La période de la Restauration et de la monarchie parlementaire illustre les tentatives de concilier autorité monarchique et libertés constitutionnelles. Si la monarchie limitée de 1814-1830 amorce des réformes, elle reste marquée par des tensions entre conservatisme et aspirations libérales. Avec la monarchie de Juillet, un véritable parlementarisme commence à émerger, mais l’absence de suffrage universel et les inégalités sociales précipitent la fin de la monarchie en 1848, ouvrant la voie à une nouvelle ère républicaine.
Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties : Le Consulat et l’Empire Le Directoire (1795 – 1799) La convention de 1793 et son échec constitutionnel De la Révolution à l’échec de la Constitution de 1791 De la Restauration à la Monarchie parlementaire (1814) Le Second Empire Le régime de la Troisième République Le régime politique de la IVème république et son héritage
On commence par un résumé de la période puis par une description des différentes périodes :
La période de la Restauration (1814-1830) est marquée par une tentative de concilier l’autorité monarchique et les aspirations libérales issues de la Révolution française. Elle se divise en deux phases principales : la monarchie limitée sous les Bourbons, de 1814 à 1830, et la monarchie parlementaire instaurée après la Révolution de Juillet 1830 sous Louis-Philippe Ier.
En avril 1814, après la défaite de Napoléon et son abdication, les puissances alliées imposent le retour des Bourbons. Le Sénat conservateur, composé des dignitaires napoléoniens et dirigé par des figures comme Talleyrand, joue un rôle clé dans cette transition. Le Sénat, cherchant à préserver ses privilèges, promeut une monarchie qui combine :
L’adresse du 4 avril 1814, émise par le gouvernement provisoire, insiste sur cette double nécessité. Pour légitimer ce retour, le Sénat tente de donner l’impression que le peuple appelle volontairement Louis XVIII au trône, une stratégie destinée à ménager les différentes sensibilités politiques.
La Charte de 1814, octroyée par Louis XVIII, rétablit la monarchie tout en reconnaissant certains principes libéraux :
Un roi aux pouvoirs prépondérants :
Un système représentatif censitaire :
Des libertés garanties :
Bien que dominée par l’autorité royale, cette Charte introduit des mécanismes institutionnels susceptibles de faire évoluer la monarchie vers un régime plus parlementaire.
La Restauration est marquée par des affrontements constants entre différentes factions :
Ces tensions s’accentuent sous le règne de Charles X (1824-1830), plus autoritaire que son frère Louis XVIII, et favorable aux ultras.
Malgré l’absence formelle de responsabilité politique des ministres devant les Chambres, des pratiques pré-parlementaires se développent :
Les tensions atteignent leur paroxysme sous Charles X. En juillet 1830, il publie les ordonnances du 25 juillet, qui :
Ces mesures provoquent les Trois Glorieuses (27-29 juillet 1830), une insurrection à Paris. Charles X abdique le 2 août et s’exile. Le pouvoir passe à Louis-Philippe, duc d’Orléans, chef de la branche cadette des Bourbons.
La Charte de 1814 est modifiée en 1830 pour renforcer les institutions parlementaires :
La monarchie de Juillet amorce une transition vers un régime parlementaire :
Double confiance :
Droit de dissolution :
Un suffrage élargi, mais censitaire :
Malgré ses avancées institutionnelles, la monarchie de Juillet échoue à répondre aux attentes populaires :
En février 1848, l’interdiction d’un banquet à Paris déclenche des émeutes, conduisant à l’abdication de Louis-Philippe et à la proclamation de la Deuxième République.
La période 1814-1815 est marquée par de profondes incertitudes politiques en France, entre le rétablissement de la monarchie des Bourbons, la tentative de restauration impériale de Napoléon, et les premières expérimentations d’une monarchie limitée. Cette transition met en lumière des débats fondamentaux sur la légitimité politique et l’équilibre entre autorité royale et aspirations libérales issues de la Révolution française.
En avril 1814, le Sénat conservateur, sous la pression des puissances étrangères, proclame la déchéance de Napoléon Bonaparte et invite Louis XVIII, frère de Louis XVI, à monter sur le trône. Ce retour des Bourbons repose sur l’idée de réconcilier autorité monarchique et libertés issues de la Révolution, dans un contexte où la France aspire à la stabilité après les guerres napoléoniennes.
Louis XVIII, bien qu’attaché à la monarchie traditionnelle, comprend qu’il ne peut ignorer les acquis révolutionnaires. Il rejette cependant la Constitution sénatoriale du 6 avril 1814, proposée par le Sénat, car elle prévoyait un roi dont le pouvoir aurait été limité par des chambres législatives influentes. Louis XVIII affirme que sa légitimité vient de Dieu et non du peuple : il ne peut accepter une souveraineté populaire qui réduirait son autorité.
