VIE POLITIQUE
La politique est proprement l’art de gouverner un État. La vie politique peut donc se définir la vie du gouvernement des États ou l’étude des principes qui constituent les gouvernements et doivent les diriger dans leurs rapports avec les citoyens et avec les autres États. La politique est une activité principalement mise en œuvre par des professionnels : président, ministres, députés, sénateurs, députés européens… Mais elle s’étend aussi à tous ceux qui vivent autour, dans les champs liés au champ politique (administrations, médias, etc.). Et elle inclut les citoyens qui forment » l’opinion publique mobilisée « , voire le peuple silencieux des urnes et des sondages.
Le cours de « vie politique française », étudié en L1 de droit a pour objet l’étude de ce que l’on appelle la conquête du pouvoir étatique, l’exercice de ce pouvoir, le maintient au pouvoir et éventuellement sa perte. Ce cours relate l’histoire de la vie politique française, de la seconde moitié du dix-huitième siècle jusqu’à nos jours… seront ainsi étudiés la période révolutionnaire et napoléonienne, la monarchie constitutionnelle, la seconde République, le second empire, la troisième République, etc…
Voici le plan du cours de vie politique sur www.cours-de-droit.net :
- INTRODUCTION
- La vie politique en France : un enseignement de Science Politique.
- Objectifs généraux.
- Objectifs pédagogiques.
- Passer de la chronique politique à la « vie Politique en France » : la question de la politique.
- Que nommer comme politique : une première difficulté ?
- La politique, des activités spécialisées…
- La politique, entre transversalité et autonomie…
- La politique, une activité concurrentielle
- Chapitre 1 : Genèse et structuration d’un espace de compétition politique moderne
- Compétition politique, partis, clivages : un triptyque en évolution
- L’apparition de la figure du professionnel de la politique.
- Les partis politiques : des organisations récentes.
- Le(s) clivage(s) gauche-droite.
- Fonctions et genèse du clivage en France.
- Les recompositions du clivage droite/gauche.
- La lente politisation de la société française.
- La politisation : un terme polysémique.
- Les facteurs de la politisation.
- Les chemins de la politisation : politisation par le vote, politisation du vote, politisation en dehors du vote.
- Chapitre 2 : De 1789 à 1870 : le temps des expériences politiques et parlementaires (3 heures)
- 1789-1804 : la Révolution et l’invention de la République.
- 1789-1792 : la Révolution française, une révolution libérale.
- 1792-1804 : de la radicalisation républicaine au Consulat.
- 1789-1848 : du citoyen à l’électeur.
- 1789-1848 : la domination du suffrage censitaire.
- 1848 : la victoire incontestée du suffrage universel ?
- De l’Empire à la commune de Paris (1871).
- La Commune de Paris : du pouvoir sans le Peuple au pouvoir par le Peuple.
- La Commune comme expérimentation politique.
-
- Chapitre 3 : La IIIème République et l’enracinement d’un ordre politique républicain.
- Introduction et propos liminaires sur la IIIe République.
- La crise du 16 mai 1877 ou le triomphe du parlementarisme.
- Démission de Mac-Mahon et apogée du processus de parlementarisation de la vie politique.
- Monopolisation du pouvoir par l’élite parlementaire.
- Radicalisme et anticléricalisme.
- De la crise boulangiste à la création du « parti républicain, radical et radical-socialiste ».
- La « républicanisation » de la France : lancement de la lutte anticléricale et invention du « bon citoyen-électeur ».
- Les recompositions des résistances à l’idée républicaine.
- Classes laborieuses, classes dangereuses ? Le mouvement ouvrier entre séparatisme et intégration.
- De l’effacement des partisans de la monarchie aux ligues des années 1930.
- Conclusion sur le régime de Vichy
- Chapitre 4 : La IVème République, une nouvelle République ?
- Restaurer la République
- De la libération à la naissance de la IVème République, de nouvelles institutions pour restaurer l’autorité de l’Etat ?
- De l’assemblée tripartite du 21 octobre 1945 à la rupture du tripartisme
- La troisième force entre communistes et gaullistes
- Communistes contre la IVème République et gaullistes « contre le système »
- La France s’ancre à droite
- La IVème République, expansion et délitements.
- Le moment Mendès-France (1954-1955)
- La guerre d’Algérie et la chute de la IVème République
- Conclusion :
- Chapitre 5 : La Vème République : une République gaullienne ?
- Introduction et comparaison IVème / Vème République.
- La genèse d’une nouvelle République dans un contexte de crise.
- L’« appel » au général de Gaulle.
- Le règlement de la question algérienne.
- Restaurer la « grandeur de la France »
- Le développement de la coopération et le maintien de « l’indépendance nationale ».
- La modernisation de la France.
- L’affirmation du présidentialisme majoritaire (1962-1968).
- La révision de la constitution de 1962 ou la validation ex-post d’une pratique monarchique des institutions.
- L’élection présidentielle de 1965.
- 1968-1969 : une fin de règne.
- Mai 1968 : une /mobilisation multisectorielle.
- L’échec du référendum de 1969 et la démission de DG.
- Chapitre 6. 1969 – 1981 : la Vème République entre partisanisation, nationalisation et européanisation.
- Les années Pompidou et l’héritage dévié du général.
- L’élection présidentielle de 1969 et le « destin national » de Georges Pompidou.
- L’expérience de la « nouvelle société » : le gaullisme face à ses contradictions.
- Les débuts de l’européanisation de la vie politique française.
- Recomposition du système partisan et union de la gauche.
- La gauche à la conquête du pouvoir.
- De la limitation de l’offre à quatre formations, le « quadrille bipolaire », à la bipolarisation.
- Les années Giscard, entre libéralisation et temps de « crise ».
- L’élection présidentielle de 1974.
- La présidence de Giscard d’Estaing : un tournant politique ?
- Conclusion sur la transformation de la structure du capital politique et l’unification des marchés politiques.
- Chapitre 7 : 1981-2007. « Alternances » : le retour de l’instabilité ?
- 1981-1995 : les apories de la « grande alternance ».
- 1981-1983 : « un homme, une rose à la main ».
- 1983-1988 : le tournant de la rigueur et l’expérience de la cohabitation.
- 1988-1995 : le deuxième septennat Mitterrand, « la France unie » ?
- 1995-2007 : le retour de la droite par l’élection présidentielle, une nouvelle alternance ?
- De la « France pour tous » à la fin de l’État social (1995-1997).
- 1997-2002, une cohabitation inattendue ?
- 2002-2007 : la Vème République bousculée.
- 1981-2007 : Un système partisan en recomposition.
- Le Front national, un parti « hors système » ?
- La question écologiste.
- La gauche, un pôle fracturé ?
- Conclusion générale
- 2007 – 2012 : le renouvellement du personnel politique.
- Une amplification des tendances de la vie politique française :
- Personnalisation, médiatisation et prégnance des logiques d’opinion.
- Bipolarisation et présidentialisation de la vie politique française.
- La féminisation inachevée de la vie politique
- Cours de Vie Politique
- Vie politique : Qu’est-ce que la vie politique?
- Résumé de la vie politique française
- La vie politique (1981-1995) : alternance et cohabitation
- Pompidou : la vie politique française sous Pompidou
- Valéry Giscard d’Estaing : la présidence de VGE
- Les buts de la création de la Vème République
C’est un cours de science politique. Il fait appel à des éléments d’histoire et utilise un vocabulaire spécifique (en commun avec les sociologues. Ce cours revient sur l’histoire des républiques en France pour comprendre les phénomènes actuels.
Ni juriste, ni politicien, ni journaliste.
Pour les politistes et les sociologues, seuls les actes, les manières de faire, sont des éléments à étudier. Le droit qui s’intéresse à ce qui est dit a donc une vision très différente de la vie politique. Ici ce qui nous intéresse c’est l’usage du droit par des acteurs spécifiques (hommes politiques, juristes, citoyens, groupes sociaux). Le droit, comme production, comme construction des sociétés nous intéresse ici. Les actes politiques et juridiques, selon les politistes ne sont pas uniquement guidés par la raison politique ou juridique, ils sont influencés par des facteurs sociaux.
Le chercheur en science politique n’aime pas utiliser l’expression « le législateur », car cette formule tend à donner le sentiment que les législateurs parlent d’une même voix, qu’il n’y a pas de conflits d’intérêts et car, les législateurs sont avant tout des élus, donc des individus sélectionnés par des partis, puis choisis par des citoyens.
Si le politiste s’intéresse à ce qui se fait, le juriste pense le droit comme quelque chose de déjà là, d’intangible. Pour le politiste, le droit c’est le produit de négociations, un enjeu de débat.
Nous allons partir à la découverte de faits, d’évènements, de discours et aussi d’usages (notamment du droit).
- La vie politique en France : un enseignement de Science Politique.
- Objectifs généraux.
Ce cours doit permettre d’étoffer les connaissances des institutions, historiques, mais aussi de découvrir la science politique.
Analyse précise et argumentée des évolutions de la politique en France, mais aussi sociale.
Il faut réfléchir aussi sur les évolutions des courants de pensées, des modes de participation des citoyens.
On peut identifier plusieurs objectifs outre celui de connaissance :
- Découvrir une discipline qui a ses propres courants de pensée.
- Découvrir des thèmes fondamentaux importants pour comprendre et se situer dans la vie politique actuelle
Nous travaillerons sur les partis politiques, sur les régimes, sur les comportements politiques, sur les liens entre citoyens et élus, sur les mobilisations des citoyens dans l’espace public.
Par le détour de l’histoire des clés de compréhension seront données.
Ce cours permet aussi d’acquérir un fond de culture générale.
- Objectifs pédagogiques.
Nous allons étudier plus de 2 siècles de vie politique, le fil rouge étant l’installation de la vie politique en France.
Le terme politique, est un terme très complexe qui renvoie à des définitions différentes.
Pour les politistes, on distingue :
- Le politique : on peut l’entendre comme l’instance préposée au maintien de la cohésion sociale. Renvoie au terme Anglais « Polity». Il se présente comme un ensemble de forces institutionnalisées qui inter agissent (les assemblées, le président, le 1er ministre), elles peuvent renvoyer à l’expression « champ politique » selon. C’est une régulation sociale qui se traduit par la mise en place de politiques
- La politique : cela renvoie à la scène politique, sur laquelle vont s’affronter une série d’acteurs, qui ont comme caractéristique d’être en compétition pour la conquête et l’exercice du pouvoir. Il y a donc possiblement des spectateurs de cette scène, les citoyens, qui selon certaines conditions, deviennent acteurs de la vie politique, quand ils votent, quand ils se mobilisent, quand parfois, ils font basculer des régimes. Il y a donc des relations codifiées entre la scène et les spectateurs, mais elles peuvent à tout moment être remises en cause. En France, les grandes évolutions correspondent au moment où les spectateurs se mobilisent. Cf. Citation Philippe Braud : « Le pouvoir c’est la capacité de mobiliser la violence légitime, seul le pouvoir peut utiliser la violence». En Anglais, c’est le terme de « Politics ». La politique, fait appel des mécanismes de compétition, qui dit politique, dit concurrence (également entre représentants et représentés, parfois les citoyens ont envie de prendre possession du pouvoir). Qui dit politique, dit lutte de pouvoir.
- Les politiques : ce sont les actions, les décisions prises, les programmes appliqués qui assurent la régulation sociale à l’intérieur des sociétés. Expression « politiques publiques » (de défense, économiques, de lutte contre le chômage…). Renvoie au terme Anglais « Policy».
Nous allons éviter la personnification de la vie politique. On tente de poser un regard sociologique.
La compétition politique débute à compter du XIXème siècle.
Les règles de la compétition ont évoluées au cours des siècles, et leurs usages se sont aussi modifiés au cours des différents régimes.
Les évolutions de la vie sociologique ne sont pas liées au hasard, ce sont des processus, qui permettent d’identifier les éléments contemporains. C’est par exemple la professionnalisation de la vie politique. De nos jours, la vie de leur activité politique.
Le phénomène de nationalisation de la vie politique, révèle que les enjeux sont pratiquement identiques qu’il s’agisse d’élection municipale ou nationale.
On s’intéressera aussi à la médiatisation de la vie politique. Il y a des acteurs très importants, comme les instituts de sondage (apparus au milieu du XXème).
Ces phénomènes (professionnalisation, nationalisation et médiatisation) sont processuels, ils vont se développer à la suite de soubresauts sociaux et politiques.
- Passer de la chronique politique à la « vie Politique en France » : la question de la politique.
Brigitte Gaïti souligne que le politiste choisit de faire un cours entre chronique et concept.
La vie politique relève donc d’un récit historique.
Elle utilise le terme « concept », nous allons donc mobiliser des concepts, faire appel à une grille de lecture.
Concept : catégorie d’analyse construite par le chercheur, et ces catégories sont issues de l’observation de cas et la tentative de représentation de ces cas, l’objectif est d’atteindre une généralisation. Cela signifie aussi qu’on porte un regard critique, pour mener un examen objectif, raisonné des phénomènes et des situations politiques. C’est par ce travail, que ce détour historique nous permet de comprendre la vie politique actuelle.
Il faut rompre avec un sentiment d’incompétence par rapport à la politique, échapper à une vision fataliste, qui nous amènerait à penser que les citoyens ne peuvent pas agir sur la vie politique.
La vie politique française est marquée par les irruptions successives des citoyens sur la vie politique.
La vie politique Française est bien un cours qui consiste à faire un travail d’hybridation entre sociologie et histoire.
Le terme politique est complexe et difficile à appréhender. Plus complexe est d’enseigner la science politique.
- Que nommer comme politique : une première difficulté ?
Qu’est-ce que la politique pour moi, qu’est-ce que j’en perçois ?
Les enquêtes sur cette question sont révélatrices et nous indiquent qu’entre 10 et 20% de la population déclare s’intéresser beaucoup à la politique. Il faut comprendre si cet intérêt est réparti de manière égale dans l’ensemble des groupes sociaux.
On constate que les hommes s’y intéressent plus que les femmes. On constate aussi que l’intérêt croit avec l’âge, on s’y intéresse réellement après 35 ans.
Les classes supérieures s’y intéressent plus que les classes populaires, et plus on s’élève en niveau de diplôme aussi. La variable la plus importante est la variable diplômée.
Cette observation révèle que ce n’est pas parce qu’on ne s’intéresse pas à la politique qu’on est incompétent. On constate que cet intérêt est tout d’abord intermittent et varie en fonction des contextes, des situations, de la publication de tel ou tel article.
Sans s’en rendre compte, les citoyens dans leurs discussions quotidiennes font appel à des référents politiques, ils prennent des positions politiques régulièrement.
Il ne s’agit pas de dire que tout est politique, mais il faut garder à l’esprit que la politique n’est pas exclusivement le fait des institutions ou des hommes politiques.
- La politique, des activités spécialisées…
Il y a des activités qui ne semblent pas poser de difficultés en termes de codage politique.
Exemple : les débats entre candidats à des élections ; les débats au sein du parlement ; les meetings politiques ; les élections (cette années 3 élections : municipales en mars, communautaire en mars et Européennes juin).
Cela signifie que la politique peut se décrire comme un ensemble d’activités spécialisées se déroulant dans des lieux spécifiques (assemblées, mairies, bureau de vote, rue parfois) qui implique certains types d’acteurs, qui se comportent suivant des codes, ils mobilisent certaines manières d’être et d’agir (le maire avec son écharpe tricolore).
Jacques Lagroye : « en ce sens, cette spécialisation tend à différencier l’ordre des activités politiques d’autres ordres objectivés (observables) – c’est-à-dire dotés d’une consistance propre, crédités de caractéristiques durables et spécifiques ».
Frédéric Bon signale qu’en travaillant sur la politique, on peut dire que c’est un espace qui relève du sacré au sens où l’espace politique est séparé des autres activités de la vie quotidienne et au sens que dans les sociétés, la politique est valorisée. Il signale que les citoyens, qu’on peut considérer comme des profanes (hors espace sacré), ne vont pénétrer dans l’espace politique que de manière codifiée et ponctuelle, en respectant une liturgie et des calendrier spécifiques : « la vie quotidienne maintient le citoyen à distance du pouvoir et le place en relation d’altérité. Au contraire, le moment de l’élection autorise un contact direct, mais celui-ci n’est possible qu’à échéance régulière selon les règles que fixent les institutions ».
Ainsi, même en démocratie, le citoyen n’est pas maitre à priori de son activité politique, il est invité à participer, à pénétrer dans l’espace politique, à condition qu’il respecte les règles et les codes qui lui sont imposées par ceux qui détiennent le monopole de la coercition.
C’est peut-être pour cela qu’il est difficile pour le citoyen de « s’inviter » dans les débats politique. Parler, s’informer, participer demande des connaissances, la maitrise de certaines catégories d’analyse, la maitrise d’un langage spécifique (mode de scrutin, mode de découpage).
La politique est un élément fondamental de la vie en société (vie de la cité), c’est le médiateur de l’organisation des rapports sociaux. Elle joue un rôle de médiation, de collaboration.
Le paradoxe est que, bien que la politique soit omniprésente, se développe une image négative de la politique et surtout de ses acteurs. Cette image négative tient beaucoup aux attentes des citoyens. S’il y a des attentes importantes à l’endroit des hommes politiques, il y a aussi d’importantes attentes à l’égard des citoyens (des commentaires réguliers viennent pointer les soient disant mauvais citoyens).
Cette image négative de la politique, les commentaires récurrents sur l’abstentionnisme amènent les penseurs à penser que nous serions entrés dans une crise de la démocratie. Les politistes refusent ce type d’expression pour 3 raisons :
- Ceux qui statuent sur une crise de la démocratie en général oublient de nous donner leur définition de la démocratie et utilisent des indicateurs de celle-ci qui sont compilés sans réfléchir sur la qualité des catégories référentielles.
- Si on parle de crise c’est qu’on est capable d’identifier un âge d’or de la démocratie, qu’y est pourtant difficile à vraiment dater.
- Il faudrait être capable de comparer termes à termes des époques de la démocratie qui sont pourtant fondamentalement différentes.
Il faut se déprendre d’une logique normative, c’est le but de la discipline qui s’interdit de distribuer des bons ou des mauvais points.
Statuer sur une crise de la démocratie ou de la représentation, ne relève pas du projet de cette discipline.
On part du constat suivant, que les citoyens le souhaitent ou pas, la politique est un domaine central de la vie en société et est en relation directe avec le monde social.
- La politique, entre transversalité et autonomie…
La politique est dans le même temps une activité transversale, c’est une activité relativement spécialisée. Toutes nos activités ne sont pas à priori politiques. A un moment donné ces activités sont saisies pour être régulées par la politique.
Parallèlement c’est une pratique, une activité qu’on peut endosser en tant que citoyen. On peut faire et parler de politique. On peut entrer en politique. On peut même s’immoler par le feu (révolution arabes où se fut un mode d’expression).
C’est aussi une instance, dont le citoyen peut subir les effets. Il y a des phénomènes de spécialisation et de professionnalisation. Ces phénomènes même s’ils ne sont pas continus dans le temps, participent de l’autonomisation du politique sur les autres sphères (religieuse, culturelle, économique). Elle serait donc indépendante et repérable, par des bâtiments, des lieux de mémoire, des institutions, et des individus.
Max Weber (« Le savant et le politique ») explique que certains individus sont devenus des professionnels de la politique au sens où ils vivent pour la politique et de la politique. Elle leur rapporte de véritables rémunérations.
Ce sont ces professionnels de la politique qui sont une minorité (explique les termes d’élite et de classe), qui s’occupent de la politique du pays. Elle est une activité autonome spécialisée, mais elle reste très largement en lien avec les évolutions sociales.
Elle est en lien et très dépendante de la mobilisation des groupes sociaux, en lien avec les techniques de connaissance de l’opinion publique et est impactée par l’évolution des communications. La politique est aussi très modifiée par le développement des échanges entre sociétés et par les contraintes internationales et communautaires.
Analyser la politique c’est donc comprendre les grands évènements de la vie politique, identifier et étudier ses acteurs, analyser les luttes structurantes qui agitent les sociétés. Elle ne peut s’analyser si on ne réfléchit pas aux évolutions des sociétés.
Crises et luttes sont ici utilisés, car quand on analyse la politique on ne peut passer à côté des mots compétition et concurrence, donc à côté de la logique de l’affrontement.
- La politique, une activité concurrentielle
Le politiste travaille à partir de la grille de lecture basée sur la compétition. La vie politique est une succession de moment où on observe l’affrontement entre les professionnels de la politique, qui lutte pour la conquête et l’exercice du pouvoir. Cette lutte se fait sous les yeux des citoyens et parfois avec leur soutien et se déroule parfois aussi contre les citoyens.
Joseph Schumpeter quand il tente de donner une définition de la démocratie explique que c’est : « le système institutionnel aboutissant à des décisions politiques, dans lequel des individus acquièrent le pouvoir de statuer, à l’issue d’une lutte concurrentielle portant sur les votes du peuple ».
Cette définition est limitée et datée, car il restreint le pouvoir du peuple à s’exprimer par le vote. Hors les modes de participation politiques sont bien plus divers et étendus.
Bien que limitée et élitiste, dans cette définition, ce qui est intéressant c’est que l’auteur insiste sur le fait que la démocratie est un lieu d’expression concurrentielle. Ici se développent des logiques de compétition, qui dans certains cas peuvent se passer des électeurs (élections sénatoriales par exemple).
Lorsqu’on regarde l’actualité politique, toute mise en œuvre de programme implique une prise de décision et des luttes concurrentielles entre des équipes. Le débat politique nous apprend parfois que cette concurrence s’exprime entre équipes opposées, mais aussi au sein d’une même équipe.
On peut mobiliser une métaphore, celle du jeu, au sens où on peut considérer que la politique est une forme de compétition, de concurrence pour obtenir une victoire, un trophée. Ce trophée peut être un poste électif, un mandat, une investiture. On insiste ici sur le fait que la politique est une pratique organisée par des règles connues de tous à priori. Pratique dans laquelle les acteurs sont en situation d’interdépendance.
On insiste alors sur 3 points :
- La politique est un jeu relationnel : on se rend compte que les actions de tous les acteurs sont influencées par les actions des autres acteurs de la vie politique. En parallèle avec les échecs, chacun des coups d’un joueur a des répercussions sur les anticipations et actions de ses adversaires. On va s’affronter sur des idées sur des visions du monde, sur des intérêts divergents, appelés intérêt général pour se donner bonne conscience. L’espace politique peut ainsi être aussi considéré comme un espace de contraintes, qui détermine les prises de position.
- La politique est un jeu collectif : la compétition politique moderne voit s’affronter non pas seulement des individus mais aussi des entités collectives et des partis politiques, qui sont des entreprises collectives de conquêtes du pouvoir. Les partis sont des formes particulières de relation sociale, qui rassemblent de façon périodique ou continue des acteurs qui forment une équipe. Le terme équipe nous renseigne sur la spécialisation à l’œuvre dans les activités politique ; cela signifie des moyens matériels et humains, on va associer des compétences diverses ; on va élaborer des tactiques et des stratégies. Qui dit équipe signifie qu’il y a des contraintes économiques et budgétaires. Pour autant toutes les équipes ne sont pas équivalentes. En politique comme dans les grandes équipes de jeu, il y a aussi de la compétition au sein même des équipes (primaires du parti socialiste ou la sélection du responsable de l’UMP).
- La politique est un jeu qui comporte des règles (comment peut-on les contourner, c’est ce qui nous intéresse) : Si les différentes équipes s’affrontent, elle s’accorde sur plusieurs point, notamment, sur la façon d’organiser la compétition. Ces règles nous sont données par la constitution notamment, par les lois électorales, et les lois sur le financement des partis politiques. Ces règles sont des marqueurs juridiques, des orientations. Elles ne sont intéressantes que parce qu’on peut les contourner (élection des conseillers communautaire au suffrage universel direct pour la 1ère fois en 2014). Elles sont contournées ou parfois oubliées (montant de la campagne présidentielle de Sarkozy). La loi sur la parité, fort laxiste surtout pour les élections au scrutin majoritaire à 2 tours des législatives : on va envoyer les femmes dans des circonscriptions où on est sûr qu’elles ne seront jamais élues. Le non-respect, vaut amende, mais ceux qui votent les amendes sont ceux-là même qui ne respectent pas cette loi. Pour parler de la vie politique on peut utiliser le terme de configuration (Norbert Elias), comme dans un jeu, dans la vie politique, chaque action d’un acteur produit des effets sur les partenaires de jeu, ce qui modifie la situation initiale : « comme au jeu d’échec, toute action accomplie dans une relative indépendance, représente un coût sur l’échiquier social, qui déclenche un autre coup… il s’agit de beaucoup de contrecoups, limitant la liberté d’action du 1er joueur.». On utilise donc l’expression de « système partisan » qui indique que les partis sont interdépendants les uns des autres.
En démocratie, cette compétition prend des formes particulières qui vont s’affiner au fil du temps. Ici, la compétition est ouverte. Ainsi, idéalement, chacun peut potentiellement prétendre exercer le pouvoir, candidater aux positions suprêmes. Cet idéal entre en conflit avec une réalité qui témoigne de la spécialisation politique. Quand on observe les candidats aux élections et surtout les élus, on constate qu’ils ne correspondent pas aux citoyens lambda. La démocratie telle qu’on l’imagine, reste très largement un idéal au sens où l’activité politique reste une activité spécialisée réservée à une certaine catégorie d’individus.
Mais le citoyen reste central dans l’évolution des régimes, car il ne se contente pas des espaces qu’on lui impose.
Chapitre 1 : Genèse et structuration d’un espace de compétition politique moderne
Analyse des processus qui affectent la scène politique française.
Cette scène politique n’est pas une construction très ancienne. A partir d’observation on constate que c’est au 19ème qu’une sphère autonome d’activités politiques apparait progressivement en se séparant des activités économiques, sociales et culturelles.. Cette vie politique va connaitre de grandes transformations :
- La pratique du vote va se généralisé (1848 suffrage universel masculin). Les électeurs vont s’approprier cette nouvelle technologie de sélection de leurs représentants.
- Au début du 20ème siècle les élections vont devenir de plus en plus libres, permettant une compétition plus transparente et concurrentielle. La lutte électorale va ainsi s’intensifier et de véritables marchés politiques vont se constituer.
- On va constater que la politique devient aussi de plus en plus une affaire de professionnels. Ce phénomène qui affecte la sphère des représentants, ces modifications sont observables aussi au niveau des citoyens. On observe une politisation de la société française, qui au début est encore très rurale (19ème et 20ème siècles). Il va y a avoir une nationalisation de la société qui passe par la progression du sentiment d’appartenance nationale. Il y a aussi une partitionisation, montée en puissance d’organisations collectives qui encadrent les suffrages, les partis politiques. Ces partis vont devenir surtout au début du 20ème des acteurs essentiels de la compétition politique qui devient plus idéologique.
Pour comprendre l’ampleur des transformations il faut se placer au début du 19ème, avec la monarchie parlementaire. Les marchés électoraux sont alors de taille réduite (les espaces de compétition politique entre candidats), car on constate que sous cette monarchie parlementaire, plus de ¾ des collèges électoraux comptent moins de 600 inscrits. Ces collèges électoraux structurent l’expression du suffrage. 80% des députés sont élus en mobilisant moins de 400 voix. Dans un système aussi restreint, élus et candidats peuvent entretenir des relations quasi personnelles avec leurs électeurs, et partagent socialement la même vie qu’eux. Les élus sont dans une situation de quasi-monopole politique. La concurrence est alors très faible. Les élus de par les relations de proximité avec leurs électeurs, défendent et représentent surtout des intérêts locaux. Ainsi leur discours est peu abstrait et peu politisé. Les candidats ne soumettent que très rarement à leurs électeurs des conceptions idéologiques ou des programmes politiques.
L’évènement important est l’introduction du suffrage universel masculin en 1848, il accroit ainsi le nombre des électeurs, on passe de 250.000 inscrit à plus de 9 millions. Ces nouveaux électeurs doivent être mobilisés pour qu’ils s’expriment. On estime qu’il faut attendre les années 1870 pour que ce suffrage universel s’épanouisse totalement. La participation politique va augmenter sous l’effet de l’élévation du niveau scolaire et du travail d’éducation civique mené par les républicains.
Lors des 1ères élections on n’observe pas de grandes différences d’avec ce qui se passait précédemment. Les candidats se font connaitre en puisant dans leur patrimoine propre et en distribuant des biens privatifs. Pour se faire élire, ils vont distribuer de l’argent, des intersessions, ils offrent des libations, des emplois et des logements.
Le système électoral est alors dominé par les ressources natabilières. Il repose sur des chaines d’obligation, de loyauté primaire, qui ne sont pas à priori d’origine politique. Ceci n’est pas propre au 19ème siècle, car cette pratique continue à perdurer de façon plus ou moins légale.
Au début du 20ème siècle, l’acte électoral va s’individualiser et va se construire de plus en plus comme l’expression d’une opinion personnelle.
Dans le même temps, la compétition politique va s’ouvrir à de nouveaux acteurs, qui sont les républicains, les radicaux, les socialistes. Elle va aussi s’ouvrir à de nouvelles classes sociales, les ouvriers surtout du bâtiment, la bourgeoisie capacitaire. Ces nouveaux entrants vont contester frontalement le pouvoir des notables et des élites traditionnelles. Ils vont valoriser une pratique plus spécifiquement politique de l’élection et vont tenter de modifier les relations existantes entre candidats, élus et électeurs. Ainsi, la compétition politique va acquérir avec eux une dimension symbolique et va devenir une affaire de programme, de représentation et de vision du monde.
Chapitre 1 : Genèse et structuration d’un espace de compétition politique moderne
- Compétition politique, partis, clivages : un triptyque en évolution
Au cours du 19ème siècle, la compétition politique va se moderniser. Le plus souvent personnelle, locale et intermittente, elle va se professionnaliser et s’exercer collectivement dans le cadre de partis politiques spécialisés, qui vont se positionner sur le clivage gauche/droit, lui donnant une consistance.
Les transformations du personnel politique et des partis, sont à mettre en lien avec les transformations socio-économiques et de la lutte politique.
- L’apparition de la figure du professionnel de la politique.
Cette apparition à partir du milieu du 19ème est le produit de la concurrence entre 2 catégories d’acteurs. D’un côté, les élites traditionnelles et de l’autre les entrepreneurs politiques.
Les élites traditionnelles, qualifiées de notables, existaient déjà dans le cadre du suffrage censitaire. Elles ne disparaissent pas avec l’adoption du suffrage universel, elles vont essayer de s’adapter.
Le notable a des caractéristiques sociologiques. C’est souvent un aristocrate, un propriétaire foncier, et en général cette élite est monarchiste. Ils vont fonder leur autorité et leur légitimité sur les ressources qu’ils tirent de leur statut social. Ces ressources sont l’estime sociale et la notoriété dont ils jouissent dans leur ressort électif. Ce fort ancrage local s’exprime par la possession de terres et de richesses. Ce fait a un grand impact, car ces notables font vivre une grande partie de la population qui va contribuer à leur élection. Le pouvoir politique de ces notables est un prolongement de leur pouvoir social et économique.
On peut reprendre ce que dit André Siegried : « le pouvoir politique est la ratification de l’autorité sociale évidente ».
Ces notables échangent des biens contre des votes. Ce système d’échange est ce qu’on appelle le « clientélisme ». Ils font de la politique en amateurs, ce ne sont pas des professionnels de la politique, car ils n’en tirent pas un revenu. Dans le même temps la politique ne constitue pas leur activité principale. Ils ne font pas de la politique, au sens où ils ne défendent pas des intérêts ou des idées générales, ils défendent leurs intérêts socio-économiques, qui indirectement sont aussi ceux de leurs électeurs.
Un second type d’acteurs sont les nouveaux entrepreneurs politiques, qui aspirent à entrer dans le jeu politique en contestant le pouvoir des notables. Pour se faire ils veulent utiliser l’instauration du suffrage universel pour faire prévaloir les intérêts qu’ils représentent où prétendent représenter. Ils sont de 2 types :
- Ils correspondent à ce que Gambetta appellera « les nouvelles classes républicaines, que sont les classes libérales et la bourgeoisie capacitaire, qui doit son ascension sociale au mérité, au diplôme, donc plus au talent qu’à la naissance ». On y retrouve des médecins, des avocats, des notaires et des enseignants.
- Ce sont aussi les ouvriers dont l’importance croit avec l’urbanisation et leurs représentants. Ce mouvement ouvrier va se structurer tout au long du 19ème siècle. Ils sont porteurs de nouvelles visions sociales et politiques. Pour eux, la politique est une affaire d’idées plus que de personnes, de programme et d’idées, plus que d’ancrage attaché au territoire. Leur discours est conforme avec les ressources qu’ils mobilisent. Ils n’ont pas ou peu de ressources personnelles, ils n’ont pas de bien privatif à distribuer aux électeurs, mais la ressource qu’ils peuvent proposer est la propagande électorale. Ils ont aussi des ressources collectives et organisationnelles. Pour concurrencer les notables, ils vont s’appuyer sur des partis en cours de constitution et sur des mobilisations collectives (manifestations et émeutes). Face à la force du NON et de la réputation des notables, ils vont s’appuyer sur la force du nombre. Ils vont développer des techniques modernes de démarchage politique, comme la propagande (propagation des représentations politiques) ; ils vont mettre en place les 1ères réunions et les 1ers meetings, ils vont être les premiers à quadriller la représentation. Ici l’élection ne doit pas sanctionner une notoriété ou une position acquise, pour eux elle est là pour trancher un débat d’idées entre candidats. Avec ces nouveaux acteurs, l’élection va ainsi devenir un échange de promesses, appelé « programmes politiques ».
La concurrence entre ces 2 types d’acteurs va déboucher sur la figure de professionnel de la politique, figure qui n’a pas tellement changée depuis.
On observe que les notables vont se professionnaliser, alors que les entrepreneurs vont se notabiliser.
