De la 3ème République à la 4ème République

La Troisième République et la quatrième République

En 1875, quatre ans après la chute du Second Empire, la France se dote de lois constitutionnelles, établissant pour la première fois les fondations législatives de la Troisième République. Ce régime se forme non pas autour d’une unique constitution, mais de trois lois constitutionnelles adoptées en février et juillet 1875, fixant les règles de fonctionnement des institutions. Par un vote d’une seule voix de majorité, l’amendement portant la mention de la République est intégré dans la loi sur le Sénat. Dès lors, la Troisième République est lancée, bien qu’elle soit le fruit d’un compromis parlementaire.

Les trois lois constitutionnelles :

  • La première loi, adoptée le 24 février 1875, établit la structure et les pouvoirs du Sénat, une assemblée de 300 sénateurs, renouvelable par tiers tous les trois ans, élus par un collège électoral.
  • Le 25 février, une seconde loi précise l’organisation des pouvoirs publics et définit l’Assemblée nationale comme bicamérale, avec une Chambre des députés élue au suffrage censitaire à deux tours et un Sénat plus conservateur.
  • La troisième loi, du 16 juillet, organise les rapports entre les pouvoirs : le Président de la République détient un rôle symbolique et exécutif limité, sous la responsabilité et le contreseing des ministres, qui sont eux-mêmes responsables devant le Parlement.

Le régime est ainsi conçu comme un parlementarisme moniste, où l’Assemblée nationale contrôle le gouvernement. Cependant, en 1877, la crise du 16 mai entre le Président Mac-Mahon et le chef de gouvernement Jules Simon crée une tension entre le pouvoir exécutif et le Parlement : Mac-Mahon tente de donner plus de pouvoir au Président dans une optique dualiste. En dissolvant l’Assemblée et tentant d’imposer un exécutif fort, Mac-Mahon se heurte à l’opposition républicaine, menée par Gambetta. La dissolution renforce la majorité républicaine en 1877, et l’élection du Président Jules Grévy en 1879 marque la victoire de la conception moniste de la Troisième République. Grévy s’engage à ne pas entrer en conflit avec la volonté parlementaire, instaurant une tradition de subordination de l’exécutif à la représentation nationale.

Ce système se maintiendra jusqu’en 1940, et cette Troisième République deviendra le régime le plus stable de l’histoire française malgré des périodes d’instabilité ministérielle et des crises successives.

Chronologie des présidents sous la Troisième République :

  • Adolphe Thiers (1871-1873)
  • Patrice de Mac-Mahon (1873-1879)
  • Jules Grévy (1879-1887)
  • Sadi Carnot (1887-1894)
  • Jean Casimir-Périer (1894-1895)
  • Félix Faure (1895-1899)
  • Émile Loubet (1899-1906)
  • Armand Fallières (1906-1913)
  • Raymond Poincaré (1913-1920)
  • Paul Deschanel (1920)
  • Alexandre Millerand (1920-1924)
  • Gaston Doumergue (1924-1931)
  • Paul Doumer (1931-1932)
  • Albert Lebrun (1932-1940)

Régimes de transition :

  • L’État français sous Philippe Pétain (1940-1944)
  • Gouvernement provisoire dirigé par Charles de Gaulle (1944-1946), puis par Félix Gouin et Georges Bidault.

La Quatrième République :

  • Vincent Auriol (1947-1954)
  • René Coty (1954-1958)

La Quatrième République, marquée par un système parlementaire plus instable, sera finalement remplacée par la Cinquième République en 1958, sous l’impulsion de de Gaulle, après la crise de l’Algérie.

1875-1958  L’avènement de la République.

Sous la Troisième République (1875-1940), la France voit l’avènement de nombreuses libertés fondamentales et la consolidation de la démocratie parlementaire, marquant ce que l’on appelle « l’âge d’or des libertés ».

  • Libertés fondamentales : Plusieurs lois majeures étendent les droits collectifs, dont :
    • Liberté de presse (1881)
    • Instruction gratuite, laïque et obligatoire (loi Ferry, 1884)
    • Liberté d’association (1901)
    • Séparation de l’Église et de l’État (loi de 1905).

