Les Voies d’exécution

 COURS DE VOIES D’EXÉCUTION

 

  Une « voie d’exécution » est une procédure légale par laquelle sont mis en œuvre les moyens propres à obtenir de la partie condamnée, les prestations prononcées par un jugement ou par une sentence arbitrale devenus exécutoires.

 

 

Autres cours de VOIES D’EXÉCUTION – ARBITRAGE – RECOUVREMENT CREANCE

 Plan du cours-de-droit.net :

  • Introduction
  • Section 1: Le domaine des procédures civiles d’exécution
  • 1) La récalcitrance du débiteur
  • A) Le débiteur est dans l’impossibilité de payer
  • B) Le débiteur ne veut pas payer son créancier
  • 2) L’exécution d’une obligation
  • A) L’exécution des obligations de donner
  • B) L’exécution des obligations de faire ou de ne pas faire
  • Section 2: L’évolution des procédures civiles d’exécution
  • 1) La période antérieure aux réformes
  • A) L’évolution des moyens de contrainte privés
  • B) La nécessité d’une réforme des procédures civiles d’exécution
  • 2) La réforme des saisies mobilières
  • A) L’amélioration de l’efficacité des procédures civiles d’exécution
  • B) La recherche d’un équilibre entre la protection des créanciers et la protection des débiteurs
  • 3) La période postérieure à la réforme
  • A) L’évolution en droit interne
  • B) L’évolution en droit européen
  • 4) La réforme de la saisie immobilière
  • Section 3: Le caractère d’ordre public des procédures civiles d’exécution

 

  • Partie 1: Les règles communes à toutes les procédures civiles d’exécution
  • Titre 1: Les conditions d’application des procédures civiles d’exécution
  • Chapitre 1: Les conditions relatives aux personnes
  • Section 1: Les créanciers saisissants
  • 1) La capacité du créancier saisissant
  • A) La capacité requise
  • B) Les personnes capables
  • 2) Le pouvoir du créancier saisissant
  • Section 2: Les débiteurs saisis
  • 1) Le principe: la mesure d’exécution diligenté contre le débiteur
  • A) La capacité
  • B) Le pouvoir
  • 2) Les exceptions
  • A) La mesure d’exécution diligentée contre un tiers
  • B) L’impossibilité de diligenter une mesure d’exécution contre le débiteur
  • Chapitre 2: Les conditions relatives aux biens saisis
  • Section 1: Le principe: la saisissabilité des biens du débiteur
  • 1) L’appartenance des biens au débiteur
  • A) Principes généraux
  • B) Cas particuliers
  • 2) La localisation des biens sur le territoire français
  • Section 2: Les biens insaisissables
  • 1) L’insaisissabilité légale
  • A) La prise en compte de l’intérêt général au sens large
  • B) La prise en compte de la protection du débiteur
  • 2) L’insaisissabilité volontaire
  • A) L’insaisissabilité stipulée à titre principal
  • B) L’insaisissabilité accessoire à une clause d’inaliénabilité
  • Chapitre 3: Les conditions relatives à la créance
  • Section 1: Les conditions de fond
  • 1) L’objet de la créance
  • 2) Les caractères de la créance
  • A) Une créance liquide
  • B) Une créance exigible
  • Section 2: Les conditions de forme
  • 1) Les titres exécutoires juridictionnels
  • A) Les décisions des juridictions judiciaires
  • B) Les décisions des juridictions administratives
  • 2) Les titres exécutoires non juridictionnels
  • A) Les actes authentiques
  • B) Les actes assimilés à des actes authentiques
  • C) Les titres exécutoires des personnes morales de droit public
  • Titre 2: La mise en œuvre des procédures civiles d’exécution
  • Chapitre 1: Les personnels des procédures civiles d’exécution
  • Section 1: Les personnes chargées de l’exécution
  • 1) Le statut professionnel de l’huissier de justice
  • 2) Les missions de l’huissier de justice
  • A) Les missions de l’huissier de justice mandataire
  • B) Les missions de l’huissier de justice en tant qu’auxiliaire de justice
  • Section 2: L’autorité judiciaire
  • 1) Le juge de l’exécution
  • A) Désignation du JEX (juge de l’exécution)
  • B) La compétence du JEX
  • C) La procédure devant le JEX
  • 2) Le ministère public
  • A) La mission générale: la surveillance de l’exécution des titres exécutoire
  • B) La mission spéciale: la recherche des informations sur le débiteur
  • Section 3: Les tiers
  • 1) Les obligations des tiers
  • 2) Les sanctions de l’inexécution des obligations des tiers
  • Chapitre 2: Les opérations d’exécution
  • Section 1: Les principes applicables au déroulement des opérations d’exécution
  • 1) Le respect du contradictoire
  • A) Le devoir de communication des pièces
  • B) L’information du débiteur
  • 1) L’information directe du débiteur
  • 2) L’information a posteriori du débiteur
  • 2) Les respect de la vie privé et l’inviolabilité du domicile
  • A) La localisation temporelle de la saisie: le temps de la saisie
  • B) Les procédures d’entrée dans les lieux
  • Section 2: Les frais d’exécution
  •  
  • Partie 2: Les mesures conservatoires
  • Chapitre 1: Les règles communes aux mesures conservatoires
  • Section 1: Les conditions des mesures conservatoires
  • 1) Les conditions spécifiques relatives à la créance
  • A) Une créance apparemment fondée en son principe
  • B) L’exigence d’une menace au recouvrement de la créance
  • 2) La nécessité d’une autorisation judicaire
  • A) Principe: l’obtention d’une autorisation judiciaire
  • B) Les dispenses légales d’autorisation judiciaire
  • Section 2: La procédure applicable aux mesures conservatoires
  • 1) L’exécution de la mesure conservatoire
  • 2) La dénonciation de la mesure conservatoire
  • 3) La conversion de la mesure conservatoire
  • 4) Les incidents de la mesure conservatoire
  • A) La mainlevée de la mesure conservatoire
  • B) La substitution d’une autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties
  • Section 3: Les frais de la mesure conservatoire
  •  
  • Chapitre 2: Les différentes mesures conservatoires
  • Section 1: La saisie conservatoire des biens meubles incorporels (créances)
  • 1) Les opérations de saisie
  • A) Le déroulement des opérations de saisies
  • B) Les effets de la saisie conservatoire des créances
  • 2) Les issues de la saisie conservatoire des créances
  • A) La possibilité pour le créancier muni d’un titre exécutoire de demander le paiement de sa créance
  • B) La conversion en saisie-attribution
  • Section 2: La saisie conservatoire des biens meubles corporels
  • 1) Le domaine de la saisie conservatoire des biens meubles corporels
  • 2) Les opérations de saisie
  • A) Le déroulement des opérations de saisie
  • B) Les effets de la saisie conservatoire des biens meubles corporels
  • 3) Les issues de la saisie conservatoire des biens meubles corporels
  • A) Les modalités de la conversion en saisie-vente
  • B) Les effets de la conversion en saisie-vente
  • 4) Le concours de saisies conservatoires de biens meubles corporels
  • Section 3: Les saisies conservatoires spécifiques
  • 1) Les saisies conservatoires spécifiques sur les biens meubles corporels
  • A) La saisie conservatoire des biens placés dans un coffre-fort
  • B) La saisie-revendication
  • 2) Les saisies conservatoires spécifiques sur les biens meubles incorporels: la saisie conservatoire des droits d’associé et des valeurs mobilières
  • A) Les opérations de la saisie
  • B) Les issues de la saisie
  •  
  • Partie 3: Les mesures d’exécution
  • Titre 1: Les mesures d’exécution en nature
  • Chapitre 1: L’expulsion
  • Section 1: Les conditions de l’expulsion
  • 1) Les conditions communes à toutes les mesures d’expulsion
  • A) Le titre fondant la mesure d’expulsion
  • B) Le commandement d’avoir à quitter les lieux
  • 2) Les conditions spécifiques aux mesures d’expulsion des locaux affectés à l’usage d’habitation
  • A) Les mentions supplémentaires du commandement d’avoir à quitter les lieux
  • B) La dénonciation du commandement d’avoir à quitter les lieux au préfet du département
  • C) Le respect des délais
  • Section 2: Les opérations d’expulsion
  • Section 3: Le sort des meubles situés dans les locaux lors des opérations d’expulsion
  • 1) Le sort des meubles antérieurement saisis
  • 2) Le sort des meubles non saisis
  • Chapitre 2: La saisie-appréhension
  • Section 1: La saisie-appréhension de droit commun
  • 1) La saisie-appréhension opérée en vertu d’un titre exécutoire
  • A) La saisie-appréhension entre les mains du débiteur
  • B) La saisie-appréhension entre les mains d’un tiers
  • 2) La saisie-appréhension sur injonction du juge
  • A) La procédure gracieuse devant le JEX
  • B) La procédure contentieuse
  • Section 2: La saisie-appréhension des biens placés dans un coffre-fort
  • Titre 2: Les mesures d’exécution sur les biens
  • Sous-titre 1: Les mesures d’exécution sur les meubles incorporels
  • Chapitre 1: La saisie-attribution de droit commun
  • Section 1: Les conditions de la saisie-attribution
  • 1) Les conditions relatives aux personnes
  • 2) Les conditions relatives aux créances
  • A) La créance cause de la saisie
  • B) La créance objet de la saisie
  • Section 2: Les opérations de la saisie-attribution
  • 1) Le déroulement des opérations de saisie
  • A) L’acte de saisie-attribution
  • 3) La consignation éventuelle
  • B) La dénonciation de la saisie-attribution au débiteur
  • 2) Les effets des opérations de saisie-attribution
  • A) Les effets des opérations de saisie-attribution en l’absence de contestation
  • 1) Les effets immédiats de la saisie-attribution
  • 2) L’effet différé de la saisie-attribution: le paiement du créancier
  • B) Les effets des opérations de saisie-attribution en cas de contestation
  • Chapitre 2: Les procédures spécifiques de saisie des créances
  • Section 1: Les saisies-attribution particulières
  • 1) La saisie-attribution des créances à exécution successive
  • 2) La saisie-attribution des comptes bancaires
  • A) L’obligation spécifique de déclaration
  • B) La dénonciation de la saisie au débiteur
  • C) Le régime particulier de l’indisponibilité
  • D) La liquidation des opérations en cours
  • Section 2 : Les procédures spéciales de saisies relatives à certaines créances
  • 1) La saisie des rémunérations du travail
  • A) La fraction saisissable des rémunérations du travail
  • B) La procédure de saisie des rémunérations
  • 1) La tentative de conciliation
  • 2) Les opérations de saisie
  • C) La cessation de la saisie des rémunérations du travail
  • 2) Le recouvrement des créances alimentaires
  • A) Le recouvrement direct des créances alimentaires
  • B) Le recouvrement public des pensions alimentaires
  • C) Le recouvrement des pensions alimentaires d’un enfant mineur par les Caisses d’allocations familiales
  • Sous-titre 2: Les mesures d’exécution sur les meubles corporels
  • Chapitre 1 : La saisie-vente
  • Section 1 : Les conditions de la saisie-vente
  • 1) Les conditions relatives au bien saisi
  • 2) Les conditions relatives à la créance cause de la saisie
  • Section 2 : Les opérations de saisie
  • 1) Le déroulement des opérations de saisie
  • A) Le commandement de payer
  • B) L’acte de saisie
  • 2) Les effets des opérations de saisie
  • Section 3 : Les issues de la saisie-vente
  • 1) La vente amiable des biens saisis
  • 2) La vente forcée des biens saisis
  • A) Les formalités préalables
  • B) La vente par adjudication
  • Section 4 : Les incidents de la saisie-vente
  • 1) Les concours de saisies
  • A) L’opposition à la première saisie
  • B) L’extension de la première saisie
  • C) La subrogation des les poursuites du premier saisissant
  • 2) Les contestations des tiers
  • A) L’action en distraction de biens saisis
  • B) Les effets de l’action en distraction de biens saisis
  • 3) Les contestations du débiteur
  • A) La contestation de la validité de la saisie
  • B) La contestation relative à l’insaisissabilité des biens
  • Chapitre 2: Les procédures spécifiques de saisies-ventes des meubles corporels et de certains meubles incorporels
  • Section 1: La saisie des récoltes sur pied
  • 1) Le domaine
  • 2) Le déroulement des opérations de saisie
  • 3) La vente des récoltes saisies
  • Section 2: La saisie de biens placés dans un coffre-fort
  • 1) L’acte de saisie
  • 2) Le commandement de payer
  • 3) L’ouverture du coffre
  • 4) L’inventaire du coffre
  • Section 3: La saisie des droits d’associé et des valeurs mobilières
  • 1) Les opérations de saisie
  • 2) Les opérations de vente
  • Section 4: La saisie des véhicules terrestres à moteur (VTM)
  • 1) Les procédures spécifiques de saisie
  • A) La saisie par déclaration à la préfecture
  • B) La saisie par immobilisation du véhicule
  • 2) La saisie du véhicule accessoire à une autre procédure civile d’exécution
  • A) La saisie du véhicule accessoire à une saisie-vente
  • B) La saisie du véhicule accessoire à une saisie conservatoire
  • Sous-titre 3: Les mesures d’exécution sur les immeubles
  • Chapitre 1: Les conditions de la saisie immobilière
  • Section 1: Les conditions relatives aux personnes
  • 2) Les conditions relatives au débiteur saisi
  • A) La saisie entre les mains du débiteur saisi
  • B) La saisie entre les mains d’un tiers détenteur
  • Section 2: Les conditions relatives à la créance
  • Section 3: Les conditions relatives aux immeubles
  • 1) Le principe: les immeubles saisissables
  • 2) Les restrictions à la saisissabilité
  • Chapitre 2: La procédure de saisie immobilière
  • Section 1: La saisie de l’immeuble
  • 1) La procédure jusqu’à l’audience d’orientation
  • A) Les formalités tendant à la saisie de l’immeuble
  • B) Les actes préparatoires à la vente
  • 2) L’audience d’orientation
  • Section 2: La réalisation de la saisie immobilière: la vente de l’immeuble
  • 1) La vente amiable sur autorisation judiciaire
  • A) La réalisation de la vente amiable
  • B) Les effets de la vente amiable sur autorisation judiciaire
  • 2) La vente par adjudication
  • A) Les formalités préalables de publicité
  • B) L’adjudication
  • Chapitre 3: Les incidents de la saisie immobilière
  • Section 1: Les incidents exclusifs d’une pluralité de créancier
  • 1) Les incidents résultant de la saisie
  • A) La nullité des enchères
  • B) La caducité du commandement de payer
  • C) La radiation de la saisie immobilière
  • D) La péremption du commandement de payer
  • 2) Les incidents provoqués par des tiers: les demandes en distraction
  • A) Les conditions de la demande en distraction
  • B) Les effets de la demande en distraction
  • 3) Les incidents liés au comportement de l’adjudicataire: la réitération des enchères
  • A) Les conditions de la réitération des enchères
  • B) La procédure de réitération des enchères
  • C) Les effets de la réitération des enchères
  • 4) Les incidents provoqués par le débiteur: le cantonnement de la saisie
  • Section 2: Les incidents résultant d’une pluralité de créancier
  • 1) Le concours de saisies immobilières
  • A) Si les deux saisies ont la même assiette
  • B) Si les deux saisies n’ont pas exactement la même assiette
  • 2) La subrogation dans les poursuites
  • A) Les conditions de la subrogation dans les poursuites
  • B) La procédure de subrogation dans les poursuites
  • C) Les effets de la subrogation dans les poursuites
  • Partie 4; Les procédures de distribution
  • Chapitre 1: la distribution du prix de vente de l’immeuble
  • Section 1: La distribution amiable (art 112 à 121 décret 2006)
  • I] La distribution amiable en présence d’un créancier
  • II] La distribution amiable en présence de plusieurs créanciers
  • A) Les formalités préalables
  • Section 2: La distribution judiciaire
  • Chapitre 2 La distribution de deniers

 

 

L91 = loi du 9 juillet  1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution

D92 = décret d’application du 31 juillet  1992

Ord06 = ordonnance du 21 avril 2006 portant réforme de la saisie immobilière

D06 = décret d’application du 27 juillet  2006 modifié par le décret du 23 déc. 2006

Introduction

 

Le droit des voies d’exécution ou des procédures civiles d’exécution a pour objet l’étude de procédures appelées saisies, celles-ci sont des moyens légaux mis à la disposition des créanciers qui ne peuvent obtenir de leurs débiteurs l’exécution volontaire des obligations dont ceux-ci sont tenus à leur égard. Ces mesures tendent donc à l’exécution forcée des obligations. Les biens du débiteur sont mis sous main de justice avant d’en poursuivre la vente pour payer les créanciers sur le prix.

 

La matière présente différents intérêts:

 

  • intérêt pratique: les voies d’exécution permettent le recouvrement des créances, elles complètement donc le droit civil, commercial et du travail. Si la création des obligations relève du droit substantiel, les saisies en assurent l’effectivité notamment par leur rôle préventif. En effet, elles incitent souvent le débiteur à s’exécuter volontairement pour ne pas avoir à faire avec un huissier. Le lien avec la procédure civile est encore plus net car la procédure civile sanctionne en justice les droits et obligations des particuliers mais cette sanction judiciaire (décision de justice) ne contraint pas le débiteur à s’exécuter, les saisies prennent donc le relai puisque la force exécutoire de la décision de justice permet au créancier d’en obtenir l’exécution forcée. Toutefois, ce lien entre les voies d’exécution et la procédure civile n’est pas un passage obligé puisque qu’autres titres justifient parfois la mise en œuvre d’une saisie (ex: acte notarié). Ainsi, les procédures de saisies contribuent à l’effectivité des droits de créances et des décisions de justice.
  • intérêt économique: la vie des affaires repose sur le crédit et celui-ci n’est possible que si le créancier a la certitude d’être payé.

 

  • intérêt social: le créancier attend souvent, parfois avec impatience, le paiement de ce qui lui est dû (ex: créancier d’aliments), il doit donc disposer de moyens efficaces, simples et peu onéreux pour obtenir le paiement de sa créance. Mais la mise en œuvre d’une saisie est toujours un drame pour le débiteur qui la subit, sa vie pouvant en être bouleversée. Ainsi, le débiteur ne doit pas être acculé et donc doit lui aussi bénéficier d’une protection. Le législateur recherche donc un équilibre en l’impératif de protection des créanciers et de celui de protection des débiteurs, impératifs antagonistes.

 

  • intérêt politique: l’inexécution d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice risque de remettre en cause l’autorité de la justice et donc de l’Etat.

 

Section 1: Le domaine des procédures civiles d’exécution

 

L91 Article 1 « Tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard. » ainsi, les procédures civiles d’exécution permettent au créancier d’obtenir l’exécution d’une obligation en cas de récalcitrance du débiteur.

 

1) La récalcitrance du débiteur

Différentes raisons peuvent conduire le débiteur à ne pas payer son créancier ou encore à ne pas exécuter ses obligations.

 

  1. A) Le débiteur est dans l’impossibilité de payer

Dans cette hypothèse, le débiteur connaît des difficultés financières, plusieurs cas de figure doivent être envisagés:

 Le débiteur peut obtenir du juge des délais de paiement, il y a alors suspension des poursuites. I.e. pendant les délais octroyés au débiteur aucune saisie ne peut être pratiquée.

 Le débiteur est surendetté: le créancier se trouve dans une impasse car si ses droits sont légitimes, sa poursuite est vaine si le débiteur fait l’objet d’une procédure de surendettement (loi Neiertz) car un plan conventionnel ou judiciaire peut alors être adopté avec un rééchelonnement des dettes du débiteur et le créancier se heurtera donc à la suspension des poursuites sauf pour les créances ne figurant pas dans le plan.

 Le débiteur est un commerçant, artisan ou exerce une profession libérale: la loi du 26 juillet  2005 de sauvegarde des entreprises et son décret d’application du 28 déc. 2005 (applicable 1er jan. 2006) instituent  4 procédures:

  • procédure de conciliation: elle peut déboucher sur un accord entre créanciers et débiteur qui sera soit constaté par le tribunal soit homologué par le tribunal. L’accord homologué suspend pour sa durée toute action en justice et toute poursuite individuelle des créanciers signataires (sur les meubles et immeubles).
  • procédure de sauvegarde: les créanciers antérieurs à l’ouverture de la procédure collective et les créanciers non privilégiés sont soumis à l’arrêt des poursuites. En revanche, les créanciers postérieurs y échappent i.e. seuls les créanciers postérieurs à l’ouverture peuvent mettre en œuvre une procédure civile d’exécution.
  • procédure de redressement judiciaire: les mêmes règles s’appliquent: seuls les créanciers postérieurs pourront mettre en œuvre une procédure civile d’exécution.
  • procédure de liquidation judiciaire: les créanciers sont soumis à la procédure collective pour le règlement de leurs créances puisque la procédure a pour objectif de liquider le passif de l’entreprise, il n’y a donc aucune place pour des poursuites individuelles des créanciers soumis à la procédure collective.

Ainsi, ces différentes procédures constituent pour l’essentiel de véritables obstacles à la mise en œuvre des procédures civiles d’exécution.

 

  1. B) Le débiteur ne veut pas payer son créancier

Face à la résistance du débiteur qui ne veut le payer, le créancier dispose d’une alternative, il peut soit inciter le débiteur à s’exécuter en utilisant un moyen de pression (astreinte) soit avoir recours à la force pour obtenir l’exécution de l’obligation.

 Les moyens de pression se distinguent des voies d’exécution à un double point de vue:

  • ils n’aboutissent pas directement à la vente forcée des biens du débiteur contrairement au mesure d’exécution
  • ils ne permettent pas de mettre les biens du débiteur sous main de justice pour les conserver (i.e. pour éviter que le débiteur ne dilapide son patrimoine).

Ainsi, les moyens de pression se différencient des mesures conservatoires qui relèvent des procédures civiles d’exécution. Pourtant, ils sont importants car ils incitent de nombreux débiteurs à se libérer spontanément envers le créancier.

 

 L’astreinte: L91 règlemente l’astreinte, l’astreinte a un caractère comminatoire, il s’agit d’une mesure destinée à vaincre la résistance opposée à l’exécution d’une condamnation. Le débiteur est condamné dans ce cas à payer une somme d’argent dont le montant augmente selon une périodicité fixée par le juge jusqu’à exécution. Ce moyen indirect d’exécution, ce moyen de pression doit amener le débiteur à une exécution volontaire et non à une exécution forcée de son obligation.

2 cas de figure:

  • le débiteur s’exécute volontairement: le créancier a donc obtenu satisfaction, il n’y a plus de place pour une quelconque saisie, le moyen a été efficace.
  • le débiteur s’obstine et refuse de s’exécuter: le créancier peut demander au juge de l’exécution de liquider l’astreinte. Cette liquidation donne naissance à une créance de somme d’argent. A partir de là, si le débiteur ne règle pas spontanément cette somme, le créancier peut en obtenir le recouvrement grâce à une saisie. Dans ce cas, on considère que le recours à l’exécution forcée devient légitime.

Cependant il est parfois difficile de distinguer le bon débiteur du mauvais débiteur, c’est pourquoi le débiteur doit être préalablement mis en demeure de s’exécuter.

La mise en demeure ne suffit pas toujours et souvent un exploit de huissier doit être signifié au débiteur, il s’agit d’un acte particulier: le commandement de payer.

Un délai minimum de 8 jours est imposé entre le commandement de payer et l’exécution i.e. la saisie: L91 Article 20, l’huissier peut pratiquer une saisie à l’expiration d’un délai de 8 jours si le commandement de payer est resté sans effet, un répit est donc laissé au débiteur pour trouver de l’argent. Si ce délai de 8 jours permet au débiteur de réunir les fonds pour payer la créance c’est une bonne chose, mais pendant ce délai, le débiteur peut aussi dissimuler certains biens. C’est pourquoi dans ce cas, l’intervention de l’huissier perd son effet de surprise, le créancier n’est pas démuni car il peut toujours pratiquer au préalable une mesure conservatoire pour mettre les biens du débiteur sous main de justice i.e. pour les rendre indisponibles afin de pouvoir ensuite les saisir pour obtenir l’exécution de son obligation.

 

2) L’exécution d’une obligation

Les droits patrimoniaux d’une personne sont soit des droits réels soit des droits personnels (droit de créance). L91 Article 1 autorise seulement le créancier à contraindre le débiteur à exécuter ses obligations. Ainsi, l’exécution forcée ne vaut que pour les droits de créance mais toute exécution forcée n’est pas exclue pour les droits réels.

 

 en matière de propriété immobilière: la publicité foncière suffit pour opposer le droit de propriété aux tiers, ainsi, si un tiers s’introduit dans un immeuble c’est dans ce cas la possession qui est en cause et dès lors, par l’action possessoire, le propriétaire de l’immeuble peut faire respecter son droit de propriété. Dans ce cas, le recours à la force permet en réalité d’imposer aux tiers une obligation de ne pas faire i.e. ne pas s’introduire dans l’immeuble du propriétaire, il y aura donc place à une éventuelle mesure d’exécution de cette obligation de ne pas faire.

 

 en matière de propriété mobilière: la possession vaut titre (Code Civil Article 2279), elle vaut donc publicité de la propriété mobilière. Ainsi, si un tiers vole une chose, le recours à la force est possible pour obtenir la restitution de la possession de la chose volée car sera sanctionnée l’exécution d’une obligation de faire (restituer).

