsable.

Une personne morale ne peut encourir une responsabilité pénale, il ne saurait en être autrement qu’en vertu d’une disposition particulière de la loi.

Mais ce principe jurisprudentiel avait connu une atténuation qui perdure toujours aujourd’hui depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal. La jurisprudence considérait que la responsabilité pénale des personnes morales pouvait être exceptionnellement retenue en présence d’une infraction matérielle désignant comme auteur, responsable de cette infraction, le propriétaire, l’employeur, la personne intéressée à la fraude, donc une formule générique qui peut s’appliquer à une personne physique comme morale. La jurisprudence considérait alors que cette qualité visée de façon générique permettait d’imputer la responsabilité à une personne morale.

Arrêt de la chambre criminelle du 5 février 2003, qui est intervenu dans le domaine des infractions douanières pour lequel en vertu du principe de spécialité, la responsabilité pénale des personnes morales n’avait pas été spécialement prévue. Néanmoins dans cet arrêt, la chambre criminelle a estimé qu’une personne morale pouvait être déclarée pénalement responsable d’une infraction douanière en tant que personne intéressée à la fraude donc sur la base d’une qualité générique. Depuis le 31 décembre 2005, la responsabilité pénale des personnes morales est devenue générale.

 

B) En droit comparé.

 La France en édictant dans le nouveau Code pénal, la responsabilité pénale des personnes morales a rejoint d’autres pays précurseurs qui l’avaient devancé sur ce point, comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas, les Etats-Unis, le Canada…

La France a ainsi suivie les recommandations européennes en la matière, notamment deux recommandations du comité des ministres du Conseil de l’Europe, de 1981 et 88 qui demandaient aux états d’appliquer la responsabilité et les sanctions pénales aux entreprises lorsque certains facteurs l’exigent, la nature de l’infraction, la gravité de la faute de l’entreprise, les conséquences de la société.

 L’ensemble de ces évolutions explique que la responsabilité pénale des personnes morales qui figurait dans le projet de Code pénal de 1934 dans le projet Matter, ceci explique que le projet ait été retenu dans les projets de 78 et 83 pour être enfin consacré dans l’article 121 – 2 du Code pénal.

Ce qui est regrettable c’est que comme les lois instituant le nouveau Code pénal n’ont pas été déférées au conseil constitutionnel, celui-ci ne s’est pas prononcé directement sur la constitutionnalité de cette responsabilité. Toute fois, il y a eu un rattrapage dans une décision du 5 mai 1998, à propos d’une loi qui réglementait le séjour des étrangers, le Conseil Constitutionnel a affirmé que les objectifs du législateur peuvent notamment justifier un régime de sanction pénale applicable tant aux personnes physiques qu’aux personnes morales.

 

Section 1 : Le domaine d’application de la responsabilité pénale des personnes morales.

 Aujourd’hui, depuis le 31 décembre 2005, ce champ d’application est devenu quasi général, à la fois quant aux personnes susceptibles d’engager la responsabilité pénale et quant aux infractions pouvant donner lieux à cette responsabilité. Le principe, c’est la généralité et l’on a quelques exceptions soit pour les personnes soit pour les infractions.

 

1§ Domaine d’applications quant aux personnes.

 L’article 121 – 2 vise les personnes morales mais les personnes morales seulement. On trouve dans ce texte, mais aussi dans le dernier alinéa de l’article 131 – 39 relatif aux peines, un certain nombre d’exclusions.

A) Les personnes morales seulement.

 L’article 121 – 2 vise les personnes morales alors que l’avant projet de 78 visait lui plus largement les groupements. Ce n’est pas la même chose. Il faut donc en déduire que certains groupements sont exclus de cette responsabilité pénale, dans la mesure où ils n’ont pas la personnalité morale.

  • – C’est le cas des sociétés en participations, en vertu de l’article 1871 du Code civil.
  • – C’est le cas ensuite des sociétés créées de fait par assimilation précédente de l’article 1873 du Code civil. Ce sont des sociétés pour lesquelles les règles de formes n’ont pas été respectées. Il ne faut pas les confondre avec les sociétés de faits qui sont des sociétés qui initialement étaient immatriculées mais qui ont ensuite été annulées. La nullité produit alors les effets d’une dissolution, si bien que la personnalité morale subsiste jusque la, et elle subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu’à la publication de la clôture de la liquidation.

