Déclin ou renouveau de l’autonomie de la volonté?

Le principe de l’autonomie de la volonté.

  • 1 : La théorie de l’autonomie de la volonté.

La pensée des auteurs du code Napoléon est imprégnée du libéralisme total lié à l’individualisme imprégnant la société. En application de la théorie du contrat social de Rousseau, la loi ne trouve le principe de sa force obligatoire que dans la volonté des sujets. Les individus sont entièrement libres de se lier par contrat sous le seul respect de l’ordre public et des bonnes mœurs (on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs: article 6 du Code civil).

Ils organisent comme ils le souhaitent leurs rapports contractuels ; le seul fait qu’ils ont voulu ce contrat veut qu’ils soient obligés de l’exécuter. On reconnaît à la volonté individuelle une puissance totale, c’est le siège unique de la force obligatoire du contrat, ce qui se traduit par trois stades :

– la liberté de contracter ou de ne pas contracter ;

– la liberté des formes du contrat ;

– la liberté du contenu du contrat.

Peu importe l’équilibre du contrat, si les parties ont voulu ce contrat, c’est qu’il répond à leurs intérêts. L’Etat n’a pas à se substituer aux contractants pour redresser un éventuel déséquilibre du contrat.

  • 2 : Le déclin de l’autonomie de la volonté.

A partir de la seconde moitié du XIXe siècle, la situation économique et sociale a montré l’injustice que pouvait engendrer un libéralisme sans contrainte et les excès de la liberté économique totale : l’égalité est illusoire dans la conclusion d’un contrat car il n’y a pas d’égalité économique, le plus fort économiquement dicte ses conditions, le plus faible passe par ces conditions (contrat d’adhésion).

Ce déclin de la théorie de l’autonomie de la volonté s’est traduit en jurisprudence : les tribunaux se sont toujours refusés de faire un sort particulier au contrat d’adhésion, il doit obéir au droit commun des contrats (Civ. 1, 19 janvier 1982, JCP 1984 II n° 20215). Les juridictions ont eu tendance à s’arroger un droit de regard sur le contenu du contrat, le juge a utilisé la marge de manœuvre dont il dispose pour interpréter le contrat.

En législation, un très important mouvement s’est produit dans les années ’70, le droit de la consommation est venu limiter l’autonomie de la volonté ; le droit du travail est de plus en plus un droit impératif ; le droit des assurances a été réglementé dans les années ’30.

La forme des contrats se trouve de plus en plus réglementée, on assiste à un formalisme croissant dont la finalité est la protection du contractant le plus faible. Le contenu même du contrat est de plus en plus dirigé par des dispositions impératives ; l’autorité publique vient de plus en plus compenser l’inégalité entre les parties, celui qui rédige un contrat se voit imposer un contrat type dont il ne peut sortir.

  • 3 : Un certain renouveau de l’autonomie de la volonté.

Après un interventionnisme étatique assez fort dans les années ’75-85, on arrive sans doute à une saturation de la réglementation, il y a une mode de déréglementation. Cela s’est traduit par un recul des lois impératives au profit de la liberté contractuelle, le mouvement est lié à l’évolution politique. Les atteintes très fortes portées à l’autonomie de la volonté n’ont jamais remis en cause ce principe, la grande majorité des contrats reste gouvernée par le principe de la liberté contractuelle. Il y a une intervention possible du juge relativement souple, qui repose sur de nouveaux principes d’égalité et d’équilibre contractuel.