Pour apaiser les tensions, Louis XVIII accorde la Charte constitutionnelle du 4 juin 1814, rédigée par une commission qu’il nomme lui-même. Ce texte, souvent considéré comme un compromis, réaffirme l’autorité royale tout en intégrant certains principes libéraux.
Une souveraineté partagée en apparence, mais dominée par le roi :
Une représentation élitiste :
Une absence de responsabilité politique :
Des libertés garanties :
Bien que dominée par l’autorité royale, la Charte introduit des structures susceptibles d’évoluer vers une monarchie plus libérale. Cependant, la restauration des Bourbons reste fragile, et dès mars 1815, Napoléon revient pour tenter de reprendre le pouvoir.
En mars 1815, Napoléon débarque à Golfe-Juan et, dans une marche triomphale, regagne Paris sans rencontrer de véritable résistance. Louis XVIII s’exile à nouveau, tandis que Napoléon réinstalle son gouvernement. Cependant, conscient que son retour ne peut s’appuyer uniquement sur une autorité militaire, il cherche à moderniser son régime en le rapprochant des idéaux libéraux.
Pour séduire les libéraux et les modérés, Napoléon accepte de promulguer un texte rédigé par Benjamin Constant, l’Acte additionnel aux constitutions de l’Empire.
Malgré cette tentative de modernisation, le régime napoléonien est rapidement confronté aux coalitions européennes. Après sa défaite à Waterloo le 18 juin 1815, Napoléon abdique le 22 juin en faveur de son fils. Cette abdication est ignorée par les puissances étrangères, qui imposent le retour des Bourbons.
Le 6 juillet 1815, Louis XVIII fait son retour à Paris, sous la protection des armées étrangères. Il rétablit immédiatement la Charte du 4 juin 1814, suspendue pendant les Cent-Jours. Ce texte, désormais consolidé, devient la base du régime pour les 16 années suivantes, inaugurant une période de monarchie limitée.
La seconde Restauration se caractérise par des conflits récurrents entre les différentes factions politiques :
Les hésitations de cette période illustrent les tensions entre plusieurs légitimités :
Si la Charte de 1814 amorce une transition vers une monarchie limitée, elle reste profondément conservatrice, ce qui génère des tensions sociales et politiques. Ces hésitations entre autorité et liberté marquent les débuts de la monarchie constitutionnelle en France et préfigurent les évolutions vers une monarchie parlementaire, qui se consolideront sous la monarchie de Juillet.
La monarchie limitée instaurée par la Charte de 1814, puis modifiée en 1830, constitue une tentative de concilier le pouvoir monarchique traditionnel avec les aspirations libérales issues de la Révolution française. Bien qu’elle s’éloigne du régime parlementaire à proprement parler, cette monarchie amorce une évolution vers un système où le pouvoir royal doit composer avec des institutions représentatives. Ce compromis, fragile et souvent contesté, débouche sur des tensions politiques qui culminent avec la Révolution de 1830.
La Charte de 1814 est instaurée après la chute de Napoléon et le retour des Bourbons sur le trône de France. Louis XVIII, frère de Louis XVI, monte sur le trône et tente d’instaurer un équilibre entre l’autorité monarchique et les acquis révolutionnaires :
Un roi aux pouvoirs importants :
Deux chambres législatives :
Une reconnaissance des droits individuels :
Les premières années de la Restauration sont marquées par la domination des ultras, partisans de l’Ancien Régime, dans les institutions :
La loi électorale de 1820, instituant le double vote, renforce le pouvoir des élites les plus riches :
Bien que la responsabilité des ministres devant les Chambres ne soit pas prévue par la Charte, des pratiques émergent, amorçant une évolution vers un régime parlementaire :
Le roi utilise fréquemment son droit de dissolution pour surmonter les blocages parlementaires :
En juillet 1830, Charles X émet des ordonnances restreignant la liberté de la presse, modifiant le droit électoral et dissolvant à nouveau la Chambre des députés. Ces mesures, perçues comme un coup de force contre la Charte, déclenchent une insurrection à Paris :
La Charte de 1814 est révisée pour renforcer le rôle des institutions représentatives :
Le régime évolue vers un parlementarisme dualiste, où le gouvernement doit bénéficier de la confiance à la fois du roi et des Chambres. Cependant, Louis-Philippe conserve une influence importante, freinant l’évolution vers un régime pleinement parlementaire.