Lorsque la dissolution de la personne morale intervient alors que des poursuites avaient été engagées contre cette personne morale, le Code pénal apporte un début de réponse dans l’article 133 – 1 en disant que cette dissolution empêche ou arrête l’exécution de la peine, sous réserve qu’il peut être procédé au recouvrement de l’amende. Ce texte suppose que la personne morale avait été condamnée à une peine. Mais que se passe-t-il, si la dissolution de la personne morale intervient avant le jugement ? La chambre criminelle vient de donner la réponse dans un arrêt du 15 novembre 2005, en décidant que la société mise en examen ayant perdue son existence juridique, il fallait constater l’extinction de l’action publique à l’égard de la société et cela s’est traduit par le prononcé d’un non-lieu.

  • – Les fonds communs de placement ou de créances.
  • – Les groupes de sociétés.

Les groupes de sociétés en tant que tel n’ont pas la personnalité morale. Il est parfaitement possible de retenir la responsabilité pénale d’une société du groupe.

La notion de groupe de société a une incidence en droit pénal des affaires. En effet, l’existence d’un groupe permet parfois de justifier un abus de bien sociaux. En sens inverse, en tant que tel, le groupe étant dépourvu de la personnalité morale, il ne paraît pas possible de lui imputer cette responsabilité.

B) Certaines personnes morales.

1) Les personnes concernées.

  • Ces personnes concernées sont avant tout des personnes morales françaises.

La responsabilité pénale est d’abord celle des personnes morales de droit public, sous réserves de ce que l’on envisagera dans le cadre des expulsions et exclusions. Pour les personnes morales de droit privé, sont concernées les sociétés à but lucratif, auxquelles la loi attribut la personnalité morale, qu’il s’agisse de société civile ou commerciale, qu’il s’agisse de société de droit commun ou de société à statut coopératif et agricole, qu’il s’agisse de société unipersonnelle. Au-delà la responsabilité pénale intéresse aussi les personnes morales de droit privé a but non lucratif. Les associations qui ont la personnalité morale à partir de la déclaration à la préfecture, les syndicats, les groupements d’intérêt économique, les fondations…

La responsabilité pénale édictée par le Code pénal français peut-elle concernée des personnes morales non françaises ?

  • Les personnes morales non françaises.

Il y a d’abord le cas d’une personne morale véritablement étrangère, l’article 121 – 2 est muet sur son application à de telles personnes. Pourtant une personne morale étrangère peut très bien relever de l’ordre pénal français, dans deux hypothèses, lorsque la personne morale étrangère commet une infraction, principe de territorialité, article 113 – 2. Une personne morale étrangère peut très bien commettre un crime ou un délit portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la France. C’est le principe de la compétence réelle qui joue, de l’article 113 – 10 du Code pénal.

Une première question repose sur la reconnaissance de la personnalité juridique de la personne morale ? Cette personnalité doit elle être reconnue selon la loi française ou la loi étrangère. Certains auteurs considèrent qu’il s’agit la d’une question extra pénale.

Une seconde question se pose, comment va-t-on exécuter les sanctions pénales sur les personnes morales étrangères. Il faut mettre à part les personnes morales européennes. En effet, une loi du 26 juillet 2005, loi pour la confiance et la modernisation de l’économie, a adaptée la législation française à un règlement communautaire de 2001 et a créé un nouveau type de société qui est la société européenne. Cette société européenne n’a pas la nationalité d’un état. Elle a directement la nationalité européenne. Mais si cette société est immatriculée en France, au registre du commerce et des sociétés, elle a la personnalité juridique a compté de cette immatriculation et donc engager sa responsabilité pénale.

Un second règlement communautaire de 2003 porte sur la société coopérative européenne et devrait être applicable à partir du 18 août 2006.

 

2) Les exclusions et restrictions.

Elles concernent les personnes morales qui ont posés problème au législateur, c’est-à-dire les personnes morales de droit public les personnes morales de droit privées à but non lucratif. À tort ou à raison, le législateur a résolu ces difficultés en posant une exception et deux limites.

L’exception bénéficie au sein des personnes qu’a l’État, puisque l’article 121 – 2 al 1 dit que les personnes morales à l’exception de l’état sont pénalement responsables. Cette exception s’explique par différentes justifications. L’état détient le monopole du droit de punir, et que dès lors il ne pourrait pas se punir lui-même. À cet argument radical s’en ajoute deux, la notion de souveraineté et le bouleversement que cela aurait entraîné au regard de la traditionnelle séparation des ordres administratifs et judiciaires. Cette exception a failli être abandonnée après l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal à la suite du rapport Massot, qui avait été remis au garde des Sceaux et qui portait sur la responsabilité pénale des décideurs publics. Or ce rapport s’était prononcé en faveur de l’institution de la responsabilité pénale de l’état, mais le gouvernement s’est opposé à cette évolution lors de la discussion parlementaire de la loi Fauchon du 10 juillet 2000. À l’heure actuelle la responsabilité administrative de l’état existe. Elle connaît une tendance d’évolution notable, puisque c’est de plus en plus sur la base d’une faute simple que l’on engage sa responsabilité.