Ainsi, l’exécution forcée se justifie en réalité pour obtenir l’exécution d’une obligation de donner (1) ou d’une obligation de faire ou de ne pas faire (2).

 

  1. A) L’exécution des obligations de donner

Toutes les obligations de donner ne justifient pas le recours à l’exécution forcée, il faut distinguer l’obligation de donner une somme d’argent et l’obligation de donner un corps certain ou une chose de genre.

 

1) L’obligation de donner une somme d’argent

L’exécution d’une obligation de donner une somme d’argent est le domaine de prédilection des saisies. En effet, Code Civil Article 2284 si le débiteur ne paye pas, le créancier peut saisir les biens meubles et immeubles présents et à venir de son débiteur pour se faire payer sur le prix (droit de gage général du créancier).

Plusieurs mesures d’exécution sont alors à la disposition du créancier: il peut saisir une créance du débiteur (saisie-attribution), un bien meuble (saisie-vente) ou un bien immeuble (saisie immobilière) afin de le faire vendre et de se payer sur le prix.

 

2) L’obligation de donner un corps certain ou une chose de genre

« L’obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties contractantes » (Code Civil Article 1138) i.e. le créancier est immédiatement propriétaire, c’est notamment le cas pour la vente (Code Civil Article 1583). Ainsi, si l’acquéreur n’est pas livré, il peut obtenir l’exécution forcée de cette obligation mais dans ce cas, il s’agit en réalité d’obtenir l’exécution d’une obligation de faire.

 

  1. B) L’exécution des obligations de faire ou de ne pas faire

« Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur » (Code Civil Article 1142). Ainsi, a priori, la contrainte est impossible pour les obligations de faire ou de ne pas faire mais la règle doit être nuancée, une distinction s’imposant selon la nature de la prestation à fournir:

  • pour une prestation subjective (ex: commande d’un portrait à un peintre), la contrainte est impossible car il n’y a rien à saisir. Le débiteur sera condamné pour inexécution à verser un équivalent monétaire sous forme de dommages et intérêts. Le créancier pourra alors obtenir l’exécution de cette obligation de donner une somme d’argent (cf. supra.).
  • pour une prestation objective (ex: livraison de la chose vendue), il y a une chose à saisir, il existe donc une saisie spéciale: la saisie-appréhension qui permet au créancier d’obtenir la livraison de la chose.

Le recours à la force n’est admis que pour contrer l’inertie du débiteur. Ainsi, les voies d’exécution concernent seulement les situations où le paiement du débiteur n’est plus spontané mais devient forcé.

 

Section 2: L’évolution des procédures civiles d’exécution

4 périodes peuvent être distinguées.

 

1) La période antérieure aux réformes

Même si les moyens de contrainte ont évolué, une réforme s’imposait.

  1. A) L’évolution des moyens de contrainte privés

On est passé de la contrainte sur la personne à la contrainte sur les biens.

 

1) Les procédés antiques de contrainte sur la personne

 

Dès la plus haute antiquité, les sociétés humaines ont ressenti le besoin de veiller à l’exécution des engagements en cas de défaillance du débiteur. Ainsi, dans les systèmes juridiques primitifs, l’exécution se faisait sur la personne même du débiteur, personne qui constituait alors le droit de gage des créanciers.

En droit romain ancien, une procédure permettait au créancier de se faire justice à lui-même sur la personne du débiteur: manus injectio, tirée de la loi des 12 tables. Cette saisie de la personne pouvait durer pendant 60 jours. Passé ce délai, si la dette n’était pas réglée par les parents ou amis du débiteur, ce dernier était réduit à l’esclavage et adjugé au créancier. De plus, en cas de pluralité de créanciers, le débiteur pouvait être mis à mort et ses lambeaux étaient alors partagés entre les créanciers, ils étaient ensuite rachetés par l’entourage du débiteur ce qui permettait le paiement des créanciers.

En 1806, le Code de Procédure Civile prévoyait encore l’incarcération du débiteur défaillant pour le contraindre à payer ses dettes, il s’agissait de la contrainte par corps, devenue contrainte judiciaire depuis loi Perben II.

Abolie par la loi du 22 juillet 1867 en matière civile et commerciale, la contrainte subsiste en matière pénale et fiscale:

  • en matière pénale: elle est prévue pour les condamnations à une amende ou à tout autre paiement au profit du Trésor public.
  • en matière fiscale: elle est possible dans 2 cas:

   en cas de condamnation par les juridictions répressives du contribuable qui s’est frauduleusement soustrait à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts directs.

   en cas de défaut de paiement des impôts directs dont l’assiette ou le recouvrement a justifié les poursuites.

Selon les cas l’incarcération dure entre 15 jours et 1 mois selon le montant de la condamnation pécuniaire.

Hors de ces hypothèses, l’exécution sur la personne n’existe plus aujourd’hui, subsistent néanmoins quelques vestiges de la contrainte judiciaire en matière civile car certains moyens de pression font peser une menace sur le débiteur pour qu’il paye sa dette:

 poursuites pour abandon de famille: le débiteur qui n’exécute pas pendant plus de 2 mois une décision judiciaire ou une convention judiciairement homologuée le condamnant à payer à un enfant mineur, à un descendant ou à son conjoint une pension ou une contribution, encourt une peine d’emprisonnement de 2 ans et/ou une amende de 15.000 euros.

 – l’expulsion de l’occupant d’un immeuble sans droit ni titre constitue dans une certaine mesure un mode d’exécution contre la personne du débiteur, c’est pourquoi cette mesure d’exécution est minutieusement règlementée.

On privilégie aujourd’hui les procédés de contrainte sur les biens du débiteur.

 

2) les procédés modernes de contrainte sur les biens

En principe, l’exécution des obligations se fait en nature mais si ce mode d’exécution permet au créancier d’obtenir du débiteur la prestation voulue, son champ d’application est limité. Le débiteur d’une obligation de faire ou de ne pas faire ne peut être contraint à s’exécuter en nature contre son gré (Code Civil Article 1142).

Cependant, il existe malgré tout quelques cas d’exécution en nature:

 le créancier peut exiger du débiteur qu’il détruise ce qu’il a fait contrairement à son engagement, en cas de refus de la part du débiteur, le créancier peut être autorisé à le détruire aux dépends du débiteur i.e. aux frais du débiteur.

 en cas d’inexécution du débiteur, le créancier peut être autorisé à faire exécuter lui-même l’opération aux dépends de ce dernier.

ex: un bailleur s’engage à exécuter des travaux et ne s’exécute pas, le locataire peut, sous certaines conditions, faire réaliser ces travaux par une autre personne, aux frais du bailleur.

L’exécution en nature ayant un rôle restreint, l’exécution sur les biens i.e. l’exécution pécuniaire est le procédé classique d’exécution des obligations puisque le débiteur est tenu et répond de ses engagements sur l’ensemble de son patrimoine.

Les conditions d’exercice des procédures civiles d’exécution diffèrent selon qu’elle porte sur un meuble ou un immeuble: la saisie des biens meubles est régie par la L91 et son décret d’application D92 alors que la saisie immobilière est régie par l’Ordonnnance 06 et son décret d’application du 27 juillet 2006 modifié par le décret du 23 déc. 2006 (D06).

L’exécution sur les biens n’est pas nouvelle en soi, elle existait déjà sous l’ancien régime car dès les XIIIème et XIVème siècles il existait différentes saisies (saisie réelle, saisie-arrêt) qui permettaient au créancier d’obtenir le paiement de sa créance sur le patrimoine de son débiteur. Elles résultaient de coutumes qui ont été codifiées par la grande ordonnance de 1667 sur la procédure civile ordonnance prise à l’initiative de Colbert.

Le Code de procédure civile de 1806 a repris les 3 saisies exécutoires (la saisie-exécution, la saisie-arrêt et la saisie immobilière) et les différentes saisies conservatoires (la saisie gagerie, la saisie foraine et la saisie revendication) préexistantes. Depuis 1806, d’autres saisies conservatoires ont été ajoutées: la saisie conservatoire commerciale, la saisie des navires, la saisie des aéronefs et la saisie revendication.

Ce dispositif était compété par 2 procédures de distribution prévues pour la répartition des deniers entre les créanciers: la procédure d’ordre en matière immobilière (répartition du prix de vente des immeubles) et la procédure de contribution en matière mobilière (répartition du prix de vente des meubles).

Ces règles ont été satisfaisantes pendant près de deux siècles mais peu à peu, les faiblesses du dispositif ont été dénoncées et une réforme est devenue nécessaire.

 

  1. B) La nécessité d’une réforme des procédures civiles d’exécution

 Le dispositif présentait des faiblesses:

  • la saisie immobilière restait une procédure lourde, lente et complexe tout comme la procédure d’ordre.
  • les saisies mobilières soulevaient des problèmes de compétence en raison de la multiplicité des juridictions susceptibles d’intervenir.
  • la saisie-arrêt avait un caractère conservatoire (elle permettait de rendre le bien indisponible) mais aussi exécutoire et ne laissait ainsi en réalité que peu de place au titre exécutoire détenu par le créancier.
  • de nombreuses saisies conservatoires faisaient double emploi avec la saisie conservatoire de droit commun créée en 1955.

 

 L’évolution du contexte économique et social devait être prise en compte: à l’origine, les voies d’exécution étaient marquées par une grande rigueur à l’égard du débiteur mais la société de consommation a banalisé la situation du débiteur qui use de plus en plus souvent du crédit. Certaines valeurs sociales sont aussi montées en puissance: la liberté individuelle, le droit à la vie privé et l’inviolabilité du domicile qui nécessitent une meilleure protection du débiteur.

 

 Le patrimoine mobilier des débiteurs ne se limite plus aux seuls meubles meublants.

Si les praticiens, les magistrats et les universitaires s’accordaient sur la nécessité d’une réforme, ils divergeaient sur l’ampleur du travail à entreprendre: toilettage ou réforme générale. Renonçant provisoirement à une réforme de la saisie immobilière, le gouvernement a préféré dans un premier temps rajeunir les saisies mobilières et les principes généraux qui les régissent. Une commission de réforme a été créée en 1988 et a abouti à la L91 et au D92, la réforme est entrée en vigueur au 1er jan. 1993.

 

2) La réforme des saisies mobilières

La réforme des saisies mobilières a été réalisée par la L91 et le D92, les objectifs étaient doubles: il s’agissait d’améliorer l’efficacité des procédures civiles d’exécution (A) tout en recherchant un équilibre entre la protection des créanciers et celle des débiteurs (B).

 

  1. A) L’amélioration de l’efficacité des procédures civiles d’exécution

3 principes renforcent l’efficacité des procédures civiles d’exécution: l’unification des règles de compétence (1), la revalorisation du titre exécutoire (2) et la diversification des procédures de saisie mobilière (3).

 

1) L’unification des règles de compétence

Pour remédier aux difficultés relatives à la multiplicité des juridictions compétentes, la L91 a créé un juge de l’exécution (JEX) compétent pour tous les problèmes relatifs aux saisies. En principe, le président du TGI exerce la fonction de JEX mais il peut déléguer ses pouvoirs. Cette volonté de concentrer dans les mains d’un seul juge toutes les difficultés relatives à l’endettement et aux saisies a conduit à reconnaitre au JEX une compétence en matière de surendettement.

 

2) La revalorisation du titre exécutoire

La revalorisation du titre exécutoire est l’idée forte de la réforme car elle limite le recours au juge et améliore ainsi la situation du créancier d’une somme d’argent. En effet, le créancier muni d’un titre exécutoire n’a plus à demander une autorisation de saisir. En principe, la procédure est donc extrajudiciaire, il peut y avoir une saisie sans recours au juge, la saisine du juge ne devient nécessaire qu’en cas d’incident.

La distinction est ainsi plus nette entre les mesures d’exécution ouvertes au créancier muni d’un titre exécutoire et les mesures purement et simplement conservatoires offertes au créancier dont la créance est seulement fondée et qui nécessite donc l’obtention d’une autorisation judiciaire préalable. L’ancienne saisie-arrêt qui avait une nature mixte a purement et simplement disparu avec la réforme.

 

3) La diversification des procédures de saisie mobilière

Le législateur a pris en compte l’évolution de la consistance du patrimoine car aujourd’hui les fortunes sont essentiellement mobilières et les meubles essentiellement incorporels. Des saisies spécifiques ont été prévues pour certaines catégories de biens (VTM). Cette diversification des saisies en accroit l’efficacité.

 

  1. B) La recherche d’un équilibre entre la protection des créanciers et la protection des débiteurs

La recherche d’un équilibre entre les droits respectifs des créanciers et ceux des débiteurs s’est accentuée lors de la réforme car le créancier doit pouvoir récupérer sa créance mais le débiteur ne doit pas pour autant être privé des moyens nécessaires à son existence et à celle des personnes dont il a la charge.

 Le législateur multiplie les mesures de protection du débiteur au risque même parfois de compromettre l’efficacité des saisies. Il veut en quelque sorte et, dans la mesure du possible, humaniser les saisies en essayant d’une part de traumatiser le moins possible de débiteur et d’autre part de prendre ne compte ses difficultés.

  • le logement et l’environnement du débiteur sont protégés: l’expulsion est réglementée.
  • le principe de la subsidiarité de la saisie des biens se trouvant dans le local servant d’habitation au débiteura été posé: si le débiteur a des meubles dans sa résidence secondaire et principale, il faut saisir d’abord les meubles de la résidence secondaire et le législateur prévoit dans ce cas que le créancier doit le plus souvent essayer de mettre ne œuvre une saisie sur un compte bancaire notamment lorsqu’il entend obtenir le recouvrement d’une créancier non alimentaire d’un petit montant (moins de 535 euros).
  • en cas de difficulté financière, le juge peut aménager le règlement de la dette puisque le juge de l’exécution est également compétent en matière d’astreinte et de surendettement.

 

 Le législateur place le créancier muni d’un titre exécutoire dans une situation très avantageuse puisque celui-ci choisit la saisie qu’il entend mettre en œuvre, il peut donc toujours opter pour une mesure conservatoire si tel est son intérêt (i.e. rendre indisponible sans envisager la vente des meubles).

Cependant, la liberté du créancier n’est pas sans limite car existent 2 mesures préventives et une curative:

  • mesures préventives:
  • principe de proportionnalité: la mise en œuvre d’une mesure d’exécution ou d’une mesure conservatoire « ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation » (L91 Article 22) à défaut, il y aura mainlevée de la saisie.

Ex: je souhaite recouvrer 100 et saisis un bien de 100.000, il y a disproportion.

  • principe de subsidiarité de la saisie-vente pour le recouvrement des petites créances non alimentaires: pour les créances non alimentaire dont le montant n’excède pas 535 euros, la saisie des comptes bancaires est privilégiée.
  • mesure curative: l’abus de saisie: il s’agit d’une application particulière de l’abus de droit, le créancier peut être condamné au paiement de dommages et intérêts en cas de saisie abusive sur le fondement de Code Civil Article 1382.
  •  

3) La période postérieure à la réforme

Depuis les années 1990, l’évolution des procédures civiles d’exécution s’est poursuivie.

 

  1. A) L’évolution en droit interne

Depuis 1991, des modifications ponctuelles sont intervenues: quelques modifications procédurales mais surtout le renforcement de la protection des débiteurs.

 

1) Les modifications procédurales

Le décret du 18 déc. 1996 a clarifié compétences du juge de l’exécution (JEX).

Le décret du 28 déc. 2005 Article 82 et 83 a modifié la saisie conservatoire des créances et la saisie des droits d’associé et des valeurs mobilières depuis le 1er mars 2006. L’objectif était de favoriser la transparence de la procédure et d’alléger la charge de travail du greffe.

 

2) Le renforcement de la protection des débiteurs

La loi du 23 jan. 1998 renforçant la protection des personnes surendettées en cas de saisie immobilière et la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, ont modifié les saisies immobilières et l’expulsion.

Décret 11 sept. 2002 a institué un dispositif d’accès urgent aux sommes à caractère alimentaire figurant sur un compte saisi.

Loi Dutreil du 1er août 2003 pour l’initiative économique: l’entrepreneur individuel peut déclarer sa résidence principale insaisissable.

 

  1. B) L’évolution en droit européen

En 2008, une procédure européenne d’injonction de payer devrait être mise en place mais en l’état actuel du Droit, l’évolution résulte de l’influence de la CEDH et de l’adoption de règlements communautaires.

 

1) L’influence de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales des citoyens (CEDH)

Cour EDH les saisies entrent dans le domaine de CEDH Article 6 §1, elles sont donc soumises au respect du délai raisonnable. Cette évolution s’est opérée en 3 temps:

  • la phase d’exécution d’un jugement ou d’un arrêt a été jugée que faisant partie intégrante du droit à un procès équitable (Cour EDH Hornsby c/ Grèce).
  • Art.6 §1 a été appliqué à une procédure d’exécution mise en œuvre à l’aide d’un acte (Cour EDH Estima Jorge c/ Portugal) car l’esprit de la CEDH commande de ne pas prendre le terme de contestation dans une conception trop technique et donc d’en donner une définition matérielle plutôt que formelle ce qui permet ainsi de reconnaitre le droit à un procès équitable même ne l’absence de procès. En l’espèce l’obtention du recouvrement de la créance avait duré 13 ans.
  • la durée de l’exécution est intégrée à la durée du procès pour le calcul du délai raisonnable (Cour EDH Pinto de Oliveira c/ Portugal).

 

2) L’évolution en droit communautaire

La procédure d’exéquatur a progressivement disparu dans l’espace judiciaire européen grâce au règlement du 21 avril 2004 portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées.

 

4) La réforme de la saisie immobilière

La réforme de la saisie immobilière était attendue depuis 1990 car sa procédure était jugée trop longue et formaliste. La loi du 26 juillet  2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie Article 24 a habilité le Gouvernement à réformer les dispositions relatives à l’expropriation (procédure de saisie) et à la procédure de distribution du prix de vente de l’immeuble (procédure d’ordre). L’Ord06 Code Civil Titre XIX « De la saisie et de la répartition du prix de vente de l’immeuble », l’ordonnance a été complétée par le décret d’application du 27 juillet  2006, réformé par le décret du 23 déc. 2006. La réforme est entrée en vigueur au 1er jan. 2007, elle poursuit un double objectif:

assurer une protection adéquate au débiteur en prohibant les expropriations injustifiées ou expéditives et surtout en évitant de brader l’immeuble qui constitue souvent l’élément principal du patrimoine.

offrir aux créanciers des procédures efficaces de recouvrement des créances pour les inciter à faire crédit: une intervention plus rapide du juge, prévision de modes alternatifs à la vente aux enchères, anticipation et limitation des éventuels incidents pouvant intervenir au cours de la procédure de saisie immobilière.

 

Section 3: Le caractère d’ordre public des procédures civiles d’exécution

Les textes régissant les procédures civiles d’exécution (mobilières comme immobilières) sont d’ordre public, les intéressés ne peuvent donc y déroger même d’un commun accord, ce caractère protège non seulement le débiteur mais aussi les autres créanciers:

  • le créancier ne peut imposer au débiteur des clauses le privant de ses garanties légales
  • les formalités d’exécution préservent les droits des autres créanciers puisqu’ils ont aussi pour droit de gage l’ensemble des biens meubles et immeubles du débiteur (Code Civil Article 2284).

Depuis l’ordonnance du 23 mars 2006 relatives aux sûretés, le pacte commissoire n’est plus prohibé i.e. les parties peuvent convenir que le créancier s’appropriera le gage en cas de non paiement par le débiteur.

Par contre, si le créancier souhaite vendre le bien affecté en garantie, il lui est impossible de déroger aux règles de procédures civiles d’exécution, la prohibition de la clause de voie parée étant maintenue aussi bien en matière mobilière (Code Civil Article 2346) qu’en matière immobilière (Code Civil 2201 al.2).

 

Les procédures civiles d’exécution sont régies par des règles générales (Partie 1), complétées par des règles spéciales propres à chaque catégorie de mesures. Plusieurs mesures sont offertes chronologiquement au créancier: tout d’abord, certaines tendent à garantir ses droits sans pour autant lui permettre de procéder immédiatement à l’attribution ou à la vente forcée des biens du débiteur (les mesures conservatoires) (Partie 2), ensuite d’autres mesures lui permettent d’obtenir effectivement le paiement de sa créance (les mesures d’exécution) (Partie 3) et enfin plusieurs dispositions permettant de répartir le prix du bien saisi et vendu (les procédures de distribution) (Partie 4).

Autres cours de VOIES DEXECUTION – ARBITRAGE – RECOUVREMENT CREANCE

 

 

Partie 1: Les règles communes à toutes les procédures civiles d’exécution

 

Titre 1: Les conditions d’application des procédures civiles d’exécution

 

Chapitre 1: Les conditions relatives aux personnes

 

Les voies d’exécutions opposent deux personnes principales: celle qui pratique la saisie (le créancier saisissant, le saisissant) (Section 1) et celle qui subit la saisie (le débiteur saisi, le saisi) (Section 2).

 

Section 1: Les créanciers saisissants

Tous les créanciers peuvent saisir les biens de leurs débiteurs s’ils en ont la capacité et le pouvoir (L91 Article 1 al.1)

1) La capacité du créancier saisissant

  1. A) La capacité requise

 Capacité d’administrer: « Sauf disposition contraire, l’exercice d’une mesure d’exécution et d’une mesure conservatoire est considéré comme un acte d’administration sous réserve des dispositions du code civil relatives à la réception des deniers » (L91 Article 26) ainsi, la capacité d’administrer suffit pour pratiquer une saisie.

2 exceptions:

  • la saisie immobilière: la mise en œuvre d’une saisie immobilière est assimilable à un acte de disposition car le créancier s’engage à acquérir le bien mis aux enchères si celui-ci n’est pas adjugé, il doit donc avoir la capacité de disposer.
  • la réception des deniers: est exigée pour la réception des deniers la même capacité que pour aliéner un bien i.e. la capacité de disposer (Code Civil Article 1241).

 

 Capacité d’ester en justice (non): la capacité d’ester en justice du créancier n’est pas requise puisque les procédures civiles d’exécution ont été déjudiciarisées.

Exceptions:

  • la déjudiciarisation n’est pas totale, les saisies devenant judiciaires lorsque des incidents surviennent au cours de leur exécution et alors la capacité d’ester en justice devient nécessaire.
  • la capacité d’ester en justice est toujours requise pour la saisie immobilière puisqu’elle reste judiciaire du début jusqu’à la fin.

 

  1. B) Les personnes capables

 Le majeur de 18 ans a nécessairement la capacité de diligenter seul toutes les procédures civiles d’exécution puisqu’il est capable pour tous les actes de la vie civile.

 

 Majeurs incapables:

  • majeur sous sauvegarde de justice: il a la capacité requise puisqu’il conserve l’exercice de ses droits.
  • majeur sous curatelle: il a la capacité requise puisque les voies d’exécution ne figurent pas parmi les actes pour lesquels l’assistance du curateur est requise.

Exception: le juge des tutelles peut prévoir expressément que l’assistance d’un curateur sera nécessaire pour la mise en œuvre des voies d’exécution.

  • majeur sous tutelle: il n’a pas la capacité, le tuteur doit donc mettre en œuvre la procédure de saisie.

 

 Mineurs:

  • mineur émancipé de 16 à 18 ans: il a la capacité de saisir puisqu’il est capable, comme un majeur, d’effectuer tous les actes de la vie civile.
  • mineur non émancipé il n’a pas la capacité requise, les règles relatives à l’administration légale s’appliquent i.e. seul l’administrateur légal (parents) peut faire procéder à une saisie au nom et pour le compte du mineur.

 

2) Le pouvoir du créancier saisissant

Le créancier majeur et capable peut diligenter une procédure civile d’exécution et peut pour cela charger un mandataire de le représenter. Dans ce cas, le mandataire reçoit le pouvoir d’agir soit par une procuration (mandat général) soit par un mandat spécial. Le mandat spécial n’est pas nécessairement requis.

  • v Le représentant de l’incapable: il a nécessairement le pouvoir pour agir (cela découle des textes).
  • v Les époux: lorsque les créanciers sont mariés, si les époux ont une entière capacité pour saisir, leur régime matrimonial agit sur leur pouvoir.

Quel que soit le régime matrimonial, chaque époux peut pratiquer une saisie pour sauvegarder ses biens personnels.

De plus, les époux peuvent toujours se représenter mutuellement grâce au pouvoir que le régime matrimonial leur attribue au titre de la représentation conventionnelle ou judiciaire, dans le pire des cas (Article 217 et suivants Code Civil).

  • régimes séparatistes: chaque époux peut pratiquer une saisie pour la sauvegarde de ses biens.
  • régimes communautaires: chaque époux peut pratiquer seul une saisie pour la sauvegarde de ses biens propre mais également pratiquer seul une saisie pour la sauvegarde des biens communs.