Malgré ces avancées, la Troisième République reste marquée par une instabilité gouvernementale. En effet, le système parlementaire, influencé par les lois de 1875, crée un exécutif dépendant du Parlement, notamment de la Chambre des députés. Le Président de la République possède peu de pouvoir pour stabiliser le gouvernement. Le recours à la dissolution est également restreint, étant perçu avec méfiance depuis la tentative de Mac-Mahon en 1877.

La situation devient plus complexe dans l’entre-deux-guerres, notamment en raison des conséquences de la Première Guerre mondiale, des crises économiques et de l’essor de divers mouvements politiques, dont le Cartel des gauches (1924) et le Front populaire (1936). L’instabilité persiste et atteint son paroxysme lors de la Seconde Guerre mondiale.

  • Défaite et régime de Vichy : Après l’invasion de l’Allemagne, la France signe l’armistice le 17 juin 1940. Le 10 juillet 1940, l’Assemblée accorde les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, inaugurant le régime de Vichy, qui collabore avec les autorités allemandes. Ce régime dictatorial adopte des mesures antisémites et réprime violemment les opposants.

  • Résistance et la France Libre : Pendant ce temps, le général de Gaulle organise la résistance depuis Londres avec les Forces françaises libres (FFL). En 1942, un gouvernement provisoire est formé à Alger avec de nouvelles institutions (Assemblée consultative et Gouvernement provisoire de la République française).

Après la libération de Paris en août 1944, De Gaulle affirme la continuité républicaine. Le 9 août 1944, une ordonnance rétablit officiellement la légitimité républicaine : « La forme du gouvernement de la France est et demeure la République. En droit, celle-ci n’a pas cessé d’exister. »

Les premières élections depuis la guerre, organisées le 21 octobre 1945, marquent la fin officielle de la Troisième République et la création d’une Assemblée constituante pour rédiger une nouvelle constitution.


La Quatrième République.

La Quatrième République est fondée après la Seconde Guerre mondiale avec l’adoption de sa Constitution le 13 octobre 1946, promulguée le 27 octobre dans une indifférence générale. Cette Constitution cherche à renforcer la démocratie parlementaire, mais elle hérite des faiblesses de la Troisième République, ce qui la rend instable dès le départ.

  • Interdiction de délégation du pouvoir législatif : l’article 13 empêche le gouvernement de déléguer son pouvoir législatif, renforçant le rôle du Parlement et subordonnant l’exécutif à l’Assemblée. En 1947, le Président du Conseil Paul Ramadier démissionne après un vote défavorable, créant un précédent qui fragilise encore davantage les gouvernements suivants. La durée moyenne des gouvernements ne dépasse pas six mois.

  • Tensions politiques internes : Les conflits entre les communistes et les gaullistes se multiplient, menant à une instabilité chronique. Malgré quelques réformes, les nombreuses coalitions parlementaires rendent l’exécutif faible, limitant son efficacité face aux enjeux de l’époque (personnalités politiques influentes : Pleven, Mitterrand, Chaban-Delmas).

  • En 1954, Pierre Mendès France devient Président du Conseil, résolu à mettre fin à la guerre d’Indochine. Les accords de Genève sont signés en un mois, renforçant sa popularité. Mais sa position sur la Communauté européenne de défense le fait chuter en février 1955. Son successeur, Edgar Faure, dissout l’Assemblée pour organiser des élections qui voient le retour du Front républicain.

  • Guy Mollet, chef de la SFIO, accède à la tête du gouvernement en 1956. Sa gestion de la crise algérienne – en particulier l’envoi de troupes et la signature de décrets attribuant des pouvoirs spéciaux à l’armée – exacerbe les divisions politiques. En dépit des tentatives de négociation, la guerre d’Algérie plonge le pays dans une crise profonde.

  • Crise de mai 1958 : Le 13 mai 1958, un soulèvement militaire en Algérie entraîne une crise politique majeure. Le général de Gaulle est rappelé, à condition de proposer une nouvelle Constitution. Le Parlement lui donne les pleins pouvoirs pour cette mission le 3 juin. Le 21 septembre 1958, le référendum approuve cette Constitution, promulguée le 4 octobre 1958 et ouvrant la voie à la Cinquième République.

Cette fin de la Quatrième République marque une transition vers un régime plus stable et un renforcement de l’exécutif sous la présidence du général de Gaulle.

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