Le régime juridique des services publics
3 aspects : conditions de création, modes de gestion, lois du service public.
Sous-section 1 : Les conditions de création
Ces conditions sont soumises uniquement au pouvoir des personnes publiques.
1) Les titulaires du pouvoir de création :
- Droit administratif – Second Semestre
- La responsabilité de l’administration (pour faute et sans faute)
- La responsabilité administrative
- Le contrôle de la légalité administrative
- Le principe de la légalité administrative et ses assouplissements
- Le régime du contrat administratif (condition, effet, contestation…)
- Les critères du contrat administratif
Titulaires : personnes publiques, mais pas toutes. Seuls l’État et les collectivités territoriales le peuvent (≠ Établissement Public, en raison du principe de spécialité des Établissements Publics).
A. Pour l’Etat :
Pouvoir de création –> pouvoir réglementaire (article 37 constitution).
Mais hypothèses de compétence pour le législateur(article 34 constitution) :
– « créer une nouvelle catégorie d’établissements publics »
– Législateur compétent pour la création d’un EP dans un domaine qu’il gère habituellement (liste de l’article 34)
B. Pour les collectivités territoriales :
Compétence : organe délibérant qui prend la décision pour l’intérêt territorial. Compétent pour créer des Établissements Publics et service public.
C’est à l’organe exécutif de mettre en place ces créations.
2) L’exercice du pouvoir de création :
A. Principe de liberté de création :
Principe affirmé indirectement dans la jurisprudence administrative –> CE 9 mars 1951 VILLE DE VILLEFRANCE SUR SAÔNE : une personne publique ne peut pas renoncer par avance à créer un service public.
CE section 27 janvier 1961 SIEUR VANNIER : principe de suppression libre des services publics existants par les personnes publiques.
Jurisprudence audacieuse sur la liberté de création : CE section 29 janvier 1932 SOCIETE DES AUTOBUS ANTIBOIS : théorie du service public virtuel –> collectivité peut créer un service public sans s’en rendre compte.
B. Limites :
1. La création obligatoire :
Peut résulter d’exigences constitutionnelles.
Problème de lecture : alinéa 9 préambule de la constitution 1946 : « tout bien, toute entreprise dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité » –> Exigence de nationalisation, pas de création.
C.C DC 543-2006, 30 novembre 2006 : C.C distingue 2 types de services publics :
– Les services publics nationaux visés par l’alinéa 9(ex : services publics régaliens : justice, diplomatie, enseignement public de l’alinéa 13 du même préambule)
– Les autres services publics sans fondement constitutionnel –> pas d’obligation de nationalisation.
COMPLETER
2. La création encadrée :
Liberté de création rencontre des limites :
– Liberté d’entreprendre (principe constitutionnel –> principe de liberté du commerce et de l’industrie (principe non constitutionnel)). Empêche qu’une collectivité mette un service public en place et concurrence trop fortement les entreprises privées. Plusieurs étapes :
Ø CE 29 mars 1901 CASANOVA : Etat et collectivité ne peuvent créer un service public que dans des circonstances exceptionnelles qui le justifient.
Ø CE section 30 mai 1930 CHAMBRE SYNDICALE DU COMMERCE EN DETAIL DE NEVERS : collectivités peuvent créer des services publics dans des circonstances particulières de temps et de lieu. COMPLETER. Après cet arrêt, évolution :
· Création de service public justifiée à cause de carences quantitatives
· Création de service public justifiée à cause de carences qualitatives
· Une personne publique gérant un service public peut y ajouter une activité qui en soit le complément logique (ex : parking + station service)
· Enfin, une personne publique est admise à satisfaire ses besoins par ses propres moyens.
Ø CE 31 mai 2006 ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE PARIS : tout intérêt public peut justifier la création d’un service public. Carence du privé est un motif comme un autre.
Sous-section 2 : Les modes de gestion du service public
Texte peut prévoir mode de gestion. Sinon, liberté de choix du mode de gestion. Personne publique peut :
– Gérer le service public elle-même (elle l’assure)
– Le confier à un tiers (elle le délègue) en conservant la maitrise
3 éléments concourent à cette exécution :
– Fonction de maitrise du service public : n’appartient qu’à la personne publique
– Fonction de gestion du service public : assurer fonctionnement du service en précisant modalités techniques, conditions d’accès, exécution matérielle, direction des agents, responsabilité du service.
– Fonction de prestation du service public : varie selon le mode de gestion :
Ø Maitrise = gestion (1 seule personne) –> gestion en régie
Ø Maitrise ≠ gestion (2 personnes différentes) –> gestion déléguée
1) La gestion directe (en régie) :
Mode de gestion le plus simple : la personne publique gère seule le service public avec ses moyens (matériels, financiers, humains). Elle assume et assure.
2) La gestion déléguée :
Loi du 29 janvier 1993 (loi Sapin) : réglemente les modalités de passation des contrats de délégation de service public (≠ délégations unilatérales), pour éviter malversations.
Obligation de transparence : volonté de passation à un tiers, offres…
A. Définition des conventions de délégation de service public :
Délicat de faire distinction contrat de délégation ≠ marché public.