 

 Cession ou de transmission de la créance par le créancier: l’ayant-cause peut pratiquer la mesure d’exécution que son auteur pouvait diligenter mais certaines formalités s’imposent:

  • ayant cause universel ou à titre universel (les héritiers i.e. sans testament ou les légataires i.e. par testament): il doit justifier de sa qualité en notifiant l’acte de décès de son auteur au débiteur. En outre, il doit lui adresser soit un acte de notoriété, dressé par le notaire en cas de succession légale i.e. de succession sans testament, soit le texte de la partie du testament contenant le legs en cas de succession testamentaire.
  • ayant cause particulier (cessionnaire ou légataire à titre particulier dans le cas du legs d’un bien déterminé): il doit prouver la transmission ou la cession.

                     le cessionnaire doit nécessairement respecter les conditions de la cession de créance (Code Civil Article 1690).

                     le légataire doit notifier la partie du testament contenant le legs particulier en sa faveur.

 

 Subrogation: le pouvoir de saisir appartient à toute personne subrogée dans les droits du créancier.

 

 Action oblique: les créanciers du créancier peuvent pratiquer une mesure d’exécution au nom de leur débiteur au titre de l’action oblique si la négligence du débiteur compromet leurs droits.

 

Section 2: Les débiteurs saisis

En principe, la saisie est diligentée contre le débiteur (1) mais il existe des exceptions (2).

 

1) Le principe: la mesure d’exécution diligenté contre le débiteur

En principe la saisie est diligentée contre le débiteur ou son ayant cause s’il est décédé. Des problèmes de capacité et de pouvoir se posent.

 

  1. A) La capacité

 Débiteur majeur capable: la mesure d’exécution est directement pratiquée contre lui.

 Débiteur incapable:

  • régime d’assistance (curatelle): la saisie est diligentée contre le débiteur lui-même mais le créancier doit obligatoirement faire intervenir le curateur.
  • régime de représentation (mineur non émancipé ou majeur sous tutelle): la saisie est dirigée contre le représentant légal (parents ou tuteur), le débiteur n’a pas à être mis en cause.

 

  1. B) Le pouvoir

Si le débiteur est engagé dans les liens du mariage, il faut composer avec les règles relatives au régime primaire et les règles propres aux régimes matrimoniaux.

 Le régime primaire: il s’agit de l’ensemble des règles applicables à tous les époux quel que soit régime matrimonial, les époux sont tenus solidairement des dettes relatives à l’entretien du ménage et à l’éducation des enfants (Code Civil Article 220). Ainsi, les créanciers peuvent saisir tous les biens du couple (biens communs et biens propres de chaque époux) si la dette est relative à l’entretien du ménage ou à l’éducation des enfants.

Exception: la solidarité est écartée pour les dépenses manifestement excessives eu égard train vie ménage, les dépenses à tempérament et les emprunts personnels à un époux sauf petit emprunt relatif à de petites dépenses ménage. Lors la solidarité est écartée, la mesure ne peut être diligentée que contre l’époux ayant contracté la dette puisque l’autre époux n’est pas tenu.

 

 Les règles propres aux régimes matrimoniaux:

  • régimes séparatistes: chaque époux est poursuivi par ses propres créanciers sur ses biens personnels.
  • régimes communautaires:
  • biens communs: en principe, les créanciers peuvent saisir les biens communs pendant le mariage.

Exception: fraude de l’un des époux à l’égard de l’autre.

  • biens propres: en principe, les biens propres d’un époux ne sont saisissables que par ses créanciers personnels.

Exception: dette ménagère (Code Civil Article 220 cf. supra.).

 

2) Les exceptions

La mesure d’exécution peut par exception être diligentée contre un tiers (A) et parfois aucune mesure d’exécution ne peut être diligentée contre le débiteur (B).

 

  1. A) La mesure d’exécution diligentée contre un tiers

 En matière de saisie immobilière, le droit de suite du créancier hypothécaire lui permet de poursuivre la saisie de l’immeuble entre les mains d’un tiers détenteur.

 

 En cas de saisie contre la caution réelle i.e. la personne qui a hypothéqué son immeuble pour garantir le paiement de la dette d’autrui. Dans ce cas, il ne s’agit pas véritablement d’une exception car la prétendue caution réelle s’est personnellement obligée sur son immeuble, c’est donc en vertu d’une obligation qui lui est personnelle que le créancier la poursuit.

 

  1. B) L’impossibilité de diligenter une mesure d’exécution contre le débiteur

« L’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution. » (L91 Article 1 al.3) i.e. aucune mesure d’exécution ne peut être diligentée contre les personnes morales françaises de droit public (Etat, établissement, collectivités territoriales), les Etats étrangers, les chefs d’Etat et souverains étrangers et les agents diplomatiques.

 

Chapitre 2: Les conditions relatives aux biens saisis

 

Les créanciers ont pour droit de gage général les biens présents et à venir du débiteur (Code Civil Article 2284).

 

Section 1: Le principe: la saisissabilité des biens du débiteur

En principe, les biens du débiteur sont saisissables, le créancier peut donc mettre en œuvre une mesure d’exécution sur ces biens dès lorsqu’ils appartiennent au débiteur (1) et qu’ils se situent sur le territoire français (2).

 

1) L’appartenance des biens au débiteur

  1. A) Principes généraux

Le créancier peut saisir tous les biens du débiteur même s’ils sont détenus par un tiers. Cette situation ne doit pas être confondue avec la saisie d’un bien appartenant à un tiers car alors le débiteur n’a pas la propriété du bien.

 La saisie d’un bien appartenant à un tiers est nulle (car le bien n’appartient pas au débiteur), le tiers peut donc exercer une action en revendication ou en distraction pour récupérer son bien.

 La saisie immobilière d’un bien acquis en tontine est impossible du vivant des acquéreurs puisque par définition on ne connait pas le propriétaire du bien.

 Les biens déjà saisis sont en principe indisponibles (L91 Article 29 reprenant l’adage « saisie sur saisie ne vaut »). Cette règle, signifie seulement qu’il est interdit de procéder à une seconde saisie indépendante, d’ailleurs les textes prévoient l’existence d’un concours de saisies sur un même bien i.e. l’hypothèse où plusieurs créanciers pratiquent une saisie sur un même bien et se répartiront donc le prix du bien entre eux.

 

  1. B) Cas particuliers

L’établissement et la preuve de la propriété du débiteur pose des problèmes pour les biens indivis mais aussi pour les comptes joints et les comptes professionnels.

 

1) Les biens indivis

 Principe d’insaisissabilité (Code Civil Article 815-17 al.2): tant que le partage n’a pas eu lieu, il est impossible de savoir si le bien indivis sera attribué au débiteur or s’il est attribué à un autre copartageant, celui-ci sera réputé propriétaire depuis le jour de la naissance de l’indivision conformément à l’effet déclaratif du partage, dans ce cas de figure il y aurait alors saisie des biens appartenant à un tiers or une telle saisie est nulle. Le principe est donc celui de l’insaisissabilité des biens indivis.

 

 3 exceptions:

  • l’insaisissabilité des biens indivis concerne uniquement les créanciers personnels de l’indivisaire et non les créanciers de l’indivision (i.e. les créanciers successoraux qui ont donc pour droit de gage l’ensemble des biens de l’indivision).
  • la divisibilité automatique des dettes et créances (Code Civil Article 1220): les créanciers personnels de chaque indivisaire peuvent saisir la part de créance de leur débiteur car il n’y a pas, en vertu de ce principe, d’indivision sur les créances.
  • les créanciers peuvent toujours provoquer le partage au nom du débiteur et même intervenir dans l’acte de partage (pour en surveiller le déroulement). Dans ce cas, le partage réalisé, ils pourront saisir les biens appartenant à leur débiteur.

 

2) Les comptes joints et comptes professionnels

Le débiteur n’a pas la propriété intégrale des sommes inscrites en compte joint ou professionnel.

 Pour les comptes joints: la saisie ne peut porter que sur la portion du solde créditeur correspondant à la part du débiteur. Dès lors, le créancier doit prouver l’existence et le montant des sommes revenant au débiteur (difficile).

 

 Pour les comptes professionnels: il faut distinguer selon que l’exercice du compte est obligatoire ou facultative:

  • ouverture obligatoire: le professionnel n’a pas la libre disposition des fonds en compte. Dès lors, ce compte n’est pas saisissable par un créancier personnel du professionnel.
  • ouverture facultative: le compte est saisissable par des créanciers personnels.

 

 

2) La localisation des biens sur le territoire français

Les tribunaux français sont compétents pour connaître des saisies pratiquées sur tous les biens du débiteur situés en France même si celui-ci est étranger ou domicilié à l’étranger. L’important est la localisation peu important la résidence et la nationalité. Le JEX territorialement compétent est celui du lieu d’exécution de la mesure si le débiteur demeure à l’étranger (D92 Article 9). La situation des biens en France est une condition nécessaire et suffisante pour pratiquer une saisie.

 

Section 2: Les biens insaisissables

L’insaisissabilité des biens peut être légale (1) ou volontaire (2) lorsqu’elle est permise par la loi.

 

1) L’insaisissabilité légale

L’insaisissabilité légale se justifie soit par l’intérêt général au sens large qui prime alors l’intérêt particulier du créancier saisissant (A) mais il se justifie également, le cas échéant, par un intérêt particulier: la protection du débiteur (B).

 

  1. A) La prise en compte de l’intérêt général au sens large

Le législateur prend en compte l’intérêt général proprement dit ou les intérêts collectifs.

 

1) L’insaisissabilité justifiée par l’intérêt général proprement dit

Au titre l’intérêt général le législateur retient l’intérêt de l’Etat ou l’intérêt économique.

 

  1. a) L’intérêt de l’Etat

Législateur préserve la défense de la nation mais aussi la souveraineté et l’indépendance des Etats.

 

a.1) La défense de la nation

 Les pensions et les rentes viagères d’invalidité versées aux personnes qui ont défendu la nation sont insaisissables.

 Exceptions: Cette insaisissabilité n’est pas absolue, en réalité, il existe 2 exceptions:

  • les créances garanties par un privilège général sur les meubles (ex: frais de justice, frais funéraires) et les créances alimentaires nées du mariage peuvent faire l’objet de retenues sur ces pensions et rentes à concurrence d’un cinquième (1/5) pour les créances privilégiées et d’un tiers (1/3) pour les créances « familiale ».
  • les débets envers l’Etat et les autres collectivités publiques peuvent faire l’objet de retenues jusqu’à concurrence d’un cinquième (1/5) de leur montant.

NB: le débet, terme de comptabilité publique, désigne la dette née d’une décision administrative ou juridictionnelle ayant constitué un comptable public ou un particulier débiteur à l’égard d’une personne publique.

 

a.2) La souveraineté et l’indépendance des Etats

La souveraineté et l’indépendance des Etats justifient ou expliquent les immunités d’exécution des personnes morales de droit public, immunités qui aboutissent en fait à une insaisissabilité de leurs biens. Ces immunités se retrouvent en droit interne et en droit international.

 En droit interne: l’immunité d’exécution résulte d’un principe général du droit selon lequel l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements à caractère administratif bénéficient d’une immunité d’exécution attachée à leur statut. Elle s’explique par la présomption de solvabilité des personnes publiques et par le respect des règles de comptabilité publique (une dépense doit être inscrite ou budget pour pouvoir être engagée). L’immunité d’exécution conduit en fait à l’insaisissabilité des biens du domaine public ainsi que des créances de l’Etat sur les particuliers.

3 moyens permettent de remédier partiellement à cette insaisissabilité:

  • le recours à un médiateur: le médiateur peut, en cas d’inexécution d’une décision de justice passée en force de chose jugée, enjoindre à l’organisme mis en cause de s’y conformer dans un délai qu’il fixe (loi du 3 jan. 1973 Article 11). Si cette injonction n’est pas suivie d’effet, l’inexécution de la décision peut faire l’objet d’un rapport qui sera publié au JORF et, le cas échéant, présenté au Président de la République (or personne n’aime être pointé du doigt).

 

  • l’astreinte: depuis la loi du16 juillet 1980, une astreinte peut être prononcée à l’encontre des personnes morales de droit public en cas d’inexécution d’une décision de justice rendue par une juridiction administrative. Le Conseil d’Etat peut toujours décider que l’astreinte reviendra au fond d’équipement des collectivités locales et donc, en fait, indirectement à la collectivité débitrice (moyen surprenant d’inciter à l’exécution forcée !).

 

  • le mandatement d’office: procédure introduite par la loi du 29 jan. 1993, toute décision de justice passée en force de chose jugée doit, dans un certain délai à compter de sa notification, être ordonnancée par le comptable public, à défaut, le créancier peut saisir l’autorité de tutelle pour qu’elle y procède d’office.

S’il s’agit d’une dette de l’Etat, le comptable public doit obligatoirement mandater la somme due au bénéficiaire du jugement sinon le créancier peut saisir la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) qui pourra prononcer une amende.

La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration (DCRA) a amélioré la condition des créanciers en réduisant le délai de 4 à 2 mois et en étendant la procédure de mandatement d’office aux décisions du juge des référés accordant une provision.

Face à l’intervention de plus en plus importante des personnes publiques dans la sphère économique, les juges du fonds ont eu tendance à restreindre le bénéfice de l’insaisissabilité consécutive à une immunité d’exécution en privilégiant la fonction de la personne publique sur l’organe lui-même. Pour mettre un terme à cette tendance, la Cour de cassation a affirmé nettement que le principe d’insaisissabilité des biens appartenant à une personne publique subsiste même si elle exerce une activité industrielle et commerciale.

 

 En droit international: les immunités d’exécution évitent de troubler les relations internationales par des mesures d’exécution compromettant la souveraineté et l’indépendance des Etats étrangers. Ces immunités résultent de principes non écrit régissant le droit international.

Ces immunités bénéficient aux Etats, à leurs représentants (ambassadeurs, consul, membres du corps diplomatique) et à certains fonctionnaires d’organisations internationales (ex: les membres du Conseil de l’Europe, de l’UNESCO).

A l’origine absolue, l’immunité d’exécution en droit international souffre aujourd’hui 2 exceptions:

  • la nature de l’activité exercée par l’Etat: les créanciers doivent être protégés lorsque l’Etat sort de ses attributions régaliennes pour intervenir dans la vie économique. Ainsi, la Cour de cassation écarte l’immunité d’exécution « lorsque le bien saisi a été affecté à l’activité économique ou commerciale relevant du droit privé » (Cass 1ère Civ 14 mars 1984 « Société Eurodif »). Ainsi, le seul fait que le débiteur soit un Etat étranger ne justifie pas à lui seul le bénéfice de l’immunité d’exécution il faut en plus que le bien soit affecté à une activité relevant du droit public pour que l’Etat puisse utilement invoquer son immunité d’exécution.
  • la qualification juridique du titulaire de l’immunité: dans le prolongement de la jurisprudence « Eurodif », l’immunité d’exécution est uniquement réservée aux biens publics de l’Etat étranger. Ainsi, « les biens des organismes publics, personnalisés ou non, distincts de l’Etat étranger« , peuvent être saisis « lorsqu’ils font partie d’un patrimoine que [l’organisme] a affecté à une activité principale relevant du droit privé » (Cass 1ère Civ 1er oct. 1985 « Sonatrach »). Ainsi, le contrôle étatique n’est pas suffisant pour assimiler ces organismes à des émanations de l’Etat, il n’y a assimilation des organises de droit public à l’Etat que s’il est prouvé que l’organisme n’a pas de patrimoine distinct de celui de l’Etat.

 

  1. b) L’intérêt économique

Le législateur préserve le crédit de l’Etat et entend favoriser le commerce.

 

b.1) Le crédit de l’Etat

Les lois du 8 nivôse an VI et du 22 floréal an VII, posent la règle selon laquelle les rentes de l’Etat sont insaisissables, règle reprise par des lois postérieures.

Cette insaisissabilité se justifiait par la volonté d’octroyer un avantage compensatoire aux rentiers qui, sous la Révolution, avaient été victime de la banqueroute des deux tiers (banqueroute partielle décidée par le Directoire par la loi du 30 septembre 1797). La règle subsiste depuis la Révolution et renforce le crédit de l’Etat car elle est de nature à attirer les éventuels souscripteurs. Cette technique a été utilisée à plusieurs reprises au XIXème siècle pour favoriser l’émission de plusieurs emprunts.

 

b.2) L’intérêt du commerce

 Les effets de commerce, les billets à ordre et les chèques sont déclarés insaisissables pour assurer leur libre circulation et donc faciliter le crédit.

 

 Les navires en partance: l’intérêt du commerce maritime justifiait l’insaisissabilité des navires en partance mais pour éviter la paralysie du commerce maritime, la loi du 3 jan. 1967 sur le statut des navires a abrogé cette disposition et les navires en partance peuvent donc désormais être saisis.

Exception: pour limiter les inconvénients de la saisissabilité (impossibilité de partir), le Président du TGI en tant que JEX statuant en référé (urgence) peut autoriser le départ du navire saisi moyennant la constitution d’une garantie suffisante et en fixant le délai dans lequel le navire devra regagner le port de la saisie.

La liste des biens insaisissables est donc évolutive en fonction des besoins.

 

 Les sommes versées à une entreprise de travaux publics en rémunération d’un marché de travaux publics sont insaisissables: l’affectation de l’activité de l’entreprise de travaux publics à la réalisation de l’intérêt général justifie d’une certaine manière l’insaisissabilité, il s’agit un moyen de garantir l’achèvement de l’ouvrage.

2 exceptions: ces sommes sont saisissables pour le paiement des salariés et des fournisseurs qui contribuent à la réalisation de l’ouvrage.

 

2) L’insaisissabilité justifiée par l’intérêt collectif

L’intérêt des organisations professionnelles justifie l’insaisissabilité de certains biens. Ainsi, sont insaisissables les immeubles et objets mobiliers nécessaires aux réunions des syndicats, à leur bibliothèque et à leurs cours d’instruction professionnelle (Code du travail Article L411-12 al.2). L’insaisissabilité concerne seulement les biens du syndicat indispensables à son activité de défense des intérêts collectifs de la profession et également de formation professionnelle. Les autres biens du syndicat sont saisissables, la jurisprudence a d’ailleurs admis la saisissabilité d’un compte bancaire de la CGT.

 

  1. B) La prise en compte de la protection du débiteur

Dans un souci d’humanité, l’insaisissabilité protège le débiteur en raison du caractère vital de certains biens corporels pour l’intéressé ou sa famille (1) ou encore en raison du caractère extrapatrimonial de certains (2).

 

1) L’insaisissabilité liée au caractère vital de certains biens du débiteur et de sa famille

L91 vise les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille (a) et les provisions, les sommes et pensions à caractère alimentaire (b).

 

  1. a) Les biens mobiliers nécessaires au travail et à la vie du débiteur et de sa famille

 « Ne peuvent être saisis: […] 4° Les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille » (L91 Article 14 4°). La liste des biens mobiliers insaisissables est reprise à l’identique: « Les vêtements ; La literie ; […] La table et les chaises permettant de prendre les repas en commun ; » etc. (D92 Article 39).

NB: la machine à laver le linge était saisissable avant 1992, de même qu’une vache, 12 chèvres et 12 brebis. Depuis 1997, le poste téléphonique permettant l’accès au service téléphonique fixe n’est plus saisissable mais le téléphone portable le reste.

Ainsi, tout objet se rattachant à une activité de loisir, tenant au confort, à la décoration ou à l’esthétique d’une habitation, à l’amélioration des conditions d’existence, i.e. tout objet superflu, non indispensable à la vie est saisissable (ex: le poste de télévision).

Les biens mobiliers nécessaires au travail du débiteur et de sa famille sont insaisissables car il faut permettre au débiteur de travailler pour payer ses dettes. Autrefois limitée aux outils de l’artisan, l’insaisissabilité vaut aujourd’hui quelle que soit la nature de l’activité professionnelle, elle concerne « les instruments de travail nécessaires à l’exercice personnel de l’activité professionnelle » (D92 Article 39) à l’exclusion du matériel de l’entreprise.

Exceptions: l’insaisissabilité de ces biens est relative, elle cesse dans 5 cas (L91 Article 14 4°): l’insaisissabilité cesse lorsque ces biens

  • « se trouvent dans un lieu autre que celui où le saisi demeure ou travaille habituellement« 
  • sont « de valeur, en raison notamment de leur importance [(ex: matériel de radiologie)], de leur matière, de leur rareté, de leur ancienneté ou de leur caractère luxueux« . Le flou de la formule légale entraine des divergences d’interprétation: pour certains la voiture du chauffeur de taxi est saisissable lorsqu’elle est luxueuse, alors que pour d’autres il s’agit d’un outil de travail insaisissable.
  • « perdent leur caractère de nécessité en raison de leur quantité« 
  • « constituent des éléments corporels d’un fonds de commerce« . En effet, dans ce cas, on considère que les biens perdent leur individualité et qu’ils font dès lors partie d’un ensemble, d’un tout saisissable.
  • ces biens redeviennent saisissables « pour le paiement de leur prix » i.e. pour les sommes dues au fabriquant, au vendeur ou encore à celui qui a prêté pour acheter, fabriquer ou réparer.

Le juge de l’exécution est compétent, le cas échéant pour trancher toute contestation sur la nature saisissable ou insaisissable d’un bien.

 

 « Les objets indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades ne peuvent jamais être saisis, pas même pour paiement de leur prix, fabrication ou réparation. » (D92 Article 42) Avant la réforme, ces biens figuraient dans la liste des biens insaisissables comme étant nécessaires à la vie ou au travail du saisi, ils pouvaient donc être saisis pour le paiement de leur prix. La jurisprudence les rendait insaisissables lorsqu’ils étaient intégrés à la personne humaine, ainsi une prothèse dentaire était insaisissable. Cette jurisprudence a perdu tout intérêt pratique puisque ces objets font aujourd’hui l’objet d’une insaisissabilité absolue.

 

  1. b) Les provisions, sommes et pensions à caractère alimentaire

 « Ne peuvent être saisi[e]s: […] 2° Les provisions, sommes et pensions à caractère alimentaire«  (L91 Article 14 2°):

  • Les créances ayant un caractère alimentaires sont insaisissables: par créance alimentaire on entend toutes les créances qui assurent la satisfaction des besoins vitaux d’une personne ne pouvant plus assurer elle-même sa propre subsistance. Ces créances ne se limitent pas aux créances alimentaires par nature, ainsi, pour la Cour de cassation, la prestation compensatoire est insaisissable dans son intégralité (alors qu’on peut lui trouver une double nature) (Cour de cassation 2ème Civ 10 mars 2005).

Exception: l’insaisissabilité n’est pas opposable au créancier d’aliments sous réserve du minimum de survie nécessaire à la subsistance du débiteur et de sa famille, minimum prévu par le législateur pour la saisie des rémunérations du travail (cf. infra.).

 

  • Les rémunérations du travail sont partiellement insaisissables: l’étendue de l’insaisissabilité est déterminée dans les proportions et selon des seuils fixés par le Code du travail au titre de la saisie des rémunérations du travail (cf. infra.).

Les allocations de chômage sont soumises au même régime car elles visent à assurer une garantie en cas de perte d’emploi.

En revanche, le RMI est totalement insaisissable et le blocage des comptes courants ou de dépôt ne peut y faire obstacle (L92). Ainsi, le bénéficiaire du RMI peut effectuer des retraits mensuels sur son compte dans la limite du montant de l’allocation de RMI (440,86 euros depuis le 1er jan. 2007).

 

  • Les prestations sociales sont totalement ou partiellement insaisissables: il s’agit des prestations versées par les caisses de sécurité sociale et par les caisses d’allocation familiale. L’insaisissabilité est, selon le cas, soit totale (prestation en nature de l’assurance maladie) ou partielle (indemnité de maladie). En principe, la portion insaisissable est la même que pour les salaires à l’exception des cas particuliers relativement nombreux.

 

 Ces créances demeurent insaisissables même si elles sont versées sur un compte bancaire i.e. le débiteur peut toujours exiger, tant que le créancier n’a pas demandé le paiement des sommes saisies, qu’une sommes équivalente à la portion insaisissable soit laissée à sa disposition. Dans ce cas, il doit justifier de l’origine des fonds figurant sur le compte et le cas échéant saisir le JEX pour déterminer la portion saisissable.

Procédure d’urgence: la procédure peut être longue dont le décret du 11 sept 2002 a institué une procédure d’urgence permettant la mise à disposition d’une somme à caractère alimentaire figurant sur un compte bancaire. Cette procédure s’applique aux saisies pratiquées depuis le 1er déc. 2002.

 

  • champ d’application: la procédure d’urgence vaut pour toutes les saisies sur un compte bancaire, qu’il s’agisse de la saisie conservatoire des créances (mesure conservatoire) ou de la saisie-attribution (mesure d’exécution). Une seule demande peut être présentée par saisie, dans le mois de la demande.

La somme mise à disposition est doublement limitée: elle ne peut être supérieure ni au RMI pour un allocataire seul (440,86 euros au 1er jan. 2007) ni au montant du solde créditeur du compte (le débiteur n’a pas un droit au découvert au titre de cette procédure). Ainsi, si plusieurs comptes bancaires sont saisis, le débiteur doit être vigilant et demander le prélèvement de cette somme sur celui des comptes où il a le plus de chance d’obtenir la somme dans son intégralité.

Cette mise à disposition n’est pas un nouveau cas d’insaisissabilité mais une mise à disposition, elle se combine donc avec les autres textes et n’interdit pas la remise des autres sommes insaisissables et ne se cumule pas avec celles-ci, elle vient donc en déduction.

ex: un débiteur a 500 euros d’allocations familiales, il demande la mise à disposition de 440,86 euros, il pourra demander le surplus soit 51,14 euros.

ex: le débiteur obtient la mise à disposition de 200 euros représentant la totalité des allocations familiale, il demande la mise à disposition immédiate de la somme du RMI, il ne sera mis à sa disposition que 440,86 – 200 soit 240,86 euros.