Les notables vont imiter leurs concurrents en adoptant leurs techniques et manières de faire. A la fin du 19ème les notables vont ainsi faire campagne, présenter des programmes et s’organiser en groupement politique et politiser leurs discours. Ils ne disparaissent donc pas. La politique va ainsi devenir pour eux une activité à temps pleins du fait d’une plus rude concurrence. Ce travail de professionnalisation est décrit dans les travaux d’Eric Phélippeau (recherches sur le baron Armand de Mackau), dans L’invention de l’homme politique moderne (Mackau, l’Orne et la République, Paris, Belin, 2002) sur Armand de Mackau (député de l’Orne de 1866 à 1918). Les notables se maintiennent malgré les changements de régime. Ce député va recruter des agents permettant de participer à son élection, il rémunérera plus d’une centaine d’individus dont le rôle s’assimile à celui de véritables VRP. On constate alors l’apparition de véritables budgets électoraux.
Les nouveaux entrepreneurs politiques vont se notabiliser. Ce phénomène va particulièrement s’observer à partir du moment où ils sont élus. C’est significatif surtout chez les socialistes qui conquièrent leurs premières municipalités dans les années 1880 et 1890 (Nord, Toulon, Marseille, Sète). Ils obtiendront de même des mandats de députés. Leur notabilité est différente au sens où elle se fonde sur leur notoriété politique et leurs ressources institutionnelles, qui sont leurs mandats de maires et de députés. Cette notabilité est acquise grâce à des victoires électorales et à leur pratique du pouvoir. Ils acquièrent un ancrage local qu’ils vont faire valoir dans les élections, se construisant ainsi une légitimité personnelle. Ils contribuent à redéfinir les termes du jeu électoral. Ils vont aussi s’adapter à la politique telle qu’elle été pratiquée par les notables localement. A la fin, ressources personnelles et collectives vont se combiner. Rémy Lefebvre va s’intéresser au jeu municipal ; il s’appuiera sur le cas de Roubaix et va monter que les « Guesdistes » (branche révolutionnaire de Jules Guèdes) vont vouloir s’emparer de Roubaix et vont ainsi contribuer à politiser l’arène municipale. Les guesdistes se servent de l’institution municipale comme d’un levier pour s’emparer de l’état et propager le socialisme. Ils vont proposer des mesures sociales étiquetées par la suite comme relevant du socialisme municipal. Ils sont aussi en quelque sorte saisis par l’institution municipale et la notabilité. Lefebvre montrera qu’il y aura un désenchantement au niveau des discours, face au pragmatisme politique qui provoque un effacement des idéologies. Les guesdistes adopteront des pratiques clientélistes et on assiste aussi à leur embourgeoisement.
Pour Max Weber le politique vit de la politique et pour la politique. Il tire un revenu de la politique (1889 mise en place de l’indemnité parlementaire et 1906 1ère revalorisation). Sans indemnité parlementaire, des classes entières ne peuvent prétendre à l’activité politique, ainsi cette notion est portée par les socialistes. Il vit pour la politique car c’est une vocation. Ils vont ainsi acquérir des savoir-faire spécifiques, qui leur assurent de la longévité.
Schumpeter explique que ces professionnels vont monopoliser des savoir-faire nécessaires à la conquête, à l’exercice et au maintien du pouvoir. A la fin du 19ème siècle la politique devient rémunérée, autonome et spécialisée. Dans le même temps, les politiques doivent entretenir des équipes électorales qui doivent devenir de plus en plus durables. Ce sont les partis politiques.
- Les partis politiques : des organisations récentes.
A la fin du 19ème et au début du 20ème siècle, ils deviennent des acteurs centraux de la compétition. Ils vont monopoliser l’activité politique (parlementaire et électorale). Avec le suffrage universel, il faut l’encadrer, agréger les intérêts des électeurs et coordonner le travail des candidats et des élus. Ces organisations politiques, vont progressivement s’appeler « partis » et se multiplier à partir du début du 20ème siècle. Ils traduisent la nécessité d’organiser l’activité électorale et d’encadrer l’exercice du suffrage. Il n’y a pas de lien mécanique entre leur naissance et l’instauration du suffrage universel masculin.
Parti politique :
Joseph La Palombara et Myron Weiner, Political parties and political development, Princeton, Princeton University Press, 1966.
- Durable et pérenne.
- Lutte pour la conquête des postes de pouvoir.
- La conquête se fait par la mobilisation de soutiens populaire.
- C’est une organisation ramifiée et territorialement organisée.
Il aura fallu 1 siècle pour que les partis répondent à cette définition.
Raimond Huard explique 3 phases successives sur presque 1 siècle (1815-1905) :
- 1815-1860 : phase d’apparition des premières formes d’organisation politique, liée à la concurrence qui commence à s’intensifier entre les notables et les nouveaux entrepreneurs politiques. Face aux notables, apparaissent ces nouveaux entrepreneurs politiques, qui vont remplacer la représentation traditionnelle, par des liens de patronage démocratique. Il s’agit pour eux de prétendre représenter des intérêts collectifs. Ils vont réunir des ressources collectives afin d’affronter les élites. Il y aura donc des phénomènes de réunions, d’organisation collective. Ces entreprises systématiques vont se structurer autour de groupes très différents déjà présents dans la société civile. Ces groupes ce sont des sociétés de pensée, des cercles de bourgeois, des cafés, des journaux porteurs de représentation collectives, des associations et des loges maçonniques. Il y a aussi les salons de personnalités bourgeoises. On commence alors à penser la politique. Emerge des sociétés d’enregistrement des électeurs. Dans les rédactions des journaux et les sociétés secrètes émergent les premières formes locales de collectivisation du politique et de spécialisation.
- 1860-1890 : phase caractérisée par 2 phénomènes :
o Commence à apparaitre une reconnaissance de la légitimité des organisations politiques. A partir de la fin du 19ème il y a une stabilisation des institutions et de l’idée républicaine. Cette stabilisation se fait en parallèle de la reconnaissance des partis.
o Un phénomène de spécialisation des organisations. Lentement ces structures commencent à se revendiquer comme étant des organisations politiques. Ceci, du fait qu’en premier lieu il y a la nécessité de structurer le mouvement ouvrier (dû à l’absence de ressources de ce mouvement). Sous la IIIème République on observe une augmentation de la compétition et de la concurrence électorale, qui demande un travail de rationalisation des mobilisations électorales qui sera pris en main par les partis politiques. On a :
- Des comités électoraux organisés localement, qui vont se généraliser. Ils se constituent pour organiser le suffrage, aider les électeurs à s’inscrire. Ce sont des structures ponctuelles qui développent leur activité en amont et pendant les procédures électorales. Petit à petit, ces comités vont devenir permanents et vont se structurer au niveau départemental et national, du fait de l’importance croissante de la compétition et de la concurrence.
- On observe des proto partis (structures politiques collectives), qui apparaissent surtout dans le mouvement ouvrier. Elles se développent grâce à la ressource du nombre d’adhérents, et s’appuient sur des réseaux, sur des lieux de sociabilité ouvrière, sur les coopératives et les mutuelles ouvrières, sur les lieux de rencontre des ouvriers (cafés, fanfares, etc.). Ce sont donc des formes extra électorales de mobilisation, qui vont tenter l’expérience du suffrage et se transformeront en partis politiques. Les premières victoires socialistes se situent ainsi dans ces années 1890.
- 1890-1905 : phase très importante, car les organisations politiques vont s’institutionnaliser et se transformer véritablement en partis politique. Dans ce processus, le droit joue un rôle considérable, notamment avec la reconnaissance du droit d’association en 1901 ; avant les partis n’étaient que tolérés par la réglementation, en 1901 les organisations disposeront d’un cadre légal dans lequel elles s’engouffreront. La structuration tardive des partis peut s’expliquer par l’hostilité qu’on observe en France à l’égard des partis. Depuis la révolution, les mouvements collectifs sont associés à la division, à la faction, on estime qu’elles ne défendent que des intérêts particuliers et catégoriels. Or, on va magnifier alors le mythe de l’intérêt général, et en retour récuser la légitimité des partis politiques. L’ambiance générale relève donc de la suspicion. Il faut attendre 1958 pour que les partis politiques soient reconnus constitutionnellement en France (art.4 : reconnaissance du bout des lèvres, uniquement en tant qu’acteur du suffrage). C’est ainsi que les partis n’apparaitront qu’au début du 20ème siècle. En 1901 apparait l’alliance républicaine démocratique et le parti républicain radical et radical socialiste. Autre parti, en 1905 la naissance de la SFIO (Section Française de l’Internationale ouvrière) qui donnera naissance au parti communiste et au parti socialiste. Ces structure sont faibles surtout au point de vue numérique. Seul le parti communiste pourra prétendre être un parti de masse. En fait en France, les partis sont des fédérations d’entrepreneurs politiques locaux qui se retrouvent dans des partis peu structurants et peu centralisés. La discipline de vote parlementaire ne s’installera vraiment que sous la Vème République, ce qui explique largement les déboires de la IVème République. Les partis ont une mauvaise image en France (taux d’adhérence le plus faible au monde), mais paradoxalement ils monopoliseront petit à petit la vie politique. On va observer un processus de monopolisation de la vie politique par les partis, qui s’explique par leur monopole sur la vie électorale et sur la désignation des candidats, via l’investiture. Ces partis défendent des programmes, s’affrontent sur des thématiques, débats et controverses vont s’organiser sur des clivages et des affrontements entre des camps politiques (en France c’est le clavage Droite/Gauche).
- Le(s) clivage(s) gauche-droite.
C’est un clivage en évolution en mesure des débats. Il s’agit là du principe de division centrale de la vie politique et de l’histoire politique française. C’est une opposition binaire qui organise la vie politique depuis la révolution. On le retrouve en Suisse et aux Pays-Bas, mais il n’est pas présent aux USA.
A partir des années 1960, avec la bipolarisation il est très prégnant. C’est la constitution de 2 camps. 2 partis dominant en compétition pour l’accession au pouvoir.
Un des paradoxes c’est qu’on a une invariance de ce clivage au sens où il structure la topographie du jeu politique, mais on constate aussi une variabilité historique de ce clivage. Dans l’histoire il ne se cristallise pas sur les mêmes questions.
La droite et la gauche sont des produits de l’histoire et des traditions politiques.
- a) Fonctions et genèse du clivage en France.
Ce clivage remplit 2 fonctions spécifiques :
- Il simplifie les conflits inhérents à la vie politique.
- Il facilite la constitution de majorités pour décider (Dominique Colin). Il a une fonction de repérage pour les acteurs et les citoyens.
Ce clivage se déroule en 2 temps :
- Il nait au moment de la révolution en opposant les royalistes et les anti royalistes. Le 22 juin 1789 les députés du tiers état décident de se réunir hors la présence du roi et contre sa volonté dans l’église St Louis à Versailles, ils sont rejoints par les membres du clergé et plus tard par des membres de la noblesse. Spontanément les députés du tiers état vont laisser au clergé et à la noblesse les sièges les plus honorifiques situées dans la partie supérieure de la nef (proche du sanctuaire). Cette partie deviendra par la suite la partie droite de l’assemblée. Le 28 août l’assemblée nationale constituante, dans le cadre de sa réflexion, en arrive à la question du véto royal, ceux qui y sont favorables se placent à la droite de l’hémicycle, les autres à gauche. D’un point de vue spatial, il y a une manière d’exprimer les affrontements politiques. Il ne faut pas surestimer la portée de ces évènements qui appartiennent à la mythologie du clivage. Ce sont les acteurs qui donneront de la consistance à ce clivage.
- Au tournant des 19ème et 20ème siècles. Entre 1902 et 1905 (ministère Combes), ce clivage va structurer les débats et s’imposera en 1930. Marcel Gauchet : « Il y a bien du chemin depuis l’emploi timide et irrégulier du partage entre coté droite et côté gauche sous la Révolution française jusqu’à leur intronisation dans la langue parlementaire au sein des assemblées de la restauration. Et il faut un saut encore plus considérable pour passer du jargon des Chambres à ces emblèmes par excellence de l’identité politique. » (Marcel Gauchet « La droite et la gauche », in Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1989). L’auteur nous signifie la migration de ce clivage, qui devient progressivement un élément d’identité politique que s’approprient les acteurs et les citoyens. Ces signes identitaires seront clairement admis au 20ème siècle. C’est à la veille de la 1ère guerre mondiale que ce rôle de repère sera consacré.
Evènements qui participent à l’identification du citoyen à ce clivage :
La propagande des acteurs politiques, les milieux littéraires et intellectuels. A la suite des travaux de Gauchet il y a 3 origines :
- Socio-politique, marquée dès la fin du 19ème par les tentatives de rassemblements de la composante de la gauche, portée par de jeunes rénovateurs radicaux qui souhaitent mettre en place une alliance avec les socialistes, la formule sera : « pas d’ennemis à gauche ». Ils indiquent ainsi qu’il y a un adversaire qui est la droite. L’apparition d’un nouveau personnel politique qui essaye de mobiliser de nouveau électeurs auxquels il faut donner une grille de lecture facilement compréhensible.
- L’affaire Dreyfus qui en 1898 opérera une guerre civile des esprits en scindant la France entre le camp des Dreyfusards et celui des antis Dreyfusards, qui renvoie à une séparation entre gauche et droite.
- Origine institutionnelles, avec les changements de modes de scrutin, en 1928 (législatives), qui instaure le triomphe du système majoritaire qui impose la nécessité de se désister et de créer des alliances en vue de la victoire. Mais avec qui fait-on alliance ? Le repère de gauche et de droite aidera ces choix.
Au cours de cette période, les valeurs défendues par chaque camp vont évoluer.
- b) Les recompositions du clivage droite/gauche.
Ces constructions intellectuelles vont se nourrir des débats.
L’extinction de la querelle institutionnelle :
De la révolution à 1880, le clivage se cristallise sur la question des institutions et du rapport à 1789. La gauche revendique l’héritage de la révolution en défendant la République, au nom de son attachement au siècle des lumières et à la DDH. La droite prône le retour à la monarchie et à l’ordre moral, mais sa position n’est pas homogène. Les travaux de René Rémond (La, puis les droite(s) en France) mettront en évidence 3 traditions de droite différentes nées dans le sillage de la révolution.
- La droite légitimiste ou ultra, ou monarchiste, qui est hostile à l’héritage de la révolution, elle se caractérise comme étant traditionnaliste et catholique. Elle s’amenuisera avec la monarchie de juillet.
- La droite Orléaniste, modérée, et libérale, qui nait avec la monarchie de juillet. Elle est à l’origine de la droite libérale, et décentralisatrice. Elle accepte la concurrence. La souveraineté réside dans le peuple, mais il ne doit pas exercer sa souveraineté. Les corps intermédiaires exercent cette souveraineté.
- La droite Bonapartiste qui apparait sous le second empire. Elle est attachée à l’ordre et à l’état. Sa conception est volontariste surtout au niveau économique. Elle fait appel au peuple, surtout par voie de référendum et développe la voix du chef. Le Gaullisme se situe ainsi dans son sillage.
La IIIème République va s’opposer à la droite monarchiste, mais la droite va se rallier à la République par conversion et accoutumance. On constatera un épuisement de la volonté de retour à la monarchie. Ce culte monarchiste se fera de moins en moins présent à droite. Les groupes qui continueront à se rallier au monarchisme seront de plus en plus restreints, extrêmes et violents.
Le clivage va de plus en plus se déporter sur des questions sociales et de moins en moins institutionnelles.
La question religieuse :
En France c’est une question très liée à l’enjeu du régime. Traditionnellement le pouvoir est imbriqué dans le catholicisme, La France était sous l’Ancien Régime la Fille aînée de l’église. On l’entend encore, comme par exemple lors des dernières mobilisations de rues (mariage pour tous).
Depuis la révolution, la souveraineté n’est plus fondée sur un principe religieux, elle réside sur la souveraineté de la nation. L’enjeu de la controverse concerne l’influence sociale de l’église, c’est-à-dire l’emprise de la religion sur les comportements collectifs et les conduites privées.
La question religieuse opposera 2 camps, les anticléricaux (à gauche en grande majorité) qui veulent soustraire la société à l’emprise de la religion. La Gauche dès le 19ème se fera une spécialité de la défense de la laïcité (rendre la politique indépendante de toute religion qui doit être reléguée à la sphère privée). Pour la droite, le catholicisme est perçu comme le garant de l’ordre moral et de l’équilibre de la société. Ce conflit perdurera pendant une grande partie du 19ème. Mais ce potentiel va s’estomper à mesure qu’on s’approche du 20ème siècle. La reconnaissance de la neutralité du système public et surtout d’enseignement scolaire, va progressivement tenter de faire disparaitre tous les signes qui indiquent un rattachement religieux. Tout cela se met en place entre 1882 et 1886. On va aussi instaurer la neutralité des espaces publiques (cimetières, parlements, hôpitaux, etc). On va élaborer des lieux d’expression démocratiques neutres (mairie, école, à la place des appartements des curés). Ceci va se concrétisé avec la loi de séparation de l’église et de l’état en 1905. Elle s’appliquera dans un contexte très troublé, c’est la dernière grande manifestation de la question religieuse. Le ralliement progressif de la droite à la laïcité et à la République va chasser cette opposition.
Un clivage qui s’estompe et pourtant perdure
Cependant, la question scolaire au 20ème siècle sera une résurgence de la question religieuse. On voudra supprimer tout financement public à l’école privée. La droite est favorable à l’existence des écoles privées et confessionnelles. Dans les débats qui suivront l’arrivée de la gauche, la droite va redescendre dans la rue pour défendre la liberté d’enseignement pour défendre de façon indirecte les écoles privées. Cette question a fragilisé les majorités en créant un clivage entre MRP et SFIO.
L’histoire en France est une histoire de crispations et d’apaisements. Ceci continue aujourd’hui avec la question des signes ostentatoires religieux, débats qui transcende ce clivage gauche/droite, l’islam étant désormais au centre de ce débat.
On assiste à affaiblissement progressif du clivage gauche/droite, sauf quand on voit émerger sur la scène publique, lors de certains débats, un certain rejaillissement de ce clivage (débat sur le PACS, Mariage pour Tous, Loi sur la Famille). Ce sont des clivages qui se fondent sur le libéralisme culturel. Le clivage n’a pas perdu de sa pertinence, ainsi lorsqu’on interroge les Français, 60% d’entre eux continuent de se positionner sur l’échelle gauche/droite. Ceci étant, la structure du clivage apparait aujourd’hui complexe, c’est une combinaison entre la question du libéralisme culturel et celle du libéralisme économique qui fut centrale au sortir de la seconde guerre mondiale. Il y a donc désormais des clivages multipolaires, expliqués par le fait qu’on observe dans les années 80 à un brouillage des questions économiques avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, notamment avec la mise en place de la rigueur en 1983. Dès lors les grands référents idéologiques de la gauche semblent en crise et dans le même temps on constate que le libéralisme économique triomphe aussi à gauche, car présenté comme non idéologique. Autre élément, la thématique de la sécurité qui était une thématique de la droite est devenue aujourd’hui un postulat sur lequel la gauche est aujourd’hui obligée de se prononcer.
- La lente politisation de la société française.
On observe que la société française est marquée par un processus de politisation qui affecte la population. C’est un processus à l’issue duquel des connaissances et un intérêt pour la politique se diffusent dans la population de façon graduelle et lente.
On a du mal à percevoir que la population du 19ème siècle est majoritairement rurale, à priori peu ouverte aux préoccupations politique. C’est donc la politisation d’une population rurale.
En 1911 on estime que les ruraux représentent 53% de la population, en 1900 58% des actifs sont des agriculteurs. On oppose traditionnellement les villes où l’intérêt politique a été précoce et la ruralité. On constate que les habitants des villes ont un niveau d’éducation plus élevé, qu’en milieu urbain il y a une meilleure structuration politique, les lieux de pouvoirs y sont bien identifiables. Il y aurait alors un milieu rural enclavé marqué par des identités locales fortes et moins ouvert vers l’extérieur.
- La politisation : un terme polysémique.
3 acceptions :
- Politisation: processus par lequel un problème de société se transforme en problème politique. Ce processus s’observe lorsque des pratiques de l’ordre de la vie privée deviennent des enjeux publics et donnent lieu à législation (exemple, violences conjugales). Ce phénomène consiste à coder différemment des phénomènes sociaux, les rendant nécessairement publics.
- Désigne aussi un rapport affectif et intellectuel que chacun entretien avec la politique, c’est ce qu’on pense de la politique. Discuter et suivre la politique. C’est aussi le sentiment de compétence politique, d’y comprendre quelque chose et qu’on peut influencer par ses actes et ses discours ce qui se passe dans le système politique.
- Désigne le processus par lequel un intérêt pour la politique, ses jeux et ses enjeux, se développe dans la population. Ici on ne s’interroge plus sur un rapport individuel mais collectif. Ceci est très lié au processus individuel mais la réflexion est macro sociologique.
- Les facteurs de la politisation.
Maurice Agulhon et Eugen Weber.
Eugen Weber, historien américain auteur de « La fin des terroirs », montre comment la France tend à s’uniformiser et comment les identités locales vont perdre de leur force au profit d’un sentiment d’appartenance nationale partagé par une grande partie de la population. Il constate que l’intégration des paysans à la vie politique est une intégration tardive, pour lui c’est seulement avec la IIIème République que les ruraux prennent conscience d’appartenir à la scène française. Au 19ème, on est Breton, Gascon, avant de se sentir Français. Il appellera « politisation » la prise de conscience que les affaires de la nation concerne les individus et sa localité, que ces affaires concernent plus les individus que ce qui se passe au niveau de la collectivité locale, et c’est en mesurant le poids des débats et les mesures nationales qui affectent son quotidien, que le rural va s’intéresser à la politique. Ce processus sous-entend la nationalisation des débats politiques. Weber identifie 4 facteurs qui participent de ce processus de politisation et de nationalisation de la vie politique :
- Le suffrage universel
- Le progrès de la scolarisation.
- Le développement des communications
- La 1ère guerre mondiale
- Le suffrage universel.
1848, adoption du suffrage universel masculin (1944 pour les femmes, 1ère participation municipales de 1945). Ce suffrage est adopté dans un contexte difficile et est un instrument de nationalisation de la société. La politisation est un fruit de cette opportunité offerte aux français. Cette reconnaissance va nécessiter un apprentissage, c’est cela qui favorisera l’intérêt pour la politique.
- Les progrès de la scolarisation.
La scolarisation à laquelle est associée l’éducation civique développent l’intérêt pour la politique, dans le sens où le projet des républicains est aussi un projet politique destiné à former des citoyens. Ceci aura un effet d’uniformisation du territoire, car qui dit développement de l’éducation implique aussi développement de la langue française en tant que langue commune de référence. Parmi les outils utilisés, il y a l’enseignement de l’histoire comme imaginaire national dans lequel tous les citoyens doivent se reconnaitre. Paul Bert (ministre de l’instruction publique en 1882) et Jules Ferry sont les symboles de cette politique. Lois de 1881 et 1882 rendent l’école gratuite obligatoire et laïque.
- Le développement des communications et la première guerre mondiale.
Le développement des transports permet de désenclaver les territoires ruraux et favorise la circulation des idées et des marchandises et de l’idée républicaine. Ce sont les républicains qui en sont à l’origine ; 1879 le plan de Charles de Freycinet (ministre des travaux publics, et Président d Conseil) d’amélioration du réseau routier et des transports, qui se poursuivra jusqu’en 1914 (chemins de fer, canaux, installations portuaires). Ceci conditionnera largement l’intérêt pour la politique, ainsi en même temps se développera la presse écrite en France.
La 1ère guerre mondiale va développer le patriotisme, idée de défense d’un territoire commun. Elle opérera aussi le brassage de la population, tous se retrouveront dans les tranchées, qui deviennent des salons politiques.
La thèse de Weber doit être nuancée, car d’autres travaux montrent que la politique a toujours existée dans les milieux ruraux. Weber a sous-estimé l’impact local dans le phénomène de politisation. Les républicains s’appuieront sur les identités locales « petites patries » pour construire l’idée républicaine.
- Les chemins de la politisation : politisation par le vote, politisation du vote, politisation en dehors du vote.
Weber défend une thèse de la verticalité de la politisation, qui ainsi descendrait vers les masses, des centres urbains vers les mondes ruraux. En fait, on va constater que c’est un processus plus complexe, qui s’opère par une lente imprégnation et implication des populations dans le monde politique.
Maurice Agulhon s’interroge sur le développement et l’inscription des idées républicaines en France. Il va démontrer qu’il y a d’abord une diffusion de la symbolique républicaine sur le territoire français. Le buste de Marianne dans les mairies va symboliser la république, toute comme l’hymne républicain dans les écoles. Il démontre le poids du suffrage universel, mais aussi l’importance de la sociabilité locale. Pour lui le suffrage universel est le principal facteur d’éducation politique. Il va aussi montrer que cet intérêt ce diffuse dans des espaces présents aussi dans le milieu rural, comme les mutuelles, les associations, les amicales laïques, les loges maçonniques etc…C’est dans ces espaces qu’on va apprendre des valeurs communes, transmettre et développer des référents politiques. La politique va ainsi irriguer la structure sociale villageoise. Il montre que les moments d’effervescence collective comme les fêtes les carnavals, etc, constituent des moments d’affirmation et favorise l’intérêt pour la politique. Les cultures locales ne sont donc pas passives par rapport au processus de politisation.
Bibliographie pour la séance :
- Yves Déloye, Sociologie historique du politique, Paris, La découverte, 1997.
- Maurice Duverger, Les partis politiques, Paris, Armand Colin, 1971.
- Raymond Huard, La naissance du parti politique en France, Paris, Presses de Sciences politiques, 1996.
- Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Calmann-Lévy, 1995.
- Roberto Michels, Les partis politiques. Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties, Paris, Flammarion, 1984.
- Michel Offerlé (dir.), La profession politique. XIXème-XXème siècles, Paris, Belin, 1999. Notamment les contributions de Laurent Willemez et d’Eric Phélippeau.
- Pierre Rosanvallon, Le sacre du citoyen, Paris, Gallimard, 1992.
Orthographes de noms propres mobilisés dans la séance et citations :
- André Siegfried
- Léon Gambetta
- Eric Phélippeau (recherches sur le baron Armand de Mackau), dans L’invention de l’homme politique moderne. Mackau, l’Orne et la République, Paris, Belin, 2002.
- Rémi Lefebvre
- Jules Guesde
- Max Weber, Le savant et le politique, Paris, 10/18, 2002.
- Joseph Schumpeter
- Joseph La Palombara et Myron Weiner, Political parties and political development, Princeton, Princeton University Press, 1966.
- Raymond Huard
- Daniel-Louis Seiler
- Dominique Colas
- Marcel Gauchet : « Il y a bien du chemin depuis l’emploi timide et irrégulier du partage entre coté droite et côté gauche sous la Révolution française jusqu’à leur intronisation dans la langue parlementaire au sein des assemblées de la restauration. Et il faut un saut encore plus considérable pour passer du jargon des Chambres à ces emblèmes par excellence de l’identité politique. » (Marcel Gauchet « La droite et la gauche », in Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1989)
- Alfred Dreyfus
- René Rémond
- Maurice Agulhon
- Valéry Giscard d’Estaing
- Eugen Weber
- Paul Bert
- Jules Ferry
Chapitre 2 : De 1789 à 1870 : le temps des expériences politiques et parlementaires (3 heures)
Repères chronologiques (1789-1871)
Les régimes et les Constitutions se succèdent à un rythme soutenu durant cette période, comme en témoigne cette rapide énumération, très incomplète.
1789 – 1795 :
- 5 mai 1789 : Convocation des Etats Généraux à Versailles. Le Tiers Etat demande dans ses Cahiers de Doléances la mise en place d’une constitution qui limite les pouvoirs du roi, définit les droits du peuples et abolit les privilèges de la noblesse et du clergé.
- 17 juin 1789, les députés du Tiers-État se proclament Assemblée nationale.
- Le 9 juillet 1789, l’Assemblée Nationale se proclame Assemblée constituante.
- 14 juillet 1789 : Prise de la Bastille.
- 4 août 1789 : abolition des privilèges.
- 26 août 1789 : proclamation de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.
- 1791 : Proclamation de la Constitution. La France devient une monarchie constitutionnelle héréditaire.
- 21 septembre 1792 : proclamation de la 1ère République.
- en 1793, la République se dote de sa première Constitution.
1795-1848 :
- en 1795, nouveau régime, le Directoire, qui va ouvrir la voie au : Consulat en 1799.
- Ier Empire napoléonien, proclamé en 1804.
- 1814, Restauration : retour à une monarchie constitutionnelle avec Louis XVIII.
- Napoléon Ier fait un bref retour à la tête de l’Etat pendant les « 100 jours » en 1815.
- Seconde Restauration en 1815 (Louis XVIII puis Charles X).
- Nouveau changement de régime en 1830, avec la « Monarchie de Juillet », même si c’est encore une monarchie constitutionnelle (Louis-Philippe 1er).
1848-1871 :
- En 1848, la monarchie est renversée et cède la place à la IInde République.
- En 1852, Louis-Napoléon Bonaparte proclame le IInd Empire (et devient Napoléon III). Celui-ci s’effondre en 1870, année de proclamation d’une nouvelle République (la IIIe), dont l’instabilité peut ouvrir la voie à la république sociale, à la fédération des communes telle que l’incarne la Commune de Paris au printemps 1871, ou plus sûrement à la restauration de la monarchie. Ce n’est que dans le dernier quart du XIXe siècle que se stabilise la IIIe République.
Chapitre 2 : De 1789 à 1870 : le temps des expériences politiques et parlementaires (3 heures)
On observera un changement de régime tous les 9 ans. Il y a donc des conceptions concurrentielles sur la dévolution du pouvoir, sur les instruments de légitimation (constitutions, vote), sur les institutions (roi, assemblée, présidence, nation), et sur la place qui est accordée au peuple sur la question de la sélection politique et sur sa participation concrète au processus décisionnaire.
On voit émerger un nouveau vocabulaire, ce qui nous intéresse ce sera son usage.
- 1789-1804 : la Révolution et l’invention de la République.
La révolution dans le sens commun c’est un bouleversement de l’ordre établit. Mais ce qui nous intéresse c’est l’apparition de nouvelles institution et la manière de concevoir la politique.
- 1789-1792 : la Révolution française, une révolution libérale.
Ici c’est une logique de continuité, qui peut apparaitre ambigüe.
La France est secouée dès 1780 par une grave crise politique et économique, marquée par les levées d’impôts successives générées par la guerre d’Amérique. Noblesse et église qui en sont dispensées, notamment de la taille. Ceci provoquera révoltes et émeutes, observable surtout en zones urbaines. Le roi sera incité à convoquer le 05 mai 1789 les Etats Généraux à Versailles, espace qui marque la monarchie absolue, alors qu’ils ne l’avaient pas été depuis 175 ans. C’est une assemblée traditionnelle de l’ancien régime, un parlement consultatif identifié par les 3 ordres qui le constituent. La Noblesse avec 270 députés, le Clergé 291 et le tiers-état 588. L’avantage numérique du tiers état est un avantage illusoire, car les membres se prononcent par corps. C’est une première base de contestation ; les députés demandent un vote par tête plutôt que par corps. Cette exigence dépasse le simple calcul numérique, elle témoigne des évolutions de la société et de la montée des revendications.
Les évolutions, c’est le développement du commerce et de certaines activités industrielles. Le développement de l’éducation évolue aussi, ceci permettant l’émergence de revendications. Dans le même temps, la bourgeoisie va prendre une importance économique évidente, à travers les hommes de loi, les médecins, les intellectuels. La paysannerie (18 millions sur un total de 28 millions d’habitants) très importante, or dans le tiers-états il n’y a qu’un seul paysan. Tout ceci crée des tensions et des interrogations.
Le tiers-état est cantonné au rôle de soutien de l’ancien régime étant subordonné aux ordres de la noblesse et de l’église ; en 1789 il y a une opportunité pour qu’il s’affranchisse de son infériorité. La convocation des états généraux sera l’occasion à saisir.
Dès le 17 juin 1789, les députés du tiers-état vont opérer un coup de force symbolique en se déclarant « les 96 centièmes au moins de la nation », via ce phénomène ils se proclament Assemblée Nationale.
Le 9 juillet l’assemblée nationale se proclame assemblée constituante. Ils réclament la fin de l’absolutisme, l’abolition des privilèges et un nouvel ordre fondé sur l’égalité juridique.
Le 4 août, les privilèges sont abolis, ce qui entraine la ruine de la féodalité. Ceci constitue aussi une importante avancée du centralisme administratif qui l’emporte sur les us et coutumes locaux. L’unité fusionnelle de la nation ne reconnait aucun particularisme et passe par l’imposition d’une langue commune.
La proclamation de la DDH transfert la souveraineté du roi à la nation, entité abstraite, collective, à laquelle chacun participe à égalité. On ne fait donc plus références aux anciens ordres. Elle met fin à la logique de pouvoir arbitraire, et au système des privilèges. L’idée est de permettre l’émergence d’une société régénérée, basée sur un homme nouveau, qui dispose de droits naturels et imprescriptibles que sont, la liberté, la propriété, l’égalité devant la loi.
Ces phénomènes indiquent :
- Les révolutionnaires accordent une importance considérable à la loi et au mode de régulation par le droit. Ceci s’explique par le fait que dans le tiers-état les professions les plus représentées sont les professions juridiques. Pour légitimer la loi on dit qu’elle représente et incarne l’intérêt générale, qu’elle peut s’appliquer dans le respect des libertés et qu’elle peut s’exercer dans le cadre d’un régime de séparation des pouvoirs. Tous les citoyens français jouissent des droits de citoyens passifs, égaux devant la loi.
- La révolution prétend opérer une coupure nette et radicale. En fait dans les 1ères années c’est un phénomène de neutralisation de la monarchie plutôt qu’un processus de rupture radicale. Le roi conserve un véto suspensif et le droit de révocation des ministres.
- La révolution engage la France dans un processus de continuité avec l’ancien régime, car la révolution continue à être marquée par la domination de la société civile et par le pouvoir centralisé. Tocqueville « la société est marquée par le despotisme administratif qui se poursuit jusqu’à Napoléon». Il ya l’idée que le roi de droit divin est remplacé par une autre divinité, la Nation Souveraine. François Curé explique qu’il n’y a qu’un transfert des lieux de pouvoirs par le transfert du corps du roi à la nation. En atteste le fait que la 1ère constitution (03/09/1791) engage la France dans la monarchie constitutionnelle, où la souveraineté appartient à la nation, représentée par le roi et le corps législatif. Ces premiers mois semblent opérer l’entrée dans un nouvel ordre politique, mais en fait cela relève une révolution libérale au sens politique du terme et au sens où il y a reconnaissance de l’individu, de ses libertés, de ses droits, de l’égalité de tous ; mais tout ceci s’établit par rapport à la loi, ce n’est pas une révolution démocratique, car l’égalité politique et sociale n’est pas proclamée, on se contente d’un individu fantasmé qu’est le citoyen qu’on envisage par rapport à la loi.