La responsabilité civile de l’état existe. Elle est parfois de la compétence des juridictions judiciaires. Pour l’instant la responsabilité pénale de l’état n’existe pas alors qu’il aurait été possible de l’affirmer même à faire ce qui a été fait pour les autres personnes morales de droit publiques, et donc à la limiter aux infractions commises dans le cadre d’activités de puissances publiques.

Les limites. Elles sont de deux types.

  • La première porte sur les infractions commises, c’est-à-dire susceptible d’engager la responsabilité pénale de certaines personnes morales, article 121 – 2 al 2. La seconde limite ne concerne pas directement l’engagement de la responsabilité mais seulement les peines applicables du dernier alinéa de l’article 131 – 32.

Cette limite bénéficie aux collectivités territoriales et à leur groupement.

D’après l’article 121 – 2 al 2 ces collectivités territoriales et leurs groupements ne sont pénalement responsable que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de convention de délégation de service public.

En sont bénéficiaires, les collectivités territoriales, les communes, les départements, les régions, mais aussi leurs groupements comme les syndicats de communes et les communautés urbaines. Cette limite ne bénéficie pas aux autres personnes morales de droit public et notamment aux établissements publics, qu’il s’agisse d’établissement public administratif ou établissements publics industriels et commerciaux.

Pour savoir si la responsabilité pénale peut être engagée ou pas il faut savoir si l’infraction a été ou non commise dans le cadre d’une activité susceptible de faire l’objet de convention de délégation de service public. Si la réponse est positive, la responsabilité est possible, si la réponse est négative, la responsabilité pénale ne peut pas être envisagée.

Cette notion en effet est une notion qui est apparue depuis quelques années en droit administratifs. On la retrouve dans plusieurs textes comme la loi du 6 février 92 sur l’administration territoriale de la république, dans la loi Sapin, dans une loi du 8 février 95 relative aux marchés et délégations de services publics. Le Code pénal ne définie pas cette notion, elle a été définie en matière administrative par une loi, la loi MURCEF, du 11 décembre 2001, une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée au résultat de l’exploitation du service. Dès lors pour qu’il puisse y avoir responsabilité pénale, l’infraction doit être intervenue dans le cadre d’une activité de ce type. Ce qui vise l’ensemble des cas ou un service public n’est pas assumé directement par la collectivité territoriale elle-même mais peut être assuré par une autre personne de droit public ou de droit privé, selon une concession, un affermage, un marché, une régie intéressée, une gérance. L’idée est que la collectivité territoriale peut être pénalement responsable comme pourrait l’être la société concessionnaire de ce service.

En revanche il y a des activités qui sont insusceptibles de délégations de services public parce qu’elle porte sur des prérogatives de puissances publiques. En matière d’état civil, d’élection de maintien de l’ordre, on ne conçoit pas que ces prérogatives soient déléguées, dès lors il ne peut pas y avoir responsabilité pénale de la personne morale. Cette limitation a failli être supprimée puisque tel était la proposition faite par le rapport Massot, mais la loi Fauchon n’est pas revenue sur cette limite.

En pratique, dans la jurisprudence de la chambre criminelle, on peut distinguer deux étapes.

Dans un premier temps, la jurisprudence est venue dire au coup par coup, si telle activité était ou non susceptible d’une délégation de service public, et notamment la chambre criminelle a rendu deux arrêts dans lesquels elle a estimé que la délégation n’était pas possible et donc dès lors que la responsabilité pénale de la personne morale n’était pas possible. Elle l’a fait dans l’affaire du Drac, dans l’arrêt du 12 décembre 2000. Initialement la responsabilité pénale de la commune de Grenoble avait été recherchée. La commune soutenait que l’infraction s’était produite dans le cas d’une activité insusceptible de délégation, mais, en première instance, la cour d’appel de Grenoble avait condamné la commune. La condamnation a été cassée, aux motifs que l’exécution même du service public communal d’animation de classe de découverte participe du service de l’enseignement public et n’est pas par nature susceptible de faire l’objet de convention de délégation de service public.