 

  • mise en œuvre: le débiteur ou cotitulaire du compte (en cas de compte joint) doit présenter une demande enfermée dans un double délai: dans les 15 jours de la saisie et avant la demande de paiement du créancier. Le délai étant exprimé en jours, le jour de la saisie n’est pas pris en compte pour la computation du délai donc le délai court le lendemain de la saisie. De plus, si ce délai expire un dimanche ou un jour férié il est reporté au premier jour ouvrable suivant. Si normalement le délai expire à 24 heures, le débiteur doit néanmoins tenir compte des heures d’ouverture des banques.

Concrètement le débiteur dépose un formulaire simplifié dont le modèle est fourni par arrêté et annexé à l’acte de saisie, il peut le cas échéant être retiré directement par le débiteur auprès des établissements bancaires. Le formulaire comprend des mentions obligatoires mais aucune sanction n’est prévue en cas d’irrespect de sa présentation.

 

  • effets: dès qu’elle reçoit demande, la banque met immédiatement la somme à la disposition du débiteur sans que ce dernier n’ait à fournir un quelconque justificatif. La somme peut être remise en liquide, à défaut elle est affectée sur un compte spécial si le titulaire du compte souhaite en disposer en tirant des chèques ou en utilisant une carte bancaire.

 

2) L’insaisissabilité des biens extrapatrimoniaux

 Sont insaisissables « les souvenirs à caractère personnel ou familial » (D92 Article 39) L’insaisissabilité se fonde sur l’intimité, l’importance du souvenir, de la mémoire. Elle s’explique aussi souvent par l’absence de valeur marchande de tels biens (ex: les portraits de famille).

 

 La protection du droit moral de l’auteur, en principe les droits de propriété littéraires et artistiques sont saisissables mais la protection du droit moral conduit à restreindre cette saisissabilité. En principe, les manuscrits inédits sont insaisissables. De même, pour les œuvres d’art, en principe seuls les revenus de l’œuvre sont saisissables si bien qu’un tableau achevé non exposé est insaisissable en tant que tel.

 

 Si les droits de propriété industrielle (brevet et marque) sont saisissables, les inventions non brevetées sont insaisissables i.e. un brevet n’est saisissable qu’après son dépôt.

 

2) L’insaisissabilité volontaire

L’insaisissabilité peut résulter d’une manifestation de volonté expresse (D92 Article 38 insaisissabilités permises par la loi), elle peut être stipulée à titre principal (A) ou à titre accessoire (à une clause d’inaliénabilité) (B).

 

  1. A) L’insaisissabilité stipulée à titre principal

L’insaisissabilité peut être stipulée à titre principal par un testateur ou donateur (1) ou par un entrepreneur individuel (2).

 

1) L’insaisissabilité stipulée par un donateur ou testateur

L91 Article 14 3° « Les biens disponibles déclarés insaisissables par le testateur ou le donateur [ne peuvent être saisis], si ce n’est, avec la permission du juge et pour la portion qu’il détermine, par les créanciers postérieurs à l’acte de donation ou à l’ouverture du legs« 

ex: une personne donne son immeuble à charge de rente viagère, dans ce cas, la clause permet au gratifié de conserver le bien pour exécuter la rente viagère.

Ce pouvoir reconnu à l’auteur d’une libéralité ne préjudicie pas aux droits des créanciers car le donateur ou testateur pouvait très bien ne rien donner ou léguer au donataire ou légataire. Cependant, l’insaisissabilité ne vaut que pour les créanciers antérieurs au legs ou à la donation. En effet, seuls les créanciers antérieurs pouvaient ne pas compter sur la libéralité. Ainsi, la règle est tempérée pour les créanciers postérieurs: l’insaisissabilité peut être écartée s’ils obtiennent une autorisation du juge et dans ce cas, le juge détermine la portion pour laquelle les biens donnés ou légués peuvent être saisis.

 

2) L’insaisissabilité stipulée par un entrepreneur individuel

Depuis la loi Dutreil du 1er aout 2003 pour l’initiative économique, Code de commerce Article L526-1 et suivants, l’entrepreneur individuel peut déclarer sa résidence principale insaisissable. Le législateur entend ici seulement, par cette technique, limiter l’obligation indéfinie aux dettes de l’entrepreneur individuel.

 

v Champ d’application: cette faculté est réservée aux personnes physiques à l’exclusion des personnes morales puisque la forme sociétaire les protège déjà. La déclaration d’insaisissabilité ne vaut que pour la résidence principale.

 

v Forme: la déclaration doit être faite par acte notarié. Dans un souci de protection des intérêts des créanciers, cette déclaration est soumise à une double publicité: publication à la conservation des hypothèque (ou au livre foncier en Alsace) et dans un registre légal pour les personnes immatriculées ou dans un journal d’annonces légales pour les personnes non immatriculées.

 

v Portée: la déclaration d’insaisissabilité ne peut être opposée qu’au créancier professionnel dont la créance est née après la publication à la conservation des hypothèques. Ainsi, la déclaration n’est pas opposables aux créanciers personnels de l’entrepreneur ainsi qu’aux créanciers professionnels dont la créance est antérieure à la dite publication.

 

v En cas de cession: en cas de cession de la résidence principale, l’entrepreneur individuel conserve le bénéfice de sa déclaration par l’effet de la subrogation réelle:

  • dans un premier temps, l’insaisissabilité se reporte sur le prix de vente
  • dans un second temps, sur la nouvelle résidence principale acquise par l’entrepreneur à 2 conditions:

    l’acquisition intervient dans le délai d’1 an

   l’acte de vente contient une clause remploi (de la somme perçue en vendant la première résidence principale)

L’insaisissabilité se reporte à hauteur des sommes remployées. Le surplus étant saisissable, la seconde résidence principale a une nature hybride, elle est partiellement saisissable par les créanciers professionnels postérieurs. Dans ce cas l’entrepreneur a intérêt à procéder à une nouvelle déclaration d’insaisissabilité pour le surplus mais cette nouvelle déclaration ne produira réellement ses effets qu’à compter de sa publication.

 

v Fin de l’insaisissabilité: la déclaration d’insaisissabilité cesse de produire ses effets au décès de l’entrepreneur, elle n’est pas transmissible aux héritiers.

L’entrepreneur peut renoncer au bénéfice de sa déclaration. La renonciation devrait avoir un effet général et rétroactif mais certains auteurs considèrent que cette renonciation ne pourrait être qu’individuelle. En pratique, les établissements bancaires subordonneront leurs concours financiers à cette renonciation.

Ainsi, si la technique semble judicieuse, il n’en reste pas moins que la protection de la résidence principale sera souvent illusoire pour le petit entrepreneur. L’avenir nous dira si cette mesure permet définitivement de faire l’économie en droit français d’une réflexion sur le patrimoine d’affectation pour le patrimoine individuel.

 

  1. B) L’insaisissabilité accessoire à une clause d’inaliénabilité

v En matière de libéralités: les biens donnés ou légués affectés par une clause d’inaliénabilité sont insaisissables tant que cette clause est en vigueur (Cass 1ère Civ 15 juin 1994). Cette l’insaisissabilité est la conséquence directe de la loi du 3 juillet  1971 qui a consacré la validité des clauses d’inaliénabilité de biens donnés ou légués.

La clauses d’inaliénabilité est valable à 2 conditions (Code Civil Article 900-1):

  • elle doit être temporaire
  • elle doit être justifiée par un intérêt sérieux et légitime.

ex: intérêt moral: transmission bien de famille génération en génération, pécuniaire charge rente viagère.

Exceptions: même si la clause répond aux conditions requises, « le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l’intérêt qui avait justifié la clause disparait ou s’il advient qu’un intérêt plus important l’exige » (Code Civil Article 900-1).

Les juridictions du fond divergeaient mais la Cour de cassation n’admet pas l’action oblique d’un créancier en levée judiciaire de la clause d’inaliénabilité. Ainsi, tout au plus, le créancier peut demander la nullité de cette clause en démontrant l’absence d’intérêt sérieux et légitime.

 

v En matière de procédures collectives: « le tribunal peut assortir le plan de cession d’une clause rendant inaliénable, pour une durée qu’il fixe, tout ou partie des biens cédés. » (Code de commerce L642-10 al.1). Cette clause d’inaliénabilité fait l’objet d’une publicité spéciale: mention en est faite par le liquidateur sur les registres publics sur lesquels les biens déclarés inaliénables et les droits qui les grèvent sont inscrits (pour immeubles: conservation des hypothèques) à défaut, mention en est faite soit au RCS pour un commerçant ou une personne immatriculée soit au registre ouvert à cet effet au greffe du TGI pour les personnes non immatriculées au RCS. La publicité doit mentionner la durée de l’inaliénabilité.

 

Chapitre 3: Les conditions relatives à la créance

 

La créance, cause de la saisie, ne justifie une saisie que si elle respecte certaines conditions de fond et de forme.

 

Section 1: Les conditions de fond

Les conditions de fond tiennent à l’objet de la créance et à ses caractères.

 

1) L’objet de la créance

La créance résulte d’une obligation, c’est donc un droit personnel détenu par une personne physique ou morale sur son débiteur en vertu d’un lien contractuel ou extra-contractuel (délictuel ou extra-délictuel ou légal). Si les créances de sommes d’argent sont le domaine privilégié des procédures civiles d’exécution il peut aussi s’agir d’une obligation de faire ou de ne pas faire et alors une distinction s’impose selon que la prestation est subjective ou objective (cf. supra.).

 

2) Les caractères de la créance

Avant la réforme seule une créance certaine, liquide et exigible pouvait justifier la mise en œuvre d’une mesure d’exécution. Les textes (L91 Article 2, Code Civil Article 2191 al.1) n’exigent plus aujourd’hui qu’une créance liquide et exigible, le caractère pose donc question.

 

  1. A) Une créance liquide

v En principe, la créance cause de la saisie doit être liquide (L91 Article 2): « la créance est liquide lorsqu’elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation » (L91 Article 4). Une astreinte ne peut donner lieu à aucune mesure d’exécution tant qu’elle n’est pas liquidée. Pour autant, la créance n’a pas à être chiffrée dès lors que le créancier précise les éléments permettant son évaluation (ex: taux et périodicité des remboursements pour les intérêts d’un prêt).

L’intérêt de cette exigence est qu’elle permet une adéquation entre le montant de la créance et la procédure diligentée contre le débiteur. En effet, si le créancier a le choix entre une mesure conservatoire et une mesure d’exécution, la saisie ne peut excéder ce qui est nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation. Ainsi, le montant de la créance doit être connu (évalué ou évaluable) pour pouvoir s’assurer que la saisie n’est pas disproportionnée.

 

v Exception: cette condition présente des inconvénients pour les créanciers car en attendant l’évaluation de sa créance, il risque de se heurter à terme à l’insolvabilité du débiteur. Ainsi, la condition d’une créance liquide n’est pas requise pour les mesures conservatoires.

 

  1. B) Une créance exigible

v En principe, un créancier ne peut pratiquer une saisie que s’il est en droit d’exiger le paiement de la créance.

Une créance est exigible lorsque le paiement, au sens juridique du terme, peut en être immédiatement demandé.

  • les obligations conditionnelles sont, en principe, exclusives de toute procédure civile d’exécution puisque la condition affecte la naissance même de l’obligation.
  • les créances à terme ne donnent pas lieu à une mesure d’exécution sauf en cas de déchéance du terme.
  • aucune saisie n’est possible si le débiteur a obtenu des délais de grâce (Code Civil Article 1244 et suivants).

 

v Exception: dans un souci d’efficacité, la condition d’exigibilité n’est pas requise pour les mesures conservatoires.

 

  1. C) Une créance certaine

v En principe, la créance cause de la saisie doit être certaine: est certaine la créance actuelle dont l’existence est incontestable. Sont donc exclues les créances éventuelles i.e. celles dont l’existence n’est pas encore établie.

La loi (L91 Article 2) ne vise pas expressément une créance certaine puisque la saisie peut être poursuivie sur le fondement d’un titre exécutoire provisoire mais dans l’esprit du législateur, la créance cause de la saisie doit être incontestable. Certains auteurs relativisent en effet cette omission du législateur en faisant valoir que:

    L91 Article 2 ne concerne que les créances reconnues dans un titre exécutoire, la condition de certitude serait donc requise en dehors de ces hypothèses

    cette omission ne remettrait pas en cause le principe de certitude pour les créances dont on veut se voir judiciairement reconnaître le principe et le montant.

 

v Exception: la certitude n’est pas exigée pour les mesures conservatoires puisqu’elles peuvent être autorisées par le juge au créancier qui se prévaut d’une créance « qui paraît fondée en son principe » (L91 Article 67). Cette dérogation s’explique car la mesure conservatoire n’est qu’une précaution prise par le créancier (rendre indisponibles), elle ne tend pas directement à l’exécution sur les biens du débiteur.

Toutefois, pour convertir la mesure conservatoire en une mesure d’exécution, le créancier devra établir la certitude de sa créance.

 

Section 2: Les conditions de forme

La créance doit être constatée dans un titre exécutoire (L91 Article 2) i.e. le créancier doit fournir une preuve incontestable de sa créance par le titre exécutoire.

Exception: aucun titre exécutoire n’est pas exigé pour les mesures conservatoires.

Est un titre exécutoire, le titre ou l’acte permettant à son bénéficiaire de poursuivre l’exécution forcée en recourant si nécessaire à la force publique. L91 Article 3 énumère 6 titres exécutoires qui peuvent être regroupés en 2 catégories: les titres exécutoires juridictionnels (1) et les titres exécutoires non juridictionnels (2).

 

1) Les titres exécutoires juridictionnels

« Constituent des titres exécutoires : 1° Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif » (L91 Article 3 1°).

 

  1. A) Les décisions des juridictions judiciaires

« Constituent des titres exécutoires : 1° Les décisions rendues par les juridictions de l’ordre judiciaire […] lorsqu’elles ont force exécutoire » (L91 Article 3 1°).

 

1) Les décisions visées

Sont visées sans autre précision, « les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire » (L91 Article 3 1°), la nature de la décision importe peu.

v Décisions rendues au terme d’une procédure contentieuse (jugement contradictoire ou non i.e. réputé contradictoire ou rendu par défaut).

 

v Décisions rendues au terme d’une procédure ordinaire ou d’urgence (référé). La décision rendue au terme d’une procédure d’urgence constitue un titre exécutoire à titre provisoire, le créancier en poursuit donc l’exécution à ses risques et périls car si le titre est ensuite modifié, il devra restituer le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent.

 

v Décisions rendues au terme d’une procédure gracieuse, il n’y a alors aucun débat.

ex: procédure d’injonction de payer: procédure simplifiée présentée par voie de requête unilatérale qui permet au créancier de poursuivre le recouvrement de petites créances civiles et commerciales en obtenant selon les cas, du juge d’instance, du juge de proximité ou du Président  du Tribunal de commerce, la délivrance d’une injonction de payer qui, à défaut d’opposition, devient exécutoire. L’injonction de payer est revêtue de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction à l’initiative du créancier et est ensuite signifiée par huissier au débiteur qui dispose d’1 mois pour faire opposition: 2 hypothèses:

    à l’expiration du délai le débiteur n’a pas fait opposition: l’ordonnance devient définitive, le créancier dispose d’un titre exécutoire.

    le débiteur fait opposition: la procédure devient contentieuse, il va y avoir débat contradictoire et peut-être débouchera sur titre exécutoire.

 

v Décisions rendues par les juridictions de tout degré: arrêts (Cour d’appel ou Cour de cassation), jugements (tribunal) et ordonnances (juge unique) émanant de juridictions françaises.

 

v « 2° Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires » (L91 Article 3 2°): les actes et jugements émanant d’une juridiction étrangère et les sentences arbitrales d’une juridiction française ou étrangère n’ont pas force exécutoire en France. La force exécutoire est conférée au terme d’une procédure d’exéquatur, engagée en principe devant le TGI statuant à juge unique. Le juge saisi, après avoir contrôlé la régularité de la décision notamment au regard de l’ordre public interne, donnera un ordre d’exécution. La Convention Lugano du 16 sept. 1988 et le règlement CE du 22 déc. 2000 réduisent les obstacles à la reconnaissance des décisions rendues dans les Etats-membres et allègent les formalités d’exéquatur en consacrant une procédure quasi automatique.

Exception: depuis l’entrée en vigueur (21 oct. 2005) du règlement du 21 avril 2004 portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, la procédure d’exéquatur ne s’impose plus pour les créances incontestées en matière civile et commerciale dans les Etats de l’Union à l’exception du Danemark. Ce règlement ne crée pas de véritables règles d’exécution communautaires puisque le titre exécutoire européen est exécuté dans les mêmes conditions qu’une décision rendue dans l’Etat où l’exécution est poursuivie. Ainsi le créancier qui a obtenu une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen peut s’adresser directement aux autorités territorialement compétentes chargées de l’exécution, il devra fournir une expédition de la décision étrangère et du certificat du titre exécutoire européen et sera alors dispensé de la procédure exéquatur.

 

v Injonction de payer européenne: règlement du 12 déc. 2006, applicable à compter du 12 déc. 2008 dans tous les Etats-membres à l’exception du Danemark.

 

  • domaine: l’injonction de payer européenne s’applique en matière civile et commerciale, à l’exception des matières fiscales, dans les litiges transfrontaliers, quelle que soit la nature de la juridiction, pour les créances pécuniaires, liquides et exigibles.

 

  • caractère facultatif: la procédure est facultative, ainsi, même en présence d’un élément d’extranéité, le créancier n’a pas l’obligation d’y recouvrir.

 

  • forme de la demande: la demande est présentée sur papier ou par tout autre moyen de communication accepté par l’Etat membre d’origine et utilisable par la juridiction d’origine. La demande doit contenir des informations précises pour identifier et justifier la créance: nom et coordonnées du débiteur, montant.

 

  • procédure: le juge saisi examine la requête en injonction de payer ainsi que sa compétence au regard des règles du droit international privé.

Si le juge accueille la demande, il délivre une injonction dans le délai de 30 jours à compter de l’introduction de la demande. L’injonction est signifiée au demandeur et au débiteur. Si le débiteur paye le créancier, la procédure s’arrête. Le débiteur peut aussi former opposition auprès de la juridiction d’origine dans un délai 30 jours. La juridiction d’origine devra donc trancher le litige (procédure contentieuse).

A défaut d’opposition, la juridiction d’origine déclare l’injonction de payer européenne exécutoire, l’injonction sera alors exécutoire dans les autres Etats sans qu’il soit nécessaire de faire constater sa reconnaissance i.e. sans besoin de recourir à la procédure d’exéquatur.

Exception: l’exécution demandée en vertu de l’injonction européenne peut être refusée dans l’Etat membre d’exécution si l’injonction européenne est incompatible avec une décision rendue ou une injonction délivrée antérieurement dans tout Etat membre ou dans un pays tiers.

 

2) La force exécutoire des décisions rendues par les juridictions judiciaires

Pour constituer un titre exécutoire, la décision interne ou d’origine internationale doit être exécutoire.

Une décision de justice est exécutoire à 3 conditions:

 

  • la décision est passée en force de chose jugée: la décision ne doit plus être susceptible de recours suspensif d’exécution i.e. d’appel ou d’opposition car ces recours ont par essence effet suspensif). En effet, si est interjeté appel d’un jugement rendu en premier ressort, son exécution est suspendue sauf si les juges en ordonnent l’exécution provisoire.

NB: l’arrêt rendu par une Cour d’appel a force de chose jugée car le pourvoi (voie de recours extraordinaire) n’a pas d’effet suspensif.

NB: les ordonnances de référé sont de plein droit exécutoires par provision.

 

  • la décision est établie sous la forme d’une expédition exécutoire (la grosse): « nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire » (Code de Procédure Civile Article 502). Ainsi, le titre exécutoire se caractérise en fait par l’apposition de la formule exécutoire sur l’expédition du titre. La copie du titre, lorsqu’elle est revêtue de la formule exécutoire devient une copie exécutoire. La formule exécutoire devant figurer sur l’expédition exécutoire ou sur la copie exécutoire est la suivante « En conséquence, la République Française mande et ordonne à tous Huissiers de Justice sur ce requis de mettre la dite décision à exécution, aux Procureurs Généraux et aux Procureurs de la République près les Tribunaux de Grande Instance d’y tenir la main à tous Commandants et Officiers de la Force Publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis. En foi de quoi, la présente décision a été signée par le Président et le Greffier. »

 

  • la décision est notifiée ou signifiée au débiteur: la décision est notifiée par acte d’huissier (signification) ou par le greffier.

 

  1. B) Les décisions des juridictions administratives

« Constituent des titres exécutoires : 1° Les décisions des juridictions […] de l’ordre administratif [.] lorsqu’elles ont force exécutoire » (L91 Article 3 1°) à l’issue d’un contentieux de légalité ou de pleine juridiction. Cependant, le contentieux de l’excès de pouvoir est rarement susceptible de générer une créance.

Les décisions des juridictions administratives sont revêtues d’une formule exécutoire différente de celle des décisions judiciaires:  » La République mande et ordonne au [au préfet de la région…, préfet du …, OU au ministre de …  » en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement. » Cette formule exécutoire est à la fois plus simple et plus complexe:

  • plus simple car elle confie directement l’exécution aux agents de l’administration
  • plus complexe car il faut composer avec les immunités d’exécution des personnes morales de droit public, toutes les voies d’exécution de droit commun ne seront donc pas nécessairement applicables.

 

2) Les titres exécutoires non juridictionnels

Les titres exécutoires non juridictionnels sont: les actes authentiques, les actes assimilés à ceux-ci et les titres délivrés par les personnes morales de droit public.

 

  1. A) Les actes authentiques

Constituent des actes authentiques, les actes notariés (1) mais aussi le titre délivré par huissier de justice en cas de non paiement d’un chèque (2) (L91 Article 3).

 

1) Les actes notariés

v « Constituent des titres exécutoires : […] 4° Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire » (L91 Article 3 4°) i.e. les grosses i.e. les copies exécutoires, ce sont des expéditions que le notaire certifient conformes à l’original avant de les revêtir de la formule exécutoire. La formule vise « les présentes » et non tel jugement ou arrêt, désigne en fait la teneur de l’acte au lieu du jugement ou de l’arrêt.

La délivrance de la copie exécutoire est mentionnée sur la minute i.e. sur l’original de l’acte notarié qui demeure en l’étude du notaire.

Seul le notaire peut délivrer une copie exécutoire i.e. même un clerc habilité à lire les actes et à recevoir les signatures ne le peut.

Le notaire étant un officier public, son ministère garantit honorabilité et exactitude, ainsi dès qu’il a constaté existence et montant d’une créance, il est inutile d’exiger une vérification en justice.

v Les acte sous seings privés reconnus sincères devant notaire et déposés en son étude sont assimilés à des actes authentiques: l’acte sous seings privés est déposé chez le notaire, il en est dressé minute. L’acte de reconnaissance dressé par le notaire peut être revêtu de la formule exécutoire et sera alors exécuté comme un acte authentique.

 

2) Le titre d’huissier en cas de non paiement d’un chèque

« Constituent des titres exécutoires : […] 5° Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque » (L91 Article 3 5°)

Le chèque tiré par le débiteur et remis en paiement au créancier est payable à vue mais le banquier peut constater une absence de provision sur le compte.

Si le non paiement persiste 30 jours à compter première présentation, le créancier peut demander au banquier de lui adresser un certificat de non paiement.

La notification ou signification du certificat de non paiement au débiteur par huissier de justice vaut commandement de payer. Si huissier n’obtient aucune justification du paiement dans les 15 jours de la réception de la notification ou de la signification, il délivre un titre exécutoire sur lequel il appose la formule exécutoire. Ainsi, au terme de cette procédure simple, le créancier sera titulaire d’un titre exécutoire.

 

  1. B) Les actes assimilés à des actes authentiques

Il s’agit des procès-verbaux de conciliation (1) et de l’accord amiable des créanciers constaté au titre d’une procédure de conciliation en cas de procédure collective (2).

 

1) Les procès-verbaux de conciliation

« Constituent des titres exécutoires : 3° Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties » (L91 Article 3 3°)

En principe, le juge a pour mission de concilier les parties et s’il y parvient, il constate l’accord intervenu et lui donne force exécutoire même si cet accord est intervenu hors de sa présence (conciliation par un tiers), en effet, « des extraits du procès-verbal constatant la conciliation peuvent être délivrés ; ils valent titre exécutoire » (Code de Procédure Civile Article 131). Le procès-verbal est établi par le greffier et signé par le juge et les parties, il a la nature d’un acte authentique puisqu’il fait foi jusqu’à inscription de faux de l’accord intervenu et de sa date.

Cet accord n’a de judiciaire que la signature du juge qui s’apparente d’avantage à la signature d’un officier public. Dans le silence des textes, il peut être utile de reproduire la formule exécutoire sur le procès-verbal de conciliation, ainsi, si une des parties refuse d’exécuter l’accord l’autre pourra l’y contraindre par une mesure d’exécution forcée.

