Le critère matériel de la TVA (les opérations imposables)

Le critère matériel de la TVA

Le critère matériel de la TVA est l’un des critères principaux utilisés pour déterminer si une opération est soumise à la TVA ou non. Ce critère se concentre sur la nature de l’opération elle-même, et détermine si elle est considérée comme une opération imposable ou non imposable. Plus précisément, le critère matériel de la TVA se réfère à la fourniture de biens ou de services à titre onéreux effectuée par un assujetti (une personne qui exerce une activité économique) agissant en tant que tel. Si ces conditions sont remplies, alors l’opération sera soumise à la TVA.

Le Champ d’application de la TVA comprend les opérations imposables. Celles-ci relèvent alors de deux catégories :

  • les opérations imposables par nature (§1)
  • les opérations qui ne répondent pas à la définition précédente / art. 256-I mais qui sont imposables par disposition de la loi (§2)

A ces opérations imposables, il faut ajouter les opérations exonérées avec possibilité d’option (§3) et enfin les opérations exonérées sans possibilité d’option (§4).

&1. Les opérations imposables par nature. Article 256-I

Avant le 1er janvier 1979, le champ d’application de la TVA était limité aux affaires relevant d’une activité industrielle ou commerciale. Désormais, TVA couvre en principe toutes les opérations effectuées à titre onéreux. Dans un cadre autre que le salariat.

=) activités libérales et agricoles, activités civiles. Ce principe est toutefois atténué par de nombreuses exonérations.

En définitive soumises à la TVA, désormais, les livraisons de biens et les prestations de services relevant d’une activité économique et effectuées à titre onéreux (critère réel) par un assujetti agissant en tant que tel (critère personnel).

A) Le critère réel : les opérations relevant de l’exercice d’une activité économique

Activités économiques très variées …L’activité économique est parfois synonyme d’activité professionnelle, mais celle-ci doit être indépendante et autonome : le salarié par exemple ne saurait avoir le statut d’entrepreneur. Toute activité n’est pas économique : elle peut être politique, religieuse, charitable…

Constitue une activité économique toute activité de production, de transformation ou de distribution de produits et de services. L’activité économique est caractérisée même en l’absence de recherche de profit. Il importe donc peu que l’activité soit exercée dans un but lucratif ou désintéressé. Exemples d’activités économiques : secteur commercial, agricole, artisanal, libéral, coopératif, public économique. Contra : activités de gestion du patrimoine privé, d’un organisme politique, secteur public administratif.

Définition : fiche. Article 256-A, CGI =) activités professionnelles et exploitation lucrative d’un bien.

Droit communautaire : Une activité économique consiste notamment « à offrir des biens ou des services sur un marché donné »

=) En fait, globalement les activités imposables sont divisées en deux catégories : les livraisons de biens meubles corporels et les prestations de service.

A ce là il faut ajouter la condition que ces livraisons et prestations aient été accomplies à titre onéreux.

  1. Livraison de biens meubles corporels.

art. 256-II.

« Est considéré comme livraison d’un bien, le transfert du pouvoir de disposer d’un bien meuble corporel comme un propriétaire »

= S’entend du transfert de propriété. Contrat le plus fréquent = contrat de vente. Mais aussi considérés comme des livraisons de biens meubles corporels :

  • l’apport en société ;
  • l’échange d’un bien contre un autre bien;
  • le prêt de consommation

Sont concernées : la fourniture d’énergie, les ventes assorties d’une CRP (même si…), les transferts de biens meubles résultant d’une réquisition publique.

Remarques : ne sont donc pas concernées :

– Les opérations emportant transfert de propriété de biens meubles incorporels (cessions de droits, de brevets, etc.) sont assimilées à des prestations de services ;

– Les opérations emportant production ou à la livraison d’immeubles sont soumises à la taxe dans des conditions particulières = TVA immobilière.

  1. Les Prestations de services

Définition a contrario dans article 256. Voir fiche.

= toutes les opérations qui ne peuvent pas être qualifiées de livraisons de biens.

