Droit public et privé des biens
Il existe des éléments de rapprochement entre droit public et droit privé. Il y a une immixtion du droit privé dans le droit public, en matière de contrats par exemple. En droit public économique, on a une banalisation d’opérateur public qui se voit appliquer les règles de droit privé. Pourquoi ? Car ces régimes de la domanialité publique ne s’appliquent pas à tous les biens domaniaux. Duguit parle de l’échelle de la domanialité. De plus on observe une préoccupation de revalorisation du domaine public qui impose des règles de droit privé. Par exemple le régime de précarité.
Il existe une division classique du domaine public et du domaine privé. Le domaine public est caractérisé par le droit de garde, l’aliénation impossible et il n’y a pas de droit de propriété. Pour le domaine privé on applique le Code civil et il existe un droit de propriété. Hauriou parle de droit de propriété sur le domaine public même si le régime est différent de celui du domaine privé. Le patrimoine des parties publiques est soumis au droit des propriétés publiques. Le droit de propriété est considéré comme relevant du droit civil. De ce fait, les juridictions judiciaires font respecter ce droit de propriété. Exemple : en droit d’expropriation. Or, le droit de propriété n’est pas fondamentalement privé. Le conseil constitutionnel la replacé dans la sphère du droit public en lui reconnaissant une valeur constitutionnelle : articles 2 et 17 de la DDHC. En conséquence, il existe un droit constitutionnel des biens. Voici le plan du cours de droit privé et public des biens sur cours-de-droit.net :
- Droit privé.
- Thème 1 : la notion de biens.
- §1 : La relation personne – bien – chose.
- §2 : La patrimonialité.
- §3 : L’évolution du droit des biens.
- Droit public.
- Thème 1 : la notion de biens.
- Droit privé.
- Thème 2 : Acquisition et transmission de biens.
- §1 : L’acquisition.
- A. Le caractère volontaire de l’acquisition.
- B. Caractère indifférent de l’affectation du bien requis.
- C. Variétés des modes d’acquisition.
- §2 : Transmission.
- A. Le principe de libre disposition.
- B. Les atteintes au principe.
- Droit public.
- Thème 2 : L’acquisition et la perte de propriété.
- §1 : L’acquisition.
- A. Procédés d’acquisition automatique du bien dans le patrimoine public.
- 1. Intégration au patrimoine de bien dans le domaine privé.
- 2. Intégration au patrimoine de bien dans le domaine public.
- B. L’importance de l’affectation d’un bien acquis.
- C. Un tempérament au principe : la nationalisation
- .§2 : La perte de propriété en droit public.
- A. La perte de propriété impossible.
- B. La protection des propriétés publiques.
- Droit public.
- Thème 3 : Les rapports de voisinage.
- §1 : Les charges de voisinage et le régime spécifique de la domanialité publique.
- A. Le domaine public est exempté des charges de droit civil.
- B. Les charges spéciales qui naissent de ce voisinage avec le domaine public.
- §2 : Les troubles de voisinage et le régime applicable aux ouvrages publics.
- §3 : L’engagement de la responsabilité de la personne publique en cas de carence de l’exercice de son pouvoir de police.
- Droit privé.
- Thème 3 : Les rapports de voisinage.
- §1 : Délimitation entre domaine publique et propriété riveraine.
- A. Problématique.
- B. La délimitation du domaine public naturel.
- 1. La délimitation régulière.
- 2. La délimitation irrégulière.
- C. La délimitation du domaine public artificiel.
- 1. Le plan d’alignement.
- 2. L’alignement individuel.
- §2 : Les charges réciproques de voisinage entre domaine public et propriétés privées.
- A. Les charges grevant la propriété privée au profit du domaine public.
- 1. Les charges d’utilité privée au profit du domaine public.
- 2. Les charges d’utilité publique.
- B. Les charges grevant le domaine public au profit de la propriété privée.
- CONCLUSION
- Thème 4 : les atteintes au droit de propriété.
- Droit public.
- §1 : Typologie des atteintes.
- A. La privation de propriété.
- B. Le contrôle des réglementations dans l’usage d’un bien.
- 1. La réglementation du droit de propriété doit correspondre à un objectif d’intérêt général.
- 2. Le contrôle de non dénaturation.
- §2 : Le régime juridique des atteintes au droit de propriété.
- A. La compétence.
- B. L’indemnisation.
- 1. Indemnisation en cas de privation.
- 2. Indemnisation en cas de réglementation du droit de propriété.
- Droit privé.
- Thème 4 : Les atteintes au droit de propriété.
- §1 : La perte du pouvoir.
- A. La perte totale du pouvoir.
- B. La perte partielle du pouvoir.
- 1. Personnes publiques.
- 2. Personnes privées.
- §2 : Restrictions du pouvoir.
- A. Restrictions fondées sur l’organisation de la vie en société.
- B. Caractère nécessairement évolutif de la restriction.
- Droit public.
- Thème 5 : La propriété collective.
- 1 : Les obstacles de la propriété collective des biens appartenant à la personne publique.
- A. Les obstacles à la propriété collective des dépendances du domaine public.
- B. Difficultés de l’application de la mitoyenneté et de la copropriété pour des biens appartenant au domaine privé.
- §2 : La technique de la division au volume.
Droit privé.
- Cours de droit public et privé des biens
- La propriété collective sur le domaine public
- Les atteintes au droit de propriété
- Les atteintes et privations de propriété par l’État
- La délimitation du domaine public naturel et artificiel
- Les charges de voisinage grevant domaine public et propriétés privées
- Les rapports de voisinage dans le domaine public
Thème 1 : la notion de biens.
Un bien est une chose dont l’homme fait un usage quelconque, c’est la dimension matérielle qui apparaît. Le bien est entendu comme chose corporelle.
Dans un sens juridique, un bien désigne l’ensemble des droits qu’une personne détient sur une chose. Ces droits constituent le patrimoine d’une personne et portent sur des biens corporels ou incorporels. Le droit civil régis ces contrats que la personne détient, mais ne constitue pas une entité isolée. Ainsi par exemple, un propriétaire devra respecter des règles d’urbanisme.
§1 : La relation personne – bien – chose.
Cette relation est fondée sur l’utilité et l’appropriation. Dans cette perspective, on cite souvent Portalis : « les choses ne seraient rien sans l’utilité qu’en tirent les hommes ». Donc, un bien doit revêtir une utilité, laquelle lui donne une valeur. D’autre part, ce bien doit être susceptible d’appropriation privée. Par conséquent, il faut exclure du domaine des biens en droit privé toutes les choses qui ne peuvent faire l’objet d’une appropriation privée. D’où distinction à faire : les biens qui appartiennent à des particuliers et les biens qui n’appartiennent pas à des particuliers (référence à l’article 537 du Code civil « Des biens dans leur rapport avec ceux qui les possèdent »). Sur les premiers, on applique le principe de libre disposition, en revanche il en va différemment sur les seconds.
L’article 536 du Code civil précise que, généralement toutes les portions du territoire français qui ne sont pas susceptibles d’une propriété privée sont considérées comme des dépendances du domaine public. Par ailleurs, les choses communes (articles 714 du Code civil), n’appartiennent à personne et l’usage qui peut en être fait est commun à tous. Les choses sans maître obéissent à un régime différent, l’article 713 du Code civil prévoit qu’elles appartiennent à l’État. L’article 539 précise qu’elles appartiennent au domaine public de l’État. Les choses de personne sont constituées de produits issus de la pêche et de la chasse. Quant aux choses abandonnées, elles l’ont été par leurs propriétaires. Leur prise de possession emporte leurs acquisitions instantanées.
§2 : La patrimonialité.
Le patrimoine est une universalité regroupant l’ensemble des droits et obligations d’une personne ayant une valeur pécuniaire. Il est fluctuant auprès d’entrée et de sortie des biens et des dettes de son titulaire. On dit que les droits patrimoniaux sont nécessairement économiques car ils sont dans le commerce, car ils sont transmissibles. On les distingue des droits exclus du patrimoine c’est-à-dire extra patrimoniaux dont la dimension morale interdit à la personne de s’en défaire. L’article 16-1 du Code civil dispose que le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial.
La théorie de l’unité du patrimoine issue de la doctrine d’Aubry et Rau intègre trois règles
_ Toute personne a un patrimoine :
La fonction du patrimoine est de protéger à travers le créancier du titulaire le crédit lui-même. Pour pouvoir emprunter, on justifie de la consistance de son patrimoine présent ou prévisible. La personne elle-même ne peut plus constituer une garantie de remboursement des dettes qu’elle a contractées : on lui a donc substitué ses biens.
L’article 2092 du Code civil dispose que quiconque s’est engagé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers présent et à venir.
L’article 2093 Code civil dispose que les biens du débiteur sont le gage commun de son créancier.
Même si une personne ne détient aucun bien, ou si les dettes sont supérieures à la valeur des biens, cela ne veut pas dire pour autant qu’elle n’a pas de patrimoine. Cela veut dire tout simplement que cette personne est insolvable. Dès le jour de sa naissance, la personne est titulaire d’un patrimoine jusqu’au jour de sa mort. À sa mort, ce patrimoine disparaît. Ses biens iront à ses héritiers ou légataires, ou s’il n’en existe pas, à l’État. Son patrimoine se fondera dans celui d’une autre personne (physique, morale, ou l’État).
_ Toute personne n’a qu’un seul patrimoine :
Le droit civil français ne reconnaît pas à une personne la possibilité d’isoler plusieurs patrimoines qui seraient affectés à des destinations distinctes. La notion de patrimoine en droit privé est difficilement transposable en droit public où l’on parle parfois des patrimoines publics
_ Seule une personne peut avoir un patrimoine :
Il ne serait pas concevable en droit privé qu’une entité autre qu’une personne puisse avoir un patrimoine. En DIP, patrimoine commun de la nation, patrimoine national,… sont des expressions qui proposent une signification distincte de la patrimonialité en droit civil. En matière de servitude publique, on trouve les termes de patrimoine culturel,… mais qui répondent à une protection pour un intérêt général.
Il existe un code du patrimoine (protection des droits au sens du droit public).
§3 : L’évolution du droit des biens.
Il s’agit de l’évolution récente. Jusqu’à l’après-guerre, la société française était essentiellement rurale, fondée sur l’attachement à la terre. La personne était enracinée à son bien. La valeur de son patrimoine était fondée sur la valeur immobilière. Elle prenait soin d’assurer la pérennité de ses biens qui ont vocation à être transmis à ses héritiers, héritiers qui eux-mêmes allaient s’inscrire dans les même démarches de continuité. Depuis, les modes de vie ont radicalement changé, poussant les personnes à constituer leur patrimoine par leurs propres industries sans attendre de succéder à leurs auteurs. Une succession qui arrive tardivement et dont la consistance est insuffisante pour espérer en faire une source de revenus assurant l’existence de l’héritier, voire de sa famille. Les biens n’ont plus vocation à transiter dans le patrimoine du titulaire à seule fin d’être transmis.
Aujourd’hui, intervient l’idée de consommation de biens qui jusqu’ici prenait durablement place dans le patrimoine du titulaire : électroménager, meubles, … C’est aussi vrai pour les immeubles, l’activité professionnelle étant linéaire. L’attachement à l’immeuble est par conséquent fort. D’autre part, le changement de conjoint est devenu ordinaire dans la vie contemporaine et oblige à faire un changement de patrimoine en cas de divorce ou de séparation (Exemple : PACS). À côté, on observe une dématérialisation des biens (brevet d’invention, propriété littéraire et artistique…).
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Droit public.
Thème 1 : la notion de biens.
En droit public des biens, on assiste également à des changements. Les interventions de la CJCE et de la CEDH nous font réfléchir sur le droit des biens. Le 18 juin 2002, la CEDH, par un arrêt Omeryindiz c/ Turquie considère, alors que le requérant avait construit son habitation en toute illégalité sur un terrain appartenant à l’État, que le fait d’y demeurer avec sa famille représentait « un intérêt économique substantiel », et qu’à partir du moment où les autorités avaient implicitement toléré les constructions litigieuses, le requérant était en droit de prétendre que cette habitation était un bien dont il pouvait exiger le respect. Cet arrêt témoigne d’une conception très extensible de la notion de biens, contrairement à la conception française. Donc on observe un décalage entre l’approche du conseil constitutionnel et celle de la CEDH.
Les biens bénéficient d’une protection qu’offre le droit de propriété. Ce droit de propriété, protégé par la DDHC (articles 2 et 17) peut être invoqué par les juridictions ordinaires et par le conseil constitutionnel. La propriété est donc inviolable et sacrée. Ce droit est aussi protégé par la convention européenne des droits de l’homme (article 1 du protocole 1er : toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens). L’étude du champ d’application de la propriété renseigne sur la définition de la notion de biens.
1ère décision du conseil constitutionnel qui fait référence au droit de propriété : décision du 16 janvier 1982 « nationalisation ».
1ère question : le conseil constitutionnel doit-il appliquer les principes 1789 ou bien doit-il réactualiser le texte ? Le conseil a décidé de réactualiser ces principes. En réalité ils ont été réaffirmés par des référendums de 1946,…
Dans sa décision de 1982, le conseil utilise une formule : il considère que les finalités et conditions d’exercice du droit de propriété ont subi une évolution caractérisée par une notable extension de son champ d’application à des domaines industriels nouveau. Cela signifie que la protection des droits de propriété va pouvoir embrasser des domaines qui n’étaient pas pris en compte par la définition. Puis, le conseil constitutionnel remplacera le terme « industriel » par « nouveau ». En omettant le terme industriel, il fait référence à l’intégration de la propriété publique au sein du droit de propriété.
Extension dans 2 directions :
— Elargissement des titulaires du droit de propriété.
Le conseil a pu dire assez rapidement que la protection de l’article 17 ne concerne pas seulement la propriété privée mais aussi à titre égal la propriété de l’État : décision des 25 et 26 juin 1986 « privatisation ». Le conseil a affirmé que les articles 12 et 17 étaient indifféremment applicables aux propriétaires privés et aux propriétaires publiques.
— Extension à des domaines nouveaux.
Pour le conseil constitutionnel, qu’est-ce qu’un bien ? Dans les rapports de concurrence, la DDHC protège la propriété, de même les catalogues des droits fondamentaux.
– L’extension constitutionnelle du droit de propriété aux biens meubles.
Dès le départ, en 1982, le conseil a considéré que le droit de la propriété dépassait le cadre de la propriété immobilière. Cette position a été confirmée à plusieurs reprises. Exemple : la loi de 2002 sur la modernisation sociale prévoit qu’un arrêté ministériel fixe le prix de location des meubles dans des logements pour personnes en difficulté. Les bailleurs sociaux invoquaient l’atteinte à leur droit d’usufruit puisqu’ils n’avaient pas la liberté de fixer eux-mêmes le prix de location. Pour le conseil constitutionnel il n’y a pas d’atteinte substantielle, le droit de propriété s’applique à ces biens meubles. En réalité, la propriété immobilière était connue en 1789 surtout que le Code civil précise que la propriété est mobilière ou immobilière.