 

2) L’accord amiable des créanciers constaté au titre d’une procédure de conciliation en cas de procédure collective

Depuis le 1er jan. 2006, une procédure permet aux créanciers signataires de l’accord d’obtenir un titre exécutoire en vue d’une éventuelle exécution forcée.

Le Président  du tribunal peut, sur la requête conjointe des parties, donner force exécutoire à l’accord. Cette décision est rendue à la vue d’une déclaration certifiée du débiteur attestant qu’il n’est pas en état de cessation des paiements ou que l’accord y met fin. L’accord des créanciers est alors constaté par une ordonnance du Président  du tribunal qui fait apposer la formule exécutoire par le greffier, pour que l’accord valle titre exécutoire.

 

  1. C) Les titres exécutoires des personnes morales de droit public

« Constituent des titres exécutoires : 6° Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement. » (L91 Article 3 3°). En effet, pour faciliter le recouvrement des créances publiques, les personnes morales de droit public bénéficie du privilège du préalable. Ainsi, l’autorité qui se prétend créancière d’un débiteur récalcitrant peut émettre un titre exécutoire.

Cette prérogative est notamment utilisée en matière fiscale (avis à tiers détenteur de l’administration fiscale) et pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociales (contraintes des organismes de sécurité sociale):

  • l’avis à tiers détenteur de l’administration fiscale: il s’agit une demande du comptable fiscal adressée à un tiers d’avoir à lui payer directement la dette fiscale du redevable dans la mesure de la dette du tiers envers le débiteur. L’avis est notifié au redevable (débiteur) et au tiers détenteur.
  • la contrainte des organismes de sécurité sociale: le directeur d’un organisme de sécurité sociale peut décerner une contrainte pour le recouvrement des cotisations et des majorations de retard. La contrainte produit les mêmes effets qu’un jugement donc le directeur de l’organisme peut l’invoquer comme un titre exécutoire pour obtenir le recouvrement de sa créance.

 

La réforme ayant revalorisé le titre exécutoire, dorénavant, le créancier muni d’un titre exécutoire peut mettre en œuvre une mesure d’exécution et donc a fortiori une mesure conservatoire sans autorisation judiciaire préalable.

 

 

 

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Titre 2: La mise en œuvre des procédures civiles d’exécution

 

Les procédures civiles d’exécution sont mises en œuvre par des personnels particuliers (Chapitre 1) qui effectuent des opérations d’exécution (Chapitre 2).

 

Chapitre 1: Les personnels des procédures civiles d’exécution

 

Plusieurs personnes interviennent dans la mise en œuvre d’une saisie: les personnes chargées de l’exécution, l’autorité judiciaire et des tiers.

 

Section 1: Les personnes chargées de l’exécution

Les agents du Trésor et de l’administration des douanes sont habilités à pratiquer une saisie mais le personnage central reste l’huissier de justice.

 

1) Le statut professionnel de l’huissier de justice

v Monopôle: « Seuls peuvent procéder à l’exécution forcée et aux saisies conservatoires les huissiers de justice chargés de l’exécution. » (L91 Article 18), le monopôle de l’huissier de justice a été pose par l’ordonnance du 2 nov. 1945 (Article 1).

 

v Accès à la profession: décret n°75-773 du 14 août 1975, différentes conditions sont requises:

  • être français
  • ne pas avoir été l’auteur de faits contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs
  • ne pas avoir été l’auteur de faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation ou mise à la retraire d’office, ou de retrait d’agrément
  • ne pas avoir été frappé de faillite personnelle
  • depuis le 1er jan. 1996, être titulaire d’une maîtrise en Droit ou de l’un des titres ou diplômes reconnus équivalent pour l’exercice de cette profession.

A l’issue d’un stage d’une durée de 2 ans, le candidat subit un examen professionnel qui ne peut être passé que 4 fois. A l’issue de l’examen, la nomination intervient par arrêté du garde des seaux suite à la demande formée par le candidat auprès du procureur de la République. Le candidat doit justifier d’une affectation à un office créé, cédé ou vacant. Le candidat prête serment devant le TGI dans le ressort duquel il exercera ses fonctions.

 

2) Les missions de l’huissier de justice

L’huissier de justice est un mandataire (A) et un auxiliaire de justice (B).

 

  1. A) Les missions de l’huissier de justice mandataire

Lorsqu’il pratique une saisie, l’huissier est le mandataire de son client i.e. il doit avoir reçu mandat.

  • § Forme: le mandat n’a pas à recouvrir la forme d’une convention spéciale « la remise du jugement ou de l’acte à l’huissier de justice vaut pouvoir pour toute exécution pour laquelle il n’est pas exigé de pouvoir spécial » (Code de Procédure Civile Article 507). Le mandat spécial est n’est requis que pour la saisie immobilière.
  • § Acceptation: l’huissier est réputé avoir accepté le mandat dès lors qu’il conserve le titre exécutoire qui lui a été remis sans protester, le simple fait de conserver les pièces et de garder le silence ne vaut pas refus du mandat.
  • § Obligations: en tant que mandataire, l’huissier a une obligation de diligence et un devoir de renseignement et de conseil: il doit mettre en garde son client et, le cas échéant, le dissuader d’agir.

 

  1. B) Les missions de l’huissier de justice en tant qu’auxiliaire de justice

L’huissier de justice en tant qu’auxiliaire de justice a des obligations (1) et des prérogatives spécifiques (2).

 

1) Les obligations de l’auxiliaire de justice

v  En tant qu’officier public, l’huissier doit prêter son concours pour procéder à un acte d’exécution sauf

  • si la mesure requise présente un caractère illicite. Si le créancier insiste pour poursuivre une exécution illicite, l’huissier doit saisir le JEX.
  • si le montant des frais est susceptible de dépasser celui de la créance (il doit alors dissuader son client d’agir).

Si l’huissier refuse son concours sans raison, le créancier peut saisir le JEX, s’adresser au procureur de la République ou aux instances professionnelles (Président de la chambre départementale des huissiers de justice).

 

v En tant qu’auxiliaire l’huissier a un devoir d’information à l’égard du débiteur, des tiers et des autorités. La signification d’un acte par l’huissier garantit la bonne information du destinataire. L’huissier doit faire connaître au débiteur ses obligations mais aussi ses droits (ex: possibilité de demander la vente amiable des biens).

 

v L’huissier est tenu au secret pour les informations qui lui sont communiquées par le ministère public: il ne peut révéler directement ces informations au créancier.

 

2) Les prérogatives de l’auxiliaire de justice

Responsable de la conduite des opérations d’exécution, l’huissier dispose de certaines prérogatives liées à sa qualité d’officier ministériel chargé d’une mission publique.

v « L’huissier de justice chargé de l’exécution peut requérir le concours de la force publique » (L91 Article 17): dans ce cas il remet au préfet sa réquisition, une copie du dispositif du titre exécutoire et un exposé des diligences accomplies vainement (D92 Article 50).

S’il doit pénétrer dans un local dont l’occupant est absent ou lui en refuse l’accès, l’huissier peut requérir le maire de la commune, un conseiller municipal ou un fonctionnaire municipal délégué par le maire, une autorité de police ou de gendarmerie, ou, à défaut, 2 témoins majeurs qui ne sont ni à son service ni au service du créancier (L91 Article 21).

 

v L’huissier peut rechercher des informations auprès du ministère public et du préfet: avant la réforme, les administrations et les établissements bancaires se retranchaient derrière le secret professionnel pour refuser de délivrer toute information. Dorénavant, l’huissier porteur d’un titre exécutoire peut demander au procureur de la République d’entreprendre les diligences nécessaires pour connaître l’adresse des organismes auprès desquels un compte est ouvert au nom du débiteur, le nom du débiteur et, le cas échéant, le nom de son employeur à l’exclusion de tout autre renseignement (L91 Article 39).

En cas de saisie d’un VTM, l’huissier peut demander au préfet la communication des mentions portées sur le registre de la préfecture existant en vertu du décret du 30 sept. 1953 (publication des cartes grises), ces mentions lui permettent d’obtenir tout renseignement relatif aux droits du débiteur sur le VTM.

 

v L’huissier dispose de moyens matériels de contrainte: l’huissier peut, sous certaines conditions, entrer dans un local, immobiliser un VTM grâce au sabot de Denver, faire ouvrir un coffre-fort dans une banque ou faire enlever et transporter des objets saisis.

 

Section 2: L’autorité judiciaire

En visant l’autorité judiciaire, législateur vise le JEX (1) et le ministère public (2).

 

1) Le juge de l’exécution

Pour regrouper entre les mains d’un juge spécialisé un contentieux dispersé, un nouveau juge a été institué: le juge de l’exécution (JEX).

 

  1. A) Désignation du JEX

Le JEX a été créé en 1972 mais aucun texte n’étant intervenu pour la mise en œuvre des dispositions l’instituant, il est véritablement né avec la loi de 1991.

« Les fonctions de juge de l’exécution sont exercées par le Président  du TGI. [al.2] Lorsqu’il délègue ces fonctions à un ou plusieurs juges [du TI ou TGI], le Président  du TGI fixe la durée et l’étendue territoriale de cette délégation. » (COJ Article L213-5). L’ordonnance de délégation du Président  du TGI fait l’objet d’une large publicité destinée à informer les justiciables et les auxiliaires de justice: elle est adressée au bâtonnier de l’ordre des avocats et au président de la chambre départementale des huissiers de justice et affichée aux greffes des juridictions comprises dans le ressort du TGI et dans les mairies de ce ressort.

 

  1. B) La compétence du JEX

1) La compétence d’attribution du JEX

Le JEX a une compétence exclusive dans 3 domaines (COJ Article L213-6), les autres juges doivent relever d’office leur incompétence lorsqu’ils sont saisis:

v Les difficultés et contestations relatives à l’exécution forcée: de manière générale, le JEX dispose d’une compétence de principe pour les difficultés relatives aux titres exécutoires juridictionnels ou non et aux contestations qui peuvent s’élever en cas de mise en œuvre d’une mesure d’exécution. Depuis le 1er jan. 2007, cette compétence vaut également en matière de saisie immobilière.

Le JEX peut trancher toutes les difficultés nées de la procédure engagée (respect des délais, des formes imposées par les textes, il peut aussi statuer sur le caractère exécutoire du titre invoqué etc.).

  • La compétence du JEX recouvre les questions d’interprétation: le justiciable n’a pas à saisir la juridiction qui a rendu la décision lorsqu’un problème d’interprétation se pose à l’occasion d’une saisie.
  • Le JEX peut être saisi de contestation portant sur le fond du droit i.e. sur l’existence de la créance justifiant la saisie.

Limite: cette compétence a donné lieu à des dérives car certains plaideurs saisissaient le JEX pour trancher un litige relatif à un contrat alors même que ce litige n’avait pas pour origine un incident relatif à l’exécution. La Cour de cassation a rappelé dans un avis que le JEX ne peut intervenir qu’à partir du moment ou une mesure d’exécution ou conservatoire est en cours.

Limite: le JEX ne peut pas modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites et ne peut en suspendre l’exécution.

Exceptions:

  • le JEX n’est pas compétent lorsque les contestations échappent à la compétence des juridictions judiciaires. Il s’agit d’une application du principe de la séparation des pouvoirs. Ainsi, le juge de l’expropriation est le seul compétent pour statuer sur les éventuelles difficultés liées à ses ordonnances.
  • le juge d’instance est compétent pour la saisie des rémunérations du travail, pour les procédures de paiement direct des pensions alimentaires et pour les mesures conservatoires prises en matière d’infractions douanières (dispositions non abrogées lors de la réforme).

 

v Les autorisations et les contestations relatives aux mesures conservatoires: le créancier qui n’est pas muni d’un titre exécutoire doit obtenir une autorisation du JEX pour procéder à une mesure conservatoire et le JEX est également compétent pour connaître des contestations relatives à de telles mesures.

Exception: si la mesure conservatoire tend à la conservation d’une créance relevant de la juridiction commerciale ET est demandée avant tout procès, le Président  du Tribunal de Commerce est compétent, le Président  du Tribunal de Commerce a donc une compétence concurrente avec le JEX.

v Les demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageable d’une mesure conservatoire ou d’exécution forcée: différentes actions en responsabilité peuvent être liées à la mise en œuvre d’une saisie: la nature de la mesure en cause importe peu (conservatoire ou d’exécution).

  • actions en responsabilité contre le créancier notamment pour saisie abusive
  • actions en réparation consécutives à la résistance abusive du débiteur
  • actions en responsabilité exercées contre un tiers qui refuse de concourir à la mise en œuvre d’une mesure d’exécution
  • actions en responsabilité contre un agent de l’exécution (ex: contre le huissier de justice)

Conformément au principe de la séparation des pouvoirs, les juridictions administratives sont compétentes pour connaître des actions en responsabilité dirigées contre l’Etat notamment lorsqu’il refuse son concours (CE 30 nov. 1923 « Couitéas »).

 

2) La compétence territoriale du JEX

En droit commun, le tribunal territorialement compétent est celui du domicile du défendeur. En matière d’exécution, des possibilités supplémentaires sont ouvertes.

v Si le débiteur demeure en France, le créancier dispose d’une option entre:

  • le JEX du lieu où demeure le débiteur (règle de droit commun)
  • le JEX du lieu d’exécution de la mesure.

Si le créancier présente sa demande devant l’un de ces juges, il ne peut plus ensuite la présenter devant l’autre (electa una via non datur regressus ad alteram).

 

v Si le débiteur demeure à l’étranger ou dans un endroit en un lieu inconnu: seul le JEX du lieu d’exécution de la mesure est compétent.

 

v En matière de saisie immobilière: est seul compétent le JEX du TGI dans le ressort duquel est situé l’immeuble saisi.

Exception: si la saisie immobilière porte sur plusieurs immeubles se situant dans des ressorts différents, le JEX dans le ressort duquel est situé l’immeuble saisi où demeure le débiteur est compétent et à défaut, le JEX du ressort dans lequel est situé l’un quelconque des immeubles.

 

  1. C) La procédure devant le JEX

En droit commun, existent la procédure contentieuse et la procédure gracieuse. En procédure civile d’exécution, la procédure contentieuse a vocation à s’appliquer pour régler un litige relatif à l’exécution (1) tandis que la procédure gracieuse est utilisée généralement pour prévenir un dommage (2).

 

1) La procédure contentieuse

Outre la procédure contentieuse de droit commun (a) existe une procédure contentieuse spécifique réservée à l’huissier de justice rencontrant des difficultés d’exécution (b).

 

  1. a) La procédure ordinaire

Les règles régissant la procédure ordinaire (instance, décision, voies de recours contre les décisions rendues par le JEX) ont été modifiées par le décret du 18 déc. 1996.

 

a.1) L’instance

v Introduction: la demande est présentée par assignation i.e. par un acte adressé par le demandeur qui invite, par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le défendeur à comparaître devant le JEX.

La demande comprend à peine de nullité la reproduction des textes relatifs aux modalités de la défense devant le JEX (D92 Article 11 à 14 et 19).

En matière d’expulsion, la peut demande peut, à titre dérogatoire et facultatif, être présentée par lettre recommandée au greffe.

En cas d’urgence, le JEX peut autoriser une assignation à heure fixe voire même d’heure à heure y compris les jours fériés ou chômés, mais le juge doit laisser un délai suffisant entre la convocation et l’audience pour que la partie assignée ait le temps de préparer sa défense.

 

v Juge unique: en principe le JEX statue à juge unique mais

  • le renvoi à la juridiction collégiale est de droit si les parties le demande dans les 15 jours de la réception de l’avis qui leur est adressé par LRAR attribuant l’affaire à un juge unique.
  • le renvoi peut être décidé à tout moment par le Président du TGI ou son délégué soit sur demande du JEX (affaire compliquée) soit d’office.

v Ministère d’avocat non obligatoire: en principe le ministère d’avocat n’est pas obligatoire devant le JEX mais les parties peuvent toujours se faire assister ou représenter.

Exception: la représentation est obligatoire pour la saisie immobilière.

 

Les personnes pouvant représenter les parties sont limitativement énumérées (D92 Article 12): l’avocat, le conjoint, les parents ou alliés, des personnes appartenant à l’entreprise. Si le représentant n’est pas un avocat, il doit justifier d’un pouvoir spécial.

 

v Procédure orale: en principe, la procédure devant le JEX est une procédure orale mais les prétentions des parties peuvent être formulées par écrit notamment par une lettre adressée au JEX si l’adversaire en a eu connaissance avant l’audience (respect du contradictoire). Dans le cas d’une prétention par écrit, la partie n’est pas obligée de se présenter à l’audience, le juge rendu sera contradictoire. Toutefois, le JEX peut toujours ordonner que la partie se présente devant lui.

 

a.2) La décision du JEX

v Notification: la décision rendue par le JEX est notifiée aux parties par le greffe par LRAR avec copie par lettre simple le même jour aux parties et à l’huissier.

Les parties peuvent toujours décider de faire signifier la décision.

Si les parties renoncent à ce que la décision leur soit notifiée, elle est alors réputée notifiée à la date de son prononcé.

 

v Effets: la décision a force exécutoire dès sa notification. S’il s’agit d’une décision ordonnant la mainlevée (i.e. la fin) d’une saisie, elle entraîne dès son prononcé suspension des poursuites et suppression de l’indisponibilité mais le JEX n’est pas dessaisi du litige tant que l’exécution n’est pas terminée, il peut donc toujours se réserver la possibilité de vérifier l’exécution de sa décision en fixant une nouvelle audience où les parties lui rendront compte de l’exécution.

 

a.3) Les voies de recours

v L’opposition est exclue car la décision du JEX est toujours susceptible d’appel dans un délai de 15 jours à compter de sa notification.

Exception: les décisions rendues par défaut peuvent faire l’objet d’une opposition puisque le décret du 18 déc. 1996 a abrogé D92 Article 27 excluant cette voie.

 

v L’appel est formé dans les 15 jours de la notification, il est instruit et jugé selon la procédure avec représentation obligatoire devant la Cour d’appel.

Par dérogation au droit commun, l’appel n’a pas d’effet suspensif en matière de voie d’exécution.

Dérogation: un sursis à l’exécution peut être demandé au 1er Président  de la CA s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue par le JEX. Toute demande abusive (dilatoire) peut être sanctionnée par des dommages et intérêts et une amende de 3.000 euros (depuis le 1er mars 2006). La Cour de cassation avait précisé que le 1er Président  avait un pouvoir discrétionnaire qui ne l’obligeait pas à motiver sa décision lorsqu’il était saisi d’une telle demande, mais selon le décret de 1996 le 1er Président  doit statuer non en s’attachant aux conséquences de la mesure mais au caractère sérieux du moyen et doit donc motiver en conséquence sa décision.

 

  1. b) La procédure spécifique de règlement des difficultés d’exécution

Une procédure spécifique est réservée exclusivement à l’huissier de justice se heurtant à une difficulté ou à un obstacle matériel qui vient entraver les opérations d’exécution. Les règles de la procédure ordinaire (cf. a) sont applicables sous réserve des dispositions spécifiques (D92 Article 34 à 37).

Le JEX est saisi par le dépôt d’une déclaration écrite de l’huissier accompagnée du titre exécutoire et d’un exposé de la difficulté qui a entravé l’exécution.

L’huissier doit mettre en cause les parties intéressées en les informant de la difficulté rencontrée ainsi que des lieu, jour et heure de l’audience au cours de laquelle la difficulté sera examinée par le JEX. Ces déclarations sont données soit verbalement avec consignation dans un PV soit par LRAR.

Les principes généraux applicables à la procédure sont rappelés aux parties (notamment s’agissant de la représentation), les parties sont aussi informées que la décision du juge pourra dans ce cas être rendue même en leur absence.

La décision du JEX relative à une difficulté d’exécution n’a pas autorité de la chose jugée au principal.

 

2) La procédure gracieuse

  1. a) Les cas d’ouverture de la procédure gracieuse

« Le JEX statue par ordonnance sur requête dans les cas spécifiés par la loi ou lorsque les circonstances exigent qu’une mesure urgente ne soit pas prise contradictoirement » (D92 Article 32 al.1) différentes situations:

  • pour autoriser le créancier qui n’a pas de titre exécutoire à pratiquer une mesure conservatoire sur les biens du débiteur
  • pour autoriser le créancier à pratiquer une saisie-vente lorsqu’il entend obtenir le recouvrement d’une créance non alimentaire inférieure à 535 euros dont le recouvrement s’avère impossible sur un compte bancaire.
  • pour autoriser l’huissier à pratiquer une saisie dans un local ne servant pas à l’habitation un dimanche ou un jour férié ou avant 6 heures du matin ou après 21 heures le soir.
  • en cas d’urgence
  • pour autoriser un huissier à accomplir un acte déterminé (ex: saisir les biens du débiteur entreposés dans le local d’habitation d’un tiers).

 

  1. b) La procédure

La procédure de droit commun des ordonnances sur requête s’applique devant le JEX: la requête est remise ou adressée au greffe par le requérant ou, s’il y a représentation, par son mandataire, elle peut donc émaner d’un avocat ou du requérant lui-même car la représentation n’est pas en principe obligatoire devant le JEX.

La requête doit être présentée en double exemplaire et motivée.

L’ordonnance rendue est provisoire et non contradictoire, elle doit être motivée. L’ordonnance est exécutoire à la seule vue de la minute (original de la décision).

 

  1. c) Les voies de recours

Le régime dépend de l’issue de la décision du JEX: 2 cas

v En cas de rejet de la requête: seul l’appel de l’ordonnance de rejet est possible pour le requérant, dans les 15 jours de son prononcé sauf s’il est démontré que la minute de l’ordonnance n’a pas été remise au requérant ce jour là. L’appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse i.e. il doit être formé auprès du greffe du JEX qui a rendu l’ordonnance, l’appel formé directement devant la CA est irrecevable.

 

v En cas d’accueil de la requête: l’ordonnance est portée à la connaissance du défendeur (qui n’était pas informé avant) et toute personne intéressée peut demander au JEX par déclaration au greffe ou LRAR de rétracter ou de modifier son ordonnance. Dès lors, le débat contradictoire est instauré (a posteriori) et au terme de cette procédure devenue contentieuse, le JEX peut rétracter ou confirmer son ordonnance. L’ordonnance pourra faire l’objet d’un appel puisque la procédure est redevenue contentieuse.

 

2) Le ministère public

Le ministère public assure une mission générale de surveillance de l’exécution des décisions de justice (A) et une mission spéciale de recherche d’informations (B).

 

  1. A) La mission générale: la surveillance de l’exécution des titres exécutoire

« Le procureur de la République veille à l’exécution des jugements et des autres titres exécutoires » (L91 Article 11). A ce titre, il « peut enjoindre à tous les huissiers de justice de son ressort de prêter leur ministère » (L91 Article 12 al.1). Dans cette hypothèse, le recours au ministère public est le dernier recours du créancier car le procureur de  la République a une autorité sur les agents d’exécution, il dispose de moyens pour contraindre l’huissier à respecter ses obligations (ex: action disciplinaire).

Le procureur de la République peut même poursuivre « d’office l’exécution des décisions de justice dans les cas spécifiés par la loi » (L91 Article 12 al.2).

 

  1. B) La mission spéciale: la recherche des informations sur le débiteur

Le créancier n’a pas toujours les renseignements utiles pour pratiquer une saisie à l’encontre du débiteur et l’huissier se heurtait souvent au secret professionnel (sauf pour le recouvrement des créances alimentaires puisqu’une loi de 1973 imposait aux administrations et organismes sociaux une obligation de fournir des renseignements). Depuis 1991, le ministère public recherche les renseignements concernant l’éventuelle solvabilité du débiteur.

v Cette recherche se limite, à l’exclusion de tout autre renseignement, à la recherche de:

  • l’adresse des organismes auprès desquels le débiteur a ouvert un compte sans que le solde de celui-ci puisse être communiqué.
  • l’adresse du débiteur et de son employeur.

 

v Le ministère public peut s’adresser à différents organismes (L91 Article 40): les administrations de l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements habilités par la loi à tenir des comptes de dépôt (établissement bancaires).

 

v Préservation de la vie privée du débiteur: les renseignements obtenus ne peuvent être utilisés que pour l’exécution des titres pour lesquels ils ont été demandés. Ils ne peuvent être ni communiqués à des tiers ni mentionnés dans un fichier nominatif. Le non respect de ces dispositions fait encourir les peines sanctionnant les atteintes à la vie privée soit 1 an d’emprisonnement et/ou 45.000 euros d’amende (CP L226-1).

 

v Requête: l’huissier présente une demande par requête contenant (circulaire du 22 avril 1994):

  • un énoncé des diligences sollicitées
  • le relevé certifié sincère des recherches infructueuses
  • la copie du titre exécutoire
  • pour les personnes physiques: le nom, les prénoms, la date, la commune, le département de naissance et l’adresse personnelle.
  • pour les personnes morales: le numéro SIREN, la dénomination sociale et le siège social.

 

v Issue: le procureur de la République n’est pas obligé de donner suite à requête, il peut très bien enjoindre l’huissier à procéder à des recherches complémentaires après lesquelles une nouvelle requête sera possible le cas échéant.

Le défaut de réponse du procureur dans un délai de 3 mois à compter de la requête vaut réquisition infructueuse.

Dans les faits, cette mission reste souvent lettre morte en raison de la surcharge des parquets et de leur manque de moyens.