Même exclusion dans un arrêt du 11 décembre 2001.

La chambre criminelle est venue donner au pénal la définition de cette notion.

Elle l’a fait dans un arrêt du 3 avril 2002, en disant, « qu’est susceptible de faire l’objet d’une telle convention, toute activité ayant pour objet la gestion d’un service public, lorsque au regard de la nature de celui-ci et en l’absence de dispositions légales ou réglementaires contraire, elle peut être confiée par la collectivité territoriale à un délégataire public ou privé rémunéré pour une part substantielle en fonction des résultats de l’exploitation. »

La jurisprudence a précisé ultérieurement à propos du transport scolaire, que l’exploitation du transport peut faire l’objet d’une convention de délégation, à la différence de son organisation même, qui est confiée au département par le code de l’éducation, décision 6 avril 2004.

  • La seconde limite est édictée par rapport à la peine.

D’après le premier alinéa de l’article 131 – 39, certaines peines spécifiques aux personnes morales, elles ne peuvent pas être encourues par certaines personnes morales.

Les peines sont, deux peines parmi les plus graves de l’énumération de l’article, à savoir la dissolution de la personne morale et le placement de la personne morale, pour une durée de 5 ans au plus sous surveillance judiciaire.

Ces deux peines ne sont pas applicables à deux catégories de personnes morales. Les personnes morales de droit public, lorsque la responsabilité pénale peut être engagée. Ni les partis, les groupements politiques et syndicats professionnels.

La dissolution est également exclue pour les institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, comme le Comité d’Entreprise.

 

2§ Le champ d’application face aux infractions : l’abandon du principe de spécialité.

IL faut partir de la version initiale de l’article 121 – 2 alinéa 1 qui s’est appliqué du premier mars 1994 au 21 décembre 2005. D’après cette version initiale, les personnes morales n’étaient pénalement responsables que dans les cas prévus par la loi ou le règlement. Dans cette formule résidait le principe de spécialité de la responsabilité pénale des personnes morales. Il fallait que la responsabilité pénale de la personne morale ait été prévue par le texte d’incrimination. Donc un texte de loi si l’infraction est un crime ou un délit, un règlement si l’infraction est une contravention.

Lorsqu’en pratique, on trouvait après la définition de l’incrimination la formule suivant « les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement dans les conditions prévues à l’article 121 – 2 de cette infraction et suivaient immédiatement les peines encourues par la personne morale pour cette infraction », c’est-à-dire systématiquement l’amende, et selon le cas, une ou plusieurs peines, choisies par le législateur dans l’énumération de l’article 131 – 39.

La difficulté qui s’est posée au bout d’un certain nombre d’années c’est qu’il devenait très difficile de dresser la liste des infractions engageant la responsabilité pénale des personnes morales, si bien que la loi Perben 2, du 9 mars 2004, s’est orientée vers la suppression de ce principe de spécialité. Il faut donc s’interroger sur les raisons et la portée de cet abandon.

A) Les raisons de l’abandon du principe de spécialité.

Ces raisons tiennent essentiellement dans la critique du principe de spécialité qu’avait retenu le législateur, et au fil du temps ce principe est apparu comme une méthode compliquée et parfois incohérente, sur laquelle il fallait revenir.

 

1) Une méthode compliquée.

C’était vrai en théorie et en pratique. En retenant le principe de spécialité, le législateur avait finalement édicté pour les personnes morales une responsabilité pénale discontinue, ou une responsabilité pénale sélective.

En pratique, il était devenu très difficile même pour les spécialistes de savoir à un moment donné ce que cette responsabilité pénale englobait ou pas.

Les juges eux-mêmes en arrivaient à se tromper et la cour de cassation a rendu plusieurs arrêts pour rappeler que dans tel cas, tel domaine, la responsabilité pénale des personnes morales n’existait pas, n’avait pas été mise en œuvre sur le fondement du principe de spécialité. Elle l’a encore fait dans un arrêt du 13 septembre 2005, en droit pénal du travail, pour rappeler que cette responsabilité pénale n’existait pas par rapport à l’article L 263 – 2 du code du travail, c’est dire le manquement aux règles d’hygiènes et de sécurité du travail.

Des pans entiers du droit pénal échapper à cette responsabilité. C’était le dans du droit pénal du travail à quelques exceptions près, aussi le cas du droit des sociétés.