– L’extension constitutionnelle du droit de propriété aux biens incorporels.
Les droits personnels ou intellectuels peuvent-ils faire l’objet d’un droit de propriété ? Le conseil constitutionnel prend en compte la patrimonialisation croissante d’éléments importants. La protection du droit de propriété pouvait concerner d’autres droits que les droits réels. Par exemple les droits intellectuels. Dès lors que le conseil constitutionnel avait admis en 1982 que la nationalisation pouvait porter atteinte aux droits de propriété, on pouvait considérer que le conseil constitutionnel appliquait le principe du droit de propriété à d’autre propriété que la propriété corporelle. En réalité, ce raisonnement est un peu faussé. En effet, le conseil constitutionnel a pu raisonner comme il le faisait pour un bien corporel : en ce qui concerne les actions, les droits du porteur s’incorporent au titre. Élargissement à la propriété littéraire et artistique, à la propriété industrielle, à la propriété commerciale, à la propriété culturelle.
– rapprochement du droit français avec le droit anglo-saxon. Pour le droit anglais, une créance peut être qualifiée de bien et peut donc faire l’objet de la protection du droit de propriété. Le droit français a été influencé par ce droit anglo-saxon à cause des cabinets souvent anglo-saxon et à cause de l’influence de la CEDH.
– le conseil constitutionnel s’est orienté dans la direction d’étendre la propriété à la propriété intellectuelle : la protection des droits des marques. Il a admis que le droit des marques pour le propriétaire d’une marque commerciale fait partie des nouveaux domaines bénéficiant de la protection de l’article 17.
Décision du conseil constitutionnel du 18 janvier 1991 : loi Evin contre la propagande de tabac. Cette loi evin porter atteinte aux droits de propriété selon les fabricants car elle leur permettait plus de faire connaître leurs marques. Pour le conseil constitutionnel, d’une part, il n’y a pas d’atteinte à l’existence de la marque et d’autre part, il y a bien une restriction de l’exercice du droit de propriété mais elle trouve une justification dans la protection de la santé publique. Le juge a accepté de contrôler par rapport un droit de propriété un droit de marque. On peut appliquer l’article 17 au droit des marques.
Décision du conseil constitutionnel du 15 janvier 1992 : loi sur la légalisation des publicités comparatives. Y a-t-il une limitation du droit de propriété du titulaire de la marque ? Peut-il s’opposer à ce qu’un concurrent utilise sa marque dans des publicités comparatives ? Pour le conseil constitutionnel, l’utilisation de la marque concurrente est une atteinte aux droits de propriété justifiée par une finalité d’intérêt général. Le conseil a accepté sous réserve d’appliquer au propriétaire intellectuel la même protection que pour le propriétaire corporel.
La clientèle commerciale et le droit au bail peuvent faire l’objet de cession. Ils ont un caractère patrimonial, ce sont des propriétés commerciales.
La clientèle civile : pour la Cour de Cassation, un médecin peut céder à son successeur sa clientèle sous réserve que soit sauvegardée la liberté du patient. Le conseil constitutionnel a-t-il suivi ? Décision de 2001 : le conseil n’a pas exclu qu’une clientèle soit susceptible d’être protégé par l’article 17. La CEDH, le 26 juin 1986 « VAN MARLE », a considéré que les biens incorporels étaient protégés par l’article 1er du protocole n°1 (clientèle civile).
– Les limites de l’extension.
Est-ce que le droit de propriété peut s’appliquer à une autorisation administrative ?
En droit, les preneurs d’autorisation administrative se trouvent dans une situation de précarité en ce qu’ils ne bénéficient pas de droit acquis au maintien de leur autorisation.
Pour la CEDH, les autorisations administratives bénéficient de cette protection la mesure où on leur reconnaît un caractère patrimonial.
Pour le conseil constitutionnel :
Exemple : décision de 1982. Le régime des licences accordées aux conducteurs de taxi rapatrié d’Algérie, ne mettait pas en cause les principes fondamentaux de la propriété. Saisine du conseil au titre de l’article 37 de la constitution : les dispositions relatives à ce régime doivent-elles être fixé par la loi ou règlement ? Pour la propriété c’est la loi, pour la non propriété c’est le règlement. Pour le conseil, ce régime ne remet pas en cause le droit de propriété. Cette autorisation n’est pas assimilable à un bien. Dès lors, le bénéficiaire ne pouvait invoquer la protection du droit de propriété.
Exemple : les droits à pension : sont-ils des droits de propriété ? En 1986, une loi posait l’interdiction du cumul d’une pension de retraite avec un salaire. Or, les requérants estimaient que cette loi les obligeait à se priver de leur retraite. Ils auraient dû alors recevoir une indemnisation selon l’article 17 (on peut enlever un droit de propriété contre indemnité) et une autre indemnité provoquée par la suppression d’un droit acquis. Le juge a rejeté la requête : les droits à pension ne peuvent faire l’objet du droit de propriété.
Exemple : suppression d’un avantage fiscal. Les requérants invoquaient une atteinte aux droits de propriété car cela aboutissait à un prélèvement dans le patrimoine de l’épargnant. Le juge constitutionnel a refusé d’appliquer le principe du droit de propriété. A aucun moment le juge constitutionnel a considéré que des avantages fiscaux puissent générer des droits acquis.
Exemple : suppression d’un privilège professionnel. Pour le juge constitutionnel il ne peut bénéficier de la protection du droit de propriété.
Ce qui explique toutes ces prises de position c’est l’absence de possibilités pour la loi française de générer des droits acquis. Le législateur peut à tout moment abroger une loi. C’est la même chose pour les règlements : tout acte administratif peut être modifié à tout moment.
Le Conseil d’État s’inscrit dans la même logique que le conseil constitutionnel.
Dans l’arrêt du 29 janvier 2003 « syndicat national de la télématique », le conseil d’État considère que les numéros de téléphone attribué par l’ART ne sont pas susceptibles de propriété.
Exemple : les numéros en 08 sont modifiés. Les requérants invoquaient la propriété du fonds de commerce en faisant valoir que le numéro de téléphone est un élément du fonds de commerce car c’est leur principal identifiant. Pour la cour d’appel de Nancy, le numéro de téléphone fait partie du fonds de commerce. Le conseil d’État ne s’est pas prononcé sur cette question. Il ne s’est prononcé que sur la nature du droit exercé sur ce numéro de téléphone. La loi prévoit l’incessabilité de ce numéro de téléphone : il y a pas de droits de propriété. Pour le conseil d’État, les numéros de téléphone faisant partie d’un fonds de commerce, ne peuvent faire l’objet d’un droit de propriété.
De même pour les licences des débits de boissons. La position du conseil d’État a été critiquée. Selon certains, les autorisations administratives auraient un caractère patrimonial.
La CEDH inclut le droit à pension dans le champ de la protection des droits assurés par la convention. Décision du 16 septembre 1996 « GAYGUSUZC » : allocation d’urgence un chômeur en fin de droits. Pour la CEDH, les droits à pension sont des biens. Quelle est l’influence de la jurisprudence de la CEDH sur le droit français ?
Exemple : au titre de l’article 14, la CEDH a sanctionné une discrimination au titre de la nationalité (jouissance d’un droit reconnu par la convention : droit au respect des biens).
Ce raisonnement a été suivi par le juge administratif : les droits à pension des militaires qui avaient présenté pour leur pays nouvellement indépendants (exemple : Sénégal) ont été supprimé. Une loi de 1960 a interdit toute réactualisation de leur pension : c’est une discrimination dans l’allocation des pensions de retraite entre les nationaux et les non nationaux. La requête devant le conseil d’État consiste à évoquer l’article 14 de la CEDH relatif au droit au respect de biens, en l’occurrence l’allocation de la pension de retraite. Pour que l’ex militaire sénégalais bénéficie de la rémission de son allocation, il fallait que le conseil d’État écarte la loi de 1960 pour incompatibilité avec la CEDH. Il fallait tout d’abord admettre que la pension était un bien.
Exemple : arrêt d’assemblée du conseil d’État de novembre 2001 « Ministre de la défense contre IOP » : de même pour les allocations familiales. Le recours à la CEDH est très intéressant en matière sociale.
Le Conseil d’État donne à la notion de bien une plus grande portée que le conseil constitutionnel n’a reconnu au titre de l’article 17. Le conseil d’État s’écarte du conseil constitutionnel.
Au contraire, le conseil constitutionnel allemand reconnaît que les droits à pension peuvent faire l’objet d’une protection au titre des droits de propriété.
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Droit privé.
Thème 2 : Acquisition et transmission de biens.
L’acquisition et la transmission de biens concernent d’une part des biens détenus par les particuliers (personnes physiques ou morales de droit privé) et d’autre part la détention des biens en pleine propriété. En droit privé, l’acquisition et la transmission des biens obéissent à un certain nombre de règles.
§1 : L’acquisition.
A. Le caractère volontaire de l’acquisition.
L’entrée d’un bien dans le patrimoine de son titulaire est dominée par le volontarisme. On ne devient pas propriétaire contre son gré. L’état de propriétaire est voulu et non imposé, même dans le cas où en apparence la qualité de propriétaire semble acquise par le seul effet de la loi et non de la volonté.
Le caractère volontaire de l’acquisition est particulièrement flagrant pour celles qui reposent sur un mécanisme de droit des obligations. Il en est ainsi par exemple de la vente et de la donation. Les parties à ces contrats doivent manifester tout autant la volonté de transmettre que celle de recevoir. Et contrairement à ce que l’on croit parfois, la volonté de se rendre propriétaire est traitée par le droit avec autant d’attention que celle de se défaire de cette qualité de propriétaire.
L’article 936 du code civil entoure l’acceptation de la donation par un sourd muet d’un formalisme particulièrement marqué tendant à s’assurer que le donateur accepte effectivement la libéralité et cela quand bien même la donation serait sans charges. Il s’agit d’un texte éloquent car d’une part il n’existe pas de dispositions semblables dans la théorie générale des obligations alors que certains actes qu’un sourd muet peut passer peuvent apparaître beaucoup plus grave de conséquences que celui d’acquérir un bien (par exemple, vendre un bien), et d’autre part, l’équivalent n’existe pas du côté du donateur sourd muet alors qu’on pouvait penser a priori, que celui qui se détache d’un bien devrait être beaucoup plus protégé que celui qui le reçoit.
Cet aspect volontariste se retrouve également pour la personne devenue propriétaire par le jeu de la possession ou de l’occupation, puisqu’il y a intention de s’affirmer maître de la chose, puisqu’il existe véritablement une intention d’appropriation.
Cela se vérifie encore dans des hypothèses où la volonté de futur propriétaire semble, en apparence inexistante : c’est le cas de la dévolution légale ab intestat (recevoir un bien sans qu’il y ai de testament) et du testament. Dans les 2 cas, l’héritier ab intestat ne peut être considéré comme propriétaire des biens dévolus qu’à partir du moment où il accepte la succession (certains actes peuvent traduire la volonté d’être propriétaires au-delà de la renonciation ou de l’acceptation qui ont un délai de 30 ans). De la même manière, le légataire peut toujours refuser de devenir propriétaire du ou des biens que le testateur entendait lui léguer, indépendamment des notions de délivrance du légataire, de saisine de plein droit et d’envoi en possession (voir droits de succession).
Ceci étant, un tempérament au caractère volontaire de l’acquisition des biens en droit privé doit être apporté dans l’hypothèse où une personne, sans manifester sa volonté, devient propriétaire d’un bien pour l’unique raison qu’elle est déjà propriétaire d’un autre bien : l’accession et la découverte d’un trésor : article 716 du code civil.
Dans ces deux cas particuliers, la qualité de propriétaire résulte d’un état de fait et non de la volonté. On se rapproche alors de ce qu’on observe en droit public.
Si on fait le parallèle avec les biens appartenant à l’État, on se rend compte que celui-ci dispose d’une grande faculté d’absorption automatique des biens dans son patrimoine. Il en est ainsi par exemple des biens sans maître (article 739-713 du code civil), des biens vacants (article 739). àCaractère d’automaticité.
La désaffection est le fait, pour un bien appartenant au domaine public de l’État de ne plus être affecté à un domaine public ou à l’usage du public. Un acte de déclassement et alors pris, constatant cet état de fait. Le bien sort alors du domaine public pour entrer dans le domaine privé de l’État. Il n’y a pas à proprement parler d’acquisition par l’État de bien, mais il y a tout de même entré d’un bien dans le patrimoine privé (ou domaine privé) de l’État, de même qu’il y a entrée d’un bien dans le patrimoine d’une personne en droit privé.
B. Caractère indifférent de l’affectation du bien requis.
Contrairement au droit public, le droit privé des biens ne prend pas en compte l’affectation du bien c’est-à-dire l’usage que compte en faire son propriétaire pour considérer qu’il rentre ou non dans le patrimoine de son titulaire. En droit administratif des biens, les biens se divisent selon qu’ils sont affectés ou non à l’usage du public ou à un service public. Dans l’affirmative, ils appartiennent au domaine public, dans la négative au domaine privé. En droit public, l’acquisition d’un bien ne peut se détacher de la question de son affectation. Cette question de l’affectation du bien à un usage quelconque est inconnue en droit privé. Il n’existe pas de notion de pluralité de patrimoine en droit privé. Autrement dit, il n’y a pas de patrimoine d’affectation, si bien que la question de l’affectation d’un bien à telle ou telle destination ne se pose pas au moment de l’acquisition. Mais surtout, c’est la question de l’affectation du bien qui est indifférente en droit privé : celui qui entend devenir propriétaire d’un bien n’a pas à justifier de la destination qu’il entend lui donner.
L’article 544 du Code civil prévoit d’ailleurs que « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par la loi ou les règlements ».
A partir du moment où une personne a la volonté de faire entrer un bien dans son patrimoine, le droit ne lui imposerait aucune justification sur l’usage qu’elle compte en retirer. Autrement dit, le droit n’exerce pas de contrôle sur l’affectation que le futur propriétaire a l’intention de donner au bien, sauf s’il s’agit d’un usage prohibé. L’État lui-même, à travers les pouvoirs publics n’exercent pas ce contrôle alors même que l’acquisition du bien pourrait sembler inopportune notamment au regard de la sauvegarde des deniers publiques. Par exemple, si une personne très endettée, qui en raison de ses faibles ressources fait largement appel à l’aide étatique, s’endettait à nouveau afin d’acquérir des biens dont l’utilité pratique serait sujette à caution…(yacht…), alors il n’y a pas de contrôle sur l’utilité de l’acquisition : il s’agit d’un acte privé qui doit demeurer dans la sphère de la volonté individuelle au-delà de toute idée d’affectation, on ne porte pas de jugement de valeur (il en va différemment en droit des biens publics). Néanmoins, il existe des cas résiduels où le droit intervient pour prendre en compte l’idée d’affectation au moment du passage de la qualité de non propriétaire à celle de propriétaire d’un bien :
Exemple : cession d’entreprises en matière de redressement judiciaire. Le plan du preneur est examiné par le tribunal.