Tentative de définition : CE 15 avril 1996 PREFET DES BOUCHES-DU-RHÔNErepris par le législateur dans loi du 11 décembre 2001 :
Délégation de service public : « contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée au résultat de l’exploitation du service ».
CE 7 novembre 2008 DEPARTEMENT DE LA VENDEE : élément significatif = titulaire du contrat doit assumer une part significative des risques financiers. Transfert des risques.
B. La diversité des conventions de délégation de service public :
Différents contrats visés (ou non) par la loi de 1993.
1. La concession :
Concession : contrat par lequel la personne publique maitre du service (le concédant) confie à une autre personne publique ou privée (le concessionnaire) le soin de faire fonctionner un service public à ses frais et risques en se rémunérant par des redevances perçues sur les usagers.
Concessionnaire doit construire les ouvrages nécessaires à l’exploitation = concession de travaux publics.
–> Beaucoup de risques pour le concessionnaire. Conséquences :
– Contrat d’une durée suffisamment longue
– Protection contre des évènements imprévisibles. CE 30 mars 1916 COMPAGNIE GENERALE D’ECLAIRAGE DE BORDEAUX : admet théorie de l’imprévision.
Garantie ≈ 90% du bouleversement économique.
2. L’affermage :
Affermage : contrat par lequel la personne publique maitre du service public confie à son partenaire (le fermier) les ouvrages nécessaires au fonctionnement d’un service public afin qu’il en assure la gestion à ses frais et risques en se rémunérant par des redevances perçues sur les usagers.
Moins de risques économiques –> durée plus courte possible. Fourniture obligatoire d’une redevance à la collectivité délégataire.
Souvent, affermage suit la concession.
Est-ce une délégation de service public au sens de la loi Sapin ? Seulement si le contrat transfère une part significative des risques financiers sur le fermier.
3. La régie intéressée :
Régie intéressée : contrat par lequel la personne publique maitre du service confie sa gestion à l’intéressé, agissant pour le compte de cette personne publique et étant rémunéré par celle-ci en fonction des résultats de l’exploitation.
Faible autonomie –> moins certain que ce soit une délégation au sens de la loi Sapin
==> Si 30% de la rémunération est basée sur les résultats de l’exploitation –> contrat de délégation de service public.
Contrat de gérance –> zéro risque –> ≠ contrat de délégation.
Sous-section 3 : Les lois du service public
Aussi appelées lois de Rolland.Grands principes juridiques ≈ PGD des services publics.
On peut les combiner avec du droit de l’UE –> « services d’intérêt économique général » (services publics ayant un impact économique). Pas de distinction SPA/SPIC en droit communautaire. Pour les services universels, droit de l’UE impose un régime contraignant. Ne vaut que pour l’intérêt général : télécommunications, électricité, poste.
1) Principe d’égalité :
1ère loi de Rolland. principe a la plus haute valeur juridique –> valeur constitutionnelle.
CE 9 mars 1951 SOCETE DES CONCERTS DU CONSERVATOIRE : Principe d’égalité dégagé en tant que PGD.
A. La conception du principe :
Deux sens possibles :
– Conception stricte : égalité dans ou devant le service public
– Conception nuancée : égalité PAR le service public
France : vision combinée –> service public traite de la même manière les personnes dans une situation identique. Mais certaines catégories peuvent être traitées différemment pour rétablir l’égalité.
3 hypothèses d’admission d’une différence de traitement entre usagers :
– Prévu par la loi
– Prise de décision de la personne publique qui constate différence au regard de l’objet du service public.
– Prise de décision de la personne publique qui constate différence sans rapport avec l’objet du service public, mais que l’intérêt général incite à prendre en compte.
Droit consacre une égalité relative.
CE ass. 28 mars 1997 SOCIETE BAXTER : l’administration n’a pas d’obligation de traiter différemment des situations différentes.
B. Le contenu du principe :
Egalité ≠ redistribution des richesses. Cela se manifeste par conditions d’accès ou type de prestation ou différence de tarification.
2) Le principe de continuité :
2ème loi de Rolland. Besoin très fort de cette continuité.
CE 7 août 1909 WINKELL : consécration du principe. Continuité du service public ≠ grève des agents publics.
C.C DC 79-105, 25 juillet 1979 : devient PGD à valeur constitutionnelle.
Principe relatif, en fonction du service public qu’on considère (université ≠ hôpital).
Grève compromet évidemment ce principe. Un agent public en grève était considéré comme en dehors du régime le protégeant.
Mais constitution de 1946 –> consacre droit de grève de TOUS les agents, « dans le cadre des lois qui le réglementent ». Mais on n’a aucune loi de ce genre.
CE ass. 7 juillet 1959 DEHAENE : rôle d’encadrement du droit de grève va au gouvernement. Mais vu qu’il ne fait rien non plus (raisons politiques), c’est dévolu à chaque chef de service.
3) Le principe d’adaptabilité :
Adaptabilité = mutabilité = mutation. 3ème loi de Rolland.
Principe joue presque contre l’usager du service public. C’est une prérogative à la disposition de la personne gérant le service public.
–> La personne publique adapte comme elle l’entend son service public.
4) Le principe de gratuité :
4ème loi de Rolland. Il l’a retirée de ses lois : il est évident que tous les services publics ne peuvent pas être gratuits.