La détermination du passif du débiteur
Le passif est constitué de toutes les dettes du débiteur. En réalité les créanciers qui ne relèvent pas de l’article L 622-17 du Code de commerce (les créanciers postérieurs privilégiés) sont assujettis à des démarches précises s’ils veulent participer à la distribution des fonds dans la cadre du plan de sauvegarde.
Ils doivent en effet déclarer leurs créances, lesquelles feront l’objet d’une vérification et d’une admission au passif. Indépendamment de cette démarche il faut réserver une part particulière aux créances salariales.
I- La déclaration de créance
C’est une étape importante dans une procédure collective dans la mesure où elle permet de recenser les créanciers et de vérifier la valeur respective de leur créance. Elle permet donc de fixer le passif et ce dans la perspective de la préparation du plan. Juridiquement, cette déclaration de créance s’apparente en une demande en justice en paiement dirigée contre le débiteur. La déclaration du juge commissaire qui va se prononcer sur la demande est revêtue de l’autorité de la chose jugée.
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A – Les créanciers soumis à déclaration
On se reporte à l’article L 622-24 alinéa 1 qui prévoit que tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture à l’exception des salariés, sont soumis à cette obligation de déclaration, de même pour les créanciers postérieurs qui ne vont pas bénéficier du privilège de l’article L622-17.
La loi ne distingue pas selon que la créance est chirographaire ou assortie d’une sureté. Toutefois, les créanciers titulaires d’une sureté publiée sont avertis personnellement de cette obligation de déclaration. Le délai de déclaration court alors à compter de la notification de cet avertissement.
L’obligation est également imposée aux créanciers du conjoint in bonis du débiteur, suite à une décision de la chambre commerciale du 14 mai 1996, elle retient qu’en vertu de l’article 1413 du Code civil les biens communs répondent du passif de chacun des époux. Par contre, cette obligation n’est pas imposée au créancier du conjoint marié sous la séparation de biens puisqu’on considère que les créanciers personnels du conjoint in bonis ne sont pas en concurrence avec les créanciers du débiteur.
La caution est admise à déclarer la créance qu’elle détient contre le débiteur principal et ce, même si le créancier a également déclaré sa créance. Il s’agit d’une déclaration préventive qui est une application de l’article 2309 Code civil qui énonce que la caution même avant d’avoir payé peut agir contre le débiteur pour être indemnisée par lui lorsqu’il a fait faillite.
Le 1er octobre 2013, la chambre commerciale s’est prononcée sur la possibilité pour la caution de déclarer sa créance en cas de présence de cofidéjusseurs, elle énonce que la caution poursuivie pour sa part et portion par ses autres cofidéjusseurs dispose après avoir payé le créancier d’un recours personnel contre le débiteur, par conséquent elle est admise à demander l’admission de sa créance de remboursement à concurrence du montant de son règlement.
Sont dispensées de déclaration, certaines catégories de créances antérieures telles que les créances alimentaires. La loi du 26 juillet 2005 avait fait échapper les créances alimentaires nées après le jugement d’ouverture à la formalité de déclaration des créances. L’ordonnance du 18 décembre 2008 a complété l’article L622-24 qui dispose in fine que les créances alimentaires ne sont pas soumises au principe de déclaration, peu importe qu’elles soient antérieures ou postérieures au jugement d’ouverture.
B – Le contenu de cette déclaration
Elle porte sur le montant de la créance du au jour du jugement d’ouverture avec indication par le créancier des sommes à échoir et la date de leur échéance. Les créanciers antérieurs doivent déclarer le montant principal de leur créance augmenté des intérêts échus au jour du jugement d’ouverture.
Les créanciers postérieurs non privilégiés déclarent le montant du à la date d’exigibilité. La déclaration précise le cas échéant la nature du privilège ou de la sureté dont la créance est éventuellement assortie (L622-25).
Les créances dont le montant n’est pas encore définitivement fixé sont déclarées à la procédure sur la base d’une évaluation. Il s’agira principalement des créances du trésor public et des organismes de la Sécurité sociale.
C – Le délai pour déclarer
1- Le délai de principe
Le délai pour déclarer les créances est de 2 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC. Cette déclaration est adressée au mandataire judiciaire, car c’est lui qui représente les créanciers.
Ce délai de principe être augmenté de 2 mois pour les créanciers domiciliés hors France métropolitaine quand la procédure concerne un débiteur situé en France métropolitaine.
L’article L 622-13 énonce que si l’administrateur n’use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou qu’il y met fin, l’inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts dont le montant doit être déclaré au passif. Dès lors ces déclarations complémentaires portant sur des indemnités de résiliation doivent être déclarées dans le délai d’1 mois à compter de la notification de la décision prononçant la résiliation.