 

Section 3: Les tiers

« Les saisies peuvent porter sur tous les biens appartenant au débiteur alors même qu’ils seraient détenus par des tiers » (L91 Article 13). Les tiers même s’ils ne sont pas concernés par saisie, peuvent jouer un rôle. Le concours de certains professionnels (tiers) peut être nécessaire à la mesure de saisie (ex: serrurier) et des renseignements peuvent –être demandés à d’autres tiers pour permettre la saisie. Une liste exhaustive des tiers ne peut être dressée mais il est mis à leur charge des obligations sous peine de sanction.

 

1) Les obligations des tiers

v Les tiers sont tenus à des obligations positives (faire) ou négatives (ne pas faire).

  • Certains tiers doivent apporter leur concours aux saisies diligentées:

   le JEX peut enjoindre à un tiers de lui communiquer l’adresse du débiteur. Les tiers sont tenus d’une obligation particulière de communication des pièces.

   même lorsque leur concours n’est pas requis, les tiers ont au minimum un devoir d’abstention, ils ne doivent pas, par leur comportement, empêcher ou rendre plus difficile la réalisation d’une saisie.

  • Les tiers peuvent être astreint à des obligations particulières lors de certaines saisies: en cas de saisie-attribution sur un compte bancaire ou de saisie conservatoire de créances, le tiers banquier doit fournir sur le champ à l’huissier les renseignements relatifs à l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui affectent les dites obligations.

 

v Le tiers peut toujours se prévaloir d’un motif légitime pour refuser de satisfaire aux obligations mises à sa charge.

ex: le tiers peut exciper de l’illicéité de la réquisition pour refuser son concours (refus d’ouvrir une porte car une saisie ne peut en principe être diligentée un dimanche).

 

2) Les sanctions de l’inexécution des obligations des tiers

Outre les sanctions pénales relatives à l’outrage à la justice et à la rébellion, il existe des sanctions civiles de 3 types (L91 Article 24):

  • la garantie: si le tiers se soustrait à ses obligations, il peut être tenu au paiement des causes de la saisie i.e. de la créance, il est alors personnellement tenu à l’égard du créancier sous réserve de son recours contre le débiteur (souvent illusoire). La Cour de cassation a ainsi condamné un tiers au paiement des causes de la saisie car il avait fourni les renseignements le lendemain de la saisie alors qu’il n’avait aucun motif légitime et aurait dû les fournir sur le champ.
  • les dommages et intérêts: le tiers qui met obstacle ou refuse son concours à mesure d’exécution peut être condamné au paiement de dommages et intérêts si son comportement est générateur d’un préjudice.
  • l’astreinte: condamnation du tiers au paiement d’une certaine somme d’argent par jour de retard lorsqu’il ne s’exécute pas.

Des sanctions sont également prévues pour chaque obligation particulière en fonction de la saisie diligentée (cf. infra.).

 

 

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Chapitre 2: Les opérations d’exécution

 

Section 1: Les principes applicables au déroulement des opérations d’exécution

Les opérations d’exécution doivent respecter les principes fondamentaux du contradictoire (1) et du respect de la vie privée et de l’inviolabilité du domicile (2).

 

1) Le respect du contradictoire

Si la présence du débiteur sur les lieux de la saisie est souhaitable pour faciliter les opérations mais celle du créancier risque de créer une situation conflictuelle. Ainsi, le créancier n’a pas à être présent lors des opérations d’exécution sauf si les modalités de l’appréhension du bien l’impose (ex: il est le seul à pouvoir reconnaitre le bien à saisir). Le respect du contradictoire ne passe pas par la présence des parties par un devoir de communication des pièces (A) et par une information particulière du débiteur (B)

 

  1. A) Le devoir de communication des pièces

« Toute personne qui, à l’occasion d’une mesure propre à assurer l’exécution ou la conservation d’une créance, se prévaut d’un document, est tenue de le communiquer ou d’en donner copie, si ce n’est dans le cas où il aurait été notifié antérieurement » (L91 Article 27).

 

1) Champ d’application ratione personae de la communication des pièces

Le devoir de communication des pièces s’applique à « toute personne »:

  • les parties à la saisie (créancier et débiteur).

ex: si un débiteur prétend qu’un bien est insaisissable il doit communiquer tout document permettant de le prouver.

  • les tiers, s’ils soutiennent que le bien saisi leur appartient.
  • l’huissier doit communiquer les pièces dont il excipe (ex: titre exécutoire, autorisation de saisie conservatoire), mention en est faite dans l’acte dressé.

Le champ est plus large que celui du Code de Procédure Civile. En effet, en principe, le juge est garant du principe du contradictoire mais la réforme ayant déjudiciarisé les procédures civiles d’exécution mobilières, le JEX n’intervient plus nécessairement pour faire respecter le contradictoire, donc le champ a été étendue en la matière.

 

2) Champ d’application ratione materiae de la communication des pièces

Le devoir de communiquer des pièces ne se limite pas à l’instance devant le JEX, il concerne également les opérations de saisie i.e. l’acte de saisie lui-même et les actes préparatoires ou postérieurs. Ce devoir est général car il s’impose quelle que soit la mesure diligentée.

Il est prévu la communication d’un « document » (L91 Article 27), ce terme englobe donc les écrits mais aussi tout autre support (ex: photographies).

Limite: dispense lorsque les documents ont déjà été notifiés. ex: les documents communiqués lors de l’instance n’ont plus à être communiqués au débiteur.

Celui qui prétend que le document a déjà été communiqué doit le prouver par tout moyen (fait juridique, Article 1315 al.1).

 

  1. B) L’information du débiteur

Les formes et le contenu des actes de saisie tendent à protéger le débiteur.

Ce sont en principe des actes d’huissier comprenant donc à peine de nullité des mentions obligatoires (Code de Procédure Civile Article 648) :

  • la date de l’acte
  • si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance
  • si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement
  • les nom, prénoms, demeure et signature de l’huissier de justice
  • si l’acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social.

D’autres mentions propres à chaque mesure de saisie s’y ajoutent et tendent à assurer l’information des parties et surtout du débiteur. L’information du débiteur intervient directement soit lors des opérations de saisie (1) soit a posteriori (2).

 

1) L’information directe du débiteur

Pour assurer l’information du débiteur le législateur requiert une information écrite et orale:

  • Information écrite: 2 techniques protectrices
  • rédaction en caractère très apparents de certaines mentions dans l’acte de saisie: ces mentions sont souvent relatives aux droits du débiteur (possibilité de contester, délais, juridiction compétente) ou aux obligations mises à sa charge suite à l’acte de saisie.
  • reproduction de certaines dispositions législatives dans l’acte de saisie: relatives notamment aux sanctions pénales et civiles encourues par le débiteur.
  • Information orale: elle consiste à rappeler oralement au débiteur le contenu de certaines mentions de l’acte de saisie. Cette obligation ne se limite pas à la lecture des mentions mais met à la charge de l’huissier une véritable obligation de renseignement.

ex: en matière de saisie-vente, l’huissier doit informer le débiteur qu’il peut vendre à l’amiable les biens saisis (D92 Article 95).

L’huissier fait mention de ses déclarations dans l’acte de saisie. Ces mentions relatives à l’information orale et écrite sont requises à peine de nullité. L’exigence s’explique au regard des effets de l’acte de saisie (il rend les biens indisponibles).

 

2) L’information a posteriori du débiteur

Dans un souci d’efficacité, la saisie peut parfois être dans les mains d’un tiers ou sans information du débiteur (mesures conservatoires).

L’huissier dresse l’acte de saisie avant d’en informer le débiteur mais celui-ci doit en être informé dès que possible ainsi, l’acte de saisie dressé en cachette est dénoncé ou signifié au débiteur par huissier de justice, il s’agit d’un acte d’huissier qui comprend donc mentions obligatoires inhérentes à ces actes (cf. supra.).

L’information relative à la procédure est également assurée car une copie de l’acte de saisie établi en cachette est remise au débiteur et celui-ci est informé de ses droits (possibilité de contester la mesure, vente amiable) et obligations (effets de la saisie).

 

2) Les respect de la vie privé et l’inviolabilité du domicile

Pour respecter la vie privée du débiteur et l’inviolabilité de son domicile, l’huissier ne peut saisir à toute heure (A) mais doit quand même pouvoir entrer dans un local (B).

 

  1. A) La localisation temporelle de la saisie: le temps de la saisie

Une saisie ne peut avoir lieu n’importe quel jour (1) et à n’importe quelle heure (2) (L91 Article 28).

1) Les jours de l’exécution

 

v Principe: une saisie peut être pratiquée tous les jours sauf dimanches et jours fériés car ils sont consacrés au repos du débiteur.

Les jours fériés sont limitativement fixés par la loi, ainsi une mesure d’exécution peut très bien être diligentée un samedi même s’il se situe entre un jour férié et un dimanche. Ces dispositions s’appliquent que les locaux servent ou non à l’habitation. Ainsi, il est en principe interdit de procéder à une mesure d’exécution dans les locaux d’une entreprise exceptionnellement ouverte à la clientèle un dimanche.

 

v Dérogation: en cas de nécessité, le juge peut délivrer une autorisation spéciale pour pratiquer une saisie le dimanche.

ex: saisir recettes d’un restaurant les réalisant le dimanche.

 

2) Les heures de l’exécution

 

v Principe: aucune mesure d’exécution ne peut avoir lieu entre 21 le soir et 6 h le matin. i.e. il est interdit de commencer les mesures avant 6 h et après 21 h mais l’huissier peut continuer une mesure commencée avant 21 h. Cette règle permet d’éviter que le débiteur ne profite de la nuit pour retirer tout ou partie des biens.

 

v Dérogation: le juge peut autoriser une exécution nocturne sauf si la mesure a lieu dans un local à usage d’habitation. Ainsi, lorsque la mesure concerne un local à usage d’habitation, l’interdiction est absolue. Cette possibilité de dérogation présente un intérêt pour les entreprises travaillant la nuit (ex: discothèque).

 

  1. B) Les procédures d’entrée dans les lieux

Il existe 2 procédures: une pour entrer dans un local servant à l’habitation (1) et une autre pour entrer dans un local en cas d’absence ou de refus de l’occupant (2).

 

1) La procédure d’entrée dans un local servant à l’habitation

« A l’expiration d’un délai de 8 jours à compter d’un commandement de payer signifié par un huissier de justice et resté sans effet, celui-ci peut, sur justification du titre exécutoire, pénétrer dans un lieu servant à l’habitation et, le cas échéant, faire procéder à l’ouverture des portes et des meubles » (L91 Article 20)

 

v Domaine: la procédure devant commencer par un commandement de payer, elle inapplicable aux mesures qui ne reposent pas sur un tel acte et notamment aux mesures conservatoires. La procédure s’applique donc essentiellement à la saisie-vente.

v Procédure: le commandement de payer est un acte d’huissier, il doit reproduire le titre exécutoire afin que le débiteur sache pourquoi il doit payer. Le commandement est signifié par huissier à personne sauf impossibilité. Le débiteur a 8 jours pour s’exécuter à compter de la signification du commandement Le jour de la signification ne compte pas car le délai est exprimé en jours (Code de Procédure Civile Article 641 al.1). Si le dernier jour est un dimanche ou un jour férié, il est reporté au 1er jour ouvrable (Code de Procédure Civile Article L642 al.2). Si le débiteur s’exécute: la procédure s’arrête et son domicile est protégé. S’il ne s’exécute pas, l’huissier peut entrer dans le local d’habitation pour procéder à la saisie. L’huissier doit présenter le titre exécutoire à toutes les personnes présentes dans les lieux.

L’huissier ne peut procéder lui-même à l’ouverture des meubles, le débiteur doit les lui ouvrir, s’il refuse il faudra utiliser une autre procédure.

 

2) La procédure d’entrée dans un local en cas d’absence ou de refus de l’occupant

« En l’absence de l’occupant du local ou si ce dernier en refuse l’accès, l’huissier de justice chargé de l’exécution ne peut y pénétrer qu’en présence du maire de la commune, d’un conseiller municipal ou d’un fonctionnaire municipal délégué par le maire à cette fin, d’une autorité de police ou de gendarmerie, requis pour assister au déroulement des opérations ou, à défaut, de 2 témoins majeurs qui ne sont au service ni du créancier, ni de l’huissier de justice chargé de l’exécution.

Dans les mêmes conditions, il peut être procédé à l’ouverture des meubles. » (L91 Article 21)

Tous les locaux relèvent de cette procédure (locaux d’habitation, locaux professionnels). Elle s’applique notamment lorsque débiteur refuse d’ouvrir les portes des meubles. L’occupant peut viser un propriétaire, un locataire, un squatteur (occupant sans droit ni titre). L’huissier peut avoir recours aux services d’un serrurier.

 

Section 2: Les frais d’exécution

Les frais d’exécution sont souvent élevés voire excessifs. Ainsi, lors de la réforme, la question a donné lieu à un débat important. Il faut distinguer les frais relatifs aux mesures d’exécution forcées (saisies) de ceux occasionnés pour le recouvrement amiable des créances (L91 Article 32). Pour les frais relatifs aux procédures d’exécution forcées, une distinction s’impose selon que les opérations sont diligentées avec ou sans titre exécutoire.

 

v Frais entrepris en vertu d’un titre exécutoire: les frais sont à la charge du débiteur quel que soit le type de mesure (exécution, conservatoire).

Exception: le créancier supporte ces frais s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés. En cas de litige, le JEX tranchera.

Ces frais englobent notamment les honoraires de huissier et les débours (frais engagés par le huissier en raison de circonstances indépendantes de la tarification des textes: remboursement des droits fiscaux, frais d’affranchissement, frais de serrurier etc.)

 

v Frais entrepris pour une exécution sans titre exécutoire: les frais restent à la charge du créancier, toute stipulation contraire est réputée non écrite. Toute clause de remboursement forfaitaire est donc nulle.

Exceptions:

  • les frais d’un acte dont l’accomplissement est prescrit pas la loi sont à la charge du débiteur (ex: le commandement de payer nécessaire pour mettre en œuvre une clause résolutoire d’un bail).
  • si le créancier établit le caractère nécessaire des démarches entreprises pour recouvrer sa créance, il peut demander au JEX de laisser tout ou partie des frais exposés à la charge du débiteur de mauvaise foi: le créancier doit démontrer la mauvaise foi du débiteur et le caractère nécessaire des dépenses.

 

Partie 2: Les mesures conservatoires

 

Les mesures conservatoires tendent à assurer la sauvegarde des droits du créancier (L91 Article 1 al.2), elles sont destinées à conserver un droit ou un bien afin de protéger le créancier en évitant que le débiteur n’en dispose ou s’en dessaisisse.

Les mesures conservatoires n’ont pas directement pour objet la vente des biens du débiteur pour payer le créancier mais s’en rapprochent car elles permettent la conservation du gage du créancier en vue d’une mesure d’exécution (les biens du débiteur sont mis sous main de justice). Ces mesures conservatoires présentent un intérêt pour le créancier qui veut attendre avant de procéder à une mesure d’exécution et pour les débiteurs car leur crédit est préservé.

 

Historiquement, il faut distinguer 3 périodes:

  • Avec le CPP 1806 existaient des saisies conservatoires spécifiques: saisie gagerie (créance d’un contrat de bail), saisie foraine (pour garantir sur personne de passage étranger à la cité), saisie revendication (gage sur meuble corporel), saisie commerciale (pour une créance commerciale), saisie conservatoire des aéronefs.
  • La loi du 12 nov. 1955 a introduit une saisie conservatoire de droit commun pour les biens mobiliers et 2 nouvelles sûretés judicaires (hypothèque conservatoire et nantissement conservatoire de fonds de commerce). Les règles de compétence étaient complexes et il y avait un risque de chevauchement entre la saisie conservatoire de droit commun et les saisies conservatoires spécifiques.
  • La réforme de 1992 a apporté innovations majeures: simplification des saisies conservatoires, unification des saisies conservatoires par la suppression des saisies conservatoires devenues inutiles et élargissement du domaine des saisies conservatoires avec de nouvelles sûretés judiciaires (nantissement de parts sociales et de valeurs mobilières) et de

nouvelles saisies mobilières (saisie de biens dans un coffre-fort etc.).

 

Il existe 2 catégories de mesures conservatoires:

  • les sûretés judicaires: ce sont des garanties pouvant être constituées à titre conservatoire sur certains biens en vertu d’une autorisation de justice.

Ces mesures ont une double nature: d’une part elles évitent que le débiteur n’organise sont insolvabilité et sont donc rattachables aux procédures civiles d’exécution et d’autre part ce sont des sûretés réelles spéciales établies par décisions de justice qui se rattachent donc au droit de sûretés. Avant la réforme cette dualité a généré un conflit relatif à la disponibilité ou indisponibilité des biens grevés d’une sûreté judiciaire. En effet, si les sûretés judiciaires sont analysées comme des voies d’exécution, le bien est indisponible alors que si le caractère de sûreté est privilégié, les biens grevés restent aliénables et disponibles. La Cour de cassation était intervenue en qualifiant les sûretés judiciaire de sûretés et en reconnaissant donc que biens grevés restaient aliénables et disponibles (les créanciers restant protégés par droit de suite). La réforme a consacré la jurisprudence: « les biens grevés d’une sûreté judiciaire demeurent aliénables » (Article 79 al.1).

Les sûretés judiciaires reposent sur une double publicité: une publicité provisoire qui a vocation à être confirmée par une publicité définitive. La sûreté judiciaire prend rang au jour de la publicité provisoire. La publicité conserve la sûreté pendant une durée de 3 ans renouvelable.

 

  • les saisies conservatoires

Certaines règles sont communes à toutes les mesures conservatoires (chapitre 1), d’autres sont spécifiques aux différentes saisies conservatoires (chapitre 2).

 

Chapitre 1: Les règles communes aux mesures conservatoires

 

Le souci du législateur de faciliter les mesures conservatoires se retrouve tant au niveau des conditions (Section 1) que des procédures (Section 2).

 

Section 1: Les conditions des mesures conservatoires

Outre les conditions relatives aux personnes (cf. partie 1), une mesure conservatoire ne peut être prise si la créance répond à certaines conditions spécifiques (1) et si le créancier a reçu une autorisation judiciaire (2).

 

1) Les conditions spécifiques relatives à la créance

« Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe [(A)] peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement [(B)] » (L91 Article 67).

 

  1. A) Une créance apparemment fondée en son principe

Une créance est apparemment fondée en son principe si des conditions de fond (1) et de forme (2) sont remplies.

1) Les conditions de fond

Les conditions de fond sont relatives à l’origine (a), à l’objet (b) et aux caractères de cette créance (c).

  1. a) L’origine de la créance

v Aucune distinction n’est opérée quant à l’origine de la créance, les mesures conservatoires peuvent donc être prises quelle que soit l’origine de la créance: il peut s’agit d’une créance ayant pour origine un contrat, un quasi-contrat, un délit ou un quasi-délit, il peut s’agir d’une créance fiscale, civile ou commerciale.

 

v La créance n’a pas à avoir de lien avec le bien saisi ou le bien grevé d’une sûreté judiciaire.

ex: un nantissement de fonds de commerce peut être pris pour garantir une dette civile totalement étrangère à l’exploitation du fond.

 

  1. b) L’objet de la créance

Même si les textes ne le prévoient pas expressément, la créance doit porter sur une somme d’argent et non sur une obligation de faire.

2 arguments textuels justifient cette restriction:

– L91 Article 67 vise une menace dans « le recouvrement », ce vocable laisse entendre qu’il ne peut s’agir que d’une somme d’argent.

– D92 Article 212 exige que l’ordonnance « détermine le montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est autorisée ».

Certains auteurs contestent cette limitation en estimant que la notion de créance est indépendante du mode d’exécution de l’obligation. Ils estiment ainsi que la créance dont l’objet est une obligation de faire ou de ne pas faire mériterait la même protection que celle portant sur une somme d’argent et il suffirait d’en donner une évaluation chiffrée pour se conformer aux exigences textuelles.

Pour l’instant, les juridictions n’admettent les mesures conservatoires que pour des créances de sommes d’argent.

 

  1. c) Les caractères de la créance

Il est seulement exigé que « la créance parai[sse] fondée dans son principe« , elle n’a pas à être certaine, liquide et exigible et peut être conditionnelle ou contestée.

v Lorsque la créance n’est pas liquidée, le juge qui autorise la mesure conservatoire doit en évaluer le montant à titre provisoire et il importe peu que le montant de la créance soit contesté (puisqu’il s’agit seulement d’une évaluation à titre provisoire).

 

v L’exigibilité n’étant pas requise, une créance à terme peut tout à fait faire l’objet d’une mesure conservatoire (le terme affectant seulement l’exigibilité).

 

v La créance n’a pas à être certaine mais le recours à une mesure conservatoire pour des créances conditionnelles a été discuté puisque 2 types d’évènements peuvent inciter le juge à refuser l’autorisation:

  • évènement temporel: le créancier qui n’a pas de titre exécutoire doit pouvoir engager une procédure ou encore accomplir les formalités nécessaires à son obtention dans le mois qui suit l’exécution de la mesure conservatoire. Si le juge constate que cela sera impossible dans le délai, il refusera l’autorisation.
  • évènement matériel: la reconnaissance de la certitude de la créance ne doit pas être trop aléatoire sinon le juge refusera son autorisation.

 

2) Les conditions de forme

En l’absence de précision légale, la forme de la créance importe peu: celle-ci peut être constatée dans un acte authentique ou dans un acte sous seings privés.

La créance n’a pas à être établie par écrit dès lors que l’écrit n’est pas une condition de validité de l’acte juridique dont résulte l’obligation.

Cependant, en l’absence de titre exécutoire, une autorisation judiciaire préalable est nécessaire. Ainsi, depuis la réforme, la forme de la créance n’a d’incidence que sur la nécessité ou non d’obtenir une autorisation judiciaire.

Si la créance est apparemment fondée en son principe, le créancier n’est autorisé à prendre une mesure conservatoire que s’il existe une menace pour son recouvrement.

 

  1. B) L’exigence d’une menace au recouvrement de la créance

Il était prévu que le créancier ne pouvait solliciter l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire qu’en cas d’urgence et si le recouvrement de la créance semblait en péril (Code de Procédure Civile, Article 48 al.1, 53 et 54). En jurisprudence, l’urgence et le péril étaient en fait l’expression d’une même menace pesant sur la créance: le risque d’insolvabilité du débiteur. Ce risque d’insolvabilité devait être imminent ou sérieusement à craindre mais la jurisprudence n’exigeait pas que le débiteur ne puisse pas payer sa dette, il suffisait que le paiement soit menacé. Cette condition est aujourd’hui reprise puisque la mise en œuvre d’une mesure conservatoire est subordonnée à la preuve de « circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement » (L91 Article 67). Ainsi, la jurisprudence antérieure à la réforme conserve un intérêt même si les circonstances visées par le texte ne se résument plus au seul risque d’insolvabilité du débiteur.

S’agissant d’un fait juridique, cette preuve doit être rapportée par tout moyen. Ainsi, le créancier peut utilement invoquer une inscription de privilège (Trésor, SECU) ou une lettre restée sans réponse. De manière générale, la jurisprudence considère que le recouvrement de la créance est menacé si le débiteur ne règle pas une dette ancienne non contestée d’un montant relativement élevé pour laquelle il a été mis en demeure de payer ou encore si un courrier qui lui a été adressé est resté sans réponse. Il en est de même en cas d’insolvabilité ou de défaut de paiement du débiteur.

En revanche, si le débiteur ne s’acquitte pas de sa dette car il la conteste, on doit considérer que le recouvrement n’est pas menacé.

Ces circonstances de fait sont appréciées souverainement au cas par cas par les juges du fond.

L’utilisation des mesures conservatoires peut donc paraître délicate, il faut agir ni trop tôt, ni trop tard:

  • le créancier ayant agi trop tôt pourrait être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire si le juge en ordonne la mainlevée.
  • la mesure conservatoire pris trop tard risque de perdre toute efficacité si d’autres créanciers agissent avant le créancier prenant l’initiative de la mesure.

 

2) La nécessité d’une autorisation judicaire

En principe une autorisation judiciaire est nécessaire pour mettre en œuvre une mesure conservatoire (A), mais par exception le créancier peut en être dispensé (B).

 

  1. A) Principe: l’obtention d’une autorisation judiciaire

L’intervention du juge est une garantie essentielle pour le débiteur qui n’est pas averti de la mesure requise par le créancier au risque qu’elle perde son effet de surprise et donc son efficacité. Il n’y a pas lieu à un commandement préalable i.e. à une information préalable du débiteur (L91 Article 67 reprenant Code de Procédure Civile  Article 48).

 

1) La juridiction compétente

La L91 innove sur le plan de la compétence d’attribution (a) et de la compétence territoriale (b).

 

  1. a) La compétence d’attribution

Avant la réforme, les règles relatives à la compétence d’attribution étaient complexes, 2 distinctions s’imposaient:

– le moment où l’autorisation était sollicitée: on distinguait l’autorisation sollicitée en dehors de toute instance pendante et l’autorisation sollicitée en cours de procès.

– la nature et de l’importance de l’affaire: il fallait combiner ces éléments pour déterminer le juge compétent.