Ce refus d’engagement démocratique, alors que la capitulation du roi est rendu possible par la pression populaire, est dû au fait que les députés vouent une méfiance à l’égard du peuple.
La révolution consacre l’idée du droit comme fondement de l’idée politique.
Si l’idée du droit est le cœur, l’institution parlementaire est considérée comme le lieu légitime où s’exprime la souveraineté nationale. La nation transcende les individus, elle doit pouvoir exprimer sa volonté par l’intermédiaire de représentants. C’est l’entrée dans l’ordre politique de l’institution parlementaire. Ses règles de fonctionnement seront stabilisées sous le régime des monarchies limitées. Le parlement devient central bien avant qu’il ne soit question de république ou de suffrage universel. Ces premières années vont ouvrir la voie à de nouvelles oppositions politiques qui vont diviser les révolutionnaires et conduire à une radicalisation de la révolution.
- 1792-1804 : de la radicalisation républicaine au Consulat.
La proclamation de la 1ère république n’est pas synchrone avec les premières années de la révolution elle intervient le 21/09/1792.
Ce régime de 1791 semble relever du régime présidentiel, car le roi ne peut pas dissoudre le législatif et que les ministres ne sont pas responsables devant l’assemblée.
La deuxième phase de 1792 instaure un type de régime à dominante législative, consacré par le régime d’assemblée mis en place avant. L’organisation des pouvoirs entend mettre fin à la difficile cohabitation entre le maintien du véto royal et le modèle de la souveraineté national. On est donc dans une schizophrénie institutionnelle.
Le 10/08/1792 le roi est suspendu, déchu le 21/09/1792 et décapité le 21/01/1793 pour haute trahison.
Le 25/09/1792 les membres de la convention proclament la république une et indivisible, ils se construisent donc comme des défenseurs de la patrie face au roi qui comptait sur l’intervention des puissances monarchiques extérieures, ce qui explique la haute trahison. Cela achève de laïciser le pouvoir politique. Ainsi on peut envisager la disparition du roi qui n’est plus pensée comme apocalypse mais comme une possibilité politique parmi d’autres. Si on perd le roi, la société ne s’effondrera pas, car demeure le ferment qu’est la nation.
Pour autant, cette république ne constitue pas une stabilisation du régime ni une clôture du processus révolutionnaire. On observe l’émergence de conflits politiques très forts au sein même de la convention. Entre 1792 et 1795 les débats seront nombreux et on assiste à l’intensification des conflits politiques, sur la question de la politique à mener dans les conflits qui opposent la France à l’Europe monarchistes et sur son territoire avec les luttes internes notamment avec les chouans.
Deux camps vont s’opposer, qui marquent encore les idées politiques actuelles. D’un côté les girondins, partisans d’un arrêt du cours de la révolution et d’une logique de pacification. Ils se caractérisent par leur soutien à un pouvoir décentralisé. De l’autre côté les montagnards (car occupent les bans les plus élevés de l’assemblée) qui s’appuient sur des soutient populaires, notamment sur les sans culottes parisiens, sur le club de pensée des jacobins. Parmi eux se trouve Robespierre. Ici la fin du processus révolutionnaire est considéré comme un risque, car ils pensent qu’en normalisant il y a risque du retour de la monarchie. Ils vont s’engager sur la levée d’un impôt forcé sur les plus riches.
Dans ce contexte d’effervescence, le 02/06/1793 a lieu l’insurrection des sans culottes parisiens. On estime à 80.000 sans culottes qui encerclent la convention sous l’impulsion de Marat, les Montagnards s’emparent alors de la convention et on assiste à la reddition des girondins qui passent du rang de représentants de la nation au rang d’ennemis. Certains seront guillotinés. Le 24/06/1793 les montagnards font adopter leur projet de constitution par le procédé de référendum populaire organisé en juillet 1793 et qui mobilisera 2 millions (sur 28 millions d’habitants) de votants. Cette constitution donne beaucoup de garanties démocratiques, elle prévoit le suffrage universel, le contrôle démocratique, la participation populaire aux décisions. Elle ne sera jamais appliquée.
Au nom de la résistance contre la menace extérieure, le gouvernement se proclame révolutionnaire jusqu’à la paix, on institue le comité de salut public et la terreur qui suspend le fonctionnement légal des institutions. Robespierre dira « la terreur n’est pas autre chose que la justice sévère, prompte et inflexible ». Le décret du 10/06/1792 (prairial an II) intensifie la terreur, qui connait en juillet 1794 un premier coup d’arrêt avec l’arrestation et l’exécution de Robespierre (on estime à 17.000 morts les effets de la terreur). La république s’éteint et ouvre la voie au consulat. Les questions posées alors restent d’actualité, elles agitent les débats politiques d’alors, ce sont la dévolution du pouvoir, la place accordée aux représentants de la nation, de l’équilibre des pouvoirs, de la stabilisation des frontières, de la poursuite du processus d’unification du territoire, de centralisation du pouvoir et de la place accordée au peuple. C’est bien la question de la démocratie qui est ici posée au sortir de la révolution, car république n’implique pas démocratie.
Dans l’imaginaire collectif, qui dit république, dit répression, dit terreur. Il va falloir régler cette équivalence dommageable. Ce sera l’enjeu de la IIIème république.
- 1789-1848 : du citoyen à l’électeur.
La révolution ne se traduit pas par une entrée massive du peuple dans la politique. Le tournant important est qu’il va falloir réfléchir à la question de la citoyenneté qui renvoie à la question de l’origine du pouvoir.
Etre membre d’un corps politique, être citoyen, ne signifie pas nécessairement être acteur politique.
Il faut attendre le 19ème pour pouvoir établir une équivalence entre citoyenneté et participation politique.
- 1789-1848 : la domination du suffrage censitaire.
Il faut comprendre que depuis longtemps, le peuple est considéré comme dangereux, comme insensé, prompt à l’emportement et qu’ainsi il doit être surveillé et encadré.
Cette conception, pour Rétif de la Bretonne est la suivante « le peuple est une espèce de gros animal, privé d’yeux, d’oreilles, de goût et de sentiment, qui n’existe que par le tact et qu’on ne conduit que par ce cinquième sens : c’est une masse d’individus à qui on persuade ce qu’on veut ; qui n’a de volonté que celle d’autrui ; qui pense ce qu’on lui fait penser pour son bien, contre son bien n’importe ».
Cette vision est partagée dans de nombreuses strates. Les Royalistes sont hostiles à la limitation du pouvoir royal, or si on permet au peuple de s’exprimer on met en place une légitimité alternative à celle du monarque, c’est ainsi ruiner les fondements de la monarchie.
La bourgeoisie a pour objectif d’accéder au pouvoir, pas de le partager. Ainsi on considère que l’électorat est une fonction et pas un droit, on peut ainsi se permettre d’instaurer le suffrage censitaire. On sélectionnera aussi les représentants. En 1817, les électeurs 1,1% de la population masculine, en 1831 c’est 1,5%, en 1847 c’est 2%. 1848 sera donc un choc énorme.
La technique du plébiscite utilisé sous l’empire, sert à confirmer la légitimité des décisions prises par le pouvoir en place. Ainsi soit on interdit la participation populaire, soit on l’instrumentalise.
Le suffrage universel de 1848 sera instauré sous la pression populaire.
Alain Garrigou nous dit (Histoire sociale du suffrage universel en France : 1848-2000, édition revue et augmentée de Le vote et la vertu, Paris, Seuil Points, 2002) : « Le gouvernement provisoire l’a adopté face aux menaces populaires qui s’exprimaient de la manière la plus concrète par la présence des insurgés en armes dans l’Hôtel de Ville. Quand Lamartine (le poète, qui a aussi été un homme politique important du XIXe siècle) annonçait, le 25 février 1848, dans la salle Saint-Jean la prochaine adoption du suffrage universel, il tentait de calmer la foule qui mettait sa vie et celle de chaque membre du gouvernement en danger ».
Avant cette étape il fallait surveiller le peuple. Pour s’assurer que le peuple ne puisse pas s’exprimer on met en place des modalités limitatives. Certaines perdureront jusqu’à aujourd’hui :
- Le cens: montant dont est redevable un citoyen pour pouvoir voter ou être élu. Dès 1791 il sera mobilisé pour s’assurer qu’une minorité de citoyens pourra choisir ses représentants. « tout individus, fusse-t-il de sexe masculin n’est pas habilité à participer aux affaires de la nation ». L’égalité devant la loi n’est donc pas l’égalité devant la politique, qui est réservée à une élite. On sépare donc les citoyens passifs, les actifs et les électeurs. Sur 28 millions d’habitant, il y a 4.3 millions d’actifs, 2 à 2,5 millions de passifs, et 54.000 électeurs. Le cens sera régulièrement réactivé, mais il n’est pas suffisant.
- Le double vote: surtout sous la restauration permet aux citoyens de payer 2 fois. On avantage les grands propriétaires fonciers, notamment l’aristocratie conservatrice et légitimiste.
- Le temps de résidence sur le territoire qui permet d’exclure les migrants, très importants en France.
- Le vote indirect, qui permet de faire en sorte que le peuple ne puisse pas élire directement ses représentants. Avec la constitution de 1791 il y a les actifs, les passifs et les électeurs. Sous le consulat ont met en place les listes de confiances qui instaure un système à 3 degrés, c’est le sénat qui choisit les membres de l’assemblée législative. Sous l’empire on abaisse le système à 2 degrés.
- Le découpage des circonscriptions électorales, phénomène invisible à l’électeur mais très efficace. L’objectif est de donner à certains électeurs un poids plus important qu’à d’autres (villes contre campagnes). Or à l’époque les liens des citoyens sont surtout interpersonnels avec peu de considérations idéologiques, les élites exercent ainsi leur influence maximale dans les zones rurales. En donnant la prééminence aux zones rurales, on évite ainsi un basculement vers le camp révolutionnaire. La conséquence sera le maintien de majorités conservatrices et de la stabilité d’un personnel politique aristocrate ou grand bourgeois, ceci freinera la nationalisation de la vie politique, qui est cantonnée aux relations directes et clientélaires entre élus et électeurs.
Dans cette période il y la parenthèse de 1792 à 1793 très importante car on y voit disparaitre les séparations entre citoyens électeurs actifs et passifs. Il suffit désormais d’être français de plus de 21 ans, d’être domicilié depuis plus d’un an sur le territoire et de vivre du produit de son travail. Mais ces conditions vont exclure du corps électoral les mendiants, les vagabonds, les domestiques, les personnes notoirement reconnues pour incivisme et les femmes, soit une grande partie de la population. Les personnes qui sont dans une position de dépendance à l’égard d’autrui ne peuvent donc accéder au vote. La constitution de 1793 dans son art.7 dit « le peuple souverain est l’universalité des citoyens français » et art.8 « il nomme ses députés » on est ainsi dans une logique du suffrage universel indirect. On aurait pu ainsi voir arriver plus de 7 millions de français dans le droit de vote, mais cette tentative sera avortée par la terreur.
- 1848 : la victoire incontestée du suffrage universel ?
Certains auteurs expliquent que le suffrage universel n’existe pas, car un homme n’est jamais vraiment égal à une voix, selon les subtilités de calcul.
1848 est une rupture claire. On passe d’un corps électoral réduit à 250.000 individus à un corps électoral qui en quelques semaines s’élèvera à 9 millions d’individus.
Il y a un temps d’apprentissage du vote comme acte individualisé. Il va s’agir de construire individuellement l’acte de vote, de le sortir d’une logique communautaire, le vote ayant été avant en lien avec les relations paroissiales et communales.
L’appropriation du droit de vote va passer par la mobilisation d’institutions, qui ont intérêt à ce que les électeurs, surtout urbains, participent à l’élection des députés.
Ce sont surtout, l’école, les partis ou proto-partis, les groupements locaux et d’ouvriers (les fanfares, etc…), qui participent à la conquête du vote par les citoyens.
Dans les premiers temps du suffrage universel, les rapports des gouvernants à ce suffrage est un rapport instrumental. Sous la pression, ils accordent ce droit au peuple, mais subsiste une suspicion à l’endroit du peuple. Après la révolution parisienne, des 22, 23, et 24 février 1848, des soulèvements ouvriers perdurent. Ainsi ces émeutes sont aussi des revendications économiques et sociales. Ces soulèvements seront écrasés dans le sang par la IIème République en juin 1848. Les républicains par peur de l’expression populaire qu’ils pensent favorables aux conservateurs, repousseront la date des élections.
Les 2 assemblées sont à majorité conservatrice et les électeurs, le 10/12/1848, éliront Louis Napoléon Bonaparte 1er Président de la République. On est dans une logique de reconduction des modes de pouvoirs traditionnels.
Après cette élection une nouvelle angoisse se fait jour ; c’est la peur qu’avec les élections législatives il y ait un basculement républicain. En 1850 on tentera de limiter le droit de suffrage tout en maintenant le suffrage universel. Pour se faire il faudra désormais avoir résidé durant 3 ans dans la même commune pour pouvoir participer aux élections. Du fait du nomadisme important à cette époque, cela limitera considérablement le nombre des électeurs.
Le coup d’état du 02/12/1851 de Louis Napoléon Bonaparte, au nom du rétablissement d’un véritable suffrage universel, ne fera en fait que limiter ce suffrage. Il y aura une logique d’instrumentalisation du droit de suffrage.
Le suffrage universel se situe au cœur des revendications, surtout au sein du mouvement ouvrier. Son application n’est pas en soi la garantie de la participation réelle du plus grand nombre au jeu politique. Organisée par les élites, une élection est aussi un moyen de maintenir le peuple dans certaines formes limitées de participation politique.
Quand le peuple refuse de se conformer à ces indications élitistes, se produit alors la commune de Paris.
- De l’Empire à la commune de Paris (1871).
Commune de Paris : expression utilisée pour différents évènements. Entre 1792 et 93 on parlera aussi de commune de Paris. Elle souligne les différentes tentatives du peuple parisien de se saisir du pouvoir politique. Mais concrètement c’est ce qui se passe en 1871, en tant que basculement vers la 3ème République.
Il faut souligner l’instabilité des formes de régime au cours du 19ème, qui renvoi à l’absence de consensus autour de la définition d’un gouvernement légitime.
Schématiquement on peut résumer la vie politique française à une succession de conflits entre différents types d’élites sociales et on voit de façon ponctuelle l’irruption du peuple. Dominent cependant les élites diverses. Noblesse et clergé resteront attachés à la société de l’ancien régime et cet attachement va courir pendant de nombreuses années. Les régimes successifs seront des tentatives de synthèse entre l’ancien régime et les avancées révolutionnaires.
Finalement ce sont les couches les moins favorisées de la bourgeoisie, petits commerçants et artisans, qui s’identifieront à la république et au suffrage universel. Il faudra attendre longtemps pour que d’autres parties de la société s’y identifient aussi.
La commune bouleversera les repères politiques et permettra d’entrevoir une autre manière d’intégrer le peuple à la décision politique.
- La Commune de Paris : du pouvoir sans le Peuple au pouvoir par le Peuple.
L’épisode de la Commune est souvent très peu enseigné, peut-être parce que la Commune est restreinte d’un point de vue temporel. La commune confirme cependant la présence d’une nouvelle force politique et sociale, qu’est le mouvement ouvrier. Ce mouvement entend défendre des intérêts particuliers et est porteur de l’idée que la politique doit abolir la séparation entre professionnels de la politique et les profanes.
La commune de Paris entend mettre en place un régime particulier, qui doit se distinguer de l’état bureaucratique (Max Weber : économie et société). Cet épisode va être au fondement de l’enracinement paradoxal de la 3ème république, alors même qu’au début elle vient la percuter.
Napoléon III dans une logique d’expansion impériale se heurte à la Prusse et en 1870 il capitule à Sedan. L’empire s’effondre alors qu’il s’était engagé dans un processus de libéralisation qui devait le renforcer.
Le 04/09/1870 la république est proclamée. Un gouvernement de défense nationale se met en place afin de repousser les troupes prussiennes. La tentative échoue et le 05/01/1871, Paris sera sous le feu de l’artillerie prussienne, et, dans le même temps, les parisiens soupçonnent le gouvernement en place de trahison. Bismarck accordera un armistice de 21 jours, à condition que soit élue une assemblée nationale (il espère ainsi signer un traité de paix) et à condition que les prussiens puissent occuper un certain nombre de points stratégiques. C’est une situation d’ingérence, et le régime est conditionné au bon vouloir d’une puissance oppressante.
Le 08/02/1871, des élections ont lieu, elles donneront une majorité confortable aux monarchistes qui conquièrent 400 des 675 sièges. L’assemblée se réunit à Bordeaux sous la présidence d’Adolphe Thiers, elle va choisir de s’installer à Versailles et déserte ainsi la capitale la laissant aux mains des parisiens ce qui provoque la colère des habitants qui se souviennent que Versailles renvoie à un type de régime peu républicain.
Pendant que sont préparées les conditions de la paix à Versailles, le peuple s’organise, il crée la garde nationale (milice) qui fait régner l’ordre et organise des élections, c’est comme une prise de pouvoir. Des élections municipales sont ainsi organisées. Le 18 mars, Thiers au nom de la paix avec la Prusse, tentera de récupérer les canons laissés sur la colline de Montmartre, cependant l’armée va fraterniser avec la population. Thiers décide de laisser la capitale aux insurgés, car il est dans l’attente de l’écrasement de cette révolte du fait que Bismarck a autorisé le gouvernement à augmenter les effectifs de l’armée française.
Les semaines suivantes, après une tentative de sortie de Paris par les troupes de la commune, Paris sera bombardé entre le 21 et 28 mai1871 par les Versaillais. Cette semaine sanglante comptera 25.000 morts et plus de 10.000 condamnations seront prononcées contre les communards, elles se traduiront en déportation vers le bagne (Louise Michel en fera partie, déportée en Nouvelle Calédonie).
- La Commune comme expérimentation politique.
72 jours, c’est le temps que durera la Commune, mais pendant ce court laps de temps, une nouvelle forme de pouvoir politique est mise en place à Paris et trouvera un soutien dans d’autres centres urbains de province, notamment, Lyon, Marseille, Toulouse où sont aussi proclamées des communes indépendantes. La commune est ainsi l’unité de base de la nation, qui en tant qu’unité se constitue comme fédération de communes autonomes, librement associées, et qui remettent en cause l’état comme unité politique centralisée. Les communards seront ainsi appelés « les fédérés ». Ce projet de régime se fonde sur un principe de souveraineté populaire, qui défend le principe fédéraliste défendu par Joseph Proudhon.
Ouvrier et démocrates se retrouvent autour d’un type de régime imaginé en 1793 par les sans culottes, une sorte de démocratie en action, fondée sur l’effervescence citoyenne. Il y a ici l’idée d’une politisation populaire qui passe par la multiplication de clubs et de sociétés politiques. Se mettent en place des modes de fonctionnement auto gestionnaire. L’accès à la Commune de Paris est ouvert aux étrangers, c’est une vision internationaliste, c’est dans ce contexte que Eugène Pottier écrira L’Internationale, hymne révolutionnaire.
Au lieu de faire de la politique une sphère à part, qui serait le fait de professionnels, la Commune dit qu’elle trouve sa place dans les différents aspects de la vie sociale. C’est une définition qui entend instaurer l’idée d’un gouvernement du peuple par le peuple. Elle souligne que les formes prises par l’activité politique ne sont pas le fruit d’une fatalité, mais d’un rapport de force dans lequel tout est lié aux formes de domination sociales. C’est un contexte de délégitimisation de l’empire et du gouvernement républicain.
La commune est aussi un élément urbain. Depuis 1789 il y a une forte politisation des éléments urbains et surtout de la capitale, liée à l’expansion de la presse, et des sociétés politiques, qui facilitent la diffusion des idées.
Les révolutions qu’a connues la France, sont toutes des phénomènes urbains. Avec la commune et sa chute, le décalage profond entre Paris et la Province perdure (les élites traditionnelles tiennent toujours leur peuple).
Bibliographie pour la séance :
- Michel Biard, Pascal Dupuy, La Révolution française : dynamiques, influences, débats, 1787-1804, Paris, A. Colin, 2004.
- « La conquête du vote », in Frédéric Lambert, Sandrine Lefranc, 50 fiches pour comprendre la science politique, Paris, Bréal, 2003, pp. 66-69.
- « L’héritage de la Révolution française », in Frédéric Lambert, Sandrine Lefranc, 50 fiches pour comprendre la science politique, Paris, Bréal, 2003, pp. 102-105.
- Alain Garrigou, Le vote et la vertu. Comment les Français sont devenus électeurs, Paris, Presses de la FNSP, 1993.
- Alain Garrigou, Histoire sociale du suffrage universel en France : 1848-2000, Paris, Éditions du Seuil, 2002.
- Michel Offerlé, Un homme, une voix ? : histoire du suffrage universel, Paris, Gallimard, 2002.
- Mona Ozouf, L’homme régénéré. Essais sur la Révolution française, Paris, Gallimard, 1989.
- Jacques Rougerie, La Commune de 1871, Paris, Presses universitaires de France, 2009, collection ‘Que sais-je ?’
- Orthographes de noms propres mobilisés dans la séance et citations :
- Alexis de Tocqueville (1805-1859) − Girondins (ou Brissotins) / Montagnards − Maximilien de Robespierre (1758-1794) − Jean-Paul Marat (1743-1793)
- Nicolas Edme Restif de la Bretonne (1734-1806) : le peuple est « une espèce de gros animal, privé d’yeux, d’oreilles, de goût et de sentiment, qui n’existe que par le tact et qu’on ne conduit que par ce cinquième sens : c’est une masse d’individus à qui on persuade ce qu’on veut ; qui n’a de volonté que celle d’autrui ; qui pense ce qu’on lui fait penser pour son bien, contre son bien n’importe ».
- Emmanuel-Joseph Sieyés (abbé Sieyès) (1748-1836)
- Alain Garrigou (Histoire sociale du suffrage universel en France : 1848-2000, édition revue et augmentée de Le vote et la vertu, Paris, Seuil Points, 2002) : « Le gouvernement provisoire l’a adopté face aux menaces populaires qui s’exprimaient de la manière la plus concrète par la présence des insurgés en armes dans l’Hôtel de Ville. Quand Lamartine (le poète, qui a aussi été un homme politique important du XIXe siècle) annonçait, le 25 février 1848, dans la salle Saint-Jean la prochaine adoption du suffrage universel, il tentait de calmer la foule qui mettait sa vie et celle de chaque membre du gouvernement en danger ».
- Otto von Bismarck (1815-1898) − Adolphe Thiers (1797-1877) − Louise Michel (1830-1905) − Eugène Pottier (1816-1887).
Orthographes de noms propres mobilisés dans la séance et citations :
- Alexis de Tocqueville (1805-1859) − Girondins (ou Brissotins) / Montagnards − Maximilien de Robespierre (1758-1794) − Jean-Paul Marat (1743-1793)
- Nicolas Edme Restif de la Bretonne (1734-1806) : le peuple est « une espèce de gros animal, privé d’yeux, d’oreilles, de goût et de sentiment, qui n’existe que par le tact et qu’on ne conduit que par ce cinquième sens : c’est une masse d’individus à qui on persuade ce qu’on veut ; qui n’a de volonté que celle d’autrui ; qui pense ce qu’on lui fait penser pour son bien, contre son bien n’importe ».
- Emmanuel-Joseph Sieyés (abbé Sieyès) (1748-1836)
- Alain Garrigou (Histoire sociale du suffrage universel en France : 1848-2000, édition revue et augmentée de Le vote et la vertu, Paris, Seuil Points, 2002) : « Le gouvernement provisoire l’a adopté face aux menaces populaires qui s’exprimaient de la manière la plus concrète par la présence des insurgés en armes dans l’Hôtel de Ville. Quand Lamartine (le poète, qui a aussi été un homme politique important du XIXe siècle) annonçait, le 25 février 1848, dans la salle Saint-Jean la prochaine adoption du suffrage universel, il tentait de calmer la foule qui mettait sa vie et celle de chaque membre du gouvernement en danger ».
- Otto von Bismarck (1815-1898) − Adolphe Thiers (1797-1877) − Louise Michel (1830-1905) − Eugène Pottier (1816-1887).
Chapitre 3 : La IIIème République et l’enracinement d’un ordre politique républicain
Pour une frise chronologique synthétique sur la vie politique française et les constitutions, voir :
1870-1871
4 septembre 1870. Proclamation de la IIIe République à la suite de la défaite de Sedan.
8 février 1871. Elections législatives à la nouvelle Assemblée nationale. Victoire des monarchistes. Adolphe Thiers devient le chef du pouvoir exécutif de la IIIe République française.
18 mars – 28 mai 1871 : Commune de Paris
Mai 1871 : Le territoire d’Alsace-Lorraine est annexé par l’empire allemand. Adolphe Thiers devient Président de la République (loi Rivet, août 1871)
1875-1879
24-25 février et 16 juillet 1875 : L’Assemblée nationale vote les Lois constitutionnelles de la IIIe République, qui tiennent lieu de Constitution.
1876 : dissolution à New York de la Ière Internationale (Association Internationale des Travailleurs – AIT) créée en 1864 et dont K. Marx rédigea les statuts.
16 mai 1877 : Le Maréchal Mac-Mahon, élu président de la République le 24 mai 1873, met en cause le président du Conseil, Jules Simon, pour son manque de fermeté. Celui-ci démissionne et est remplacé par Albert de Broglie qui forme un gouvernement d’ordre moral, appelé « ministère du 16 mai ».
25 juin 1877, Mac Mahon dissout la Chambre des députés, sur avis conforme du Sénat.
14 et 28 octobre 1877 : élections législatives. Les républicains sortent vainqueurs de la consultation. Mac Mahon se soumet.
30 janvier 1879 : Mac Mahon se démet et est remplacé par Jules Grévy. Les républicains ont désormais le pouvoir au Sénat, à la Chambre et à l’exécutif.
1879 : fondation par Jules Guesde du Parti ouvrier
1880-1899
Le 14 juillet devient la fête nationale de la France (1880). La Marseillaise devient l’hymne national.
Lois de Jules Ferry : liberté de réunion et de la presse (1881), liberté municipale et syndicale (1881), école primaire gratuite (1881), école laïque et obligatoire (1882).
18 mai 1882 : fondation de la Ligue des patriotes
1887 : Scandale des décorations, qui entraîne la démission de Jules Grévy.
1887-1889 : Agitation nationaliste et antiparlementaire derrière le général Boulanger.
1889 : création de la IIème Internationale (Internationale socialiste)
1892-1893 : Scandale de Panamá.
25 juin 1894 : assassinat du président de la République, François Marie Sadi-Carnot, par l’anarchiste Caserio.
Fin 1894 : le capitaine Alfred Dreyfus, accusé d’espionnage est condamné au bagne à perpétuité et déporté sur l’Ile du Diable (Guyane).
Janvier 1898 : Emile Zola publie sa tribune « J’accuse ! » dans L’Aurore. Alfred Dreyfus ne sera innocenté qu’en 1906 (arrêt sans renvoi de la Cour de Cassation).
20 février 1898 : création de la Ligue des Droits de l’Homme
31 décembre 1898 : La fondation de la Ligue de la Patrie Française (LPF)
1901-1906
Juin 1901 : congrès constitutif du « Parti républicain, radical et radical socialiste »
Juillet 1901 : loi sur le contrat d’association.
1902 : Le Bloc des Gauches remportent les élections. Le radical Émile Combe devient président du Conseil.
Avril 1905 : création de la Section française de l’Internationale Ouvrière (SFIO)
9 décembre 1905 : loi de séparation des Églises et de l’État. L’État garantit la liberté religieuse mais la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte.
11 février 1906 : le pape Pie X condamne la loi de Séparation dans une encyclique : Vehementer nos.
1914-1918
Avril-mai 1914 : la gauche radicale et socialiste gagne les élections.
31 juillet 1914 : assassinat de Jules Ferry.
3 août 1914 : déclaration de guerre de l’Allemagne à la France.
Août 1914 : réalisation de « l’Union sacrée » réclamée par Raymond Poincaré.
1917 : mutineries dans l’armée.
1917 : Georges Clémenceau est nommé président du Conseil.
11 novembre 1918 : Signature de l’armistice.
1919-1940
1919 : création de la IIIème Internationale (Internationale communiste ou Komintern)
1920 : création du Parti communiste français, alors Section français de l’Internationale communiste
1924-1926 : victoire du « Cartel des gauches ».
1926-1929 : gouvernement d’« Union nationale ».
Janvier 1934 : affaire Stavisky.
6 février 1934 : Edouard Daladier présente à la Chambre son nouveau gouvernement.
6 février 1934 : manifestations antiparlementaires sanglantes à Paris qui rassemblent des ligues (à droite et à l’extrême droite : Les Croix de Feu du lieutenant-colonel de La Roque, la ligue monarchiste Action française, la ligue des Jeunesses patriotes fondée en 1924 par Pierre Taittinger, conseiller municipal de Paris, le groupe Solidarité française du parfumeur François Coty, émule de Mussolini… à gauche, l’Association républicaine des anciens combattants).
Mai 1936 : Victoire du Front populaire (union des partis de gauche).
Juin 1936 : Accords de Matignon.
1938 : Dislocation du Front populaire.
23 août 1939 : signature du Pacte germano-soviétique.
3 septembre 1939 : La France et la Grande Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne.
16 juin 1940 : après la « débâcle » de l’armée française, Paul Reynaud est contraint de démissionner. Il est remplacé par le Maréchal Pétain.
22 juin 1940 : Signature de l’Armistice à Rethondes.
10 juillet 1940 : L’Assemblée, rassemblée à Vichy, vote les pleins pouvoirs à Pétain, mettant fin, de fait, à la 3ème République. Loi constitutionnelle du 10 juillet 1940.
12 juillet 1940 : le Maréchal Pétain se proclame chef de l’État français et congédie les chambres et le président de la République.
octobre 1940 : statut des Juifs en France
Noms cités dans ce chapitre :
Adolphe Thiers – Patrice de Mac-Mahon – Léon Gambetta – Jules Grévy
Césarisme
Nicolas Rousselier, Le Parlement de l’éloquence, Paris, Presses de Sciences Po, 1997.
primus inter pares
Alfred Dreyfus – Georges Clémenceau – Georges Boulanger – Ferdinand Walsin Esterhazy – Emile Zola – Félix Faure – Georges Thiébaud – Paul Déroulède – Paul Maurras – Pierre Waldeck-Rousseau – Alexandre Millerand – Jules Ferry – Émile Combes
Les canuts
Karl Marx – Pierre-Joseph Proudhon – Mikhaïl Bakounine – Friedrich Engels – Jules Guesde – Jean Jaurès
Nicolas Werth, Histoire de l’Union soviétique, Paris, PUF, 1990.
Croix de feu (Lieutenant-Général La Roque) – Action française – La Cagoule
Raymond Poincaré – Louis Barthou – Pierre Laval – Jean Tardieu – Edouard Daladier – Maréchal Philippe Pétain – Serge Berstein – Pierre Milza
Chapitre 3 : La IIIème République et l’enracinement d’un ordre politique républicain.
Introduction et propos liminaires sur la IIIe République.
Fondamental pour comprendre la vie politique y compris actuelle.
A partir de 1870 sont posés les fondements de la démocratie représentative et de la lutte politique.
A la proclamation de la 3ème République, beaucoup la considèrent comme un régime transitoire. L’opposition entre camps politiques est construite surtout sur la question du régime. C’est un enjeu majeur. La victoire de la République ne va pas alors de soi, car les mouvements monarchistes sont puissants. La forme que va prendre cette république n’est pas écrite en 1870. La commune incarnait la possibilité d’un autre type de république, une république sociale basée sur une fédération de commune et la participation du peuple. La 3ème république se fondera de façon très distincte à cette idée.
Les lois constitutionnelles de 1875, si elles donnent un cadre légal, sont cependant soumises aux usages qu’en feront les acteurs politiques. Au moment de la proclamation de la république, elle n’est pas considérée comme en mesure de durer, car l’assemblée, le gouvernement, et les institutions ne sont pas pleinement convertis au républicanisme. Les élections législatives de 1871 permettent aux monarchistes et aux conservateurs d’obtenir une majorité. Le chef de l’exécutif, Thiers, est élu par l’assemblée, c’est un monarchiste libéral, un Orléaniste. Il est méfiant à l’égard du suffrage universel et du peuple, il n’hésitera pas à faire donner le canon contre le peuple. Chez les monarchistes perdurent aussi des oppositions entre orléanistes et légitimistes. Cette opposition se fonde sur le nom du futur roi, sera-ce le comte de Paris ou le comte de Chambord (légitimiste). Les oppositions sont aussi des oppositions entre groupes sociaux. Les monarchistes sont aussi opposés sur le rôle du parlement et sur la souveraineté.
Thiers va se résoudre à la République, car « c’est le gouvernement qui nous divise le moins » dira-t-il. C’est aussi parce que pour lui la République semble compatible avec l’ordre moral, car le suffrage universel a donné une majorité conservatrice à l’assemblée nationale, et parce que c’est bien la République qui a écrasé la Commune et est ainsi le meilleur garant contre la révolution et le peuple.
En mai 1873 Thiers sera renversé et sera remplacé par Mac Mahon, du fait que les monarchiste le remettait en question. Les monarchistes attendent pacifiquement la restauration monarchique qui serait facilité si une des branches monarchique disparaissait. La monarchie est donc en suspens, car il y a aussi division au sein du corps républicain.
3 lois constitutionnelles seront adoptées entre janvier et juillet 1875. Elles instaurent un parlementarisme bicaméral avec, la chambre des députés et le sénat. Le Président y joue un rôle central. Il nomme le président du conseil à son gré, il n’a pas à tenir compte de la majorité parlementaire, même si cette dernière peut renverser le gouvernement.
Le président dispose du droit de dissolution de la chambre basse avec accord de la chambre haute. Ainsi, ce Président peut effectivement dissoudre la chambre basse et s’assurer ainsi de se constituer une majorité entre les deux chambres.
