LA PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE

La période révolutionnaire, marquée par la chute de l’Ancien Régime et la naissance de nouvelles institutions, constitue un moment décisif dans l’histoire de la France et dans l’affirmation des droits fondamentaux. À travers des transformations radicales, cette période refonde l’organisation politique et sociale autour des principes de liberté, d’égalité et de souveraineté nationale.

Les débuts : l’héritage de l’Ancien Régime et la convocation des États généraux

La Révolution française débute sur fond de crise économique et sociale sous l’Ancien Régime. Le roi Louis XVI, monarque absolu de droit divin, gouverne sans l’avis de corps représentatifs. Face aux difficultés croissantes, il décide de convoquer les États généraux, une institution de représentation des trois ordres : la noblesse, le clergé et le tiers état.

Le 5 mai 1789, les représentants élus de ces trois ordres se réunissent à Versailles. Très vite, le tiers état, représentant plus de 80 % de la population, exige une reconnaissance de son rôle prépondérant. Lorsque les autres ordres refusent cette demande, le tiers état se proclame Assemblée nationale le 17 juin 1789, affirmant qu’il représente la souveraineté du peuple. Quelques semaines plus tard, le 9 juillet 1789, cette Assemblée se transforme en Assemblée constituante, s’octroyant le droit de rédiger une Constitution, une initiative qui dépasse largement son mandat initial.

La prise de la Bastille : le soutien populaire

Ce bouleversement politique s’appuie sur un large soutien populaire, notamment des Parisiens. L’événement symbolique de cette mobilisation est la prise de la Bastille le 14 juillet 1789, qui incarne la volonté du peuple d’appuyer les revendications du tiers état et de contester l’autorité monarchique. Ce moment marque le début de la Révolution institutionnelle et la fin de la légitimité absolue du roi.

 

La déclaration des droits de l’homme

L’une des premières grandes réalisations de l’Assemblée constituante est l’adoption de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) en août 1789. Prévue comme préambule à une future Constitution, la DDHC établit les principes fondamentaux du nouveau régime, en affirmant les droits naturels et imprescriptibles des individus.

Principes centraux de la DDHC

  1. La liberté :

    • Définie comme un droit naturel, la liberté est proclamée dès l’article premier : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. »
    • Elle inclut notamment la liberté de conscience et de religion (article 10) et la liberté individuelle, protégée par la garantie contre les arrestations arbitraires.
  2. L’égalité :

    • L’égalité, bien que formellement affirmée, est limitée dans son application. Elle se concentre sur l’idée que la loi est la même pour tous, sans privilèges de naissance.
    • Cependant, des distinctions comme celle entre citoyens actifs (ceux qui payent un cens et peuvent voter) et citoyens passifs (exclus des droits politiques) montrent que cette égalité reste imparfaite.
  3. La propriété :

    • Considérée comme un droit naturel sacré, la propriété est proclamée inviolable à l’article 17. Elle reflète le caractère bourgeois de la Révolution, dans une France où la protection de la propriété devient une priorité législative.
  4. La résistance à l’oppression :

    • L’article 2 évoque ce droit comme un fondement de l’association politique, soulignant le devoir du peuple de lutter contre un pouvoir tyrannique.

5. La souveraineté nationale et l’organisation politique

    • La DDHC affirme que la source de tout pouvoir réside dans la nation, et non dans une autorité divine ou monarchique. Ce principe fonde la légitimité de la loi, définie comme l’expression de la volonté générale (article 6). Les principes de la séparation des pouvoirs, inspirés par Montesquieu, sont également mis en avant pour garantir un équilibre institutionnel (article 16).

L’impact et les limites de la DDHC

Une influence intellectuelle immense

La DDHC s’inspire des philosophes des Lumières et des déclarations américaines, notamment celle d’indépendance de 1776. Elle devient rapidement une référence universelle pour les mouvements libéraux et révolutionnaires à travers le monde.