La chambre criminelle s’en tenait à la fois au texte et à sa jurisprudence. Ainsi, elle avait rappelé dans un arrêt du 18 avril 2000, qu’un texte d’incrimination visant toute personne ne suffisait pas à engager la responsabilité pénale des personnes morales. En revanche, mais ce n’est que la reprise de la jurisprudence antérieure au code, une personne intéressée à la fraude, permettait d’inclure les personnes physiques et aussi les personnes morales. Au-delà, ce principe de spécialité s’était révélé incohérent.

 

2) Une méthode incohérente.

La méthode pouvait se révéler absurde, dans le détail, il était facile de trouver des lacunes ou des contradictions de la part du législateur.

Par exemple, dans le Code pénal, initialement, la responsabilité pénale des personnes morales n’avait pas été prévue en matière d’homicide et de violence volontaire. Cette lacune avait été réparée par une loi du 12 juin 2001, sur les mouvements sectaires. Elle a permis l’engagement de la responsabilité pénale de toutes les personnes morales.

La personne morale pouvait être pénalement responsable du délit d’homicide ou de blessures involontaires, mais pas du manquement aux règles d’hygiènes et de sécurité qui l’avait causé.

L’expérience a aussi révélé un certain nombre de contradictions entre les textes, par exemple, une discrimination engagée la responsabilité pénale de la personne morale dans le cadre du Code pénal, article 225 – 4 mais pas dans le cadre du code du travail, article L 152 – 1. À partir de ces critiques de détails, on en est venu à se demander si la méthode n’était pas finalement globalement incohérente dans son ensemble.

L’idée de fictivité des personnes morales continuait quand même à régner et cela montrait que l’imputation de la responsabilité pénale de la personne morale avait toujours en droit français un caractère artificiel.

Les défenseurs du principe de spécialité, considéré que ce principe avait l’avantage d’éviter les situations absurdes, et pour eux il n’était pas normal qu’une personne morale puisse être déclarée responsable de meurtre. La personne morale, qui n’a pas de corps, ne peux pas commettre de viol ou de meurtre. Mais dans ce cas, elle ne peut pas faire de vol. En réalité la personne morale est pénalement responsable de l’infraction qui a été commise pour son compte par une personne physique.

À partir de là, elle peut être responsable de n’importe quelle infraction.

Le législateur l’a compris en 2001. Il aurait été préférable que le législateur édicte une responsabilité générale, comme l’a faite la loi belge du 4 mai 1999, en laissant le soin au juge de déterminer au cas par cas les quelques infractions qu’une personne morale ne peut pas commettre parce qu’elles ont été par nature définies pour une personne physique, comme la bigamie, le proxénétisme par cohabitation avec une prostituée. Dès lors après plus de 10 ans d’application du principe de spécialité, le législateur a fini par être sensible à ses arguments.

  

B) La portée de l’abandon du principe de spécialité.

Dans l’article 54 de la loi Perben 2, il supprime les termes « dans les cas prévus par la loi ou le règlement », de l’article 121 – 2 al 1. Mais la généralisation de la responsabilité pénale des personnes morales qui en résulte a fait l’objet d’une disposition transitoire dans l’article 207 – 4 de la loi puisque l’entrée en vigueur de cette suppression a été différée au 31 décembre 2005.

1) La portée quant aux infractions.

On peut dire que cette réforme constitue à l’évidence une loi pénale de fond plus sévère car elle touche à la responsabilité pénale. Donc en termes d’application de la loi dans le temps, pour les faits commis avant le 31 décembre 2005, la responsabilité pénale d’une personne morale ne peut pas être engagée sur la base d’une infraction qui ne tombait pas jusqu’ici dans la mise en œuvre du principe de spécialité. Ces nouveaux cas d’infractions engageant la responsabilité pénale de la personne morale sont plus sévères dont non-rétroactivité.

Il faut dire qu’il y a des exceptions à la généralisation de la responsabilité. En effet, l’article 55 – 3 de la loi Perben 2 a prévu deux exceptions à cette responsabilité.

L’article 43 – 1 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 énonce que les dispositions de l’article 121 – 2 du Code pénal ne sont pas applicables aux infractions pour lesquelles les dispositions des articles 42 ou 43 de la loi de 1881 sont applicables.

Il y a la même disposition dans l’article 93 – 4 de la loi du 29 juillet 1982, pour les infractions commises par un moyen de communication audiovisuel.

