Coutume, loi et jurisprudence en droit musulman

Coutume, loi et jurisprudence en droit musulman

Le droit musulman est basé sur le Coran, la Sunna (les actes et les paroles du prophète Mahomet), l’Ijma (consensus de la communauté) et le Qiyas (analogie juridique). Nous étudions ici 3 sources du droit musulman :

 – La loi et le règlement

– La coutume en droit musulman  se réfère à la pratique courante d’une communauté musulmane. Elle est considérée comme une source secondaire de droit, après le Coran et la Sunna. Selon l’école juridique malikite, la coutume peut être utilisée pour clarifier une question juridique ambiguë ou pour résoudre un conflit. Toutefois, elle ne peut être utilisée pour aller à l’encontre des règles du Coran ou de la Sunna. [2].

– La jurisprudence en droit musulman se réfère aux décisions des tribunaux et aux opinions des jurisconsultes. Les tribunaux en droit musulman sont appelés les Qadi et sont chargés de résoudre les conflits entre les parties.

Ces deux dernières sources sont aussi qualifiées de « sources spontanées » ( coutume  jurisprudence musulmane).

1. La coutume en droit musulman : orf

La coutume est en théorie une source auxiliaire du droit mais elle a joué un rôle de premier plan avant l’avènement de l’islam et elle a pu coexister dans certaines régions avec le droit musulman écrit. C’est à dire que continuaient à fonctionner les coutumes. La connaissance des coutumes a été considérablement amplifiée par des enquêtes qui ont été menées à la fin du XIXe siècle. Il y a pour l’Algérie une enquête très importante qui a donné lieu à la publication d’un gros ouvrage particulièrement riche. Elle a été menée grâce à l’action de trois personnes :

– un officier berbérisant, Hanoteau,

– un conseiller à la cour d’appel d’Alger, Letourneux,

– ces deux auteurs ont bénéficié de l’aide d’un informateur kabyle, Si Moula Tait Ameur.

Ces coutumes étaient difficiles à relever dans la mesure où à l’époque, la langue berbère était une langue parlée mais pas une langue écrite. On a recueilli des témoignages en berbère. On a utilisé aussi des sources écrites en langue arabe, kanun, qui étaient des règlements de villages. Chacun des kanun valait pour un seul village et il était probablement élaboré par un comité restreint de la djemar qui était l’assemblée de village, réservée aux hommes. C’est dans cette assemblée que se prenaient les décisions relatives à la vie du village. Certains observateurs du XIXe siècle ont cru voir dans la djema à Kabyle, une forme d’assemblée démocratique, voir d’une assemblée parlementaire. Chaque village avait sa coutume, son kanun et lorsqu’on lit ce recueil de coutumes kabyles de Hanoteau et Letourneux, on constate effectivement qu’un même délit est puni différemment selon qu’on est dans un village ou dans un autre. En général, il y a une multiplicité de règles valant chacune pour un village déterminé. Il y a cependant une disposition plus générale remontant à 1742 qui décidait pour l’ensemble des villages que les femmes seraient exclues de la succession. On a pu considérer que l’avantage de cette coutume, de cette norme juridique, c’était sa plasticité.

2. La jurisprudence en droit musulman : amal

Cette jurisprudence est disponible dans les ouvrages de pratique judiciaire. On trouve aussi des recueils de consultation qu’on appelle fatwa. Ces recueils de jurisprudence ont pris dans certains cas une forme très élaborée. Ils ont été présentés sous forme de poèmes. Ces recueils de jurisprudence musulmane ont été plus importants au Maroc qu’en Algérie faute d’une autorité politique structurée en Algérie.

3. Le règlement et la loi en droit musulman

On est passé progressivement de textes proposés par le souverain, notamment en Turquie, à des textes adoptés par des assemblées et à des textes qui peuvent prendre la forme d’un code.

En Algérie, depuis 1975, il y a un Code civil. Ce code a été modifié à plusieurs reprises, en particulier en 2007. Il existe une différence importante par rapport au Code civil français, différence qu’on trouve dans d’autres pays musulmans. Le Code civil algérien n’englobe pas le droit de la famille. Il existe ainsi depuis la loi du 9 juin 1984, un Code de la famille spécifique. Pour le reste, le Code civil algérien dans son vocabulaire et son organisation est assez proche du droit français. Le livre I comporte des dispositions générales. Le livre II s’occupe des obligations et des contrats, le livre III des droits réels principaux, le livre IV des droits réels accessoires ou des sûretés réelles.

