La coutume dans le monde féodal

Le pluralisme juridique dans le monde féodal : les coutumes territoriales

Dans la société féodale, les rapports juridiques entre les individus ne sont pas dictés par la loi. Le dernier capitulaire est édicté en 884. Ainsi, à compter la fin du IXème siècle, et pour plus de deux siècles, le pouvoir législatif du roi ne s’exerce plus du tout. Les rapports entre les puissants s’établissent sur la base du lien féodaux vassaliques. Ceux qui sont plus humbles suivent les coutumes territoriales. Dans la société féodale, chacun trouve sa place d’après la dignité qui correspond à sa fonction. Les clercs prient et suivent le droit canonique. En cela, ils profitent de privilèges comme le privilège du for. Les guerriers se battent et suivent aussi un droit qui leur est propre, le droit féodal. Tous les autres travaillent, cultivent la terre, font du commerce et ils suivent la coutume du lieu où se trouve leur terre, la coutume du métier qu’ils pratiquent. Chaque communauté spirituelle, nobles ou autres, cherche le privilège pour faire valoir son exception économique.

En l’an 1000, le droit se résume dans le royaume de France aux vestiges du droit romain. Ces vestiges sont notoirement insuffisants. Le droit va donc puiser sa source ailleurs, et il la puise dans un rapport de force. Le seigneur est maitre d’un château, dans lequel il entretient une bande de guerrier, les milites. Le maitre du château impose son ban par la violence et impose ce ban aux manants (ceux qui sont contraints de rester). En échange de sa protection armée contre les bandes rivales, le seigneur exige des redevances. Ces redevances sont appelées consuetudines (consuetudo désigne la coutume en romain). En l’an 1000, seul le mot consuetudo subsiste et son sens est depuis longtemps perdu. En l’an 1000, une coutume est une prestation, une taxe prélevée par le seigneur. Au XIème siècle, les communautés rurales et urbaines s’organisent. Elles revendiquent et négocient avec les seigneurs pour éviter l’apparition des «novelletés», redevances nouvelles dues au seigneurs qui procèdent du plus pur arbitraire. Les consuetudines, pour empêcher la prolifération des nouvelles taxes, sont désormais négociées, circonscrites et ces consuetudines deviennent des coutumes territoriales à la fin du XIème siècle. Quand elles ne le deviennent pas, elles deviennent charte de franchise quand elles dérogent au droit commun de la seigneuries. Les coutumes deviennent vite si nombreuses, si incontournables, qu’elles imposent dès le XIème siècle, un ordre juridique nouveau, un ordre juridique coutumier.

  • A) L’affirmation des coutumes territoriales.

Au départ, la coutume territoriale est une création empirique, c’est le fruit de la négociation avec le seigneur, différente d’une seigneurie à une autre. Progressivement, la coutume retrouve son sens romain et principalement à partir du moment où l’on constate la renaissance du droit romain au XIème siècle. La redécouverte du droit romain de Justinien va transformer la coutume territoriale : elle va devenir un ordre juridique. Ainsi, la coutume cesse d’être le droit de la seigneurie banale et connait un véritable développement théorique et juridique.

1- La seigneurie banale.

Le seigneur est le maitre du ban. Il a usurpé les prérogatives de puissance publique des anciens rois francs, et le capétien est bien incapable de les récupérer. Par le ban, le seigneur édicte des règlements, il charge ses représentants de faire valoir ses intérêts et perçoit ainsi les droits que la coutume essaye bientôt d’encadrer.

  • a) Le seigneur et les consuetudines.

Pour bénéficier de la protection militaire du seigneur, les manants sont obligés d’acquitter des redevances et des prestations. Ils payent ainsi la taille, impôt direct la plupart du temps demandé en argent, que doit acquitter chaque feu qui se trouve présent sur le territoire de la seigneurie.

Le seigneur peut aussi revendiquer le droit de gîte et peut quand il l’entend s’installer chez ses manants et manger à leur frais. Le seigneur perçoit aussi des redevances parce qu’il détient des monopoles économiques. Il perçoit ainsi les banalités. Par exemple, le seigneur est le seul à posséder un moulin, et quiconque vient utiliser ce moulin, doit laisser un dixième de la farine moulue au seigneur. Il en va de même pour le four seigneurial. Autre expression des consuetudines, les corvées, prestations en nature. La corvée la plus répandue est celle des chemins : les manants vont travailler sur les chemins pour les entretenir. Les corvées servent aussi à l’entretien du château. Toutes ces corvées sont justifiées par le fait que tous, dans la seigneurie, doivent concourir à l’effort militaire. A partie du XIème siècle, on commence à perdre de vue l’origine publique de ces redevances et elles sont des plus en plus mal perçues, surtout si le seigneur perçoit ces redevances sans discernement. On commence alors à parler de la coutume de la seigneurie, qui a pour but de réglementer la perception des consuetudines et qui s’impose au seigneur.