En fait il s’agit des textes qui déterminent la qualité des personnes physiques qui peuvent être poursuivies comme auteur ou complice des infractions de presse, ou d’infractions commise par la voie audiovisuelle. Ce sont donc les textes qui prévoient la responsabilité en cascade. On a voulu éviter une pénalisation excessive. Le législateur a considéré qu’il y avait déjà la responsabilité pénale ne cascade et que cela suffisait.

2) Portée quant aux peines.

Le principe de spécialité permet aussi déterminer parmi les neuf peines de l’article 131 – 39, celles qui seraient encourues par la personne morale pour l’infraction en question. Se pose alors la question de savoir quelles sont les peines applicables aux personnes. Cela explique une double évolution législative, la première en 2004 l’autre en 2006.

La première relève de l’article 55 de la loi Perben 2. En effet dès 1992, le nouveau Code pénal a prévu dans l’article 131 – 38 que l’amende encourue par une personne morale pour une infraction engageant sa responsabilité était égal au quintuple de l’amende encourue par la personne physique pour la même infraction.

Seulement le législateur a réalisé que cette multiplication par cinq était inapplicable pour certain crime qui ne prévoit aucune peine d’amende.

Par exemple, le meurtre simple est puni de trente ans de réclusions criminelles, mais pas d’amende. Le législateur a donc rectifié le tir à l’article 55 en mettant un nouvel alinéa à l’article 131 – 38, pour dire que lorsqu’il s’agit d’un crime ne prévoyant aucune peine d’amende prévue, la peine est de 1 million d’euros. Depuis le 31 décembre 2005 on a au moins une peine d’amende applicable.

Depuis 2006, on peut observer depuis janvier que le législateur continu dans les lois nouvelles à mettre en œuvre le principe de spécialité uniquement pour préciser les peines encourues par la personne morale pour telle infraction.

Par exemple une loi du 5 janvier 2006 relative au transport, définie dans le code de la route un délit concernant les cyclomoteurs et les motos. Pour les personnes physiques le texte prévoit 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amendes. Lorsque cette précision n’existe pas, la seule possibilité sera la peine d’amende. Il résulte de la circulaire qu’un aménagement est en cours qui permettrait l’application de plein droit aux personnes morales de certaines des peines énumérées par l’article 131 – 39, lorsqu’elles sont également encourues par les personnes physiques.

 

Section 2 : la mise en œuvre de la responsabilité pénale des personnes morales.

 Il y a des conditions de procédures dans les articles 706 – 41 et suivant dans le code de procédure pénale.

 Deux conditions de fond distinctes résultent de l’alinéa 1 et 3 de l’article 121 – 2.

 

1§ Les circonstances de commission de l’infraction, imposées par l’article 121 – 2 alinéa 1.

Il résulte de cet alinéa que l’infraction de la personne morale peut être déclarée responsable doit avoir été commise par un de ses représentants et de ses organes.

A) La commission de l’infraction par un organe ou un représentant.

1) Détermination négative.

La chambre criminelle a rappelé dans un arrêt du 18 janvier 2000 que seuls les organes ou les représentants de la personne morale peuvent engager sa responsabilité pénale. La cour d’appel avait retenu la responsabilité pénale de la SNCF, aux motifs que la SCNF avait commis une faute, soit par elle-même soit par ses agents. Cette condamnation a été cassée par la chambre criminelle au motif que la cour d’appel n’avait pas recherché si les fautes avaient été commises par un organe ou un représentant de la SNCF. Il faut exclure de la catégorie des organes et des représentants les infractions commises par un simple employé, un simple salarié, ou le simple adhérent.

À cet égard il y a ici à nouveau, une différence entre la responsabilité pénale et la responsabilité civile.

La responsabilité civile des commettants dans l’immense majorité des cas est une responsabilité pénale d’un simple préposé.

Il y a une différence entre le droit pénal français et le droit étranger. Aux états Unis la responsabilité pénale d’une personne morale est engagée par l’infraction commise par un simple employé.

 

2) Les organes ou les représentants.

Les organes et représentants de droit.

Les organes de droit sont déterminés par la législation applicable à la personne morale considérée ou par ces statuts.

Pour une société, il s’agit du gérant, du PDG, des directeurs généraux, mais il y a aussi des organes collectifs, le directoire, le conseil de surveillance, l’assemblée générale. Pour une association ou un syndicat il y a le président ou le bureau, pour une commune le maire ou le conseil municipal… On aurait pu s’en tenir à la mention de ces seuls organes pourtant le texte parle aussi des représentants de la personne morale. La notion a posé difficulté et plus précisément la question s’est posée de savoir s’il fallait considérer comme un représentant de la personne morale le titulaire d’une délégation de pouvoir dans l’entreprise. La doctrine s’est divisée en deux tendances qu’on a appelées la tendance fiscale et la tendance pédagogique.