L’amendement Vallon du 30/01/1875, officialisera la République : » le président est élu à la pluralité des suffrages par le Sénat et la chambre réunis en assemblée nationale « . Son pouvoir est l’émanation du pouvoir des chambres. C’est un souvenir de l’élection de Louis Napoléon Bonaparte. On considère que le peuple n’est pas assez intelligent pour présider à sa destinée, il faut laisser ce soin aux parlementaires.
C’est à cette époque que le septennat sera instauré, au prétexte de confier au nouvel homme fort du pouvoir, Mac Mahon, un mandat suffisamment long pour permettre aux monarchistes d’avoir le temps de s’accorder sur un roi.
Les lois constitutionnelles sont considérées comme une constitution de régence. Une république faible où les chambres ne sont pas les institutions fortes de la vie politique.
Malgré ces mauvaises conditions, on va constater que le régime républicain et le parlementarisme vont s’affirmer et se consolider au prix de luttes politiques intenses. La république va s’imposer comme faisant l’objet d’un large consensus.
A la suite, le régime de Vichy nous rappelle que dans des conditions particulières l’idée républicaine demeure très fragile. Ce n’est donc pas un régime naturel, il est régulièrement remis en cause ou défendus par divers groupes sociaux.
Il reste que la 3ème République malgré son objet premier durera plus de 70 ans et permettra des évolutions importantes qui marquent encore notre époque.
Autre élément important, c’est sous cette république que se généralisera la pratique du vote avec la confirmation du suffrage universel toujours masculin, et c’est là que les élections vont devenir libres, que le peuple s’appropriera le vote qu’il va considérer comme le moyen d’exprimer une opinion en dehors d’identités collectives. C’est là encore que le peuple va se détacher des notables, que la politique va devenir une affaire d’idéologie et de professionnels. Les partis politiques vont devenir des acteurs essentiels de la vie politique et de l’idéologisation.
- La crise du 16 mai 1877 ou le triomphe du parlementarisme.
Les débuts de la 3ème République sont des débuts très agités, c’est le régime des drames et de l’incertitude au début. Il y a la défaite de Sedan, la perte de l’Alsace-Lorraine en mai 1871 après le traité de Francfort. C’est d’abord une incertitude territoriale et nationale. Ce sont aussi les élections de février 1871 qui envoient à l’assemblée nationale une majorité monarchiste, il y aussi la défaite de la commune. C’est une période de multiples oppositions.
Malgré ces difficultés, les chances de restauration demeurent relativement compromises du fait de la division des monarchistes.
Dès juillet 1871 les élections législatives partielles sont favorables aux républicains. C’est dans ce contexte que Thiers va se rallier à la République, et à la suite de ce ralliement la majorité monarchiste le reversera pour installer Mac Mahon, qui est monarchiste.
Dès son arrivée Mac Mahon n’aura de cesse de mettre en place une politique d’ordre moral pour limiter les progrès du républicanisme en France et sur les bancs mêmes du parlement.
Les lois constitutionnelles, auxquelles sont opposés les légitimistes et les bonapartistes, si elles avaient connues de simples légères retouches auraient conduit à la restauration.
Les élections de 1876 seront gagnées par les républicains. Mac Mahon se trouve dans une position inconfortable, il doit composer avec une chambre basse républicaine. Il y aura un conflit entre parlementaires et Mac Mahon. Ce conflit se soldera par la disparition de Mac Mahon et par l’apparition de la parlementarisation de la vie politique.
- Démission de Mac-Mahon et apogée du processus de parlementarisation de la vie politique.
Le bloc républicain remporte les élections de la chambre basse. Mac Mahon doit composer avec une chambre républicaine hostile au retour de la monarchie. Cette chambre basse trouvera en Jules Simon , président du Conseil, un président acceptable, il se définit comme » profondément républicain et résolument conservateur « . C’est au nom de ce républicanisme que Jules Simon laissera à la chambre basse une place importante dans le processus décisionnel.
Le 16 mai 1877, Mac Mahon qui juge Jules Simon trop timoré, lui demande une explication, ce qui provoque sa démission. S’en suivra une grave crise institutionnelle et politique. Elle se soldera par la dissolution de la chambre basse en juin 1877 que mac Mahon annonce après s’être assuré du soutien du Sénat. Mac Mahon pense qu’avec cette dissolution et comptant sur la caractère versatile des électeurs, le retour de la monarchie sera assuré (Il y a une similarité avec la dissolution prononcée par Chirac).
Les républicains feront bloc. Aux élections de 1877, ils conserveront la majorité au sein de la chambre basse. Ainsi Gambetta dira : « Mac Mahon n’a plus qu’à se soumettre ou à se démettre ». Mac Mahon garde encore le soutien du Sénat. En janvier 1879, le Sénat bascule dans le camp républicain et ainsi Mac Mahon va se soumettre.
Son départ marquera le début de « La république des Républicains ». Jules Grévy accède à la Présidence de la République, son discours signera la fin de la crise politique, il y donne de grandes garanties au députés et sénateurs. Il propose une nouvelle lecture des lois constitutionnelles et fixera les règles de la Présidence. On parlera alors de Constitution Grévy, qui n’en est pas une, mais qui s’impose en tant que telle. Grévy indique dans son discours que le Président sera un arbitre neutre dans les débats politiques, et que sa fonction sera essentiellement honorifique. Ceci marque le triomphe du parlementarisme. Désormais c’est le président du Conseil qui gouverne notamment par le choix de ses ministres. Il ne s’agit pas ici de transférer le pouvoir d’un homme vers un autre, il s’agit de transférer le pouvoir d’un homme à un collectif, en particulier à la chambre basse. Le Président du Conseil prendra soin de choisir ses ministres parmi les parlementaires. Ce choix consiste à faire en sorte que ce soit l’assemblée qui fasse et défasse l’exécutif. C’est un usage non prévu des institutions, une lecture particulière des lois constitutionnelles de 1875. Ceci pose la question de l’équilibre et de la séparation des pouvoirs. Ce sera la monopolisation du pouvoir par l’élite parlementaire.
- Monopolisation du pouvoir par l’élite parlementaire.
A la suite de la crise du 16 mai 1877, les républicains ont 2 peurs. La peur du retour du Césarisme (pouvoir autoritaire et absolu exercé par un seul homme), et peur des classes laborieuses. Ceci justifiera la mise en place d’un régime d’assemblée.
Les républicains veulent empêcher tout retour du pouvoir personnel. Ils vont placer le pouvoir au sein du parlement, et faire de la délibération collective le principe de toute décision politique. Il y a le souci dès 1880 de garantir la décision politique au détriment du pouvoir personnel.
De là découlent 3 usages :
- C’est la monopolisation du pouvoir par les parlementaires dont découle :
o La liberté de vote.
o La dispersion de l’autorité politique.
La monopolisation du pouvoir par les parlementaires :
Avec la constitution Grévy on a vu que la place du chef de l’état devient secondaire par rapport à celle occupée par le parlement.
On met en place un règlement des assemblés. Or sa première fonction ne consiste pas à assurer le bon fonctionnement, mais à garantir le droit des élus. Ainsi tout orateur inscrit peut prendre la parole et nul ne peut l’interrompre. Les discussions au sein des chambres prendront ainsi un temps et une importance considérable. Le droit de dissolution sera aussi neutralisé. Tout se passe comme si le parlement était assez digne pour exercer le pouvoir du gouvernement (le nombre de ministres non parlementaires est quasiment nul).
On met aussi en place des systèmes qui donnent lieu à discussion ; on y favorise les cumuls de mandats. Il y aura aussi peu de rotation au sein des parlementaires, c’est l’installation d’une nouvelle élite qui tient son pouvoir de son capital politique, qu’on fait fructifier en restant en poste le plus longtemps possible.
La liberté de vote :
Il y a aussi la liberté de vote. Les parlementaires s’autorisent la mobilisation du pouvoir politique, car la discussion parlementaire semble être parée de nombreuses vertus (Rousselier : « le parlement de l’éloquence »). Ceci est censé permettre la fabrication de politiques consensuelles. Ceci avec la procédure d’élaboration des lois, qui sont le fruit d’un consensus entre toutes les tendances représentées à l’assemblée. Ainsi on estime que plus un texte est remanié, amendé, plus il est légitime, du fait d’une prise de décision collective.
On comprend ainsi la logique d’indiscipline parlementaire qui caractérise la 3ème république. Pour construire de la collégialité, il faut que les élus puissent changer d’avis, qu’il n’aient pas les mains liés par un programme ou des consignes partisanes.
La constitution des coalitions gouvernementales ne se constitue pas durant les élections, ni dans les partis, mais au sein du parlement.
La dispersion de l’autorité politique :
Pour conjurer la personnalisation du pouvoir il faut aussi s’assurer qu’aucun membre du parlement ne s’approprie l’autorité collective de la chambre, ni sur l’ensemble du gouvernement. Ainsi le jeu consiste à faire en sorte que les détenteurs du pouvoir forment une société de pairs, une communauté d’individus relativement égaux entre eux qui entretiennent des relations peu hiérarchisées. Ainsi le Président du Conseil n’aura pas d’autorité sur les autres membres du gouvernement, ce n’est qu’un primus inter pares (premier parmi les autres) qui n’oriente en aucun cas l’action des autres ministres. Le parlement disposera de nombreux moyens afin de contrôler l’autorité politique et administrative du gouvernement (commission d’enquête, motion de censure, logique d’interpellation directe qui conduit à la chute d’un gouvernement).
La stabilisation des règles du jeu passe aussi par l’apprentissage du républicanisme qui s’appuie sur le radicalisme et sur la lutte anticléricale, en tant que vrai piliers.
- Radicalisme et anticléricalisme.
Un parti incarnera la 3ème république et son jeu parlementaire, c’est le parti républicain radical et radical socialiste.
Radicalisme désigne ici, le courant des défenseurs des institutions républicaines et les défenseurs de l’héritage de la révolution. Ce mot apparait sous la monarchie de juillet et sert de synonyme pour désigner les républicains.
Cette monarchie interdira l’usage du mot républicain afin de lutter contre cette idée.
Le radicalisme se structurera avec Gambetta. Il fixera le cœur du radicalisme et du républicanisme dans le programme de Belleville, qu’il prononce en 1869 sous le second Empire au moment des législatives. Il y décline les principaux thèmes du radicalisme qui sont 4 :
- L’attachement à la république et à toutes ses potentialités (attachement à la réalisation de la liberté et de l’égalité)
- La défense du vrai suffrage universel.
- La liberté de presse et d’association (utile pour mobiliser la population)
- L’anticléricalisme et la laïcité.
Dans ce programme, texte fondateur des républicains, les radicaux mettent l’accent sur les problèmes institutionnels et ne mettent pas en avant les problèmes économiques. Il y a l’idée que c’est par la garantie des droits politiques et juridiques qu’on parviendra à l’égalité sociale et économique. Différents épisodes vont permettre au radicalisme de s’imposer.
- De la crise boulangiste à la création du « parti républicain, radical et radical-socialiste ».
La république commence à gagner de l’audience et de la force au cours de la 3ème république et on observe une modification du radicalisme et une opposition interne.
Dès 1880 apparaissent des opportunistes qui sont gradualistes, ainsi certains sont pour opérer des réformes mais ils estiment qu’on ne peut les faire que par étapes.
Face à eux se trouve l’aile gauche, représenté par Georges Clémenceau. Ici on est sur une logique d’intransigeance politique qui engagerait les radicaux à faire des réformes rapides et sévères. Clémenceau défendra l’idée d’un impôt progressif sur le revenu. C’est sous sa protection que Boulanger entrera au ministère de la guerre, il cultivera une image de patriote et de républicain, il améliore les conditions des soldats et met en place une réforme d’extension du service militaire. Il devient une idole au sein du petit peuple parisien qui voit en lui l’incarnation de la république et l’outil de la disparition des privilèges. A force de s’agiter il sera évincé en mai 1887, car il contrevient à la logique de collégialité. Dès lors son aventure personnelle va commencer. Comme il n’est plus tenu par ses obligations de ministre et militaires, il entre en politique et se fait élire en janvier 1889 député de Paris, à la suite d’une campagne contre le parlementarisme et dans laquelle il propose une révision de la constitution. Tout républicain qu’il se présente, il commence à inquiéter l’état-major du parti républicain, d’autant plus qu’à la suite de sa victoire, son entourage l’encourage à prendre l’Elysée. Fort tenté, il sera rejoint par des ligues et des bonapartistes, mais privé en avril 1889 de son immunité parlementaire, plutôt que de tenter un coup d’état, il décide de s’exiler en Belgique, car il est poursuivi pour complot contre la sécurité intérieure et parce qu’il a détourné des biens publics.
Ce péril signal la force de l’antiparlementarisme en France et montre combien le peuple n’est pas encore totalement rallié à la République. C’est en cela qu’on s’en souviendra longtemps.
L’affaire Dreyfus jouera aussi un rôle majeur. Elle explose à la fin des années 1890 et a 2 enjeux essentiels. Elle pose des questions décisives touchant à la nature du pouvoir. Quelle conception de la citoyenneté fonde la légitimité républicaine ? Comment s’articule la défense des droits de l’homme et la raison d’état ? Elle est l’occasion d’une reconfiguration durable de l’espace politique. C’est ici que se reformule le clivage gauche/droite, même si cet évènement marque l’apogée du parti républicain, radical et radical socialiste.
En 1894-95 l’armée découvre qu’un traitre se trouve en son sein qui dévoile des informations à l’ennemi allemand. Le capitaine Dreyfus est désigné comme coupable facile. C’est un officier républicain et juif. L’état-major est monarchiste et catholique il est aussi antisémite. Rapidement il sera condamné en conseil de guerre, bien que par la suite le commandant Esterhazi sera identifié comme étant le vrai coupable. On aura fait appel à des experts qui n’avaient aucune capacité notamment en graphologie. Le gouvernement, refusera de remettre en cause le jugement. En janvier 1898, Esterhazi est jugé et acquitté, Zola dans L’Aurore publiera le 13 janvier 1898 son texte-lettre « J’accuse » adressé au Président. Le 20 février est créée la ligue des droits de l’homme pour mener le combat dreyfusard. En 1898 et 1899 l’affaire éclate sur le devant de la scène politique. Malgré le fait que beaucoup de gens soient convaincus de la non culpabilité de Dreyfus, le gouvernement s’entêtera. Des groupes antidreyfusards vont aussi se constituer. Il y la Ligue des Patriotes (constituée en 1882 avec le soutien de Boulanger), dirigée par Paul Déroulède ; le 05/12/1898 Georges Thiébaud dira que s’il faut faire la guerre civil, ils la feront. Le 31/12/1898 sera fondée la Ligue de la Patrie Française en réaction de la création de la ligue des droits de l’Homme ; cette ligue donnera un nouveau visage au nationalisme français. Avant le patriotisme était incarné par la gauche républicaine, désormais cette question sera portée par la droite politique française. Ces ligues diront que le patriotisme, c’est défendre la patrie contre l’anti France. Cette année est celle de tous les dangers pour la République qui se trouve sous la menace d’un coup d’état.
Dans ce contexte le 22/06/1899, Waldeck Rousseau fonde un gouvernement de défenses républicaine, l’objectif étant de contrôler l’état républicain, de le soumettre au pouvoir réglementaire. Avec l’affaire Dreyfus il y a l’idée que le parquet et l’armée sont des lieux très forts de contestation. Le 08/09/1899 Dreyfus est à nouveau reconnu coupable avec des circonstances atténuantes et est condamné à 10 ans de réclusion. L’amnistie générale n’interviendra que plus tard. Il faut attendre 1906 pour que Dreyfus soit innocenté et réhabilité.
Le centre de gravité du front de défense républicaine se constitue contre les ligues nationale et la droite Française. En 1899 les radicaux s’associent à Alexandre Millerand. En juin 1901 se tient le congrès constitutif du parti républicain, radical et radical socialiste, il se tient avec 476 représentants des comités électoraux locaux, 215 membres des journaux locaux et 155 représentants des loges maçonniques. Dans l’histoire de ce parti, la place des élus est prépondérante. On compte sur 1100 membres, 201 députés et 78 sénateurs ; c’est un parti d’élus et non de citoyens. La décision de rassemblement trahit la préoccupation de consolider la gauche du parti, car il s’agit dès 1900 de faire face à l’agitation menée par les forces socialistes, il faut aussi se prémunir de la menace qui vient de la droite de l’échiquier politique, il faut assoir la république contre les ligues nationalistes. Dès 1901, ce parti va devenir très important, ce sera un parti qu’on retrouve dans la majorité des coalitions gouvernementales de la 3ème république. Il devient un parti pivot toujours au pouvoir selon sa tendance de droite ou de gauche qui deviendra majoritaire. On compte sur cette période 13 présidences du conseil qui reviennent au parti radical (de 1900 à la fin de la 3ème république).
C’est un parti d’élites républicaines, dont l’objectif est de se maintenir au pouvoir et de gouverner, malgré la concurrence croissante des forces socialistes. Les tendances diverses de ce parti font que ce parti ne correspond pas à l’image d’un parti structuré, c’est une structure floue et lâche qui est un regroupement d’élus qu’on retrouve dans des groupes parlementaires très différents. C’est un parti de comités, car les élus y font la loi et il n’y a pas vraiment de direction nationale, les comités locaux y priment et il y très peu d’adhérents et de militants.
- La « républicanisation » de la France : lancement de la lutte anticléricale et invention du « bon citoyen-électeur ».
Les débuts de la 3ème république sont marqués par d’importantes réformes. Les premières sont symboliques mais marquent le type d’orientation des républicains.
On rapatrie le parlement à Paris (espace urbain marqué par l’esprit républicain). On ferme la chapelle du palais Bourbon. On institue une fête nationale au 14 juillet (prise de la bastille).
L’idée est d’entrer dans une lutte anticléricale qui sera associée à l’assise de la république des républicains. C’est en 1881 qu’on instaure la liberté des réunions, de la presse. C’est en 1882 et 1844 que les maires ne seront plus élus mais nommés et en 1885 qu’on légalise les syndicats. L’idée est d’installer définitivement l’idée républicaine parmi les élus et les citoyens. La république va entrer dans une période de régime d’assemblée (parlementarisme absolu). Les représentants de la république vont s’engager dans la lutte anticléricale en développant l’attachement à la république via l’école primaire. Les lois de 1880 et 1882 font que l’école devient gratuite, laïque et obligatoire (Ferry), on va aussi favoriser l’apprentissage du vote.
Le parti radical est le parti de l’opposition au clergé et à l’église qui sont accusés d’entretenir l’obscurantisme. C’est autour de la question scolaire que cette lutte va se cristalliser. Il faut annihiler l’emprise de l’église au sein de l’école, pour assoir définitivement la république dans les esprits. On développera une représentation mythologique, dans laquelle on fait apparaitre le hussard noir de la république, l’instituteur et de l’autre côté le prêtre enseignant. Cette opposition à l’église est le constat de la forte présence religieuse dans l’enseignement. On compte alors 160.000 religieux en France et les femmes y sont majoritaires. Jules Ferry lancera cette politique anticléricale, il sera de 1879 à 1880 ministre de l’institution d’enseignement public et président du conseil à 2 reprises. Il dépose 2 projets de lois qui visent à modifier la composition des conseils d’enseignants et de l’académie. On va ainsi laïciser l’ensemble des structures de l’enseignement public. Un autre projet vise à réserver à l’état la collation des grades, pour que seul l’état soit en mesure de déterminer les places, les avancements et les rémunérations. C’est ce projet qui mettra le feu aux poudres, car il exclut les religieux notamment la communauté jésuite. Un an plus tard Ferry fera appliquer ces lois.
Des protestations, des pétitions et des manifestations viseront à remettre en cause ce qui est alors considéré comme une chasse aux sorcières. Ferry sûr de son fait ne reviendra pas en arrière. Avec cette mise au pas de l’instruction publique, il va y avoir un véritable nettoyage et cela aura un effet direct sur la place des congrégations, 261 établissements vont être fermés et de nombreux religieux seront exclus de l’enseignement. Dans les années qui suivent, la base de l’œuvre scolaire républicaine est posée comme un service public. Ferry fera voter plusieurs lois. La loi sur la gratuité totale de l’enseignement (juin 1881) qui permet de voter l’obligation de la fréquentation scolaire (pour les enfants de 7 à 13 ans. La loi de laïcité des programmes (1882) et en 1886 la loi de laïcisation des personnels de l’éducation.
Un autre gouvernement, celui de Combes entre 1902 et 1905 renforcera cette lutte anticléricale. Emile Combes fera voter une loi sur les congrégations subordonnant leur existence à une autorisation des forces républicaines. Plusieurs milliers de congrégations disparaitront alors. C’est ici aussi en 1905 qu’est mise en place la loi de séparation de l’église et de l’état. Elle a un effet financier immédiat, le clergé n’est plus financé par l’état et la république abandonne toute référence à la religion catholique ; c’est un tournant essentiel pour comprendre les débats actuels.
Parallèlement se développe l’apprentissage du vote. C’est par des éléments techniques que sera menée cette œuvre. En 1848 on établit des listes permanentes alphabétiques des électeurs masculins (nécessitées du fait du suffrage universel – à l’époque il n’y a pas de proximité des bureaux de vote). Dans les années 1860 on standardise les urnes (la dernière remonte à 1983, urnes transparentes) et on met aussi en place des règles qui seront des représentations normatives du vote. En 1884 on institue une carte d’électeur obligatoire, à partir de 1880 on fait en sorte que la salle de vote devienne un espace neutre, et ainsi petit à petit on occupera les écoles et les mairies, symboles de la république. En 1913 on met en place l’isoloir. En 1923 les bulletins sont mis à la disposition des citoyens à l’intérieur du bureau de vote. Avec l’isoloir il y a l’idée d’égalité de tous les électeurs face à l’acte de vote (vision individualiste). Au début ceci créera des tensions, notamment du fait des notables qui voient leurs influences amoindries.
Pour les républicains, en devenant de bon électeur, on devient français et en devenant français on devient un bon électeur.
Petit à petit la république s’installe en France.
On voit cependant la survivance de résistances.
III. Les recompositions des résistances à l’idée républicaine.
Elles sont de 2 types, les ouvriers et la droite.
- Classes laborieuses, classes dangereuses ? Le mouvement ouvrier entre séparatisme et intégration.
A mesure que se structure le mouvement ouvrier il aura un impact sur le parti radical, qui occupera une position centrale. Le mouvement ouvrier devra choisir entre le fait de s’exprimer par des revendications et celui de se constituer en véritable parti politique. En participant aux élections, le mouvement ouvrier fait un acte de légitimation des règles républicaines. C’est donc un choix entre une voix révolutionnaire ou républicaine.
La question sociale émerge difficilement en France, car le nombre d’ouvrier progresse très lentement. En 1789 on estime que ce secteur représente 15% des activités économiques et 26% en 1885. Sont associés des mouvements de grèves qui se déroulent dès le 19ème siècle (1817, 1830, 1836 et 37, 1840). Les journées révolutionnaires de 1830 (3 glorieuses) et de 1848 mobiliseront les ouvriers et poseront concrètement la question sociale.
Ce n’est pas pour autant que les républicains vont se saisir de la question. Bien qu’ils aient soutenus l’avènement de Louis Philippe, le pouvoir n’hésitera pas à tirer en 1831 et 1834 contre les ouvriers lors de la révolte des canuts à Lyon.
En 1848 la révolte qui met fin à la monarchie de juillet verra une forte présence ouvrière. Mais ces différents évènements font se développer au sein des ouvriers un fort sentiment de méfiance vis-à-vis de l’état même républicain, car il n’hésite pas à faire maintenir l’ordre par les baïonnettes. Ainsi se développera le séparatisme ouvrier.
En 1864, se mettent en place des échanges et des rencontres entre ouvriers de différents pays, ils ont pour but de permettre aux ouvriers de s’organiser, c’est la mise en place de l’organisation internationale des ouvriers (OIT) dont Marx rédige les statuts, c’est la première internationale. Demeurent cependant de fortes dissensions au sein de ce mouvement.
Entre 1864 et 68 oppositions entre les thèses de Proudhon (travail sans patron) et Marx qui plaide une lutte politique révolutionnaire.
Entre 1869 et 72 oppositions entre les anarchistes (révérence à l’égard de Bakounine) et les communistes derrière Marx. Cela aboutira à la scission de l’internationale en faveur de Marx face aux libertaires anarchistes.
La commune et sa répression seront un grand choc pour les ouvriers comme la faillite de la 1ère internationale. Marx et Engel mèneront la structuration du mouvement en parti politiques nationaux.
En 1880 en France sera fondé le parti ouvrier de Jules Guèdes. En 1889 à Paris et à Bruxelles en 1891 des congrès conduiront à la fondation de la 2ème internationale. Ce sera le succès du marxisme, qui fait de la lutte politique par les partis la tâche essentielle du mouvement. Cette 2ème internationale est toujours à l’œuvre aujourd’hui.
Il existe un morcellement des forces socialistes qui se traduit par une compétition.
Il y a des marxistes orthodoxes qui sont méfiants envers la république. Il y a les socialistes indépendants plus proches des républicains et prêts à participer au pouvoir.
Sous la pression de l’internationale socialiste, les français s’unifieront dans la SFIO, constituée en avril 1905, on y observera 5 tendances différentes, dont les socialistes républicains menés par Jean Jaurès. Cette SFIO est un parti ouvriériste qui compte peu d’ouvriers dans ses camps (ils sont plus présents dans les fédérations du Nord) ; c’est plus un parti de petits intellectuels, attachés à une forme de pureté doctrinale. Il va développer un fort ancrage municipal, dès 1880 avant même la fondation du parti, qui tranchera avec son exclusion nationale. Ces mairies seront un laboratoire du socialisme municipal.
En 1914 la SFIO comptera 80.000 militants et de nombreux élus locaux et nationaux. Ce sera bientôt le premier parti en voie et cela débouche sur l’expérience du front populaire.
Les révolutions bolcheviques de 1917. Lénine considèrera que la dernière internationale a échoué, car les socialistes français et allemand sont considérés comme vendu du fait qu’ils ne sont pas opposés à la guerre. En 1919 sera fondée la 3ème internationale (Kominterm) qui regroupe les partis nationaux, elle imposera des conditions d’adhésions, les 21 conditions. Nicolas Werth dit qu’elle était appelée à devenir l’organe combattant, un seul parti communiste ayant des branches dans chaque pays.
Dans ce contexte se tient en décembre 1920 le congrès de Tours de la SFIO, qui permet d’observer la division du parti en 2 branches ; d’un côté Blum qui refuse les conditions de la 3ème internationale, et de l’autre ceux qui les acceptent et créent la SFIC qui deviendra le PCF. Malgré cette scission on observe une progression électorale de la SFIO qui lui permettra de créer une alliance avec les radicaux. En 1924 et 32 on assiste ainsi à la fondation de cartels et l’avènement du gouvernement en 1936 du front populaire.
Le 6 février 1934 on observe à Paris une forte agitation des ligues d’extrême droite qui se réunissent devant le palais Bourbon ; ces ligues sont dans une logique insurrectionnelle. Alarmé par ce coup de force fasciste, les leaders de gauche vont se rapprocher en écoutant les bases syndicales ; c’est la mise en place d’une tactique, ou réflexe républicain, de la SFIO et des radicaux. Ça bouge aussi chez les communistes, désormais, l’ennemi n’est plus les socialistes ou les républicains, mais les fascistes. Ce sont les ambitions de la gauches socialiste en matière de réformes sociales qui conduiront à l’instauration du front populaire (nationalisation de la SNCF qui permet aux ouvriers de prendre le train pour partir en vacance, reconnaissance des droits syndicaux, congés payés). C’est aussi une expérience douloureuse pour le mouvement ouvrier, qui découvre qu’il y a une distance entre la théorie et la réelle gouvernance.
Le PC est le dernier né de cette famille. Pour lui le modèle soviétique est le modèle absolu en termes d’organisation, ainsi le PC doit viser l’avènement de la révolution prolétarienne. On met en place le centralisme démocratique, largement opposé au mode de fonctionnement de la SFIO qui est fédéral. Le PC se pensera comme la section française du parti mondial. Du fait de ce positionnement des années 20 à 30 le parti ne progresse pas en voie. La dégénérescence de l’URSS (développement du Stalinisme), transformera le PC en courroie de transmission du Parti soviétique et seront exclus de vieux militant jugés trop en marge de la doctrine. Le PC privilégiera la création d’écoles de cadre du parti. Cette rigidification se traduira par une perte d’effectif et de légitimité électorale. Cela conduira à la victoire de la droite en 1928, il faudra attendre la victoire du front populaire pour que les communistes reviennent au-devant de la scène.
23 août 1939, le pacte germano-soviétique est un engagement à la neutralité des 2 pays en cas de conflit et il y a un partage secret des pays tampon entre l’Allemagne et l’URSS. Cette signature du pacte a un effet direct sur les PC nationaux, considéré comme des traitres. Ainsi le PCF sera interdit en septembre 1939, et les députés sont déchus de leur siège. On crée ainsi une légitimité à postériori de ce parti qui ainsi ne sera pas accusé d’avoir collaboré au régime de Vichy.
- De l’effacement des partisans de la monarchie aux ligues des années 1930.
Les forces légitimistes de droite sont davantage attachées à un mode de fonctionnement qui renvoie à celui de l’ancien régime.
Ces forces n’ont pas disparues.
Ces forces qui furent très puissantes au 19ème voient leur audience décliner et sont soumises à des transformations. Elles vont prendre 2 formes, les ligues patriotiques et celle d’une droite parlementaire qui petit à petit se convertira à la république et avec laquelle il faudra compter.
Les ligues, sont des mouvements populaires et anti parlementaires qui réclament l’ordre et déclarent défendre les classes sociales moyennes et basses. Elles sont attachées à un exécutif fort et à un césarisme du pouvoir. Elles ont soutenu Boulanger et prit fait et cause pour l’armé à l’époque de l’affaire Dreyfus. Elles se développent sur l’antisémitisme et l’antilibéralisme (qui pour elles ruinent les petits commerçants). La ligue patriote de Paul Déroulède.
C’est à la fin de la première guerre mondiale que les ligues se réactiveront avec les mouvements des anciens combattants. Lors de la crise du 6/02/1934 on retrouvera ces anciens combattants et ces ligues défier le mouvement républicains dans des manifestations sanglantes, on y trouve les croix de feu de Laroque et l’action française (ligue monarchiste). Ceci amènera la création d’associations secrètes qui travaillent au renversement des institutions, il y a la Cagoule (pour eux la république est une prostitué).
Une autre partie de la droite va elle se convertir au jeu républicain. Au début du 20ème il y a bien le développement d’une droite républicaine qui réunit des parlementaires, qui se disent laïques, libéraux et favorables à la petite entreprise. Parmi les leaders on trouve Raymond Poincaré (Pdt en 1913) et Louis Barthou.
On trouve aussi les convertis, plus conservateurs et qui gardent l’espoir d’une restauration, mais ils créeront la Fédération Républicaine et se rallieront donc à l’idée républicaine.
Il y a les catholiques ralliés. Ces formations deviendront républicaines et à partir de 1930 il développeront la doctrine du personnalisme pour réconcilier le catholicisme et la démocratie,, dans une 3ème voie qui se construit contre le fascisme et le communiste.
C’est l’alliance démocratique qui va dominer la période 1919-1936 avec un moment de gloire important, car sous la houlette de Poincaré il y la volonté de répondre à la crise de 1934 par une union sacrée, l’objectif étant d’associer la droite républicaine aux radicaux et d’éloigner la menace socialiste au pouvoir. Ce bloc rassemblera les droites républicaines, les conservateurs et les convertis. Cependant malgré les efforts d’une droite plus moderne incarnée par Laval et Tardieu, les partis de droite restent des groupes parlementaires appuyés sur des journaux. Laval et Tardieu contesteront cette agencement en disant que la droite a intérêt à se constituer en véritables partis d’adhérents et de militants. Au début en 1920 il n’y a que 3.000 adhérents. Ces partis sont des organisations notabiliaires qui donnent des investitures aux candidats aux élections.
Entre 1938 et 1940 la droite revient au pouvoir, car elle s’allie aux radicaux. Ce retour correspond à la montée des périls et elle aura à prendre en charge ces menaces. Elle y montrera toute son impuissance, et si elle s’est rallié à la république, elle demeure toujours favorable au retour d’un homme fort.
Conclusion sur le régime de Vichy
Il a pour origine la guerre, la défaite et l’occupation. Le projet de révolution nationale de Pétain est un projet original au sens où il est spécifique et en rupture. Il est doté de sa dynamique propre, ce n’est pas un régime imposé de l’extérieur par les nazis. Au cœur se trouvent le césarisme, le culte du sauveur, l’antisémitisme qui n’est pas non plus imposé par l’extérieur. L’établissement en octobre 1940 du statut des juifs précède les demandes extérieures. Ce régime est l’occasion pour tout un tas de juristes et d’hommes politiques de prendre leur revanche sur la république et d’expérimenter nombre de projets. Il s’agit ici de rompre avec la décadence des années 1930 et de régénérer le pays, grâce à l’instauration de l’homme nouveau et de la fête des mères.
Bibliographie pour la séance :
- Maurice Agulhon, La République, t. I, 1880-1932, Paris, Hachette, 1990.
- Jean Pierre Azema, Michel Winock, La troisième République, 1870-1914, Paris, Hachette, 1991.
- Gérard Baal, Histoire du radicalisme, Paris, La Découverte, 1994.
- Serge Berstein, Michel Winock (dir.), L’Invention de la démocratie (1789-1914), Paris, Seuil, 2002.
- Gilles Candar, Histoire politique de la IIIème République, Paris, La Découverte, 1999.
- Yves Déloye, École et citoyenneté. L’individualisme républicain de Jules Ferry à Vichy : controverses, Paris, Presses de la FNSP, 1994.
- Alain Garrigou, Histoire sociale du suffrage universel en France : 1848-2000, Paris, Seuil, 2002.
- Alain Garrigou, « Vivre de la politique. Les ‘quinze mille’, le mandat et le métier », Politix, vol. 5, n° 20, 1992.
- Raymond Huard, « Comment apprivoiser le suffrage universel ? », in Daniel Gaxie (dir.), Explication du vote, Paris, Presses de la FNSP, 1985, pp. 126-148
- Raymond Huard, La naissance du parti politique en France, Paris, Presses de la FNSP, 1996.