L’Algérie dispose d’un Code pénal depuis 1966, modifié en 2009. Ce Code pénal algérien tranche par rapport au Code pénal français au mois à deux égards. Il accorde une grande importance aux crimes et aux délits contre la chose publique : la trahison, l’espionnage, le terrorisme, la participation à un mouvement insurrectionnel. De plus, il y a la sacralité accordée au Coran. C’est ainsi que l’art. 160 du Code pénal algérien punit de 5 à 10 de prison, « quiconque volontairement et publiquement, détruit, mutile, dégrade ou profane le livre sacré ». L’art. 170 prévoit la même peine pour quiconque commet la même action à l’égard de l’emblème national. La deuxième différence est l’importance des crimes et délits contre la famille et les bonnes mœurs :

– l’avortement est sanctionné pénalement pour l’acteur extérieur de 1 à 5 ans de prison et de 20 000 à 100 000 dinars d’amende. Cette peine est accrue s’il s’agit d’une infraction répétée ou si la femme est morte des suites de cet avortement. La femme qui se fait avorter elle est passible de 6 mois à 10 ans de prison et d’une amende de 20 000 à 100 000 dinars. Une exception est prévue par l’art. 308 du Code pénal : « l’avortement n’est pas puni lorsqu’il constitue une mesure indispensable pour sauver la vie de la mère en danger et qu’il est ouvertement pratiqué par un médecin ou un chirurgien après avis donné par lui à l’autorité administrative ».

– l’homosexualité est aussi condamnée. L’art. 338 du Code pénal dispose « tout coupable d’un acte d’homosexualité est puni d’un emprisonnement de 2 mois à 2 ans et d’une amende de 20 000 à 100 000 dinars », « si l’un ou l’une des deux parties a moins de 18 ans, l’autre si elle est majeure peut recevoir jusqu’à 3 ans de prison ».

– l’art. 339 prévoit un emprisonnement d’un à douze ans pour la femme adultère et son complice et pour l’homme adultère et sa complice. Mais la poursuite ne peut être engagée que sur plainte du conjoint offensé et son pardon y met fin.

Il y a au Maroc un Code de la famille depuis 2004 et un Code pénal depuis 1963. Il y a des dispositions qui n’existent pas ou pas sous cette forme dans les droits européens. Il y a d’abord une disposition qui punit la rupture du jeûne pendant le temps où il s’impose dans un lieu public. Art. 222 du Code pénal : « celui qui notoirement connu pour son appartenance à la religion musulmane rompt ostensiblement le jeun dans un lieu public pendant le temps du ramadan sans motif admis par cette religion est punis de l’emprisonnement de 1 à 6 mois et d’une amende de 12 à 120 dirhams ». Il y a des dispositions souvent évoquées qui concernent les enlèvements non réprimés de jeunes filles mineures. Art. 475 du Code pénal : si un homme enlève une mineure, il n’est pas poursuivi s’il l’épouse. L’art. 486 est relatif au viol, sanctions lourdes, mais mises entre parenthèses si le coupable épouse la jeune fille violée.

Le Code pénal précise même que la peine pour le violeur est de 20 ans de prison si le coupable est un ascendant, un serviteur à gage de la jeune femme violée ou un fonctionnaire. La peine est accrue s’il y a eu défloration de la jeune fille en vertu de l’art. 488 du même Code pénal. Dans le Code pénal marocain, il y a des dispositions sur la sexualité qu’on ne rencontre plus dans les pays occidentaux. L’art. 489 du Code pénal marocain : « est puni de l’emprisonnement de 6 mois à 3 ans et d’une amende de 120 000 dirhams quiconque commet un acte impudique ou contre nature avec un individu du même sexe ». Il y a également des dispositions qui sanctionnent les relations sexuelles hors mariage, art. 490 du Code pénal, emprisonnement d’un moins à un an. Il y a une sanction de l’adultère, art. 491 : emprisonnement d’un à deux ans, poursuite que sur plainte du conjoint offensé. Art. 492 : le retrait de la plainte par le conjoint offensé met fin aux poursuites exercées contre son conjoint adultère. Dispositions assez proches de celles du droit pénal algérien.

Il existe en Tunisie un Code pénal qui remonte à 1914 et a connu une série de modifications dont les dernières en 2009. Ce Code pénal tunisien comporte lui aussi des dispositions qui ressemblent à celles qu’on peut trouver dans les autres droits du Maghreb. Sont-elles appliquées ? L’art. 230 sanctionne la sodomie de 3 ans de prison. L’art. 227 bis punit de 6 ans de prison « celui qui a fait subir sans violence l’acte sexuel à un enfant de sexe féminin âgé de moins de 15 ans accomplis ». « Le mariage du coupable avec la victime arrête les poursuites ou les effets de la condamnation », art. 239.

Les poursuites reprennent en vertu de l’art. 227 bis si avant un délai de 2 ans à dater de la consommation du mariage, le mariage est rompu par divorce. L’adultère est également puni de 5 ans de prison et de 500 dinars d’amende en vertu de l’art. 236 du Code pénal mais la poursuite n’a lieu qu’à la demande de l’autre conjoint et c’est cet autre conjoint qui peut arrêter la poursuite ou arrêter les effets de la condamnation. L’art. 315 du Code pénal prévoit une punition de 15 jours de prison et une amende à ceux qui servent des boissons alcooliques à des personnes musulmanes ou en état d’ivresse. Peu de données sur l’effectivité de ces mesures qui peuvent avoir valeur symbolique mais pas véritablement être appliquées. Il y a toujours une forme de tolérance

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