  • b) Croissance et diversité coutumière.

Autour de l’an 1000, les lois de l’époque franque sont bien loin. Les lois ne sont plus opérantes et pour les rapports de droit privé, les sujets du roi de France dans la seigneurie, règlent leurs affaires de manière empirique. Ils utilisent les convenientiae. La convenientia est un contrat formé par la seule volonté des parties, conforté par un serment de fidélité. C’est à la fois un souvenir du droit romain et un souvenir de l’époque franque. Cette convenientia permet le règlement des affaires privées et les convenientiae se multiplient. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’au XIème siècle, véhicule l’idée selon laquelle chacun se crée sa propre loi. Par voie de conséquence, tout est donc sujet à négociation, tout peut faire l’objet d’une entente juridique. Alors, dans la seigneurie, les population commencent à négocier avec le seigneur. Des usages apparaissent alors et mis bout à bout, ils forment bientôt une coutume. Ils sont appelés coutumes de la seigneurie car ces usages règlementent la perception des consuetudines. Ces coutumes s’appliquent dans le «détroit de la coutume», qui correspond à la zone de compétence judiciaire du seigneur. La coutume est donc aux origines une liste de redevances, de prestations, et cette liste s’impose au seigneur comme aux populations. La loi est donc désormais contractuelle.

Rapidement, les coutumes se multiplient. Dès les années 1130-1140, on invoque dans le sud de la France des usages locaux, notamment en 1132 à Narbonne, mais aussi en 1143 à St Gilles. Les villes comme les campagnes cherchent la coutume. Les villes vont obtenir des privilèges, des droits qui dérogent à la coutume, et on parle plus de charte de franchise. Au XIIème siècle, dans les coutumes et les chartes de franchise, de nouvelles règles apparaissent et la coutume s’enrichit. La coutume permet aussi de régler les affaires de droit privé. On trouve ainsi du droit des successions, du droit des gens mariés, du droit des personnes seules. La coutume n’est donc plus une affaire fiscale ou seigneuriale, mais elle devient un droit privé d’origine locale. S’établit ainsi un droit varié interne à chaque seigneurie, et à chaque ville de la seigneurie, qui à l’origine n’était simplement que le fruit d’un compromis politique et économique. Ce droit va conserver pendant longtemps cette origine de compromis, et la coutume reste orale pendant longtemps. Cette oralité n’empêche pas la coutume de se développer.

2- Le développement juridique de la coutume.

Au XIIème siècle, la coutume est dorénavant l’affaire du juriste. Elle intéresse les spécialistes du droit romain, et préoccupe aussi le praticien, le juge.

  • a) L’apport doctrinal.

La coutume se dessine donc à l’échelle de la seigneurie. Très rapidement, s’impose la notion de ressort judiciaire à la fin du XIème siècle. Dès lors que la coutume s’applique dans son ressort et qu’elle est délimitée géographiquement, elle est plus facile à cerner pour les populations, et elle devient un outils répandue. Dans la coutume, on trouve désormais des règles de droit privé comme des prescriptions de droit public.