- Jacques Lagroye, Bastien François, Frédéric Sawicki, « L’apparition des professionnels de la politique et la bureaucratisation », in Sociologie Politique, Paris, Presses de Sciences Po, Dalloz, 2002.
- Michel Offerlé, « Mobilisation électorale et invention du citoyen. L’exemple du milieu urbain français à la fin du XIXème siècle », in Daniel Gaxie (dir.), Explication du vote, Paris, Presses de la FNSP, 1985, pp. 149-174
- Nicolas Rousselier, Le Parlement de l’éloquence, Paris, Presses de Sciences Po, 1997.
- Nicolas Werth, Histoire de l’Union soviétique, Paris, PUF, 1990.
Chapitre 4 : La IVème République, une nouvelle République ? (3 heures)
Repères chronologiques (1946-1958)
1946-1951
Ø 20 janvier 1946 : Démission du Général de Gaulle du premier GPRG (Gouvernement Provisoire de la République Française)
Ø 5 mai 1946 : Un premier referendum sur un projet de IVe République prévoyant un parlement monocaméral : il est rejeté par les électeurs (53 % non – 47 % oui).
Ø 16 juin 1946 : Discours de Bayeux du général de Gaulle, appelé « La Constitution de Bayeux »
Ø 13 octobre 1946 : Second referendum sur un second projet de IVe République. Le projet est adopté par 9 millions de voix (36% des inscrits). Le non recueille 8 millions de voix cependant (31% des inscrits).
Ø 27 octobre 1946 : Promulgation de la Constitution : naissance de la IVe République.
Ø 23 novembre 1946 : Début de la guerre d’Indochine.
Ø 16 janvier 1947 : Élu en décembre 1946 par l’Assemblée nationale et le Conseil de la République, Vincent Auriol (SFIO) prend ses fonctions de Président de la République.
Ø 22 janvier 1947 : Paul Ramadier (SFIO) devient président du Conseil.
Ø 18 mars 1947 : Les députés communistes votent contre le gouvernement sur la guerre d’Indochine.
Ø 7 avril 1947 : Création du Rassemblement du peuple français (RPF).
Ø 16 avril 1947 : Les ministres communistes quittent le Conseil des ministres pour protester contre la répression à Madagascar.
Ø 4 mai 1947 : Paul Ramadier révoque les ministres communistes.
Ø 5 juin 1947 : le Général Marshall annonce à Harvard l’octroi d’une aide américaine (Plan Marshall)
Ø 19-26 octobre 1947 : Élections municipales : triomphe du RPF
Ø De novembre 1947 à juin 1951, les présidents du conseil sont : Robert Schuman (MRP), André Marie (radical), Robert Schuman (MRP), Henri Queuille (radical), Georges Bidault (MRP), Henri Queuille (radical), René Pleven (UDSR), Henri Queuille (radical).
Ø 17 juin 1951 : Élections législatives et succès du RPF.
Ø 11 août 1951 : René Pleven (UDSR) devient Président du conseil
1952-1953
Ø De janvier 1952 à fin 1953, les présidents du conseil sont : Edgar Faure (radical), Antoine Pinay (indépendant), René Mayer (radical), Joseph Laniel (indépendant).
Ø 27 mai 1952 : Signature à Paris du traité instituant une Communauté européenne de défense (CED).
Ø 26 avril-3 mai 1953 : Élections municipales qui marquent un revers électoral pour le RPF. Le Général de Gaulle le dissout.
Ø 23 décembre 1953 : René Coty (modéré) est élu Président de la République.
1954-1955
Ø De juin 1954 à fin 1955, les présidents du conseil sont : Pierre Mendès France (radical) et Edgar Faure (radical).
Ø 16 janvier 1954 : René Coty prend ses fonctions de Président de la République.
Ø 7 mai 1954 : Chute de Diên-Biên-Phu.
Ø 18 juin 1954 : Pierre Mendès France est nommé Président du Conseil
Ø 11 juillet 1954 : Début de la conférence de Genève sur l’Indochine. Le 20 juillet, un accord est trouvé sur la cessation des hostilités.
Ø 20 juillet 1954 : Les accords de Genève mettent fin au conflit en Indochine.
Ø 1er novembre 1954 : Série d’attentats en Algérie. Cela signe le début de la lutte armée des nationalistes algériens.
Ø 29 mai 1955 : Accord sur l’autonomie interne de l’État tunisien.
Ø 30 novembre 1955 : Dissolution de l’Assemblée nationale.
1956-1957
Ø 2 janvier 1956 : Succès des partis de centre-gauche (SFIO, radicaux et modérés) aux élections législatives sur un programme de paix en Algérie et de réformes sociales.
Ø 1er février 1956 : Guy Mollet (SFIO) devient président du Conseil.
Ø 6 février 1956 : À Alger, Guy Mollet est conspué par les Français d’Algérie.
Ø 3 mars 1956 et 20 mars 1956 : Indépendance du Maroc puis de la Tunisie.
Ø 9 mars 1956 : Le gouvernement reçoit les pouvoirs spéciaux pour l’Algérie.
Ø 23 mai 1956 : Pierre Mendès France démissionne du gouvernement (il est Ministre d’État) pour protester contre la politique menée en Algérie. Il quitte également la tête du parti radical.
Ø 30 octobre 1956 : Intervention militaire franco-britannique sur le Canal de Suez.
Ø 7 janvier 1957 : Le général Massu est nommé responsable du maintien de l’ordre à Alger.
Ø 25 mars 1957 : Signature du traité de Rome qui donne naissance de la Communauté économique européenne et à l’EURATOM.
Ø De juin à fin 1957, les présidents du conseil sont : Maurice Bourgès-Maunoury (radical) et Félix Gaillard (radical).
1958
Ø 10 mai 1958 : À Alger, manifestations appelant les pouvoirs publics à tout faire pour défendre la présence française en Algérie.
Ø 13 mai 1958 : À Alger, les Français d’Algérie avec l’aide de l’armée se révoltent. Le général Salan, chef des forces françaises en Algérie, déclare prendre en main « les destinées de l’Algérie française ».
Ø 14 mai 1958 : Pierre Pflimlin est investi par l’Assemblée nationale. Appel du général Massu au général de Gaulle qu’il presse de sortir du silence.
Ø 15 mai 1958 : À 12h, à Alger, le général Salan, sous les acclamations, lance « Vive de Gaulle ! ». À 17h, le général de Gaulle déclare dans un communiqué : « Je me tiens prêt à assumer les pouvoirs de la République ».
Ø 24 mai 1958 : Les insurgés d’Alger s’emparent de la Corse. Des rumeurs d’envoi de troupes aéroportées sur Paris et de coup d’État militaire circulent.
Ø 27 mai 1958 : Le général de Gaulle publie un communiqué : « J’ai entamé le processus régulier nécessaire à l’établissement d’un gouvernement républicain ».
Ø 28 mai 1958 : Démission du gouvernement Pflimlin. Les partis de gauche et les syndicats manifestent pour la défense de la République.
Ø 29 mai 1958 : Message au Parlement du Président de la République, René Coty, qui annonce qu’il vient de faire appel au Général de Gaulle.
Ø 1er juin 1958 : Le général de Gaulle reçoit l’investiture de l’Assemblée nationale (329 voix contre 224) pour former un gouvernement disposant des pleins pouvoirs pour six mois avec mission d’établir une nouvelle Constitution.
Ø 4-7 juin 1958 : Premier voyage du général de Gaulle en Algérie. À Alger, il déclare à la foule : « Je vous ai compris ! ». À Mostaganem, pour la première et la dernière fois, il lance : « Vive l’Algérie française ! ».
Ø 12 juin 1958 : Début des travaux de la commission chargée de rédiger une Constitution sous la responsabilité de Michel Debré, Garde des Sceaux.
Ø 4 septembre 1958 : À Paris, place de la République, le général de Gaulle présente le nouveau projet de Constitution.
Ø 24 septembre 1958 : Les partisans du général de Gaulle créent un parti politique : l’Union pour la nouvelle République (UNR).
Ø 28 septembre 1958 : Par référendum, 79 % des électeurs s’étant exprimés approuvent la nouvelle Constitution.
Ø 5 octobre 1958 : Promulgation de la nouvelle Constitution. Naissance de la Ve République.
Noms et acronymes cités dans ce chapitre :
- Charles de Gaulle
- MRP : Mouvement Républicain Populaire
- Antoine Pinay
- Pierre Mendès France
- George C. Marshall (plan Marshall)
- ENA : Ecole Nationale d’Administration
- CNR : Conseil national de la Résistance
- CFTC : Confédération Française des Travailleurs Chrétiens
- CGT : Confédération Générale du Travail
- CFLN : Comité Français de Libération Nationale
- GPRF : Gouvernement Provisoire de la République Française
- Félix Gouin
- Georges Bidault
- Robert Schuman
- Maurice Thorez
- Vincent Auriol
- Paul Ramadier
- Harry S. Truman (politique de containment)
- Guy Mollet
- Viatcheslav Mikhaïlovitch Molotov
- UDSR : Union Démocratique et Socialiste de la Résistance
- Diên Biên Phu
- FLN : Front de Libération Nationale
- Jacques Massu
- Pierre Pflimlin
- René Coty
- Brigitte Gaïti
- Daniel Gaxie
Chapitre 4 : La IVème République, une nouvelle République ?
La libération en mettant fin à Vichy restaure la république, mais on ne peut pas oublier les évènements de la seconde guerre mondiale, ni sur quoi s’était bâtie la 3ème république.
Elle tiendra compte de la place des catholiques dans la résistance. Ainsi les catholiques se trouvent intégrés dans la république. La hiérarchie des évêques avait pactisé avec Pétain (peur du communiste et intérêts économiques). Mais de nombreux chrétiens des jeunesses catholiques participèrent à la résistance.
L’ancienne légitimité républicaine qui reposait sur l’adhésion aux lois laïques, va désormais se fonder sur la légitimité de la résistance. La résistance va bouleverser le clivage entre républicains et cléricaux.
Dans la résistance et la France libre on ne souhaite pas revenir à la 3ème république, jugée responsable de la défaite et de la collaboration. Il y a ici l’idée qu’il est nécessaire de fonder une 4ème république, qui ne serait plus celle des corrompus et qui romprait avec les jeux parlementaires stériles. Certains souhaitent un parti de la résistance.
Mais ce n’est pas parce qu’on est unis dans le combat passé qu’on est d’accord sur tout.
3 grands vainqueurs s’opposeront.
Les communistes, les socialistes et une nouvelle famille celle des démocrates chrétiens. De Gaulle lui n’est d’aucun parti, car dans une vieille tradition de droite républicaine on préfère parler de rassemblement, et il n’est donc pas considéré comme un fruit de la 3ème république.
On observe un divorce entre ces familles, notamment sur la question de la forme de cette nouvelle république. Quelle place doit-on accorder désormais aux partis et peut-on encore s’accommoder d’un régime d’assemblée.
L’accouchement sera long et douloureux. Dans un premier temps de Gaulle démissionne le 22/01/1946. Socialistes et communistes majoritaires présentent le 05 mai 1946 par référendum un projet de régime d’assemblée. Les électeurs démocrates chrétiens et les gaullistes, comme ceux de droite le repousseront. Un second projet sera adopté le 13/10/946.
Cette constitution est adoptée par une minorité (des inscrits, seulement 36%) et il y a beaucoup d’abstention. Les bases sont ainsi déjà fragiles dès le début.
Ce régime est le résultat d’une coalition centriste entre socialistes, communistes et démocrates-chrétiens et elle trouvera dans le général de Gaulle un ennemi intérieur.
Très semblable à la 3ème république aux niveaux institutionnel, le régime de scrutin favorisera aussi les difficultés, c’est le scrutin à la proportionnelle qui empêche la constitution de majorités stables.
Le défaut principal est l’impossibilité à dégager une majorité. Ce seront 22 gouvernements en 12 ans. Dans ce marasme il y aura 2 présidents du conseil populaires, Antoine Piney (1952 – 10 mois) et Pierre Mendes France (1954 – 8 mois).
Si elle a duré 12 ans c’est sans doute qu’elle avait des soutiens, qui ne viennent pas des coalitions notamment centristes, qui ne sont pas homogènes. Gauche et droite continueront à se diviser sur la laïcité. Cette république est aussi minée par les ambitions personnelles. Mais elle se maintient car elle est aidée de l’extérieur par le plan Marshall (USA ayant intérêt à avoir en Europe des régimes stables contre l’expansion communiste), ainsi la république mettra en place le projet européen (25/03/1957 traité de Rome). Elle bénéficie aussi d’une puissante structure administrative, la longue histoire de la centralisation a profité à cette stabilité (les ministres passent, les hauts fonctionnaires restent). En 1945, date de la création de l’ENA, c’est un projet politique destiné à former des experts de l’état dans un moule commun dédié au service public qui se forgera encore plus dans la résistance ; les instituts d’études politiques (science po) se développeront dans le même sens en 1946, le but étant de créer une république administrative.
La faiblesse structurelle de la 4ème république ne résistera pas à l’épreuve de la guerre d’Algérie. On sera incapable de plaider la solution de l’indépendance programmée de l’Algérie. Les responsables sont poussés par l’armée et la population coloniale dans cette mauvaise voie.
- Restaurer la République
Le régime parlementaire qui se met en place ressemble à celui de la 3ème république.
Pendant le régime de Vichy les forces de résistance sont diverses et peu organisées, en concurrence on observe une résistance extérieure autour du Général de Gaulle avec la France Libre, il y a déjà là un projet politique.
En 1943 est créé le conseil national de la résistance CNR, qui rassemble aussi des mouvements syndicaux (CFTC, CGT), des partis d’avant-guerre. Sera aussi mis en place le Comité Français de libération Nationale CFLN, qui est le gouvernement de la France Libre. Le 21/04/1944, l’ordonnance du CFLN sur l’organisation des pouvoirs publics accorde le droit de vote aux femmes. Le 02 juin 1944 le CFLN devient le gouvernement provisoire de la république française (GPRF) et précède de 2 mois la libération de Paris, ce n’est pas un hasard.
Après la libération les forces politiques issues de la résistance chercheront à restaurer l’autorité de l’état.
- De la libération à la naissance de la IVème République, de nouvelles institutions pour restaurer l’autorité de l’Etat ?
Au lendemain de la libération, il existe de fortes rivalités au sein de la résistance. Il y a les communistes et les gaullistes. Dans ce climat on peut très vite basculer vers l’insurrection. Le communisme français est révolutionnaire et on peut imaginer qu’il souhaite profiter du climat pour mettre en place un gouvernement révolutionnaire, mais le grand frère Soviétique ne le souhaite pas, et le PCF se soumettra à de Gaulle. C’est la 2ème fois que le PC s’opposera au soulèvement des travailleurs (1ère en 1936).
L’objectif est la restauration de l’état et la remise en marche de l’économie. On va s’appuyer sur des réformes sociales. Le 15 mars 1944, le CNR adopte de nombreuses mesures pour rétablir la république, elles prévoient le rétablissement des libertés républicaines, l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie, une organisation rationnelle de l’économie, une planification démocratique, des nationalisations, la création de coopératives, la participation des travailleurs à la direction de l’économie, le droit du travail, un plan complet de sécurité sociale, la sécurité de l’emploi, la régulation de l’embauche et des licenciements, la retraite des salariés, le droit à l’instruction.
Tout comme pour 1789, il faut ici aussi observer qu’on change de réflexion, on l’organise sur la dimension sociale. Derrière cela il y l’influence du PCF, de la CGT surtout, avec l’idée que l’instauration de la république ne peut se faire sans une réflexion sociale. Ces réformes sont présentes car le mouvement ouvrier jouit d’une grande reconnaissance, les ouvriers ont été utilisés, déportés, l’économie a été ponctionnée et le mouvement ouvrier a été très présent dans la résistance. Il y aussi le discrédit du patronat qui fut très engagé dans la collaboration. Au-delà d’une dimension économique, il y a ainsi dans les nationalisations également ce facteur.
- De l’assemblée tripartite du 21 octobre 1945 à la rupture du tripartisme
Au sortir de la guerre les premières élections législatives sont organisées le 21/10/1945 en même temps qu’un référendum qui pose la question du régime. Le non l’emporte à 96%, c’est la fin de la IIIème République.
Les législatives vont permettre de former aussi une assemblée constituante. On va constater la victoire de 3 partis, le PCF qui n’est plus interdit, la SFIO et le MRP. Ces 3 partis se sont illustrés pendant la guerre pour leur participation à la résistance. Chacun obtient entre 4,5 et 5 millions de voix sur un corps électoral de 25 millions d’électeurs femmes y compris. Chaque parti obtient entre 150 sièges sur les 586, le plus important est le PCF avec 159 sièges.
De Gaulle dirigera le premier GPRF tripartite (gouvernement provisoire). De Gaulle entre rapidement en conflit avec ses ministres, et l’assemblée nationale et surtout avec les communistes. Il entre en conflit également avec l’assemblée constituante et démissionne le 20/01/1946.
La naissance du tripartisme se produit à la mise en place avec Félix Bouin d’un nouveau gouvernement. Ces 3 partis mettent en place un protocole d’accord sur la solidarité gouvernementale afin de s’assurer de décisions collégiales.
Ces partis sont des forces décisives renforcées par la résistance. Le MRP créé en 1944 est très connu par ses représentant Georges Bidault et Robert Schumann. Ce parti rassemble des résistants catholiques, donc des démocrates chrétiens en décalage avec les positions de l’église et avec lestypes d’actions qu’a mené l’église au cours de la guerre, ils sont aussi pleinement laïques et républicains.
On trouve aussi des socialistes modéré qui ne se retrouvent pas dans les thèses marxistes encore présentent au sein de la SFIO, ils prônent la révolution par la loi.
Le MRP occupe une position de centre gauche mais son électorat est un électorat de droite, car cet électorat au sortir de la guerre n’a guère le choix, du fait que les forces de droite se sont compromises au sein de la guerre. C’est une table rase des partis de droite.
Le 1er projet constitutionnel va voir l’opposition entre le PCF et la SFIO et de l’autre côté le MRP et de Gaulle (défenseurs d’un bicaméralisme). Le 1er projet est rejeté par référendum le 05/05/1946 à 53%.
En juin 1946 la 2ème assemblée constituante est élu avec le MRP qui est en tête devant le PCF et la SFIO est affaiblie. Le nouveau Président du Conseil sera MRP avec Georges Bidault, auquel on associe Félix Bouin de la SFIO et Félix Torres du PCF.
Pendant ce temps de Gaulle se met apparemment en retrait, mais fait une rentrée politique à Bayeux avec un discours prononcé le 16/06/1946. Dans ce discours il expose ses idées constitutionnelles dont il espère qu’elles vont influencer l’assemblée constituante. Il y exprime un bicaméralisme et un pouvoir exécutif fort. Cela ne sera pas entendu, mais ce seront les grands trait de la constitution de la Vème République.
Le 13/10/1946 un nouveau projet sera soumis à référendum, marqué par 31,4% d’abstention. Néanmoins la constitution sera adoptée de justesse. On constate l’expression de 3 blocs, les abstentionnistes par forcément indifférents, un bloc de oui et un bloc de non qui rassemble 1/3 des électeurs.
Cette constitution est inspirée de celle d’avril 1946, mais est élaborée sur un compromis. Il y a 2 chambres, donc un certain bicaméralisme, mais avec un sénat affaiblit. Le rôle du Président de la République devient honorifique au profit d’un exécutif renforcé pour le Président du Conseil. De nouveaux droits économiques et sociaux sont consacrés (égalité hommes/femmes, le droit d’asile, le droit et la liberté syndicale, le droit de grève, le droit à l’emploi et la non-discrimination dans le travail). Ce préambule sera aussi consacré dans la constitution de la Vème République.
Le 16/01/1947, Vincent Auriol de la SFIO est élu Président de la République, il désigne Paul Ramadier (SFIO) Président du Conseil. Mais on constate que plusieurs questions au cours de l’année 1947 vont provoquer des tensions dans le tripartisme.
La question coloniale
C’est d’abord la question coloniale. Le 18/03/1947, les députés communistes votent contre le gouvernement sur la guerre d’Indochine (le Vietnam a déclaré son indépendance le 02/09/1945 et la France a tenté de reconstruire son emprise sur l’Indochine par la suite). Le 16 avril les ministres communistes quittent la séance du conseil des ministres pour protester contre les évènements de répression à Madagascar (révolte indépendantiste réprimée dans le sang par la Légion étrangère et des bataillons sénégalais – on estime les victimes entre 10.000 et 100.000 morts).
La question sociale :
Entre 1945 et 1947 c’est la bataille de la production, il faut reconstruire et reproduire de la richesse économique. De nombreuses grèves vont éclater. Un des premiers lieux où éclatent les grèves est les usines Renault. A la suite de l’indiscipline des communistes, le 05 mai les ministres communistes sont révoqués du gouvernement. En septembre et octobre de nouvelles grèves ont lieu sur des revendications salariales et de ravitaillement. A la fin de 1947 c’est une situation quasi insurrectionnelle.
A côté de ces questions il y a aussi la question internationale, c’est la guerre froide. Le 12/03/1947, la politique de « containment » a pour but de faire barrage au communisme (Président Truman). La stratégie armée ne sera pas légitime et on y préfère le 05 juin par le Général Marshall l’aide économique orientée via le plan Marshall.
Ces tensions vont conduire à la fin du tripartisme et au début d’une forte instabilité.
- La troisième force entre communistes et gaullistes
La guerre froide et les tensions vont rejeter à partir de 1947 les communistes dans l’opposition. Avec leur départ du gouvernement, les bases politiques du régime vont devenir très instables. Le régime est pris en tenaille par 2 contestations.
A droite :
Le général de Gaulle, qui va fonder le RPF espérant ainsi enterrer le régime sur la bases des propositions du discours de Bayeux.
A gauche :
Le PCF qui va établir une politique d’isolationnisme pro soviétique qui rendra impossible la constitution de majorité à gauche.
C’est dans ce contexte qu’on établi une 3ème force chargée de combattre le communisme et le Gaullisme. Cette 3ème force va placer Guy Mollet et les socialistes dans une situation inconfortable. Mollet ancien partisan des communistes va devenir leur bête noire du fait qu’il accepte l’alliance atlantique, on va lui reprocher de soutenir les gouvernements bourgeois. Ces partisans créent ainsi une 3ème force précaire et minoritaire, qui ne doit sa survie que du fait que ses ennemis sont incapables de s’entendre et de s’associer.
- Communistes contre la IVème République et gaullistes « contre le système »
Le système va être de plus en plus décrié, car la rationalisation prévue par la constitution (équilibre du pouvoir) va apparaitre comme un échec. Dès 1947, les habitudes de la IIIème République et les règles conventionnelles de 1877 vont l’emporter sur les nouvelles règles juridiques de la constitution de la IVème République.
La Constitution de 1946 avait essayé de corriger les défauts passés, en renforçant le pouvoir exécutif et en rationnalisant le travail parlementaire. Dès janvier 1947 on constate que ce texte est en fait oublié dans la pratique. Le Président du Conseil Paul Ramadier réinstaure la coutume de la double investiture qui détruit la relative autonomie que lui accordait le texte constitutionnel. Après avoir été investi selon la procédure prévue, Ramadier décide de revenir devant les députés pour leur poser la question de confiance sur la composition de son gouvernement. Cette initiative contraire à la constitution, n’est pas une provocation pour Ramadier, c’est un résistant de 60 ans qui a fait toute sa carrière sous la IIIème République et il a du mal à se défaire de ces habitudes. Il signifie ainsi aux députés qu’il n’a pas l’intention de rompre « le pacte des pairs » et qu’il ne souhaite pas gouverner seul. C’est un acte majeur, car cela atteste de la prégnance des règles tacites normatives issues de la IIIème République. Les successeurs de Ramadier se sentiront obligés de procéder de même et vont ainsi perdre toute autorité sur leurs ministres investis par les députés. Les gouvernements vont reprendre l’habitude de démissionner dès leur mise en minorité. Ces usages vont participer à l’instabilité chronique du régime (durée de vie moyenne d’un gouvernement est de 7 mois).
A partir de l’expulsion des communistes, environs 200 députés de l’assemblées nationale deviennent hostiles à la IVème République. Le Président du Conseil doit gouverner en comptant sur un peu moins de 400 députés.
Deux grandes forces sont opposées au régime, le PCF et le Gaullisme. Le PCF au sortir de la guerre exerce une fascination auprès des intellectuels, au cours de la résistance il a opéré une conquête de la CGT qui en 1946 compte 6 millions d’adhérents. Ce binôme permet au PCF de maintenir et de construire des liens étroits avec la classe ouvrière. En 1956 entre 50 et 60% des ouvriers votent pour le PCF le reste pour la SFIO. Le PCF peut aussi compter sur un merveilleux système partisan et dispose du prestige de la résistance, il peut aussi compter sur une légitimité internationale au point que de Gaulle dira que « l’URSS se situe à deux étapes du tour de France ».
En 1947 le PCF a pris le tournant de la guerre froide et à l’issue des grèves de 1947 on estimera qu’elles ont été téléguidées par l’URSS (« grèves Molotov ») ; dès lors il y a l’idée que le PCF n’est plus qu’un satellite de l’URSS.
La scission de la confédération générale du Travail se traduira par la création de Force Ouvrière (anti stalinienne suspectée d’être une création de la CIA). En 1948 auront lieu de nouvelles grèves très violentes. L’armée sera mobilisée et 2.000 syndicalistes seront arrêtés. Le pays parait au bord de l’implosion.
Pendant ce temps-là de Gaulle s’active. Le 07/04/1947 il annonce à Strasbourg la création du RPF (créé le 14 avril). Le but est la mise en œuvre du programme du discours de Bayeux, véritable arme de guerre contre le régime en place que de Gaulle qualifie de « régime de partis ».
De Gaulle ne souhaitait pas créer un parti mais un rassemblement (aujourd’hui encore le mot « parti » est surtout utilisé à gauche) du peule français. Les adhésions seront massives, plus d’un demi-million de français s’y rallieront, ce sera la 2ème force derrière le PCF. Ce sont des cadres moyens et des employés.
Ce RPF est regardé avec suspicion par le MRP. La majorité parlementaire évoluera du fait des mouvements d’alliance entre parlementaire et hommes politiques.
- La France s’ancre à droite
Du fait de la fin du tripartisme on tente de constituer une alliance politique face au PCF et au RPF. Cette 3ème force regroupe le MRP, la SFIO et des radicaux et des socialistes modérés rassemblés au sein de l’UDSR (Union démocratique et socialiste de la résistance, très anti communiste). L’UDSR est présidé entre 1953 et 1965 par Mitterrand (jamais membre de la SFIO).
Contrairement aux prévisions de de Gaulle la cohésion parlementaire va malgré tout se maintenir. Ce mariage n’est pas un mariage d’amour, ces forces sont condamnées à vivre ensemble malgré les oppositions sociales, coloniales et scolaires.
Pour se maintenir au pouvoir on fait une nouvelle loi électorale dite des « apparentements », c’est une subtilité électorale (sous la 5ème république elle est considérée comme assassine).
Du fait de cette nouvelle alliance, le gouvernement va se déplacer lentement sur sa droite. A la fin les gouvernements seront MRP. Le gouvernement prend des positions libérales et signe le pacte atlantique (alliance avec USA et UK).
L’instabilité est limitée par la volonté des acteurs en place de conserver le pouvoir.
- La IVème République, expansion et délitements.
Les troubles vont se développer en Afrique du Nord alors que la guerre fait rage encore en Indochine.
La position coloniale française est difficile, car tant l’URSS que les USA sont opposés aux politiques coloniales des anciens empires. Avec cynisme ces pays sont favorables à l’auto détermination des peuples.
- Le moment Mendès-France (1954-1955)
Pierre Mendès-France est atypique car il se veut au-dessus des partis comme de Gaulle. C’est un social-démocrate hostile aux communistes et à l’extrême droite (il aura été le seul à voter contre les JO de Berlin). Il développe un style de gouvernement nouveau, il souhaite s’adresser au français toutes les semaines, chaque samedi, par le biais de la télévision. Il s’agit là de s’appuyer sur l’opinion par-dessus le parlement et les organisations partisanes. Ce style sera repris par de Gaulle.
Ce style est une critique implicite du régime et des calculs politiques. Son idée est de dépoussiérer le régime parlementaire sans le renverser. Son discours d’investiture « gouverner c’est choisir » fournit tous les gages de bonne conduite, mais en fait il s’agit de requalifier le sens d’un soutien parlementaire éventuel. Il indique qu’en votant pour lui, les parlementaires s’engagent à la loyauté : « vous serez engagés, vous devez laisser se développer l’action gouvernementale… ».
Il revendique de l’autonomie, il prétend mener une politique personnelle. Mais cela apparait inadmissible pour des députés formés sous la 3ème République.
C’est sur la question coloniale qu’il fera la différence. Dès 1950 il est un opposant à la guerre d’Indochine et s’impose comme un recours pour régler la crise. Le 18/06/1954 il est nommé Président du Conseil avec l’objectif de régler la question d’Indochine par la négociation, il se donnera 30 jours pour régler la paix dans un conflit qui dure déjà depuis 8 ans. Les accords de Genève du 20/07/1954 mettront fin au conflit et il gagne ainsi son pari.
A la suite de ce règlement, il engage des négociations qui aboutissent à l’émancipation de la Tunisie.
En novembre 1954 une nouvelle insurrection apparait en Algérie et Mendès-France contrairement à ce qu’il a fait avant refuse de négocier avec le FLN et la France entre dans une nouvelle phase d’instabilité. Le 05/02/1955 le gouvernement Mendès-France est renversé.
Cette question coloniale est le cancer de la 4ème République. La guerre coute cher économiquement et humainement. La question algérienne affecte l’armée et les colons d’Algérie, qui accusent la République de brader l’empire. Il y a aussi l’idée qu’on brade également un projet républicain car sous la 3ème République la colonisation était ainsi perçue.
- La guerre d’Algérie et la chute de la IVème République
De Gaulle va revenir au pouvoir et donner à la France une nouvelle Constitution.
Le 13 mai 1958 l’immeuble du gouvernement général à Alger est envahi par la foule et Massu fonde un comité de salut public qui n’obéit plus au pouvoir politique, le but étant d’empêcher la nomination de Pierre Pflimlin favorable aux négociations avec le FLN. Massu souhaite aussi favoriser le retour de Gaulle.
Le 15 mai, De Gaulle déclare par communiqué être prêt à assumer les pouvoirs de la République. Des tractations et des rencontres secrètes vont avoir lieu.
Dans la nuit du 26 mai le Président du Conseil Pflimlin rencontre de Gaulle en secret pour s’assure des conditions de son retour. Cet entretien échoue et de Gaulle choisit de forcer le destin.
Le 27 mai de Gaulle déclare avoir entamé le processus régulier nécessaire à l’établissement d’un gouvernement républicain, et Pflimlin décide de démissionner, alors que de Gaulle s’entretien avec le président du parlement sur les conditions de son retour.
Le 29 mai, René Coty fait appel à de Gaulle pour sortir de l’impasse Algérienne.
Le 1er juin il est investi Président du Conseil, des pleins pouvoirs et d’une dérogation exceptionnelle pour réviser la Constitution.
Le projet sera soumis à un comité consultatif, puis soumis à référendum et approuvé à 82,6% (abstention de 15%). Le 04/10/1895 la constitution est promulguée.
De Gaulle sera élu Président de la République (par 80.000 grands électeurs) le 21/12/1958.
Conclusion :
Le régime de la 4ème République fonctionne comme un repoussoir, sa représentation historique est celle d’un régime très instable. Cette instabilité serait due à la prééminence de l’Assemblée Nationale sur le pouvoir exécutif et le gouvernement, et parce que c’était un régime des partis selon l’expression de de Gaulle. C’est l’assemblée nationale et les partis politiques qui auraient provoqué la chute de ce régime.
Cependant Daniel Gaxie explique que contrairement à l’idée reçue si le régime a chuté c’est du fait que les partis étaient faibles, minés par des tendances rivales ils n’arrivent pas à imposer une discipline de vote (les députés sont des notables locaux intéressés par leurs seuls intérêts). Les marchés politiques sont faiblement unifiés. L’auteur travaillant sur les discours des députés, remarque que les députés votent davantage sur des considérations territoriales plutôt que partisanes. Dès lors, la 4ème République est plutôt un régime de coalition de personnalités appartenant à des partis différents, de plus la filière d’accession à la politique est ascendante pour peu que la personne suive la règle des réseaux. Ce qui domine, ce sont les intérêts individuels et ce régime détermine les choix et la formation de coalition à l’intérieur de l’assemblée nationale. Si les partis ne jouent pas le premier rôle, les électeurs non plus. La situation est donc dépendante du jeu qu’instituent les acteurs politiques.
Bibliographie pour la séance :
Jean-Jacques Becker, Histoire politique de la France depuis 1945, Paris, A. Colin, 1998.
Jacques Chapsal, La vie politique en France de 1940 à 1958, Paris, PUF, 1996.
Eric Duhamel, Histoire politique de la IVè République, Paris, La Découverte, coll. Repères, 2000.
Brigitte Gaïti, De Gaulle, Prophète de la Cinquième République, 1946-1962, Paris, Presses de sciences po, 1998, chapitre 3 « Les règles du jeu politique sous la quatrième république », p. 83-116.
Daniel Gaxie, « Les structures politiques des institutions. L’exemple de la IVème République », Politix, n° 20, 1992.
Bernard Lefort, « Les partis et les groupes sous la Quatrième République », Pouvoirs, n° 76, 1996, p. 61-79.
Jean-Pierre Rioux, La France de la Quatrième République. L’ardeur et la nécessité, 1944-1952, Paris, Seuil, 1980.
Jean-Pierre Rioux, La France de la Quatrième République. L’expansion et l’impuissance, 1952-1958, Paris, Seuil, 1983.
Pierre Rouanet, « L’échec du gouvernement Mendès France », in Jean Pierre Rioux, Pierre Mendès France et le mendésisme, Paris, Fayard, 1985.
Michel Winock, La République se meurt, 1956-1958, Paris, Seuil, 1985.