2- L’information de certains créanciers d’avoir à déclarer leur créance
L’article L622-24 prévoit que les créanciers titulaires d’une sureté publiée (nantissement) ou d’un contrat publié (crédit bail) sont avertis personnellement d’avoir à déclarer leur créance. Le délai de déclaration de la créance ne court que du jour de la réception de l’avertissement.
Toutefois, la chambre commerciale, le 18 juin 2013 précise le créancier d’une sureté publiée qui a déclaré sa créance dans le délai de 2 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC ne peut encourir la forclusion. Peu importe qu’il ait été averti personnellement avec cette publication par le mandataire judiciaire.
3- Les créances postérieures non privilégiées
Ces créanciers postérieurs non éligibles au traitement préférentiels doivent déclarer leurs créances au passif, dans un délai aménagé, 2 mois à compter de l’exigibilité de la créance, (article L622-24 alinéa 5).
4- Le dépassement du délai
Les créanciers qui n’ont pas procédé à la déclaration de leurs créances dans le délai légal peuvent présenter au jugement d’ouverture une requête en relevé de forclusion dans le délai de 6 mois qui court à compter de la publication au BODACC du jugement d’ouverture.
Selon l’article L622-26, à défaut de déclaration, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et dividendes à moins que le juge commissaire ne les relève de leur forclusion s’ils établissent que leur défaillance n’est pas du à leur fait ou qu’elle est due à une omission volontaire du débiteur lors de l’établissement de la liste des créanciers.
Par exception, le délai est porté à un an pour les créanciers dans l’impossibilité de connaitre l’existence de leur créance avant l’expiration du délai de 6 mois, ce sera l’exemple du créancier qui ignore que la marchandise que lui a vendu le débiteur est atteinte d’un vice Commissaire aux caché.
A la lecture de cet article, on constate que le créancier dispose de deux motifs de relevé de forclusion :
– il peut d’abord démontrer que sa défaillance n’est pas du à son fait et qu’il ne pouvait pas connaitre l’existence de la procédure
– le créancier peut aussi invoquer le fait qu’il a été victime d’une omission volontaire du débiteur, qu’il n’a pas signalé son existence sur la liste qu’il doit remettre au mandataire judiciaire.
Cette hypothèse a été ajoutée par la loi du 26 juillet 2005, elle sera difficile à mettre en œuvre car le créancier devra montrer le caractère volontaire de l’omission.
Dans ces hypothèses, le juge commissaire rendra une ordonnance qui relèvera de forclusion le créancier et lui permettra de déclarer sa créance au passif. Il peut aussi rendre une ordonnance qui refusera le relevé de forclusion, cette ordonnance sera notifiée au créancier et au débiteur et communiquée au mandataire, tous pourront former un recours devant le tribunal dans les 10 jours à compter de la notification ou de la communication.
5- La sanction du dépassement du délai de déclaration
L’apport essentiel de la loi du 26 juillet 2005 est d’avoir modifié la règle jusqu’alors retenue en droit des procédures collectives concernant les conséquences de l’absence de déclaration de la créance.
Sous l’empire de la loi de 1985, en l’absence de déclaration de la créance, celle ci était purement et simplement éteinte. Le créancier était par ailleurs irrecevable à reprendre ses poursuites après la clôture de la procédure.
L’article L 622-26 alinéa 2 réformé par l’ordonnance de 2008, les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur. La créance n’est plus éteinte et l’absence de déclaration a seulement pour effet de priver le créancier des distributions prévues par le plan de sauvegarde. Le créancier conserve en théorie une chance minime de recouvrer sa créance.
La suppression du principe d’extinction des créances non déclarées qui avantage les créanciers négligents a également de lourdes conséquences pour les cautions qui garantissent la dette du débiteur faisant l’objet d’une procédure collective. En effet, la caution ne peut invoquer l’ouverture de la procédure au titre des exceptions qu’elle pourrait opposer au créancier.
Auparavant, l’extinction de la créance liée à sa non déclaration avait pour conséquence de libérer la caution ce qui en pratique était illogique car c’est au moment où le débiteur était défaillant que le créancier devait précisément pouvoir actionner la caution.
La règle avait donc été critiquée et faisait l’objet d’une application jurisprudentielle très restrictive car la chambre commerciale avait refusé de l’appliquer au codébiteur solidaire, avec la réforme de 2005, la caution ne se trouve plus libérée si le créancier omet de déclarer sa créance.
L’ordonnance de 2008 a ajouté un alinéa à l’article L 622-26 aux termes duquel pendant l’exécution du plan, les créances non déclarées sont également imposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sureté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.