La tendance fiscale considérait que le titulaire de la délégation de pouvoir devait engager la responsabilité pénale de la personne morale dans la mesure où la délégation de pouvoir implique une délégation de la représentation, et surtout ces auteurs faisaient observer que dans le cas contraire si le délégué n’était pas considéré comme un représentant il aurait suffit à la personne morale de mettre en place des délégations de pouvoirs pour faire obstacle à sa responsabilité. La tendance pédagogique consistait à dire que la délégation de pouvoir devait avoir le même effet à l’égard de la personne physique, et de la personne morale. La jurisprudence a tranché en faveur de la première solution. Le titulaire de la délégation et le représentant de la personne morale. Elle l’a fait dans deux arrêts du 14 décembre 99 et du 30 mai 2000. Elle l’a même confirmé pour la subdélégation dans un arrêt du 26 juin 2001.

Il en résulte que le salarié titulaire d’une délégation de pouvoir est un représentant de la personne morale au sens de l’article 121 – 3. Il en résulte que la délégation ou la subdélégation a un rôle différent face à la responsabilité pénale face à la personne physique ou morale.

Par rapport à la personne physique elle a un effet exonératoire alors que, par rapport à rapport à la personne morale, elle a un effet d’engagement de la responsabilité pénale par représentation de cette personne morale.

 

Les organes ou représentants de fait.

Le dirigeant de fait c’est celui qui a la réalité du pouvoir dans l’entreprise sans en avoir le titre.

Les dirigeants de fait engagent très fréquemment leur responsabilité pénale personnelle en tant que personne physique, concurremment avec les dirigeants de droits, arrêt du 12 septembre 2000.

Les dirigeants de fait peuvent-ils engager la responsabilité de la personne morale. Le nouveau Code pénal reste muet sur la question. Pour y répondre on a mis en avant un texte, l’ordonnance de 1945, sur les entreprises de presses collaboratrices. Ce texte avait été suivi d’une jurisprudence qui acceptait que le gérant de fait de l’entreprise de presse engage la responsabilité pénale de la personne morale. De nombreux auteurs sont favorables à la répression en disant que dans le cas contraire il suffirait à une personne morale de placer à sa tête un prête-nom pour que cette personne morale échappe à sa responsabilité pénale. Le Garde des Sceaux s’est prononcé dans le sens, dans une ordonnance ministériel du 30 novembre 93. Il faut que l’infraction ait été commise pour le compte de la personne morale.

 

B) La commission de l’infraction pour le compte de la personne morale.

L’avant projet de Code pénal de 78 exigeait que l’infraction ait été commise au nom et dans l’intérêt de la personne morale. Le Code pénal de 92 parle lui plus simplement d’une infraction commise pour le compte de la personne morale mais sans définir cette condition.

Il y a des cas ou cette condition n’est pas remplie. Quand une personne physique, organe représentant agit pour son propre compte dans son seul intérêt personnel ou dans l’intérêt d’un tiers, il n’engage pas la responsabilité pénale de la personne morale. Par exemple un dirigeant de société tue sa femme sur son lieu de travail ou avec un véhicule de fonction, il n’agit pas pour le compte de la personne morale.

Lorsque la personne morale apparaît plutôt victime de l’infraction parce qu’elle a été victime d’un détournement de fond, d’une banqueroute par détournement d’actif, l’infraction n’a pas été commise pour son compte mais à son détriment. De façon positive on peut dire que la condition est remplie lorsque l’organe ou le représentant a agi au nom et dans l’intérêt de la personne morale, mais aussi plus largement à son profit. Ce profit doit être largement entendu. C’est un bénéfice d’ordre matériel ou moral, actuel ou éventuel, direct ou indirect. Ce profit ne doit pas être trop strictement entendu. Il est évident qu’on aurait du mal à dire qu’une personne morale tire avantage d’un délit d’homicide involontaire, pourtant l’infraction est bien réalisée pour le compte de la personne morale. En résumé on peut dire qu’il suffit que l’infraction ait été commise par un organe ou un représentant agissant au nom de la personne morale à l’occasion d’activité ayant pour objet d’assurer l’organisation ou le fonctionnement du groupement de la personne morale.