Chapitre 5 : La Vème République : une République gaullienne ? (4 heures)
Repères chronologiques (1958-1969)
1958-1962 : les débuts de la 5ème République et le règlement du conflit algérien
Ø Le 13 mai 1958, les militaires en Algérie, partisans de l’Algérie française, contestent les autorités légales et constituent un Comité de salut public, présidé par le général Massu, qui fait appel à Charles de Gaulle (DG) pour trouver une issue au conflit.
Ø Le 1 juin 1958, de Gaulle est investi Président du Conseil (dernier Président du conseil de la 4ème République) par l’Assemblée nationale.
Ø Le 2 juin, les députés votent les pleins pouvoirs à DG pour 6 mois.
Ø Le 4 septembre 1958, de Gaulle présente un nouveau texte constitutionnel aux français.
Ø Le 28 septembre, un référendum constitutionnel est organisé : le ‘oui’ l’emporte largement (79,3 % des suffrages et 85 % de participation).
Ø Le 4 octobre 1958 : entrée en vigueur de la constitution de la 5ème République.
Ø Le 23 octobre 1958, de Gaulle propose une « paix des braves » au FLN, qui décline la proposition.
Ø Les 23 et 30 novembre 1958 sont organisées les premières élections législatives de la 5ème République. L’UNR les remporte largement.
Ø Le 21 décembre 1958, de Gaulle est élu premier Président de la République avec 78,5 %, par un collège de 80 000 grands électeurs. Il succède ainsi à René Coty (dernier président de la 4ème)
Ø Le 8 janvier 1959, de Gaulle nomme Michel Debré, Premier Ministre.
Ø Le 16 septembre 1959, de Gaulle, dans une allocution télévisée annonce le droit de l’Algérie à l’auto-détermination.
Ø 24-31 janvier 1960, « semaine des barricades » à Alger.
Ø Le 8 janvier 1961, est organisé un référendum sur l’autodétermination : le oui pour l’organisation d’un référendum sur l’autodétermination l’emporte à 75%.
Ø Dans la nuit du 21 au 22 avril 1961, a lieu une nouvelle tentative de putsch de la part de 4 généraux de l’armée (Salan, Zeller, Challe et Jouhaud). Les paras s’emparent d’Alger et arrêtent les représentants de l’Etat.
Ø Le 17 octobre 1961, une manifestation pro-FLN des Algériens de la région parisienne à Paris est durement réprimée.
Ø Le 18 mars 1962 : conclusion des accords d’Evian entre le Gouvernement français et le Gouvernement provisoire de la République algérienne.
Ø Le 8 avril 1962, est organisé un référendum pour ratifier les accords d’Evian : 90% des suffrages exprimés de France métropolitaine exclusivement se prononcent en faveur de leur ratification.
Ø Le 5 juillet 1962, le jour de l’annonce officielle de l’indépendance, l’Armée de Libération Nationale (branche armée du FLN) massacre les populations européennes et harkis pour les intimider dans la ville d’Oran.
Ø Le 22 août 1962, l’OAS organise un attentat contre de Gaulle, connu sous le nom de l’attentat du Petit-Clamart.
1962-1967 : l’affirmation du présidentialisme
Ø Le 14 avril 1962, de Gaulle nomme à la surprise générale, Georges Pompidou, pour succéder à Michel Debré, au poste de premier ministre.
Ø Après que de Gaulle a annoncé son intention de passer par la voie référendaire pour modifier la constitution (Article 11 plutôt que l’article 89), l’assemblée générale du Conseil d’État a déclaré le projet anticonstitutionnel, à l’unanimité moins une voix, le 1er octobre 1962.
Ø Le 5 octobre 1962, une motion de censure du gouvernement est déposée et adoptée par tous les partis politiques de l’Assemblée nationale à l’exception du mouvement gaulliste.
Ø Le 9 octobre 1962, de Gaulle dissout l’Assemblée nationale.
Ø Le 28 octobre 1962, la révision de la constitution prévoyant l’élection du Président de la République au SU direct est ratifiée par référendum.
Ø Les 18 et 25 novembre 1962, les élections législatives sont une victoire pour l’UNR.
Ø L’opération « Monsieur X » est lancée par l’Express, le 19 septembre 1963. Pierre Mendès-France censé bénéficier de cette opération déclina sa participation à l’élection présidentielle. C’est Gaston Deferre qui profita de cette opération ava nt d’être contraint de se retirer à son tour.
Ø Le 9 sept 1965, François Mitterrand annonce sa candidature à l’élection présidentielle.
Ø De Gaulle annonce sa candidature tardivement le 4 novembre 1965.
Ø Le 5 décembre 1965, c’est le premier tour de l’élection présidentielle. De Gaulle, malgré une participation importante (15% d’abstention), est mis en ballotage.
Ø Le 19 décembre, de Gaulle remporte l’élection pour la présidence de la République face à François Mitterrand.
Ø De Gaulle prend alors ses distances, et fait sortir en 1966 la France de l’OTAN.
Ø Les 5 et 12 mars 1967, les élections législatives marquent la progression des forces de gauches. L’UNR l’emporte d’une courte tête et est obligée de composer avec les indépendants.
Ø En avril 1967, le Premier ministre Georges Pompidou forme un gouvernement de rassemblement de la droite.
Mai 1968-1969 : une fin de règne
Ø Dans la nuit du 10 au 11 mai, c’est « la nuit des barricades ». Des affrontements réprimés ont lieu toute la nuit au quartier latin, des violences, des blessés…
Ø Les organisations syndicales « ouvrières », par solidarité « contre la répression policière », se joignent au mouvement et organisent une grande manifestation le 13 mai, qui rassemble 200 000 personnes à Paris.
Ø Le 14 mai, les étudiants sont rejoints par les ouvriers : les métallos de Sud aviation, à Nantes, entrent en grève et occupent leur usine.
Ø Le 17 mai, il y a déjà 300 000 grévistes et le 18, les 2 millions de grévistes sont atteints.
Ø Du 19 au 27 mai, le mouvement se généralise : dans l’industrie, chez les fonctionnaires, les enseignants.
Ø Le 22 mai, on dénombre jusqu’à 10 millions de grévistes.
Ø De Gaulle veut reprendre la main et annonce le 24 mai un referendum sur la participation (substituer la collaboration des classes à la lutte des classes). Cette annonce n’a aucun effet.
Ø Le 27 mai, Etat, CNPF et syndicats s’accordent sur « le constat de Grenelle », mais ce constat n’a pas été validé par la base de la CGT.
Ø Le 28 mai, François Mitterrand tente à son tour sa chance : il fait le constat d’une carence du pouvoir et propose de former un gouvernement provisoire. En vain.
Ø Le 29 mai, De Gaulle a disparu (il est parti en Allemagne, à Baden-Baden, consulter le général Massu). Les gaullistes envisagent une manifestation monstre à Paris en soutien au régime. L’armée est disposée autour de Paris…
Ø Le 30 mai, de Gaulle annonce : 1) la dissolution de l’Assemblée Nationale et en appelle 2) à une manifestation en défense du régime. Cette manifestation, organisée dans la foulée, est un succès : entre 400 000 et 1 million de personnes défilent sur les Champs-Elysées.
Ø Les 23 et 30 juin 1968, les élections législatives sont un triomphe pour l’UDR (nouveau mouvement gaulliste) qui obtient 46% au premier tour.
Ø Le referendum sur la réforme du Sénat se tient le 27 avril 1969 et se conclut par un échec pour de Gaulle (le « non » l’emporte avec 53,2 %). De Gaulle démissionne de son poste suite à ce revers puis se retranche à Colombey.
Ø Le 9 novembre 1970, de Gaulle décède à Colombey.
Noms cités dans ce chapitre :
Ø René Cassin / Maurice Challe / René Coty / Maurice Couve de Murville / Michel Debré / Gaston Deferre / Charles de Gaulle / Valéry Giscard-d’Estaing /Edmond Jouhaud / Jean Lecanuet / Jacques Massu / Pierre Mendès-France /François Mitterrand / Guy Mollet / Pierre Pflimlin /Antoine Pinay / Georges Pompidou / Pierre Poujade / Raoul Salan / Jean-Louis Tixier-Vignancour /André Zeller.
Ø Baden-Baden / Oran / Evian-les-Bains / Colombey-les-deux-Églises.
Ø Françafrique
Ø Henri Mendras / Pierre Avril
Ø Ex-post
Chapitre 5 : La Vème République : une République gaullienne ? (4 heures).
La guerre finie de Gaulle va pouvoir achever son œuvre par l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Face à de nombreuses hostilités de Gaulle l’emportera.
En 1962 on peut dire que la nouvelle constitution est désormais bouclée. Le régime est solide et sa légitimité repose sur un large assentiment populaire. Les électeurs semblent désormais avoir une prise sur leurs représentants.
Introduction et comparaison IVème / Vème République.
Ce serait un régime de plus en plus stable notamment du fait majoritaire.
Cette stabilité serait liée à la rationalisation du parlementarisme. Les juristes insistent sur les dispositifs constitutionnels. Ainsi la 4ème république était instable car le Président du Conseil était responsable devant le Parlement, l’inverse si la 5ème est stable c’est du Fait que le Président de la République dispose d’importants pouvoirs et qu’il est élu au suffrage universel direct. Les règles prévues imprimeraient donc leurs marques au régime.
En science politique le regard est bien différent. Cf ouvrage de Jacques Lagrois « le pdt de la République genèse et usage d’une constitution ».
Ceci nous montrent que les caractéristiques des interactions sont l’expression d’un certain état du champ politique (les spécificités des régimes proviennent non pas tant des textes constitutionnels, mais davantage des configurations politiques, c’est-à-dire qu’elles proviennent du système plus ou moins stabilisé des relations que construisent les acteurs politique, ainsi pour lire les régimes politiques il faut s’intéresser au jeu mis en place par les acteurs politiques).
On montrera que les particularités de ce régime (centralisme, suprématie de l’exécutif, place accordée aux hauts fonctionnaires au détriment des élus locaux) ne peuvent se comprendre hors le contexte, hors le champ politique et hors la pratique des institutions par les acteurs eux-mêmes. On montera en quoi et comment ce régime a été façonné par la pratique du pouvoir très personnelle du général de Gaulle, contrainte aussi par le contexte social. On s’intéressera à la modification des règles du jeu avec en 1962 la réforme de l’élection du Président de la République et en 1968 la fin d’une époque.
- La genèse d’une nouvelle République dans un contexte de crise.
La 5ème république se caractérise par une certaine stabilité gouvernementale.
Cela n’allait pas de soi à l’époque de la mise en place des bases du régime. C’est dans un contexte de guerre civil que ce régime fut instauré. On aurait pu penser que c’était un régime moratoire et transitoire.
- L’« appel » au général de Gaulle.
Cet appel a lieu dans un contexte de radicalisation des protagonistes (armée d’un côté et FLN de l’autre).
L’armée est très remontée contre le régime de la 4ème République, il y a le sentiment qu’elle brade l’empire De plus il y a des intérêts économiques en Algérie (pétrole du Sahara). La classe politique est très partagée et on constate des revirements au cours de cette crise, ainsi Guy Mollet était au départ favorable à la discussion avec le FLN, mais après la journée dite « des tomates » (mauvais accueil à Alger) son attitude va déboucher sur la bataille d’Alger et se radicaliser.
Le 13 mai 1958 les militaires vont contester les autorités légales. Massu veut faire appel à de Gaulle et dans ces prémices, de Gaulle et ses soutiens vont jouer un rôle très ambigu auprès de ces militaires.
De Gaulle impose des conditions à son retour, comme la mise en place d’institutions à sa mesure pour régler le conflit en Algérie (certains ont donc craint la résurgence d’un pouvoir autoritaire basé sur le césarisme). Face à la menace d’un putsch militaire le retour de de gaulle va s’imposer aux parlementaires.
Le 2 juin les parlementaires voteront les pleins pouvoirs de de Gaulle pour 6 mois. Ceux qui critiquent cela sont les communistes et Pierre Mendès-France. D’autres, comme Mitterrand qui rédigera un texte intitulé « le coup d’état permanent ».
De Gaulle décidera de composer un gouvernement d’union nationale. Il entamera des démarches pour modifier la constitution en contournant l’Assemblée Nationale et l’article 90 de la constitution de 1946. Il donnera cependant des gages. La mise à l’écart du parlement sera soumise à 3 conditions :
- La nouvelle constitution doit respecter la séparation des pouvoirs et la responsabilité du gouvernement devant le parlement.
- Le texte devra être soumis pour avis consultatif à un comité parlementaire.
- Le texte devra être validé par référendum
La mise à l’écart des parlementaires s’effectue au profit d’un comité de hauts fonctionnaires issus de l’ENA et de juristes, marqués par l’esprit réformateur et technocratique. Ils partagent la conviction que la faiblesse de la 4ème république tient à la faiblesse de son exécutif, il y aura donc la volonté de rationaliser le parlementarisme. On va donc imaginer la réduction de l’emprise du parlement sur le gouvernement pour assurer une plus grande efficacité du gouvernement.
Le gouvernement est toujours responsable devant le parlement mais les conditions de la mise en jeu de cette responsabilité sont plus restrictive et la fonction de ministre est rendu incompatible avec le mandat parlementaire, les compétences normatives du parlement sont aussi limités. Il y a aussi un institutionnalisation du référendum comme outils de contournement du parlement qui n’est plus maitre de l’ordre du jour ni de la procédure législative.
On va aussi observer la supériorité de l’exécutif. La constitution commence par énumérer les pouvoirs de l’exécutif et non du législatif. Le Pdt de la République jouit de véritables pouvoirs ; il nomme le 1er ministre comme il l’entend, il peut dissoudre l’Assemblée Nationale (après son élection, ou par pur confort), il dispose de pouvoirs spéciaux en cas de crise (librement interprétable), il peut recourir au référendum.
Au début il est élu par un collège de grands électeurs, mais ce pouvoir des parlementaires est restreint car ce collège contient des élus municipaux et des conseillers généraux.
Le 1er ministre peut légiférer par ordonnance (art.49-3) et outrepasser ainsi la procédure parlementaire. Le retour au parlementarisme dualiste permet tantôt de s’appuyer sur une chambre tantôt sur l’autre.
Les parlementaires sont attachés à la tradition des républiques antérieures et ils comptent revenir rapidement à une pratique des institutions conforme à cet ancien modèle.
Le 04/10/1958 lors de la présentation du texte constitutionnel, de Gaulle annonce le référendum qui validera l’acceptation à plus de 80%. Tout le monde s’est rallié au camp du oui, exception faite du PCF et de certains opposants comme Mendès-France et Mitterrand.
Ce oui massif donnera une grande légitimité au texte comme à de Gaulle, ce qui permettra de remporter les législative de novembre 1958. Ce sera un renouvellement important du personnel politique, seuls 131 députés retrouveront leur siège (300 nouveaux députés arriveront). Certaines forces politiques seront les grands perdants, comme le PCF qui passe de 150 députés à 10, l’UDCA (union de défense des commerçants et artisans de Poujade) aussi.
La défaite de certains tient à la légitimité nouvelle de de Gaulle mais aussi à la célébration d’un nouveau mode de scrutin, le scrutin majoritaire à 2 tours qui handicape les formations marginales ou incapables de s’allier en vue de désistements stratégiques.
Les grands vainqueurs seront ceux de l’UNR (Union pour la République, nouvelle formation gaulliste), qui gagnent 198 sièges et les modérés remportent 133 sièges. La majorité est ainsi toute acquise au général de Gaulle à qui ils doivent leur réussite.
Cet UNR est construit sur le modèle des machines électorales américaines, et ce parti va utiliser des techniques de mobilisation électorales moderne, il va rémunérer ses militants de terrains et va utiliser les sondages d’opinion. Il se prévaut donc d’une certaine modernité ce qui lui permet de délégitimé les députés de la 4ème république. Il met en place une politique d’accord de désistement avec les modérés. Se met alors en place la discipline partisane. L’UNR exclura les candidats qui ne respectent pas la discipline interne.
Ces règles vont se retrouver dasn les autres parti et cela participera à l’apparition du fait majoritaire.
De Gaulle est élu avec 78,5% des voix des grands électeurs en 1958 et il nomme Michel Debré 1er ministre.
Le gouvernement présentera 2 particularités :
- C’est un gouvernement d’union nationale, tous les partis sont représentés sauf les communistes. C’est ainsi que Guy Mollet, Pflimlin sont nommés ministres d’état. Les seuls gaullistes purs sont Debré. Aucun gaulliste n’est partisan de l’Algérie française.
- On observera l’arrivée de hauts fonctionnaires, comme Maurice Couve de Murville qui est nommé aux affaires étrangères. C’est une nouvelle filière de recrutement politique, désormais le profil d’accession au poste ministériel a changé. Le pouvoir s’exerce dans l’antichambre de Matignon où les hauts fonctionnaires se réunissent autour de Georges Pompidou.
Ce gouvernement d’union nationale sera un échec et débouchera sur le clivage gauche/droite. Mollet s’oppose à Pinet sur la politique économique et sociale, et la SFIO entrera sans l’opposition en quittant le gouvernement.
- Le règlement de la question algérienne.
L’arrivée de de Gaulle au pouvoir ne règle pas le conflit en Algérie. Pour ménager ses divers soutiens et s’assurer sa légitimité, de Gaulle a volontairement entretenu une certaine ambiguïté sur sa position quant au règlement de la question Algérienne. On se souvient (04/06/1958 à Alger) de son célèbre « je vous ai compris », qui fera croire à chacun des camps d’avoir été compris, alors que le seul qui y comprend quelque chose s’est de Gaulle lui seul. C’est la valse-hésitation en fait marquée par des reculades.
L’action de de Gaulle est marquée par une forme d’adaptation pragmatique à une situation politique qui évolue très rapidement.
De 1958 à 1962, l’objectif de de Gaulle est de préserver son autorité politique et la fonction présidentielle qu’il occupe, mais aussi les institutions de la 5ème république avec lesquelles il estime faire totalement corps. Ces institutions sont en effet très liées à de Gaulle qui parle souvent à la 3ème personne.
Dans ce contexte, les premières actions de de Gaulle consistent à restaurer les institutions et l’autorité de l’état. Il met en place 2 techniques :
- Il reprend la main sur l’armée en rappelant en métropole une partie des bataillons d’Algérie et notamment l général Salan, artisan du putsch.
- Il accentue la politique d’intégration nationale, en supprimant les 2 collèges électoraux d’Algérie, qui opposaient les autochtones et les colons. Il tente de développer l’économie algérienne par des investissements.
Le FLN est alors en train de perdre la guerre, mais au lieu de se rendre et d’accepter « la paix des braves » proposée par de Gaulle en novembre 1958, ils maintiennent leur opposition.
La position de de Gaulle va évoluer au début de l’année 1959, ce pour 2 raisons :
- Le FLN bénéficie du soutien de l’ONU notamment. En parallèle le FLN bénéficie aussi du soutien du mouvement de décolonisation né dans l’ancien empire asiatique français.
- L’enlisement du conflit pèses lourdement sur les finances publiques et surtout les premiers décomptes en terme de victimes ont tendance à faire fléchir l’opinion publique (on estime que la guerre aura couté 25.000 du côté français et 250.000 du côté algérien).
Cette évolution aboutie à l’annonce, le 16/09/1959, à l’annonce du droit de l’Algérie à accéder à l’autodétermination. Un référendum est alors soumis, sous conditions d’un cesser le feu immédiat et l’acceptation par les belligérants de 4 années de paix. Les acteurs ont alors le choix entre 3 solutions :
- La sécession, mais cela fait peser le risque d’une dictature des communistes algériens.
- La francisation, jugée peu probable mais qui permettrait d’intégrer l’Algérie en tant que véritable département français. Cette option est défendue par les colons et les ultras en France.
- Le gouvernement des algériens par les algériens appuyé sur l’aide de la France et en étroite union avec elle. C’est cette solution que de Gaulle privilégie. Ceci répond aux attentes du parlement français et surtout au camp des libéraux, mais elle déplait aux colons. Elle déplait aussi au gouvernement provisoire du GPRA (constitué sur le modèle du GPRF), car il attendait la proclamation de l’indépendance de l’Algérie.
On va observer un phénomène de radicalisation de la crise. Massu va s’opposer à de Gaulle qui décide de le destituer. Massu appelle alors l’armée à l’insoumission. L’armée restera cependant fidèle à de Gaulle en raison de son passé militaire.
La radicalisation s’installe aussi chez les colons qui se soulèvent (semaine des barricades en 1960).
La classe politique et la population se divisent alors entre partisans de l’Algérie française et partisans de l’indépendance. Ceci traversera et fracturera toutes les formations politiques françaises. L’UNR lui-même se fracture autour de cette question. Par exemple la fédération du Nord verra le nombre de ses militants divisé par deux.
La seule formation qui résiste est le PCF qui a appris à rester unis.
Les pacifistes commencent à tenter de peser sur l’opinion publique. La publique en 1960 de l’ouvrage d’Henri Allègues (la question) dénoncera la torture en Algérie.
Toute la population est ainsi absorbée par cette tension.
De Gaulle en appellera à la légitimité populaire. Le 08/01/1961 est ainsi organisé un référendum sur l’autodétermination. C’est un succès pour de Gaulle, car le OUI pour l’organisation d’un référendum sur l’autodétermination l’emporte à 75 %. En Algérie le OUI domine aussi mais à Alger le NON s’élèvera à 72%.
La radicalisation va se poursuivre. Les colons vont venir rejoindre les rangs de l’OAS. C’est une situation insurrectionnelle.
Les négociations reprennent en février 1961.Elles sont marquées par 2 grands évènement :
- Une nouvelle tentative de putsch, par Salan, Zeller, Challe et Jouaux. Dans la nuit du 21 au 22 avril 1961 les parachutistes s’emparent d’Alger et vont arrêter les représentants de l’Etat. Depuis Paris, de Gaulle enjoint les appelés à ne pas obéir aux généraux félons. Le putsch est un échec.
- La tenue d’une manifestation pro FLN des algériens de la région parisienne, le 17 octobre 1961 elle sera durement réprimée. Les forces de l’ordre sont sous l’autorité de Maurice Papon. On sait que quelques mille algériens seront parqués dans le stade de Coubertin et seront battus et jetés dans la seine. On estime les morts entre 30 et 300.
Il y aura les accords d’Evian le 18/03/1962. Pieds noirs et Harkis préfèrent partir.
05/07/1962 massacre par l’armée du FLN à Oran contre les populations européennes.
Plus de 800.000 colons quittent l’Algérie.
Seule l’extrême droite appellera à voter contre les accords d’Evian.
Les colons de retour en France et mal accueillis, développeront un sentiment de revanche à l’encontre de de Gaulle. Encore de nos jours, cette population demeure attirée par un vote extrême.
De gaulle s’est résolu à l’indépendance, en s’adaptant à une conjoncture critique. Dans cette période il fallait inventer et c’est ce que fit de Gaulle.
La nouvelle constitution ne permet pas à elle seule de sortir de la crise. La situation offrira à de Gaulle des marges de manœuvre considérable. Il multipliera les initiatives personnelles en s’appuyant sur les pleins pouvoirs. Il imposera sa propre lecture de la constitution, ce qui marquera durablement la pratique des institutions par ses successeurs.
Il assoira les institutions, sont soucis essentiel étant de restaurer la grandeur de la France.
- Restaurer la « grandeur de la France »
De Gaulle ressent une nostalgie de la puissance de la France d’autrefois.
Dans le contexte de décolonisation de Gaulle constate que la France n’a plus sa place dans le concert des nations. Il va s’attacher à la rétablir dans sa puissance tant externe qu’interne.
- Le développement de la coopération et le maintien de « l’indépendance nationale ».
C’est la prise en charge de la politique étrangère. On nommera cela « domaine réservé ». La politique de l’exécutif consiste à maintenir une certaine dimension politique dans les anciens territoires colonisés.
On reconnait une certaine indépendance économique aux territoires associés qui ont ainsi le choix d’évoluer vers l’indépendance.
Sous la 4ème république cet ensemble s’appelait l’union française, désormais on appelle cela « communauté ».
Plusieurs situations vont émerger :
Il y a d’abord des pays qui acceptent d’entrer dans la communauté, le Soudan français (Mali actuel) et le Sénégal, et ils accèdent ainsi à leur indépendance.
Les pays qui refusent d’entrer dans la communauté, c’est le cas de la Guinée, et la France semble alors cesser toute relation.
La décolonisation n’a pas abolie la présence française en Afrique, petit à petit succèdent aux colons des élites francophones. L’influence française va passer par des réseaux clandestins et sera de plus en plus piloté pilotée par l’Elysée (la France Afrique).
De Gaulle entend mettre en scène l’indépendance de la France par rapport à la domination américaine. Or la France doit au plan Marshal une partie de sa reconstruction.
De Gaulle proposera que l’OTAN soit gouvernée par un directoire à trois, dans lequel siègerait la France. Les USA rejettent cette proposition. Ainsi de Gaulle mettra en œuvre une politique de retrait. La France quitte l’OTAN.
En Février 1960 la France se dote d’une force atomique autonome, elle se trouve ainsi sur un plan d’égalité avec les USA, l’URSS, la Grande Bretagne.
La France se positionne cependant dans le bloc occidental de soutien aux USA.
La construction du leader ship français se caractérisera aussi au sein de la CEE. A partir de 1962 on assistera à un conflit sur la politique agricole commune. De Gaulle met en place la politique de la chaise vide et se met à dos les députés du MRP les plus europhiles.
De Gaulle considère les communistes comme ses meilleurs adversaires. Cette relation aura comme caractéristique de participer à l’exclusion des autres forces politiques du jeu électoral.
- La modernisation de la France.
De Gaulle insiste beaucoup au début sur une modernisation à forte teneur économique et technocratique. Sa politique économique est singulière, car elle s’appuie sur 2 ressorts qui peuvent paraitre surprenants.
Il y a d’abord un libéralisme économique axé sur les échanges. Il faut faire entrer la France dans la compétition économique internationale.
Mais il y a aussi un dirigisme étatique. Il soutient la planification économique et la constitution de champions industriels nationaux, notamment l’industrie automobile (fleuron de l’économie).
De Gaulle développe aussi le nucléaire civil et pousse à la modernisation de l’agriculture en France au moyen de la politique agricole commune (moyen de subventionner la modernisation). On souhaite augmenter la taille des exploitations agricoles et on veut s’axer sur une agriculture intensive et industrielle.
On parlera dès lors de la fin des paysans (Henri Mandras 1967), remplacés par des agriculteurs producteurs et industriels, qui profitent de la PAC.
Cette politique est pensée par les hauts fonctionnaires et les experts favorables à une gestion rationnelle de l’économie fondée sur la compétence scientifique. Les filières de types « ingénieur » vont alors se développer.
De Gaulle met de côté la délibération parlementaire préférant s’adresser à des experts. Il mobilise des arguments qui avaient été développés par Mendès-France. Les fonctionnaires modernistes autrefois proche de Mendès se rallieront à de Gaulle.
De 1958 à 1969 la période est marquée par une embellie économique (taux de croissance de 5% et plein emploi). La période sera appelée « les trente glorieuses » (qui a commencé à s’installer sous la 4ème république).
La France entre dans la production de masse et la société de consommation. Au-delà de la prospérité et de l’élévation du niveau de vie, cela assurera à de Gaulle une légitimité et il apparaitra comme un personnage moderne et jeune malgré son âge avancé.
La pratique du Gaullisme se caractérise par un certain dirigisme et un exercice personnel du pouvoir, qui est ainsi éloigné du principe de collaboration.
Cette pratique quasi césariste du pouvoir peut se justifier de 1958 à 1962 par une contexte de crise, cependant après 1962 une telle pratique se justifie moins.
- L’affirmation du présidentialisme majoritaire (1962-1968).
Les débuts de la 5ème république sont marquée par des circonstances particulières qui imposent à la classe politique de s’unir, mais c’est une union fantasmée.
La SFIO va taire en partie ses divergence d’avec de Gaulle et sur la pratique présidentialiste du pourvoir.
De Gaulle en avril 1962 procédera de manière provocatrice. Il décide la nomination de Pompidou au poste de 1er ministre pour succéder à Debré. Ceci est considéré comme une provocation, car contrairement à Debré, Pompidou n’est pas un parlementaire, il tire sa légitimité du seul fait du prince. Le 1er ministre est désormais responsable non pas devant le parlement mais devant le président de la république.
On pense alors que de Gaulle veut institutionnaliser un pouvoir exécutif fort. C’est la validation populaire de cette pratique du pouvoir sera ainsi l’enjeu principal du référendum de 1962.
- La révision de la constitution de 1962 ou la validation ex-post d’une pratique monarchique des institutions.
De Gaulle a une pratique très personnelle des institutions comme de la lecture de la constitution. Il va devenir un spécialiste du gouvernement par décret, pratique qui n’est pas conforme à la lettre du texte constitutionnel.
La révision qu’il propose et qui sera adoptée par référendum en 1962 apparait en fait comme un aboutissement d’une pratique plutôt que comme un commencement.
Cette réforme n’est que la légitimation d’une pratique très personnelle.
Le 28/10/1962 a lieu le référendum de ratification de l’élection du Président au suffrage universel direct. Cette réforme intervient dans un contexte politique particulier, car le clan gaullien est en train de se déliter et sa réélection en 1965 est peu assurée. De gaulle perd le soutien des modérés qui estiment qu’après le règlement de la crise algérienne, il est temps de revenir à une lecture stricte de la constitution qui écarte le césarisme.
Un évènement sera une opportunité pour de Gaulle. Le 22/08/1962 l’attentat du petit Clamart dont de Gaulle est victime, lui permettra de comprendre qu’il est légitime d’offrir à ses successeurs une légitimité en propre qui doit émerger du peuple français plus que du parlement. Il profite de cet évènement pour faire passer sa réforme.
Il utilisera l’article 11 plutôt que la procédure normale de l’article 89. Cela sera fortement critiqué, par des constitutionnalistes, par René Coty (Président du CC), par le conseil d’état et par le sénat.
Le parlement votera une motion de censure contre le gouvernement, ainsi de Gaulle dissoudra l’Assemblée nationale.
La campagne en vue du référendum verra apparaitre un camp du non (excepté l’UNR et les communistes, qui eux sont ni pour ni contre). Malgré cette mobilisation hostile, la révision sera un véritable plébiscite. C’est la fidélité à de Gaulle qui l’emporte sur la fidélité partisane. Durant la campagne de Gaulle a très fortement dramatisé la situation prétendant qu’une défaite conduire au retour des pratiques funestes de la 4ème république. Il rappellera aussi son rôle central dans le règlement des graves crises qui ont marquées la France.
Les législative seront organisées en novembre et seront une confirmation du résultat référendaire. De Gaulle engagera sa responsabilité pour ces législatives. Les adversaires vont signer des accords de désistement qui transcendent largement les frontières gauche/droite, ce qui a pour conséquence de brouiller les repaires des électeurs. Les perdants seront les radicaux et le MRP. La droite devient largement majoritaire. La SFIO et le PCF se maintiendront.
Il y a l’apparition du fait majoritaire, le gouvernement pouvant s’appuyer sur une majorité stable et fidèle, car les gaulliste sont dépendants des ressources partisanes (en terme financier et d’investiture). Se généralise alors la politique de discipline de vote.
On voit ici la reconstitution de 2 camps politiques opposé, celui de l’UNR et le camp de gauche organisé entre la SFI et le PCF. Le parti qui s’affirme au début c’est la SFIO.
- L’élection présidentielle de 1965.
Ce n’est pas simple pour les partis qui ont défendu le non au référendum de 1962.
Aucune candidature centriste ou de gauche non communiste ne semble alors se dégager. Les seuls autres candidats sont d’extrême droit. C’est dans ce contexte que le journal l’Express lancera l’opération « monsieur X » qui vise à susciter une opposition unique à de Gaulle, le journal soutien Mendès-France et pour l’inciter à s’engager, le journal établit un portrait-robot qui lui ressemble.
Par défaut la candidature se portera sur Gaston Deferre. Cela ne satisfera pas la SFIO ni Guy Mollet. Ils souhaitent que l’alliance soit bâtie sur des conditions strictes et notamment sur un soutien direct à la laïcité. Le MRP et le CNIP qui devaient soutenir Deferre se retirent et Deferre décidera de ne pas se présenter. On se dirige alors vers une élection très tranquille pour de Gaulle.
Cependant, le 09/09/1965, 2 mois avant, Mitterrand annonce sa candidature. Il provient historiquement du centre droit et appellera à l’alliance des forces de gauche et des communistes. Il incarne la nouveauté. Dans une optique de « front populaire », le PCF lui accordera son soutien. La gauche se rassemble alors autour de Mitterrand car personne ne veut affronter de Gaulle.
Les centristes présenteront leur candidat Jean Lecanuet (président du MRP).
De Gaulle laisse planer le doute quant à sa candidature. Il attendra novembre pour se déclarer candidat et il dramatisera une fois de plus le débat.
On assistera au renforcement de la bipolarisation et de la personnalisation de la vie politique. La TV devient un élément essentiel entre les candidats et les électeurs ; Mitterrand et Lecanuet l’utiliseront fortement.
Le développement des sondages d’opinion est aussi marquant. L’IFOP prévoira la mise en ballotage de de Gaulle en 1965. En effet au 1er tour de Gaulle n’obtiendra que 43%, Mitterrand 33,2% et Lecanuet 12% (seulement 15% d’abstention).
Le second tout opposa de Gaulle et Mitterrand. De Gaulle en appelle à tous les républicains et il prendra conscience de la nécessité de s’impliquer dans la campagne. Il obtiendra 55% des voix contre 45% à Mitterrand. L’Etat de grâce de Gaulle est terminé du fait de ces résultats mitigés.
Après les législatives, Pompidou sera contraint de constituer un gouvernement d’union de la droite avec un personnage montant, Giscard d’Estaing.
- 1968-1969 : une fin de règne.
On insiste ici sur le caractère multisectoriel de la mobilisation de mai 1968.
C’est une crise nourrie par la jeunesse française, mais elle se propage dans le monde du travail et se traduit ensuite en crise politique de contestation du pouvoir gaulliste.
- Mai 1968 : une /mobilisation multisectorielle.
C’est la preuve que le pouvoir gaulliste est incapable de maintenir l’ordre public.
Dans les années 1960, l’agitation sociale n’est pas une spécificité française. On va voir d’importantes mobilisations aux USA et en Allemagne (réactivation des forces d’extrême gauche).