L’évolution prend un sens nouveau lorsque le droit romain de Justinien commence à nouveau à se diffuser en Occident. Les glossateurs interprètent le Corpus iuris civilis. Dans ce dernier, et notamment dans le Digeste, les glossateurs trouvent des textes qui se réfèrent à la coutume. Ces textes vont donc servir aux juristes à accompagner techniquement ce fleurissement des convenientiae. Dans les textes romains du Digeste, les juristes médiévaux trouvent des matériaux qui leur permettent de bâtir leur propre théorie de la coutume. Ils vont forger une notion nouvelle, celle de droit coutumier. La coutume accède donc par leur intermédiaire à la sphère juridique. A Rome, on distinguait le droit des coutumes. Les juristes médiévaux, interprétant les textes romains, vont rapprocher les deux notions, et on considère alors que droit et coutume sont similaires. Pour arriver à ce résultat, les juristes médiévaux ont bâti une théorie de la coutume et en ont fait une définition. La coutume, selon eux, est un droit non écrit qui nait de la répétition d’usages et trouve sa valeur dans son ancienneté et dans le consensus qui l’a fait adopter. On détermine donc au XIIème siècle que la coutume procède du consentement des populations concernées, de ce qu’on appelle l’opinio necessitatis. C’est à dire que la coutume s’impose par le fait que le tissu social est convaincu de sa nécessité, de son utilité pour le corps social. La coutume est donc bien du domaine des convenientiae, mais comme elle procède du consentement de tous, alors la coutume pour les spécialistes du droit romain quitte la sphère du droit privé, n’est plus seulement le fruit d’une entente et d’un rapport contractuel. Elle devient une véritable droit, validé par l’opinio necessitatis, qui a vocation à s’imposer à tous, et qui peut donc organiser les rapports collectifs au delà de la recherche des intérêts individuels. Ce droit non écrit qu’est la coutume finit donc par acquérir une autorité à l’égard de tous, et ce qui permet de considérer qu’elle est appelé pour l’avenir à réglementer les rapports sociaux. La coutume reste néanmoins difficile à utiliser, la preuve de la coutume étant difficile.

  • b) Le droit coutumier médiéval : preuve et enquête.

La coutume dans son détail est difficile à connaitre, elle reste oral et difficile à établir. Il n’empêche que les plaideurs, quand ils allèguent une coutume devant le juge, doivent prouver son existence. Le juge seigneurial utilise alors un mode de preuve traditionnel : le serment et l’épreuve judiciaire, appelé l’épreuve par bataille. Cette dernière n’est pas complètement satisfaisante. Avec le développement des coutumes territoriales parait donc un autre mode de preuve qui apporte plus de garantie : l’enquête par turbe. Une turbe est un groupe de témoins. Lorsqu’au cours d’un procès un point de droit fait l’objet d’un litige, le juge réunit dix témoins, les prudes hommes. Ils sont chargés d’enquêter sur les usages invoqués, et délibèrent en groupe car ils sont connaisseurs des usages du détroit du justice. Quand ils ne sont pas d’accord, ils peuvent diligenter une enquête. Ces hommes s’efforcent de se prononcer à l’unanimité une fois l’enquête terminée. Leur avis unanime lie le tribunal, le juge n’a pas moyen de contester l’existence du droit. Cependant, le juge seigneurial rend toujours librement la sentence. Saint Louis va règlementer par voie d’ordonnance la preuve de la coutume à la fin de son règne dans les années 1260. Il impose pour toutes les juridictions du royaume l’enquête par turbe. C’est la fin de la preuve par bataille et du duel judiciaire. Il n’en demeure pas moins que l’enquête par turbe est longue et couteuse, et ne fonctionne pas toujours. Il peut arriver que les prudes hommes avouent leur innocence après quelques années d’enquête. Malgré cette efficacité douteuse, cette enquête protège les défendeurs de l’arbitraire de la preuve par bataille.

La meilleure solution serait la rédaction des coutumes, mais elle ne débutera qu’en 1454, quand le roi Charles VII l’ordonnera dans son ordonnance de Montilz-lès-Tours. Le processus sera long et durera jusqu’à la Révolution française. Surtout ce processus ne peut commencer qu’à partir du moment où le roi de France est en mesure d’affirmer son pouvoir normatif. Jusqu’au XVème siècle, il n’y aura pas de rédaction officielle, ce qui n’empêchera pas les juristes de faire de la coutume un véritable ordre juridique.

 

  • B) L’ordre juridique coutumier.

Dans le système féodal au XIIème siècle, la coutume devient un enjeu politique. Le roi, en raison du sacre, intervient dans les rapports juridiques qu’entretiennent les seigneurs et les manants. Au nom de la paix du royaume qu’il doit garantir, le roi se conforme aux attentes ecclésiastiques et ainsi, il essaye de limiter les exactions des seigneurs. Le rôle de pacificateur du roi est le bienvenu, mais le roi se présente comme tel, parce qu’en défendant la bonne coutume, il y trouve son avantage. Il se présente ainsi comme roi justicier, protecteur et montre qu’il n’a pas d’égal en son royaume quand il s’agit de veiller aux droits du peuple chrétien. La coutume devient un tel vecteur de pouvoir, un tel vecteur de contrôle de l’autorité, qu’elle est finalement rédigée. Interviennent ainsi au XIIIème siècle les rédactions officieuses qui permettent de déterminer l’importance que peut revêtir la coutume.

