La définition de l’activité agricole (L. 311-1 code rural)

La définition de l’activité agricole

Dès lors qu’on a un droit spécial, se pose le problème de délimitation de son champ d’application : question de la définition des activités agricoles. Quels sont les critères ?

Pendant longtemps, jusqu’en 1988, aucune définition légale de l’activité agricole n’existait. On considérait que l’activité agricole supposait une mise en valeur de la terre en vue d’une production végétale ou animale.

Avec la modernisation de l’agriculture, la délimitation de ce qui est agricole et ce qui ne l’est pas semble moins évidente. Cela conduit la jurisprudence à considérer que beaucoup de producteurs hors-sol n’avaient plus la qualité d’agriculteurs mais de commerçants. Dès lors qu’ils ne produisaient pas la nourriture pour leurs animaux, ils étaient considérés comme des commerçants de fait.

Le problème de qualification s’est accru avec le souci de diversification des agriculteurs : vente directe des produits, tourisme à la ferme (activité commerciale par nature).

La loi du 30 décembre 1988 donne une définition des activités agricoles et réaffirme que les activités agricoles ainsi définies ont un caractère civil.

Chapitre 1 – La définition rurale des activités agricoles par l’article L. 311-1 du code rural

« Ce sont réputés agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique animale ou végétal (…) ».

La loi du 18 novembre 1997 rajoute un alinéa et élargit encore le champ des activités agricoles avec les activités de cultures marines.

La loi du 23 février 2005 a encore élargi avec un troisième alinéa pour englober toutes les activités équestres.

La définition de ce fait plus désormais par référence à l’exploitation du sol, c’est une rupture. Le critère retenu est celui de la participation à un cycle biologique animale ou végétal. Cela a permis de réintégrer les productions hors sol.

C’est une définition légale qui élargit la sphère des activités considérées comme agricoles par relations.

Ces deux ajouts effectués après 1988 n’ont pas eu que des effets positifs et suscitent de nouveaux problèmes de définition, concernant particulièrement les activités équestres.

Section 1 – Les activités agricoles par nature

Concerne la première partie de la définition de l’article L. 311-1 « sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ».

Le critère central est celui du cycle biologique = développement de la vie, depuis son début (germination/conception) jusqu’au terme de ce cycle (maturité/mort).

Le critère de participation à un cycle biologique était déjà le critère retenu en matière fiscale.

On inclut dans l’activité agricole les formes les plus modernes de culture ou d’agriculture. On a supprimé la référence à un cycle biologique naturel : on inclut donc les OGM, l’insémination artificielle.

Toute intervention n’est cependant pas agricole. Il y a trois conditions pour classer une activité agricole :

le cycle biologique doit être animal ou végétal

l’intervention réalisée doit correspondre à une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement du cycle. Une seule étape suffit dès lors qu’elle est obligée. On peut cependant avoir un doute notamment pour les pépiniéristes ou encore les arboriculteurs qui acquièrent seulement des plans : aucune étape du cycle. Mais si ils se chargent de faire des boutures, il y a une participation au cycle.

l’agriculteur doit avoir la maîtrise et l’exploitation du cycle. Pour la maîtrise = les pouvoirs matériels et de décision concernant le sort de la plante ou de l’animal. Pour l’exploitation = exercer une véritable activité économique, professionnelle, qui implique la recherche d’un profit.

Section 2 – Les activités agricoles par relation

« (…) ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation ».

Sont visés essentiellement les activités de transformation et de commercialisation des produits agricoles ainsi que le tourisme à la ferme.

Pour le tourisme : cela a été confirmé lors de la loi du 14 avril 2006, reproduction de l’article L. 311-1 dans le code du tourisme.

Elles doivent être exercées par un exploitant agricole = un professionnel qui a une activité agricole par nature à la base.

La question est de savoir si les activités par relation doivent rester secondaires par rapport aux activités agricoles par nature ou bien prépondérantes.

Les avis divergents, il n’y a aucune référence à une proportion dans les textes. Pour certains on ne peut pas exclure que les tribunaux fassent application de la règle de l’accessoire.

Il y a donc deux catégories :

dans le prolongement de l’acte de production

ayant pour support l’exploitation

§1 – Les activités dans le prolongement de l’acte de production

Sont donc agricoles les activités de transformation, de conditionnement et de commercialisation dès lors qu’elles sont effectuées par un agriculteur qui se situe en aval du cycle biologique. Peu importe les techniques ou les procédés employés (transformer/vendre sa propre production).

Chambre sociale, 11 juillet 2002 : une SA qui achètent des oeufs pour les transformer n’a pas une activité agricole, Revue de droit rural 2002, p.538.

Il y a une tolérance néanmoins lorsque des achats extérieurs sont des éléments indispensables pour valoriser la production de l’exploitant.

