Décentralisation et autres notions: autonomie, délégation, déconcentration

Décentralisation et les notions voisines : Dévolution, délégation, déconcentration, autonomie

D’une part on rencontre des usages différents et d’autre part, cette notion est concurrencée par d’autres.

1) Décentralisation

La Décentralisation  consiste à transférer les pouvoirs de décision de l’Etat vers d’autres personnes morales de droit public que sont les collectivités territoriales. Ces collectivités sont administrées par des autorités élues et sont soumises à un contrôle de légalité. Ces entités agissent selon un principe d’autonomie. Cela signifie que le contrôle de l’Etat est différent de celui qui est exercé dans le cadre de la déconcentration. Dans le cadre de la décentralisation, le contrôle de l’Etat n’est pas hiérarchique. Les collectivités territoriales sont là pour créer et gérer des services publics. Elles ne peuvent pas édicter des lois contrairement aux Etats Fédérés. Seul l’Etat a le pouvoir de légiférer. Ces collectivités territoriales sont soumises à un contrôle juridictionnel.
(=>un transfert du pouvoir)

1) Du point de vue juridique, par décentralisation territoriale, on entend l’exercice de pouvoirs publics définies par la loi par des autorités auxquels la loi aménage une certaine liberté de décision et qui seront soumis non pas à une autorité hiérarchique mais à une tutelle. La tutelle ne s’exerce que s’il est prévu et que dans le cadre de ce qui est prévu. Le sens moderne implique l’existence d’autorités élues dotées d’attributions effectives.

2) Il y a d’autres usages. Dans un sens très descriptif et matériel, on peut l’utiliser pour décrire les relations entre des autorités supérieures et des autorités subordonnées : on dira qu’au sein d’une organisation, on a un régime plus ou moins centralisé selon que les autorités intégrées à cette organisation dispose de pouvoirs par rapport au centre.
Dans ce sens, l’organisation d’une entreprise peut être qualifiée de plus ou moins décentralisée. On peut aussi dire qu’un Etat fédéral est plus ou moins décentralisé. On pourrait ainsi dire que la Suisse est un Etat fédéral plus décentralisé que l’Autriche.

3) Il y a enfin une troisième utilisation liée à la notion de gouvernance. Dans un rapport publié par le PNUD (Programme des Nations Unis pour le Développement) en 2002 et dans un ouvrage de Rondinelli et Cheema publié par la Banque mondiale en 2007, ce qui est envisagé c’est la gouvernance décentralisée. Les accords publics ne sont plus le fait des instituions publiques seulement. Elles doivent nouer des relations. Ceci concerne aussi bien le niveau national que le niveau local. La gouvernance décentralisée est une gouvernance dans laquelle l’Etat transfère certaines de ses attributions au profit de ses entités qui participent à cette gouvernance.


2) Dans cet esprit relèvent de la décentralisation, la délégation des pouvoirs à des organismes professionnels, à des ONG ou même la privatisation de certaines entreprises.
L’auteur distingue la décentralisation administrative (pouvoirs administratifs), budgétaire ou économique.
-> Marcou : c’est une présentation qui crée une confusion terrible. La gouvernance et la décentralisation ce n’est pas la même chose. La gouvernance est une notion très diffuse. Elle implique le constat ou la préconisation d’un partage du pouvoir entre les institutions publiques et des organisations privées. Cela exprime donc une relativisation du rôle des institutions publiques et donc aussi inévitablement de la démocratie politique. Le fonctionnement d’une entreprise ne repose pas sur une logique démocratique mais sur une logique économique. De même les associations sont l’expression d’une liberté mais ce n’est pas un mode d’organisation générale de la société.
S’agissant de la décentralisation à proprement parler, il y a un grand paradoxe à utiliser ce mot pour désigner la privatisation. Il n’y a pas de transfert de pouvoir au sens politique du terme. A fortiriori la privatisation est imposée à des collectivités locales et régionales.

3) Dévolution

Le mot dévolution a deux sens.

Il tire son origine de l’histoire anglaise et de la guerre avec l’Irlande. Le Royaume-Uni a d’abord tenté de maintenir l’Irlande dans le royaume en leur permettant de se gouverner eux-mêmes (home rule) : dévolution. En revanche, certaines matières leur échappaient (police, monnaie). Cette tentative n’a pas abouti mais a laissé derrière elle une notion qui est revenu à l’ordre du jour lorsque l’on a envisagé la création d’autonomie régionale. On a parlé à ce propos de dévolution.
Du point de vue du sens historique, ce n’est pas la même chose car la notion de décentralisation se situe dans l’ordre administratif. Elle ne comporte pas l’idée de transférer des pouvoirs législatifs voire judiciaires à des entités locales ou régionales.
En revanche le mot dévolution s’applique à tout transfert de pouvoirs. Rien n’est exclu : le transfert de pouvoirs législatif ou judiciaire. La seule limite, c’est la sécession.