Exemple : la donation avec charge.
Exemple : si un époux met en péril les intérêts de la famille : article 1429 du Code civil.
Dans l’hypothèse de la préemption, l’État intervient pour faire priver sa prétention à la propriété sur tout autre prétention privée.
La rétrocession est le cas où un particulier peut exiger qu’un bien appartenant à l’État rentre dans son patrimoine si l’État n’a pas donné d’affectation à ce bien. La rétrocession a pour principe que lorsqu’un immeuble qui a fait l’objet d’une expropriation ne reçoit pas la destination prévue dans la déclaration d’utilité publique, on considère que le propriétaire exproprié peut en demander la rétrocession, c’est-à-dire demander que ce bien sorte du patrimoine public pour rentrer à nouveau dans son propre patrimoine. Le délai à respecter de l’expropriation est de 30 ans.
C. Variétés des modes d’acquisition.
Tout comme en droit public, les modes d’acquisition de la propriété sont variés. Certains sont communs au droit privé et au droit public : l’accession, par exemple, la vente… D’autres sont propres à l’un ou à l’autre. Pour s’en tenir à notre matière, il convient de se référer au livre 3 du Code civil intitulé : « des différentes manières dont on acquiert la propriété », et en particulier à l’article 711 qui dispose que la propriété des biens s’acquiert et se transmet par succession, par donation entre vif ou testamentaire et par l’effet des obligations. L’article 712 précise que l’acquisition de propriété résulte également de l’accession et de la prescription. Au-delà des modes traditionnels telle que la vente, la donation, le testament, la dévolution légale, l’accession ou l’occupation et la possession (où la prescription joue un rôle déterminant), on peut intégrer la rétrocession.
Il faut également signaler l’hypothèse de l’expropriation au profit d’une personne privée : article 545 du Code civil : « nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n’est pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité ». Cet article ne précise pas le bénéficiaire de l’acquisition : personne privée ou publique. En raison du motif d’utilité publique exigé par le texte, on en déduit fréquemment que ce bénéficiaire ne peut être une personne privée, alors qu’en réalité cela peut se produire. L’expropriant, personne privée, droit alors exercer une activité présentant un intérêt général et tenir son droit d’exproprier d’un texte le lui conférant. Sont concernés au premier chef les concessionnaires. Exemple : les mines : article 71 et 73 du code minier : ces textes n’ont plus guère d’application pratique car la construction d’ouvrages nécessaires à l’exploitation de mines n’a plus lieu d’être aujourd’hui. Mais d’autres concessionnaires ont une propension à exproprier beaucoup plus importante : concession de travaux publics, concession de distribution d’énergie électrique, concession d’opérations d’urbanisme ou de rénovation urbaine. En donnant des concessions, d’autres personnes privées peuvent exproprier : par exemple, les propriétaires de sources thermales.
L’expropriation au profit d’une personne privée montre bien combien la frontière entre le droit public et le droit privé des biens n’est pas si nette qu’il y paraît. D’un côté, l’expropriation trouve sa place en droit public en raison du motif d’utilité publique justifiant l’expropriation, mais d’un autre côté, la privation de propriété que constitue l’expropriation est certainement l’atteinte la plus grave qu’un propriétaire doit subir. Par ailleurs, le rattachement au droit privé se justifie pleinement dans la mesure où le bien sort du patrimoine d’une personne privée pour rentrer dans le patrimoine d’une autre personne privée, laquelle exercera ses prérogatives de propriétaire tout en suivant des exigences propres au droit public.
La rétrocession est également un mode d’acquisition de la propriété original dans la mesure où le propriétaire d’origine, personne privée expropriée, ou ses ayants droits recouvrent la propriété de son bien. Cependant, il existe une réserve, il faut que le bien ne soit pas détruit ou il n’y a plus d’affectation. Il apparaît ici une sorte de hiérarchie entre la propriété publique et la propriété privée où l’on voit que la propriété privée est résiduelle.
§2 : Transmission.
Le droit privé des biens est marqué par le principe de libre disposition (A) qui comporte des atteintes diverses (B).
A. Le principe de libre disposition.
La libre disposition implique les pouvoirs pour le propriétaire d’accomplir comme bon lui semble tout acte juridique ou matériel sur son bien, y compris des actes qui se traduiraient par une perte de tout ou partie de ce bien. Traditionnellement, ce propriétaire vend, donne, lègue son bien, mais il peut en faire un usage tout à fait libre : il peut le consommer, en changer la destination, l’incorporer à un autre bien, l’abandonner ou le détruire.
L’abandon : le bien abandonné devient res delitictae c’est-à-dire qu’une personne à son tour pourra se l’approprier.
Le délaissement est assez proche de l’abandon.
On rencontre le délaissement dans le domaine de l’expropriation et de l’urbanisme. Le droit de délaissement correspond à l’hypothèse où le propriétaire d’un immeuble privé d’une charge met en demeure le bénéficiaire de cette charge d’acquérir cet immeuble. Le droit de disposer réduit celui de ne pas disposer de son bien. Nul ne peut contraindre un propriétaire à céder sa propriété.
B. Les atteintes au principe.
Même en laissant de côté le cas particulier de l’expropriation, le principe de libre disposition connaît des limites. Ces atteintes sont nécessairement graves puisqu’elles touchent les prérogatives essentielles du droit de propriété : l’abusus. C’est la raison pour laquelle, hormis l’hypothèse particulière de la propriété dite inaliénable, elles trouvent généralement leur source dans des considérations qui touchent davantage des préoccupations de droit public que de droit privé.
Les atteintes posent problème au regard de l’article 17 de la DDHC. Le conseil constitutionnel par une décision de 4 juillet 1989 a considéré au sujet d’une loi conditionnant la vente d’actions de sociétés privatisées à un contrôle administratif que « cette loi, sans remettre en cause le droit de propriété, définit une limitation à certaines modalités de son exercice qui n’a pas un caractère de gravité telle que l’atteinte qui en résulte en dénature le sens et la portée », et que par conséquent elle n’est pas contraire à la constitution.
Ce sont les contraintes urbanistiques et environnementales qui affectent sans doute le plus le quotidien du propriétaire tenu de s’enguérir de la réglementation en vigueur, celle-ci lui prescrivant par exemple de procéder à une déclaration administrative ou de solliciter une autorisation administrative afin de réaliser un acte de propriété parfois très banal tel que par exemple la rénovation d’une façade. De la même manière, le droit de détruire le bien dont on est propriétaire s’avère en réalité soigneusement encadré. Ainsi, le code de l’urbanisme traite du permis de démolir des immeubles. Pareillement, le propriétaire d’un monument historique ne peut le détruire librement sans encourir de sanctions pénales.
La situation inverse peut également s’observer, à savoir que le propriétaire peut être contraint de détruire son bien. Il en est ainsi des immeubles menaçant ruine, ou de la destruction des déchets.
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Droit public.
Thème 2 : L’acquisition et la perte de propriété.
En droit public, le droit de la domanialité publique est très complexe. Il se mêle des règles d’incorporation forcée qui s’appliquent en raison de l’affectation des biens. Il y a aussi le droit de propriété publique qui limite la cession et l’acquisition d’un bien dans le but de protection des deniers publics et d’égalité des citoyens devant les charges publiques.
§1 : L’acquisition.
Il s’agit ici des procédés, des modes d’acquisition d’un patrimoine à un autre. Il y a 2 caractéristiques en droit public :
_ L’existence de mécanismes d’acquisition automatiques de bien dans le patrimoine public.
_ L’emploi de procédés d’acquisition forcés qui sont justifiés par l’affectation du bien.
A. Procédés d’acquisition automatique du bien dans le patrimoine public.
Ils incorporent le bien dans le domaine public ou dans le domaine privé de la personne publique.
1. Intégration au patrimoine de bien dans le domaine privé.
L’article 539 du Code civil dispose que tous les biens vacants et sans maître (…) appartiennent domaine public. Cet article fait référence au domaine public mais en réalité il y a une confusion entre le domaine public et le domaine privé.
La qualité de propriétaire est-elle acquise automatiquement ou bien faut-il une manifestation de volonté de la part de l’administration ? La Cour de Cassation : un individu décède sans héritiers, sa succession comprend un mur de soutènement, un terrain qui s’effondre un siècle plus tard sur la propriété voisine entraînant des dégâts. Le propriétaire se tourne vers l’État qui se dit non propriétaire du terrain, mais la Cour de Cassation parle d’acquisition de plein droit de l’administration même sans arrêté préfectoral. Donc, la qualité de propriétaire est acquise automatiquement.
Dans le code du domaine de l’État, il existe des procédures telles que l’article L.27 qui prévoient une acquisition par l’État d’immeubles sans propriétaire connu dont les impôts fonciers n’ont pas été payés depuis 5 ans : publication d’un arrêté, ce propriétaire ne se manifeste pas dans les mois, un arrêté préfectoral déclarera l’État propriétaire sur le principe de l’article 539 du Code civil.
La loi SRU de 2000 complète ce dispositif en prévoyant que le maire peut demander au préfet d’engager la procédure si le bien vacant est susceptible d’intéresser la commune. Le préfet peut céder ce bien à la commune (sous réserve de le payer bien souvent).
S’agissant des biens meubles, des lois attribuent le bénéfice du dit bien à l’État et ce automatiquement.
Exemple : les épaves maritimes dont la vente sera acquise au trésor public.
Exemple : dans le domaine public maritime, acquisition automatique au bout de trois ans.
Exemple : la théorie de l’accession peut également bénéficier au domaine public. Le droit de propriété est de même nature que la propriété privée, donc les accessoires de la propriété jouent également pour la propriété publique.
2. Intégration au patrimoine de bien dans le domaine public.
2 conditions supplémentaires : l’incorporation et l’affectation.
L’incorporation requiert un acte express de reclassement qui manifeste la volonté de l’administration de lui donner une protection particulière. Mais parfois, l’incorporation est automatique. Dans ce cas, l’acquisition et l’incorporation seront simultanées. Cela concerne les dépendances du domaine public naturel c’est-à-dire maritime et fluvial.
Exemple : le rivage de la mer dont l’intervention de facteurs naturels va provoquer l’extension du domaine public (flots, marées, rupture d’un cordon littoral qui isole l’étang de la mer, un cours d’eau envahissant des terrains privés). Au départ, la consistance du domaine public est définie par la loi, mais l’incorporation au domaine public se fait donc aussi par les phénomènes naturels.
B. L’importance de l’affectation d’un bien acquis.
Le droit public prend en compte l’usage que le propriétaire va en faire. Donc, l’administration propriétaire définit la destination du bien par un acte judiciaire d’affectation ou par une affectation illicite. L’incorporation future du bien au domaine public justifie le recours aux procédures de cession forcée du dit bien. L’affectation du bien résulte implicitement de la destination du bien. Les biens acquis par ces procédures de cession forcée doivent obligatoirement intégrer le domaine public : expropriation, alignement (la publication du plan d’alignement est attributive de propriété),…
C. Un tempérament au principe : la nationalisation.
C’est le transfert de la propriété d’une entreprise du domaine privé au domaine public.
Elle ne peut se faire que par la loi. C’est une cession forcée d’actions, le transfert porte sur des biens meubles qui n’intègrent pas le domaine public.
En 1982, gouvernement Mauroy, les entreprises nationalisées gardèrent leur forme judiciaire initiale, l’État s’est simplement substitué aux actionnaires, ainsi, elles ont continué à être régies par le droit privé. En 1946, la nationalisation a touché un secteur : l’État confie le monopole à une personne morale de droit public qu’elle créa, EDF.
En général, les biens affectés à un SPIC relèvent du domaine privé sauf si un texte les incorporent au domaine public (biens immobiliers affectés au service public ferroviaire).
NB : depuis août 2004, EDF est devenue une société commerciale.
Les procédures d’acquisition utilisée en droit privé sont aussi utilisables dans le domaine public (prescription acquisitive…).
§2 : La perte de propriété en droit public.
Il n’y a pas de principe de libre disposition du bien. C’est sur ce point de la perte de propriété que le régime administratif va se faire le plus ressentir.
Exemple : protection des deniers publics. Il existe des principes qui vont encadrer la cession de biens appartenant au domaine public, mais pour certains biens, c’est la perte de propriété elle-même qui est inenvisageable. Le droit de la domanialité publique empêche la cession ou la perte de biens publics.
A. La perte de propriété impossible.
Cela concerne le droit de la domanialité publique, c’est-à-dire les biens appartenant au domaine public. Ce droit est un droit de la protection. Il s’agit d’assurer la protection de biens qui sont nécessaires à la satisfaction d’un certain nombre d’intérêts généraux essentiels, des biens qui vont permettre la circulation des personnes et des biens. Ce droit implique un principe d’inaliénabilité ou d’indisponibilité du bien. Ce principe a pour première raison d’être la protection d’une affectation. C’est l’usage qui est fait du bien qui le rend indisponible. Cela concerne essentiellement les biens du domaine public artificiel. Concernant le domaine public artificiel, on considère que le principe d’indisponibilité du bien est fondé sur le principe de continuité du service public. Le principe d’indisponibilité des biens du domaine public naturel va être fondé sur la nécessaire protection d’éléments du patrimoine naturel qui sont irremplaçables. Cela concerne aussi les biens meubles incorporés dans le domaine public, tels qu’une collection de musées par exemple.
Conséquences de ce principe d’indisponibilité des biens appartenant à une personne publique :
— La nullité des aliénations volontaires, c’est-à-dire d’une vente de biens appartenant au domaine public (dès lors qu’ils n’ont pas été déclassés). Les acheteurs de ces biens sont tenus de les restituer même s’ils sont de bonne foi. Ils ne peuvent pas obtenir le remboursement du prix qu’ils ont payé, mais ils peuvent engager la responsabilité de l’administration et ainsi obtenir des dommages et intérêts.
— La nullité des échanges : bien du domaine public contre bien du domaine privé. Mais le prêt est possible.
— La nullité des cessions forcées : un bien du domaine public ne peut pas faire l’objet par exemple qu’une expropriation. Il existe une autre procédure : la procédure des mutations domaniales qui peut aboutir à priver une collectivité publique d’un bien au bénéfice d’une autre collectivité publique sans indemnité.
— Le principe d’imprescriptibilité qui empêche toute action possessoire de la part d’un particulier à l’encontre d’une collectivité publique propriétaire.
B. La protection des propriétés publiques.
Elle concerne les conditions dans lesquelles les biens du domaine privé peuvent être aliénés. Il existe des aliénations interdites concernant les biens du domaine privé.
Exemple : les chemins ruraux : ce sont des dépendances du domaine privé du fait de la loi, néanmoins ils sont affectés à l’usage du public, donc leur cession ne peut être autorisée qu’après leur désaffection, sinon l’aliénation est atteinte.
Le droit de propriété publique impose également des contraintes.