Si les modes de commercialisation sont indifférents, si l’exploitant utilise des procédés élaborés, il y a de fortes chances pour qu’il soit déclaré commerçant de fait par les tribunaux.

§2 – Les activités ayant pour support l’exploitation

En 1988, le législateur n’entendait viser que les activités d’accueil et de tourisme à la ferme exercée en complément de l’activité.

Mais le terme est ambigu et peut englober d’autres activités. Tout dépend de la conception du terme exploitation. Mais là encore c’est un terme ambigu, il y a deux sens en droit rural :

support foncier = lieu géographique, dans ce cas cela concerne que les activités exercées sur le périmètre de son exploitation.

sens d’activité = dans ce cas concerne toutes les activités exercées grâce au matériel, aux produits de l’exploitation, même si elles se situent en dehors du périmètre géographique.

La jurisprudence qui était essentiellement sociale semblait s’orienter vers la deuxième conception, aussi privilégié par la doctrine. L’un des apports majeurs de l’article L. 311-1 est de rompre avec le caractère foncier.

Jusqu’à la loi du 17 janvier 2002 qui a modifié l’article L. 622-1 du code rural : le critère foncier est remis à l’honneur.

Chapitre 2 – La portée de la définition de l’article L. 311-1

Section 1 – La portée en droit privé

Premier apport majeur de l’article : la réaffirmation de la nature civile de l’activité agricole. Élargissement de la notion d’activité agricole. Il écarte donc le droit commercial.

Deuxième apport : la définition de l’article L. 311-1 est devenue le critère central de la définition de l’agriculteur. Il n’y a pas de définition légale de l’agriculteur. Ceci étant, la loi du 30 décembre 1988 a en même temps crée un registre de l’agriculture lequel devrait être tenu par les chambres d’agriculture et auquel devrait être immatriculé toute personne physique ou morale exerçant à titre habituel des activités réputées agricoles au sens de L. 311-1. Le registre n’a jamais été mis en place. Il reste purement théorique.

Définition de la jurisprudence : est agriculteur celui qui exerce une activité agricole au sens de L. 311-1. Cette activité doit en outre être exercée à titre de profession habituelle (activités organisées) et professionnelle (profit).

Concernant le titre personnel de l’activité = pour son propre compte.

Section 2 – La portée en droit interne

L’article L. 311-1 n’a qu’une valeur relative. Le législateur a laissé subsister les autres définitions de l’activité agricole en droit fiscal et en droit social.

§1 – En droit social

L’enjeu réside dans la filiation aux régimes sociaux spécifiques du secteur agricole.

La définition sociale est autonome et expressément affirmée par l’article L. 311-1. L’ordonnance du 8 septembre 2005 a ajouté un alinéa à cet article pour affirmer cette autonomie.

Domaine beaucoup plus large : le noyau commun + activités diverses qui ont une simple relation avec l’agriculture.

Exemple : pour le secteur des non-salariés agricoles, il s’étend à de nombreuses entreprises qui exercent leur activité au service de l’agriculture, comme les entreprises de travaux agricoles.

Exemple : pour le secteur des salariés agricoles, il s’étend à des emplois dont le rapport est parfois lointain avec l’activité agricole comme les garde-chasse, les enseignants de formation agricole…

§2 – En droit fiscal

L’enjeu réside pour le bénéfice de la fiscalité propre aux agriculteurs qui est plus favorable car il y a de nombreuses exonérations.

Activité agricole par nature : il faut une participation à un cycle biologique végétal ou animal. Elle relève du régime des bénéfices agricoles, exonération de la taxe professionnelle, de la taxe foncière sur les propriétés bâties affectées à l’usage agricole, de la taxe foncière non bâtie.

Activité agricole par relation : on peut basculer dans le champ du droit commercial (bénéfices industriels et commerciaux). Si l’exploitant utilise des méthodes commerciales, les activités sont imposables dans le cadre des BIC.

Revue de droit rural juin/juillet 2007, fiscalité du tourisme rural.

Section 3 – La portée en droit communautaire

Il s’agit de déterminer quelles sont les destinataires de la PAC. La définition de l’activité agricole et de l’agriculteur est abandonnée à chaque État membre.

En France, cela résulte donc que de l’article L. 311-1. Coïncidence qui n’est pas toujours parfaite : certains textes fournissent leurs propres critères pour déterminer leur propre champ d’application.

Dans certains cas il y a des textes qui aboutissent à exclure des professionnels qui sont pourtant agriculteurs au sens du droit interne.

Cela conduit aussi parfois à considérer comme agriculteur des personnes qui, au sens du droit français, ne le sont pas.

Mr ADAM, « Un nouvel effet de la PAC », Revue de droit rural 1996 p.465.