C’est dans ce contexte qu’apparait la crise de mai 68.
Le mouvement étudiant prend racine dans la massification de l’enseignement secondaire et supérieur, qui accompagne le développement du besoin en emplois qualifiés (200.000 à 500.000 étudiant de 1960 à 1968).
Cette augmentation se fait sans que les structures universitaires soient modifiées. Une inquiétude quant aux débouchés professionnels se développe aussi.
Parmi cette jeunesse il y a des mobilisations étudiantes avec des aspirations nouvelles. La transformation sociologique de la jeunesse va engager une partie de celle-ci vers la radicalisation politique à gauche, mais une gauche nouvelle (jeunesse communiste révolutionnaire, Maoïsme, anarchisme).
Les nouvelles universités qu’on va construire seront situées dans des zones déclassées, hors les centres urbains historiques, ceci renforcera le sentiment d’inquiétude envers l’avenir de la jeunesse.
Les premiers contestataires seront réprimés, la police pénètre dans l’université, et le mouvement se radicalise.
Dans la nuit du 10 au 11 mais, les contestataires montent des barricades dans le quartier latin. Des affrontements avec la police auront lieu et il y aura des blessés. Le mouvement émeut la population.
Par solidarité contre la répression les organisations syndicales ouvrières rejoignent le mouvement. Le 13 mai une manifestation rassemblera 300.000 personnes. Ce sera un rapprochement entre étudiants et ouvriers. Le 14 mai les ouvriers de la sidérurgie nantaise se mettent en grève. Le 18 mai il y a 300.000 grévistes. Entre le 18 et le 27 mai le mouvement de grève touchera tous les secteurs, on comptera 10 millions de grévistes.
Les syndicats eux-mêmes seront très vite dépassés par le mouvement.
La France est paralysée et des lieux d’effervescence politique se multiplient.
Le 24 mai de Gaulle annonce un référendum, mais cette annonce n’a aucun effet.
Georges Pompidou va choisir de négocier avec les syndicats qui y sont disposés, du fait qu’ils ne sont pas écoutés par les grévistes. Le 27 mai syndicats et patronat s’entendent sur les accords de Grenelle (augmentation des salaires publics de 35% et du privé 10%, reconnaissance accrue du droit syndical, et 4ème semaine de congés payés). La CGT sera contredite par sa base et fait marche arrière en rejetant les accords de Grenelle.
La crise va se déplacer sur le plan politique au sens où petit à petit les acteurs engagés vont tenter de faire ressortir des hommes politiques providentiels. De côté de l’UNEF, du PSU, on cherche à faire ressortir en vain Mendès-France.
Le 28 mai Mitterrand propose de former autour de sa personne un gouvernement provisoire, c’est cependant un échec total.
Le 29 mai le Général de Gaulle disparait. Il est parti à Baden-Baden en Allemagne pour retrouver le général Massu, pour s’assurer que l’armée soit mobilisable si besoin. Massu arrive à le convaincre de retourner en France.
Les gaullistes vont tenter de remobiliser le pays. Ils envisagent d’organiser une contremanifestation. Ils remobilisent aussi l’armée au cas où.
De Gaulle apparait très désemparé et à ses côté Pompidou construira sa légitimité. Le 30 mai de Gaulle dénonce « la chienlit » et il annonce la dissolution de l’assemblée nationale, ainsi qu’une manifestation collective de défense du régime. On estime le nombre de manifestants entre 400.000 et 1 millions, ce sera donc un succès du moins pour la police. De Gaulle joue sur la peur, qui bénéficiera à Pompidou. Au législative les gaullistes obtiennent 46% au premier tour, et l’UNR s’appelle désormais l’UDR (union de défense de la république). Au soir du 2ème tour, une force politique seul obtient la majorité absolue des sièges soit 293 sièges pour l’UDR. Les forces de gauches perdent une partie de leurs députés.
La crise est terminée, de Gaulle profite d’une belle majorité, mais cette victoire n’est qu’apparente.
- L’échec du référendum de 1969 et la démission de DG.
La victoire a un gout amer pour de Gaulle, car le grand vainqueur est en fait Pompidou. De Gaulle nommera à sa place Couve de Murville.
En réponse à la crise mènera alors une politique de réforme, mais sa majorité est très conservatrice et se reconnait désormais d’avantage en Pompidou.
De Gaulle annonce des réformes dans l’enseignement, dans le domaine social (reprise du constat de Grenelle) et dans le domaine institutionnel.
Il ressort un vieux projet destiné à transformer le sénat en chambre de soutien aux institutions professionnelles.
Les sénateurs et les centristes y sont opposés. Les syndicats voient en cette réforme le retour à un corporatisme très présent sous Vichy.
Le soutien des gaullistes sera très mou (Pompidou leur favoris s’est déjà déclaré candidat pour les présidentielles de 1972).
Le référendum a lieu le 27 avril 1969 et le NON l’emporte. Tous les opposants vont alors se mobiliser contre ce référendum.
De Gaulle en tire les conclusions et démissionne. En retraite à Colombey-les-Deux-Eglises et y décède en 1970.
Conclusion.
Par la crise de 1968 on a des phénomènes de politisation d’idéologisation de la société.
Chaque force politique tentera de décrédibiliser le camp adverse.
Apparaissent aussi de nouveaux acteurs collectifs et de nouvelles revendications qui vont grandir (féminisme, préoccupation environnementales, décroissance économique).
Ces mobilisations seront appelées « nouveaux mouvements sociaux », car elles tournent surtout autour de débats culturels axés sur la place de l’individu dans la société hors intérêts productifs.
On oppose la modernité de certains au paternalisme des autres. Les institutions familiales et scolaires sont ainsi montrées du doigt.
Bibliographie pour la séance :
Ø Jean-Jacques Chevallier, Guy Carcassonne, Olivier Duhamel, Histoire de la Vème République (1958-2012), Paris, Dalloz, 2012.
Ø Vanessa Codaccioni, Punir les opposants. PCF et procès politiques (1947-1962), Paris, CNRS, coll. « Culture & société », 2013.
Ø Jean-Claude Colliard, « Les systèmes de partis ou la Constitution politique de la Vè République », Revue de Droit Public, n°5-6, 1998, pp.1611-1624.
Ø Brigitte Gaïti, De Gaulle, prophète de la Vème 1946-1962, Paris, Presses de Science Po, 1998.
Ø Bernard Lacroix, Jacques Lagroye (dir.), Le Président de la République. Usages et genèses, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1992.
Ø Hugues Portelli, La Vè République, Paris, Livre de Poche, 1994.
Ø Bastien François, Le régime politique de la Vè République, Paris, La Découverte, 2004 (1ère éd. 1998).
Chapitre 6. 1969 – 1981 : la Vème République entre partisanisation, nationalisation et européanisation.
Repères chronologiques (1969- 1981)
1969-1974 : la présidence Pompidou
Ø Le 1er juin 1969 : premier tour des élections présidentielles. Pompidou recueille 43,9 % des suffrages, Poher 23,4 %, Duclos 21,5 %, Defferre 5,1 %, Rocard 3,7 %, Krivine 1,1 %.
Ø Le 15 juin 1969 : second tour des élections présidentielles. Pompidou obtient 58% des suffrages et devient le second Président de la Vè République. Il y a 31 % d’abstention.
Ø Le 20 juin 1969 : Jacques Chaban-Delmas est nommé Premier Ministre. Constitution du nouveau gouvernement.
Ø Le 25 juin 1969 : Achille Peretti est élu Président de l’Assemblée Nationale. Il le restera jusqu’en 1973.
Ø Le 11 – 13 juillet 1969 : au congrès d’Issy-les-Moulineaux, la SFIO se rebaptise « Nouveau Parti Socialiste » (NPS).
Ø Du 1er au 2 décembre 1969 : la conférence de la La Haye relance les discussions sur la construction européennes en posant le fameux tryptique « achèvement, élargissement et approfondissement ».
Ø Le 9 novembre 1970 : le général De Gaulle décède à Colombey-les-Deux-églises.
Ø Le 15 novembre 1970 : censure du journal satirique Hara-Kiri, qui lance Charlie Hebdo.
Ø Le 5 avril 1971 : publication dans le Nouvel Observateur du « Manifeste des 343 » en faveur de l’avortement, où 343 femmes du monde des arts et des lettres soutiennent la légalisation de l’avortement.
Ø Le 13 juin 1971 : Congrès d’Epinay : François Mitterrand devient Premier secrétaire du PS.
Ø Le 23 avril 1972 : referendum pour sur l’élargissement de la CEE et entrée de la GB, Irlande, Danemark et Norvège dans la CEE : la participation dépasse de peu les 60% : moins de 11 millions de oui, pour 5 millions de non et presque 14 millions d’abstentions, bulletins blancs et nuls.
Ø Le 27 juin 1972 : la stratégie de l’Union de la gauche aboutit, le PS et le PCF lancent le « Programme Commun de Gouvernement » (PCG).
Ø Le 5 juillet 1972 : Pompidou démet Chaban-Delmas de ses fonctions de PM, malgré le vote de confiance à l’Assemblée Nationale (368 voix pour, 96 voix contre). Pompidou nomme Pierre Mesmer Premier Ministre.
Ø Le 14 juillet 1972 : manifestation de 20 000 personnes à Rodez contre l’extension du camp militaire du Larzac.
Ø Le 5 octobre 1972 : Jean-Marie Le Pen fonde le Front National (FN), issu de formations d’extrême droite telles que Ordre Nouveau, ou Occident.
Ø Du 13 au 18 décembre 1972 : congrès du PCF, Georges Marchais devient secrétaire général.
Ø Le 4 mars 1973 : premier tour des élections législatives : alliances UDR / Républicains Indépendants contre l’Union de la gauche : 37,9 % des suffrages exprimés iront à droite, 46,7 % à gauche au premier tour. Le PCF arrive en tête des partis de gauche.
Ø Le 11 mars 1973 : second tour des législatives. L’Union centriste rallie la majorité contre la gauche. Cette majorité élargie l’emporte face à la gauche : 183 sièges vont à l’UDR, 55 aux Républicains Indépendants de VGE, et 30 à l’Union Centriste de Lecanuet. La gauche progresse en doublant ses sièges à l’Assemblée Nationale (102 pour le PS, 73 pour le PCF).
Ø Le 28 mars 1973 : démission du Premier Ministre Pierre Messmer.
Ø Le 2 avril 1973 : Edgard Faure est élu Président de l’Assemblée nationale. Il le restera jusqu’en 1978.
Ø Le 3 avril 1973 : Pierre Messmer, Premier Ministre, se succède à lui-même.
Ø Le 18 avril 1973 : création du quotidien Libération par Serge July.
Ø Le 5 avril 1973 : formation du second gouvernement Messmer.
Ø Le 5 mai 1973 : manifestations pour le droit à l’avortement mené par le mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC).
Ø Le 2 décembre 1973 : congrès constitutif du Mouvement des Radicaux de Gauche (MRG).
Ø Le 27 février 1974 : Pierre Messmer est confirmé dans ses fonctions de Premier Ministre.
Ø Le 2 avril 1974 : le président Georges Pompidou décède en cours de mandat. Il est remplacé par le président du Sénat, Alain Poher, qui devient président par intérim.
1974-1981 : les années Giscard
Ø Le 5 mai 1974 : premier tour de l’élection présidentielle. Le 1er tour des élections présidentielles de 1974 positionne Mitterrand en tête des scrutins (43,2 %), suivi par VGE (32,6). Chaban-Delmas n’obtient que 15,1 % des suffrages. L’agronome René Dumont, premier candidat écologiste à une élection présidentielle atteint 1,3 % et Jean-Marie Le Pen fait 0,7%.
Ø Le 10 mai 1974 : débat télévisé entre VGE et Mitterrand : « Vous n’avez pas le monopole du cœur ».
Ø Le 19 mai 1974 : second tour de l’élection présidentielle. Valéry Giscard d’Estaing est élu président de la République avec 50, 8% des suffrages.
Ø Le 27 mai 1974 : Jacques Chirac est nommé Premier Ministre.
Ø Le 28 mai 1974 : formation du gouvernement Chirac.
Ø Le 5 juillet 1974 : l’âge de la majorité civile et politique est baissée de 21 à 18 ans.
Ø Du 12 au 13 octobre 1974 : Assises du socialisme. Les militants du PSU (Michel Rocard), de la CFDT et des chrétiens de gauche rejoignent le Parti Socialiste de Mitterrand.
Ø Le 29 novembre 1974 : adoption de la loi qui légalise l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG), présentée par Simone Veil.
Ø Le 15 décembre 1974 : Jacques Chirac prend le contrôle de l’UDR.
Ø Le 17 janvier 1975 : la loi de légalisation de l’IVG est promulguée (elle paraît au Journal Officiel).
Ø Le 6 juillet 1975 : les Comores accèdent à l’indépendance.
Ø Le 25 août 1976 : Jacques Chirac démissionne.
Ø Le 27 août 1976 : VGE nomme Raymond Barre Premier Ministre.
Ø Le 5 décembre 1976 : Jacques Chirac créé le RPR (Rassemblement Pour la République).
Ø Le 13 et 20 mars 1977 : élections municipales. L’Union de la gauche est la principale gagnante de l’élection. Jacques Chirac est élu maire de Paris.
Ø Le 27 juin 1977 : Djibouti accède à l’indépendance.
Ø Le 23 septembre 1977 : l’Union de la gauche se brise.
Ø Le 1er février 1978 : création de l’UDF par Jean Lecanuet, qui unit le CDS, le parti républicain, le mouvement démocrate-socialiste et le parti radical valoisien.
Ø Le 12 mars 1978 : premier tour des élections législatives. Quatre partis sont au coude à coude : le PC (20,6 %), l’union PS-MRG (25 %), l’UDF (23,9 %), et le RPR (22,8 %). Pour la première fois, le PS passe devant le PC.
Ø Le 19 mars 1978 : deuxième tour des élections législatives. La majorité sort vainqueur des urnes. La droite est reconduite face à une gauche divisée.
Ø Le 3 avril 1978 : Jacques Chaban-Delmas redevient Président de l’Assemblée Nationale. Il le restera jusqu’à 1981.
Ø Le 8 septembre 1978 : première utilisation du droit de réponse offert aux formations politiques après une communication gouvernementale à la télévision.
Ø Du 6 au 8 juin 1979 : Congrès de Metz du PS, opposant François Mitterrand à Michel Rocard et Pierre Mauroy.
Ø Le 10 juin 1979 : Première élection de l’Assemblée européenne au suffrage universel.
Noms cités dans ce chapitre :
Valery Giscard d’Estaing / Georges Pompidou / Jacques Chaban-Delmas / Jacques Chirac / Alain Poher / Gaston Defferre / Michel Rocard / Alain Krivine / Jacques Duclos / Jacques Delors / Pierre Messmer / Jean Lecanuet / Guy Mollet / Alain Savary / Jean-Pierre Chevènement / François Mitterrand / Pierre Mauroy / Simone Veil / Raymond Barre / Margaret Thatcher / Ronald Reagan / Jean-Bedel Bokassa. Congrès d’Epinay / CERES (Centre d’études, de recherches et d’éducation socialiste) /« quadrille bipolaire ».
Chapitre 6. 1969 – 1981 : la Vème République entre partisanisation, nationalisation et européanisation.
Introduction.
1969 est un tournant pour cette république, car les institutions taillées à la mesure d’un homme sont confrontées à son retrait de la vie politique. Ce sera le problème de l’après gaullisme, mais l’ébranlement annoncé par de Gaulle n’aura pas lieu. Pompidou consolidera la lecture gaullienne de la constitution.
Un autre fait marquant est la consolidation du clivage gauche/droite, articulé sur les questions économiques et sociales. Cette consolidation fera disparaitre l’opposition gaulliste communiste en la transformant en une opposition entre le camp de la droite et de la gauche. Ce clivage se fera aussi avec un rééquilibrage progressif des forces politiques au bénéfice des socialistes, qui marquera le déclin de l’hégémonie gaulliste au sein de la droite.
Le centre politique qui avait marqué les précédentes républiques, devient une position de moins en moins tenable, du fait de la bipolarisation et de de l’enracinement du fait majoritaire. Les partis centristes sont contraints d’opter pour l’un ou l’autre camp politique et de préférence à la droite.
A partir de 1969 la France va s’ancrer à droite et 2 présidents vont se succéder de 1969 à 1981. Pompidou et Giscard sont des héritiers comme des fossoyeurs du gaullisme.
Le gaullisme de 1969 c’est la deuxième mort de de Gaulle. Chaque gaulliste mettra dans ce terme la définition qui l’intéresse. Pour certains, c’est l’ordre, pour d’autre c’est la participation du peuple, pour d’autres c’est la grandeur de la France, ou l’indépendance de la France. On se rend vite compte que ces aspects sont parfois incompatibles.
Avec de Gaulle, le gaullisme était la référence à un homme. Après sa mort c’est la capacité à dire le gaullisme à la place de de Gaulle.
Il va s’agir d’imposer une définition légitime du gaullisme. C’est donc un label politique disputé, dont le contenu est donc susceptible de changer.
Le leadership de Pompidou puis de Chirac marque la victoire de certains acteurs sur d’autres. En 1976 quand Chirac crée le RPR, il entend réaffirmer l’identité gaullisme et la faire peser dans le champ politique. Il impose une nouvelle vision du gaullisme qui doit être lue à l’aune de ce qu’incarne Giscard quand il est au pouvoir.
Les acteurs démontreront que le contenu du gaullisme est loin d’être stabilisé.
- Les années Pompidou et l’héritage dévié du général.
Les années 1969-1981 sont celles de la France de droite. On y découvre que la 5ème République est capable de survivre à de Gaulle, du fait que les héritiers vont se démarquer de sa figure tutélaire.
A la démission de de Gaulle, c’est Alain Poher (Pdt du sénat) qui assumera l’intérim. Pompidou suite à son rôle dans la crise de mai 1968 apparait comme l’héritier indiscutable. Il propose d’incarner le changement dans la continuité.
L’élection présidentielle de 1969 le conduira à la Présidence. Il nommera Chaban-Delmas 1er ministre qui se lancera dans un projet de nouvelle société.
- L’élection présidentielle de 1969 et le « destin national » de Georges Pompidou.
Pendant la campagne de 1969 Pompidou affirmera sa filiation gaulliste tout en ouvrant les bras aux centristes et aux républicains indépendants de Giscard qui avaient lâché de Gaulle lors du référendum de 1969. Il peut compter également sur le soutien de l’UDR et des barons du gaullisme. C’est le favori car la gauche est très divisée et elle sort très affaiblie de la révolte de mai 1968 et des législatives qui ont suivies.
La gauche enverra plusieurs candidats. On compte Gaston Deferre qui se présente avec un programme minimal et sans le soutien de l’homme qui monte, Mitterrand. S’affichant avec Mendès-France, il n’incarne ni le changement, ni la jeunesse. Il y a aussi Michel Rocard qui se présente sous l’étiquette PSU ; il entend incarner le mouvement de mai 1968. La ligue communiste présente également Alain Krivine qui se revendique aussi de mai 1968 mais dans une version plus marxiste. Puis le PCF qui présente Jacques Duclos, ancien acteur du Front Populaire.
Les observateurs font le pari du 2ème tour pour un duel entre Pompidou et Duclos. Mais au dernier moment se déclare un nouveau candidat. Face à l’opposition de gauche éclatée, Alain Poher se présente en espérant personnaliser le centre en tant qu’opposition institutionnelle, il est favorable au retour du parlementarisme.
Le 1er juin 1969, lors du 1er tour, Pompidou obtient 43,9% des voix, Duclos 21,5% et Poher 24,3%. Ce sera donc un duel entre la droite et le centre.
A gauche, le PCF apparait hégémonique.
Duclos fort déçu dira que les français ont à choisir entre blanc bonnet et bonnet blanc.
Pompidou sortira vainqueur du second tour. C’est le gaullisme qui l’emporte, mais un mouvement incarné par Chaban-Delmas va se faire jour.
- L’expérience de la « nouvelle société » : le gaullisme face à ses contradictions.
Pompidou va prendre les rênes d’un pays marqué par la crise de 1968. Il a l’idée de réformer la société Française qui apparait bloquée. Bien que le parlement soit très marqué à droite, Pompidou nommera courageusement Chaban-Delmas 1er ministre. Chaban-Delmas a la réputation de marquer le gaullisme social. Il engage un projet ambitieux de réformes, qui fait écho à l’expérience de « great society « des USA de Kennedy. Il insiste sur le libéralisme culturel, sur le dialogue des institutions avec le peuple, sur les droits sociaux. Il engage un train de réforme rapide et soutenu.
Il met en place la mensualisation des salaires, il crée le SMIC, il encourage le dialogue social, il crée le 1er ministère de l’environnement et réforme l’ORTF. Chaban-Delmas considère le gaullisme comme un mouvement transclassiste. Ces réformes sont inspirées par un syndicaliste de la CFTC, Jacques Delors.
On se rend compte que Chaban-Delmas veut réconcilier le capital et le travail, mais il est soutenu par des parlementaires très conservateurs, qui représentent un gaullisme d’ordre et de stabilité.
Il prétend avoir autorité et cela vient percuter l’autorité du Chef de l’état. Des crispations vont alors s’installer. Pompidou tentera de reprendre en main les institutions. Le 5 juillet 1972 il remercie Chaban-Delmas, alors même que l’assemblée nationale vient de lui accorder sa confiance à une très large majorité. On revient alors à une pratique des institutions qui conforte la pratique gaullienne.
Le remerciement de Chaban-Delmas, n’est pas une simple stratégie, il se fait dans un contexte de préparation des législatives de 1973. Pompidou dans cette perspective doit travailler à refaire l’unité de son camp, en ancrant le gaullisme à droite en perspective d’un affrontement avec la gauche. Pompidou nommera Pierre Mesmer 1er ministre, qui en tant que gaulliste primaire et militaire ne fera que peu d’ombre au Président.
Pompidou abandonne les réformes du gaullisme social et se rapproche des thèses libérales de Giscard, car il y a une présence de plus en plus forte de la gauche. Cette gauche tente des stratégies d’union et le gaullisme se trouve lui aussi contraint de réaffirmer son attachement à droite.
Les législatives de 1973 seront un rééquilibrage politique. A droite une alliance entre UDR et Giscardien remportera 37,9% soit moins de voix que la gauche au 1er tour. A gauche l’alliance de gauche obtiendra 46,7% au 1er tour, devançant ainsi la droite. Mesmer recevra le centriste Jean Lecanuet, qui va se rallier à la droite plutôt qu’à la gauche pour le second tour.
L’UDR emportera 183 sièges, les républicains indépendants 56 sièges et les centristes de Lecanuet 30 sièges. La gauche double cependant ses sièges et sa traversée du désert semble terminée.
Mesmer sera reconduit dans ses fonctions de 1er ministre.
- Les débuts de l’européanisation de la vie politique française.
Après le départ de de Gaulle la construction européenne va connaitre une relance.
Pompidou se dira prêt à faire des concessions auxquelles de Gaulle n’était pas disposé.
Lors de la Conférence de La Haye du 1er et 2 décembre 1969, les acteurs politiques sont prêts à relancer la construction européenne.
Pompidou a fait des promesses aux giscardiens, il autorisera l’entrée de la Grande Bretagne. Il décidera ici de procéder par voie référendaire. La campagne sera jugée morne et terne, bien qu’on demande un référendum marqué par un Oui massif.
Le 23 avril 1972 la participation dépassera à peine 60% et le Oui l’emportera, mais si on ajoute l’abstention les bulletins blanc on compte 14 millions d’indifférents.
- Recomposition du système partisan et union de la gauche.
Pompidou est confronté à une opposition de gauche en bonne voie de restructuration grâce à Mitterrand.
L’offre politique va se limiter à 4 grandes formations qui vont s’allier en binôme. On parlera d’un quadrille bipolaire.
Cette évolution du système partisan est possible par l’instauration du scrutin majoritaire à deux tours, dont les effets s’observent dès 1968 autour de la bipolarisation.
- La gauche à la conquête du pouvoir.
Malgré les recompositions de la droite, les confrontations de mai 1968 culminent en 1973 lors de la dissolution de la ligue communiste. Ce sera le refus de la société de consommation et fleurissent des mouvements anti autoritaires.
Le PCF, force contestataire classique, ne parvient pas à canaliser la contestation, car il est déconsidéré dans la jeunesse gauchiste, du fait de son soutien à l’URSS. L’incapacité du PCF à dialoguer renforcera le parti socialiste.
1969 est la date de la tenue d’un congrès d’unité au sein du parti socialiste. Lors de ce congrès la SFIO change de nom pour s’appeler NPS. Guy Mollet cèdera sa place à Alain Savary. Le CERES est lui dirigé par J.P Chevènement. Pour beaucoup ce congrès sera un congrès de dupe. Les partis seront tenus à l’écart de ce nouveau parti Socialiste excepté le CERES.
Mitterrand lui-même sera marginalisé par la constitution du NPS. Fin 1970 Il relance l’idée d’une fusion entre le NPS et la Convention des Institutions Républicaines dont il faut créateur en 1962. Ce projet va se réaliser en juin 1971 lors du congrès d’Epinai qui voit la naissance du PS.
Dans sa motion Mitterrand rallie Pierre Mauroy, Gaston Deferre et les membres de l’ancien CERES. Cette motion s’oppose à celle de Mollet/Savary. Du fait de la victoire de sa motion, Mitterrand devient 1er secrétaire du PS alors qu’il n’a jamais été membre de la SFIO.
Depuis sa candidature à la présidentielle de 1965, Mitterrand s’était posé comme l’homme d’aucun parti, mais comme l’homme de toute la gauche.
Quand sa motion l’emporte, cette mission considère comme inéluctable l’entente avec le PCF, dans un contexte où il faut savoir s’unir pour emporter la majorité. Mais encore faut-il s’entendre sur un programme.
En 1972, après le congrès d’Epinai, PS et PCF publieront leurs programmes respectifs. En mars 1972 le programme du PS se nommera « changer la vie », il est marqué par les thèses marxistes du CERES. Celui PCF se nomme « changer de cap pour un gouvernement démocratique d’union populaire ».
Mitterrand pense que la 5ème République ne peut se gagner que par une gauche forte et ancrée à gauche. La stratégie est de prendre le PCF par sa gauche. Le PS veut apparaitre en phase avec les attentes de la société. Le 29 juin 1972 l’alliance du « programme commun de gouvernement » est conclue entre PS et PCF.
Le PS est devenu attractif pour beaucoup de jeunes qui sont entrés en politique après 1968 et souhaitent trouver des débouchés politiques. Le PS apparait comme la force motrice de l’union de gauche et se constitue comme force d’opposition crédible. Il apparait comme la seule alternative pour les présidentielles.
Mitterrand va construire une stratégie pour s’imposer comme seul candidat de la gauche. Face à lui se trouveront cependant Arlette Laguiller (pour sa première candidature) et Alain Krivine.
En 1974, lors du second tour l’écart de voies entre Mitterrand et Giscard ne sera que de 400.000 voies.
Lors des assises du socialisme en 1974 les militants du PSU rejoignent le PS, comme beaucoup de militants de la CFDT. Ces militants incarnent la deuxième gauche marquée par une tradition anti autoritaire, anti gestionnaire, ce qui provoquera des dissensions ultérieures.
La rénovation à gauche est en marche.
La défaite de 1974 est en fait une victoire en devenir. La gauche l’emportera aux municipales de 1977. Il y a dans le même temps une rénovation à droite.
- De la limitation de l’offre à quatre formations, le « quadrille bipolaire », à la bipolarisation.
Les reconfigurations de la gauche et de la droite au cours des années 1970 sont constitutives d’un quadrille bipolaire. Dans chaque camp se trouvent deux forces principales qui s’équilibrent.
Les législatives de 1978 sont une illustration de ce phénomène. Elles apparaitront dangereuses pour le Président VGE. Les sondages seront catastrophiques pour la droite et annoncent un risque réel de cohabitation.
Face à cette montée des périls, VGE crée le Parti Républicain (sur le modèle américain), avec le projet d’union de toutes les droites non gaullistes. En février 1978 VGE créera l’union pour la Démocratie Française (UDF). VGE entend organiser la concurrence au premier tour avec le seul RPR.
A la veille des législatives de 1978, la stratégie conquérante de l’Union de la gauche est entravée par le désaccord affirmé du PCF qui demande une actualisation en sa faveur du programme commun. Le PS et le MRG refusent, Mitterrand dira Non au programme communiste et Oui au programme commun, l’alliance est désormais défunte.
Résultat du 1er tour : PCF 20,6% ; PS + MRG 25% ; UDF 23.9% ; RPR 22,8%. Le PS est devant le PCF et l’UDF devant le RPR. Ce sera une majorité de droite qui remportera ces élections.
VGE sortant vainqueur de ces élections, arrive alors à créer un contrepoids au gaullisme.
Le quadrille bipolaire sera effectif entre 1974 et 1978. Il va évoluer vers une bipolarisation pure, car le quadrille va exploser.
A droite le champ politique se réorganise. Pompidou voulait ancrer le gaullisme à droite, malgré la parenthèse Chaban-Delmas.
A partir des années 1980 le quadrille bipolaire est terminé. La bipolarisation pure sera une aubaine pour des partis émergeant, comme les Verts et le FN.
III. Les années Giscard, entre libéralisation et temps de « crise ».
En mai 1973 des rumeurs se répandent sur la santé de Pompidou. Le 02 avril 1974 il décède en cours de mandat. Ceci va permettre de voir émerger des batailles décisives entre gaullistes et néo-gaullistes. Il n’y a pas de candidat naturel à la succession de Pompidou, ce qui favorise la candidature de VGE qui est soutenu par les Républicains indépendant, les centristes de Lecanuet et par une partie de l’UDR, au sein duquel Chaban-Delmas, considéré trop à gauche, ne bénéficie pas du soutien de tous.
Chirac (membre de l’UDR), par l’appel des 43, décide de prendre position pour VGE. VGE sera élu en 1974.
- L’élection présidentielle de 1974.
VGE va mettre l’accent sur sa jeunesse durant la campagne présidentielle. Il n’a que 48 ans face à Chaban-Delmas qui en a 59. Il incarne le changement et veut incarner le renouveau politique en insistant sur ses compétences de technocrate et d’économiste. C’est un changement des représentations du métier de politique. VGE insiste sur l’aspect technocratique (aristocratique dans le sens du meilleur), plus que sur des ressources partisanes. Il joue la compétence face à l’idéologie.
Avec 43,2% des voies face à 32,6% pour VGE, Mitterrand arrive en tête du 1er tour. L’incertitude est renforcée par la place que va prendre la télévision au cours de cette campagne et par le fait que, trahis et mais de Mitterrand, Chaban-Delmas n’apportera probablement pas son soutien à VGE. Le fameux débat télévisé d’entre deux tours sera introduit ici et sa portée sera déterminante, VGE lancera à Mitterrand « vous n’avez pas le monopole du cœur ! ». VGE sort vainqueur avec 50,8% seulement des suffrages exprimés.
Il va nommer Chirac 1er ministre, et en même temps il souhaite casser l’état UDR. Les centristes seront majoritaires au sein du gouvernement, dont il ouvre des postes à des personnalités de la société civile. Il donnera des consignes aux ministres reléguant Chirac à un second plan. En 1976 Chirac démissionne directement par télévision interposée.
A la suite de cette démission, Chirac va tenter de refonder l’UDR et d’en faire une force pour ses ambitions propres. Il créera le RPR en décembre 1976. Il le crée comme une machine électorale apte à s’opposer à la gauche et à devenir hégémonique au sein de la droite.
En 1976 la majorité est divisée entre VGE et Chirac. Raimond Barre deviendra 1er minsitre.
- La présidence de Giscard d’Estaing : un tournant politique ?
Le mandat de VGE marque un tournant sur les plans culturel, économique et institutionnel. Ses actions se dérouleront dans un contexte de crise économique.
La libéralisation culturelle :
VGE entend incarner un nouveau style plus moderne. Il va utiliser les médias pour construire l’image d’un président proche des français (il s’invite à manger chez eux). Il va s’engager dans de grandes réformes. Il abaisse la majorité légale. Le 29/11/1974 une loi, présentée par Simone Veil, légalise l’IVG.
La libéralisation politique :
Il entend être un président citoyen, mais si dans la pratique le présidentialisme est toujours d’actualité. Il faut redonner de la légitimité à la fonction présidentielle, il faut accompagner les citoyens dans le choix de leur président. Il réforme l’accès à l’élection présidentielle par l’instauration de l’obligation de réunir 500 signatures.
Il réforme l’ORTF, souhaitant libéraliser l’accès à l’information.
Il ouvre la saisine du conseil constitutionnel à 60 députés ou sénateurs. L’opposition pouvant dès lors avoir un rôle renforcé.
L’ensemble de ces réformes a introduit un important clivage entre gaullistes et giscardiens. Entre 1974 et 1976 Chirac est engagée dans un premier plan de refroidissement de l’économie française, qui connait la première rigueur du fait de la crise.
Raimond Barre ne fera que renforcer l’austérité face à la crise.
On limite les salaires de fonctionnaire, on bloque les prix. C’est aussi une période de licenciement massive. Les inégalités sociales vont creuser et générer un mécontentement comme nourrir le clivage entre gaullistes et giscardiens.
VGE malgré sa victoire aux législatives de 1978 est préoccupé par sa réélection face à un chômage en pleine croissance. Au début des années 1980 on est en plein boum du libéralisme économique (Reagan aux USA et Thatcher en UK). Les recettes économiques de Keynes sont inefficientes depuis la première crise pétrolière de 1973.
Les tensions sont croissantes entre les acteurs politiques. La rupture est consommée entre UDF et RPR. Raimond barre agitant la menace socialo-communiste parvient cependant à maintenir le cap. Le scandale des diamants de Bokassa entame la crédibilité présidentielle.
A gauche, des tensions se font aussi jour suite à la rupture du programme commun. Mitterrand entre en conflit avec Rocard. Au congrès de Metz de 1979, une motion rassemblant Rocard et Mauroy manque de renverser Mitterrand. La gauche remet en cause certaines de ses anciennes visions idéologiques. La lutte des classes et l’idée des nationalisations ne sont plus en vogue.