Problème des privatisations : c’est la cession de biens publics. La privatisation peut être considérée comme une cession de biens du patrimoine public vers la propriété privée. Il y a un encadrement juridique mis en place par le conseil constitutionnel en 1986. 1986 : Mitterrand / Chirac. Le gouvernement passe par la voie des ordonnances : il fait voter une loi par le parlement pour habiliter le gouvernement à privatiser. Le conseil constitutionnel valide la loi d’habilitation. Les ordonnances sont votées, mais Mitterrand refuse de signer. Donc blocage. Le gouvernement transforme ces ordonnances en projet de loi, qui sont votés.
Un certain nombre de contraintes sont édictées dans la décision du 25-26 juin 1986 : dispositions constitutionnelles qui interdisent toute sortie de certaines entreprises du patrimoine public. Alinéa 9 du préambule de 1946 : « toute entreprise dont l’exploitation a ou acquiert tout bien ou … ».
Les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité. Le service public qui a une exigence précisée par la constitution ne peut être privatisé. Il existe donc un espace irréductible de propriété publique. De manière théorique, on considère que les services publics constitutionnels poussent la souveraineté (police, maintien de l’ordre public, armée…). Pouvait-on appliquer ceci à l’enseignement public laïque ?
Cette cession apparaît très fortement réglementée :
— La détermination du prix de la cession est une liberté très restreinte.
Exemple : cession de biens pour 1€ symbolique : c’est l’hypothèse de la commune qui cède des terrains pour 1€ afin d’attirer les entreprises. Ca pose un problème au regard du droit des aides, au regard du droit communautaire (il est vigilant sur les aides nationales), du principe de libre concurrence, et du droit des propriétés publiques.
Au niveau du droit de propriété publique, 2 principes s’y opposent :
_ Il est interdit aux personnes publiques de consentir des libéralités, en vertu du principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques. Il serait critiquable que certains citoyens bénéficient d’avantages par rapport aux autres.
_ Dans la décision du 25-26 juin 1986, se dégage le principe suivant : les biens ou les entreprises appartenant au patrimoine public, ne peuvent être cédé à des personnes poursuivant un intérêt privé pour un prix inférieur à leur valeur. Le fondement de ce principe se trouve dans l’article 17 de la DDHC.
Mais le juge administratif de Besançon a également appliqué ce principe à d’autres situations, tels une cession de terrain pour 1€ symbolique, alors que c’était une pratique courante depuis le début des années 80.
Le conseil d’État a finalement admis la validité de la cession dans l’arrêt « Commune de FOUGEROLE » du 3 novembre 1997 car la commune avait exigé une compensation : l’entreprise s’était engagée à créer un certain nombre d’emplois sur la commune (motifs d’intérêt général). Il y a donc une contrepartie.
En droit civil, le vendeur doit avoir un avantage. Si le vendeur a une position libérale, le juge requalifiait la vente en donation. C’est l’idée d’intérêt à la vente.
Cette idée d’intérêt général se trouve dans d’autres affaires : en matière de terrain pour construire des logements sociaux, ou encore en matière de prix préférentiel d’un terrain pour un jeune couple qui désire s’installer sur la commune.
L’acheteur doit donc s’engager. S’il se désengage, il doit rembourser le prix réel de terrain, mais c’est peu probable dans les faits.
— Contraintes qui tiennent à l’autorité compétente pour décider de la privatisation.
Exemple : les forêts domaniales ne peuvent être vendues qu’en vertu d’une loi.
Exemple : pour privatiser une entreprise, il faut une loi.
— Il existe également une procédure d’encadrement d’évaluation du prix de la cession afin de défendre des intérêts patrimoniaux de l’État.
_ l’évaluation est réalisée par des experts indépendants,
_ il existe des critères à prendre en compte pour évaluer,
_ le respect de l’indépendance nationale doit être assuré. Exemple : la cession d’anciens bâtiments militaires ne peut être faite qu’à des Français,
_ il existe une procédure d’adjudication publique.
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Droit public.
Thème 3 : Les rapports de voisinage.
On s’intéresse en 1er lieu aux contraintes qui résultent de la situation même d’un bien, et notamment des rapports entre un domaine privé et une dépendance domaniale. Ces rapports ne dépendent que pour une faible part du droit privé. En 2nd lieu, en s’intéresse au comportement du propriétaire d’un exercice de son droit de propriété. Le droit public est alors doublement intéressé : la responsabilité publique peut être engagée du fait des préjudices subis par les voisins du domaine public et aussi par la carence de la personne publique à faire cesser les troubles de voisinage.
§1 : Les charges de voisinage et le régime spécifique de la domanialité publique.
Les biens du domaine privé de la personne publique sont soumis aux mêmes charges de voisinage que la propriété privée. Vont ainsi s’appliquer les servitudes prévues par le Code civil. En revanche, le voisinage de propriétés privées avec des dépendances du domaine public fait naître des rapports spécifiques.
A. Le domaine public est exempté des charges de droit civil.
Le régime de la domanialité publique implique une conséquence importante en matière de rapports de voisinage puisque le principe d’inaliénabilité des biens entraîne l’exclusion de constitution de servitudes de droit privé. Parce qu’on considère que la servitude est un démembrement de la propriété, alors ça porterait atteinte au principe d’inaliénabilité. Exemple : les servitudes en cas d’enclaves sont inapplicables. Pour la Cour de Cassation, les biens du domaine public ne peuvent être grevés de servitudes légales de droit privé. La seule solution c’est de faire disparaître l’inaliénabilité par la loi, ou de désaffecter le bien. Exemple : une servitude d’écoulement des eaux : le conseil d’État a décidé qu’une commune ne peut pas se prévaloir de la servitude d’écoulement des eaux car aucune servitude ne peut être appliquée au domaine public. Les biens de la SNCF font partie du domaine public, donc la commune doit faire cesser cet écoulement en l’espèce.
Les servitudes antérieures à l’incorporation du bien dans le domaine public pourraient être maintenues.
Exemple : affaire Dauphin : le juge administratif a estimé que les servitudes antérieures à l’incorporation du bien dans le domaine public peuvent être maintenues.
B. Les charges spéciales qui naissent de ce voisinage avec le domaine public.
Ces charges peuvent être supportées par les riverains. Ce sont les servitudes administratives : elles ont pour objet de permettre la meilleure utilisation de la dépendance domaniale dans le respect de son affectation.
Exemple : les servitudes de passage sur les sentiers littoraux, les servitudes de visibilité imposées à un riverain de dépendance domaniale dans des endroits dangereux,…
Ces servitudes administratives se distinguent des servitudes de droit privé car elles sont établies dans un intérêt général, par un acte unilatéral (elles ne peuvent pas être établies par un contrat), principalement par une loi, et car les servitudes administratives ne peuvent pas s’éteindre par l’usage par exemple.
Dans l’autre sens, les riverains de voies publiques peuvent bénéficient d’avantages, de certains droits en matière d’utilisation de la voie publique. Ces droits ne valent que pour les riverains de voie publique. Ces droits sont qualifiés parfois d’aisance de voirie. Ce sont des droits qui permettent aux riverains d’utiliser la voie publique conformément à leur destination.
3 principales aisances de voirie :
_ Le droit d’accès (à son immeuble), qui vaut droit de stationner, de s’arrêter. Il permet d’avoir droit d’ouvrir des portes et fenêtres donnant sur la voie publique.
_ Le droit de vue.
_ Le droit d’écoulement des eaux pluviales et ménagères.
On considère que la voie publique est affectée à la circulation, mais aussi à la desserte des riverains. Les bénéficiaires de ces droits trouvent aussi des garanties importantes dans les contraintes qui pèsent sur la personne publique lorsqu’elle réglemente le stationnement ou la circulation de la voie publique : stationnement payant,…
Il y a des tempéraments apportés à ces droits.
Exemple : des travaux effectués sur la voie peuvent avoir pour conséquence la suppression ou modification du droit d’accès. Ce droit peut ne pas être rétabli et la compensation sera une indemnisation.
Exemple : la voie publique peut être déclassée : les riverains dans ce cas disposent d’un droit de préemption pour acquérir ces voies déclassées.
§2 : Les troubles de voisinage et le régime applicable aux ouvrages publics.
L’exercice du droit de propriété peut être à l’origine de troubles ou de désagrément pour le voisin. Le comportement du propriétaire va être répréhensible, et dans ce cas le droit civil va permettre de sanctionner la faute du propriétaire dans l’exercice de son droit et cela sur le fondement de l’abus de droit. La victime doit pouvoir obtenir réparation.
En l’absence de toute faute, le voisin peut tout de même subir des désagrégements. Exemple : fumées, odeurs,…
La jurisprudence admet que les voisins victimes bénéficient d’une action dès lors que les troubles qu’ils subissent dépassent ce qui est qualifié d’inconvénients normaux de voisinage. On peut demander une réparation fondée sur la responsabilité sans faute.
En droit public, le régime de la responsabilité administrative en cas de trouble de voisinage n’est pas très éloigné de ce qu’on trouve dans la réalité.
1ère précision : ce régime de responsabilité est attaché à la notion d’ouvrage public (et non de la qualification de domaine public ou privé). Il peut exister des ouvrages publics implantés sur le domaine privé. Donc, si le dommage est dû à l’existence de cet ouvrage public même dans le domaine privé, le régime de responsabilité applicable est le régime de la responsabilité administrative. Donc le juge compétent sera le juge administratif. Si un bien du domaine privé n’a pas la qualification d’ouvrage public, les dommages que ce bien provoquera relèverai du juge judiciaire : application du droit de la responsabilité civile.
Points communs entre responsabilité publique et responsabilité civile en matière de voisinage :
— L’objectif est le même : rétablir un équilibre entre 2 parties, équilibre qui a été rompu par les dommages excessifs subis par l’une des deux parties. Le fondement en droit public sera le principe d’égalité de tous devant les charges publiques.
— Les dommages sont en grande partie similaire. En droit administratif, on identifie plusieurs grandes catégories : les troubles de jouissance (exemple : mauvaises odeurs qui proviennent d’une station d’épuration) ; la dépréciation de la valeur des immeubles (exemple: situé à côté d’une centrale nucléaire) ; les préjudices commerciaux (exemple : perte de recettes du fait de l’exécution de travaux).
À ce stade, on observe quelques différences en ce qui concerne les dommages. Certains sont propres au droit public :
_ Le droit d’accès : droit particulièrement protégé pour les riverains du domaine public. La perte de droit d’accès sera considérée comme un dommage subi du fait de la construction d’un ouvrage public : responsabilité pour troubles anormaux du voisinage. En doctrine, le droit d’accès est une conséquence du droit de propriété : il fait l’objet d’une protection spécifique et donc il ouvre droit à une indemnisation.
_ L’allongement de parcours : là, l’indemnisation ne sera pas obligatoire. Le juge fera jouer la responsabilité pour troubles anormaux du voisinage.
Exemple : propriété qui voit sa valeur diminuée dès lors que par l’effet de la construction d’un barrage, elle se trouve plus éloignée. Quand il y a une dépréciation de la valeur du bien, le juge accepte plus facilement d’indemniser (dommage spécial).
— La réparation : les éléments de rapprochement : le dommage doit être anormal pour être indemnisé c’est-à-dire qu’il doit dépasser la mesure ordinaire des obligations de voisinage. Mais d’autres conditions sont exigées en droit public (différences) :
_ Il est fait généralement référence au caractère spécial du dommage c’est-à-dire qu’il ne doit concerner qu’un nombre limité de victimes.
Exemple : en matière de rupture d’égalité devant les charges publiques, si beaucoup de monde est affecté, il n’y a pas de rupture devant les charges publiques. Cette condition n’est pas toujours relevée par le juge car dès lors qu’on parle de voisinage, on fait référence à un nombre limité de personnes.
_ Il faut que l’ouvrage public n’ai pas existé avant l’installation de celui qui en est victime : c’est la règle de l’antériorité. Il s’agit de l’exception du risque accepté c’est-à-dire que celui qui s’installe le fait en connaissance de cause.
§3 : L’engagement de la responsabilité de la personne publique en cas de carence de l’exercice de son pouvoir de police.
Les désagréments peuvent entraîner la responsabilité administrative, mais il peut exister des troubles de voisinage entre particuliers qui ne mettent pas en cause un ouvrage public, mais qui peuvent entraîner l’intervention de la personne publique.
Exemple : le contrôle des installations classées, car elles sont dangereuses, incommodes, nuisibles à l’environnement : l’usine. Ces installations classées peuvent causer des désagréments à leurs riverains.
Le préfet dispose du pouvoir de faire respecter la législation, et il peut ordonner la suspension de l’activité qui peut s’avérer dangereuse pour le riverain. Si le préfet ne fait pas d’action, il fera une faute de nature à engager la responsabilité de l’État.
— TA de Caen de 1972 : « Préfet du Calvados » : dans le port de Caen, les entreprises provoquaient des nuisances importantes. La protection de l’environnement faisait pression sur le préfet pour qu’il fasse cesser ces nuisances. Devant l’inaction du préfet, l’association a intenté une action contre le préfet pour faute. Le tribunal administratif de Caen leur a donné raison : il peut donc sanctionner l’État pour inaction du préfet.
— TA de 2004 : « nitrates en Bretagne » : carence du contrôle de police. S’il y a carence du préfet, le maire peut agir. Le tribunal administratif a suspendu l’activité d’une entreprise devant l’inaction du préfet. Il a donc validé l’intervention du maire. Il faut un péril grave et imminent. En l’espèce, il s’agissait d’une entreprise de destruction qui émettait des gaz au voisinage de 14 groupes scolaires.
— Les bruits de voisinage : cela concerne autant les rapports de voisinage entre personnes privées que les rapports de voisinage avec un ouvrage public. Le maire dispose des pouvoirs de police nécessaire pour faire cesser ces bruits.
_ Les riverains d’une aire de jeu : une action devant le tribunal administratif peut avoir lieu pour faute due à la carence du maire. Les riverains ont le choix de leur action : ils peuvent soit invoquer la faute du maire pour carence et ce sera une responsabilité pour faute, soit invoquer des dommages anormaux de voisinage et ce sera une responsabilité sans faute. Arrêt de 2003 « Commune de MOISSY CRAMAYEL » : le juge abandonne l’exigence d’une faute lourde pour engager la responsabilité de l’État, sa responsabilité peut être engagé pour faute simple. Mais le conseil d’État a édicté une règle de rejet. Le maire est compétent pour faire cesser les nuisances sonores issues d’un ouvrage public mais également issu d’un propriétaire privé. Sinon il y a carence.
_ Les tondeuses à gazon.
_ Les spectacles de plein air.
_ Les remontées mécaniques.
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Droit privé.
Thème 3 : Les rapports de voisinage.
Les rapports de voisinage envisagés sont les rapports entretenus entre le domaine public et la propriété privée. On ne peut pas comparer le voisinage particulier aux rapports de voisinage existant entre les seules propriétés privées telles que les troubles du voisinage, la mitoyenneté, les servitudes civiles. Même si ces notions se retrouvent, lorsqu’il s’agit d’envisager les rapports de voisinage entre domaine public et la propriété privée, il est possible d’en transposer les règles en raison de la spécificité de la domanialité publique.