1- La coutume et le roi.

En attendant le XVème siècle, la coutume va rester orale. Dans son oralité, la coutume connait des évolutions qui conduisent à des imprécisions. A un moment donné, un usage jusque là accepté par tous, peut devenir un usage intolérable. C’est le cas lorsque les conditions d’origine de la coutume change, quand elles ne correspondent plus aux circonstances d’un temps nouveau. Au XIème et XIIème siècle, on fait donc la chasse aux mauvaises coutumes, appelées aussi novelletés. Il s’agit toujours d’une taxe exigée indument par le seigneur. Ainsi, au XIème siècle, le seigneur d’Ardres dans le comté de Guignes prélèvent sur ses manants un droit de fournage. Cette coutume est l’exemple même d’une même coutume à cause de son origine. Le seigneur d’Ardres est revenu d’Angleterre avec un cadeau pour ses manants : un ours. Il a alors organisé un combat entre les chiens et l’ours, qui les a dépecés. Les manants ont exigé un nouveau combat de l’ours à chaque jour de fête et ont alors accepté un droit de fournage pour l’entretien de l’ours. Le «pain de l’ours» est resté exigé par le seigneur eu vertu de cette damnable coutume, même quand l’ours avait disparu. L’Eglise condamne dans ses canons ces mauvaises coutumes. Le roi, au XIème et XIIème siècle, reçoit les plaintes des communautés, soutient les manants là où son autorité est suffisante, dans leur combat contre le seigneur et la réduction des mauvaises coutumes. Il intervient comme arbitre et pousse les seigneurs à renoncer à leur droit. Parfois, le roi encourage au rachat des coutumes. Son action conforte, en le rationalisant, l’ordre juridique coutumier. Dans le même temps, l’action du roi conforte son autorité en son royaume.

Au bout du compte, l’ordre juridique coutumier devient une composante incontournable de la royauté féodale. Symbole de bonne coutume, le roi va donc devoir, jusqu’à la révolution, respecter la coutume, car elle est indissociable de la monarchie française. Au XIème et XIIème siècle, le roi n’est pas seul à lutter contre la mauvaise coutume, les feudataires aussi condamnent les mauvaises coutumes, ils interviennent auprès de leurs vassaux pour les mêmes raisons que le roi : renforcer leur légitimité en tant que seigneur. Les communautés qui parviennent à obtenir régulièrement des résultats dans cette lutte sont les ecclésiastiques. Abbayes et monastères remportent des succès considérables, notamment car disposent des archives. Les moines consultent dans leurs archives des chartes immémoriales, autrefois concédées par le seigneurs avant l’an 1000, et sur cette base, peuvent s’opposer aux mauvaises coutumes. Pour les autres communautés, notamment rurales, les écrits n’existent pas, ce qui pose problème. Mais ce vide sera bientôt comblé par la survenance de compilations privées.

2- L’apparition des coutumiers médiévaux.

La coutume se forme par la répétition de l’usage. Elle a donc besoin de temps pour s’imposer, elle est donc lente à réagir et est incapable de régler nettement des situations nouvelles. De plus, en cas de litige, les parties allèguent souvent des coutumes contradictoires. L’écrit devient donc une nécessité.

  • a) De la nécessité de l’écrit.

L’écrit gagne du terrain au XIIème siècle, siècle des droits savants (canonique et romain), qui s’appuient sur l’écrit, puis les textes seront glosés, et commentés. Le Corpus iuris civilis s’impose comme une compilation de référence, c’est une compilation qui inspire les juristes, qui va stimuler la renaissance culturelle de l’Occident. Phénomène sans précédent, l’écriture se diffuse très largement au XIIème siècle. L’écriture profite aux clercs, aux princes, et aussi aux laïcs, notamment les officiers royaux qui accompagnent la renaissance capétienne. Au sein des communautés d’habitants on trouve aussi des lettrés, et dorénavant, ils peuvent faire consigner leur liberté et franchise. La rédaction des coutumes de droit privé intervient en premier lieu dans les régions touchées par la renaissance du droit romain. On rédige ainsi des coutumes officieuses en Italie du Nord avant même le XIIème siècle, puis en Provence au XIIème siècle. Les habitants y exigent la rédaction des coutumes municipales. A partir de la Provence, le mouvement va gagner le Sud de la Provence et se propager le long de la vallée du Rhône. La rédaction est à ce point importante qu’elle finit par concerner non seulement l’Eglise, qui rédige des chartes, mais aussi les villages et les communautés rurales. La rédaction des coutumes, c’est aussi l’occasion de compléter les coutumes. Ce n’est pas simplement une codification, une simple mise en ordre d’un droit oral. A l’occasion de la rédaction, les communautés font en sorte d’ajouter à la coutume des règles de droit privé susceptibles de rendre la coutume encore plus opérante et plus utile. Ces compléments varient d’un détroit à l’autre. La rédaction se propage, mais elle ne provoque aucune uniformisation, au contraire. La rédaction rend la coutume plus certaine mais certainement pas homogène.