Le jeu politique parait ainsi dominé par des tensions au sein de chaque camp. A la veille de 1981 on compte 1,6 millions de chômeurs.
Conclusion sur la transformation de la structure du capital politique et l’unification des marchés politiques.
Dans les années 1980 la compétition électorale va s’intensifier avec la généralisation des nouvelles techniques de communication. Ceci provoquera l’augmentation du coût de la vie politique. Les professionnels de la politique deviennent plus dépend des ressources collectives allouées par les partis.
L’unification des marchés politique.
Elle traduit une atténuation des différences entre champ politique national et local. Les locaux conservent une vraie spécificité. Cette unification est le produit des principaux commentateurs que sont les journalistes et les sondeurs. Les sondeurs sont apparus en 1965. Journalistes et sondeurs s’intéressent surtout à ce qui se passe à Paris, ils réduisent ainsi la vie politique au seul champ central. Ainsi on va considérer la moindre élection, même locale, comme une élection sanction. Ceci jouera sur les acteurs politiques et les électeurs dans leur manière de s’exprimer dans les urnes.
Les candidats ont tendance à être de plus en plus dépendant des ressources collectives et cela engendrera le fait majoritaire.
Le fait majoritaire.
Désormais le parlement est devenu un lieu de stabilité. Ce fait se manifeste surtout à l’assemblée nationale et un peu moins au sénat.
Une véritable discipline partisane a été instituée. Si les parlementaires sont moins indépendants qu’avant ce n’est pas parce qu’ils sont plus loyaux mais seulement parce qu’ils sont plus dépendants des ressources du parti.
Le fait majoritaire favorise le Pdt de la République, qui apparait comme le vrai chef de la majorité parlementaire. Le premier ministre lui doit son poste. La stratégie consiste à se choisir des premiers ministres qui puisse être suffisamment dociles pour servir de paratonnerre.
Bibliographie pour la séance :
- François Bastien, Le régime politique de la Vè République, Paris, La découverte, 2004 (1ère éd. 1998).
- Jean-Jacques Chevallier, Guy Carcassonne, Olivier Duhamel, Histoire de la Vème République (1958-2012), Paris, Dalloz, 2012.
- Delphine Dulong, La construction du champ politique, Rennes, PUR, 2010.
- Jean Garrigues (dir.), Histoire du parlement de 1789 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2006.
- Favrell, « L’européanisation ou l’émergence d’un nouveau champ politique », Cultures et Conflits, n°38-39, automne 2000.
- Ysmal, Les partis politiques sous la Cinquième République, Paris, Montchrestien, 1989.
- Hugues Portelli, La Vè République, Paris, Livre de Poche, 1994.
- Michel Offerlé, « Transformation d’une entreprise politique : de l’UDR au RPR », Pouvoir, n°28, 1983.
- Michel Winock, La France politique. XIXè – XXè siècle, Editions du Seuil, Points, 2003.
- Nicolas Rousselier, Le Parlement de l’éloquence, Paris, Presses de Sciences Po, 1997.
- Nicolas Werth, Histoire de l’Union soviétique, Paris, PUF, 1990.
Chapitre 7 : 1981-2007. « Alternances » : le retour de l’instabilité ?
Il est difficile de poser un regard froid sur une période qu’on a vécu et qui est proche.
La socialisation politique impose d’établir des repères.
3 éléments à retenir :
- Les élections de 1981 présidentielles et législatives qui permettent à la gauche d’arriver au pouvoir et de réaliser le fait majoritaire à son avantage. On rompt avec 20 ans de pouvoir de la droite. La gauche devra démontrer que l’habit de la 5ème république n’est pas mal taillé pour elle.
- Il y a une opposition peu structurée à la 5ème république.
- On constate une forte rotation des majorités.
o Cela démontre la difficulté à se maintenir longtemps au pouvoir, qui peut s’expliquer par les crises et la modification des systèmes partisans nationaux
o Cela démontre que le régime de la 5ème république est un régime en évolution du fait de l’apprentissage de nouveaux usages des institutions qui s’explique par l’enjeu de la décentralisation.
o Cela démontre comment la 5ème république est devenu un régime très participatif malgré l’abstention, du fait de l’augmentation du rythme électoral, car on a beaucoup utilisé le référendum dans un usage non plébiscitaire (1988 N-Calédonie, 1992 Maastricht, 2000 quinquennat, 2005 traité portant constitution européenne), et du fait de nouvelles élections en 1979 (élections des parlementaires européens au suffrage universel), en 1986 (élections régionales). Entre 1988 et 89 les électeurs seront appelés 7 fois aux urnes.
Ici apparait le phénomène d’alternance qui s’installe à partir de 1981, et la mise en pratique de la cohabitation qui n’avait pas été prévue.
Ces 2 phénomènes concernent la distribution du pouvoir et affectent les instances parlementaires, comme la manière dont les citoyens perçoivent la politique.
Derrière une instabilité apparente, il y a des évolutions compréhensibles sur lesquelles on peut poser un regard analytique.
- 1981-1995 : les apories de la « grande alternance ».
Le terme alternance n’a jamais été définit, c’est un concept mou.
Pour la 1ère fois il y a une expérience gouvernementale de gauche garantie par les élections donc constitutionnellement. La gauche va donc pouvoir gouverner au moins 5 ans. C’est la double victoire de Mitterrand aux présidentielles et du PS aux législatives.
Les acteurs vont sciemment dramatiser cet évènement. 3 éléments y participent :
- Mitterrand a choisi un programme qui s’intitule « changer la vie ». Cela fait réponse au travail du programme commun des années 1970.
- Valéry Giscard d’Estaing, pour annoncer sa défaite, va être filmé en caméra fixe à son bureau et laissera une chaise vide en disant « au revoir ». Cela fait écho au chaos annoncé régulièrement par de Gaulle lorsqu’il évoquait son départ éventuel.
- On a annoncé la ruine de la France du fait d’une fuite des capitaux et de l’annonce de l’arrivée des chars russes en France.
Cette victoire de la gauche sera un immense espoir pour les électeurs. C’est déjà une revanche aux législatives de 1978.
La gauche va entrer dans une culture de gouvernement et sera obliger de confronter sa copie politique ce qui débouchera sur un pragmatisme obligé.
Le recentrage du jeu partisan va déboucher sur la résurgence des extrêmes qui combleront le vide laissé.
Le programme commun est rompu depuis 1978, tandis que Mitterrand apparit comme usé par ses échecs successifs, il est de plus contesté par Rocard. Il le laminera en le nommant 1er ministre plus tard.
A droite, à la suite du départ de Chirac du poste de 1er Ministre et la création du RPR, chacun aura son poulain pour les présidentielles de 1981. Il y aura 10 candidats à cette élection, qui devient donc très importante et révèle que pour exister chaque parti doit désormais présenter son candidat. 3 autres candidats potentiels n’ont pu se présenter faute de parrainage, il s’agit de Le Pen, Krivine et Coluche.
Le programme de Coluche sera une remise en cause de la classe politique considérée repliée sur elle-même. Il se retirera en avril 1981, un mois avant l’élection, alors que certains sondages lui conféraient 10% des intentions de vote.
Derrière cette forte concurrence, Mitterrand l’emportera et un nouvel acteur, l’abstention va alors s’inviter pour longtemps. Cet acteur semble mettre en évidence la distance des citoyens avec l’acte de vote.
- 1981-1983 : « un homme, une rose à la main ».
En fait il y a plusieurs roses. 85,7% des électeurs participent à l’élection. Mitterrand second au premier tour l’emportera haut la main au second tour grâce aux reports de voix.
L’enthousiasme sera mis en scène le 23 mai par une manifestation de la rue Souffleau, remontée par Mitterrand jusqu’au Panthéon, des roses à la main, qu’il déposera sur les tombes de Victor Scloecher, de Jean Moulin et de Jean Jaurès.
Cela associe celui qui a fait disparaitre l’esclavage en France avec le résistant et le grand militant que fut Jaurès.
Le RPR bénéficiera de la défaite de Giscard, car il se positionne en pôle principal d’opposition à la gauche ; il enregistrera de nombreuses adhésions, le RPR se présentant comme la seule opposition au communisme.
Mitterrand dissout l’assemblée nationales et nomme Mauroy 1er ministre. Les législatives verront le triomphe des socialistes qui a eux seuls seront majoritaires (288 sièges contre 117 en 1978 ; le PCF 44 sièges). Le rapport de force entre 1978 et 1981 est inversé avec un PS qui assume la place de parti hégémonique. Ceci a été conforté par une forte abstention à droite, qui malgré tout permet au RPR de dépasser l’UDF.
La victoire de la gauche va donc marquer un renouvellement du personnel parlementaire, comme un renouvellement sociodémographique, avec l’arrivée de fonctionnaires au parlement (enseignants notamment). A la suite des élections un nouveau gouvernement Mauroy 2 sera constitué et verra l’entrée des communistes. C’est une stratégie de Mitterrand pour neutraliser au final les communistes.
Sur le paln des institutions, Mitterrand va se convertir rapidement à la constitution de la 5ème, il dira « je suis le 1er responsable de la politique française ». Il va cependant laisser un peu plus de marge de manœuvre à son 1er ministre que ne l’avait fait Giscard.
Malgré la majorité parlementaire, on mettra en place un gouvernement par ordonnance, pour favoriser un rythme de réforme accru.
La période est aussi marquée par un renouvellement du personnel de l’état, 44 préfets sont mutés, 13 recteurs d’académies sont changé et les directeurs de chaines de TV sont remplacés.
Mitterrand veut aller vite.
Des réformes importantes, avec les lois Deferre de décentralisation, vont marquer l’organisation de la France. Les réformes sur les libertés seront aussi marquantes. On note le développement de la politique culturelle, l’abrogation du délit d’homosexualité instauré sous Vichy, l’abrogation de la peine de mort par Robert Badinter. Il ya aussi les réformes économiques marquées par la volonté d’une plus grande implication de l’état, cela passera par les nationalisations. Thomson, Usinor, Paribas, le CIC, la Banque Rothschild. En 1988 1 salarié sur 4 travaille désormais dans le secteur public.
Ces réformes passeront aussi par une relance du pouvoir d’achat des français.
Le temps de travail sera abaissé, l’impôt sur les grandes fortunes sera instauré, on abaisse l’âge de la retraite à 60 ans. Ces réformes répondent à des revendications et au programme annoncé.
Mais ces réformes sont lourdes et provoquent l’inflation. De plus la baisse du temps de travail se révèle incapable à faire baisser le chômage. Cette politique de relance tend donc à mettre l’économie en surchauffe. Delors annoncera une suspension de ces réformes, en 1982 un premier plan de rigueur appelé « parenthèse » est mis en place par le gouvernement. On va alors bloquer les salaires et les prix et désindexer les salaires des prix. Cela créera des remous au sein du PCF.
En 1983 lors des élections municipales qui sont une défaite pour la gauche, la rigueur va s’installer et la contestation va monter.
- 1983-1988 : le tournant de la rigueur et l’expérience de la cohabitation.
En 1983 la France s’engage dans une politique de réforme structurelle pour moderniser le pays. Ce sera la remise en cause de la lune de miel entre ouvrier et PS.
On va sacrifier de veilles industries condamnées par la concurrence internationale. On ferme les usines de charbon, de sidérurgie et les usines Talbot. L’état s’engage dans des mesures drastiques de restructuration de l’économie et le chômage va continuer sa progression.
Le projet de loi d’Alain Savary de 1984 visant à la mise en place d’un grand service public de l’enseignement (opposé au privé) provoquera un grand mouvement contestataire de droite, c’est l’entrée de la droite dans les grandes manifestations populaire. On assistera à la reculade de la gauche.
En 1984 les élections européennes marqueront la défaite de la gauche. C’est la montée en puissance du RPR et l’apparition du FN.
Mitterrand va nommer Fabius à la place de Mauroy et il va poursuivre la politique de rigueur. Mais cela ne répond pas aux demandes des ministres communistes qui décideront de quitter le gouvernement.
Le chômage frappe désormais 2,4 millions d’individus et à l’approche des législatives le gouvernement est de plus en plus impopulaire.
On va alors jouer sur les règles électorales et le découpage des circonscriptions pour limiter l’échec de la gauche. En 1986 on s’engage alors dans la représentation proportionnelle organisée au niveau du département. Les élections législatures a un tour verront la modification du nombre de sièges (de 491 à 577), et la droite obtiendra 291 sièges, le FN 35 sièges (autant que le PCF).
On va alors entrer dans une période inconnu, celle de la cohabitation.
Mitterrand va nommer Chirac 1er ministre. On se dirige vers une épreuve de force entre les têtes de l’exécutif. La cohabitation sera agitée. Pour éviter de trop nombreux conflits, le 1er minsitre aura la main sur la politique intérieure et le président sur la politique extérieure.
On voit une modification importante des référentiels. Avant la gauche était historiquement le défenseur du parlementarisme, et la droite du césarisme. Or avec l’arrivée de Chirac c’est la droite qui devient le défenseur du parlementarisme.
Chirac veut gouverner par ordonnance pour accélérer son programme de privatisation. Or soumis à contreseing Chirac va se heurter au président.
On constate que les conflits sociaux n’ont pas été éliminés. Dès l’automne 1987 une grande grève de la SNCF et des étudiants contre le projet Devaquet en 1986 vont être marquants.
Mitterrand va se poser comme le défenseur des français face à une droite liberticide et sa popularité va remonter.
En 1988, Chirac va se déclarer candidat aux présidentielles, alors que Mitterrand fera planer le suspens. Mitterrand va développer un programme sur le rassemblement et la défense des libertés.
- 1988-1995 : le deuxième septennat Mitterrand, « la France unie » ?
1988 est un 2èeme tournant. Des observateurs expliqueront que 1988 c’est la fin des idéologies, car la fin de l’opposition frontale entre la gauche et la droite. Le volontarisme de la gauche a montré ses limites et le libéralisme de droite aussi sous le 1er septennat Mitterrand.
Les lignes de clivages semblent s’être déplacés vers des questions de société (droits des étrangers et leur accession au vote). Il y aura aussi une réflexion sur la politique internationale, marquée par l’effondrement du bloc de l’Est, qu’on envisage comme « la fin de l’histoire » (société plus égalitaire naissante ?).
L’élection de 1988 apparait favorable au PS car Mitterrand est en position de force avec les conflits de 1986-1987 et a le soutien du PS. Il construit sa campagne sous le slogan « la France unie ».
La campagne s’ouvre sur une logique émotionnelle. Mitterrand qui tente de représenter la France Unie, débute sa campagne avec des affiches représentant le bon père de famille « tonton ». Le PS doit s’ouvrir au centre car Mitterrand a compris que le PS était en crise.
La victoire de Mitterrand avec 54% des voies ouvre les voies à une nouvelle dissolution, mais cette fois ci il n’obtiendra qu’une majorité relative, du fait du retour du scrutin majoritaire à 2 tours. La gauche est contrainte à des alliances. On constitue un programme gouvernemental dit du « ni ni ». Le PS a renoncé à changer la vie des français.
Mitterrand va nommer Rocard comme 1er ministre. On va prendre des mesures phares qui marquent l’action de l’état dans le soutien aux plus démunis. On met en place le RMI (en 2009 il devient RSA), des contrats emploi solidarité (CES).
Des bouleversements internationaux marquent aussi la période. Le PCF va se trouver sans allié avec l’effondrement de l’URSS.
La première guerre du golfe également. La référence c’est les USA qui deviennent le leader mondial.
En 1991 Mitterrand décide de démissionner Rocard devenu trop envahissant et nomme Edith Cresson. Ce choix assure à Mitterrand une présidence proche de la monarchie républicaine. C’est aussi le moment d’envisager la succession de Mitterrand. Le Congrès de Renne sera très agité et démontera les fractures internes. Le congrès de la Défense de 1991 est révélateur, le PS déclare que la poursuite de lutte des classes est révolue.
En 1992 Pierre Bérégovoy devient 1er ministre, il doit engager la France dans le Traité de Maastricht qui est contraignant sur le plan budgétaire, il doit aussi préparer les législatives de 1993. Ces élections seront une défaite historique pour la gauche. La droite aura la plus forte majorité depuis 1958. Le PS ne conserve que 67 sièges sur les 577 (PCF 24 sièges ; écologistes en montée).
Mitterrand va alors demander à Chirac d’être 1er ministre, mais ce dernier refuse préférant laisser la place à Balladur, en espérant qu’il sera gagné par l’usure du pouvoir qui gagne les 1ers ministres de Mitterrand. Cette nouvelle cohabitation sera qualifiée de « velour ». Elle se construit sur la pacification sur l’accord de domaines partagés. Cela tient aussi à la personnalité des 2 protagonistes, et Mitterrand est usé et fatigué par la maladie. Balladur va choisir une stratégie de discrétion et de refus d’opposition frontale. Cela va le faire apparaitre comme un candidat crédible pour la présidentielle de 1995. Il apparait comme un candidat d’union et de rassemblement.
Les visions politiques de Chirac et de Balladur apparaissent de plus en plus comme divergentes. Balladur est europhile contrairement à Chirac. A partir de 1994 Chirac prend des dispenses d’avec ses anciennes positions libérales, il s’attache à des préoccupations plus sociales, révélatrice du thème de la « fracture sociale » qu’il développera.
A l’approche des élections, l’affaire Tapie (Valencienne/OM) et la forte concurrence au sein du PS (dont Jospin sort vainqueur), contribueront à un contexte annoncé, par les observateurs, comme un deuxième tour particulier.
Ce sera l’affrontement entre Balladur et Chirac qui sera annoncé à tort.
- 1995-2007 : le retour de la droite par l’élection présidentielle, une nouvelle alternance ?
En mai 1995 Chirac accède enfin à la présidence. Il devra affronter la crise économique, les affaires, et la difficile construction de l’Europe.
On assiste à la montée des contestations.
- De la « France pour tous » à la fin de l’État social (1995-1997).
Chirac va essayer de marquer sa différence par rapport au discours libéral de Balladur. Il développe la thématique de la lutte contre la fracture sociale. On lire cela comme un retour au Gaullisme. C’est un discours d’attention aux citoyens. L’ouvrage de Chirac « la France pour tous » tiendra lieu de programme politique. Le pommier présent sur la couverture sera un élément de campagne important.
Les guignols de l’info deviennent un acteur important au cours de la campagne, Chirac y apparait avec un couteau planté dans le dos, et on lui met dans la bouche l’expression « manges des pommes ». En réponse les militants chiraquiens distribueront des pommes. Cela révèle la place croissante de la TV dans l’espace politique.
Le deuxième tour ne sera pas entre Chirac et Balladur. Jospin arrive en tête et fédère les forces de gauche (PS, MRG, Verts, PCF…). Chirac grâce au bon report de voix des balladuriens sera finalement élu avec 52,6% des suffrages.
Fort d’une belle majorité Chirac décide de ne pas dissoudre l’assemblée nationale, par crainte d’un revirement des balladuriens.
Dès l’automne 1995, Chirac décide d’abandonner son combat contre la fracture sociale. En octobre on s’engage à nouveau vers l’austérité. Nous sommes en fait à 5 ans de l’entrée en vigueur de l’euro et il est demandé au pays adhérents de respecter les critères de convergences (maitrise de l’inflation, de la dette publique, de l’inflation, de stabiliser les taux de changes, et de travailler à la convergence des taux d’intérêt). Dans ce contexte toute idée de relance est abandonnée.
Juppé, 1er ministre, mènera une politique de réforme de la sécurité sociale, de réforme d’uniformisation des régimes de retraites, et du gel des salaires des fonctionnaires.
Des affaires vont également ressurgir, notamment autour du financement du RPR Parisien. On s’interroge sur le rôle de l’ancien maire de Paris et de Jean Tiberi.
En novembre 1995 un grand mouvement social se met en place avec 700.000 grévistes et 2 millions de manifestants.
Robert Castel (sociologue) explique que la société des années 1990 voit la montée d’une insécurité sociale qui s’installe à mesure que l’état perd de sa consistance. Il explique que le statut de salarié n’est plus un garant de sécurité sociale. Le système de protection collective s’est effrité et domine dès lors la crainte de la précarité et d’une lente désocialisation. S’en est suivi un processus d’individualisation et de décollectivisassions des rapports sociaux, phénomène encouragé par des politiques de modernisation des entreprises et de l’état.
Ainsi est mis en cause la pacte politique.
Face au sentiment d’incertitude, le Président Chirac va décider de dissoudre l’assemblée nationale, car, en fait, il choisit d’anticiper les législatives de 1998, annoncées comme un défaite assurée de la droite. C’est une première depuis 1877 (dissolution de confort).
- 1997-2002, une cohabitation inattendue ?
En mai 1997, lors des législatives anticipées, la gauche va rassembler 44,4%, la droite 35,5% et le FN 15% des suffrages. Le bon score du FN va provoquer de nombreuses triangulaires qui auront pour effet de renforcer la victoire de la gauche.
La nouvelle majorité de la gauche plurielle s’installe alors. Chirac nommera Jospin 1er ministre. Il s’apprête ainsi à vivre la cohabitation dans une nouvelle posture et cette fois pour 5 longues années.
Le gouvernement Jospin va afficher sa politique de rupture en réhabilitant le volontarisme étatique. On met en place les emplois jeunes et la réforme des 35 heures.
Mais très vite le gouvernement va mener une politique libérale sous la contrainte européenne du traité d’Amsterdam, la maitrise des déficits publics. C’est le retour d’un dogmatisme gestionnaire avec Strauss-Kahn et Fabius son successeur.
Dans ce contexte, l’extrême gauche va connaitre de bons résultats électoraux, tandis que l’extrême droite profitera de l’alternance et de l’échec des politiques menées. Ces extrêmes vont alors développer des thématiques porteuses.
- 2002-2007 : la Vème République bousculée.
Tous ces évènements déstabilisent le régime et commence à se développer l’idée que la 5ème république est atteinte du mal de la crise de la représentation, marquées par la défiance des citoyens à l’égard de leurs élus. L’abstention va s’installer comme un mode d’expression. Les partis traditionnels sont menacés par la montée en puissance de nouveaux acteurs, de nouveaux partis, qui se construisent comme les seules alternatives crédibles.
L’élection de 2002 sera révélatrice. L’abstention atteindra des records historiques avec 28% des électeurs inscrits. Le candidat arrivé en tête ne recueille que 20% des suffrages. Un nombre de candidats importants avec 12 candidats rejoint le record de 1974. Le système des parrainages mis en place en 1974 ne fonctionne donc pas pour en limiter le nombre.
Une partie des élus qui refusaient autrefois de donner leur parrainage aux extrêmes jouent désormais le jeu sans plus avoir la crainte d’éventuelles sanctions.
Tout cela explique l’absence du candidat de gauche au second tour (pas arrivé depuis 33 ans. Si le Pen arrive au second tour il le doit à une décroissance de la droite et de la gauche, lui-même n’ayant pas progressé en chiffre. Ce n’est donc pas un séisme électoral, il y a juste eu une ventilation différente des scores, avec le bon score aussi de l’extrême gauche.
La cohabitation aura révélé que le FN pouvait être une alternative politique face l’incapacité des partis traditionnels.
Chirac l’emportera avec 82% des suffrages.
Un nouveau parti l’UMP sera créé en 2002, à l’époque c’est l’union de la majorité présidentielle qui deviendra l’union pour un mouvement populaire, il remplace le RPR.
Bayrou se positionnera en marge de ce mouvement.
L’UMP sera une nouvelle machine politique. Aux législatives de 2002 il obtient 358 sièges. L’UMP marque la montée en puissance de Sarkozy (ancien soutien de Balladur l’ennemi de Chirac). Il effectuera un travail efficace de renouvellement des dirigeants et des militants interne au parti.
Les présidentielles de 2002, depuis le référendum de 2000 (68% d’abstention), sont marquée par le quinquennat qui doit éviter la cohabitation. En novembre 2001 on a aussi inversé le calendrier électoral, ce qui permet d’organiser dans la foulée les législatives (cci est fait par Jospin qui pense pouvoir gagner les présidentielles). Désormais les présidentielles seront synchrones avec les législatives, on envisage désormais les présidentielles comme l’élection cardinale, les législatives étant là pour la confirmer. On fait ainsi disparaitre l’hypothèse d’une cohabitation.
La montée en puissance de l’UMP avive les tensions entre Chirac et Sarkozy. Ce mandat de Chirac sera marqué par un nouveau référendum en 2005 avec la victoire du NON, lu comme l’expression d’une défiance à l’égard de l’Europe libérale, mais aussi comme le symbole d’une autonomisation et une clôture du champ politique sur lui-même. Les acteurs politiques et les médias feront campagne pour le OUI, mais il y a un désajustement face au discours tenu par la société civile. Le non exprime donc aussi un recul par rapport aux élites politiques. En marge s’installe la montée en puissance du FN. Le référentiel est désormais axé sur un ethnicisme. La poussée de l’extrême gauche renvoie elle sur la réhabilitation d’une rhétorique de la lutte des classes.
Ces percées des extrêmes et la victoire du Non à l’Europe ont entrainées des prises de conscience au sein des élites politiques. Sarkozy développera ainsi une thématique sécuritaire, pensant que l’UMP pourra récupérer une partie de l’électorat du FN. A gauche on fera le même travail, le PS va développer une thématique anti européenne, menée par Laurent Fabius qui fera campagne pour l’investiture aux présidentielles de 2007, face à Ségolène Royale (il perdra).
III. 1981-2007 : Un système partisan en recomposition.
Au cours des 2 mandats de Mitterrand de nouveaux partis vont émerger ou acquérir une audience nouvelle.
Les grands partis s’étaient stabilisés au cours des années 1970, mais ils apparaissent désormais en crise.
L’apparition des partis émergeants, FN, les Verts, et l’Extrême gauche plus erratique, peut s’analyser en considérant les différents facteurs de la vie politique. On en retient 4 :
- Le contexte économique (les partis traditionnels étant impuissants)
- Le phénomène d’alternance qui a conduit à la radicalisation de la droite et au recentrage du PS qui a déçu une partie de son électorat. Cela libère une place pour les extrêmes.
- Un contexte idéologique, avec la tendance à penser qu’il y a une atténuation des tendances doctrinales entre la gauche et la droite.
- Un contexte institutionnel. L’extension de la gamme électorale avec l’apparition de nouvelles élections, converties à la représentation proportionnelle qui donne plus de chance aux petits partis. Au-delà de cela, apparaissent aussi les législations sur le financement des partis politiques (loi de 1988 renforcée par la suite en 1991 et 2013). On va faire en sorte que les partis soit plus financer par l’état que par les grandes entreprises, donc par les impôts des citoyens (attribué en fonction du nombre de voix obtenues, puis en fonction de nombre de sièges obtenus lors des législatives). Les partis vont alors augmenter le nombre de candidatures aux législatives. Mécaniquement le coût de la vie politique va augmenter. Le financement des partis crée de nouvelles attentes citoyennes, ces derniers demandant des comptes.
Un des éléments important de la période 1981 à 2007 est le développement du phénomène abstentionniste. Cette abstention a un effet sur les résultats électoraux, elle renforce le poids relatif de petits partis. D’une élection à l’autre les personnes qui s’abstiennent ne sont pas les mêmes. On estime que seulement 10% des électeurs s’abstiennent de manière constante. Ces facteurs expliquent l’enracinement des partis qui captent les attentes des électeurs déçus par l’offre partisane traditionnelle. Ce sont les partis écologistes et extrêmes qui vont capter ces voix.
- Le Front national, un parti « hors système » ?
Cela fait en fait longtemps que ce parti appartient au système politique français.
Il est créé en 1972, mais son audience restera confidentielle jusqu’au début des années 1980. Le Pen sera élu président du parti en 1972 bien qu’il ne soit pas à l’origine de la création du parti, c’est un ancien du Poujadisme. Le parti va rassembler des orientations politiques très variées et différentes.
A l’origine il rassemble les anciens de l’Algérie française (appelés le « nationaux »), d’anciens collaborationnistes vichyssois et des crypto-nazis. Mais aussi des jeunes radicalisés à l’extrême droite après 1968, que l’on retrouvera aussi au RPR.
La percée électorale démarre aux municipales du début des années 1980, notamment à Dreux en septembre 1983. J.P. Stirbois obtiendra 16% des voix et se maintiendra au second tour en s’alliant avec une liste de droite, ce qui lui permettra d’entrer au conseil municipal de la ville de Dreux. En 1980 le nombre d’adhérents au parti était de 270 individus.
Le Pen ne sera pas présent aux présidentielles de 1981 du fait de son impossibilité de recueillir les 500 signatures.
En 1984 le parti obtiendra 10 élus au parlement européen, dont Le Pen. En 1986 le FN fait une entrée à l’assemblée nationale avec 35 députés, du fait de la proportionnelle instaurée par Mitterrand. Aux présidentielles de 1988 le Pen est présent et obtient 14,4%.
On assiste à une radicalisation de l’électorat de droite, car le FN répond et crée aussi cette demande électorale.
Au début des années 1980 son électorat est composé de classes moyennes surtout commerçantes. Le FN s’encre sur un électorat traditionnel. A la suite des succès de 1984 et 1986 son audience s’étend auprès de couches populaires, surtout à partir de 1988. Les classes populaires, jusqu’à 1980-90, étaient plutôt portées à gauche (ouvriers et chômeurs), puis elles vont être tentées par le FN. On estime que c’est à partir de 1995 que le survote à gauche est terminé, pour s’orienter sur l’abstention et le vote en faveur du FN.
Si le FN augmente son audience sur ces classes populaire, c’est qu’il bénéficie de l’abstention. Il y a un sas électoral qui passe d’abord par l’abstention et c’est par la suite que ces gens se tournent vers le FN.
Le vote FN est très difficile à analyser, du fait d’un électorat très changeant et varié. C’est un vote sporadique. Ainsi, le FN est en fait stable et non en progression. On constate schématiquement qu’on a dans l’électorat, des individus très marqués à droite (discours souverainiste et nationaliste comme xénophobe), mais aussi des individus marqués par l’option « ni ni » qui sont charmés par le discours « tous pourris ». Ceci explique le discours très plastique du FN qui s’adapte en permanence à son électorat mouvant.
Localement on constate que le FN peut mobiliser 30% des électeurs.
Aujourd’hui du fait de ses résultats c’est le 3ème parti politique français, mais il a du mal à transformer sa capacité d’attraction en fonction élective concrète. Il profite des scrutins à la proportionnelle, et d’élections insularisées.
C’est un parti comme les autres où existent des déchirements et des tensions sur la rhétorique dominante et la mainmise de la famille Le Pen. En 1998 il y aura une tentative de putsch interne avec Bruno Mégret, qui créera en réaction le MNR. Cette scission n’a affaiblit le FN que temporairement. En 2002 le FN parviendra au second tour des présidentielles. Chirac obtiendra le soutien de tous, sauf du FN bien sûr, du MNR et de Lutte Ouvrière.
Lors des présidentielles de 2007, le Pen verra son score décroitra et perd 1 million de suffrage, alors que le contexte était très favorable, du fait d’un nombre de candidat plus faible qu’avant et du fait de la disparition du MNR. La candidature de Sarkozy et son discours très marqué à droite, permettra un détournement des voix du FN.
Sarkozy s’est constitué une force de par son parcours au ministère de l’intérieur et son discours très marqué.
- La question écologiste.
La question environnementale comme enjeu politique émerge dans les années 1960. Les associations naturalistes existaient déjà auparavant.
La défense de la nature contre le productivisme est un thème nouveau qui émerge dans les années 1960. Dans le tournant des années 1960-1970, la notion d’environnement apparait dans le langage courant et dans le débat politique. Les mouvements qui s’en saisissent vont être moins tournées vers la contemplation de la nature, on davantage réfléchir sur la place de l’homme et les interaction de ses activités sur la nature. On va réfléchir sur l’aménagement. En 1971 sera créé le premier ministère de l’environnement.
Le mouvement écologiste comme le FN est très divers, on y retrouve les défenseurs de la nature, mais aussi des ingénieurs et des aménageurs soucieux de l’écosystème, mais aussi des tiers-mondistes, des pacifistes. C’est donc au début un mouvement associatif qui s’appuie sur des critiques du matérialiste, du productivisme et du consumérisme, mais aussi de la technique sur la vie moderne. Le mouvement va donc porter des revendications diverses. L’écologie politique représentera une partie de la mouvance.
A la présidentielle de 1974 on assistera à la candidature de René Dumont, mais son score très faible n’entrainera pas une mobilisation partisane. Ce n’est qu’en 1984 que divers groupes vont se fédérer et s’institutionnaliser avec la création du parti « les Verts ». Ce parti est très hétérogène, il va rassembler des militants de l’extrême gauche, des militants qui refusent le système partisan, des naturalistes également.
En s’invitant dans le jeu électoral, il y a l’acceptation des règles partisanes, mais au sein des Verts il y a un refus de la professionnalisation politique et de la centralisation du pouvoir. Ils sont aussi attachés au non cumul des mandats, tant sur le plan géographique que temporel. Son fonctionnement est favorable à la rotation des mandats, ce qui pose problème pour leur candidature aux présidentielles.
Il est également difficile pour les Verts de se positionner dans le clivage gauche/droit. Il faudra attendre 1994 pour qu’ils se positionnent à gauche de l’échiquier ce qui leur permettra de participer aux gouvernements de gauche. Cette expérience laissera un goût amer tant aux militants qu’à leurs représentants.
Tout ceci explique que régulièrement se font des négociations intenses pour réfléchir sur les investitures et les tractations avec les socialistes.
Ils sont aussi fortement pro-européens, même si l’aile gauche a voté Non au référendum de 2005 sur une constitution européenne. Ils sont favorables à l’instauration d’une 6ème république comme Arnaud Montebourg.
La force militante est très faible (environ 8000 militants). Il y a 12 sénateurs et 17 députés écologistes actuellement.
FN et Verts constituent une double échappée pour des groupes sociaux qui avant étaient favorables à la gauche. Les verts y grappillent les classes sociales moyennes supérieures instruites (ceci explique la victoire à Grenoble lors des municipales).
- La gauche, un pôle fracturé ?
Au-delà du problème que peuvent lui poser le FN et es alliances avec les Verts, cette gauche n’est pas unifiée. Le PS est le seul à avoir obtenu la mandature suprême. Le PCF s’est étiolé et les partis d’extrême gauche sont fortement minoritaires.