§1 : Délimitation entre domaine publique et propriété riveraine.
A. Problématique.
En droit privé des biens, la délimitation entre les propriétés s’opère par le bornage, mais les deux fonds contigus doivent faire l’objet d’une propriété privée. C’est dire que le bornage ne peut servir à délimiter le domaine public, il lui est inapplicable. La délimitation du domaine public est une opération effectuée unilatéralement par l’administration et elle ne relève pas de la compétence judiciaire. La Cour de Cassation a d’ailleurs précisé assez tôt dans son arrêt du 7 mars 1934, qu’on ne saurait procéder au bornage entre un fonds privé et le domaine publique.
En revanche, l’action de bornage est applicable au domaine privé de l’État. Exemple : une action en bornage peut être exercée contre une collectivité publique dès lors qu’elle vise son domaine privé. (Entre deux propriétés privées, c’est le civil qui s’applique).
Les documents cadastraux ne sauraient eux non plus faire la preuve d’une délimitation de propriété avec le domaine public. En effet, la fonction du cadastre est de permettre une évaluation des biens afin de fixer l’assiette de calcul des impôts locaux. En aucun cas, les relevés cadastraux ne fournissent une preuve ou un titre de propriété. Tout au plus, la jurisprudence a considéré qu’ils peuvent être admis comme des présomptions ou des indices. En réalité, la délimitation du domaine public obéit est régime juridique autonome du droit public. Ce régime se subdivise en plusieurs sous régime selon la domanialité publique envisagée. Ainsi par exemple, la délimitation des terrains militaires, celle des voies ferrées, celle des bâtiments administratifs ou celle des immeubles affectés au service public, obéissent chacune à des règles spéciales.
La grande distinction à retenir lorsqu’on s’interroge sur la délimitation du domaine public est celle reposant sur le domaine public naturel et sur le domaine public artificiel. Il faut préciser que l’administration a l’obligation de procéder à la délimitation du domaine public. L’arrêt du conseil d’État du 5 janvier 1975 « DECLOITRE » pose le principe selon lequel la délimitation est un droit pour les riverains. L’arrêt du conseil d’État du 6 février 1976 précise qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne confère à l’administration le pouvoir de refuser de faire droit pour des motifs d’opportunité à une demande de délimitation qui lui était faite.
En revanche, l’administration n’est tenue de faire droit à une telle demande que dans la mesure où elle émane de riverains et non de toute personne intéressée. Le conseil d’État a ainsi précisé dans un arrêt du 13 février 2002 « Ministre de l’équipement et des transports c/ Association pour la défense de l’environnement du Golf Tuan Vallauns », que cette demande ne pouvait pas provenir d’une association de la protection de la nature.
B. La délimitation du domaine public naturel.
Il s’agit du domaine maritime et fluvial. La délimitation opérée par l’administration repose sur un constat : celui du jeu de phénomènes naturels marins et fluviaux. La délimitation a donc un caractère déclaratif ou recognitif, et non constitutif de la domanialité publique. L’administration constate l’existence et les conséquences de phénomènes naturels mais elle ne saurait étendre l’assiette du domaine au-delà des limites résultant de ces phénomènes. Cette délimitation a lieu après enquête publique.
1. La délimitation régulière.
Si la délimitation est régulière, elle n’ouvre droit à aucun recours. Le riverain qui voit éventuellement diminuer l’assiette de sa propriété ne peut que subir le phénomène naturel à l’origine de la délimitation.
La jurisprudence a toutefois admis la possibilité d’un recours en indemnisation lorsque les riverains tenaient leur droit de propriété de l’administration elle-même, notamment à la suite d’une vente domaniale ou d’une concession de legs et relais.
La délimitation a un caractère contingent, c’est-à-dire que la configuration de l’état des lieux est toujours susceptible d’être modifiée par la survenance d’un nouveau phénomène naturel, et le riverain pourra alors demander une nouvelle délimitation qui lui sera favorable. Il se peut que la délimitation du rivage maritime et fluvial résulte de travaux entrepris par l’administration. Si ces travaux ont été régulièrement entrepris, la délimitation est elle-même régulière, mais les riverains dépossédés disposent d’un droit à indemnités. Si ces travaux ont été irrégulièrement entrepris (autorité incompétente,…), la délimitation consécutive est elle-même entachée d’irrégularités. On se référera à la délimitation antérieure régulière.
2. La délimitation irrégulière.
Lorsque la délimitation est irrégulière ou si l’administration a étendue la délimitation du strict phénomène, les riverains peuvent intenter un recours en légalité ou en responsabilité.
Le recours en légalité : il s’agit essentiellement du recours pour excès de pouvoir. Il aboutit à faire annuler une délimitation irrégulière ou à faire annuler une décision de refus de délimitation.
Le recours en responsabilité (ou en indemnités) : l’arrêt de principe du tribunal des conflits du 11 janvier 1873 « PARIS-LABROSSE » : c’est arrêt a été rendu dans un sens contraire à celui des conclusions du commissaire du gouvernement David, et continue de susciter quelques controverses. Le tribunal des conflits a admis la possibilité d’un recours en responsabilité devant le juge judiciaire, gardien de la propriété privée, afin d’obtenir une indemnisation pour dépossession. Pour le commissaire du gouvernement, à partir du moment où il existe un recours en légalité, il n’y a pas lieu d’intenter un recours en responsabilité.
C. La délimitation du domaine public artificiel.
Par la délimitation du domaine public artificiel, il s’agit d’étudier le procédé par lequel s’établissent les limites de la voirie terrestre, à l’usage de tous. Ce procédé c’est l’alignement.
1. Le plan d’alignement.
Il consiste dans la délimitation générale d’une voie ou d’un ensemble de voies, et confère à l’administration un pouvoir important quant aux limites des propriétés qu’elle détermine.
Le plan est pris après enquête publique. Il est opposable aux administrés après publication, et il peut être contesté sur le terrain de la légalité des actes réglementaires. À l’occasion du plan, l’administration peut décider :
_ soit de censurer telles qu’elles les limites établies.
_ soit de les rétrécir, amoindrissant ainsi la surface du domaine public.
_ soit de les élargir.
Ce pouvoir unilatéral est discrétionnaire.
— Le rétrécissement de la voie publique : on se trouve en présence d’une portion du domaine public qui devient déclassé, et qui tombe de ce fait dans le domaine privé de l’État.
L’article 112-8 du code de la voirie routière prévoit que si cette parcelle déclassée vient à être vendue, les propriétaires riverains disposent à son égard d’un droit de préemption.
— L’élargissement de la voie publique : le droit de propriété des riverains va subir les assauts des prérogatives du droit public, prérogatives qui se rapprochent de celles de l’expropriation sans pour autant offrir aux propriétaires privés évincés les mêmes garanties. C’est la raison pour laquelle, en dépit de ces pouvoirs, la jurisprudence a tenté de limiter le champ d’application de la procédure d’alignement.
L’alignement qui opère élargissement, emporte transfert de propriété au profit du domaine public, et au détriment de la propriété privée riveraine. L’alignement réalise une attribution de propriété par empiètement.
_ Si les propriétés sont des terrains nus et non clos, la publication même du plan emporte un transfert de propriété immédiat. À défaut d’accord amiable sur le montant de l’indemnité destinée à compenser cette perte de propriété, ce montant est fixé comme en matière d’expropriation.
_ Si les terrains concernés par l’alignement sont bâtis ou clos, il n’y a pas de transfert immédiat de propriété mais le plan frappe le fond d’une servitude de reculement dans les limites de la voie nouvelle qu’il détermine. Par cette servitude, le propriétaire ne pourra procéder sur son immeuble qu’à de simples travaux d’entretien, à l’exclusion de tous travaux confortatifs, de constructions nouvelles ou de surélévation (sauf s’il s’agit d’un immeuble classé monument historique). Le transfert de propriété au profit de l’administration se réalisera lorsque l’immeuble, généralement frappé de vétusté à force de ne plus être conforté, menacera ruine ou sera dans un état tel que sa démolition s’imposera. À ce moment-là, le transfert dans le domaine public se fait.
Cette incorporation au domaine public ouvre droit au propriétaire à une indemnité calculée comme en matière d’expropriation, sachant qu’elle est fixées en considération de la valeur de la parcelle qu’elle est devenue (c’est-à-dire terrain nu) et non de la valeur de la parcelle qu’elle était auparavant (terrain bâti).
Ce pouvoir de l’administration ressemble à celui dont elle dispose en matière d’expropriation. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence a tenté d’encadrer cette procédure de manière à préserver les droits des propriétaires riverains, dans la mesure où cette protection est compatible avec le concept d’alignement :
Ÿ La procédure d’alignement ne peut être utilisée pour créer des voies nouvelles. Elle s’applique seulement sur des voies existantes. Si l’administration désire créer de nouvelles voies, elle doit passer par la procédure d’expropriation.
Ÿ L’alignement doit certainement permettre un aménagement du tracé préexistant par simple élargissement ou redressement de la voie, mais il ne doit pas entraîner un déplacement de l’axe lui-même.
Ÿ L’élargissement ne saurait non plus être trop important. Il s’agit de proportions qui ne bouleversent pas le tracé précédent. Est illégal le plan qui porte à 12 m la largeur d’une voie initiale de 6 m.
Ÿ L’élargissement ne peut s’étendre trop profondément, notamment s’il ne se réalise que d’un côté de la voie.
Ÿ Enfin, lorsque l’alignement intéresse un terrain sur lequel il y a une construction, et même si l’élargissement s’étend peu en profondeur, il doit demeurer dans des proportions telles qu’il laisse le bâtiment utilisable ou telle que les frais de réaménagements occasionnés restent modérés.
LES PLANS PARTICULIERS :
Ils s’exercent dans le cadre de plan d’urbanisme. Ils ont vocation à se substituer aux plans d’alignements initiaux. Le tracé peut consister à opérer des aménagements de voirie conséquents, et on considère que l’administration dispose de pouvoirs beaucoup plus étendus que pour un simple plan d’alignement. En particulier, l’alignement peut être fixé quel que soit l’importance de l’élargissement de la voie et de l’emprise sur la propriété privée.
Dans cette hypothèse de plan d’urbanisme, le propriétaire peut faire jouer son droit à expropriation totale s’il s’avère que la superficie qui lui reste, une fois retranchée celle qui englobe le plan d’alignement, ne lui permet pas de construire un bâtiment salubre.
2. L’alignement individuel.
Il fait connaître au propriétaire riverain du domaine public la « limite de la voie au droit de sa propriété ». Il est délivré sous forme d’arrêté. Son effet n’est pas attributif de propriété mais simplement déclaratif. En effet, l’arrêté d’alignement individuel est nécessairement conforme au plan d’alignement dont il ne fait que constituer le prolongement sans marge de manoeuvre possible pour l’administration. Même dans le cas où il n’y avait pas de plan d’alignement (tracé ancien,…), l’administration est tenue de s’en référer strictement aux limites de la voirie telle qu’elles existaient en fait.
L’alignement individuel permet au propriétaire d’effectuer sur sa parcelle des travaux en bordure de voie. Il doit obtenir l’arrêté avant de commencer ses travaux, et peu importe qu’il dispose déjà d’un permis de construire car l’obtention de ce permis ne le dispense pas de l’obligation qu’il a de se faire délivrer l’arrêté d’alignement individuel. L’article 112-4 du code de la voirie routière dispose que l’administration est tenu de lui délivrer l’alignement demandé. Le cas échéant, le refus de délivrance est de nature à engager la responsabilité de l’administration.
On voit que la procédure d’alignement offre à la législation de réaliser une expropriation indirecte sans en subir les inconvénients. Mais depuis un arrêt de la Cour de Cassation du 6 janvier 1994 « BAUDON DE MONY », tout porte à croire que le juge (y compris le juge administratif) attachera une attention toute particulière au respect du droit de propriété dans le cadre de la procédure d’alignement. Par cet arrêt en effet, la Cour de Cassation a posé pour principe que « un transfert de propriété non demandé par le propriétaire ne peut intervenir qu’à la suite d’une procédure régulière d’expropriation ». Cet arrêt n’intervient pas dans un contexte d’alignement, et il est issu d’une juridiction d’ordre judiciaire. Mais cet arrêt a fait grand bruit en droit administratif car il vise à mettre un frein aux procédures d’expropriation détournées. De plus, les efforts du juge administratif permettent d’espérer que le contentieux d’alignement s’exercera dans ce sens (conservation des garanties du droit de propriété).
§2 : Les charges réciproques de voisinage entre domaine public et propriétés privées.
On peut parler de réciprocité des charges dans la mesure où certaines charges grèvent la propriété privée au profit du domaine public, et que le mouvement en sens inverse s’observe également. Mais cette réciprocité ne concerne pas les mêmes catégories de charges, et selon le bénéficiaire (domaine public ou propriété privée), la logique juridique à suivre emprunte des chemins différents.
A. Les charges grevant la propriété privée au profit du domaine public.
Il s’agit de montrer que lorsqu’une propriété privée jouxte le domaine public, elle supporte en plus des charges qu’elle devrait supporter si la propriété contiguë était une propriété privée, les charges propres issues des règles de droit public.
Principe : à des charges dites de droit commun (de droit privé) s’ajoutent des charges dites spéciales (de droit public) car elles bénéficient au domaine public de l’État sans jamais pouvoir jouer au profit d’une propriété privée.
Cette présentation est à nuancer :
_ D’une part, la règle énoncée n’a pas une portée absolue.
_ D’autre part, à partir du moment où on considère le droit des biens publics et privés comme une discipline à part entière, il devient difficile de parler de droit commun pour les règles issues du droit privé, et de droit spécial pour les règles issues de droit public, même si la distinction s’explique pour des raisons historiques et notamment par la construction récente d’une théorie du droit des biens en droit public. On parlera alors de charges d’utilité privée au profit du domaine public et de charges d’utilité publiques.
1. Les charges d’utilité privée au profit du domaine public.
La propriété privée supporte les mêmes charges que celles qu’elle devrait subir si le fond jouxtant le sien était un fond privé. On importe en quelque sorte la « théorie du voisinage civil » en matière de voisinage public. Mais :
_ Il y a absence de réciprocité, c’est-à-dire que le propriétaire doit supporter la charge comme si le fond contigu était privé sans pouvoir espérer à son tour bénéficier d’une quelconque charge sur le domaine public, alors qu’il pourrait le faire s’il s’agissait d’une propriété privée.
_ Il persiste une incertitude quant aux charges concernées, c’est-à-dire que sur le principe même de la transposition des charges d’utilité privée au domaine public, il n’y a pas de difficultés ; en revanche, quand il s’agit de faire application de ce principe (c’est-à-dire déterminer concrètement quel type de charges est concernées et quel type de charges est éventuellement exclu), la réponse est plus délicate à apporter de manière certaine.