Il s’agit notamment :

  • des cessions de biens meubles incorporels ;
  • des locations de biens meubles ou immeubles ;
  • des transports ;
  • des travaux immobiliers ;
  • des ventes à consommer sur place ;
  • des commissions et courtages ;
  • des travaux à façon ;
  • des travaux d’étude, de recherche ou d’expertise ;
  • d’une manière générale, de toutes les activités relevant du louage d’industrie ou du contrat d’entreprise, par lequel une personne s’oblige à exécuter, contre rémunération, un travail quelconque ou à exercer des activités donnant lieu à la perception de profits.

Remarque : il est indispensable de distinguer les livraisons de biens meubles et les prestations de service pour le calcul de la TVA à payer

  1. Opérations relevant d’une activité économique effectuée à titre onéreux.

Il faut que les livraisons de biens meubles corporels et les prestations de services relèvent d’une activité économique et soient effectuées à titre onéreux.

* A titre onéreux.

Cela signifie = existence d’une contrepartie, quelle qu’en soit la nature (somme d’argent, bien livré ou service rendu, échange etc.) et la valeur de cette contrepartie.

Mais CJCE / décision du 8 mars 1988 : arrêt Apple and Pear Development council + CE la suivant

=) règle qu’il n’est pas de prestation de services à titre onéreux en l’absence d’un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue par le prestataire. Il faut donc pour que l’opération soit imposable en plus un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur.

Deux conditions exigées par la Cour de justice pour reconnaître le caractère taxable d’un service:

– le service doit être rendu directement à un bénéficiaire. Il faut donc des « prestations de services individualisées ». Le service doit être individualisé et ne pas présenter de caractère collectif.

– il doit exister une « relation nécessaire » entre le niveau des avantages retirés par le bénéficiaire du service et la contre-valeur qu’il verse au prestataire. Comme il s’agit souvent de prix (contrepartie), la contrepartie versée doit correspondre en gros au coût du service rendu.

+ CE 9 mai 1990, Lebon 119, Dr. fisc. 1990, comm. 1845 =) voir fiche (pas rendu directement à un bénéficiaire, pas de lien direct).

=) une opération est imposable à la TVA si elle procure un avantage à un client et si le prix est en relation avec cet avantage même s’il ne correspond pas à la valeur économique du bien ou du service.

Quelques conséquences :

Non-application de la TVA aux opérations de caractère « privé ». De toutes façons, on n’aurait pas affaire ici à un « assujetti agissant en tant que tel ». Voir texte 256. Ex : un commerçant gérant son patrimoine privé n’est pas un assujetti agissant en tant que tel.

Non-application de la TVA aux opérations internes entre siège et succursale. Les mouvements de fonds opérés entre un siège de société et l’un de ses établissements (succursale) ne sont pas imposables à la TVA.

Aides et subventions. Les subventions ne sont imposables à la TVA que si la condition de « lien direct » est remplie. Ex : si existence d’un engagement de fournir un bien ou un service déterminé par le bénéficiaire de la subvention, celle-ci entre dans le champ d’application de la TVA comme constituant la contrepartie d’une opération.

Indemnités d’assurance. Les indemnités d’assurance ne peuvent être assimilées à des sommes perçues en contrepartie de la réalisation d’une opération imposable à la TVA. Elles échappent donc à la taxe, dès lors qu’elles sont perçues par un assuré de son propre assureur.

A ce critère matériel, s’ajoute un critère personnel.

B) Le critère personnel : la notion d’assujetti

Pour constituer une opération imposable à la TVA, une opération doit relever d’une activité économique effectuée par un assujetti ; la réalisation par un assujetti à la TVA constitue donc la seconde condition nécessaire pour que l’opération soit placée dans le champ d’application de l’impôt.

Définition / fiche 256-A = personnes qui effectuent d’une manière indépendante, à titre habituel ou occasionnel, des livraisons de biens ou des prestations de services relevant d’une activité économique quel que soit le statut juridique de ces personnes.

On a déjà évoqué la notion d’activité économique.

A ajouté ici la notion d’activité indépendante. Les assujettis =) personnes exercent l’activité sous leur propre responsabilité, totale liberté dans l’organisation et l’exécution des travaux.

Exit lien de subordination : salariés et travailleurs à domicile.