 Principe: depuis la réforme, le JEX a une compétence générale pour autoriser les mesures conservatoires sauf dérogation légale expresse. Le JEX est compétent même s’il y a une instance pendante devant une autre juridiction puisque qu’il connaît exclusivement des autorisations des mesures conservatoires et des contestations des difficultés de leur mise en œuvre (COJ Article L213-6), tout autre juge saisi d’une telle demande d’autorisation doit donc se dessaisir d’office.

 

 2 dérogations:

  • la nature commerciale de la créance: l’autorisation peut être accordée par le Président du Tribunal de Commerce à 2 conditions (L91 Article 69 al.1 et D92 Article 211 al.2):
  • l’autorisation est demandée avant tout procès (condition supplémentaire ajoutée par la réforme): i.e. en l’absence de toute instance en cours aussi bien au fond qu’en référé. S’il y a une instance en cours, l’autorisation relève de la compétence exclusive du JEX et le Président du Tribunal de Commerce saisi doit se dessaisir d’office
  • l’autorisation tend à la conservation d’une créance relevant de la compétence des juridictions commerciales.

Cette compétence du Président  du Tribunal de Commerce existait avant la réforme, elle permet au Président  du Tribunal de Commerce de surveiller les difficultés des entreprises.

 

  • l’objet de la saisie est un navire: la L91 n’a pas abrogé la loi du 3 jan. 1961 (Article 70) et le décret 27 oct. 1967 relatifs à la saisie conservatoire des navires. Ainsi, l’autorisation émane du Président du Tribunal de Commerce ou à défaut du juge d’instance pour la saisie conservatoire d’un navire.

 

  1. b) La compétence territoriale

Le créancier avait le choix entre le juge du domicile du débiteur (défendeur) et le juge dans le ressort duquel étaient situés les biens à saisir (Code de Procédure Civile Article 48 al.1).

 Principe: aujourd’hui, « le juge compétent pour autoriser une mesure conservatoire est le JEX du lieu où demeure le débiteur » (D92 Article 211 al.1).

 

 Dérogation: « si la mesure tend à la conservation d’une créance relevant de la compétence d’une juridiction commerciale, elle peut être autorisée, avant tout procès, par le Président  du Tribunal de Commerce de ce même lieu » (D92 Article 211 al.2).

2) La procédure d’autorisation

L’autorisation judiciaire de pratiquer une mesure conservatoire revêt la forme d’une requête (a) que le juge accepte ou rejette par ordonnance (b).

 

  1. a) La requête

L’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire est demandée par requête (D91 Article 210) qui doit comprendre certaines mentions (Code de Procédure Civile, Article 493 à 498):

  • la désignation du magistrat auquel la requête est adressée
  • les noms, prénoms et domiciles du créancier et du débiteur
  • la désignation sommaire des biens concernés et de leur situation
  • le montant de la créance ou son évaluation si pas liquidée
  • la justification des motifs pour lesquels la mesure est demandée (la menace du recouvrement)
  • l’indication précise des pièces invoquées
  • la date
  • la signature du demandeur

Le ministère d’avocat n’est pas obligatoire. La requête peut être présentée par tout intéressé. Elle doit être faite en double exemplaire.

 

  1. b) L’ordonnance

S’agissant d’une ordonnance du requête, l’ordonnance est inscrite au pied de la requête, elle peut donc être préparée par le requérant et le juge se contentera alors de viser l’ordonnance et les pièces produites à l’appui.

Si le juge accorde l’autorisation, il vise, à peine de nullité, l’objet de la demande autorisée i.e. il indique les biens et le montant pour lequel la mesure peut être pratiquée. Cette somme correspond souvent au montant nominal de la créance mais si la créance n’est pas liquidée, le juge l’évalue d’après les éléments qui lui sont fournis dans la requête. Il s’agit d’une évaluation à titre provisoire, elle sera donc remplacée par le chiffre définitif au plus tard après l’obtention du titre exécutoire.

Tout en autorisant la mesure, le juge peut décider d’office qu’il réexaminera ultérieurement sa décision ou les modalités de son exécution lorsque le débat contradictoire sera instauré, le juge fixe la date de l’audience mais le débiteur peut toujours le saisir à une date plus rapprochée (D92 Article 213)

 

3) Les voies de recours du débiteur

Le débiteur dispose de 2 voies de recours: l’appel (a) et la rétractation (b).

 

  1. a) L’appel

« Les décisions du JEX […] sont susceptibles d’appel devant une formation de la cour d’appel qui statue à bref délai » (COJ Article L311-12-1 al.5), Ainsi, l’appel en tant que voie de recours est toujours recevable contre l’ordonnance autorisant une mesure conservatoire.

« L’appel n’est pas suspensif« , le créancier donc peut poursuivre l’exécution de la mesure conservatoire.

Exception: « le premier président de la cour d’appel peut ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de la mesure« 

 

  1. b) La rétractation

Les conditions requises pour pratiquer une mesure conservatoire étant particulièrement souple et l’autorisation étant obtenue sans débat contradictoire, le débiteur doit pouvoir, à un moment donné, faire valoir tous les arguments nécessaires à la défense de ses intérêts. Ainsi, le juge qui a accordé l’autorisation peut, après un débat contradictoire, revenir sur sa décision initiale et donc la rétracter. Il a d’ailleurs pu se réserver la possibilité de réexaminer la mesure en prévoyant une date d’audience (cf. supra.). Le juge reste compétent pour rétracter son ordonnance jusqu’à l’achèvement de la procédure permettant au créancier d’obtenir un titre exécutoire.

Etendue des pouvoirs du JEX:

  • saisi d’une demande de rétractation, le JEX prend en compte les éléments de faits postérieurs à l’ordonnance autorisant la mesure conservatoire car lorsqu’il statue au titre d’une demande de rétractation, le juge doit examiner tous les faits qui se sont produit au jour où il statue.

 

  • le juge doit-il se limiter à l’examen des seules créances qui lui ont été initialement soumises ou peut-il prendre en compte créances postérieures à l’autorisation délivrée ? La Cour de cassation considère que le juge ne peut pas prendre en compte les créances postérieures. Cette solution est critiquée en doctrine car elle confère à l’ordonnance initiale une marque indélébile qui ne s’explique pas en cas de contestation or lorsqu’il saisit le juge d’une demande de rétractation, le débiteur conteste l’autorisation et l’affaire basculant dans sa phase contentieuse, elle devrait normalement faire l’objet d’un règlement global non limité à la requête initiale.

 

 

  1. B) Les dispenses légales d’autorisation judiciaire

Avant la réforme, même muni d’un titre exécutoire, le créancier devait obtenir systématiquement une autorisation pour pratiquer une saisie conservatoire. Il en résultait un alourdissement considérable de la procédure et donc corrélativement une dévalorisation du titre exécutoire. Dans un contexte de déjudiciarisation et de revalorisation du titre exécutoire, il a été prévu 6 cas de dispense d’autorisation judiciaire pour pratiquer une mesure conservatoire (L91 Article 68):

  • l’existence d’un titre exécutoire: cette dispense coïncide avec la revalorisation du titre exécutoire.
  • l’existence d’une décision de justice n’ayant pas encore force exécutoire: il manque l’une des conditions pour que la décision ait force exécutoire (ex: expédition non revêtue de la formule exécutoire, décision par encore notifiée), cette dispense préserve l’effet de surprise déterminant dans la saisie conservatoire.
  • le défaut de paiement d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre ou d’un chèque: il va de soi qu’à partir du moment où le débiteur tire le chèque, il ne conteste pas le principe de la créance, le créancier peut donc logiquement pratiquer une mesure conservatoire sans autorisation.
  • l’existence d’un loyer impayé lorsqu’il résulte d’un contrat écrit de louage d’immeubles: les juges font une application stricte de ce cas de dispense tant que regard de la notion de loyer que de celle de contrat écrit de louage d’immeubles. En effet, la dette s’étend uniquement aux loyers et aux charges contractuelles à l’exclusion de toutes les autres sommes dues au bailleur (ex: frais de relance, clause pénale etc.).

 

Dans ces 6 cas, on considère que le principe de la créance n’est pas ou n’est gère contestable mais le créancier doit toujours justifier de circonstances propres à menacer le recouvrement de sa créance pour pratiquer une mesure conservatoire, elles seront contrôlées a posteriori par le juge saisi d’une contestation par le débiteur.

 

Section 2: La procédure applicable aux mesures conservatoires

Le créancier autorisé à pratiquer une mesure conservatoire doit respecter les règles relatives à son exécution (A), sa dénonciation (B), sa conversion (C) et aux incidents (D).

 

1) L’exécution de la mesure conservatoire

Même autorisé judiciairement, le créancier ne peut exécuter une mesure conservatoire si d’autres moyens de recouvrement lui permettent d’obtenir satisfaction.

La mesure conservatoire doit être exécutée dans un délai de 3 mois à compter de l’ordonnance sinon l’autorisation judiciaire est caduque (D92 Article 214) Le délai court à compter du jour du prononcé de l’ordonnance. Puisque l’exécution est visée, une tentative d’exécution non suivie d’effet n’empêcherait pas la caducité de l’autorisation sauf cas de force majeure. Même si le délai de 3 mois n’est pas expiré, le créancier ne peut utiliser l’ordonnance qu’il a obtenue pour réitérer une mesure identique dont l’exécution ferait courir un nouveau délai de 3 mois.

L’exécution de la mesure conservatoire doit être dénoncée au débiteur.

 

2) La dénonciation de la mesure conservatoire

 « La notification au débiteur de l’exécution de la mesure conservatoire interrompt la prescription de la créance cause de cette mesure » (L91 Article 71). Est seulement exigée la notification de l’exécution même de la mesure, le créancier conserve donc le bénéfice de l’effet de surprise. S’agissant d’une notification et non d’une signification, l’intervention d’un huissier de justice n’est pas requise (Code de Procédure Civile, Article 665 et suivants.).

 

 « Lorsque la mesure est pratiquée entre les mains d’un tiers [(le débiteur du débiteur)], le créancier signifie à ce dernier une copie des actes attestant les diligences requises par l’article 215 [pour l’obtention, le cas échéant, d’un titre exécutoire cf. infra.], dans un délai de huit jours à compter de leur date. A défaut, la mesure conservatoire est caduque. » Le créancier doit donc informer le débiteur et le tiers. Constitue un tiers, toute personne qui se trouve dans un rapport de droit avec le débiteur saisi et à qui la mesure conservatoire impose des obligations. Tout tiers répondant à cette définition a donc le droit d’être informé comme le débiteur

Si la mesure conservatoire n’incite pas le débiteur à s’exécuter, elle peut ensuite être convertie en une mesure d’exécution.

 

3) La conversion de la mesure conservatoire

La mesure conservatoire est par essence provisoire, elle est destinée à faire pression sur le débiteur et n’a donc pas vocation à durer dans le temps. Ainsi, si le débiteur ne s’exécute pas, il est nécessaire de passer au stade de l’exécution et alors le créancier doit obligatoirement être muni d’un titre exécutoire.

 

  • si le créancier a déjà un titre exécutoire: il peut directement pratiquer une mesure d’exécution, il convertit directement la mesure conservatoire en une mesure d’exécution correspondante.

 

  • si le créancier n’a pas encore de titre exécutoire: il « doit, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité [de la mesure conservatoire], introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire » (D92 Article 215, L91 Article 70). Le titre exécutoire permettra de convertir la mesure conservatoire en mesure d’exécution. Cette règle évite qu’une mesure conservatoire soit maintenue durant une durée indéterminée au préjudice du débiteur. En prévoyant que le créancier doit accomplir les formalités nécessaires, le législateur vise le cas où le jugement est rendu mais n’est pas encore revêtu de la formule exécutoire, il suffit alors d’obtenir une décision avec la formule exécutoire. A défaut, le créancier peut ou doit introduire une procédure au fond pour obtenir le titre exécutoire qui lui fait défaut. La saisie d’une juridiction incompétente est assimilée en jurisprudence comme une absence de saisie. Depuis la réforme, la conversion prend la forme d’une instance au fond, il n’existe plus d’instance en validité. Les modalités pratiques de conversion sont spécifiques à chaque mesure cf. infra.

Lorsque la carence du créancier est établie, il y a caducité, les juges n’ont aucun pouvoir d’appréciation.

Lorsqu’une mesure conservatoire lui est dénoncée, le débiteur peut réagir en demandant la mainlevée de la mesure ou la substitution d’une autre mesure.

 

4) Les incidents de la mesure conservatoire

Avant la réforme, 3 types d’incidents pouvaient survenir: la mainlevée totale ou partielle, la réduction ou le cantonnement de la mesure moyennant consignation et le concours de plusieurs saisies conservatoires. Aujourd’hui, il peut uniquement y avoir un concours de saisies conservatoires sur les biens meubles corporels du débiteur, dès lors, cet incident devient un incident spécifique à la saisie conservatoire des biens meubles corporels (cf. infra).

Stricto sensu, il existe 2 types d’incidents communs: la mainlevée et la substitution d’une autre mesure propre à conserver les intérêts des parties.

 

  1. A) La mainlevée de la mesure conservatoire

« Même lorsqu’une autorisation préalable n’est pas requise, le juge peut, à tout moment, au vu des éléments qui sont fournis par le débiteur, le créancier entendu ou appelé, donner mainlevée de la mesure conservatoire s’il apparaît que les conditions prescrites par l’article 67 [cf. supra.] ne sont pas réunies. » (L91 Article 72 al.1)

 

1) Les conditions de la mainlevée

v En principe, seul le débiteur peut demander la mainlevée de la mesure conservatoire et ce pendant toute sa durée i.e. jusqu’à son issue. Ainsi, le débiteur peut demander la mainlevée même dans les cas où il y a dispense d’autorisation judiciaire et alors le juge opère contrôle a posteriori des conditions de la mesure.

 

v La mesure conservatoire peut être levée si ses conditions (L91 Article 67 et D92 Article 210 et suivants.) ne sont pas respectées i.e. si la créance n’est pas fondée dans son principe ou si la mesure est prise sur des biens n’appartenant pas au débiteur ou s’il n’existe aucune menace pour le recouvrement de la créance.

 

v La mainlevée est obligatoire si le débiteur fournit une caution bancaire irrévocable conforme à la mesure exécutée.

 

2) La procédure de mainlevée

  1. a) La compétence d’attribution

v Principe: le JEX qui a ordonné la mesure est compétent pour statuer sur la mainlevée.

v Exception: si la mesure porte sur une créance relevant de la compétence des juridictions commerciales, le Président  du Tribunal de Commerce est compétent.

 

  1. b) La compétence territoriale

Il faut distinguer selon que la mesure a été prise avec ou sans autorisation judiciaire.

 

v Si la mesure a été prise avec autorisation judiciaire: la demande est présentée devant le juge qui a accordé l’autorisation. Ainsi, si la décision du JEX est affirmée en appel, la demande de mainlevée doit être introduite devant la Cour d’appel qui s’est substituée au premier juge pour délivrer l’ordonnance.

 

v Si la mesure a été prise en l’absence d’autorisation judiciaire: le JEX du lieu du domicile du débiteur est compétent.

 

3) Les effets de la mainlevée

La mainlevée peut être partielle ou totale mais elle est nécessairement pure et simple i.e. il ne peut être demandée aucune garantie de paiement au débiteur.

Pour éviter des mesures conservatoires abusives, « lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire » (L91 Article 73 al.2).

 

  1. B) La substitution d’une autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties

v « A la demande du débiteur, le juge peut, le créancier entendu ou appelé, substituer à la mesure conservatoire initialement prise toute autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties » (L91 Article 72 al.2) et notamment les intérêts du créancier. Cet incident ne peut être soulevé que par le débiteur. Il remplace l’ancien incident de réduction ou de cantonnement moyennant consignation.

 

v Aucune limite n’est posée quant aux mesures pouvant se substituer à la mesure conservatoire: il peut s’agir d’une autre mesure conservatoire ou d’une sûreté (ex: cautionnement bancaire) et dans ce cas, la mainlevée de la conservatoire est automatique si le débiteur fourni un cautionnement bancaire irrévocable.

 

v Les règles de compétence propre à cet incident sont identiques à celles relatives à la mainlevée.

 

Section 3: Les frais de la mesure conservatoire

En principe, les frais de la mesure conservatoire sont à la charge du débiteur sauf décision contraire du juge.

 

 

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Chapitre 2: Les différentes mesures conservatoires

 

« La saisie conservatoire peut porter sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels, appartenant au débiteur. » (L91 Article 74). Ainsi, à côté de la saisie conservatoire des créances (Section 1) et de la saisie conservatoire des biens corporels (Section 2), existent des saisies conservatoires spécifiques (Section 3).

 

Section 1: La saisie conservatoire des biens meubles incorporels (créances)

La saisie conservatoire des créances est la mesure conservatoire la plus simple et la plus courante car les sommes d’argents sont une richesse courante. Toutes les créances ne peuvent faire l’objet d’une telle saisie, les rémunérations du travail font l’objet d’un régime dérogatoire qui ne prévoit aucune saisie conservatoire.

 

1) Les opérations de saisie

Le déroulement des opérations de saisie (A) emporte certains effets (B).

 

  1. A) Le déroulement des opérations de saisies

En raison même de la présence d’un tiers, il existe 3 étapes: la saisie débute par un acte de saisie (1) qui est ensuite dénoncé au débiteur (2) et qui peut éventuellement donner lieu à la nomination d’un séquestre (3) (D92 Article 234 à 239).

 

1) L’acte de saisie

La saisie doit être pratiquée dans les 3 mois de l’autorisation à peine de caducité de celle-ci (D92 Article 214 cf. supra.).

v « Le créancier procède à la saisie au moyen d’un acte d’huissier de justice signifié au tiers » (D92 Article 234 al.1). La signification de l’acte de saisie se fait souvent dans l’acte de saisie. D92 Article 234 « Cet acte contient, à peine de nullité :

  • 1° L’énonciation des nom et domicile du débiteur ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et son siège social ;
  • 2° L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
  • 3° Le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;
  • 4° La défense faite au tiers de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu’il doit au débiteur ;
  • 5° La reproduction de » L91 Article 29 al.3 (interruption de la prescription) et 44 (obligations incombant au tiers saisi suite à l’acte de saisie).

 

v Le tiers saisi est tenu d’indiquer à l’huissier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur, les modalités qui les affecte et de lui remettre toutes les pièces justificatives en sa possession (D92 Article 237). Ces renseignements sont relatés dans l’acte de saisie.

« Le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus, s’expose à devoir payer [les causes de la saisie i.e.] les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si le débiteur est condamné [(le créancier obtiendra alors un recouvrement total de sa créance)] et sauf son recours contre ce dernier. [al.2] Il peut aussi être condamné à des dommages-intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère. » (D92 Article 238)

 

2) La dénonciation de la saisie au débiteur

« Dans un délai de 8 jours, à peine de caducité, la saisie conservatoire est portée à la connaissance du débiteur par acte d’huissier de justice » (D92 Article 236 al.1)

D92 Article 236 « Cet acte contient, à peine de nullité :

  • 1° Une copie de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la saisie a été pratiquée ; […]
  • 2° Une copie [de l’acte] de saisie ;
  • La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, den demander la mainlevée au JEX du lieu de son domicile ;
  • La désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations, notamment celles relatives à l’exécution de la saisie ;
  • La reproduction des articles 210 à 219 [(relatifs aux conditions de validité de la saisie conservatoire)];
  • 6° [depuis le 1er déc. 2002] L’indication, en cas de saisie de compte, que le titulaire du compte peut demander au tiers saisi [(le banquier)], dans les 15 jours suivant la saisie, la mise à disposition d’une somme d’un montant au plus égal au RMI pour un allocataire, dans la limite du solde créditeur du compte au jour de la réception de la demande. »

 

3) La nomination d’un séquestre

« Tout intéressé [, y compris le tiers saisi,] peut demander que les sommes saisies soient consignées entre les mains d’un séquestre désigné, à défaut d’accord amiable, sur requête par le JEX » (D92 Article 235 al.1), le tiers est alors déchargé de toute obligation relative à la saisie.

« La remise des fonds au séquestre arrête le cours des intérêts dus par le tiers saisi » (D92 Article 235 al.2).

 

  1. B) Les effets de la saisie conservatoire des créances

La saisie conservatoire des créances tend à rendre les biens saisis indisponibles (L91 Article 74 al.1 in fine), la créance est en quelque sorte gelée, elle ne peut plus faire l’objet d’une opération juridique pendant la durée de la saisie. Mais si la saisie est pratiquée sur un compte bancaire, l’indisponibilité ne frappe que les sommes saisies et non le compte lui-même qui a donc vocation à continuer de fonctionner, le compte n’est donc pas bloqué, les sommes sont simplement mises sur un compte bloqué séparé.

La créance étant dans les mains d’un tiers, il n’y a pas, au regard de la saisie de biens meubles incorporels, de délit de détournement d’objet saisi puisque ce délit suppose que le débiteur ait la garde de la chose saisie.

Avant la réforme, la saisie conservatoire rendait la créance totalement indisponible ce qui présentait des inconvénients pour le débiteur puisque son crédit était bloqué lorsque la saisie était pratiquée pour une somme supérieure à la créance invoquée. De plus, le créancier risquait un concours avec d’autres créanciers. La réforme a donc innové en limitant le montant de l’indisponibilité au montant de la créance du saisissant (1) et en prévoyant une consignation de plein droit des sommes saisies (2).

 

1) La limitation de l’indisponibilité au montant de la créance du saisissant

« Lorsque la saisie porte sur une créance ayant pour objet une somme d’argent, l’acte de saisie la rend indisponible à concurrence du montant autorisé par le juge ou, lorsque cette autorisation n’est pas nécessaire, à concurrence du montant pour lequel la saisie est pratiquée » (L91 Article 75 al.1). Il y a ainsi un cantonnement automatique qui se produit sans que le débiteur ait besoin de le demander: le débiteur concerne la libre disposition de la fraction de la créance sur le tiers qui excède le montant de sa propre dette envers le saisissant.

ex: un créancier de 1.000 saisit à titre conservatoire une créance de 5.000 du débiteur, l’insaisissabilité est cantonnée à 1.000 euros, le débiteur peut donc disposer de 4.000.

 

2) La consignation de plein droit des sommes indisponibles

L’indisponibilité partielle du fait du cantonnement ne suffit pas à elle seule à protéger les intérêts du créancier saisissant puisqu’il risque toujours de ne toucher qu’une faible partie de sa créance si d’autres créanciers du débiteur pratiquent eux aussi une saisie. Ainsi, « la saisie emporte de plein droit consignation des sommes indisponibles et produit les effets prévus à l’article 2075-1 du code civil [article abrogé par la réforme des sûretés] » (L91 Article 75 al.1 in fine).

Normalement, le tiers saisi consigne cette somme sans que le juge ait à intervenir. Le visa du Code civil permet de prévoir que cette somme est spécialement affectée au paiement de la créance du créancier. Le créancier se trouve donc dans une situation confortable puisque la somme consignée est affectée au créancier par privilège et préférence, le risque de concours avec d’autres créanciers est ainsi pratiquement exclu. En réalité, le créancier ne devrait subir que les limites du droit de préférence d’un créancier nanti i.e. il devrait être primé par le privilège du Trésor et par le privilège pour frais de conservation de la chose.

La consignation des sommes fait cesser les intérêts.

 

2) Les issues de la saisie conservatoire des créances

v Si le débiteur s’exécute volontairement: le créancier ayant obtenu satisfaction, il y a mainlevée amiable ou judiciaire de la saisie conservatoire.

v Si le débiteur ne s’exécute pas: la situation du créancier diffère selon qu’il est muni ou non d’un titre exécutoire:

  • si le créancier a un titre exécutoire: il peut directement demander le paiement de la créance consignée, il s’agit d’une mesure d’exécution (A).
  • si le créancier n’a pas de titre exécutoire: il doit convertir la saisie conservatoire en une saisie-attribution, mesure d’exécution correspondante pour les meubles incorporels (B)

 

  1. A) La possibilité pour le créancier muni d’un titre exécutoire de demander le paiement de sa créance

« Si la saisie conservatoire porte sur une créance, le créancier, muni d’un titre exécutoire, peut en demander le paiement. Cette demande emporte attribution immédiate de la créance saisie jusqu’à concurrence du montant de la condamnation et des sommes dont le tiers saisi s’est reconnu ou a été déclaré débiteur » (L91 Article 76 al.2). Le créancier peut donc obtenir au final en paiement le montant de la créance consignée.

Le titre exécutoire peut préexister à la procédure de saisie conservatoire mais peut aussi être obtenu au cours de la procédure qui doit obligatoirement être introduite ou poursuivie dans le mois qui suit l’exécution de la saisie conservatoire (cf. supra.).

La possibilité d’attribution est une innovation de la réforme de 1991. Jusqu’à la réforme du droit des sûretés (ordonnance du 23 mars 2006), l’attribution devait nécessairement être judiciaire puisque tout pacte commissoire était nul. Dorénavant, un pacte commissoire peut être conclu. Ainsi, le créancier aura le même bénéfice qu’il agisse suite à une mesure conservatoire en étant titulaire d’un titre exécutoire ou si sa sûreté contient un pacte commissoire: la créance lui sera attribuée en paiement.