Exemple : la cession de mitoyenneté : article 661 du code civil : il s’agit de la cession forcée d’un mur mitoyen, qui joue en faveur du domaine public même s’il n’y a aucune réciprocité au profit de propriété privée. On fait comme si le domaine public était un propriétaire privé, mais le propriétaire privé ne peut demander aucune réciprocité.
Mais certaines décisions refusent d’appliquer les servitudes légales du code civil aux fonds voisins du domaine public. Question : est-ce que toutes les servitudes de droit privé peuvent s’appliquer au domaine public ? Les exigences sont pas toujours les mêmes. La jurisprudence préfère ne pas faire jouer le jeu automatique des servitudes légales, cela permet un contrôle du juge.
2. Les charges d’utilité publique.
— Les servitudes administratives.
L’exactitude du terme de servitudes est discutée. On considère généralement que les servitudes administratives ne sont pas des servitudes au sens de droit civil. En effet, la notion de fond dominant, inhérente au concept de servitudes ne se retrouverait pas nécessairement en droit public.
Au sens strict, il s’agit de servitudes administratives.
Au sens large, il s’agit des servitudes administratives ainsi que des servitudes d’urbanisme et d’environnement. En matière de servitudes d’urbanisme, il n’y a pas de fond dominant, ce qui pose problème.
Yves GAUDEMET : « les charges administratives sont imposées aux fonds riverains au profit de la conservation et de la meilleure utilisation du domaine public ». En ce sens, il y a fond dominant.
Cette discussion a perdu de son intérêt depuis que la Cour de Cassation a admis le 15 décembre 1999, que le fond dominant et un fonds servant ne sont pas essentiels à l’existence d’une servitude créée par la loi c’est-à-dire d’une servitude légale.
Le Code civil prévoit l’existence de ces servitudes particulières grevant la propriété privée. L’article 649 dispose que les servitudes établies par la loi ont pour objet l’utilité publique ou communale ou utilité des particuliers.
L’article 650 recense les servitudes d’utilité publique. Mais c’est une liste non exhaustive. En effet, il existe de multiples servitudes administratives et leurs régimes juridiques sont très divers.
Exemples :
— La servitude NON AEDIFICANDI qui interdit la construction à proximité des terrains et des aérodromes.
— La servitude de visibilité en matière de circulation automobile : suppression des murs de clôture ou des plantations pour les remplacer par une grille à proximité des croisements des endroits dangereux.
— La servitude au profit du domaine public maritime pour assurer le passage des piétons sur le littoral.
L’article L 160-6-1 du code de l’urbanisme dispose qu’en l’absence de voie publique à moins de 500 m du rivage, il est institué une servitude littorale sur les voies et chemins privés afin de permettre l’accès de la voie publique ou rivage maritime, et inversement.
Les servitudes administratives sont d’ordre public, c’est-à-dire qu’on ne peut y déroger par convention. Elles sont également imprescriptibles et inaliénables (caractères du domaine public). Leurs sanctions sont propres au droit administratif. L’État dispose de pouvoirs importants pour en assurer le respect (démolition d’office, convention de voierie).
B. Les charges grevant le domaine public au profit de la propriété privée.
Parmi ces charges se trouvent les aisances de voierie applicables aux riverains du domaine public. Elles sont issues du droit administratif (droit d’accès, droit de vue, égouts, écoulement des eaux,…).
Est que les charges d’utilité privées que connaît le droit civil peuvent toucher le domaine public ? Principe : celui de la non applicabilité des charges d’utilité privée à l’encontre du domaine public. Ainsi le Conseil d’Etat et le tribunal des conflits ont affirmés qu’aucune servitude ne peut être valablement instituée sur le domaine public.
L’arrêt du conseil d’État du 6 mai 1985 a renouvelé cette position. Il y avait incompatibilité avec les règles de la domanialité publique.
Exemple : la cession forcée de mitoyenneté valable au profit du domaine public est inapplicable quand il s’agit de grever ce domaine public. Le conseil d’État et la Cour de Cassation l’ont affirmé tous les 2.
Exemple : en matière de servitudes, la position des juridictions est plus nuancée.
_ pour ce qui concerne les servitudes légales (jour, vue, passage pour clause d’enclave), les juges administratifs et judiciaires rejettent leur application au domaine public en raison de l’inaliénabilité du domaine public, et cela même si la servitude ne compromet pas l’affectation domaine public envisagé.
_ pour ce qui concerne les servitudes conventionnelles, leur établissement sur le domaine public, en dépit de certaines réticences du juge administratif et d’une partie de la doctrine serait envisageable pourvue que leur exercice soit compatible avec l’affectation du domaine public concerné. L’administration négocie les servitudes, donc elle est bien placée pour voir la compatibilité ou non de la servitude avec l’affectation du domaine public concerné. La servitude conventionnelle suppose que l’administration y consente, ce qui lui laisse un contrôle d’opportunité. La plupart du temps, ces servitudes sont sur le domaine public en volume (gares Parisienne,…). On peut ainsi réaliser des opérations d’urbanisation complexes.
_ pour ce qui concerne les servitudes préconstituées : ce sont des servitudes qui préexistaient sur le fond avant l’entrée de ce fonds dans le domaine public. Les juridictions administratives et judiciaires admettent que ces servitudes survivent à l’entrée du fonds servant dans le domaine public à condition qu’elles demeurent compatibles avec son affectation et sa conservation. En général, les servitudes qui survivent sont celles de passage.
CONCLUSION :
Le domaine public a tendance à se fondre dans la masse des propriétés privées lorsqu’il s’agit d’en tirer bénéfice, alors qu’inversement, la spécificité de la domanialité publique empêche la propriété privée d’être identifiée au domaine public. La raison principale est l’inaliénabilité du domaine public. On observe néanmoins des assouplissements, notamment dès que le danger d’une atteinte à l’inaliénabilité est écartée. En ce sens, il semble que le conseil constitutionnel a franchi un pas important dans un arrêt du 21 juillet 1994 saisi de la constitutionnalité de la loi du 25 juillet 1994 relatif à la catégorie des droits réels sur le domaine public. Le conseil constitutionnel a considéré que : « si les députés, auteurs de la saisine, invoquent à l’encontre de l’article 1er de la loi le principe, selon eux à valeur constitutionnelle, de l’inaliénabilité du domaine publique, il ressort des dispositions de cet article qu’aucune d’entre elles n’a pour objet de permettre ou d’organiser l’aliénation des biens appartenant au domaine public. Par contre, le grief n’est pas fondé ». Il s’agit d’un mouvement d’assouplissement.
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Droit public.
Thème 4 : les atteintes au droit de propriété.
Le droit de propriété est consacré comme étant un droit absolu (article 544 du Code civil), mais il peut faire l’objet de limites et de restrictions. Il y a 2 séries d’atteintes au droit de propriété :
_ Dans l’intérêt privé : empiètement dans le domaine public : c’est l’occupant sans titre.
_ Dans l’intérêt général : privation et servitudes administratives.
Ces restrictions au droit de propriété dans l’intérêt général nécessitent le plus souvent le recours à la loi. Cet encadrement juridique va être l’oeuvre du juge de la loi, c’est-à-dire du conseil constitutionnel.
§1 : Typologie des atteintes.
_ La dépossession, la privation : article 545 du Code civil. On enlève tous les attributs du bien, il y a transfert de la propriété au détriment de l’ancien propriétaire.
_ La réglementation : article 544 du Code civil. C’est une limite d’utilisation sans modifier le propriétaire du droit. Il s’agit d’un encadrement potentiel de l’usage de propriété.
A. La privation de propriété.
_ L’expropriation.
_ La nationalisation.
_ La privatisation.
Toutes ces privations ont pour origine l’État. Toute cession forcée de propriété doit être fondée sur l’existence d’une utilité publique (article 545 du Code civil) ou d’une nécessité publique (article 17 de la DDHC). Le juge va être amené à contrôler l’existence de cette utilité ou de cette nécessité publique. Quel est le degré de ce contrôle ?
Exemple : en matière de nationalisation ou de privatisation, l’opération est effectuée par la loi et c’est le conseil constitutionnel qui va contrôler l’existence d’une nécessité publique (article 17 : élément du bloc de constitutionnalité).
Pour la doctrine, la nécessité exige-t-elle un contrôle plus étroit que l’utilité ? Le juge laisse un large pouvoir discrétionnaire au législateur.
Exemple : la nationalisation est faite pour lutter contre le chômage : la nécessité est constatée, et ce choix politique n’est pas remis en cause par le conseil constitutionnel (il ne se reconnaît pas un pouvoir identique à celui du parlement). Le conseil constitutionnel ne contrôle qu’une éventuelle erreur d’appréciation.
Exemple : l’expropriation : l’autorité administrative est ici compétente pour définir l’utilité publique, et c’est le juge administratif qui va contrôler l’utilité publique et non plus le conseil constitutionnel. Ce contrôle est très poussé, on applique la technique du bilan coût et avantage.
B. Le contrôle des réglementations dans l’usage d’un bien.
Il s’agit d’une extension destinée à satisfaire l’intérêt général. Ces réglementations peuvent être décidées par la loi : c’est le conseil constitutionnel qui va intervenir et qui va contrôler si la réglementation est compatible avec les principes constitutionnels. Une difficulté est à noter : l’article 17 de la DDHC ne s’applique pas aux cas de réglementation. Le juge constitutionnel devra donc distinguer entre privation et réglementation, mais parfois cette distinction est difficile. Il y a cependant des conditions pour que soit admise la constitutionnalité de lois prévoyant des réglementations :
1. La réglementation du droit de propriété doit correspondre à un objectif d’intérêt général.
Le contrôle peut apparaître limité dans la mesure où c’est le législateur qui définit lui-même l’intérêt général. Le conseil constitutionnel se borne à constater l’existence d’un intérêt général.
Exemple : le droit de chasse est un attribut du droit de propriété. On voulait instituer un jour de non chasse (mercredi), on restreignait un droit de propriété. Mais dans quel intérêt général ? Il s’agissait de la nécessité d’assurer la sécurité des enfants le mercredi après-midi.
Exemple : loi EVIN : c’est la protection de la santé publique qui justifie l’atteinte du droit de propriété. Ici, il s’agit de la nécessité de satisfaire un autre principe constitutionnel, ce qui entraîne encore moins de contrôle.
Mais il y a des décisions d’annulation par le conseil constitutionnel car il n’y avait pas d’intérêt général :
Exemple : la décision « chasse » de 2000 : une disposition laissait à l’autorité administrative le choix de fixer un autre jour de non chasse que le mercredi en fonction des circonstances locales. Le juge a annulé cette disposition car il n’a pas vu pour cet autre jour de non chasse un intérêt général justifié.
Exemple : La loi SRU de 2000, qui a modifié le droit d’urbanisme, prévoyait que pour les villes de Paris, Lyon, et Marseille, le plan local d’urbanisme pouvait subordonner à autorisation administrative tout changement dans la destination d’un local commercial ou artisanal. Dans le but de favoriser la mixité urbaine, la loi voulait que ces locaux commerciaux soient toujours affectés à des commerces. Il s’agissait d’une atteinte au droit de propriété manifeste dans l’intérêt général d’une mixité urbaine. Mais le conseil constitutionnel a décidé que l’atteinte au droit de propriété était disproportionnée par rapport à l’intérêt général : il faut rechercher des mesures moins restrictives. Il s’agit d’une évolution intéressante.
Il faut également une proportionnalité de l’atteinte.
2. Le contrôle de non dénaturation.
Le Conseil constitutionnel doit s’assurer qu’il n’y a pas une réglementation excessive du droit de propriété, ce qui constituerait une dénaturation du droit de propriété. S’il y a eu dénaturation, on bascule dans la privation du droit de propriété, et s’il y a privation, l’article 17 de la DDHC est applicable et impose des obligations qui ne sont pas imposées aux cas de simples limitations.
Exemple : l’exigence d’une indemnisation juste et préalable en cas de privation, par contre on peut prévoir une limitation du droit de propriété sans indemnisation.
Ainsi, si une limitation sans indemnisation est requalifiée en privation, elle ne sera pas valable car il n’y aura pas eu d’indemnisation. Une limitation peut aboutir à une dénaturation si on prévoit toutes les garanties prévues à l’article 17 (comme indemnisation).
Exemple 1 : la loi de 1994 prévoit la possibilité pour un occupant privatif du domaine public d’avoir des droits réels. C’est une limitation de la propriété publique. Dès lors que ces biens réels sont bien définis, limités dans le temps, il n’y a qu’une atteinte limitée au droit de propriété. Mais si ces droits réels peuvent être renouvelés sans limitation, cela aboutit à porter atteinte au droit de propriété : une atteinte d’une durée et d’une ampleur trop importante, ce qui conduit à une dénaturation du droit de propriété.
Exemple 2 : la loi de 1996 organisait un régime d’autorisation obligatoire pour toute vente immobilière en Polynésie, sauf si le bénéficiaire était de nationalité française et domicilié en Polynésie. Les polynésiens voulaient protéger leur parc immobilier. C’était une limitation importante aux droits des propriétaires de ces biens qui sont limités dans le choix de leurs acheteurs. Il y a un intérêt général, l’atteinte pourrait être légale constitutionnellement, mais la loi ne prévoit pas les motifs pour lesquels l’administration pouvait s’opposer à une vente. Cela crée une incertitude pour le propriétaire à disposer de son bien. Une telle incertitude aboutit à une dénaturation de l’abusus (droit de disposer de la chose). Cette autorisation administrative a été annulée.
§2 : Le régime juridique des atteintes au droit de propriété.
Il s’agit d’étudier les garanties dont peuvent bénéficier les propriétaires lorsque une loi les prive de leur propriété.
A. La compétence.
1er problème : qui est compétent pour porter atteinte au droit de propriété dans l’intérêt général ?
La constitution révèle que c’est la loi qui doit poser les règles principales c’est-à-dire les normes primaires. Le règlement n’intervient que pour exécuter la loi. Les atteintes à la propriété constituent une réserve de loi.
Exemple : l’article 34 de la constitution précise que c’est la loi qui détermine les principes fondamentaux du droit de propriété, qui opère des transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé.
Exemple : l’article 17 de la DDHC précise que pour porter atteinte au droit de propriété, il faut une nécessité publique légalement constatée.
La loi est issue d’une procédure publique, contradictoire, ce que n’est pas le règlement. La loi peut aussi faire l’objet d’un recours juridictionnel. Privation mais aussi réglementation sont habilités par la loi.
2ème problème : quelle est la juridiction compétente pour assurer la protection du droit de propriété ?
La constitution ne dit rien sur ce point. C’est le conseil constitutionnel dans sa décision du 21 juillet 1989 qui va réparer ce silence, en affirmant la valeur constitutionnelle du principe selon lequel l’autorité judiciaire est gardienne de la propriété privée immobilière. C’est un principe fondamental reconnu par les lois de la république (PFRLR).
D’autres juridictions avaient aussi poser ce principe : le tribunal des conflits et le juge administratif.
Ce principe puise sa source dans la volonté de mettre le droit de propriété à « l’abri du juge administratif » car le juge administratif est un juge qui a pour souci de protéger les deniers publics, et il avait tendance à sous-évaluer les indemnités en cas d’expropriation, de dépossession.