Remarques :

  1. association 1901 sont soumises à TVA quand une des conditions suivantes n’est pas remplie :
  • l’association a une gestion désintéressée
  • elle ne concurrence pas une entreprise du secteur marchand
  • activité exercée dans des conditions différentes de celles d’une entreprise : public visé, prix pratiqué, publicité…
  1. Peu importe le statut juridique et fiscal de celui qui réalise l’opération : p.phys. ou morale, nationalité française ou non, société de droit privé ou organisme de droit public…= un des aspects de la neutralité de la TVA.
  1. 3. L’assujetti n’est pas nécessairement redevable de la TVA. En d’autres termes, vous pouvez avoir affaire à des assujettis parce qu’ils réalisent des opérations entrant dans le champ de la TVA ex : médecins, banques, compagnies d’assurance mais ces assujettis vont être exonérés de TVA. A distinguer donc le non-assujetti (hors champ TVA) et le non-redevable (dans le champ mais exonéré).

&2. Les opérations imposables par détermination de la loi. Article 257, CGI.

Enumération des opérations considérées comme imposables à la TVA bien qu’elles ne rentrent pas dans son champ d’application matérielle

Principales opérations, du moins les plus fréquentes :

– opérations réalisées par des coopératives

certaines opérations immobilières. « Opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles même lorsqu’elles revêtent un caractère civil » (257-7). Remarque : je n’ai pas mis toutes les dispositions très complexes. Concerne les opérations sur immeubles dont les résultats sont imposables dans la catégorie des BIC et des opérations concourant à la production et livraison d’immeubles.

Ce qu’il faut simplement retenir :

* vente d’immeubles neuf. Sont imposables à la TVA la vente d’immeuble en état de futur achèvement ou la 1ère vente d’immeuble dans les 5 ans de son achèvement à une personne qui n’est pas un marchand de biens, ou vente à un marchand de biens.

certaines activités développées par des personnes morales de droit public en concurrence avec des entreprises commerciales. (gaz, électricité…)

 

Surtout livraisons à soi-même de biens et services

= opération par laquelle l’assujetti va fournir lui-même le bien ou le service qu’il consomme. En d’autres termes, l’assujetti a la qualité de fournisseur et de consommateur pour la même opération.

Ex : entreprise produit un immeuble qui va devenir son siège social. Ou met au point un matériel informatique pour ses propres besoins. Idée : assurer la neutralité de l’impôt ; pas de distorsions de concurrence liées à l’impôt donc on fait en sorte que l’entreprise n’ait pas d’avantage fiscal à faire l’opération plutôt qu’à la confier à un autre.

Régime fiscal des livraisons à soi-même dépend de la nature du bien ou service, et de son utilisation.

Deux questions donc :

  • le bien ou service est-il affecté aux besoins de l’entreprise ou à des besoins autres?
  • de quel type de bien ou service s’agit-il ?

1ère hypothèse : livraison pour les besoins de l’exploitant,du dirigeant, du personnel, dons à des tiers.

Immobilisation : livraison non soumise à TVA sauf si les éléments ayant servi à la production du bien ont donné lieu à de la TVA déductible.

Bien non immobilisé : livraison non soumise à TVA sauf si la TVA à l’origine a été déductible

Prestation : prestation soumise à TVA pour le montant des dépenses engagées pour l’exécution du service.

2ème hypothèse : livraison à soi-même pour les besoins de l’entreprise.

Immobilisation : livraison soumise à TVA et TVA immédiatement déductible. Cad TVA collectée sur cette livraison va être déductible si l’entreprise est assujettie.

Bien non immobilisé : livraisons à soi-même non soumise à TVA

Prestation de service : livraisons non soumise à TVA

Base d’imposition des livraisons à soi-même.

Pour les livraisons à soi-même de biens achetés (ou importés) et utilisés en l’état, affectés à des besoins autres que ceux de l’entreprise, la base d’imposition est constituée par le prix d’achat hors taxe. Pour les autres biens (c’est-à-dire ceux extraits, fabriqués ou transformés), la base à retenir est, dans tous les cas, le prix de revient, déterminé suivant les règles applicables en matière d’impôts directs.

&3. Les opérations imposables sur option

Il s’agit ici d’opérations exonérées mais pour lesquelles il est possible d’opter pour la TVA. Pourquoi avoir intérêt à opter pour la TVA ?

Certes l’opération est exonérée de TVA, donc pas de collecte de TVA lors de sa réalisation mais dans ce cas aucune déduction n’est possible en amont (sauf pour exportations et livraisons extracommunautaires qui sont exonérées mais qui permettent quand même de récupérer la TVA déductible).