 

  1. B) La conversion en saisie-attribution

« Le créancier qui a obtenu ou possède un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la vente des biens qui ont été rendus indisponibles jusqu’à concurrence du montant de sa créance » (L91 Article 76). Ainsi, le créancier qui n’a pas de titre exécutoire, peut, après obtention de ce titre (c’est à dire après, le cas échant, introduction d’une instance au fond dans le délai d’un mois à compter de l’exécution de la saisie conservatoire) convertir sa saisie conservatoire en saisie-attribution.

 

1) Les modalités de la conversion

v D92 Article 240 « Le créancier qui obtient un titre exécutoire […] signifie au tiers saisi un acte de conversion qui contient, à peine de nullité:

  • 1° La référence au procès-verbal de saisie conservatoire ;
  • 2° L’énonciation du titre exécutoire ;
  • 3° Le décompte distinct des sommes dues en vertu du titre exécutoire, en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts ;
  • 4° Une demande de paiement des sommes précédemment indiquées à concurrence de [la dette du tiers] celles dont le tiers s’est reconnu ou a été déclaré débiteur.

L’acte informe le tiers que, dans cette limite, la demande entraîne attribution immédiate de la créance saisie au profit du créancier. »

 

v « La copie de l’acte de conversion est signifiée au débiteur. » (D92 Article 241) « A compter de cette signification, le débiteur dispose d’un délai de 15 jours pour contester l’acte de conversion devant le JEX du lieu où il demeure. » (D92 Article 242 al.1) Depuis le 1er mars 2006, si le débiteur conteste la conversion, il doit dénoncer la contestation le même jour par LRAR à l’huissier qui a procédé à la saisie et en informer le tiers par lettre simple (D92 Article 242 al.2 et 3).

 

v « En l’absence de contestation, le tiers saisi procède au paiement sur la présentation d’un certificat délivré par le greffe ou établi par l’huissier de justice qui a procédé à la saisie attestant qu’aucune contestation n’a été formée dans les quinze jours suivant la dénonciation de l’acte de conversion » (D92 Article 242 al.4).

« Le paiement peut intervenir avant l’expiration de ce délai si le débiteur a déclaré [par écrit] ne pas contester l’acte de conversion » (D92 Article 242 al.5).

 

2) Les effets de la conversion

La conversion a pour effet principal l’attribution immédiate de la créance au profit du créancier saisissant.

La conversion est donc une cession forcée de la créance et le créancier pourra vaincre l’éventuelle résistance du tiers saisi. En effet, le créancier pourra, le cas échéant, obtenir contre le tiers saisi un titre exécutoire et muni de celui-ci, il pourra pratiquer une saisie-attribution i.e. une véritable mesure d’exécution contre le tiers saisi ce qui aura pour effet de le contraindre au paiement de la créance.

Si le tiers paye volontairement, une quittance lui est délivrée par le créancier pour qu’il puisse justifier du paiement et ne pas payer une seconde fois.

Le paiement éteint l’obligation du débiteur et celle du tiers dans la limite des sommes versées.

 

Section 2: La saisie conservatoire des biens meubles corporels

La saisie conservatoire peut porter sur des biens meubles corporels appartenant au débiteur, elle permet ensuite au créancier de pratiquer, le cas échéant, la mesure d’exécution correspondante: la saisie-vente. Toutefois, la loi ne confère ni droit de gage ni droit de préférence au premier créancier qui pratique une saisie conservatoire sur les meubles corporel. Cette saisie conservatoire n’a donc d’intérêt que si elle est convertie très rapidement en une mesure d’exécution i.e. en une saisie-vente. Cependant, elle peut toujours être utilisée comme une simple mesure d’intimidation.

 

1) Le domaine de la saisie conservatoire des biens meubles corporels

La saisie conservatoire des biens meubles corporels peut être pratiquée sur tous les meubles corporels: meubles meublants, marchandises, animaux, machines et véhicules. Certaines juridictions avaient même admis, avant la réforme, la saisie conservatoire d’une prothèse dentaire.

v Immeubles (non): les immeubles en sont exclus des saisies conservatoires car ils ne peuvent faire l’objet que d’une mesure conservatoire particulière: l’hypothèque judiciaire conservatoire.

 

v Immeubles par destination (non): au regard du droit des biens, les immeubles par destination ont en principe une nature mobilière et peuvent donc faire l’objet d’une saisie conservatoire mais ils deviennent immeubles s’ils sont rattachés à un immeuble par nature au service duquel ils sont affectés (Code Civil Article 524) ou s’ils sont attachés à perpétuelle demeure (Code Civil Article 525) et alors, perdant leur nature mobilière, ils relèvent de la saisie immobilière et non de la saisie conservatoire des biens meubles corporels.

Exception: les meubles devenus immeubles par destination peuvent être saisis indépendamment pour le paiement de leur prix.

 

v Meubles par anticipation (oui): les récoltes sur pied sont considérées comme des meubles par anticipation dans les 6 dernières semaines précédant la période normale de maturité, elles peuvent donc faire l’objet d’une saisie conservatoire de biens meubles incorporels dans ces 6 dernières semaines.

 

v Monnaie (non): aucune disposition n’interdit de pratiquer une saisie conservatoire sur des espèces sonnantes et trébuchantes mais cette saisie semble exclue car la saisie conservatoire doit pouvoir être convertie dans une saisie-vente or la monnaie ne peut être vendue à un cours supérieur ou inférieur à sa valeur faciale, dès lors si une saisie conservatoire est pratiquée sur de la monnaie, il sera impossible de la convertir en une saisie-vente puisque la monnaie ne peut être vendue. Donc, en principe, il est impossible de pratiquer une saisie conservatoire sur de la monnaie.

 

2) Les opérations de saisie

Le déroulement des opérations de saisie (A) va produire certains effets (B).

  1. A) Le déroulement des opérations de saisie

Il faut distinguer selon que le bien est en la possession du débiteur (1) ou se trouve dans les mains d’un tiers (2).

 

1) Les opérations de saisie des biens en la possession du débiteur

Les opérations de saisie passent par l’établissement d’un acte de saisie qui est ensuite notifié au débiteur.

 

  1. a) L’acte de saisie

v Sans commandement de payer préalable et titre exécutoire, l’huissier de justice ne peut pas, en principe, pénétrer dans l’habitation du débiteur pour pratiquer directement une saisie conservatoire. Cependant, le principe de l’inviolabilité du domicile du débiteur peut être transgressé dès lors que la mesure est précédée d’une autorisation préalable. Ainsi, avant de pratiquer la saisie, l’huissier doit présenter soit l’autorisation judiciaire préalable soit le titre exécutoire (qui dispense de l’autorisation). La saisie doit être pratiquée dans les 3 mois de l’autorisation à peine de caducité de celle-ci (D92 Article 214 cf. supra.).

 

v « Après avoir rappelé au débiteur qu’il est tenu de lui indiquer les biens qui auraient fait l’objet d’une saisie antérieure et de lui en communiquer le procès-verbal, l’huissier de justice dresse un acte de saisie » (ancien PV de saisie avant la réforme) (D92 Article 221 al.1) D92 Article 221 al.2 et suivants.

« Cet acte contient, à peine de nullité :

  • 1° La mention de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ; ces documents sont annexés à l’acte ; […]
  • 2° La désignation détaillée des biens saisis [, le cas échéant avec des photographies en annexe de l’acte (D92 Article 221 al.11 et Article 90). Si aucun bien n’est saisissable ou si les biens n’ont aucune valeur marchande, l’huissier dresse un procès verbal de carence (D92 Article 92)] ;
  • Si le débiteur est présent, sa déclaration au sujet d’une éventuelle saisie antérieure sur les mêmes biens ;
  • 4° La mention, en caractères très apparents, que les biens saisis sont indisponibles, qu’ils sont placés sous la garde du débiteur, qu’ils ne peuvent être ni aliénés, ni déplacés, si ce n’est [si une cause légitime rend leur déplacement nécessaire et avec information préalable au créancier avec indication du lieu de déplacement (D92 Article 91 al.2) ex: déménagement du débiteur], sous peine des sanctions [pénales de détournement d’objet saisi (CP Article 314-6)] […], et que le débiteur est tenu de faire connaître la présente saisie à tout créancier qui procéderait à une nouvelle saisie sur les mêmes biens ;
  • 5° La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, den demander la mainlevée au JEX du lieu de son domicile ;
  • 6° La désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations, notamment celles relatives à l’exécution de la saisie ;
  • 7° L’indication, le cas échéant, des nom, prénom et qualité des personnes qui ont assisté aux opérations de saisie, lesquelles doivent apposer leur signature sur l’original et les copies ; en cas de refus, il en est fait mention dans l’acte ;
  • 8° La reproduction de«  CP Article 314-6 (détournement d’objet saisi) et de D92 Article 210 à 219 (conditions de validité de la saisie conservatoire).

 

v Ces mentions tendent à assurer la protection du débiteur et à sauvegarder ses droits, c’est pourquoi elles sont exigées à peine de nullité. S’agissant d’une nullité de forme, la nullité de l’acte de saisie est subordonnée à la preuve d’un grief et ce même si la formalité omise est une formalité substantielle.

 

  1. b) La notification de l’acte de saisie au débiteur

v « Si le débiteur est présent aux opérations de saisie, l’huissier de justice lui rappelle verbalement le contenu des mentions des 4° et 5° de l’article 221 [(effets de la saisie et droits ouverts au débiteur)]. Une copie de l’acte portant les mêmes signatures que l’original lui est immédiatement remise ; cette remise vaut signification » (D92 Article 222 al.1).

 

v « Lorsque le débiteur n’a pas assisté aux opérations de saisie, une copie de l’acte lui est signifiée [à personne ou à domicile selon les règles classiques de signification des actes de procédure], en lui impartissant un délai de 8 jours pour qu’il porte à la connaissance de l’huissier de justice toute information relative à l’existence d’une éventuelle saisie antérieure et qu’il lui en communique le procès-verbal » (D92 Article 222 al.2).

 

2) Les opérations de saisie des biens entre les mains d’un tiers

v Les opérations de saisie débutent par la présentation de l’autorisation judiciaire préalable ou du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée.

 

v L’acte de saisie (ancien PV de saisie) comprend les mêmes mentions qu’en cas de saisie des biens entre les mains du débiteur.

 

La saisie est pratiquée sans que le débiteur n’en soit informé, une étape supplémentaire s’impose donc:

v D92 Article 224 « L’acte de saisie est signifié au débiteur dans un délai de 8 jours. Il contient en outre, à peine de nullité :

  • 1° Une copie de l’autorisation du juge ou du titre, selon le cas, en vertu duquel la saisie a été pratiquée ;
  • 2° La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d’en demander la nullité au JEX du lieu de son propre domicile ;
  • 3° La reproduction des articles 210 à 219 [(conditions de validité des mesures conservatoires)] ».

Ces mentions sont importantes car ce sera le débiteur qui contestera la saisie et non le tiers.

 

  1. B) Les effets de la saisie conservatoire des biens meubles corporels

La saisie conservatoire rend indisponibles les biens saisis, ils sont placés sous main de justice (L91 Article 74 in fine, D92 Article 91 al.1). Ainsi, les biens saisis ne peuvent plus faire l’objet d’une quelconque opération juridique ou encore d’un déplacement matériel sauf cause légitime et si le créancier en est préalablement informé et que lui est indiqué le lieu de déplacement (D92 Article 91 al.2), sous peine sanctions pénales de détournement d’objets saisis (CP Article 314-6).

 

v Efficacité de l’indisponibilité: l’indisponibilité des biens peut être gênante pour le débiteur notamment lorsqu’il est un commerçant et que la saisie porte sur des marchandises destinées à la vente. De plus, contrairement à la saisie conservatoire des créances, il n’y a aucun dispositif de plafonnement automatique de l’indisponibilité car il est impossible d’évaluer la valeur exacte des biens saisis. La saisie conservatoire des biens meubles corporels est donc un moyen de pression efficace mis à la disposition du créancier.

 

v Mesures particulières assurant le respect de l’indisponibilité:

  • « Le JEX peut ordonner sur requête, à tout moment, même avant le début des opérations de saisie, la remise d’un ou plusieurs objets à un séquestre qu’il désigne » (D92 Article 97 al.2).
  • « En outre, si parmi les biens saisis se trouve un VTM, celui-ci peut être immobilisé jusqu’à son enlèvement en vue de la vente par l’un des procédés prévus [cf.infra] » (D92 Article 97 al.3).

v L’indisponibilité des biens saisis ne protège pas totalement le créancier: si malgré la saisie le débiteur vend les biens, le créancier n’est pas certain de pouvoir les récupérer car si la vente est inopposable au créancier, le tiers acquéreur de bonne foi (présumée) peut lui opposer qu’« en fait de meubles, possession vaut titre » (Code Civil Article 2279).

 

v Sanctions: les sanctions pénales du délit de détournement des biens saisis dissuadent le débiteur de les aliéner ou de les déplacer (CP Article 314-6).

 

3) Les issues de la saisie conservatoire des biens meubles corporels

v Si le débiteur s’exécute volontairement: le créancier a obtenu satisfaction, il y a mainlevée amiable ou judiciaire de la saisie conservatoire.

v Si le débiteur ne s’exécute pas: le créancier peut convertir la saisie conservatoire en une saisie-vente, mesure d’exécution existant pour cette catégorie de bien.

 

  1. A) Les modalités de la conversion en saisie-vente

Le créancier qui n’a pas de titre exécutoire lorsqu’il pratique la saisie conservatoire doit, à peine de caducité de celle-ci, introduire dans le délai d’un mois une procédure pour obtenir le titre qui lui fait défaut (D92 Article 215, L91 Article 70). La conversion de la saisie conservatoire en saisie-vente se fait au titre d’une instance au fond et non plus d’une instance en validité comme c’était le cas avant la réforme. La conversion débute par un acte de conversion (1), suivi d’une vérification des biens saisis (2) et le cas échéant d’une notification au tiers lorsque le bien n’est pas en la possession du débiteur (3).

 

1) L’acte de conversion

D92 Article 226 « Le créancier qui obtient un titre exécutoire […] signifie [par huissier] au débiteur un acte de conversion qui contient, à peine de nullité :

  • 1° La référence [à l’acte] de saisie conservatoire ;
  • 2° L’énonciation du titre exécutoire ;
  • 3° Le décompte distinct des sommes à payer, en principal, frais et intérêts échus, ainsi que l’indication du taux des intérêts ;
  • 4° Un commandement d’avoir à payer cette somme dans un délai de 8 jours, faute de quoi il sera procédé à la vente des biens saisis.

La conversion peut être signifiée dans le même acte que le jugement. »

 

2) La vérification des biens saisis

v « A l’expiration d’un délai de 8 jours à compter de la date de l’acte de conversion [si le débiteur ne s’exécute pas], l’huissier de justice procède à la vérification des biens saisis. Il est dressé acte des biens manquants ou dégradés » (D92 Article 227 al.1), en effet, le débiteur est gardien des biens, il ne doit donc pas les dégrader.

« Dans cet acte, il est donné connaissance au débiteur qu’il dispose d’un délai d’un mois pour vendre à l’amiable les biens saisis dans les conditions prescrites aux articles 107 à 109 qui sont reproduits » (D92 Article 227 al.2).

v « A défaut de vente amiable dans le délai prévu, il est procédé à la vente forcée des biens saisis » (D92 Article 229) (vente aux enchères) comme en matière de saisie-vente (cf. infra.). La vente des biens saisis n’a lieu qu’à concurrence du montant de la créance du créancier.

 

3) Les notifications en cas de saisie dans les mains d’un tiers

Lorsque la saisie conservatoire est pratiquée dans les mains d’un tiers, 2 notifications supplémentaires doivent intervenir:

  • « le créancier signifie [au tiers] une copie des actes attestant les diligences requises par l’article 215 [pour obtenir un titre exécutoire], dans un délai de 8 jours à compter de leur date. A défaut, la mesure conservatoire est caduque. » (D92 Article 216)
  • « une copie de l’acte de conversion est dénoncée [au tiers] » (D92 Article 226 al.7) même si aucun délai n’est prévu par les textes, la dénonciation doit intervenir avant l’enlèvement des objets saisis en vue de leur vente.

 

  1. B) Les effets de la conversion en saisie-vente

« A défaut de vente amiable dans le délai prévu, il est procédé à la vente forcée [(vente aux enchères)] des biens saisis » (D92 Article 229) selon les modalités de la saisie-vente (cf. infra. saisie-vente Partie 3). Le prix obtenu est réparti entre les créanciers conformément aux procédures de distribution (cf. Partie 4).

 

4) Le concours de saisies conservatoires de biens meubles corporels

Ce concours est spécifiques à la saisie conservatoires des biens meubles corporels (car dans les saisies de biens meubles incorporels, l’indisponibilité est totale cf. surpa.)

« L’huissier de justice qui procède à une saisie conservatoire sur des biens rendus indisponibles par une ou plusieurs saisies conservatoires antérieures signifie une copie [de l’acte de saisie ou de conversion] à chacun des créanciers dont les diligences sont antérieures aux siennes » (D92 Article 230 et 231).

v Si le débiteur ne vend pas les biens saisis à l’amiable: il est procédé à la vente forcée conformément aux règles applicables en matière de saisie-vente et le prix obtenu est distribué entre les différents créanciers (cf. Partie 4).

 

v Si le débiteur présente des propositions de vente amiable: il transmet ces propositions au créancier saisissant

  • si le créancier saisissant refuse les propositions: il est procédé à la vente forcée aux enchères publiques et à la répartition du prix.
  • si le créancier saisissant accepte les propositions: il « en communique la teneur, par LRAR, aux créanciers qui ont saisi les mêmes biens à titre conservatoire » (D92 Article 232 al.1). « Chaque créancier doit, dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la lettre, prendre parti sur les propositions de vente amiable et faire connaître au créancier saisissant la nature et le montant de sa créance » (D92 Article 232 al.2)
  • si les autres créanciers acceptent les propositions: la vente amiable est réalisée conformément à ces propositions et le prix obtenu est réparti entre les créanciers au marc le franc i.e. par tête. « A défaut de réponse dans le délai imparti, le créancier est réputé avoir accepté les propositions de vente« (D92 Article 232 al.3).
  • si un des créanciers refuse les propositions: il y a vente forcée et distribution du prix entre les créanciers (cf. partie 4). « Le créancier saisissant qui fait procéder à l’enlèvement des biens en vue de leur vente forcée doit en informer, par LRAR, [les autres créanciers i.e.] les créanciers qui ont pratiqué une saisie conservatoire sur les mêmes biens avant l’acte de saisie ou l’acte de conversion, selon le cas. A peine de nullité, cette lettre indique le nom et l’adresse de l’officier ministériel chargé de la vente et reproduit en caractères très apparents l’alinéa qui suit » (D92 Article 233 al.1) « Chaque créancier doit, dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la lettre, faire connaître à l’officier ministériel chargé de la vente, la nature et le montant de sa créance au jour de l’enlèvement. A défaut de réponse dans le délai imparti, il perd le droit de concourir à la distribution des deniers résultant de la vente forcée, sauf à faire valoir ses droits sur un solde éventuel après répartition » (D92 Article 233 al.2).

 

Section 3: Les saisies conservatoires spécifiques

Les saisies conservatoires spécifiques portent soit sur des biens meubles corporels (1) soit sur des biens incorporels tels que les droits d’associé et les valeurs mobilières (2).

 

1) Les saisies conservatoires spécifiques sur les biens meubles corporels

Les spécificités de la saisie conservatoire peuvent tenir à la nature des biens saisis (navires et aéronefs relevant respectivement du droit maritime et du droit aérien), au lieu où sont placés les biens à saisir (coffre-fort) (A) ou à la nature de la créance cause de la saisie (qui justifie la saisie conservatoire). En effet, le créancier peut pratiquer une saisie conservatoire particulière: la saisie-revendication, en se fondant sur son droit, au moins apparent, d’obtenir la délivrance ou la restitution d’un bien corporel (B).

 

  1. A) La saisie conservatoire des biens placés dans un coffre-fort

Pour l’essentiel, la saisie conservatoires des biens meubles corporels placés dans un coffre-fort reprend les règles saisies conservatoires des biens meubles corporel (D92 Article 278) mais présente des particularités car les biens se situent dans un coffre-fort (D92 Article 266, 267 et 278 à 282).

 

1) Les opérations de saisie conservatoire des biens placés dans un coffre-fort

  1. a) Le déroulement des opérations de saisie

La saisie doit être pratiquée dans les 3 mois de l’autorisation à peine de caducité de celle-ci (D92 Article 214 cf. supra.).

v L’acte de saisie: « la saisie des biens placés dans un coffre-fort appartenant à un tiers s’effectue par acte d’huissier de justice signifié à ce tiers » (D92 Article 266 al.1).

A ce stade, la saisie est réalisée, sans même l’ouverture du coffre. D92 Article 266 al.2″Cet acte contient, à peine de nullité :

  • 1° Les nom et domicile du débiteur et, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
  • 2° La référence au titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
  • 3° Une injonction d’interdire tout accès au coffre, si ce n’est en présence de l’huissier de justice.

Le tiers est tenu de fournir à l’huissier de justice l’identification de ce coffre. Il en est fait mention dans l’acte. »

 

v La signification de l’acte de saisie: D92 Article 279 « Un acte d’huissier de justice est signifié au débiteur le premier jour ouvrable suivant l’acte de saisie […].

Cet acte contient, à peine de nullité :

  • 1° La dénonciation de l’acte de saisie ;
  • 2° La mention de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ; ces documents sont annexés à l’acte ; […]
  • 3° L’indication que l’accès au coffre lui est interdit, si ce n’est, sur sa demande, en présence de l’huissier de justice ;
  • 4° La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, den demander la mainlevée au JEX du lieu de son domicile ;
  • 5° La reproduction des articles 210 à 219 [(conditions de validité de la saisie conservatoire)]. »

 

  1. b) Les effets de la saisie des biens placés dans un coffre-fort

v « Toute saisie interdit l’accès au coffre sans la présence de l’huissier de justice. Celui-ci peut apposer des scellés sur le coffre » (D92 Article 267).

S’agissant d’une mesure conservatoire qui tend donc uniquement à conserver les objets présents dans le coffre, il n’est pas nécessaire d’ouvrir le coffre puisque le débiteur ne risque plus de dilapider les biens du fait de l’indisponibilité et de l’interdiction d’accès au coffre.

 

v Le coffre peut être ouvert dans 2 cas:

  • l’ouverture du coffre à la demande du débiteur: « A tout moment, le débiteur peut demander l’ouverture du coffre en présence de l’huissier de justice » (D92 Article 280 al.1) notamment pour pouvoir récupérer des biens insaisissables dont il a encore la libre disposition. L’huissier « procède alors à l’inventaire détaillé des biens qui sont saisis à titre conservatoire […] [il ne mentionne pas les biens insaisissable qui y figure]. Ces biens sont immédiatement enlevés pour être placés sous la garde de l’huissier de justice ou d’un séquestre désigné, à défaut d’accord amiable, sur requête par le JEX du lieu de la saisie. Le cas échéant, l’huissier de justice peut photographier les objets retirés du coffre, dans les conditions prescrites par l’article 90. » (D92 Article 280 al.2)

« Une copie de l’acte de saisie est remise [au débiteur présent] ou signifiée au débiteur [absent], avec la désignation, à peine de nullité, du JEX du lieu de la saisie devant lequel seront portées les contestations relatives aux opérations de saisie » (D92 Article 280 al.3)

  • l’ouverture du coffre suite à la résiliation du contrat de bail: la résiliation du bail peut intervenir du chef de la banque (qui se méfie d’un locataire devenu insolvable) mais aussi du débiteur qui peut ne plus avoir intérêt à conserver un coffre auquel il ne peut avoir accès. « En cas de résiliation du contrat de location du coffre, le propriétaire de celui-ci en informe immédiatement l’huissier de justice » (D92 Article 281 al.1). L’huissier « signifie au débiteur une sommation d’être présent aux lieu, jour et heure indiqués, en personne ou par tout mandataire, pour qu’il soit procédé à l’ouverture du coffre, avec l’avertissement que, en cas d’absence ou de refus d’ouverture, elle aura lieu par la force et à ses frais. L’ouverture du coffre ne peut intervenir avant l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la signification de la sommation, sauf au débiteur à demander que cette ouverture ait lieu à une date plus rapprochée » (D92 Article 281 al.2).

 

2) Les issues de la saisie conservatoire des biens placés dans un coffre-fort

v Si le débiteur s’exécute volontairement: il y mainlevée amiable ou judiciaire. Le débiteur retrouve la libre disposition de son coffre.

 

v Si le débiteur ne s’exécute pas: le créancier doit engager une procédure pour obtenir le titre exécutoire nécessaire à la conversion de la saisie conservatoire en saisie-vente (exécution d’une obligation pécuniaire) ou pour pratiquer une saisie-appréhension permettant d’obtenir la délivrance ou la restitution de la chose saisie (exécution d’une obligation de faire).

 

  1. B) La saisie-revendication

La nouvelle saisie-revendication (issue de la réforme, D92 Article 155 à 163) est une forme particulière de saisie conservatoire préparatoire à une saisie-appréhension. En effet, le créancier qui veut pratiquer une saisie-appréhension (mesure d’exécution forcée en nature) peut, en attendant que cette saisie soit pratiquée, rendre immédiatement indisponibles les biens à livrer ou à restituer par une saisie revendication. Mais la saisie