Une portée juridique limitée à l’origine

Sur le plan constitutionnel, la DDHC est adoptée en août 1789 comme préambule à la Constitution de 1791, mais sa portée juridique reste floue pendant longtemps.

  • Sous la Troisième République, les juristes la considèrent davantage comme une déclaration d’intentions qu’un texte juridiquement contraignant.
  • L’absence de contrôle de constitutionnalité empêche d’invoquer la DDHC devant les tribunaux pour contester une loi.

La reconnaissance tardive de sa valeur juridique

Ce n’est qu’avec la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971, concernant la liberté d’association, que la DDHC acquiert une pleine valeur juridique en France. Cette décision affirme la force normative des principes proclamés dans la Déclaration, marquant une évolution majeure dans leur effectivité.

 

La constitution de 1791

La Constitution de 1791, première tentative de mise en place d’un régime parlementaire en France, est un texte ambitieux mais rapidement mis en échec par les tensions entre le roi et l’Assemblée. Adoptée après deux ans de débats intenses, elle établit une monarchie constitutionnelle marquée par une stricte séparation des pouvoirs. Cependant, son application révèle des contradictions internes et une instabilité institutionnelle qui conduiront à sa chute moins d’un an après sa promulgation.

Une monarchie constitutionnelle inspirée de Montesquieu et des idées révolutionnaires

La Constitution de 1791 instaure une monarchie constitutionnelle, mais différente du modèle britannique qui s’imposait à l’époque comme une référence parlementaire. En effet, si l’Angleterre évoluait vers un système de responsabilité politique (comme l’illustre la démission de Lord North en 1782), la France opte pour une application stricte de la séparation des pouvoirs inspirée par Montesquieu.

  1. Le roi : chef de l’exécutif mais limité par le législatif

    • Le roi conserve d’importants pouvoirs exécutifs, notamment la nomination des ministres et des hauts fonctionnaires, ainsi que le commandement des forces armées.
    • Il dispose d’un veto suspensif sur les lois votées par l’Assemblée, ce qui lui permet de bloquer temporairement leur application.
  2. Une Assemblée unique, autonome et dominante

    • L’idée d’une assemblée unique est fondée sur le principe de l’unité de la nation : « La nation étant une, la représentation doit être une » (Rabaut Saint-Étienne).
    • Cette Assemblée nationale législative est souveraine pour proposer et voter les lois. Elle ne peut être dissoute par le roi, garantissant son indépendance face à l’exécutif.
    • Cependant, l’absence de seconde chambre (comme une chambre haute représentant l’aristocratie ou les régions) affaiblit les mécanismes de contrôle interne.
  3. Un système électoral censitaire

    • Le droit de vote est réservé aux citoyens actifs, c’est-à-dire ceux qui paient un certain niveau d’impôt (cens).
    • Ce système exclut environ 3 millions de citoyens pauvres (réputés « citoyens passifs ») ainsi que les femmes.
    • Les élections se font à deux degrés : les citoyens actifs élisent des grands électeurs, qui à leur tour choisissent les représentants à l’Assemblée nationale.

Une séparation stricte des pouvoirs

La Constitution repose sur une séparation nette entre l’exécutif (le roi et ses ministres) et le législatif (l’Assemblée).

  • Le roi n’a pas de pouvoir sur la composition de l’Assemblée, et cette dernière ne peut être dissoute.
  • Les ministres, nommés par le roi, ne sont pas responsables devant l’Assemblée, ce qui empêche un système parlementaire où le gouvernement pourrait être renversé par un vote de défiance.

Cependant, ce modèle d’équilibre des pouvoirs se heurte rapidement à la réalité des tensions politiques.

Conclusion, un héritage durable : La période révolutionnaire initie des transformations profondes, abolissant l’Ancien Régime et établissant des principes universels qui demeurent au cœur des démocraties modernes. La DDHC, tout en ayant mis du temps à trouver une effectivité juridique, reste un texte fondateur, affirmant des droits inaliénables qui influencent encore le droit contemporain.