Pour conclure, il découle de ce principe que les créances non déclarées dans les délais sont inopposables au débiteur pendant l’exécution du plan et après cette exécution quand les engagements énoncés dans le plan ont été tenus. L’exécution du plan par le débiteur le libèrera à l’égard du créancier négligeant. Si le plan n’est pas correctement exécuté, le créancier dont la créance n’est pas éteinte pourra s’en prévaloir à nouveau.
II- La vérification de la créance déclarée
L’article L 624-1 prévoit que dans le délai fixé par le tribunal, le mandataire judiciaire établit après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d’admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente. Il transmet cette liste au juge commissaire.
La vérification des créances incombe donc au mandataire qui reçoit l’assistance du débiteur voire le contrôleur. La vérification consiste à vérifier le bien fondé des créances et la qualité du déclarant. Cette vérification est enfermée par le tribunal par un délai fixé lors de l’ouverture de la procédure.
A partir du moment où la créance est vérifiée, le débiteur ou le mandataire judiciaire peut la contester. Le mandataire doit alors avertir par LRAR le créancier que sa créance est contestée, en explicitant le motif de la contestation et le délai impartie aux créanciers pour répondre à la contestation. Si le créancier répond à la contestation, le mandataire a deux possibilités :
– il peut considérer que la réponse du créancier est satisfaisante, il abandonne sa contestation et le juge commissaire rend alors une ordonnance d’admission
- soit le mandataire maintient sa contestation, le greffe doit alors convoquer le créancier à une audience du juge commissaire, c’est l’audience des créanciers contestés. Si le juge commissaire rejette la créance, le créancier peut faire appel dans les 10 jours de l’ordonnance de rejet. Par contre, si le créancier ne répond pas à la contestation de la créance, dans un délai de 30j, le juge commissaire rendra une ordonnance soit d’admission, soit de rejet où le créancier n’aura plus de voie de recours.
III- La décision du JUGE COMMISSAIRE sur la créance déclarée
Selon l’article L 622-24, aux vues des propositions du mandataire judiciaire, le juge commissaire décide de l’admission ou du rejet de chaque créance déclarée. L’ensemble des décisions d’admission ou de rejet est répertoriée au greffe du tribunal afin de permettre à tous les intéressés d’en être informé.
Plusieurs hypothèses peuvent se présenter :
– le JUGE COMMISSAIRE peut admettre la créance, cette admission constitue une véritable décision de justice qui aura force de chose jugée après expiration des voies de recours.
– le JUGE COMMISSAIRE peut rejeter la créance, celle ci est alors éteinte. Si le juge commissaire admet les créances non contestées, il la porte sur l’état des créances et fait notifier sa décision aux créanciers. Ce dernier reçoit une lettre de certificat de créance. Un recours contre la décision au juge commissaire est ouvert au créancier, au débiteur, ou au mandataire judiciaire. Le délai est de 10j à compter de la notification de la décision, devant la Cour d’Appel.
L’O 2008 a rajouté un article L 624-3-1 au terme duquel les décisions d’admission ou rejet des créances prononcées par le juge commissaire sont portées sur un état porté au greffe du tribunal de sorte que tous les intéressés autres que les créanciers dont la créances est discutées peuvent porter une réclamation devant le juge commissaire.
IV- Le cas du passif salarial
Les salariés doivent être payés le plus rapidement possible en cas de défaillance de leur employeur, ne peuvent être payées que les créances salariales incluses après vérification dans un document spécifique, le relevé de créances salariales.
Cette vérification des créances salariales est réalisée par le mandataire judiciaire à partir des documents remis par les salariés ou par le débiteur. L’établissement des créances salariales doit se faire selon les délais de l’article L 3253-19 où 4 catégories de créances sont visées :
– les créances super privilégiées, le délai est de 10 jours à compter du jugement d’ouverture
– les autres créances dues à la date du jugement d’ouverture, 3 mois à compter du jugement d’ouverture
– 10 jours suivant l’expiration des périodes de garanties de l’AGS pour les créances de salaires dues au titre de la période d’observation
– 3 mois suivant l’expiration de la garante due par l’AGS pour les autres créances postérieures.
Le juge commissaire doit viser les relevés de créances salariales, et les salariés dont la créance est rejetée en tout ou en partie doivent être informés du montant des créances rejetées. Ils disposent de 2 mois pour saisir le Conseil de prud’hommes pour contester cette décision.
L’article L 625-6 énonce que toute personne intéressée peut également former une réclamation ou une tierce opposition, les parties visées sont le débiteur ou l’administrateur.