Cependant, dans la littérature internationale contemporaine il est utilisé dans un sens beaucoup plus banal pour décrire le transfert de compétences à des autorités locales. Dévolution devient synonyme de décentralisation.


4) Déconcentration

Dans la littérature internationale, on ne peut pas traduire le mot déconcentration. Les échanges aidant, il se produit un phénomène inverse : le mot s’est anglicisé déconcentration.

D’une part, il y a existence d’une autorité de l’Etat au niveau local et d’autre part délégation.

Elle peut être alternative de la décentralisation. On parle de compétences délégués pour parler des cas dans lesquels une autorité locale va exercer au nom et pour le compte de l’Etat et sous son contrôle des compétences.


5) Autonomie et libre administration

Ces notions demandent à être définies. On examinera ensuite dans quels contextes elles sont utilisées.

En premier approche, le principe de libre administration c’est le principe en raison duquel un statut constitutionnel des collectivités locales est reconnu (article 72) : « Les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi ».

Si on se tourne vers la notion d’autonomie, sur le plan international, elle est définie par la Charte européenne de l’autonomie locale pour l’ensemble des collectivités locales des pays signataires. Elle signifie deux choses :
– les collectivités locales exercent librement et dans l’intérêt de leur population une part substantielle des affaires publiques
– cette gestion est assurée soit par l’intermédiaire de conseils élus soit au travers de procédures appropriées directement par la population

L’autonomie locale tel qu’elle est définie correspond à notion française de libre administration.

Par ailleurs, quand on regarde les autres Constitutions, dans la mesure où on trouve des dispositions concernant les collectivités locales, on trouve un vocabulaire qui n’est pas homogène et qui pose des problèmes de traduction et donc des problèmes conceptuels.
Par exemple, dans les Constitutions de l’Allemagne et de l’Autriche, on parle de selbstverwaltung que l’on traduit souvent par auto-administration. En revanche, il y a des pays dans lesquels les collectivités locales sont caractérisées par le recours au mot autonomie : c’est le cas en Espagne, en Italie, en Grèce, en Roumanie.

Si on revient à la France et que l’on se tourne vers l’article 74 issu de la révision de 2003, on trouve le mot autonomie mais avec un sens très différent. Il est question de celle des collectivités d’outre-mer qui sont dotées d’un statut d’autonomie par une loi organique. En fait, ce qu’on vise c’est le régime de la Polynésie Française et ceux de la Guyane et la Martinique qui comportent des pouvoirs supplémentaires.

Dans l’ordre juridique français, on voit coexister deux formes d’autonomie. L’une correspond au principe de libre administration et aux principes posées par la Charte européenne de l’autonomie locale et l’autre à une dimension plus large, politique, qui consiste en un élargissement des pouvoirs transférés.

Si on regarde la législation et le fonctionnement de l’administration dans les pays où la Constitution parle d’autonomie à propos des collectivités locales, il n’y a pas de différences substantielles avec les pays où la loi parle d’auto-administration ou de libre administration. L’autonomie dont il est question à propos des collectivités locales a certes une dimension politiques parce qu’il y a des élections mais les attributions exercées sont essentiellement de caractère administratif, il n’y a pas d’ambition ou de participation à la fonction législative.

Il faut donc se méfier des mots : la différence de terminologie ne s’accompagne pas forcément de différence substantielle de statut.
En outre, ce qu’on appelle autonomie est une notion relative.
 Si on regarde le sens étymologique, elle signifie « obéir aux normes que l’on se fixe à soi-même » mais ce sens n’exclut pas que ces normes s’inscrivent dans un ordre juridique plus large. C’est en ce sens que l’autonomie est nécessairement une notion qui est relative et donc le contenu dépend des dispositions constitutionnelles et législatives concrètes qui le détermine.

Au minimum, on pourra distinguer une autonomie politique, dans le sens où l’évoque le Tribunal constitutionnel espagnol (cf. supra), et les collectivités locales qui sont dotées d’un statut d’autonomie locale moins étendue, qui n’a pas de porté politique au sens de la Constitution espagnole.

On peut en dire tout autant de la Constitution italienne. Dans un arrêt de 2004, la Cour constitutionnelle a donné son interprétation du nouvel article 114 qui indique que la République se compose de l’Etat, des régions, des villes métropolitaines, des provinces et des communes et qui les met, au fond, tous sur un pied d’égalité dans cette énumération. La Cour rappelle que malgré cela, il y a bien une différence de statut puisqu’en ce qui concerne les régions, la Constitution détermine les compétences et leur donne le pouvoir de faire la loi, ce qui n’est pas le cas des autres autonomies reconnues.

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