La monarchie limitée de la Restauration et de la monarchie de Juillet reflète une tentative d’équilibre entre le pouvoir royal et les aspirations libérales. Cependant, elle souffre de contradictions internes :
L’échec de ces tentatives monarchiques, culminant avec la Révolution de 1830, marque une rupture décisive. Avec l’instauration de la Deuxième République en 1848, la France amorce une trajectoire politique où la monarchie perd définitivement sa place centrale au profit de régimes républicains et parlementaires.
La monarchie de Juillet, ou monarchie orléaniste, occupe une place particulière dans l’histoire de France. Qualifiée de monarchie bourgeoise, elle représente une tentative de compromis entre deux légitimités : celle du roi, symbole d’autorité traditionnelle, et celle de la nation, incarnée par le Parlement. Cette période témoigne d’un effort pour concilier monarchie et régime parlementaire, mais elle reste marquée par des tensions structurelles qui mèneront à sa chute en février 1848.
La monarchie de Juillet naît après les Trois Glorieuses (27-29 juillet 1830), insurrection contre les excès absolutistes de Charles X. Contrairement à la Charte de 1814, octroyée par Louis XVIII, celle de 1830 est présentée comme un compromis :
Le texte de 1830 établit un équilibre où le roi règne mais partage son pouvoir avec une assemblée élue. Louis-Philippe Ier, issu de la branche cadette des Bourbons, devient roi des Français et non roi de France, soulignant une légitimité nationale plutôt que dynastique.
La monarchie orléaniste s’inspire des principes de Montesquieu, avec une stricte séparation des pouvoirs :
Bien que la responsabilité politique du gouvernement devant les chambres ne soit pas explicitement consacrée, elle commence à se pratiquer. Les ministres qui perdent la confiance de la majorité parlementaire démissionnent souvent, amorçant une évolution vers un parlementarisme dualiste, où le ministère doit bénéficier de la double confiance du roi et de la chambre.
La loi électorale du 19 avril 1831 modifie le système censitaire en abaissant le montant du cens :
Ces réformes doublent le corps électoral, passant de 166 000 électeurs en 1830 à 240 000 en 1848. Cependant, ce suffrage reste très restreint, excluant la majorité de la population et renforçant le caractère bourgeois du régime.
La monarchie de Juillet est marquée par un affrontement récurrent entre le roi et la Chambre des députés.
Ces visions opposées se résument dans deux formules célèbres :
Les tensions entre le roi et les chambres entraînent une forte instabilité gouvernementale. Entre 1830 et 1840, pas moins de 15 ministères se succèdent. Cette instabilité reflète à la fois l’absence de majorité parlementaire solide et la volonté de Louis-Philippe d’imposer des ministres qui lui sont fidèles.
Cependant, l’instabilité diminue à partir de 1840, avec l’arrivée au pouvoir de François Guizot, principal ministre qui bénéficie de la double confiance du roi et de la majorité conservatrice à la Chambre des députés.
Le roi dispose du droit de dissolution, qu’il utilise six fois pendant la monarchie de Juillet. Contrairement à Charles X, qui dissolvait les chambres pour tenter de changer la majorité, Louis-Philippe s’en sert dans une logique plus proche du parlementarisme britannique, cherchant à renouveler ou consolider la majorité existante.
Le ministère, constitué des ministres nommés par le roi, joue un rôle de médiateur entre le roi et les chambres. Il doit bénéficier de la double confiance pour maintenir la stabilité du régime. Cette double exigence, caractéristique du parlementarisme dualiste, reflète un équilibre entre le pouvoir royal et le pouvoir parlementaire.
Malgré une certaine stabilité à partir de 1840, le régime fait face à une opposition croissante, alimentée par plusieurs facteurs :
L’interdiction d’un banquet dans le 12ᵉ arrondissement de Paris en février 1848 déclenche une série de manifestations et d’émeutes.
La monarchie de Juillet s’effondre sans véritable résistance, marquant la fin de la dernière tentative de monarchie parlementaire en France.
La monarchie de Juillet représente une tentative ambitieuse mais fragile de compromis entre monarchie et régime parlementaire. Bien qu’elle amorce une évolution vers le parlementarisme, ses contradictions internes et son incapacité à répondre aux attentes populaires précipitent sa chute.
En définitive, cet échec renforce l’idée que la France doit chercher un régime politique durable en dehors de la monarchie. En février 1848, l’instauration de la Deuxième République marque une rupture définitive avec les tentatives de concilier royauté et souveraineté nationale.
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