Précision : on est face à 2 principes : on considère que les 2 principes (juridiction ordinaire et juge constitutionnel) n’ont pas le même champ d’application, de manière identique. Le conseil constitutionnel établit la compétence judiciaire uniquement à propos de la propriété privée immobilière.
Exemple : en matière de nationalisation, la loi n’avait pas prévu les indemnisations : la loi avait prévu que le montant des indemnisations étaient calculé par des commissions administratives.
B. L’indemnisation.
C’est une garantie importante. Le principe est que l’indemnisation est prévue par l’article 17 de la DDHC. Elle est prévue comme une contrepartie de toute privation de propriété. Le problème se pose concernant les réglementations du droit de propriété, puisqu’en matière de réglementation l’article 17 ne s’applique pas. On considère que l’indemnisation en cas de réglementation est possible sur d’autres fondements notamment l’article 13 de la DDHC, mais l’indemnisation n’est pas obligatoire ici. L’article 13 prévoit que des charges sont nécessaires, des contributions peuvent être demandées aux citoyens, mais elles doivent être réparties en fonction de leurs facultés. Dans ce cas-là, l’indemnisation ne concernera que des préjudices anormaux et spéciaux.
1. Indemnisation en cas de privation.
Ici, on applique l’article 17 de la DDHC et l’article 545 du Code civil.
La nécessité de l’indemnisation concerne la propriété privée comme la propriété publique. Il existe des procédures de cession forcée de terrain sans indemnisation, bien qu’elles se révèlent inconstitutionnelles.
Exemple : lorsqu’une voie privée est ouverte à la circulation. Cette ouverture à la circulation vaut placement dans le domaine public du domaine privé : donc dépossession du propriétaire privé sans indemnisation.
Exemple : lorsqu’un lotisseur demande une autorisation de lotir au maire, le maire peut lui accorder, mais en contrepartie le maire peut lui demander de lui céder une partie du terrain afin d’élargir la voie publique : c’est prévu dans le code de l’urbanisme.
L’article 17 exige une indemnisation juste et préalable.
L’exigence du caractère préalable de l’indemnisation est une spécificité de la constitution française. Cette exigence signifie que le montant de l’indemnisation doit être connu lors du transfert, et que l’indemnité doit être versée préalablement au transfert. Le juge manifeste une grande souplesse puisqu’il accepte qu’une simple provision soit versée préalablement à la dépossession.
Exemple : en 1989, construction du TGV Nord. Une association voulait ralentir la procédure. Le conseil constitutionnel a posé le principe selon lequel lorsque une provision importante a été versée, l’indemnisation préalable est respectée.
En ce qui concerne le caractère juste, rares sont les cas où le conseil constitutionnel exerce un contrôle normal sur le législateur. Les critères d’indemnisations prévues par la loi sont des choix techniques et non politiques. Compte tenu du choix technique, le conseil constitutionnel est amené à accroître son contrôle.
En réalité, en 1982, le juge a annulé la loi de nationalisation pour non-respect de l’indemnisation juste et préalable. Donc c’est la loi qu’il va préciser les critères d’indemnisation, puis c’est une commission administrative qui va calculer les indemnités. Le juge administratif pourra contrôler sur saisie que la commission administrative a bien respecté les critères fixés par le conseil constitutionnel, par la loi. Depuis la décision de 1986, le prix de cession ne peut être inférieur à la valeur des entreprises.
2. Indemnisation en cas de réglementation du droit de propriété.
À l’égard des servitudes d’utilité publique prévue par la loi, le principe est que l’indemnisation de ces servitudes n’est pas obligatoire.
Pour les servitudes administratives, la liberté est laissée au législateur : il peut soit prévoir une indemnisation, soit prévoir une indemnisation limitée à quelques préjudices, soit ne prévoir aucune indemnisation.
Quand aucune indemnité n’est prévue : 3 cas :
— La servitude entraîne une dépossession du bien : la réglementation aboutissant à une dénaturation du droit de propriété. Auquel cas, on tombe dans le cadre de la privation, donc on doit appliquer l’article 17 de la DDHC. Donc si la loi ne prévoit pas d’indemnisation, elle est non conforme à la constitution.
— La servitude est source de gêne pour le propriétaire. Il n’y a pas de dépossession, donc il n’y a pas d’obligation d’indemnisation.
Dans le silence de la loi, la responsabilité sans faute de l’administration peut être engagée. Il y a rupture d’égalité devant les charges publiques puisqu’il s’agit d’un préjudice anormal et spécial qui aurait dû être réparti à la charge de l’ensemble des citoyens.
Exemple : quand l’institution de la servitude naît de la proximité de l’ouvrage publique, ou quand elle entraîne des travaux publics.
Exemple : l’arrêt du conseil d’État du 14 mars 1986 « Commune de GAP-ROMETTE » : concerne une servitude de construire à proximité d’un cimetière (à moins de 100 m). Le cimetière a été étendu, donc la servitude a aussi été étendue et a touché des terres agricoles. Donc, dépréciation de la valeur de ces terrains. Le requérant a invoqué la responsabilité de l’administration sans faute pour rupture d’égalité devant les charges publiques. En l’espèce, le préjudice subi ne présente pas les caractères d’anormalité, donc le conseil d’État a annulé la décision du tribunal administratif qui lui avait d’abord donné raison.
Exemple : décision du conseil constitutionnel du 13 décembre 1985 « décision amendement Tour Eiffel » : une loi a établi une servitude à EDF permettant à un établissement d’installer des émetteurs sur des terrasses. La loi prévoyait une indemnité pour quelques préjudices. Le juge constitutionnel a examiné la constitutionnalité de cette loi et a considéré que la loi n’est pas conforme à la constitution car est exclue par la loi l’indemnisation d’autres préjudices tels que la gêne par exemple. Il a considéré que le principe d’égalité devant les charges publiques ne pouvait exclure un élément quelconque du préjudice résultant de travaux publics.
— Les lois interdisant l’indemnisation.
Exemple : les servitudes d’urbanisme, c’est-à-dire instituées par des documents d’urbanisme ne peuvent pas être indemnisées. Ces servitudes d’urbanisme, on les intègre généralement dans les servitudes administratives, mais elles sont assez distinctes. On considère que l’usage du terme « servitude » est inapproprié car il n’y a pas vraiment servitude. D’où la distinction entre servitudes administratives et servitudes d’urbanisme.
Exemple : une servitude d’urbanisme peut être instituée pour limiter la hauteur d’un bâtiment, pour autoriser de construire,…
Aucune indemnisation en matière de servitudes d’urbanisme car en considère que réparer de tels dommages deviendrait rapidement insupportable pour les collectivités publiques.
Est que la loi qui interdit l’indemnisation est conforme à la constitution ? Le juge constitutionnel est assez clair. Il existe 2 principes, 2 fondements juridiques possibles pour exiger une indemnisation :
_ Une loi qui interdirait toute indemnisation porterait atteinte au droit du juge.
_ Le principe d’égalité devant les charges publiques : article 13 de la DDHC. On pourrait même imaginer qu’il y a rupture d’égalité devant les charges publiques parce qu’il serait impossible pour le propriétaire souffrant d’un préjudice de demander devant le juge administratif une indemnisation sur le fondement de la responsabilité sans faute de l’administration du fait de la loi. On peut considérer que dans le silence de la loi un propriétaire souffrant du préjudice en raison d’une servitude d’intérêt général puisse demander une indemnisation sur le fondement d’une responsabilité sans faute du fait de la loi. Cette indemnisation est impossible.
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Droit privé.
Thème 4 : Les atteintes au droit de propriété.
Si le conseil constitutionnel a donné valeur constitutionnelle au droit de propriété, et si l’article 544 du Code civil affirme que la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, les impératifs de la vie en société et les prérogatives accordées à la puissance publique pour organiser cette vie en société conduisent à relativiser le droit que le propriétaire exerce sur son bien. C’est la raison pour laquelle, après le constat de ce pouvoir absolu du propriétaire, succède généralement celui des atteintes à ce droit. Celles-ci se traduisent soit en une perte de pouvoir du propriétaire sur son bien, soit en une restriction de ce pouvoir. Étant précisé que le propriétaire dont il s’agit est traditionnellement présenté comme un propriétaire privé et que l’État est également concerné par ces entraves à ces prérogatives de propriétaire.
§1 : La perte du pouvoir.
La perte du pouvoir que le propriétaire du bien subi est soit totale, soit partielle. Dans le 1er cas, le propriétaire perd tout contrôle sur le bien, si bien qu’il perd sa qualité de propriétaire. Le 2ème cas correspond à l’hypothèse où il se voit retirer une prérogative tout en conservant les autres. Cette perte partielle est parfois difficile à distinguer de la restriction de pouvoir, c’est la raison pour laquelle nous nous en tiendrons à la prérogative essentielle du droit de propriété, le droit de disposer de son bien.
A. La perte totale du pouvoir.
Elle signifie qu’une personne s’est vue retirer tout droit sur son bien, le pouvoir qu’elle détenait a été transférée à une autre personne. Cette situation doit être justifiée par des impératifs d’une exceptionnelle gravité. On songe plus souvent à des impératifs d’utilité publique mais il arrive que cette perte soit issue des seules préoccupations et mécanismes du droit privé. Exemple : la prescription acquisitive qui permet aux possesseurs de revendiquer la propriété d’un bien pour en déposséder le propriétaire initial.
En ce qui concerne la privation de propriété pour des motifs d’intérêt public, il existe diverses sortes :
— L’expropriation : elle est entourée de mesures destinées à garantir, en dépit de la cession forcée, le droit de propriété. Ces mesures reposent sur la procédure administrative contenant une enquête publique et une déclaration d’utilité publique, et reposent également sur l’intervention du juge judiciaire qui prononce le transfert de propriété et fixe le montant de l’indemnité préalable et reposent éventuellement sur le droit de rétrocession ouvert au propriétaire évincé lorsque le bien n’est pas affecté. L’existence de garanties explique les efforts de la jurisprudence. En matière d’expropriation, d’une part l’expropriant peut être une personne privée, et d’autre part le domaine privé de l’État peut faire l’objet d’une aliénation forcée (expropriation au profit d’une collectivité locale).
— Les nationalisations.
— La réquisition au projet de l’autorité administrative militaire. Afin de répondre à des besoins exceptionnels et temporaires le propriétaire n’est pas privé définitivement de son droit de propriété mais on lui enlève temporairement tout pouvoir d’usage sur le bien.
— La confiscation de bien au profit de l’État. Elle est prononcée par le juge pénal, le plus souvent à titre de peine complémentaire. La confiscation prononcée est une confiscation non pas pour les besoins de l’enquête ! C’est une peine.
B. La perte partielle du pouvoir.
1. Personnes publiques.
C’est l’hypothèse du bien frappé d’inaliénabilité, c’est-à-dire que le propriétaire conserve le pouvoir d’utiliser ce bien mais il ne peut pas en disposer librement. C’est le cas de l’État, et de manière générale des personnes publiques qui ne peuvent aliéner leurs biens, du moins lorsque ceux-ci sont compris dans le domaine public conformément à l’article L-52 du code du domaine de l’État.
Le conseil constitutionnel affirme que la protection constitutionnelle des droits de propriété « ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi à titre égal la propriété de l’État et des autres personnes publiques » : décision du 25-26 juin 1986. C’est une décision importante.
L’État se voit soumis au principe d’inaliénabilité pour les biens inclus dans le domaine public, principe pour lequel le conseil constitutionnel a refusé de se prononcer sur le caractère constitutionnel ou non : décision du 21 juillet 1994. Ce principe ne vaut qu’autant que dure l’affectation, et l’aliénabilité est cantonnée à ce qui est nécessaire pour assurer les besoins de l’affectation. En revanche, s’agissant des dépendances du domaine privé et hormis de rares exceptions, elles ne sont pas soumises à l’inaliénabilité, ce qui signifie que l’État ou ses émanations recouvrent leur liberté de disposer. Le régime de ces biens est en grande partie celui du droit civil.
Ce pouvoir de l’État sur les dépendances du domaine privé est néanmoins encadrer puisque par la décision précitée du 25-26 juin 1986, le conseil constitutionnel a considéré que « la constitution s’oppose à ce que des biens ou des entreprises faisant partie du patrimoine public soient cédées à des personnes poursuivant des fins privées pour des prix inférieurs à leur valeur ». C’est le principe dit de l’interdiction de céder une propriété publique en deçà de sa valeur. Le juge administratif applique cependant ce principe avec un sens libéral prononcé, admettant par exemple qu’une commune cède une parcelle de son domaine privé pour un franc symbolique dans la mesure où en contrepartie la personne poursuivant des intérêts privés crée des emplois.
2. Personnes privées.
Le droit consacre parfois une véritable inaliénabilité. L’article 1598 du Code civil dispose que tout ce qui est dans le commerce peut être vendu lorsque des lois particulières n’en ont pas prohibé l’aliénation.
Exemple : les articles 900-1 et suivants du Code civil permettent une telle inaliénabilité pour le donateur ou le légataire. Attention : inaliénabilité temporaire motivée par des motifs sérieux et légitimes.
Exemple : la procédure collective organise un régime d’acidité des titres est bien de la société en redressement judiciaire à compter du jugement d’ouverture.
Exemple : le particulier ne peut pas vendre ces cigarettes car il y a un monopole.
§2 : Restrictions du pouvoir.
Ces restrictions sont nombreuses et de nature très variées, de telle sorte qu’on a cru aisé d’en dresser une liste exhaustive. En raison de la perception élargie de cette matière droit public / droit privé des biens, on peut envisager d’une part la restriction du pouvoir du propriétaire, et d’autre part le caractère mouvant de ces restrictions dans la mesure où l’organisation de la vie en société évolue.
A. Restrictions fondées sur l’organisation de la vie en société.
Le rapport que le propriétaire entretient avec son bien est souvent envisagé comme une relation exclusive en raison de l’affirmation du pouvoir absolu. On est tenté de considérer cette relation de manière isolée au monde environnant. Mais ce n’est qu’une relation parmi d’autres, et surtout une relation susceptible de subir les influences extérieures les plus diverses. En d’autres termes, le droit de propriété doit être concilié avec d’autres impératifs. Le propriétaire ne vit pas seul avec son bien, il va devoir composer soit en raison de la situation géographique du bien, soit en raison des caractéristiques propres de ce bien, soit en raison de la qualité du propriétaire (public ou privé), soit des trois : le voisinage du bien emporte ainsi un certain nombre de restrictions (servitude d’utilité publique ou privée ; théorie de l’abus de droit ; la cession forcée de mitoyenneté contraignant le propriétaire à céder la partie privative de son mur pour une propriété indivise ; contraintes d’ordre urbanistique ou environnementale ; raisonnement différent selon que le voisinage est public ou privé…). Les caractéristiques du bien influent différemment sur le pouvoir du propriétaire : objets d’art ou objets courant ayant une réglementation différente ; affectation à un service public ou à l’usage public. S’il y a expropriation, le risque est de devoir rétrocéder le bien à la personne expropriée.