En conclusion, lorsque ces deux éléments, la commission par un organe ou un représentant et pour le compte de la personne morale, sont remplis cumulativement, la personne morale est responsable sans qu’il soit nécessaire d’établir à son encontre une faute distincte de celle commise par l’organe ou le représentant. On a en jurisprudence, pendant un certain temps, hésité sur le point de savoir si la responsabilité pénale de la personne morale supposait l’établissement d’une faute distincte à son encontre. Certains auteurs avaient soutenu cette théorie, la théorie de la faute distincte, et certains juges du fond l’avaient retenu. Mais cette théorie a finalement été rejetée au profit d’une autre tendance selon laquelle la responsabilité pénale morale est seulement une responsabilité par reflet de la responsabilité de l’organe des représentants. Le rejet de la théorie de la faute distincte a finalement été consacré par la chambre criminelle, notamment dans deux arrêts, un premier du 2 décembre 97 et un autre du 26 juin 2001.

D’après cette jurisprudence, la faute pénale commise par l’organe ou le représentant de la personne morale, pour le compte de celle-ci, suffit à engager la responsabilité pénale de la personne morale, sans qu’il soit nécessaire d’établir une faute distincte à sa charge.

Deux observations :

Il ne faut pas en déduire que la personne physique doit nécessairement avoir été poursuivie et condamnée pour que la personne morale soit responsable. En effet, l’article 121 – 2 alinéa 3 n’impose pas un cumul de responsabilité de la personne physique et de la personne morale. Cette analyse de la responsabilité pénale de la personne morale comme une responsabilité reflet par représentation, est quand même malmenée depuis la loi Fauchon.

 

2§ La possibilité de cumul des responsabilités pénale et civile de la personne morale et de la personne physique.

Ce texte a clairement opté pour le principe d’un cumul possible des deux responsabilités. Toutefois une exception a été apportée à ce principe par la loi Fauchon du 10 juillet 2000.

1) Le principe.

L’alinéa 3 dit que la responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celles des personnes physiques auteur ou complice des mêmes faits. On pense d’abord aux personnes physiques organes ou représentants de la personne morale. Il peut s’agir de toute personne physique susceptible d’engager sa responsabilité pénale personnelle, donc même un salarié. Cette solution a été posée pour parvenir à une solution équilibrée. Exclure la responsabilité pénale des personnes physiques aurait pu conduire à leur déresponsabilisation. En même temps on n’a pas voulu opter pour un cumul obligatoire, systématique des deux responsabilités, parce que l’un des objectifs était que l’engagement de la responsabilité pénale des personnes morales puisse aboutir à une certaine limitation de celle des personnes physiques.

La solution retenue est celle d’un cumul possible mais non obligatoire. Le cumul est simplement possible.

Une première circulaire qui avait été établie sur la base des cents premières condamnations des personnes morales avait montré que, dans les deux tiers des procédures, il n’y avait pas eu responsabilité pénale d’une personne physique, soit parce qu’elle n’a pas été poursuivie soit parce qu’elle a été relaxée.

Cette pratique s’explique doublement. D’abord par rapport à l’article 121 – 2 al 3, mais aussi en raison du principe de l’opportunité des poursuites, c’est le parquet qui apprécie s’il y a lieu de poursuivre ou non.

La chambre criminelle dans un arrêt du 8 septembre 2004 a estimé que la relaxe prononcée en faveur des personnes physiques, organes ou représentants, n’exclut pas nécessairement la responsabilité pénale de la personne morale.

Ce principe a reçu une limite en 2000.

2) La limite introduite par la loi du 10 juillet 2000 dans l’article 121 – 2 alinéa 3.

En 2000 le texte a été modifié. La responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques sous réserves des dispositions du 4e alinéa de l’article 121 – 3.

Sous réserve qu’en matière de délit non intentionnel, en cas de causalité indirecte, une personne physique n’engage sa responsabilité pénale, que si elle a commis une faute délibérée ou caractérisée.

Si la personne physique a commis une faute qualifiée, elle engage sa responsabilité pénale. Si cette personne était organe ou représentant de la personne morale, le cumul est possible.

Si la personne physique n’a pas commis de faute pénale qualifiée sa responsabilité pénale ne peut pas être retenue, il est ne peut donc plus être question de cumul. Dans ce cas-là, la jurisprudence estime que seule peut être engagée la responsabilité pénale de la personne morale, ce que la chambre criminelle a dit à deux reprises, d’abord dans un arrêt du 24 octobre 2000 et dans un arrêt du 14 septembre 2004.