Donc, l’exonération peut se révéler défavorable à l’assujetti. Car celui-ci ne pourra pas récupérer la TVA qui a pesé sur ses propres achats.

Autre intérêt : l’option pour la TVA permet de bénéficier d’une exonération de taxe sur les salaires (les organismes exonérés de TVA sont redevables de la taxe sur les salaires).

  • A) Les bénéficiaires de l’option

Les personnes physiques ou morales qui exercent certaines activités normalement exonérées de la TVA (ou placées hors du champ d’application de cette taxe) se voient reconnaître la possibilité de se soumettre volontairement à l’impôt, par une option spécialement prévue à cet effet.

La loi énumère, limitativement, les personnes et activités qui peuvent opter pour l’assujettissement, l’option n’étant pas possible en dehors de ces cas :

– exploitants agricoles réalisant moins de 46000€ de recettes annuelles.

– personnes exerçant certaines activités libérales exonérées

– personnes donnant en location des immeubles nus à usage industriel, commercial ou professionnel

– collectivités locales (au titre des opérations d’assainissement, enlèvement et traitement des ordures..)

– établissements bancaires et financiers, pour certaines opérations : commissions sur tenue de compte, sur effets de commerce et sur affacturage pour une période de 5 ans renouvelable

– bailleurs de baux ruraux

  • B) Les modalités

L’option couvre une période de 5 ans avec une reconduction automatique jusqu’à 10 ans si l’assujetti bénéficie d’un remboursement de crédit de taxe parce qu’il a opté pour l’imposition.

Pour les locations immobilières, la durée est doublée.

&4. Les opérations hors champ et les opérations exonérées (261, CGI)

Attention : ce ne sont pas des opérations hors champ de la TVA mais des opérations exonérées.

Exonérations nombreuses, diverses.

Les principales opérations exonérées, cette fois sans possibilité d’option sont :

  • les exportations et livraisons intra- communautaires
  • les activités médicales et paramédicales des professions réglementées, laboratoires d’analyse.
  • les activités d’enseignement : privé ou public, universitaire…
  • les services publics des collectivités territoriales
  • les opérations de bourse et d’assurance (taxe spécifique sur les opérations d’assurance)
  • les ventes de fonds de commerce ou d’immeubles anciens
  • la plupart des activités bancaires : intérêts, agios, escomptes, prêts
  • locations d’immeubles à usage d’habitation
  • location de terrains

Exercice d’application

Déterminez si les opérations suivantes sont dans le champ de la TVA :

  • X est un avocat =) activité économique. Prestation de services à titre onéreux et indépendant. Activité libérale. Assujetti =) TVA
  • Mme Y est architecte. Elle vient de vendre sa voiture à l’un de ses collègues =) A condition de ne pas être salariée. Mais vente = opération réalisée à titre personnel et non en sa qualité d’assujetti= en tant que particulier et non en tant qu’architecte. Pas dans d’application de la TVA.
  • La fille de M. X vient d’acheter le DVD des restos du cœur et a fait un don à la Croix Rouge=) Don = opération à titre gratuit sans contrepartie, ce don ne sera donc pas soumis à TVA. Tandis que vente de DVD n’est pas une opération à titre gratuit. Opération commerciale dans les mêmes conditions à celle du marché de DVD. Peu importe l’affectation des fonds.
  • Mme X est expert-comptable salariée dans le cabinet de sont père. =) salariée, donc non assujettie.
  • Y, gérant d’une SARL, a récupéré pour ses besoins personnels un des ordinateurs commandés par la SARL. Celle-ci a déduit la TVA sur cet ordinateur =) livraison à soi-même d’un bien affecté aux besoins personnels du gérant. Comme droit à déduction pour SARL, le prélèvement est une opération imposable à la TVA.
  • Cette SARL a cédé deux immeubles : l’un acquis il y a 7 ans a été cédé à un marchand, l’autre acquis il y a 8 ans a été cédé à un non-assujetti =) le premier plus de 5 ans mais vente à un marchand de biens =) imposable à la TVA ; l’autre non mais droits d’enregistrement.
  • La fille de Mme Y est infirmière à domicile =) opération exonérée (ne pas dire hors champ de la TVA)