B. Caractère nécessairement évolutif de la restriction.
Cette évolution va plutôt dans le sens de l’accroissement. On observe en effet, une inflation de la réglementation, notamment en matière d’urbanisme et d’environnement. Cette inflation se répercute fatalement sur la propriété, en particulier sur la propriété privée et notamment les immeubles.
Par ailleurs, l’installation de situation de précarité des personnes conduit parallèlement les pouvoirs publics ou le législateur à prendre des mesures de protection de ces personnes. Il s’agit notamment de faire en sorte qu’elles puissent être logées, ce qui se traduit par une politique sociale qui heurte parfois de plein fouet le caractère absolu du pouvoir du propriétaire sur son bien.
Exemple : expropriation pour la création de réserves foncières destinées à l’habitat social. Exemple : dans le cas de l’HLM, l’expulsion devient conditionnée à la mauvaise foi du locataire dans le non paiement des loyers.
La CEDH considére ainsi qu’une réduction du loyer imposé par la loi en raison du but légitime d’utilité publique poursuivie, demeure compatible avec les exigences de protection du droit de propriété.
Elle donne la même solution pour une loi limitant les possibilités de résiliation d’un bail pour une législation protégeant le maintien dans les lieux de locataires âgés à faibles ressources. De manière générale, elle considère que « le législateur national peut s’immiscer dans les relations contractuelles entre particuliers pour protéger le besoin de logements d’une société moderne ».
CONCLUSION :
On voit que pour chacun, propriétaire public et propriétaire privé, ils subissent tout 2 des contraintes quant à l’utilisation de leurs biens même si traditionnellement l’atteinte au droit de propriété de la personne publique est perçue comme une protection. L’inaliénabilité est par exemple comprise comme garantie assurant à la personne publique la pérennité voire l’éternité de son droit de propriété.
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Droit public.
Thème 5 : La propriété collective.
Est-ce qu’on peut admettre une propriété collective sur le domaine public ?
Les textes qui traitent la propriété publique ne s’intéressent pas à la propriété collective. La raison est très simple. Le droit de la domanialité publique semble exclure toute idée de propriété collective. Le principe pour soutenir cette idée est le principe selon lequel un bien ne peut faire partie du domaine public que s’il appartient exclusivement et totalement à une personne publique. Donc une personne privée ne peut pas être propriétaire d’une dépendance du domaine public. Or, en matière de copropriété cela suppose qu’il y ait co-propriété indivise.
Quant au droit de la domanialité privée, ce droit applique les règles du Code civil, donc on n’y fait pas référence. Malgré tout il y a quelques textes.
Exemple : l’article L 141-3 du code forestier : « lorsque 2 ou plusieurs communes possèdent un bois par indivis chacune dispose du droit d’en provoquer… ».
En réalité, il existe en droit public un régime de propriété collective : le régime des biens communaux. C’est l’un des rares régimes qui prévoient l’indivision. L’usage de ces biens communaux peut être partagé entre les habitants de la commune. Ce sont des biens qui appartiennent au domaine privé de la commune, mais s’il y a un litige qui intervient, le juge compétent sera le juge administratif. Ce sont les communes qui sont propriétaires de ces biens, et plusieurs personnes vont se voir reconnaître des droits indivis sur ces biens. Mais c’est un régime très particulier car contrairement à l’indivision du droit civil, en droit public, les biens et la propriété des biens est établie à titre permanent, c’est-à-dire que les habitants ne peuvent pas bénéficier d’un droit de partage. Donc dérogation à l’article 815 du Code civil selon lequel nul ne peut être contraint de rester dans l’indivision.
La gestion de ces biens indivis va se faire à l’aide de plusieurs institutions.
Par exemple, la section de commune : ce sont des parties du territoire de commune qui vont obtenir la personnalité juridique pour gérer cette partie des biens indivis.
Lorsque les biens communaux concernent l’ensemble de la commune et non une partie de la commune, on va gérer ces biens indivis à travers une autre section, une autre commission qui va avoir la personnalité juridique. Le cas de l’indivision concerne des biens communaux concernant plusieurs communes. Auquel cas, va se mettre en place un établissement public intercommunal qui va gérer ces biens indivis. Donc plusieurs communes sont indivisées. Les cas de contentieux les plus important concernent les communes qui sont parties à cette indivision et qui désirent en sortir. S’il est impossible aux habitants de demander le partage de ces biens indivis, il est possible à une commune partie d’une indivision de se retirer de cette indivision.
Donc, concernant les biens communaux, les habitants de la commune vont se voir reconnaître des biens indivis sur la commune, mais il n’y a pas d’indivision. Les habitants ne peuvent pas mettre fin à l’indivision à tout moment, ils ne partagent que la jouissance et ne peuvent pas demander le partage des biens. C’est à titre permanent.
Lorsque l’activité en cause est transférée à un EPCI, le bien nécessaire à l’exercice de l’activité va également être transféré de 2 manières :
— Soit la gestion de ce bien va s’opérer par le moyen d’une mise à disposition, mais il reste la propriété de la commune (= le droit d’aliéner n’est pas transféré).
— Soit transfert de propriété : l’EPCI devient propriétaire du bien.
Le transfert est généralement facultatif. Avec le transfert de propriété, il peut y avoir transfert de charges. Parfois le transfert est obligatoire. Exemple : pour les communautés urbaines, la loi de 1966 impose le transfert obligatoire de certaines compétences et le transfert obligatoire de certains biens nécessaire à l’activité.
Cependant, un bien appartenant au domaine privé d’une personne publique peut être soumis au régime juridique de la mitoyenneté ou de la copropriété. Exemple : cas où un mur sera mitoyen entre une propriété privée et d’une dépendance du domaine public. à Soumis au régime de la mitoyenneté.
En revanche, le régime de la propriété collective, et notamment le régime de la copropriété s’avère incompatible avec le régime de la domanialité publique.
§1 : Les obstacles de la propriété collective des biens appartenant à la personne publique.
A. Les obstacles à la propriété collective des dépendances du domaine public.
Les 2 régimes de la copropriété (loi de 1965 + régime de la mitoyenneté) sont incompatibles avec le régime de la domanialité publique. Ces 2 régimes ne satisfont pas à une exigence essentielle de la domanialité publique qui est le critère organique : un bien pour appartenir au domaine public doit appartenir à une personne publique. Cette propriété doit être exclusive, d’où le principe d’inaliénabilité qui entraîne plusieurs conséquences incompatibles avec le régime de la copropriété.
Exemple : il est interdit aux personnes publiques d’aliéner, de céder, de vendre des biens appartenant domaine public. Or la loi de 1965 comprend l’article 16 qui autorise le syndicat à aliéner des parties communes.
Exemple : ce principe d’inaliénabilité s’oppose à ce que des personnes publiques établissent sur le domaine public des droits réels sur les parties communes.
Exemple : les personnes publiques ne peuvent pas établir des servitudes sur le domaine public. Or, l’application du régime de la copropriété va entraîner à la charge des copropriétaires des contraintes qui peuvent être assimilées à de véritables servitudes.
Exemple : dans le droit de la domanialité publique, on considère que la personne publique dispose du droit de modifier à tout moment l’affectation du bien. Seule la personne publique peut décider cette affectation. Or, le régime de copropriété prévoit que le règlement de copropriété détermine la destination des parties communes (article 8).
Conséquences :
— 1ère situation : la personne publique va acheter un lot dans un immeuble soumis à un régime de copropriété. Elle décide d’affecter ce lot à l’exécution d’un service publique. Ce lot pourrait être considéré comme appartenant au domaine public. Arrêt du 11 février 1994 « compagnie d’assurances préservatrices foncières » : l’État a acquis dans un immeuble parisien un lot de copropriété et installe dans ce lot des services administratifs dépendant de la direction générale des impôts. Un incendie se déclare dans un local d’archives. Des dommages importants ont eu lieu. Les propriétaires privés co-locataires de ce bâtiment subissent des dommages importants et sont assurés à cette compagnie d’assurances. Cette compagnie recherche la responsabilité de l’État. La compagnie d’assurances porte cette affaire devant le juge administratif : recours en responsabilité contre l’État. Le tribunal administratif de Paris donne droit à la compagnie d’assurances : c’est une dépendance du domaine public car l’ouvrage est affecté au service publique. En appel, la cour affirme que la partie privative ne peut pas appartenir au domaine public car il y a incompatibilité entre régime de copropriété et régime de la domanialité publique. Dès lors, le juge administratif se déclare incompétent. Pour le conseil d’État c’est de la compétence du tribunal judiciaire : un local affecté à l’usage du public ou à un service public qui se situe dans un immeuble soumis au régime de copropriété ne peut pas appartenir au domaine public. À partir du moment où l’administration accepte de s’installer dans un bâtiment soumis au régime de la copropriété, elle accepte de renoncer au régime très protecteur de la domanialité publique. S’il y a déjà copropriété, l’affectation d’un service public ne change pas le régime en régime de domanialité publique.
— — 2ème situation : L’administration désire construire un immeuble. Elle envisage d’installer au rez-de-chaussée un service public et d’instaurer aux étages un régime de copropriété. Ceci est impossible. La copropriété est incompatible avec la domanialité publique.
— 3ème situation : régime de la mitoyenneté :
Question posée par un parlementaire au gouvernement. Quel régime juridique est applicable à un mur mitoyen ? En 2001, « Ministre de la justice » : la mitoyenneté est un droit de propriété dont jouissent 2 personnes. Le mur est soumis au régime de la mitoyenneté prévu par le Code civil. Mais en réalité, ce régime contient des dispositions incompatibles avec le régime de la domanialité publique : l’existence de cession obligatoire de mitoyenneté s’oppose à l’inaliénabilité. Ce mur mitoyen ne peut pas appartenir au domaine public de la personne publique.
En conséquence, il ne peut pas y avoir domaine public là où il y a mitoyenneté ou copropriété.
B. Difficultés de l’application de la mitoyenneté et de la copropriété pour des biens appartenant au domaine privé.
Arrêt de 1994 : concerne notamment les ouvrages publics. On peut considérer que le régime de copropriété est incompatible avec le statut des ouvrages publics (immeuble affecté à l’intérêt général). Cette qualification d’ouvrages publics peut se rencontrer dans des dépendances du domaine public, mais aussi à l’extérieur (propriétaire privé ou domaine privé d’une personne publique).
Si le régime de la copropriété est incompatible avec le régime de la propriété privée, alors un lot de copropriétés peut être qualifié d’ouvrages publics.
En matière d’ouvrage public, on applique la règle de l’intangibilité des ouvrages publics, cependant un arrêt du conseil d’Etat est intervenu :arrêt de 2003 « Commune de Clans » : un ouvrage public mal implanté doit être détruit sauf si la démolition porte une atteinte excessive à l’intérêt général.
La possibilité de garantir les créances dues par chaque copropriétaire par une hypothèque sur le lot de copropriétés est ouverte par la loi de 1965. Ces prérogatives sont contraires au principe d’inaliénabilité du domaine public. Mais incompatibilité aussi avec le droit de propriété publique : principe d’incessibilité des biens des personnes publiques, qui vaut pour tous les biens domaniaux (domaine privé ou domaine public). Il y a eu plusieurs arrêts à ce sujet et la cour de cassation l’a clairement affirmé par un arrêt du 21 décembre 1987 « BGRM » (bureau des recherches géologiques et minières) : les biens publics ne peuvent pas être hypothéqués, or les lots de copropriétés peuvent faire l’objet d’une hypothèque. Donc incompatibilité.
Question : si le régime de la propriété collective pose le problème d’incompatibilité avec le droit des propriétés publiques ou de domanialité publique, comment aménager les rapports entre les propriétés privées et publiques au sein d’un immeuble ? La solution est une technique : la technique de la division au volume.
§2 : La technique de la division au volume.
C’est les rapports entre la propriété publique et la propriété privée lorsque coexistent dans le même immeuble des dépendances domaniales et les propriétés privées.
Exemple : au sous-sol il y a un parking et les étages sont privés. Il n’y a pas d’unité fonctionnelle, c’est un ouvrage « complexe ». Le problème consiste à s’intéresser aux relations de voisinage entre les dépendances domaniales et les espaces, les volumes occupés par la personne privée. Dans ce bâtiment, on a des dépendances du domaine public, donc ça empêche les règles de la mitoyenneté ou de la copropriété. Idée de collaboration. Il faut qu’existent entre les fonds privés et le domaine public des servitudes réciproques. Or, un autre problème se pose puisque le droit de la domanialité publique exclut l’institution de servitudes de droit réel.
2 possibilités :
— C’est une solution qui s’applique en pratique, mais sans aucune sécurité juridique. En effet, des servitudes conventionnelles sont instituées sur le domaine public. L’idée est la suivante : le principe d’inaliénabilité a été consacré dans le but de protéger non pas le bien mais son affectation. Dès lors que le bien est désaffecté, le régime de protection tombe. C’est donc une protection relative et non absolue.
Certaines servitudes portant sur le bien respectent l’affectation du bien. Ces servitudes ne doivent donc pas être prohibées, empêchées. Le juge administratif accepte des servitudes dans le domaine public si ces servitudes étaient préconstituées, c’est-à-dire qu’elles étaient instaurées avant l’incorporation du bien, mais si ça ne compromet pas l’affectation du service domanial.
— Le principe d’inaliénabilité est un principe législatif, donc la loi peut y déroger. Ce principe n’a pas valeur constitutionnelle dans la mesure où le conseil constitutionnel à plusieurs reprises a eu l’occasion de consacrer ce principe en principe constitutionnel mais il ne l’a pas fait.
Exemple : plusieurs lois ont été adoptées qui créent des exceptions à ce principe d’inaliénabilité :
_ Loi du 5 janvier 1988 : elle autorise les collectivités locales à consentir sur leur domaine public des baux emphytéotiques qui vont donner au preneur du bail des droits réels.
_ Loi de 1994 au profit de l’État : elle confère à des personnes privées la possibilité d’obtenir des droits réels sur le domaine public. Le bénéficiaire d’une autorisation d’occuper le domaine public dispose des droits réels.
On peut imaginer avoir recours à la loi pour opérer des déclassements de biens affectés au domaine public. Le bien pour sortir du domaine public doit être désaffecté. Ces biens vont être déclassés sans être désaffectés et leur déclassement va permettre leur cession, leur vente.
Exemple : en 2001, la loi a déclassé les biens immobiliers de la Poste. Ces biens appartiennent au domaine privé, donc il peut y avoir constitution de servitudes.
Exemple : dans le cadre de la simplification du droit, l’ordonnance du 19 août 2004 a déclassée les immeubles de bureaux. Ils font partie du domaine privé alors même qu’ils peuvent toujours être affecté à un service public. Ces biens peuvent désormais être vendus, et même s’ils sont vendus, ils seront toujours utiles au service public. L’Etat va les vendre et va les reprendre en location avec maintien de leur affectation antérieure.