Les coutumes rédigées sont très diverses dans leur contenu, on y trouve du droit privé, du droit pénal, des dispositions de police, des règlements économiques. C’est un fait original dans le midi : au bout du compte, les coutumes rédigées sont tellement utilisées, que ces coutumes rédigées de façon officieuse sont finalement homologuées par l’autorité publique. Les coutumes sont homologuées par la ville, par un seigneur ou par le roi, ce dernier qui par exemple confère valeur officielle à la coutume de Toulouse de 1286. Dans le Nord, les rédactions n’obtiennent pas caractère officiel, elles restent officieuses. Mettre la coutume par écrit c’est donc une nécessité, mais ça ne résous pas le problème de l’hétérogénéité de la coutume. Mais en même temps qu’apparaissent les grands textes, apparait une doctrine. Les juristes vont alors commencer à commenter les textes, commenter la coutume et à les comparer dans le temps. Cette doctrine qui va se servir des grands textes coutumiers est une doctrine formée au droit romain. L’apport de ces doctrinaires est donc aussi un apport scientifique. Ainsi, la rédaction officieuses des coutumes des XIIème et XIIIème a contribué à sa manière sur le temps à la genèse du droit français au XVIème siècle.

  • b) Les grands textes coutumiers.

A partir de la fin du XIIème siècle, les juristes, dans certains endroits, mettent donc par écrit de façon systématique les coutumes locales. Ces juristes sont des professionnels du droit, fréquemment, ce sont les juges royaux, ou alors des officiers de justice qui gèrent pour un seigneur territorial le service de sa justice. Quoi qu’il en soit, ce qu’on appelle les coutumiers sont des recueils privés. Ces textes sont sortis des bibliothèques privées, ils ont été copiés, et tout au long du Moyen Age, ils finissent par servir tous les professionnels du droit d’un même détroit. Le plus ancien de ces ouvrages c’est le Très ancien coutumier de Normandie, rédigé dès la fin du XIIème siècle. D’autres sont rédigés à la même époque ou au XIIIème siècle, voire au XIVème siècle, le besoin de sécurité juridique ne s’arrêtant jamais. Ces coutumiers qui sont rédigés concernent des coutumes qui s’appliquent sur de vastes ressorts. Les coutumiers naissent en effet là où les titulaires du ban sont assez forts. Par exemple, le Conseil à un ami rédigé en 1250 par Pierre de Fontaines. C’était un bailli de Vermandois, c’était un homme du roi. Ainsi, il est possible de se rendre compte qu’au XIIème siècle, le roi est un homme assez puissant capable d’inspirer un coutumier. La rédaction des coutumes accompagnent donc la renouveau du roi. Il faut ensuite mentionner les coutumes de Clermont de Beauvaisis, rédigé par Philippe de Beaumanoir en 1283. C’est un véritable commentaire des coutumes de Clermont en Beauvaisis. Il ne s’agit donc plus seulement de collecter les coutumes orales, mais de les commenter.

Beaumanoir compare les coutumes du comté de Clermont avec les coutumes voisines, et surtout il confronte la coutume de Clermont avec d’autres sources de droit. C’est le droit romain que Beaumanoir utilise, qui lui sert pour apprécier, critiquer et replacer la coutume dans son contexte. Ces coutumes représentent un tournant, c’est la première fois qu’on envisage la coutume comme une source prometteuse, ou qu’on l’envisage dans son ensemble comme un vecteur capable d’encourager un jour une harmonisation du droit coutumier. A compter de la fin du XIIIème siècle, la coutume devient donc source du droit à part entière, à coté du droit romain, à coté du droit canonique. Dans le Sud, les recueils de coutume sont plutôt des chartes urbaines. Il en va ainsi des coutumes de Montpellier, riche et savant recueil rédigé vers 1204-1205. Dans le Sud plus que dans le Nord, on trouve des chartes car la coutume est restée privilège.