 

L’échec de la législative

Cette Constitution, pensée comme une étape de transition vers un régime stable, échoue à répondre aux attentes révolutionnaires. Sa chute ouvre la voie à la convocation de la Convention nationale et à l’abolition de la monarchie, marquant une rupture définitive avec le système monarchique.

1) Les fragilités de la Constitution et les conflits institutionnels

La question du veto royal : un point de friction majeur

Le veto suspensif accordé au roi est conçu comme un contrepoids au pouvoir législatif. Cependant, dans la pratique, il devient un outil de conflit permanent entre Louis XVI et l’Assemblée.

  • Le roi utilise fréquemment son veto, notamment pour bloquer des lois jugées essentielles par l’Assemblée, comme celles concernant les réfractaires religieux ou les émigrés.
  • Cet usage systématique exaspère les députés et l’opinion publique, alimentant une méfiance croissante envers la monarchie.

Une Assemblée renouvelée mais divisée

Après l’adoption de la Constitution, des élections sont organisées en 1791 pour renouveler l’Assemblée nationale, conformément à la décision des constituants de ne pas être rééligibles.

  • L’Assemblée législative se divise en trois grandes factions :
    • Les Feuillants : conservateurs favorables à la monarchie constitutionnelle.
    • Les Jacobins : républicains radicaux et partisans d’une rupture totale avec le roi.
    • La Plaine : députés modérés et indécis, oscillant entre les deux camps.
  • Cette configuration rend l’Assemblée instable, avec des alliances fluctuantes selon les circonstances.

La montée des tensions populaires

La méfiance envers Louis XVI s’intensifie après l’épisode de la fuite à Varennes (juin 1791), où le roi tente de quitter la France pour rejoindre les troupes royalistes à l’étranger. Bien qu’il prête serment à la Constitution le 14 septembre 1791, son image est irrémédiablement ternie.

  • Les manifestations populaires contre le roi, notamment en juin et août 1792, témoignent de l’hostilité croissante envers la monarchie.
  • Les Jacobins, organisant des insurrections par l’intermédiaire de leurs clubs et sociétés de pensée, exacerbent les tensions.

2) La chute de la Constitution et l’échec de la monarchie constitutionnelle

L’insurrection du 10 août 1792

Face à une situation de plus en plus tendue, l’Assemblée décide de suspendre le roi le 10 août 1792 après l’assaut des Tuileries par les insurgés parisiens. Cette décision, qui n’est pas prévue par la Constitution, illustre l’incapacité des institutions à gérer les crises politiques.

  • Un Conseil exécutif provisoire est mis en place pour remplacer le roi.
  • Consciente que la Constitution de 1791 ne correspond plus à la nouvelle réalité politique, l’Assemblée convoque une Convention nationale pour rédiger un nouveau texte.

Une application de courte durée

Promulguée en septembre 1791, la Constitution de 1791 n’est jamais véritablement appliquée.

  • Son équilibre théorique des pouvoirs se transforme rapidement en une opposition frontale entre le roi et l’Assemblée.
  • La méfiance mutuelle, alimentée par des événements comme la fuite à Varennes et l’usage abusif du veto royal, rend impossible toute coopération institutionnelle.

Conclusion : La Constitution de 1791, première tentative de monarchie constitutionnelle en France, reflète les idéaux révolutionnaires de séparation des pouvoirs et de souveraineté nationale. Cependant, ses faiblesses structurelles, combinées à un contexte politique explosif, précipitent son échec.

  • En conférant d’importants pouvoirs au roi sans établir un véritable mécanisme de responsabilité, elle favorise les conflits entre l’exécutif et le législatif.
  • Le système électoral censitaire, en excluant une large partie de la population, alimente les frustrations sociales et politiques.

 

Isa Germain

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